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16/06/2025 | LUXEMBOURG | N°49330

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 16 juin 2025, 49330


Tribunal administratif N° 49330 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49330 1re chambre Inscrit le 21 août 2023 Audience publique du 16 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A1), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49330 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 août 2023 par Maître Sarah MOINE

AUX, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom d...

Tribunal administratif N° 49330 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49330 1re chambre Inscrit le 21 août 2023 Audience publique du 16 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A1), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49330 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 21 août 2023 par Maître Sarah MOINEAUX, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1), né le … à … (Guinée), de nationalité guinéenne, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 19 juillet 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 novembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en sa plaidoirie à l’audience publique du 4 décembre 2024 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 13 février 2025 par Maître Louis TINTI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en remplacement de Maître Sarah MOINEAUX, préqualifiée ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 3 mars 2025 prononçant la rupture du délibéré en vue d’un changement de composition ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Linda MANIEWSKI en sa plaidoirie à l’audience publique du 19 mars 2025.

Le 15 juillet 2021, Monsieur (A1) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

1Les déclarations de Monsieur (A1) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 8 décembre 2021 et 20 janvier et 17 février 2022, Monsieur (A1) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 19 juillet 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le lendemain, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A1) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 15 juillet 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains votre fiche manuscrite du 15 juillet 2021, le rapport du Service de Police Judiciaire du 15 juillet 2021, ainsi que le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes des 8 décembre 2021, 20 janvier et 17 février 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

Monsieur, lors de l'introduction de votre demande de protection internationale au Luxembourg vous avez déclaré être né le … à … en Guinée, être de nationalité guinéenne, être célibataire avec un enfant, d'ethnie Peul, de confession musulmane et avoir vécu dans le quartier de la …, situé dans la ville de ….

Vous évoquez comme raison principale de fuite de votre pays d'origine le fait que vous seriez dans le collimateur des autorités guinéennes en raison de votre participation à une manifestation de l'opposition politique guinéenne en date du 15 avril 2015, qui se serait déroulée dans le quartier … à Conakry. A ce sujet, vous précisez que les forces de l'ordre guinéennes seraient intervenues en lançant du gaz lacrymogène et en tirant des balles réelles sur les manifestants. Vous déclarez avoir participé à la manifestation de 11 à 17 heures et être rentré chez vous après avoir entendu les coups de feu (page 8/13 du rapport d'entretien).

Pour empêcher de nouvelles manifestations, vous déclarez que le gouvernement guinéen aurait imposé une interdiction de manifester le 18 avril 2015. Le jour même, vos voisins vous auraient contacté par téléphone afin de vous avertir que votre petit commerce aurait été endommagé par un groupe constitué de quelques gendarmes et de jeunes partisans du parti politique du Rassemblement du peuple de Guinée (ci-après « RPG »), et que les dénommés (B1) et (C1) auraient été les principaux auteurs de cette action (page 8/13 du 2rapport d'entretien).

Après concertation avec d'autres commerçants, vous auriez décidé de déposer une plainte contre les personnes susmentionnées. Vous expliquez que vous vous seriez rendu au commissariat de police … à Conakry, où le « commandant » sur place vous aurait ordonné de revenir le lendemain après avoir noté vos doléances ainsi que vos coordonnées (page 8/13 du rapport d'entretien).

Le 19 avril 2015, en arrivant devant le commissariat, vous auriez observé de loin (B1) en train de plaisanter avec le « commandant » et vous les auriez soupçonnés de préparer secrètement une action à votre détriment. Vous précisez que vous auriez attendu vos collègues avant d'entrer dans le commissariat. Ensuite, le « commandant » vous aurait fait signer un document à tour de rôle sans pour autant vous expliquer de quoi il s'agissait. Il vous aurait simplement informé que votre plainte serait envoyée à la maison centrale et que vous devriez revenir au commissariat le lendemain afin de vous rendre tous ensemble à ladite maison centrale. A ce sujet, vous déclarez que vous auriez eu des doutes, de sorte que vous auriez appelé (D1), un ami de votre père gendarme, qui vous aurait déconseillé de vous rendre au commissariat le lendemain (page 8/13 du rapport d'entretien). En effet, il aurait également découvert à travers d'autres connaissances que le document en question signé la veille expliquerait que des armes non-déclarées auraient été saisies dans votre petit commerce. Par conséquent, étant donné que vous auriez suspecté un complot contre vous, vous auriez décidé de ne pas vous rendre au commissariat le lendemain afin d'éviter de vous faire arrêter et emprisonner (page 9/13 du rapport d'entretien).

