Tribunal administratif N° 52999 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52999 4e chambre Inscrit le 11 juin 2025 Audience publique du 17 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52999 du rôle et déposée le 11 juin 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … en Algérie et être de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 4 juin 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 9 juin 2025 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 juin 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marina LIFA, en remplacement de Maître Sanae IGRI et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
Il ressort de plusieurs rapports de la police grand-ducale, dits « Fremdennotiz », des 15 et 19 février, 11 avril et 8 mai 2025, portant respectivement les références …, …, … et … que Monsieur (A) fit l’objet de contrôles policiers lors desquels il ne put présenter de documents d’identité en cours de validité.
Par arrêté du 8 mai 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter le territoire sans délai.
Par arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :
« (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
1 Vu la loi modifiée du 17 juin 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport numéro … du 8 mai 2025 établi par la Police grand-ducale, Région Capitale, Commissariat Luxembourg ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document de voyage valable ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Suivant jugement du tribunal administratif du 28 mai 2025, inscrit sous le numéro 52904 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 23 mai 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 8 mai 2025.
Par un arrêté du 4 juin 2025, notifié à l’intéressé le 6 juin 2025, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée supplémentaire d’un mois avec effet au 9 juin 2025. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :
« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 8 mai 2025, notifié le 9 mai 2025, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 8 mai 2025 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 juin 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation, sinon subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 4 juin 2025.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, avant d’exposer en partie les faits et rétroactes à la base de la décision déférée, tels que retranscrits ci-avant, le demandeur explique qu’il serait un ressortissant algérien qui serait entré en Europe aux fins d’y solliciter l’asile. Lors de sonséjour au Luxembourg, il aurait résidé à la structure d’urgence multifonctionnelle au Findel (WAK). Il indique qu’il entretiendrait une relation amoureuse avec une certaine Madame … qui résiderait à Luxembourg, ….
En droit et après avoir cité l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur relève que le placement au Centre de rétention devrait être écarté lorsqu’il n’existerait, comme ce serait le cas en l’espèce, aucun risque de fuite dans le chef du concerné, du fait notamment de l’existence de garanties de représentation suffisantes. Il souligne, à cet égard, qu’il aurait exprimé sa volonté de respecter les obligations imposées par le ministre en vue de son éloignement.
Il affirme ensuite que le placement au Centre de rétention devrait rester une mesure exceptionnelle en raison de l’entrave à sa liberté d’aller et de venir, garantie tant par la Constitution que par l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après désignée par « la CEDH », entrave qui devrait être réduite à un strict minimum. Dans ce contexte, il se réfère à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », du 6 novembre 1980, dans une affaire Guzzardi c. Italie, et précise qu’un placement en rétention devrait rester une ultima ratio.
Par référence à un arrêt de la Cour administrative du 2 juillet 1998, inscrit sous le numéro 10636C du rôle, le demandeur conclut encore à la réformation de la décision déférée pour violation de l’article 8 de la CEDH, dans la mesure où son placement au Centre de rétention porterait une atteinte disproportionnée au respect dû à sa vie privée et familiale, au regard de sa relation « sérieuse et stable » avec sa petite amie, le couple projetant de se marier prochainement, ce qui témoignerait de la solidité de leur lien affectif et de leur volonté de construire une vie commune.
Le demandeur fait encore valoir que son placement au Centre de rétention serait disproportionné au regard des circonstances de l’espèce et de son comportement, alors que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence, auraient pu être prises.
Après avoir cité l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur insiste sur le fait qu’il pourrait être assigné à résidence chez sa compagne à L-…, sinon à la maison retour, mesure qui permettrait, selon lui, à la fois de garantir la surveillance administrative souhaitée par les autorités et de préserver ses droits fondamentaux, renvoyant à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2024, inscrit sous le numéro 50351 du rôle. Il fait encore valoir que la mesure de placement en rétention empêcherait la continuité de ses liens affectifs avec sa petite amie, nuisant ainsi à l’équilibre de leur relation, laquelle pourrait être affectée par le maintien de cette mesure de placement, de même que l’obligation de quitter le territoire pris à son encontre porterait atteinte à son droit à la vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la CEDH.
Par ailleurs, il donne à considérer que le placement en structure fermée d’un étranger qui présenterait des garanties de représentation propres à limiter sinon exclure tout risque de fuite dans son chef serait à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », selon lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers devrait êtreimmédiatement remis en liberté si sa rétention n’était pas légale, article qui serait suffisamment clair et inconditionnel, de sorte qu’il devrait avoir un effet direct, faute de transposition en droit national.
Après avoir cité le considérant 16 de la directive 2008/115, le demandeur souligne, dans ce contexte, qu’il présenterait des garanties de représentation suffisantes alors qu’il ne se serait jamais opposé à son éloignement, qu’il aurait manifesté son intention de respecter la procédure et sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, de façon à exclure, dans son chef, tout risque de fuite, tout en rappelant son comportement respectueux durant son séjour au Centre de rétention.
