Tribunal administratif N° 49747 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49747 5e chambre Inscrit le 24 novembre 2023 Audience publique du 6 juin 2025 Recours formé par la société en commandite simple (AA) SCS, …, contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’impôts
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49747 du rôle et déposée le 24 novembre 2023 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée DLA PIPER Luxembourg SARL, établie et ayant son siège social à L-1855 Luxembourg, 47A, avenue J.F. Kennedy, inscrite à la liste V du barreau de Luxembourg, représentée pour les besoins de la présente instance par Maître Jacques WANTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société en commandite simple (AA) SCS, établie et ayant son siège social à L-…, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses gérants actuellement en fonctions, tendant à la réformation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 24 août 2023, référencée sous le numéro 1, ayant rejeté comme non fondée sa réclamation introduite contre les bulletins rectificatifs de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de l’impôt commercial communal de l’année 2019, et les bulletins de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2020, tous émis en date du 28 septembre 2022 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 février 2024 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 26 mars 2024 par la société à responsabilité limitée DLA PIPER Luxembourg SARL, préqualifiée, pour compte de la société en commandite simple (AA) SCS, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 27 novembre 2024, Maître Jacques WANTZ s’étant excusé ;
Vu les avis du tribunal administratif des 30 avril et 13 mai 2025 invitant la partie requérante à verser une copie de certains bulletins d’impôt ;
1 Vu l’avis du tribunal administratif du 14 mai 2025 prononçant la rupture du délibéré en attendant la communication de la copie de certains bulletins d’impôt ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire à l’audience publique du 4 juin 2025, en présence de Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART, Maître Jacques WANTZ s’étant excusé.
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En date du 17 mai 2021, la société en commandite simple (AA) SCS, ci-après désignée par la « société (AA) SCS », introduisit sa « déclaration pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriété » de l’année d’imposition 2019 en y déclarant un « Revenu net provenant d’une entreprise commerciale collective non passible de l’impôt commercial » négatif sous la rubrique « bénéfice commercial » à hauteur de … euros.
Par courriers des 18 mai et 14 juin 2021, le bureau d’imposition …, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », s’adressa à la société (AA) SCS pour obtenir des pièces et renseignements supplémentaires au sujet de ladite déclaration relative à l’année 2019, auxquels ladite société répondit par courriers électroniques des 10 juin et 22 juillet 2021. Une nouvelle demande de précision fut envoyée par le bureau d’imposition par courrier électronique du 27 juillet 2021 à laquelle répondit la société (AA) SCS le 9 septembre 2021.
En date du 15 septembre 2022, la société (AA) SCS introduisit une « déclaration pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriété » rectificative de l’année d’imposition 2019 en y déclarant un « Revenu net provenant d’une entreprise commerciale collective non passible de l’impôt commercial » sous la rubrique « bénéfice commercial » à hauteur de … euros.
A la même date, la société (AA) SCS introduisit sa « déclaration pour l’établissement en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriété » de l’année d’imposition 2020 en y déclarant un « Revenu net provenant d’une entreprise commerciale collective non passible de l’impôt commercial » sous la rubrique à hauteur de … euros.
En date du 28 septembre 2022, le bureau d’imposition émit à l’égard de la société (AA) SCS, pour l’année d’imposition 2019, un bulletin rectificatif d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés fixant un « bénéfice commercial » de … euros, ainsi qu’un bulletin rectificatif de l’impôt commercial communal fixant un « bénéfice commercial » d’un montant de … euros, sur base du § 222, alinéas (1), numéros 1 et 2 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO ».
Ledit bulletin rectificatif de l’impôt commercial communal indique que « L’imposition rectificative a été établie conformément aux dispositions du paragraphe 222, 1 no 1 + 2 A.O.
suite à l’introduction d’une déclaration rectificative en date du 15/09/2022 ».
A la même date, le bureau d’imposition émit encore à l’égard de la société (AA) SCS, pour l’année d’imposition 2020, un bulletin d’établissement des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés fixant un « bénéfice commercial » à hauteur de … euros, ainsi qu’un bulletin de l’impôt commercial communal fixant un « bénéfice commercial » d’un montant de … euros.
2 Par un courrier du 3 janvier 2023, réceptionné le même jour, la société (AA) SCS introduisit une réclamation contre les bulletins rectificatifs de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de l’impôt commercial communal de l’année 2019, et les bulletins de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés et de l’impôt commercial communal de l’année 2020, précités, auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », en indiquant vouloir contester « formellement l’analyse de la déclaration fiscale rectificative de l’année fiscale 2019 et l’analyse de la déclaration fiscale de l’année fiscale 2020 ayant abouti à l’émission des Bulletins, ainsi que l’analyse du bureau d’imposition […] en ce qu’elles concluent, concernant la Société, à la réalisation d’une activité commerciale et par conséquent à l’imposition d’un bénéfice commercial au titre de l’impôt commercial communal pour les années fiscales 2019 et 2020 ».
Par courrier du 5 mai 2023, le directeur procéda à une mise en état du dossier sur le fondement des §§ 171, 228, 235, 243 et 244 AO en invitant la société (AA) SCS à transmettre, pour le 30 juin 2023 au plus tard, les pièces suivantes et le cas échéant avec d’éventuelles observations écrites :
« […] 1. la documentation juridique à l’appui des coûts de développement relatifs à « Single Pictures » comptabilisés au titre de l’année 2019 ;
2. une explication des « revenus de commissions financières » et des « revenus de commissions producteurs » comptabilisés au titre de l’année 2019 ainsi que la documentation juridique y afférente ;
3. une copie du contrat de commission conclu avec la société (BB), respectivement (CC) ;
4. une copie du contrat de cession des droits musicaux à la société (CC). […]. ».
Par courrier du 30 juin 2023, réceptionné le 3 juillet 2023, la société (AA) SCS fit parvenir au directeur un certain nombre de pièces et fournit des observations écrites.
