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12/06/2025 | LUXEMBOURG | N°49000

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 12 juin 2025, 49000


Tribunal administratif N° 49000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49000 2e chambre Inscrit le 2 juin 2023 Audience publique du 12 juin 2025 Recours formé par la société civile immobilière (AA) SCI, …, contre une décision du directeur des Douanes et Accises, en matière de délivrance de vignette

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49000 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2023 par Maître (B), avocat à la Cour, ayant

été inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile...

Tribunal administratif N° 49000 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49000 2e chambre Inscrit le 2 juin 2023 Audience publique du 12 juin 2025 Recours formé par la société civile immobilière (AA) SCI, …, contre une décision du directeur des Douanes et Accises, en matière de délivrance de vignette

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49000 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2023 par Maître (B), avocat à la Cour, ayant été inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de la société civile immobilière (AA) SCI, ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son gérant actuellement en fonctions, tendant à l’annulation d’une décision du directeur des Douanes et Accises du 24 mai 2023 portant refus de délivrance d’une vignette 705 ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 20 septembre 2023 par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, établie à L-2361 Strassen, 7 rue des Primeurs, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B220509, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des Avocats du Barreau de Luxembourg, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Henry DE RON, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 novembre 2023 par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, au nom de l’Etat du Grand-

Duché de Luxembourg ;

Vu le mémoire, intitulé « mémoire en duplique », déposé au greffe du tribunal administratif le 22 décembre 2023 par la société en commandite simple KLEYR GRASSO, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;

Vu les pièces versées en cause ainsi que la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Henry DE RON en sa plaidoirie à l’audience publique du 3 mars 2025.

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Aux termes d’un contrat du 18 juillet 2022, Monsieur (A) vendit un véhicule de la marque (BB), numéro de châssis …, ci-après désigné par « le véhicule », à la société à responsabilité limitée (CC).

Par contrat du 19 juillet 2022, Monsieur (A) vendit le même véhicule à Monsieur (B).

1 En vertu d’un troisième contrat du 20 juillet 2022, Monsieur (A) vendit ledit véhicule à la société civile immobilière (AA) SCI, ci-après désignée par « la société (AA) ».

Il est constant qu’en vue d’une immatriculation définitive du véhicule importé au Luxembourg, la société (AA) introduisit le 24 février 2023 une demande en délivrance d’une vignette 705 auprès de l’administration des Douanes et Accises.

Par décision du 24 mai 2023, le directeur des Douanes et Accises, ci-après désigné par « le directeur », refusa de faire droit à la demande prémentionnée dans les termes suivants :

« […] Maître, Prenant référence à votre courrier du 24 février 2023 et considérant que les éléments fournis par vous-même, notamment trois contrats de vente différents où la signature du vendeur est à chaque fois une autre, alors qu’il s’agit toujours du même vendeur, à savoir Monsieur (A), qui vend la (BB) (…) une fois à (CC) (18/07/2022), puis à vous-même, personne privée (19/07/2022), ensuite à (AA) SCI. (20/07/2022), et vu les signatures divergentes ayant fait naître un sérieux doute quant à l’authenticité des documents produits ;

Vu le comportement suspect de Monsieur (C), celui-ci s’ayant présenté à deux reprises auprès du bureau de recette Luxembourg, fournissant d’abord un numéro de tva non-existant pour (CC)., puis revenant avec un nouveau contrat de vente cette fois-ci conclu entre M. (A) et vous-même engendrant ainsi le paiement de la TVA étant donné qu’il s’agit d’un véhicule neuf au sens de l’article 4, paragraphe 4, lettre b), troisième tiret, de la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la taxe sur la valeur ajoutée , Vu le troisième contrat de vente présenté ultérieurement et renforçant le sérieux doute quant à l’authenticité dudit document au vu du contexte relatif au paiement de la TVA et comme évoqué ci-dessus, de la signature divergente du vendeur, laissant naître des indices que la société (AA) SCI est en réalité un artifice à des fins de contournement du paiement de la TVA ;

Il m’incombe de vous informer qu’aucune suite favorable ne sait être donnée à votre demande. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2023, la société (AA) a fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision précitée du directeur du 24 mai 2023 portant refus de la délivrance d’une vignette 705 pour le véhicule en question.

Par courrier du 12 février 2024, la société en commandite simple KLEYR GRASSO informa le tribunal que l’étude de Maître (B) avait été placée sous administration provisoire et que Maître Yann BADEN assumerait les pouvoirs d’administrateur provisoire de ladite étude.

Par courrier du 19 avril 2024, Maître Yann BADEN, en sa qualité d’administrateur provisoire de l’étude de Maître (B), demanda au tribunal de l’informer de la situation actuelle de la présente procédure en précisant que la dernière date discernable dans le dossier récupéré à l’étude de Maître (B) serait l’audience de fixation du 8 janvier 2024.

Par courrier du 19 novembre 2024, Maître Yann BADEN s’adressa au tribunal dans les 2termes suivants :

« […] Je me permets de revenir à notre échange du mois d’avril 2024 dans le cadre de l’affaire sous rubrique dans lequel vous m’informiez que l’affaire était fixée pour plaidoiries le lundi 3 mars 2025.

Je dois malheureusement vous informer que mes nombreuses tentatives pour contacter le client de Me (B) se sont révélées infructueuses.

En effet, le courrier adressé à la société (AA) m’a été retourné avec la mention « pas de boîte à ce nom » tandis que les courriers adressés aux associés fondateurs, identifiés via le Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg, me sont revenus avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».

Le dossier récupéré auprès de Me (B) est par ailleurs pratiquement vide.

Je tenais à vous informer de ces éléments et je vous prie de noter que la société (AA) S.C.I. ne sera dès lors pas représentée lors de l’audience du 3 mars prochain. […] ».