Puis, le 20 avril 2015, comme vous ne vous seriez pas présenté à la gendarmerie à l'heure convenue, les autorités seraient venues vous chercher dans votre magasin. Or, vous précisez que vous auriez cependant reçu l'information par téléphone en amont, de sorte que vous auriez décidé de passer la nuit chez votre cousin dans le quartier de … à Conakry (page 9/13 du rapport d'entretien).

Le 21 avril 2015, vous auriez quitté le domicile de votre cousin pour vous rendre dans votre maison familiale à … chez votre sœur, où vous seriez resté jusqu'en novembre 2015. Vous précisez que des gendarmes se seraient présentés une première fois à votre maison familiale à Mamou et aurait demandé des renseignements vous concernant auprès de votre sœur. Les policiers seraient repartis alors que vous auriez été absent (page 9/13 du rapport d'entretien).

Vous affirmez que les gendarmes se seraient présentés une deuxième fois et qu'ils vous auraient abordé devant votre maison. A cet égard, vous précisez qu'ils vous auraient demandé « c'est toi (A1) ? » et que vous auriez répondu par « non, c'est mon grand-frère ». Vous seriez ensuite rentré à l'intérieur, auriez pris quelques affaires avant de vous enfuir par la fenêtre arrière de votre maison et de quitter le quartier en moto. Vous auriez finalement appelé (D1) pour lui dire que vous alliez quitter le pays ainsi que pour lui demander les coordonnées d'une de ses connaissances au Sénégal (page 9/13 du rapport d'entretien).

Vous ne remettez aucun document d'identité à l'appui de votre demande de protection internationale, respectivement aucun autre document permettant d'appuyer vos propos.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant à la crédibilité de votre récit 3 Il y a lieu de rappeler tout d'abord qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vous ne faites pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015.

Monsieur, il convient de vous informer que la crédibilité générale de votre récit est formellement remise en cause pour les raisons suivantes.

De prime abord, il convient de relever que des doutes persistent quant à votre réelle identité, alors que vous restez en défaut de verser le moindre document officiel et authentique qui permettrait de corroborer vos dires et donc de prouver votre véritable identité, respectivement votre nationalité guinéenne.

Monsieur, il appert encore que vous avez vécu en Grèce pendant environ cinq années sans introduire une demande de protection internationale mais en y travaillant de manière illégale.

Or, un tel comportement ne reflète aucunement celui d'une personne réellement persécutée ou à risque de subir une atteinte grave, personne qui entamerait immédiatement les démarches en vue de l'obtention d'une protection internationale dès son arrivée sur le territoire d'un pays sûr de l'Union européenne.

Vous essayez certes de vous dédouaner de cette absence de demande de protection internationale en expliquant que les autorités grecques auraient refusé ladite demande à deux reprises, plus précisément à Moria en 2017 et à Athènes en 2019. Or, votre tentative de justification ne saurait convaincre alors qu'il est déraisonnable d'accuser gratuitement les autorités grecques d'avoir refusé l'introduction d'une demande de protection internationale.

Bien au contraire, force est de constater que vous vous trouvez de manière illégale en Europe depuis des années et que vous tentez de régulariser votre situation par l'introduction d'une protection internationale en inventant un récit de toutes pièces.