Par décision du 24 août 2023, référencée sous le numéro 1, le directeur déclara la prédite réclamation recevable mais non fondée, dans les termes suivants :
« […] Vu la requête introduite en date du 3 janvier 2023 par Me Jacques Wantz, de la société à responsabilité limitée DLA Piper Luxembourg, au nom de la société en commandite simple (AA) SCS, avec siège social à L-…, pour réclamer contre le bulletin rectificatif de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2019, le bulletin rectificatif de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2019, le bulletin de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2020 et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2020, tous émis en date du 28 septembre 2022 ;
Vu le dossier fiscal ;
3 Vu la mise en état du directeur des contributions du 5 mai 2023 en vertu des §§ 243, 244 et 171 de la loi générale des impôts (AO), ainsi que la réponse y relative de la réclamante, entrée le 30 juin 2023 ;
Vu les §§ 102, 107, 228, 238, 254, alinéa 2 et 301 AO ;
Considérant que si l’introduction de plusieurs instances par une seule et même requête n’est incompatible, en l’espèce, ni avec le secret fiscal, ni avec les règles de compétence et de procédure, elle ne dispense pas d’examiner chaque acte attaqué en lui-même et selon ses propres mérites et ne saurait imposer une jonction qu’il est loisible au directeur des contributions de prononcer lorsque les instances lui paraissent suffisamment connexes ; qu’il n’y a pas lieu de la refuser en la forme ;
Considérant que les réclamations ont été introduites par qui de droit (§ 238 AO), dans les forme (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elles sont partant recevables ;
Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition de l’avoir soumise à l’impôt commercial communal au motif qu’elle exercerait une activité commerciale, ce qu’elle réfute ;
Considérant qu’à l’origine, le bureau d’imposition avait émis le bulletin de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés de l’année 2019 et le bulletin de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2019 en date du 22 septembre 2021 ; que suite au dépôt par la réclamante, le 15 septembre 2022, de sa déclaration rectificative, le bureau d’imposition émit les bulletins rectificatifs de l’établissement séparé et en commun des revenus d’entreprises collectives et de copropriétés ainsi que de la base d’assiette de l’impôt commercial communal de l’année 2019 en date du 28 septembre 2022 sur base du § 222, alinéa 1er, numéro 1 AO, étant donné que le bénéfice commercial finalement réalisé était supérieur au bénéfice initialement imposé et justifiait la fixation d’un impôt plus élevé ;
Considérant qu’au moment de la notification des bulletins rectificatifs, les bulletins originaires de l’année 2019 avaient déjà acquis force de la chose décidée de sorte que les réclamations introduites le 3 janvier 2023 ne peuvent remettre en cause les bases imposables fixées par les bulletins d’origine ; qu’il s’ensuit que les réclamations n’ont été valablement introduites dans le délai de trois mois qu’à l’égard des bulletins rectificatifs de l’année 2019, émis en date du 28 septembre 2022, attaquables, conformément aux dispositions du § 234 AO, dans la mesure où les cotes d’impôt rectifiées dépassent les cotes originaires ;
Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, sans égard aux conclusions et moyens de la réclamante, la loi d’impôt étant d’ordre public ;
qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-
fondé ;
Considérant qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à 4 critique ;
Considérant que la réclamante conteste exercer la moindre activité commerciale et estime dès lors ne pas devoir être soumise à l’impôt commercial communal ;
Considérant qu’en vertu du § 11bis de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) et de l’article 175, alinéa 1er de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.), les sociétés en nom collectif, les sociétés en commandite simple, les sociétés en commandite spéciale, les groupements d’intérêt économique, les sociétés commerciales momentanées, les sociétés en participation et les sociétés civiles sont considérées comme n’ayant pas de personnalité juridique distincte de celle des associés ; qu’ainsi, « les sociétés de personnes, dont les sociétés civiles immobilières, sont considérées comme fiscalement transparentes en matière d’imposition sur le revenu, c’est-à-dire – encore qu’en droit des sociétés elles soient considérées comme ayant une personnalité juridique distincte – elles ne constituent pas des sujets fiscaux autonomes, de sorte à ne pas être imposées dans leur propre chef, mais dans le chef de leurs associés qui sont soumis personnellement à l’impôt sur le revenu pour leur part dans le revenu de la société » (Tribunal administratif du 2 mars 2009, n° 24389 du rôle) ;
Considérant que suivant le § 2, alinéa 1er de la loi concernant l’impôt commercial communal (GewStG), est soumise à l’impôt commercial communal toute entreprise commerciale au sens de l’article 14 ;
Considérant qu’en vertu de l’article 14, n° 1 LIR, est considéré comme bénéfice commercial le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale ; qu’est réputée entreprise commerciale toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, lorsque ladite activité ne forme ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale ;
Considérant que suivant l’article 14, n° 4 L.I.R., est encore considéré comme bénéfice commercial, nonobstant les dispositions de l’article 175, alinéa 1er et en l’absence d’une activité rentrant parmi celles visées par le n° 1, le revenu net provenant d’une activité à but de lucre exercée soit par une société en commandite simple ou par une société en commandite spéciale, dont au moins un associé commandité est une société de capitaux détenant au moins 5% des parts d’intérêts, soit par une société en nom collectif, un groupement d’intérêt économique ou une société civile, dont la majorité des parts est détenue par une ou plusieurs sociétés de capitaux ;
Considérant que la réclamante a été constituée le 13 mars 2019 sous la forme d’une société en commandite simple avec pour objet principal l’acquisition et la conservation de certains droits sur un film commercial et ses dérivés, le financement et la distribution de ce film et ses dérivés ;
Considérant que le 9 mai 2019, la réclamante a conclu un contrat de production (« production services agreement ») avec sa filiale de droit américain (AA1), Inc. aux termes duquel cette dernière, en tant que société de services, devait fournir conseil et assistance à la réclamante, productrice au titre de ce contrat, dans le cadre de la pré-production, la production et la post-production d’un film commercial dont la réclamante détenait alors les 5 droits ;
Considérant que le même jour, la réclamante a conclu un contrat de financement (« Equity Investment Agreement ») avec la société (AA1), Inc. afin de lui apporter des fonds à hauteur de … dollars américains ;