A l’audience publique des plaidoiries, le tribunal a soulevé d’office la question quant au maintien d’un intérêt à agir dans le chef de la société (AA).

Le tribunal relève que, si stricto sensu l’intérêt à agir est à apprécier au moment de l’introduction du recours, il n’en reste pas moins que le maintien d’un intérêt à agir, ou plus précisément d’un intérêt à poursuivre une action doit être vérifié au jour du jugement1 sous peine de vider ce dernier de tout effet utile, les juridictions administratives n’ayant pas été instituées pour procurer aux plaideurs des satisfactions purement platoniques ou leur fournir des consultations2, ainsi que sous peine, le cas échéant, outre d’encombrer le rôle des juridictions administratives, d’entraver la bonne marche des services publics en imposant à l’autorité compétente de se justifier inutilement devant les juridictions administratives et en exposant, le cas échéant, ses décisions à la sanction de l’annulation ou de la réformation sans que l’administré ayant initialement introduit le recours ne soit encore intéressé par l’issue de ce dernier.

Or, la première personne à déterminer s’il existe effectivement dans son chef un intérêt concret et personnel suffisant pour intenter un procès et pour le poursuivre ensuite, est le justiciable lui-même qui a saisi le tribunal administratif d’une demande : non seulement, il estime qu’il a été porté atteinte à ses droits ou que ses intérêts ont été lésés, mais il considère que le redressement obtenu au moyen d’une décision juridictionnelle apportera à sa situation une amélioration qui compense les frais qu’entraîne et les désagréments que comporte un procès. La volonté du justiciable, manifestée par l’introduction d’une demande en justice, de défendre ce qu’il considère comme un intérêt le concernant est donc le premier élément qui est nécessaire pour rendre possible la constatation que ce justiciable justifie effectivement de l’intérêt concret et personnel requis en droit pour être recevable à intenter un procès.

Si cette volonté vient à disparaître en cours de procès, il n’est potentiellement plus satisfait à la condition qui doit être remplie en tout premier lieu pour que l’on puisse admettre 1 LEROY M., Contentieux administratif, 3e édition, p. 494.

2 Trib. adm., 14 janvier 2009, n° 22029 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 71 et les autres références y citées.

3que la partie litigante conserve effectivement un intérêt concret et personnel à faire statuer sur la demande qu’elle a introduite. Cette première condition n’étant plus remplie, il y a lieu d’en conclure que le recours n’est plus recevable en raison de la disparition de l’intérêt requis en droit.

Or, le défaut de volonté de maintenir une demande peut résulter de la persistance avec laquelle le justiciable s’abstient de toute marque d’intérêt pour le déroulement du procès qu’il a engagé3. Cette absence de toute marque d’intérêt constitue dès lors un motif suffisant pour décider que l’intérêt requis en droit pour obtenir une décision sur la demande n’existe plus et qu’à défaut de cet intérêt, le recours doit être rejeté comme n’étant plus recevable.

En l’espèce, force est tout d’abord de relever que le litismandataire ayant introduit le recours sous analyse au nom et pour compte la société (AA) et en l’étude duquel celle-ci avait élu domicile pour les besoins de la présente procédure, n’a pas déposé de mémoire en réplique, à la suite de la notification du mémoire en réponse de la société en commandite simple KLEYR GRASSO en date du 2 novembre 2023.

Il est constant en cause qu’après l’introduction du présent recours, l’étude de Maître (B) a été placée sous administration provisoire et que Maître Yann BADEN assume les pouvoirs d’administrateur provisoire de ladite étude.

Force est ensuite de constater que Maître Yann BADEN, en sa qualité d’administrateur provisoire de l’étude de Maître (B), a informé le tribunal à travers son courrier du 19 novembre 2024 que les nombreuses tentatives de contacter la société (AA) se sont avérées infructueuses, tout en expliquant que le courrier adressé à cette dernière lui aurait été retourné avec la mention « pas de boîte à ce nom » tandis que les courriers adressés aux associés fondateurs de la société (AA) lui seraient revenus avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».

Au vu de ce qui précède, le tribunal est amené à conclure que le comportement de la société demanderesse consistant à ne plus se manifester ni auprès de l’administrateur provisoire de son litismandataire de l’époque, ni auprès du tribunal, à ne s’adresser ou indiquer son adresse exacte ni à l’administrateur provisoire de son litismandataire de l’époque, ni au tribunal, et à ne pas se présenter ou se faire représenter à l’audience publique du 3 mars 2025, malgré la convocation qui lui a été envoyée à cet égard par le greffe du tribunal administratif par courriers recommandés expédiés les 12 et 17 février 2025, est à interpréter en ce sens que celle-ci ne témoigne plus le moindre intérêt pour le déroulement et le maintien de l’instance qu’elle a mue par sa requête du 2 juin 2023.

Il convient dès lors de rejeter le recours pour perte d’un intérêt à agir.

Eu égard à l’issue du litige, la demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives telle que formulée par la société demanderesse est à rejeter.

Dans la mesure où l’étude de Maître (B) a été placée sous administration provisoire après que la requête introductive d’instance ait été introduite pour compte du destinataire de 3 Voir notamment Conseil d’Etat belge, 6 avril 1982, n° 22183.

4l’acte déféré, le présent jugement est néanmoins rendu contradictoirement entre parties4.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

rejette le recours ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la société demanderesse ;

condamne la société demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 12 juin 2025 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Bochet 4 Trib. Adm. 24 janvier 2000, n° 11558 du rôle, Pas. Adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 1022 (2e volet) et les autres références y citées.


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 49000
Date de la décision : 12/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-12;49000 ?

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