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20/06/2025 | LUXEMBOURG | N°48333,48334

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 juin 2025, 48333,48334


Tribunal administratif Nos 48333 et 48334 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48333+48334 5e chambre Inscrits le 29 décembre 2022 Audience publique du 20 juin 2025 Recours formés par la société à responsabilité limitée (AA) SARL, … contre des actes de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

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JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 48333 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 décembre

2022 par Maître Jean-Luc DASCOTTE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à ...

Tribunal administratif Nos 48333 et 48334 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48333+48334 5e chambre Inscrits le 29 décembre 2022 Audience publique du 20 juin 2025 Recours formés par la société à responsabilité limitée (AA) SARL, … contre des actes de l’administration des Contributions directes en matière d’impôt

___________________________________________________________________________

JUGEMENT

I.

Vu la requête inscrite sous le numéro 48333 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 décembre 2022 par Maître Jean-Luc DASCOTTE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro (1), représentée par son conseil de gérance actuellement en fonctions, tendant d’après le dispositif à voir « 1. Réformer, sinon annuler, la Décision du 4 novembre 2021 ; 2. Modifier le bulletin d’imposition du 14 juillet 2021 à l’impôt sur la fortune de l’exercice 2021 en exonérant la participation détenue dans (BB) sur base du § 60 BewG ; […] » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2023 ;

II.

Vu la requête inscrite sous le numéro 48334 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 décembre 2022 par Maître Jean-Luc DASCOTTE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société à responsabilité limitée (AA) SARL, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro (1), représentée par son conseil de gérance actuellement en fonctions, tendant à voir « 1. Réformer, sinon annuler, la Décision du 4 novembre 2021 ; 2. Modifier le bulletin d’imposition du 14 juillet 2021 à l’impôt sur la fortune de l’exercice 2021 en exonérant la participation détenue dans (BB) sur base du § 60 BewG ; […] » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 29 mars 2023 ;

I et II.

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes déférés ;

1Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 29 janvier 2025, Maître Jean-Luc DASCOTTE n’étant ni présent ni excusé.

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Le 2 juillet 2021, la société à responsabilité limitée (AA) SARL, ci-après désignée « la société (AA) », fit déposer sa déclaration pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités, portant sur l’exercice d’exploitation de l’année 2020 et la fortune d’exploitation au 1er janvier 2021.

Le 14 juillet 2021, le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2021 fut émis, sur le fondement du § 100a de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’égard de la société (AA). Il est constant en cause que ledit bulletin fut notifié à la société (AA) le 19 juillet 2021.

Par courrier électronique du 21 octobre 2021, le mandataire de la société (AA) contacta le bureau d’imposition …, ci-après désigné le « bureau d’imposition », concernant « [l]es bulletins d’imposition […] émis le 16 juillet 2021 ». Le mandataire exposa avoir « oublié de déduire le montant de la participation » détenue par la société (AA) dans une « société américaine pleinement imposable », et demanda au bureau d’imposition comment elle pourrait corriger son « erreur manifeste ».

Le même jour, le bureau d’imposition répondit par voie électronique au mandataire de la société (AA) en indiquant que « [l]es bulletins concernant l’imposition de la déclaration fiscale 2020 ont été émis le 14/07/2021 et ont été envoyé au siège de la société. Les voies de recours sont mentionnés au verso des bulletins ».

Toujours le 21 octobre 2021, le nouveau mandataire de la société (AA) fit suite à la réponse susvisée du bureau d’imposition en indiquant : « Effectivement le bulletin a été émis le 14 juillet 2021. Nous sommes bien conscients que nous avions 3 mois et trois jours ouvrables pour porter réclamation, ce qui nous amène au 19 octobre 2021. Nous avons donc effectivement deux jours de retard ». Elle demanda ensuite au bureau d’imposition s’il était possible de « transmettre une déclaration rectificative afin qu’un nouveau bulletin soit émis ».

Par courrier électronique du 4 novembre 2021, le bureau d’imposition … répondit au mandataire de la société (AA) que : « Il n’y a plus rien à faire, les bulletins sont coulés en force jugée ».

Le 15 novembre 2021, la société (AA) fit procéder au dépôt d’une déclaration rectificative, et le mandataire de la société (AA) écrivit au bureau d’imposition par voie électronique le même jour en indiquant : « […] Je comprends que le délai de 3 mois étant écoulé, vous n’êtes pas en mesure de modifié le bulletin de l’impôt sur la fortune au 01.01.2021.