Considérant que la réclamante a financé la production du film par crédit bancaire ainsi que par un prêt d’un de ses associés ;
Considérant qu’en date du 26 janvier 2020, la réclamante a conclu un contrat intitulé « Acquisition of rights term sheet (distribution agreement) » avec la société de droit américain (DD), Inc. au terme duquel cette dernière se voyait octroyer, contre rémunération, à perpétuité, les droits exclusifs de distribution du film incluant les droits promotionnels et publicitaires divers y relatifs et à l’exception des droits musicaux ;
Considérant que les faits de l’espèce doivent être examinés à la lumière des quatre critères positifs de l’article 14, n° 1 L.I.R., étant non contesté que l’activité de la réclamante ne constitue ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale et que son associé commandité est une société de capitaux détenant moins de 5% des parts d’intérêts de la réclamante ;
Considérant que le critère de l’indépendance exige une activité exercée pour le compte et aux risques et périls du contribuable, qu’elle le soit par le contribuable lui-même ou par un tiers ; que ce critère délimite le revenu net provenant d’une exploitation commerciale du revenu net provenant d’une occupation salariée (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. part. 5714, commentaire des articles, ad art. 17) ;
Considérant que la réclamante soutient que le critère de l’indépendance ne serait pas rempli au motif qu’en ayant externalisé ses activités de distribution, elle aurait également externalisé les risques de pertes qui y sont attachés, ce qui serait démontré par le fait que la société ne recevrait qu’une compensation fixe au titre du contrat de distribution ; qu’en outre, selon elle, « compte tenu de la transparence de la Société elle-même, les risques résiduels liés à la détention passive des droits relatifs au film sont, en réalité, fiscalement transférés aux associés » ;
Considérant que toutes les opérations de l’espèce ont été réalisées par la réclamante, une société en commandite simple dotée de la personnalité juridique, en son nom propre et pour son propre compte, celle-ci étant la signataire de l’ensemble des contrats de l’espèce ;
que c’est à tort qu’elle invoque ne supporter aucun risque en lien avec l’activité de distribution alors qu’elle supporte en réalité l’intégralité des risques liés à ses activités prises dans leur ensemble ; qu’en effet, le contrat de distribution, source des recettes de la réclamante, ne pourrait être honoré en cas de défaut de production du film, la production dudit film n’ayant même pas encore été terminée au moment de la conclusion du contrat de distribution ; que le critère de l’indépendance est ainsi établi ;
Considérant que le critère du but de lucre constitue le point commun de toute activité génératrice de revenus imposables et sert ainsi à différencier l’activité commerciale de l’activité d’amateur (« Liebhaberei ») et de l’activité purement bénévole, de manière que les 6 activités qui ne sont pas tournées vers la réalisation d’un profit - encore que le but de lucre puisse être l’objectif accessoire et non pas principal de l’activité et que même la recherche d’un intérêt seulement modique procuré par les moyens investis suffit pour admettre un but de lucre -, ne sont pas constitutives d’une entreprise commerciale ou d’une profession libérale pour ne pas être motivées par des intentions financières, mais par des intérêts purement privés ; que le critère du but de lucre implique notamment que l’activité en question soit structurée et exercée de manière à donner la perspective raisonnable de dégager, au moins à moyen terme, un revenu positif, ce qui implique que le contribuable adopte un comportement économiquement raisonnable, c’est-à-dire que ses expectatives doivent être réalisables et surtout qu’il doit déployer les efforts nécessaires et proportionnés propres à aboutir à un rendement économique (Cour administrative du 14 juillet 2015, n° 35070C du rôle) ;
Considérant que la réclamante soutient que le critère du but de lucre ne serait pas non plus rempli puisqu’en application de ses statuts, elle est « tenue de distribuer, de manière automatique, à son associé commanditaire l’intégralité des fruits récoltés de l’exercice de son activité », de sorte que « le but de lucre est celui visé par les investisseurs et non la Société elle-même » ;
Considérant qu’il n’est pas contestable en l’espèce que les activités de la réclamante, plus amplement détaillées ci-après, sont structurées avec l’objectif durable de réalisation des bénéfices pour son compte, ce qui a d’ailleurs été le cas ; que le fait que ces bénéfices sont, une fois réalisés, entièrement distribués aux associés ne permet pas de caractériser ses activités de bénévoles, l’objectif lucratif de ses activités propres n’étant pas contestable ; que le critère du but de lucre est ainsi établi ;
Considérant, quant au caractère de permanence, qu’il est rappelé qu’il résulte des travaux préparatoires de la loi du 4 décembre 1967 concernant l’article 14 L.I.R. que « le caractère de permanence n’implique pas nécessairement que l’activité se répète. Pour qu’il y ait permanence, il suffit que l’activité ait lieu avec l’intention de la répéter si l’occasion s’en présente et de constituer de la sorte une source de revenu sur la base d’opérations répétées » (projet de loi concernant l’impôt sur le revenu, doc. parl. 5714, commentaire des articles, ad art. 17) ; que ce même commentaire précise que « le caractère de permanence sépare l’activité commerciale (…) d’actes similaires isolés qui ont lieu dans le cadre de l’administration du patrimoine privé du contribuable. » ;
Considérant que la réclamante invoque que « dès sa constitution, il était établi que l’ensemble de ses opérations seraient circonscrites à la réalisation de sa seule et unique fonction : détenir passivement les droits portant sur le Film en vue de sa production et de sa distribution. Autrement dit, dès sa création, la Société n’avait pas vocation à acquérir, détenir, produire, exploiter ou distribuer des droits portant sur d’autres projets cinématographiques, ni à se livrer à une quelconque autre activité » ;
Considérant que force est tout d’abord de constater que l’objet social de la réclamante, tel qu’il ressort de ses statuts, consiste dans l’acquisition et la détention de certains droits sur un film commercial et ses produits dérivés ainsi que la distribution de ce film et ces produits ;
qu’en matière de principe, la production et la distribution d’un film et de ses produits dérivés relèvent sans contexte d’activités commerciales ;
7 Considérant qu’il convient ensuite de noter que les opérations de l’espèce, à savoir l’acquisition des droits autorisant la réclamante à produire, exploiter et distribuer le film, la conclusion des contrats de production, de distribution et de financement, ont toutes été réalisées de manière systématique et non pas de manière occasionnelle ;