Le demandeur se réfère encore à un jugement du tribunal administratif du 19 février 2009, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, qui aurait souligné l’importance de vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité en tenant compte de l’opportunité du principe de l’enfermement et du type de structure fermée retenu par le ministre. A cet égard, le demandeur fait valoir que son placement au Centre de rétention ne serait ni nécessaire, ni proportionné, alors qu’une assignation à résidence à la maison retour serait plus adaptée à sa situation personnelle.
Il ajoute qu’en droit commun, le juge aurait « une certaine habitude de formules permettant à un justiciable d’indiquer qu’il sera présent à une audience sans qu’il soit nécessaire de recourir à son emprisonnement jusque-là » et que « [l]e risque de volatilité [pourrait] être contré à partir du moment où la personne n’a pas enfreint ses obligations et vit dans un cadre qui permet de rendre compte de sa présence. ».
Le demandeur s’appuie encore sur des arrêts de la Cour de cassation française en vertu desquels « la loi n’exige[rait] pas que l’étranger qui sollicite le bénéfice d’une assignation à résidence invoque des circonstances à caractère exceptionnel de nature à justifier cette mesure » et « l’absence de domicile ne constitue[rait] pas une raison suffisante pour refuser une assignation à résidence ».
En se référant enfin à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 et à la jurisprudence de la CourEDH relativement à l’article 5 de la CEDH en matière de rétention administrative, ainsi qu’à un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2024, inscrit sous le numéro 51824 du rôle, le demandeur soutient que le ministre ne se serait pas enquis avec toute la diligence requise auprès des autorités étrangères compétentes en vue de son éloignement et que les perspectives de son éloignement seraient « floues », alors que les autorités algériennes ne sembleraient pas disposées à lui délivrer un laissez-passer dans un délai prévisible et raisonnable, eu égard au contexte de crise diplomatique actuelle entre l’Algérie et la France, lequel aurait, selon lui, un impact sur les autres pays de l’Union européenne, comme le Luxembourg. Il fait encore valoir, à cet égard, que les éloignements vers l’Algérie deviendraient de plus en plus compliqués, les autorités algériennes ne délivrant plus ou très peu de laissez-passer consulaires, étant encore relevé que les compagnies aériennes refuseraient directement d’embarquer les ressortissants algériens à bord, ces derniers étant parfois même refusés à l’aéroport une fois arrivés en Algérie, tel que cela ressortirait de plusieurs articles de presse versés à l’appui du présent recours. Le demandeur affirme dès lors et au-delà du fait qu’il ne serait pas garanti qu’il serait un ressortissant algérien, que son éloignement vers l’Algérie ne pourrait dès lors pas être mené à bien et critique, dans ce contexte, le processusd’éloignement qui ne serait pas en cours et poursuivi avec la diligence requise eu égard à une réelle absence de perspective raisonnable d’éloignement dans un délai prévisible.
Au vu de l’ensemble de ces considérations, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse et à sa mise en liberté immédiate.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement (…) ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.
C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est dès lors en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
S’agissant d’abord des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal relève qu’en l’espèce, il est constant en cause, pour avoir également été retenu par le jugement précité du 28 mai 2025, que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une décision de retour en date du 8 mai 2025, décision qui ne fait pas l’objet du présent recours, le concerné ne disposant en outre ni de documents de voyage valables, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure notamment celle d’être en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité, telle que prévue au paragraphe (2), point 1. de la disposition légale en question.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.
Il appartient dès lors au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite.
Force est toutefois de constater que le demandeur n’a toujours pas fourni d’élément permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef. En effet, il échet de relever que si le demandeur affirme avoir une relation amoureuse avec sa petite amie et qu’ils projetteraient de se marier prochainement, force est toutefois au tribunal de constater, à cet égard, qu’il ne découle d’aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal qu’il entretiendrait avec cette dernière une relation amoureuse stable et durable, ni même que cette dernière souhaiterait l’héberger, ou bien qu’il aurait disposé d’une quelconque autre attache au Luxembourg.
Quant à ses développements ayant trait à son comportement et à sa volonté de collaborer avec les autorités luxembourgeoises, ils sont, à défaut d’autres éléments, insuffisants à cet égard. Par ailleurs, le tribunal constate, au contraire, que le fait que le demandeur, mis à part la circonstance que son identité n’est pas établie, insiste sur sa volonté de s’établir de manière régulière au Luxembourg est de nature à corroborer le risque de fuite présumé dansson chef, la notion de risque de fuite visant, en effet, un risque de soustraction à la mesure d’éloignement projetée.
Au vu de ces considérations, il ne saurait dès lors être considéré comme présentant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentations effectives de nature à renverser la présomption de risque de fuite.