Sachant que la déclaration initialement déposée comporte un erreur à la page 17 (Impôt sur la Fortune) par l’omission de l’exonération de la participation suivant le formulaire 506a déposé avec la déclaration. J’ai procédé ce jour au dépôt d’une déclaration rectificative afin de prendre en considération l’exonération de la participation pour la détermination de l’impôt sur la fortune au 01.01.2021 Etant donné que l’imposition a été établie suivant la déclaration initialement déposée (§100a AO) sous réserve d’un contrôle ultérieur, je vous demanderai de bien vouloir procéder à ce contrôle afin de pouvoir émettre une imposition de l’impôt sur la fortune au 01.01.2021 qui coïncide avec la réalité. […] ».

2 Par courrier électronique du 16 novembre 2021, le bureau d’imposition indiqua au mandataire de la société (AA) que « [l]es contrôles ultérieurs ne se font pas sur demande ».

Le 2 décembre 2021, le bureau d’imposition écrivit encore à la mandataire de la société (AA) par voie électronique en indiquant : « Suite à notre entretien téléphonique du 30 novembre 2021, je vous confirme que nous maintenons notre position sur ce dossier ».

Par courrier recommandé daté du 1er mars 2022, la société (AA) a fait introduire auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », un « recours hiérarchique fondé sur le paragraphe 46 Abgabenordnung, à l’encontre de la décision rendue par le Bureau d’Imposition … en date du 2 décembre 2021 ».

Par courrier daté du 2 mars 2022, l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par « l’administration », accusa la réception en ce jour de la « requête du 01/03/2022 », aussi dénommée la « réclamation du 01/03/2022 » dans le même courrier, en indiquant les voies de recours en cas de silence du directeur pendant plus de six mois après l’introduction « de votre réclamation ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2022, inscrite sous le numéro 48333 du rôle, la société (AA) a fait introduire un premier recours demandant au tribunal, d’après la page de couverture de la requête introductive d’instance, de « réformer, sinon annuler » le « bulletin d’impôt du 14 juillet 2021 à l’Impôt sur la Fortune, émis à [son] encontre » et, d’après le dispositif, de « 1. Réformer, sinon annuler, la Décision du 4 novembre 2021 ; 2. Modifier le bulletin d’imposition du 14 juillet 2021 à l’impôt sur la fortune de l’exercice 2021 en exonérant la participation détenue dans […] sur base du § 60 BewG ; […] ».

Par une requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2022, inscrite sous le numéro 48334 du rôle, la société (AA) a fait introduire un second recours demandant au tribunal, d’après la page de couverture de la requête introductive d’instance, de « réformer, sinon annuler » la « décision du Bureau d’Imposition … du 4 novembre 2021 relative à l’Impôt sur la Fortune de l’exercice 2021 » et, d’après le dispositif, de « 1. Réformer, sinon annuler, la Décision du 4 novembre 2021 ; 2. Modifier le bulletin d’imposition du 14 juillet 2021 à l’impôt sur la fortune de l’exercice 2021 en exonérant la participation détenue dans […] sur base du § 60 BewG ; […] ».

I) Quant à la jonction des recours inscrits sous les numéros 48333 et 48334 du rôle Dans le cadre de ses requêtes introductives d’instance, la société demanderesse sollicite la jonction entre les affaires introduites sous les numéros 48333 et 48334 du rôle.

Une jonction entre différentes affaires est susceptible d’être prononcée, dans le souci d’une bonne administration de la justice, dans l’hypothèse notamment où ces affaires concernent les mêmes parties et où elles ont trait au même objet1.

En l’espèce, les deux recours inscrits sous les numéros 48333 et 48334 du rôle ont été déposés pour le compte de la société (AA). Ils tendent certes à la réformation, respectivement 1 Trib. adm., 12 juin 2003, n° 15385 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 1034 et les autres références y citées.