Considérant qu’il ressort ainsi du contrat de production que la réclamante ne s’est pas limitée à passivement charger la société (AA1), Inc. de produire le film mais, aux termes dudit contrat, (AA1), Inc. était en charge de fournir des services de conseil et d’assistance à la réclamante dans toutes les phases de la production (voir clause 2.2 du contrat de production) ; que la réclamante avait en outre conservé un droit de regard soutenu sur les conditions de la production dudit film (voir par exemple clause 2.3 du contrat de production) ;
Considérant qu’afin de financer ses activités, la réclamante a conclu un contrat de prêt (« loan facility ») avec la banque française (EE) d’un montant maximum de … dollars américains ; qu’il est à noter qu’au titre de ce contrat de prêt, la réclamante est présentée comme étant l’entité en charge de l’exploitation du film sous toutes ses formes ;
Considérant que le contrat de financement conclu entre la réclamante et (AA1), Inc. (et non le contrat de distribution), prévoit une allocation en cascade (« waterfall ») des produits issues de l’exploitation du film, incluant, pour la réclamante, un pourcentage des recettes brutes restantes après déduction de certains paiements prioritaires (voir section 4 du contrat de financement) ; que ce mode de rémunération reflète la collaboration active de la réclamante aux activités d’exploitation du film ;
Considérant qu’à côté de ces contrats principaux, il est également noté que la réclamante fut amenée à négocier et conclure toute une série d’autres contrats en relation avec ses activités, dont notamment ceux relatifs aux droits musicaux du film (incluant un contrat de cession séparé des droits musicaux) ;
Considérant qu’il ressort du dossier fiscal, ainsi que des pièces versées, que la réclamante a accordé une licence perpétuelle à la société (DD), Inc. (voir annexe G du contrat de distribution) ; que le contrat de licence litigieux s’intitule « acquisition of rights » ; que la « compensation fixe » qui, selon les dires de la réclamante, aurait servi de rémunération au titre du contrat de licence, a été enregistrée comptablement par la réclamante en tant que produit de la cession dudit film et non pas comme redevance ; que les droits détenus par la réclamante sur le film ne sont d’ailleurs plus comptabilisés à son bilan au 31 décembre 2020 ; qu’en application du principe de l’appréciation d’après les critères économiques en matière fiscale (§ 11 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG)), force est de constater que la licence est en réalité à considérer économiquement comme une cession dudit film à la société (DD) qui en est devenue la propriétaire économique, ce qui est d’ailleurs suggéré par l’intitulé original du contrat de licence, celui-ci faisant référence à une acquisition de droits par cette dernière ; que dès lors la rémunération perçue par la réclamante conformément aux contrats doit être considérée comme le prix obtenu pour cette cession ;
Considérant que la réclamante a ainsi structuré l’ensemble de ces activités de manière à assurer, de manière permanente, la production puis la vente de biens économiques, en l’occurrence de films, conformément à son objet social ; que la réclamante ne s’est pas contentée d’actes isolés ou purement occasionnels destinés à simplement percevoir les fruits 8 réguliers des actifs par elle détenus ; que le fait que les opérations de l’espèce ne concernent qu’un seul film commercial ne saurait justifier l’absence d’activités commerciales, cette activité pouvant être répétée si l’occasion s’en présente ;
Considérant finalement que les activités de la réclamante sont reconnaissables aux tiers, la réclamante s’étant présentée comme ayant une activité de production et de distribution du film ; qu’elle était à l’initiative et a pris la responsabilité de la réalisation du film ; qu’elle a été amenée à négocier, exploiter et gérer toutes les activités y relatives ; qu’elle a ainsi sans contexte participé à la vie économique générale ;
Considérant que la réclamante a ainsi exercé une activité de production, d’exploitation commerciale et de vente d’une œuvre cinématographique dépassant le cadre d’une simple détention passive d’actifs ; qu’il ne peut dès lors pas être soutenu que les opérations de l’espèce entrent dans le cadre d’une gestion normale de patrimoine privé ; qu’au contraire, ces opérations marquent la volonté de la réclamante de traiter le film comme objet commercial, acquis dans le but d’une revente, rentabilisant ainsi à court terme tant sa gestion que son capital investi ; que partant, le résultat tiré de l’exploitation, respectivement de la cession du film, est à considérer comme bénéfice commercial au sens de l’article 14 L.I.R,, entrant dans les prévisions du § 2, alinéa 1er GewStG ;
Considérant que cette conclusion est d’ailleurs identique à la position prise par la réclamante au travers de ses propres déclarations fiscales, cette dernière ayant en effet déclaré les revenus litigieux dans la catégorie du bénéfice commercial ;
Considérant qu’il se dégage de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de confirmer intégralement le bureau d’imposition dans sa manière d’agir ;
Considérant que pour le surplus les impositions sont conformes à la loi et aux faits de la cause et ne sont d’ailleurs pas autrement contestées ;
PAR CES MOTIFS reçoit les réclamations en la forme, les rejette comme non fondées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 24 novembre 2023, la société (AA) SCS a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision directoriale précitée du 24 août 2023.
I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 AO et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre 9 une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre un bulletin d’imposition.
Le tribunal est, dès lors, compétent pour connaître du recours en réformation introduit à l’encontre de la décision directoriale précitée du 24 août 2023, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
II) Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, et après avoir repris les faits et rétroactes exposés ci-avant, la société demanderesse explique, tout d’abord, qu’elle ferait partie d’un groupe spécialisé dans la fourniture internationale de contenu de haute qualité pour tous types de plateformes, que ce soit pour le cinéma, la télévision, le numérique, les courts-métrages ou l’animation, ci-après désigné par le « (FF) ». Ce groupe collaborerait avec des créateurs de renom dans le monde entier pour produire des œuvres qui allieraient créativité et prouesses commerciales et qui se singulariseraient par une narration de haute qualité. Le (FF) disposerait de bureaux à …, …, …, …, et au Luxembourg, la société demanderesse ajoutant que ses équipes s’engageraient à offrir le meilleur du contenu européen et international au public du monde entier.
