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19/06/2025 | LUXEMBOURG | N°52989

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 juin 2025, 52989


Tribunal administratif N° 52989 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52989 2e chambre Inscrit le 10 juin 2025 Audience publique du 19 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous un autre alias, Findel contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52989 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2025 par Maître Zohra BELESGAA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats

à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) ...

Tribunal administratif N° 52989 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52989 2e chambre Inscrit le 10 juin 2025 Audience publique du 19 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous un autre alias, Findel contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52989 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2025 par Maître Zohra BELESGAA, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, connu sous un autre alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 4 juin 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 7 juin 2025 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Zohra BELESGAA et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 16 juin 2025.

Il ressort d’un procès-verbal de la police grand-ducale, dit « Fremdennotiz », du 15 mars 2023, référencé sous le numéro …, qu’à cette date, Monsieur (A) fit l’objet d’un contrôle de l’Inspection du Travail et des Mines sur un chantier et qu’il déclara à cette occasion s’appeler (A), né le … en Algérie. Il s’en dégage encore que l’intéressé ne fut pas en mesure de présenter des documents d’identité, voire un titre de séjour ou une autorisation de travail valables.

Le 11 avril 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile pria la police grand-ducale de procéder au signalement national de l’intéressé aux fins de découvrir sa résidence et, en cas d’interception, d’en aviser la police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, en vue de son placement en rétention.

Il se dégage ensuite d’un procès-verbal de la police grand-ducale, dit « Fremdennotiz », du 7 mai 2025, référencé sous le numéro …, qu’à cette date, Monsieur (A) fut interpellé à la gare d’Esch-sur-Alzette par les forces de l’ordre et qu’à cette occasion, il ne fut pas non plus en mesure de présenter des documents d’identité respectivement un titre de séjour valables.

1Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé le jour même, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, l’Algérie, ou à destination de tout autre pays qui lui aurait délivré un document de voyage en cours de validité, voire à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire luxembourgeois pendant une durée de cinq ans.

Par arrêté du 7 mai 2025, notifié à l’intéressé le jour même, le ministre ordonna encore le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois. Ladite décision est basée sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport n° … du 7 mai 2025 établi par la Police grand-ducale ;

Vu le signalement national du 11 avril 2023 ;

Vu ma décision de retour du 7 mai 2025, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire de cinq ans ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; […] ».

Par arrêté du 4 juin 2025, notifié en mains propres à l’intéressé le 6 juin 2025, le ministre prorogea la mesure de placement initiale pour une nouvelle durée d’un mois. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :

« Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 7 mai 2025, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 7 mai 2025 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juin 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation contre la décisionministérielle précitée du 4 juin 2025.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1), de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur réitère, en substance, les faits et rétroactes gisant à la base de la décision de prorogation de son placement au Centre de rétention, tout en insistant plus particulièrement sur le fait qu’alors même qu’il avait été interpellé une première fois par la police grand-ducale en date du 15 mars 2023 et que déjà à cette occasion, il n’était - tout comme cela avait de nouveau été le cas le 7 mai 2025 - pas en mesure de présenter des documents d’identité et de voyage valables, il avait néanmoins été remis en liberté et non pas placé au Centre de rétention. Il en déduit que le ministre n’aurait pas pu valablement motiver sa décision de le placer en rétention dès le 7 mai 2025 sur base de considérations qui ne l’auraient pas amené à prendre la même décision dès le 15 mars 2023.

Au vu de ces considérations, il devrait être admis que son placement en rétention ne serait pas justifié pour découler d’une erreur manifeste d’appréciation dans le chef du ministre.

A titre subsidiaire, le demandeur donne à considérer que le fait de l’avoir « laissé libre de ses faits et gestes le 15 mars 2023 » prouverait à suffisance que la mesure de rétention prise à son encontre ne serait pas nécessaire et qu’il pourrait se voir appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention.

Enfin, il reproche au ministre de ne pas avoir entrepris suffisamment de démarches en vue de procéder à son éloignement vers son pays d’origine, tout en mettant en doute qu’il existerait des chances sérieuses de croire que son éloignement puisse être mené à bien dans un délai raisonnable et, en tout cas, avant l’expiration de la durée maximale de la mesure de placement, faute pour lui de disposer d’un document d’identité susceptible de permettre aux autorités algériennes de l’identifier et de lui délivrer un laissez-passer.

Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal relève tout d’abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement.

[…] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant, en principe, soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Si l’existence d’un risque de fuite dans son chef n’est pas contestée par le demandeur, le tribunal constate tout de même qu’il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans, prise à son encontre le 7 mai 2025, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure précisément celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur (A) de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire.

Le ministre pouvait donc a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur au Centre de rétention et l’y maintenir afin d’organiser son éloignement.