3à l’annulation de deux actes distincts, l’un étant le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2021, l’autre la « décision » du bureau d’imposition qui serait, d’après la société demanderesse, contenue dans le courrier électronique du bureau d’imposition du 4 novembre 2021. Il n’en reste pas moins que l’objet des deux demandes sous-jacentes tend in fine à remettre en cause, en substance, l’imposition effectuée par l’administration à la suite de la déclaration pour l’impôt sur le revenu, l’impôt commercial et l’impôt sur la fortune des collectivités, portant sur l’exercice d’exploitation de l’année 2020 et la fortune d’exploitation au 1er janvier 2021.

Les deux recours contentieux sous examen présentent, dès lors, un lien suffisamment étroit pour qu’il soit statué à leur égard par un seul et même jugement.

Il y a, dès lors, lieu d’ordonner la jonction des recours sous examen inscrits sous les numéros 48333 et 48334 du rôle.

II) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité des recours Arguments et moyens des parties A titre principal et quant à la recevabilité des recours sous analyse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité libelli obscuri des recours au motif d’incohérences figurant dans les requêtes introductives d’instance en ce qui concerne l’objet des recours.

Quant au recours inscrit sous le numéro 48333 du rôle, il souligne, à titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où le recours sous analyse serait dirigé contre le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2021, qu’un tel recours serait à déclarer irrecevable omisso medio au motif que le bulletin en question n’aurait pas fait l’objet d’une réclamation auprès du directeur.

Le délégué du gouvernement estime que le recours serait encore à déclarer irrecevable alors qu’en vertu des §§ 213 et 232, alinéa (2) AO, il aurait incombé à la société demanderesse de contester le bulletin de l’établissement de la valeur unitaire de la fortune d’exploitation au 1er janvier 2021, mais que ce bulletin n’aurait pas fait l’objet d’une réclamation ni ne serait visé par le présent recours. Le délégué du gouvernement ajoute que le recours sous analyse serait en outre irrecevable au motif que le bulletin litigieux serait devenu définitif au regard de l’expiration du délai pour introduire une réclamation.

Quant au recours inscrit sous le numéro 48334 du rôle, il souligne, à titre subsidiaire, et dans l’hypothèse où le recours serait dirigé contre « le courriel du 4 novembre 2021 », qu’un tel recours serait à déclarer irrecevable omisso medio au motif que le « prétendu recours hiérarchique formel daté au 1er mars 2022 » formé par la société demanderesse aurait été dirigé contre une « décision rendue par le Bureau d’Imposition … en date du 2 décembre 2021 » et non contre le « courriel du 4 novembre 2021 ». Le délégué du gouvernement ajoute que le recours serait encore irrecevable, sur le fondement du § 237 AO et au regard du fait que l’acte attaqué ne constituerait pas un bulletin au sens de l’AO, à défaut d’une décision explicite du directeur. Le délégué du gouvernement souligne, ensuite, que l’acte visé par le recours sous analyse ne serait qu’une simple information et ne pourrait être qualifié de décision administrative susceptible de créer un grief dans le chef de la société demanderesse. Le délégué du gouvernement estime que l’irrecevabilité du recours sous analyse s’imposerait davantage au motif que l’« écoulement des délais » serait imputable à la société demanderesse, qui ne saurait partant s’en prévaloir, et au motif que la société demanderesse manquerait d’un intérêt à agir.

4 La société demanderesse n’a pas pris position par rapport aux moyens d’irrecevabilité soulevés par le délégué du gouvernement.

Analyse du tribunal A titre liminaire, et quant à l’objet des recours, le tribunal précise que la société demanderesse indique dans le cadre du dispositif, qui est identique à ses deux requêtes introductives d’instance, diriger ses deux recours, d’une part, contre la « Décision du 4 novembre 2021 » du bureau d’imposition, dont elle demande la réformation sinon l’annulation, et, d’autre part, contre « le bulletin d’imposition du 14 juillet 2021 à l’impôt sur la fortune de l’exercice 2021 », de sorte à laisser ainsi planer une incertitude sur les actes respectivement visés par les deux recours sous examen. Force est à cet égard au tribunal de constater que contrairement au libellé imprécis du dispositif des requêtes introductives d’instance, les motivations sous-tendant les requêtes respectives font ressortir sans équivoque l’intention de la société demanderesse de diriger son premier recours, inscrit sous le numéro 48333 du rôle, contre le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2021, émis le 14 juillet 2021 à son égard, et son second recours, inscrit sous le numéro 48334 du rôle, contre la « décision » du bureau d’imposition qui serait, d’après la société demanderesse, contenue dans le courrier électronique du 4 novembre 2021 envoyé par le bureau d’imposition au mandataire de la société demanderesse.