Après avoir indiqué qu’elle aurait été constituée en 2019 sous la forme d’une société en commandite simple (« SCS »), la société demanderesse explique que la société en commandite simple (GG) SCS, ci-après désignée par la « société (GG) », aurait détenu un intérêt de 99,90% en sa qualité d’associé commanditaire dans son chef et que le solde de 0,10% aurait été détenu par la société à responsabilité limitée (HH) SARL, ci-après désignée par la « société (HH) », en sa qualité d’associé commandité. De son côté, la société (HH) aurait, par ailleurs, été l’associé commandité de la société (GG) dont elle détiendrait 0,10% de parts d’intérêts, tandis que c’est la société en commandite par actions (II) SCA, ci-après désignée par la « société (II) », qui aurait détenu un intérêt de 99,90% dans la société (GG) en sa qualité d’associé commanditaire.
La société demanderesse explique, ensuite, que conformément à son objet social, elle aurait été constituée dans le seul et unique but d’acquérir et de conserver des droits portant sur un film commercial et sur les produits dérivés qui y seraient liés, de financer et de distribuer ce film et ses produits, ainsi que d’entreprendre tout ce qui serait nécessaire ou utile pour la réalisation de ces buts. Le film visé par le formulaire d’immatriculation au Registre de commerce et des sociétés de Luxembourg (« RCS »), s’intitulerait « (AA) SCS », traduit en français par « La proie d’une ombre ». Il s’agirait d’un « film d’horreur psychologique » américain réalisé par Monsieur (A) et qui serait sorti en 2020, ci-après désigné par le « Film ».
La société demanderesse ajoute que sa stratégie d’investissement unique, qui serait en ligne avec celle de son associé commanditaire consisterait exclusivement à détenir passivement les droits relatifs au Film, à l’exclusion de toutes autres activités opérationnelles. Pour atteindre cet objectif, elle aurait externalisé les fonctions de production et de distribution sur base de deux contrats.
10 La société demanderesse indique, ensuite, qu’en avril 2019, soit peu après sa constitution, elle aurait emprunté la somme de … euros auprès de (EE), un établissement de crédit spécialisé dans le financement de projets culturels dont le siège se situerait en … (Etats-
Unis d’Amérique), sous la forme d’une ouverture d’une ligne de crédit garantie. En mai 2019, la société demanderesse explique qu’elle aurait emprunté la somme de … euros auprès de son associé commanditaire, la société (GG), sous la forme d’une ligne de crédit garantie et non renouvelable, qu’elle désigne comme étant un emprunt intragroupe.
Pour la phase de production du Film, la société demanderesse explique qu’elle aurait conclu, en date du 9 mai 2019, un contrat de production avec la société américaine dénommée (AA1) INC, ci-après désignée par la « société (AA1) INC », Aux termes de ce contrat, elle aurait ainsi contrôlé et détenu les droits relatifs au Film, mais sous-traité la production envers la société (AA1) INC pour une durée déterminée, c’est-à-dire jusqu’à l’achèvement de la production du Film.
Dans ce cadre et afin de permettre à la société (AA1) INC de produire le Film, la société demanderesse affirme qu’elle lui aurait « octroyé » le montant de … euros au cours de l’année fiscale 2019 et que cette somme lui aurait été intégralement remboursée au cours de l’année fiscale 2020. Elle souligne que dans le cadre de la production du Film qui aurait eu lieu à …, la société (AA1) INC aurait bénéficié d’un crédit d’impôt américain, la société demanderesse indiquant que cela serait reflété dans ses propres comptes relatifs à l’année fiscale 2020 « en tant que créance sur la ville de … pour un montant de … euros ».
Pour la phase de distribution, la société demanderesse indique qu’elle aurait conclu, en date du 26 janvier 2020, un contrat de licence et de distribution avec la société américaine (DD) INC, ci-après désignée par la « société (DD) INC », qui serait une société tierce dont le siège social serait lui aussi situé en … (Etats-Unis d’Amérique), en sa qualité de distributeur. Aux termes de ce contrat, elle aurait octroyé aux fins de sous-traitance, pour une durée indéterminée, les droits de distribution du Film, à savoir les « Copyright Revenues » et les « Marketing, Distribution, Exploitation, Advertising and Publicity Rights » à la société (DD) INC, tels qu’ils seraient décrits dans le contrat de distribution, à l’exclusion des droits musicaux, à savoir les « Music Publishing Rights » et les « Soundtrack Recording Rights » dont l’exploitation et la distribution devraient faire l’objet, au préalable, d’une concertation avec « (BB) et (CC) ».
En contrepartie des droits accordés aux fins de sous-traitance pour une durée indéterminée en faveur de la société (DD) INC, celle-ci lui aurait versé, au cours de l’année fiscale 2020, la somme fixe de … euros, soit l’équivalent de USD …, dont il y aurait lieu de déduire certains coûts de distribution qui auraient été supportés par la société (DD) INC à hauteur de USD ….
« A titre d’information », la société demanderesse relève que l’ensemble des revenus liés à la distribution du Film auraient été collectés et répartis par un collecteur tiers dénommé (JJ).
Elle indique encore, en ce qui concerne la bande son du Film, qu’elle aurait conclu en date du 30 avril 2019, un contrat de commission, intitulé « Film Music Commission Agreement » avec la société (BB), ci-après désignée par la société « (BB) », aux termes duquel celle-ci se serait engagée à financer la production de la bande son du Film pour un montant 11 total de USD …, lequel aurait ensuite été transféré par la société (BB) à la société (CC), ci-
après désignée par la « société (CC) ». Par rapport au montant total de USD …, la société demanderesse précise qu’aux termes d’un contrat, intitulé « Music Department & Services Agreement / (AA) SCS » conclu entre la société (AA1) INC et la société (CC), celle-ci aurait conservé un montant s’élevant à USD … au titre de la rémunération de ses services de supervision et de production de la bande son du Film, et aurait déposé la différence, soit USD … auprès de la société dénommée (II) INC qui serait établie en …. La société demanderesse ajoute encore qu’au titre de la cession des droits musicaux qu’elle détiendrait sur le Film en faveur de la société (CC), elle aurait perçu une somme de … euros de la part de cette société.