Le constat que votre récit est non crédible est corroboré par le fait que vos déclarations sont entachées de contradictions flagrantes. En effet, force est de relever que vos indications de dates sont antinomiques à maintes reprises, si bien que la plupart du temps, les dates indiquées dans le rapport du Service de Police Judiciaire ne correspondent aucunement à 4celles dont vous faites référence lors de votre entretien avec l'agent ministériel. A titre d'exemple, vous déclarez auprès de la Police Judiciaire que « J'ai quitté la Guinée en 2016 » bien qu'à la question de l'agent ministériel concernant la date de départ de votre pays d'origine, vous répondez que vous auriez quitté la Guinée en « Novembre 2015 ». Lorsque vous avez été interrogé sur cette divergence, vous justifiez vos déclarations discordantes par le fait que « Ce jour-là, la police m'a chauffée, donc je ne me rappelle pas ».

Or, il échet de noter que d'autres indications temporelles citées et touchant à vos séjours dans les pays traversés lors de votre trajet sont dominées par des écarts. En effet, concernant votre séjour en Turquie, vous déclarez que « Je suis resté un peu plus d'un mois là-

bas avant de prendre clandestinement un bateau pour arriver à Lesbos […] » tandis que pendant votre entretien individuel vous affirmez que « Je suis arrivé en Turquie le 13 février 2016. Je suis resté 7 mois à Istanbul ». Ensuite, quant à votre arrivée à Bruxelles, vous indiquez aux agents de la Police Judiciaire que « […] j'ai pris l'avion vers Bruxelles. Je suis arrivé le 13 juillet 2021 », alors que plus tard il ressort de vos dires que vous seriez arrivé une semaine plus tôt, à savoir le 6 juillet 2021. Le même constat s'impose concernant votre départ de Bruxelles vers le Luxembourg lors duquel vous indiquez, d'abord, que vous auriez « passé la nuit chez un ami et puis je suis venu par covoiturage au Luxembourg » alors que vous changez ensuite de version en prétendant que vous auriez « logé chez un ami à Bruxelles pendant 6 jours ».

Ainsi, force est de constater que vous changez de version comme bon vous semble concernant les dates des évènements et concernant votre trajet, de sorte que vous ne jouez pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises.

Il échet par ailleurs de souligner que vos déclarations rocambolesques ainsi que les incohérences dans vos déclarations ne s'arrêtent pas là, mais se rapportent également aux faits survenus dans votre pays d'origine.

A cet égard, il appert que vous n'êtes pas à même de reproduire la date de la manifestation à laquelle vous prétendez avoir participé. En effet, vous déclarez « […] nous avons participé à une manifestation, c'était le 15 avril 2015 », alors que dans son article publié le jour de l'évènement, Le Monde avance que « L'opposition avait appelé à manifester lundi contre l'insécurité, dont elle impute la responsabilité au président Alpha Condé » en se référant au lundi, 13 avril 2015. Or, force est d'attendre de vous, Monsieur, qui aurait activement participé à cet évènement, que vous puissiez au moins restituer la date exacte de ladite manifestation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Par ailleurs, vous affirmez que les autorités guinéennes auraient imposé une interdiction de sortir pour manifester en réponse aux évènements du 13 avril 2015, qui auraient donné lieu à de violents affrontements. En effet, vous exposez que le gouvernement aurait « […] déclaré que personne ne sorte pour faire des manifestations ». Or, il convient de relever que vous décrivez à deux reprises comment vous seriez sorti, d'une part, pour déposer une plainte à la gendarmerie … et, d'autre part, pour rendre visite à l'ami de votre père, le dénommé (D1), pour lui demander conseil. Force est de constater à ce sujet que vous vous seriez promené dans la rue sans rencontrer le moindre souci.

En outre, force est de relever que votre visite à la gendarmerie … est également marquée par d'autres propos incohérents. En effet, à la question de l'agent ministériel concernant votre accompagnement à la gendarmerie, vous répondez d'abord « Moi et mes trois 5amis commerçants » avant de noter plus tard sur une feuille de papier tous les noms des personnes présentes avec vous en concluant « Nous étions 6 ».