En effet, la requête introductive d’instance, inscrite sous le numéro 48333 du rôle, indique ainsi, notamment, à sa page de couverture être dirigée « CONTRE : Le bulletin d’impôt du 14 juillet 2021 à l’Impôt sur la Fortune, émis à l’encontre de la Requérante », et sollicite à la même page de « réformer, sinon annuler, le Bulletin du 14 juillet 2021 ». De même, le préambule de la requête fait référence à la « présente requête dirigée contre le Bulletin ».

De même, la requête introductive d’instance, inscrite sous le numéro 48334 du rôle, indique, notamment, à sa page de couverture être dirigée « CONTRE : La décision du Bureau d’Imposition … du 4 novembre 2021 relative à l’Impôt sur la Fortune de l’exercice 2021 », et sollicite à la même page de « réformer, sinon annuler, la décision du Bureau d’Imposition … du 4 novembre 2021 ».

Il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 29 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après par « la loi du 21 juin 1999 », l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que pour autant que cette inobservation porte atteinte aux droits de la défense.

En l’espèce, le délégué du gouvernement ne s’est pas mépris sur l’objet respectif des deux recours sous examen et a utilement pris position à travers son mémoire en réponse, dans le cadre du recours portant le numéro 48333 du rôle, par rapport à l’hypothèse consistant « à supposer que la requête est dirigée à l’encontre du bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier de l’année 2021 » respectivement, dans le cadre du recours portant le numéro 48334 du rôle, par rapport à « l’hypothèse où l’acte attaqué est le courriel du 4 novembre 2021 ».

Enfin, la société demanderesse n’a pas pris position quant au moyen d’irrecevabilité lui ainsi opposé, alors qu’elle n’a pas déposé de mémoire en réplique et n’a pas été présente ou représentée à l’audience des plaidoiries, de sorte à ne pas avoir contesté avoir dirigé ses recours contentieux enrôlés sous les numéros 48333 et 48334, respectivement, contre le bulletin de 5l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2021, émis le 14 juillet 2021 à son égard, et contre la « décision » du bureau d’imposition qui serait, d’après la société demanderesse, contenue dans le courrier électronique du 4 novembre 2021.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal est amené à considérer :

- le recours inscrit sous le numéro 48333 du rôle, comme étant dirigé contre le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2021, émis le 14 juillet 2021 à l’égard de la société demanderesse ;

- le recours inscrit sous le numéro 48334 du rôle, comme étant dirigé contre la « décision » du bureau d’imposition qui serait, d’après la société demanderesse, contenue dans le courrier électronique du 4 novembre 2021 envoyé par le bureau d’imposition au mandataire de la société demanderesse.

Conformément aux dispositions de l’article 8, paragraphe (1), point a) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour connaître des contestations relatives notamment aux impôts directs.

Les recours sous analyse ont en substance trait à des contestations relatives aux impôts directs, dans la mesure où ils tendent, tel que retenu ci-avant, à remettre en cause l’imposition effectuée par l’administration suite à la déclaration de l’impôt soumise par la société demanderesse.

Il s’ensuit que le tribunal est a priori compétent pour connaître des deux recours.

Concernant ensuite plus particulièrement le recours inscrit sous le numéro 48333 du rôle, il échet de préciser que conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi du 7 novembre 1996, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre une des décisions visées au § 228 AO, et qu’un recours contre un bulletin n’est prévu à l’article 8, paragraphe (3), point 3. de la même loi que dans l’hypothèse où une réclamation a été introduite par le contribuable et qu’aucune réponse n’est intervenue dans un délai de six mois.

Dès lors, en ce qui concerne ledit recours inscrit sous le numéro 48333 du rôle, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit par la société demanderesse, et il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours en annulation.

En revanche, un recours dirigé directement contre un bulletin dressé par un bureau d’imposition est irrecevable omisso medio si ledit bulletin et les contestations formulées n’ont pas été soumis préalablement pour examen et décision au directeur2.

En l’espèce, il est constant en cause pour ne pas être contesté que le bulletin de l’impôt sur la fortune au 1er janvier 2021, émis le 14 juillet 2021 à l’égard de la société demanderesse, n’a pas fait l’objet d’une réclamation auprès du directeur.