Ces sommes auraient notamment servi à rembourser l’emprunt contracté et les intérêts liés contractés auprès de la banque (EE) et auprès de la société (GG). La société demanderesse ajoute encore qu’au cours de l’année fiscale 2020, elle aurait perçu une somme de … euros de la part de la société (CC) au titre de la cession des droits musicaux en faveur de cette dernière.
Elle en conclut qu’au cours de l’année fiscale 2019 elle aurait été constituée et qu’elle aurait conclu des contrats nécessaires à la production du Film avec ses différents partenaires, mais que ces contrats n’auraient pas été générateurs de revenus. L’essentiel de ses revenus auraient été liés au contrat de distribution, lequel aurait été conclu au cours de l’année 2019, raison pour laquelle elle aurait déclaré un résultat fiscal de … euros pour l’année fiscale 2019, mais en revanche un résultat fiscal de … euros pour l’année fiscale 2020.
En droit, la société demanderesse fait valoir, dans un premier temps, que son activité n’irait pas au-delà de celle qui serait exercée par un fonds d’investissement alternatif (« FIA ») et se prévaut, dans ce contexte, des critères afférents que le directeur aurait fixé au sujet d’une SCS ou d’une société en commandite spéciale (« SCSp ») qualifiant de FIA au sens de la loi modifiée du 12 juillet 2013 relative aux gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, ci-
après désignée par la « loi du 12 juillet 2013 », dans sa circulaire L.I.R. n° 14/4 du 9 janvier 2015, ci-après désignée par la « Circulaire ». De telles sociétés seraient réputées ne pas réaliser une activité commerciale au sens de l’article 14, numéro 1 de la loi modifiée du 4 décembre 1967 concernant l'impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », alors que la non-
commercialité serait, dans un tel cas, justifiée par le fait que le fonds d’investissement alternatif devrait avoir une politique d’investissement conforme à la loi précitée et aux lignes directrices émises par l’Autorité européenne des marchés financiers (« European and Markets Authority », en abrégé « ESMA »).
La société demanderesse explique, d’une part, que la société (II) détiendrait un intérêt majoritaire dans la société (GG), laquelle serait considérée comme transparente pour des raisons fiscales, et, d’autre part, que la société (GG) détiendrait elle-même un intérêt majoritaire dans son chef. Elle ajoute que la société (II) qualifierait de FIA et agirait en fonction d’une politique d’investissement conforme à la loi du 12 juillet 2013 et en ligne avec les recommandations de l’ESMA, de sorte que la société (II) serait réputée ne pas réaliser une activité commerciale au sens de l’article 14, numéro 1 LIR et de la Circulaire, si sa forme sociale avait été celle d’une SCS ou d’une SCSp.
Elle poursuit en affirmant qu’il ne serait pas contesté qu’elle ne qualifierait elle-même pas de FIA et qu’elle ne pourrait, en conséquence, pas bénéficier de la « présomption de non-
commercialité ». Or, dans la mesure où (i) elle serait détenue à 99,90% par la société (GG), laquelle serait présumée transparente pour des raisons fiscales, et que celle-ci serait détenue 12 par la société (II) à hauteur de 99,90%, et (ii) elle serait imposée dans le chef de ses associés, il serait « raisonnable de penser » qu’elle ne pourrait pas exercer une activité qui irait au-delà de l’activité autorisée au niveau de la société (II).
Elle ajoute qu’il serait courant que les fonds d’investissement investissent et opèrent au travers de sociétés dédiées sous-jacentes, que ce soit pour des raisons de limitation des risques ou encore par exemple pour obtenir des financements externes. Il ressortirait clairement de la Circulaire que les fonds d’investissements alternatifs seraient présumés ne pas exercer d’activité commerciale au sens de la LIR, mais qu’en revanche, les entités d’investissement sous-jacentes dont elle-même ferait partie, dont l’activité ne représenterait « naturellement » qu’une fraction de l’activité du fonds d’investissement les détenant, ne bénéficieraient d’aucune présomption de non-commercialité.
La société demanderesse donne à considérer qu’au cours des années d’imposition litigieuses, la société (II) aurait été constituée sous la forme de société en commandite par actions (« SCA »), qui serait fiscalement opaque, de sorte qu’elle ne serait pas « couverte » par la présomption de non-commercialité au regard de la Circulaire. Elle donne à considérer que dans l’hypothèse où la société (II) aurait été constituée sous la forme de SCSp, il serait « raisonnable » de considérer qu’elle aurait toutefois bénéficié de la présomption de non-
commercialité conformément à la Circulaire. La société demanderesse en déduit qu’il ne serait pas cohérent de considérer qu’elle-même, en tant qu’entité d’investissement dédiée et sous-
jacente de la société (II), exercerait une activité commerciale a contrario du fonds d’investissement qui la détiendrait, alors qu’elle ne réaliserait, de par sa nature et par son objet, qu’une partie de l’activité de ce dernier. Ainsi, dès lors que ses activités seraient exercées par le biais de plusieurs entités sous-jacentes, un fonds d’investissement, tel que la société (II), exercerait nécessairement une activité qui dépasserait le cadre de celle de ses entités dédiées au regard des critères de l’activité commerciale visés dans la LIR.
La société demanderesse poursuit en affirmant qu’il ne serait pas contestable que la société (II) exercerait un contrôle étendu sur elle-même, notamment au motif que tous ses propres flux financiers seraient indirectement contrôlés par la société (II), de sorte que, notamment, le critère d’indépendance au sens de l’article 14, numéro 1 LIR serait nécessairement davantage établi au niveau de la société (II) qu’à son propre niveau. Or, en application de la Circulaire, la non-commercialité serait présumée au niveau d’un fonds d’investissement qui respecterait les conditions de l’article 14, numéro 1 LIR et non pas au niveau de l’une de ses entités sous-jacentes dédiées, qui pourtant respecterait « a fortiori » ces conditions. Il serait « évident », notamment au regard des critères de participation à la vie économique générale ou d’indépendance visés à l’article 14, numéro 1 LIR, que si ces derniers ne sont pas remplis au niveau du fonds d’investissement, lequel exercerait une activité plus vaste, ils ne sauraient pas non plus être remplis au niveau d’une seule de ses entités sous-
jacentes dédiées qui, par nature, exercerait une activité plus restreinte.