Dans cette même lignée, il échet de souligner que vos affirmations à propos des ordres que le « commandant » aurait prononcé à votre encontre après avoir enregistré votre plainte sont autant dérisoires. En effet, vous déclarez que le « commandant » vous « […] a dit que nous devions retourner le lendemain, sauf (A1) et Monsieur (E1) » étant donné que « ce n'était pas leurs problèmes ». Or, dès la phrase suivante, vous vous contredisez en indiquant que Monsieur (E1) aurait décidé lui-même de ne pas revenir au commissariat le lendemain étant donné « […] qu'il n'avait pas le temps et qu'il devait aller travailler ». Par ailleurs, vous précisez plus loin dans votre récit que le « commandant » vous aurait explicitement demandé le lendemain pourquoi Monsieur (E1) ne serait pas venu au commissariat, ce qui est à nouveau en contradiction avec votre première affirmation. Or, Monsieur, ces incohérences flagrantes démontrent clairement que vous vous perdez dans vos mensonges et que votre récit est inventé de toutes pièces.

Toujours au même titre et concernant vos propos contradictoires, il convient encore d'ajouter que vous vous perdez également dans vos dires concernant les heures d'ouverture dominicales du commissariat étant donné que, d'une part, vous affirmez que le « commandant » vous aurait signalé que « Demain, c'est dimanche, on travaille jusqu'à 11 heures » tandis que, d'autre part, vous avancez que (D1) s'y serait rendu « à 14 heures le dimanche 19 avril 2015 ».

Finalement, et pas des moindres, force est de constater que vos déclarations au sujet de votre fuite sont également dérisoires et inventées de toutes pièces. En effet, vous affirmez que les gendarmes se seraient présentés chez vous à Mamou et vous auraient abordé devant votre maison. A cet égard, vous précisez qu'ils vous auraient demandé « c'est toi Alpha ? » et que vous auriez répondu par « non, c'est mon grand-frère ». Vous précisez encore que les gendarmes ne vous auraient pas reconnu tout de suite étant donné que vous auriez « changé de coiffure ». Vous seriez ensuite rentré à l'intérieur, auriez pris quelques affaires avant de vous enfuir par la fenêtre arrière de votre maison et quitter le quartier en moto. Or, il convient de souligner que non seulement il est inconcevable que les autorités guinéennes ne vous auraient pas reconnu à cause de votre nouvelle coiffure, mais il est également difficilement imaginable qu'elles vous auraient laissé rentrer seul dans votre maison sans vous accompagner et que vous auriez d'autant plus réussi à échapper inaperçu par la fenêtre arrière. De plus, le fait que vous vous seriez retiré dans votre maison familiale à Mamou, dont vous auriez donné l'adresse au « commandant » peu de temps auparavant, échappe à toute logique et conforte le constat que vos déclarations sont inventées de toutes pièces.

Partant, votre récit n'étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordée.

Quand bien même votre récit serait crédible, quod non, il s'avère que vous ne remplissez pas les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, respectivement pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par 6la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Monsieur, il convient de noter que les faits dont vous faites état, ayant trait à votre participation à une seule manifestation, le 13 avril 2015, date que vous avez d'ailleurs mal renseignée lors de votre entretien individuel, contre le gouvernement dirigé par le président Alpha CONDE en Guinée pourraient a priori entrer dans le champ d'application de la Convention de Genève.

Or, force est de constater que les problèmes respectivement les faits que vous décrivez ne revêtent manifestement pas un degré de gravité suffisant tels qu'ils puissent être assimilés à un acte de persécution ou une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.