2 Trib. adm. 6 août 1997, n° 9574, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1349 et les autres références y citées.

6Dès lors, et sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur les autres moyens d’irrecevabilité invoqués par le délégué du gouvernement, leur examen étant devenu surabondant, le recours inscrit sous le numéro 48333 du rôle est à déclarer irrecevable omisso medio.

Concernant ensuite plus particulièrement le recours inscrit sous le numéro 48334 du rôle, il convient de rappeler que la compétence des juridictions administratives en matière de contentieux fiscal leur est attribuée à travers l’article 8, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996, selon lequel le tribunal administratif est compétent pour connaître des contestations relatives aux impôts directs de l’Etat, à l’exception des impôts dont l’établissement et la perception sont confiés à l’administration de l’Enregistrement et des Domaines et à l’administration des Douanes et Accises, ainsi que celles relatives aux impôts et taxes communaux, à l’exception des taxes rémunératoires.

Concrètement, pour ce qui est dudit recours contentieux introduit par la société demanderesse, inscrit sous le numéro 48334 du rôle, le tribunal vient de retenir qu’il est a priori compétent pour en connaître, en vertu de l’article 8, paragraphe (1) précité de la loi du 7 novembre 1996.

Toutefois, la compétence dont jouit le tribunal en matière de certains impôts directs conformément à l’article 8, paragraphe (1) de la loi du 7 novembre 1996, se doit d’être comprise à la lumière de la compétence générale des juridictions administratives résultant des articles 2 et suivants de la même loi.

En effet, ces dispositions subordonnent la compétence des juridictions administratives à la réunion de deux conditions cumulatives. L’acte entrepris devant le juge administratif doit d’abord avoir force décisionnelle : il doit s’agir d’une décision affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste. Ensuite, cet acte doit revêtir un caractère administratif, c’est-à-dire être l’œuvre d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés.3 Quant à la première de ces conditions, il est de jurisprudence constante que l’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame.4 De même, il a été jugé que n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, notamment, les informations données par l’administration ou encore les déclarations d’intention.5 Aux termes de son recours inscrit sous le numéro 48334 du rôle, la société demanderesse entend déférer au tribunal une « décision » du bureau d’imposition que constituerait, d’après la société demanderesse, un courrier électronique du 4 novembre 2021 adressé par le bureau d’imposition au mandataire de la société demanderesse.

3 R. Ergec et F. Delaporte, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Pas. adm. 2024, n° 7, p. 14 et la jurisprudence y citée.

4 Trib. adm., 18 juin 1998, nos 10617 et 10618 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 51 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 80 et les autres références y citées.

7 Le corps dudit courrier électronique, abstraction faite des formules usuelles de politesse, se lit comme suit : « Il n’y a plus rien à faire, les bulletins sont coulés en force jugée ».

Force est au tribunal de constater que le contenu du courrier électronique précité se limite à informer la société demanderesse des conséquences légales, et hors champ du pouvoir décisionnel du bureau d’imposition, du dépassement du délai légalement prévu pour exercer un recours contre l’imposition sur la fortune au 1er janvier 2021 de la société demanderesse.

Dès lors, il y a lieu de retenir que le courrier électronique du bureau d’imposition du 4 novembre 2021 est à qualifier d’acte revêtant un caractère simplement informatif et dépourvu de tout caractère décisionnel.

En conséquence, le tribunal n’est pas compétent pour connaître du recours sous analyse.

III) Quant à l’indemnité de procédure Au vu de l’issue des recours inscrits sous les numéros 48333 et 48334 du rôle, les demandes en allocation d’une indemnité de procédure respectives de 2.000 euros fondées sur l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 sont à rejeter.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

joint les rôles inscrits sous les numéros 48333 et 48334 pour y être statué par un seul et même jugement ;

se déclare compétent pour connaître du recours en réformation inscrit sous le numéro 48333 du rôle ;

le déclare irrecevable ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation inscrit sous le numéro 48333 du rôle ;

se déclare incompétent pour connaître du recours en réformation sinon en annulation inscrit sous le numéro 48334 du rôle ;

rejette les demandes en allocation d’une indemnité de procédure respectives d’un montant de 2.000 euros formulées par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 juin 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, 8 en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 48333,48334
Date de la décision : 20/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-20;48333.48334 ?

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