En conclusion, la société demanderesse soutient que dans la mesure où la société (II) aurait bénéficié d’une présomption de non-commercialité dans l’hypothèse où sa forme sociale aurait été celle d’une entité dans le champ d’application de la Circulaire, et où elle-même serait une entité d’investissement sous-jacente purement dédiée à l’activité de son associé commanditaire, il serait « raisonnable de considérer a fortiori » qu’elle ne saurait être considérée comme réalisant une activité commerciale au sens de la LIR.
13 Dans un second temps, la société demanderesse se réfère aux dispositions de l’article 14, numéro 1 LIR pour expliquer qu’à l’égard de l’impôt sur le revenu des collectivités, une société prenant la forme juridique d’une SCS serait considérée comme étant transparente d’un point de vue fiscal conformément à l’article 175 LIR, tel que cela serait confirmé par la Circulaire. En revanche, les entreprises commerciales exploitées par une SCS seraient des contribuables assujettis à l’impôt commercial communal pour autant que les conditions de l’article 14 LIR et du § 2 alinéa 2 de la loi du 1er décembre 1936 concernant l’impôt commercial, telle que modifiée, appelée « Gewerbesteuergesetz », en abrégé « GewStG », relatives au bénéfice commercial soient remplies. Après avoir cité ces dispositions, la société demanderesse affirme qu’il ne serait pas contesté que son activité ne constituerait ni une exploitation agricole ou forestière, ni l’exercice d’une profession libérale, et que son associé commandité serait une société de capitaux qui détiendrait moins de 5% de ses parts d’intérêts.
Les critères de l’article 14, numéro 1 LIR seraient cumulatifs, de sorte qu’il suffirait qu’un seul des critères ne soit pas rempli pour exclure l’existence d’une activité commerciale et, par conséquent, pour exclure la réalisation d’un bénéfice commercial imposable.
En ce qui concerne le critère d’indépendance visé à l’article 14, numéro 1 LIR, la société demanderesse explique qu’une activité devrait être exercée pour le compte du contribuable en question, et à ses propres risques et périls. Le risque économique, à savoir le risque de subir des pertes de son activité, devrait être supporté par le contribuable pour que son activité puisse être considérée comme revêtant un caractère commercial. Il serait traditionnellement établi que ce premier critère permettrait de distinguer l’activité commerciale du schéma d’une occupation salariée, dans le cadre de laquelle le contribuable dépendrait d’un tiers qui supporterait le risque économique et qui exercerait sur lui un certain pouvoir de direction.
Après avoir indiqué qu’elle aurait été constituée dans le but exclusif de détenir passivement des droits portant sur le Film et qu’elle réaliserait l’objet pour lequel elle aurait été créée, lequel serait stipulé à la clause 3 de son « Limited Partnership Agreement », la société demanderesse donne à considérer qu’à travers la conclusion du contrat de production et du contrat de distribution, elle aurait externalisé les activités opérationnelles de production et de distribution du Film. De la même manière, il ressortirait de ses comptes annuels concernant l’exercice 2020, versés en cause, que la quasi-intégralité des revenus qu’elle aurait perçus seraient liés à l’exécution par la société (DD) INC de ses obligations telles qu’elles découleraient du contrat de distribution, la société demanderesse expliquant qu’il s’agirait du paiement d’une compensation en contrepartie des droits de distribution octroyés aux fins de sous-traitance par elle-même.
Elle poursuit en expliquant qu’il ressortirait des termes du contrat de distribution qu’en externalisant l’exercice des activités de distribution, elle aurait également externalisé les risques de pertes qui y seraient attachés. Ainsi, elle ne supporterait aucun risque en relation avec l’exercice par la société (DD) INC de l’activité opérationnelle de distribution. De plus, il ressortirait des termes du contrat de distribution que les risques qu’elle aurait supportés en relation avec l’exécution par la société (DD) INC de ses obligations contractuelles seraient limités dans la mesure où elle se serait assurée de recevoir une compensation minimum et dans la mesure du partage de recettes additionnelles éventuelles, rémunération qui resterait déterminée indépendamment des risques de pertes supportés par la société (DD) INC. En outre, 14 compte tenu de sa transparence fiscale, les risques résiduels liés à la détention passive des droits relatifs au Film seraient « en réalité fiscalement transférés aux associés ». La société demanderesse en conclut qu’elle ne supporterait pas les risques de pertes liés à l’exercice par la société (DD) INC de son activité de distribution et ne supporterait pas non plus directement les risques de pertes liés à l’exécution par la société (DD) INC de ses obligations contractuelles sous le contrat de distribution, lesquels seraient transférés aux associés. Il en résulte qu’elle ne supporterait pas, de manière indépendante, le risque économique de subir les pertes relatives à la détention passive des droits exploités par la société (DD) INC. Le critère d’indépendance visé à l’article 14, numéro 1 LIR ne serait partant pas rempli dans son chef.
Quant au critère de but de lucre, la société demanderesse indique qu’il ne serait rempli qu’à la condition que les attentes du contribuable soient raisonnables et que ce dernier déploie les efforts nécessaires et proportionnés propres à aboutir à un rendement économique. Il ressortirait de la jurisprudence que ce critère impliquerait notamment que l’activité en question soit structurée et exercée de manière à donner la perspective raisonnable de dégager, au moins à moyen terme, un revenu positif.