Ce constat n’est pas ébranlé par le reproche du demandeur suivant lequel la mesure de placement prise à son encontre ne serait pas justifiée étant donné qu’il n’aurait pas fait l’objet d’un placement en rétention à la suite de sa première interpellation par les forces de l’ordre luxembourgeoises en date du 15 mars 2023 lors de laquelle il n’aurait pas non plus été en possession de documents d’identité et de voyage valables. En effet, outre le fait que le tribunal n’est saisi à travers le recours sous examen que de la décision de prorogation de la mesure de placement en rétention du demandeur prise à son encontre le 4 juin 2025, de sorte que son analyse doit nécessairement se limiter à la légalité et au bien-fondé de ladite décision, qui s’inscrit dans la suite de la décision ministérielle de placement initial du 7 mai 2025, il se dégage, par ailleurs, du dossier administratif que le procès-verbal établi par la police grand-

ducale le 15 mars 2023 suite à la première interpellation du demandeur n’est entré auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes que le 7 avril 2023 et que dès le 11 avril 2023, l’intéressé a fait l’objet d’un signalement national en vue de découvrir sa résidence et, en cas d’interception, en vue d’un placement en rétention. Il n’est, à cet égard, pas contesté que ce n’est que le 7 mai 2025 que l’intéressé a à nouveau été interpellé par les forces de l’ordre sur le territoire luxembourgeois sans documents d’identité et de voyage valables et que, tel que relevé ci-avant, le ministre a pris le même jour à son encontre une décision constatant son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, lui ordonnant de quitter ledit territoire sans délai et lui interdisant l’entrée sur le même territoire pour une durée de cinq ans, tout en ordonnant, par arrêté séparé du même jour, son placement en rétention en vue de l’organisation de son éloignement.

Au vu de toutes les considérations qui précèdent, l’argumentation du demandeur visant à contester le caractère justifié de son placement en rétention, respectivement du maintien de celui-ci par le biais de la décision de prorogation litigieuse est dès lors à rejeter pour manquer de fondement.

S’agissant ensuite de l’argumentation de l’intéressé selon laquelle il aurait pu se voir appliquer des mesures moins coercitives qu’un placement en rétention, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour 5 lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire. Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal constate que le demandeur n’a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite existant dans son chef. Il n’est, par ailleurs, pas contesté que l’intéressé ne dispose d’aucune attache ni d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg - l’intéressé ayant, au contraire, déclaré à la police grand-

ducale habiter chez un ami à … et se déplacer régulièrement au Luxembourg pour y acheter des cigarettes2 - et qu’il n’a présenté aucun autre élément pertinent permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes s’impose. C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.

En ce qui concerne enfin les démarches concrètement entreprises en vue de l’éloignement de Monsieur (A), il y a lieu de constater qu’il se dégage du dossier administratif que le ministre s’est adressé par courrier du 8 mai 2025, donc le lendemain du placement en rétention, au Consulat de la République Algérienne Démocratique et Populaire à Bruxelles en vue de l’identification de l’intéressé et de la délivrance dans le chef de celui-ci d’un laissez-

passer, tout en annexant audit courrier un jeu d’empreintes digitales, quatre photos d’identité, ainsi qu’une copie de son permis de conduire algérien.

Il ressort ensuite du dossier administratif que le 30 mai 2025 les services du ministre ont relancé les autorités consulaires algériennes qui ont répondu par courrier électronique du 31 mai 2025 que le dossier du demandeur était toujours en cours de traitement.

Si certes l’autorité ministérielle n’a pas entrepris d’autres démarches depuis la prorogation de la mesure de placement actuellement déférée, le tribunal se doit néanmoins de conclure qu’en considération du fait (i) que les autorités algériennes ont été relancées seulement quelques jours avant la prise de l’arrêté de prorogation actuellement litigieux, (ii) qu’il ne saurait, en tout état de cause, être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères compétentes et (iii) que l’autorité ministérielle est actuellement tributaire de la collaboration et de l’efficacité des autorités algériennes, le dispositif d’éloignement est actuellement toujours en cours et est toujours poursuivi avec la diligence requise conformément aux exigences posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008.

Finalement, le tribunal n’entrevoit à l’heure actuelle pas d’éléments s’opposant à l’identification du demandeur et par la suite à son éloignement vers l’Algérie endéans les délais légalement requis, le seul fait que les autorités algériennes n’aient pas encore donné de suites à la demande de laissez-passer leur adressée par les autorités luxembourgeoises n’étant pas suffisant pour en tirer une telle conclusion.

Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause, ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

2 Page 3/4 du procès-verbal de la police grand-ducal du 7 mai 2025.Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé par :

Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 19 juin 2025 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 8


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 52989
Date de la décision : 19/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-19;52989 ?

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