En effet, il convient tout d'abord de noter que les faits que vous avancez datent de 2015 et remontent donc à plus de 8 ans en arrière, de sorte qu'ils sont manifestement trop éloignés dans le temps pour constituer une crainte fondée de persécution. Ce constat est encore confirmé par le fait que les évènements dont vous faites état datent d'avril 2015, mais que vous auriez uniquement jugé nécessaire de quitter votre pays d'origine en novembre 2015. Or, force est donc de constater qu'il ne vous serait rien arrivé de grave après votre participation à cette manifestation du 13 avril 2015, de sorte que votre situation ne semble manifestement pas être d'une telle gravité à y rendre votre vie dans votre pays d'origine intolérable.

En outre, il sied de rappeler que des centaines de milliers de personnes ont participé, comme vous, à des manifestations anti-gouvernementales au cours de ces dernières années en Guinée, sans que ces personnes ne soient toutes personnellement persécutées par les autorités.

De plus, force est de constater en l'espèce que vous déclarez avoir participé uniquement à une seule manifestation, à savoir le 13 avril 2015, de sorte qu'on ne saurait vous considérer comme un membre ou adhérent actif opposé aux autorités guinéennes, mais au contraire que vous faites plutôt partie des centaines de milliers de ressortissants guinéens, qui, à un certain moment donné, ont exprimé leur mécontentement envers le gouvernement.

A cet égard, quand bien même vous précisez que vous auriez fait partie de l'escorte motorisée qui aurait occasionnellement escorté le président de l'Union des forces 7démocratiques de Guinée (ci-après « UFDG »), le dénommé Cellou Dalein DIALLO, que vous indiquez avoir accroché dans la vitrine de votre magasin une bannière portant l'inscription « Vive l'UFDG » ainsi qu'un poster du président susnommé, ou encore que vous auriez stocké des t-shirts de l'UFDG dans votre commerce et que vous auriez dû les distribuer, force est de constater que vous auriez simplement exécuté les tâches qui vous auraient été confiées sans ne jamais rencontrer aucun problème avec les autorités guinéennes pendant tout ce laps de temps.

Or, il convient de noter que le fait d'adopter des opinions politiques en opposition à un régime politique en place n'est pas suffisant pour prétendre au statut de réfugié, alors qu'une crainte de persécution afférente doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur risque d'être victime d'une persécution, ce qui n'est pas votre cas en l'espèce.

Quant au regrettable comportement des autorités guinéennes qui ont causé des dommages considérables à votre commerce, il convient de souligner comme vous le relatez, que la police aurait « détruit la devanture, cassé la porte » de votre commerce avec l'aide de jeunes. Or, si un tel comportement est certes condamnable, il convient de relever qu'il s'agit, en l'espèce, d'un dommage matériel qui ne vous visait pas en tant que personne, mais qui a trait à la situation envenimée qui a dégénéré. En outre, il convient de relever que vous n'étiez nullement visé individuellement et personnellement, constat qui est corroboré par vos propos selon lesquels vous précisez qu'« ils ont cassé les magasins et le mien aussi ».

Par ailleurs, il convient de souligner que d'après les informations à notre disposition, les forces de l'ordre seraient intervenues alors que la manifestation n'aurait pas été annoncée et donc de facto aurait été considérée comme étant illégale. En effet, dans un article publiée le 14 avril 2015, France 24 précise que « Alpha Condé avait donné des instructions fermes à ses forces de l'ordre de réprimer la manifestation qu'il considère comme illégale […] ».

Dans ce contexte et face à des situations chaotiques, il est donc tout à fait légitime et conforme aux dispositions légales guinéennes en la matière, qu'un Etat déploie ses forces de l'ordre afin de rétablir la paix dans sa capitale. En effet, selon le code pénal de la République de Guinée en son Article 109 « Seront punis d'un emprisonnement de 2 à 5 ans et d'une amende de 100.000 à 1.000.000 de francs guinéens ceux qui auront participé à l'organisation d'une manifestation non déclarée ou qui a été interdite ».

Le fait que la police guinéenne aurait donc poursuivi les manifestants et aurait tenté de vous arrêter par la force pour avoir participé à une manifestation illégale est tout à fait légitime et ne constitue donc pas une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève.