Les contestations du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef sont, dès lors, à rejeter.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, et notamment une assignation à résidence auprès de sa petite amie, respectivement à la maison retour, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues 7 peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, le tribunal est amené à rappeler que le demandeur ne lui a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef. En effet, si le demandeur souhaite se voir assigner à résidence auprès de sa petite amie, force est au tribunal de constater qu’aucun élément soumis à son appréciation ne permet de conclure dans le chef du demandeur à des attaches particulières au Luxembourg susceptibles d’établir l’existence de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de fuite conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, étant encore précisé, tel que le tribunal vient de le retenir, que le demandeur n’avance aucun élément concret témoignant d’un domicile légal ou stable au Luxembourg, voire même d’une relation stable et durable avec sa petite amie, ni même que cette dernière souhaiterait l’héberger.
Ce même constat s’impose en ce qui concerne les développements du demandeur tendant à se voir assigner à résidence à la maison retour, étant relevé qu’une structure d’hébergement d’urgence, telle que la maison retour, ne saurait être considérée ni comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure d’assignation à résidence dans cette structure ne saurait être concevable.
Cette conclusion n’est pas non plus énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il serait prêt à coopérer avec les autorités luxembourgeoises alors que ceci n’est pas per se de nature à laisser conclure à une garantie de représentation suffisante et à renverser la présomption de risque de fuite existant dans son chef.
Par ailleurs, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a présenté aucun élément permettant de retenir, dans son chef, l’existence de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.
1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.Il s’ensuit que le moyen afférent tiré du caractère prétendument disproportionné de la décision litigieuse, respectivement d’une application erronée des dispositions légales applicables, encourt le rejet pour ne pas être fondé.
Concernant l’invocation par le demandeur d’arrêts de la Cour de cassation française, il y a lieu de relever, d’une part, que des décisions de justice étrangères ne s’imposent pas au tribunal administratif et, d’autre part, que le demandeur reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure lesdites décisions seraient pertinentes par rapport à sa situation personnelle.
En ce qui concerne ensuite les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, le tribunal se doit tout d’abord de constater que dans le jugement précité du 28 mai 2025, il a été retenu qu’à la suite de son placement en rétention ordonné par le biais de l’arrêté ministériel litigieux du 8 mai 2025, les autorités luxembourgeoises avaient adressé, par courrier du 13 mai 2025, une demande d’identification du demandeur au Consulat de la République Algérienne Démocratique et Populaire à Bruxelles en vue de l’établissement d’un laissez-passer dans le chef de ce dernier, courrier auquel furent annexés un jeu d’empreintes digitales ainsi que quatre photos d’identité du concerné, démarches considérées comme suffisantes.
Quant aux démarches effectuées depuis lors, il se dégage du dossier administratif que les autorités luxembourgeoises se sont à nouveau adressées aux autorités consulaires algériennes par courrier électronique du 3 juin 2025 afin de s’enquérir sur l’état d’avancement du dossier.
Au vu des considérations qui précèdent et dans la mesure où les autorités luxembourgeoises sont actuellement tributaires de la collaboration des autorités algériennes et qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels adressés aux autorités étrangères, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est en cours et qu’il est toujours poursuivi avec la diligence légalement requise, étant relevé qu’il ne se dégage d’aucun élément du dossier que l’éloignement du demandeur ne puisse pas être mené à bien endéans les délais légalement requis, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation non autrement établie du demandeur selon laquelle une prétendue « crise diplomatique actuelle entre l’Algérie et la France » aurait un impact sur la délivrance d’un laissez-passer par les autorités algériennes en sa faveur, étant encore relevé qu’une telle conclusion ne se dégage pas des articles de presse versés à l’appui de cette argumentation.
Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.
En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté, consacrée par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : (…) f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. (…) ».
L’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acception la plus large et visetoutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.
Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la CourEDH a retenu que : « (…) L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir.
Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.
Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) (…) ».
En l’espèce, étant donné, d’une part, que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour en date du 8 mai 2025, de sorte à se trouver en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et, d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement dont il fait l’objet en exécution de ladite décision de retour est menée avec la diligence requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5, paragraphe (1) de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.
Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la mesure de placement en rétention litigieuse est légale – le tribunal ayant, plus particulièrement, retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise – et, d’autre part, que le demandeur n’a pas prouvé qu’il n’existerait en l’espèce pas de perspective raisonnable d’éloignement, respectivement que son éloignement ne puisse pas être mené à bien dans les meilleurs délais. Dans ces circonstances, une remise en liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115 ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de cette disposition.
En ce qui concerne finalement le moyen tiré de la violation de l’article 8 de la CEDH en vertu duquel « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui », le demandeur argumente que son placement en rétention porterait atteinte au respect de sa vie privée et familiale au regard de sa relation amoureuse avec sa petite amie.
Force est cependant au tribunal de constater que l’existence d’une vie privée et familiale dans le chef de Monsieur (A) n’est pas établie, tel que le tribunal vient de le retenir, de sorte que le moyen basé sur une violation de l’article 8 de la CEDH est dès lors à rejeter en tous ses volets.
2 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.
3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de l’intéressé de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 juin 2025 par :
Paul Nourissier, premier vice-président, Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, en présence du greffier Marc Warken.
s.Marc Warken s.Paul Nourissier Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 11