Dans cette même lignée, il convient de noter que vous n'avez jamais été arrêté par les forces de l'ordre guinéenne et que le fait que des policiers vous auraient cherché de manière intensive doit être considérée comme étant la conséquence logique de vos actions. Par ailleurs, il échet de relever que vous avez également ignoré une convocation ordonnée par le « commandant », convocation du 20 avril 2015 de sorte qu'il est légitime que les autorités guinéennes se seraient efforcées de vous retrouver afin de vous poursuivre pénalement.

Finalement, il échet de souligner que la situation politique en Guinée a considérablement changé depuis votre départ. En effet, force est de constater que le président Alpha CONDE, contre qui vous auriez manifesté en avril 2015 et sur ordre duquel votre magasin aurait été endommagé, a été arrêté le 5 septembre 2021 lors d'un coup d'Etat militaire et a été succédé par le président de la transition Mamadi DOUMBOUYA. Dès lors, il convient 8de conclure que vous n'encourez plus aucun risque d'être persécuté par l'ancien gouvernement sous l'égide d'Alpha CONDE et qu'un risque de persécution en cas de retour dans votre pays d'origine peut par conséquent être écarté.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

En l'espèce, il ressort de votre dossier administratif que vous fondez votre demande de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de votre demande d'octroi du statut de réfugié.

Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il échet de relever que vous n'apportez aucun élément de nature à établir qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que vous encouriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 précité, respectivement que les autorités guinéennes soient dans l'impossibilité de vous offrir une protection.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 août 2023, Monsieur (A1) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision, précitée, du 9ministre du 19 juillet 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 19 juillet 2023, telle que déférée.

Le recours en réformation sous analyse est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de sa demande et en fait, le demandeur expose tout d’abord les faits et rétroactes tels que relatés ci-avant tout en se référant à ses déclarations telles qu’actées dans le rapport d’audition.

En droit, le demandeur prend en premier lieu position sur le défaut de crédibilité retenu par le ministre quant à ses motifs de fuite exposés lors de son entretien auprès du ministère.

Quant au volet de la décision portant refus du statut de réfugié dans le chef de Monsieur (A1), ce dernier expose qu’il risquerait, en cas de retour dans son pays d’origine, de faire l’objet de persécutions pour des motifs politiques.

Après avoir cité l’article 43 de la loi du 18 décembre 2015, il précise qu’il aurait, avant son départ de la Guinée, soutenu le parti Union des Forces Démocratiques de Guinée, ci-après désignée par « l’UFDG », en (i) affichant une bannière contenant le texte « Vive l’UFDG » sur la devanture de son magasin, (ii) distribuant des t-shirts pour le compte de l’UFDG et (iii) participant à l’escorte motorisée du président de l’UFDG dénommé Cellou Dalei DIALLO.

Suite à cela son magasin aurait été vandalisé et Monsieur (A1) aurait été accusé d’avoir détenu dans son local commercial les armes qui auraient été utilisées lors des manifestations et avec lesquelles il aurait été tiré sur les forces de l’ordre.

Monsieur (A1) fait ensuite valoir que les faits dont il se prévaut serait d’une gravité importante, dans la mesure où il craindrait de faire l’objet d’un emprisonnement en raison de fausses accusations de détention d’armes lors des manifestations d’avril 2015 et de faire l’objet d’une procédure judiciaire inéquitable aux termes de laquelle il serait condamné à une lourde peine d’emprisonnement. Il craint en outre, dans ce même contexte, de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », en cas d’emprisonnement et d’arrestation arbitraire.

Monsieur (A1) soutient ensuite que l’auteur des persécutions serait l’Etat guinéen et plus particulièrement la police, la gendarmerie et les autorités judiciaires, qui risqueraient de procéder à son arrestation arbitraire et de le soumettre à une procédure judiciaire inéquitable.

Quant au volet de la décision portant refus de reconnaissance du statut conféré par la protection subsidiaire, Monsieur (A1) cite l’article 48, points a) et b) de la loi du 18 décembre 2015 ainsi que l’article 3 de la CEDH et conclut à la réformation de la décision entreprise.

10 Le délégué du gouvernement conclut quant à lui au rejet du recours.

Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou 11c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le 12demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2 g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Indépendamment de la crédibilité du récit du demandeur, le tribunal relève que les motifs avancés par ce dernier ne revêtent pas un degré de gravité tel à pouvoir être qualifiés d’actes de persécution ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.

En effet, le demandeur a participé à une seule manifestation anti-gouvernementale en avril 2015, de sorte à ne pas pouvoir être considéré comme adhérent actif opposé aux autorités guinéennes. S’il déclare avoir (i) fait partie de l’escorte motorisée ayant occasionnellement escorté le président de l’UFDG, (ii) accroché une bannière et un poster dans son magasin et (iii) stocké des t-shirts de l’UFDG dans son commerce pour les distribuer par la suite, il n’en reste pas moins qu’il n’a jamais rencontré de problèmes quelconques en lien avec ces éléments.

Si les autorités guinéennes ont certes causé des dommages à son commerce en détruisant la devanture et la porte de son magasin, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un fait certes condamnable, mais qui se limite à un dommage matériel n’ayant pas visé Monsieur (A1) individuellement, dans la mesure où d’autres commerçants étaient également victimes de faits équivalents1, et qui est la conséquence de la situation chaotique ayant régné à cette époque.

Il échet, par ailleurs, de constater, à l’instar du délégué du gouvernement, que les manifestations ayant eu lieu à cette époque en Guinée étaient considérées comme étant illégales pour ne pas avoir été annoncées, de sorte qu’il est légitime que les autorités guinéennes aient tenté de maintenir l’ordre public. Ainsi, le fait que la police a poursuivi des manifestants et voulait procéder à l’arrestation de Monsieur (A1) est légitime et ne justifie pas une crainte fondée de persécution ou d’atteintes graves, étant précisé que le demandeur n’a, à aucun moment, été arrêté par les autorités guinéennes, suite à son refus d’obtempérer à la convocation du 20 avril 2015 de se présenter au commissariat de police.

Il s’ensuit que les craintes avancées par le demandeur de faire l’objet, en cas de retour 1 Rapport d’audition, p. 8.

13en Guinée, d’actes de persécution, respectivement d’atteintes graves, tirées du fait que les autorités guinéennes procèderaient à son arrestation arbitraire et le soumettraient à une procédure judiciaire inéquitable sont essentiellement hypothétiques, d’autant plus que, selon les explications circonstanciées et non contestées du délégué du gouvernement, depuis le départ du demandeur de la Guinée en 2015, la situation politique a changé, dans la mesure où le président Alpha CONDE a été arrêté le 5 septembre 2021 lors d’un coup d’Etat militaire.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens du demandeur, que c’est à juste titre que le ministre a refusé de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur (A1) sans violer les dispositions de l’article 3 de la CEDH, de sorte que le recours en réformation sous analyse encourt le rejet.

2) Quant au recours visant l'ordre de quitter le territoire Etant donné que l'article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l'ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

A l’appui de son recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire, le demandeur fait valoir qu’en tant que conséquence de la réformation de la décision portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale, l’ordre de quitter le territoire serait également à réformer.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Aux termes de l'article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l'article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l'ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n'a pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l'article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d'admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l'ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale, ni la légalité ni le bien-fondé de l’ordre de quitter le territoire ne sauraient être valablement remis en cause.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 19 juillet 2023 portant refus d'une protection internationale ;

14 au fond, déclare le recours en réformation non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 19 juillet 2023 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, déclare le recours en réformation non justifié et en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Michèle STOFFEL, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, et lu à l'audience publique du 16 juin 2025 par le vice-président, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Michèle STOFFEL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 15


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 49330
Date de la décision : 16/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-16;49330 ?

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