La société demanderesse réitère que dans la mesure où son activité consisterait en la détention passive des droits relatifs au Film dont l’exploitation aurait été sous-louée à la société (DD) INC. Elle se réfère à son « Limited Partnership Agreement » pour soutenir qu’elle serait tenue de distribuer, de manière automatique, à son associé commanditaire l’intégralité des fruits récoltés de l’exercice de son activité de détention passive des droits portant sur le Film, déductions faites de certaines dépenses jugées nécessaires pour l’exercice de l’activité. Elle en déduit que le but de lucre serait celui recherché par les investisseurs et non pas son propre but, de sorte que le critère en question ne saurait être rempli, la société demanderesse indiquant que suivant son « Limited Partnership Agreement », elle n’aurait à aucun moment réalisé un profit dont elle aurait la libre administration, alors que les opérations réalisées auraient toujours eu pour but, à son niveau, de générer mécaniquement un résultat neutre qui s’opposerait à toute intention lucrative.
Quant au critère de permanence de l’activité, la société demanderesse se réfère aux travaux parlementaires relatifs à l’article 14 LIR et explique que la doctrine considérerait qu’il y serait satisfait lorsque l’activité serait systématique et qu’elle serait effectuée de manière intensive.
La société demanderesse se réfère ensuite à deux arrêts du Bundesfinanzhof des 15 décembre 1971 et 17 janvier 1973 pour soutenir qu’une activité répondrait à la qualification de permanence lorsqu’elle reposerait sur une seule et même décision initiale dont l’exécution nécessiterait cependant de multiples opérations.
Tout en se référant ensuite aux travaux parlementaires susvisés, la société demanderesse explique que le critère de permanence permettrait de distinguer l’activité commerciale d’actes similaires isolés qui auraient lieu dans le cadre de l’administration du patrimoine privé du contribuable. Pour permettre d’apprécier le caractère systématique et récurrent d’une activité commerciale par opposition au caractère réputé occasionnel de la simple gestion de patrimoine privé, la jurisprudence se focaliserait sur les critères de « jouissance » et « d’exploitation de la substance ». La gestion serait privée si le contribuable vise principalement à percevoir les fruits réguliers de ses biens, contrairement au commerçant 15 qui rechercherait en premier lieu la réalisation d’une plus-value et, ainsi, la valorisation rapide de son patrimoine.
La société demanderesse se réfère, dans ce contexte, à la Circulaire, à la jurisprudence des juridictions administratives, ainsi qu’à l’ordonnance du 16 décembre 1941 relative à l’exécution des §§ 17 à 19 de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée, appelé « Steueranpassungsgesetz », en abrégé « StAnpG ». Elle argumente qu’il ressortirait du cadre restrictif de son objet social que les seuls actes réalisés par elle consisteraient en la gestion des droits incorporels qu’elle détiendrait en vue de valoriser son patrimoine et que l’activité développée par une SCS, dont elle revêt justement la forme sociale, devrait être appréciée à la lumière de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, notamment en considération du fait que dès sa constitution, il aurait été établi que l’ensemble de ses opérations seraient circonscrites à la réalisation de sa seule et unique fonction, à savoir détenir passivement les droits portant sur le Film en vue de sa production et de sa distribution. Autrement dit, dès sa création, elle n’aurait pas eu vocation à acquérir, détenir, produire, exploiter ou distribuer des droits portant sur d’autres projets cinématographiques, ni à se livrer à une quelconque autre activité. Compte tenu du fait qu’elle n’aurait été constituée que dans le but de réaliser un seul et unique projet, la société demanderesse en conclut que le critère de permanence de l’activité, propre à l’exercice d’une activité commerciale, ne saurait être caractérisée.
La société demanderesse poursuit en se référant à la Circulaire, laquelle clarifierait le traitement fiscal des véhicules d’investissement du secteur des fonds d’investissement alternatifs en spécifiant les critères en vertu desquels l’activité d’une SCS serait dépourvue de toute activité commerciale, à savoir que lorsqu’une SCS serait un FIA au sens de la loi du 12 juillet 2013, elle serait « réputée ne pas réaliser une activité commerciale au sens de l’article 14, numéro 1 L.I.R., car elle n’a par définition pas d’objet commercial, mais un objet d’investissement ». La société demanderesse en déduit qu’il serait admis que des FIA, ayant souvent un volume d’activité plus important et poursuivant une recherche d’augmentation de valeur permettant la réalisation de plus-values tout en réinvestissant les produits de cession des actifs, seraient réputés ne pas réaliser d’activité commerciale en l’absence d’objet commercial.
Elle se réfère à un arrêt de la Cour administrative du 8 février 2018, inscrit sous le numéro 39274C du rôle, qui aurait exclu le caractère de permanence d’une activité sur base des comptes annuels du contribuable concerné au motif qu’il s’en dégagerait qu’il aurait été créé en vue de l’acquisition et de la gestion d’un bien précis, sans qu’il n’en ressorte que ledit contribuable aurait eu l’intention d’acquérir ou de gérer d’autres biens. A cet égard, la société demanderesse donne à considérer qu’il ressortirait de son « Limited Partnership Agreement » qu’elle aurait été créée dans le seul but de produire et de distribuer le Film, préalablement intitulé et déterminé, et ce dans un délai d’environ un an, et qu’elle n’aurait à aucun moment eu l’intention de produire ou de gérer d’autres films. Le critère de la permanence ne pourrait ainsi pas valablement être retenu dans le cas d’espèce.
Elle se réfère ensuite à la jurisprudence des juridictions administratives relative à la question du caractère commercial d’une activité ou d’une activité restant dans la limite de la gestion de patrimoine privé en matière immobilière, ainsi qu’à la Circulaire qui aurait retenu que cette jurisprudence s’appliquerait de manière correspondante en matière de patrimoine mobilier. Dans ce contexte, elle explique que sa principale source de revenu aurait consisté à sous-traiter la production du Film à la société (AA1) INC et à octroyer aux fins de sous-
16 traitance des droits de distribution qui seraient définis dans la clause 2 du contrat de distribution comme les « Copyright Revenues » et les « Marketing, Distribution, Exploitation, Advertising and Puclibity Rights » qu’elle aurait détenu sur le Film à la société (DD) INC, de sorte qu’elle demeurerait le propriétaire juridique de ces droits. Autrement dit, elle n’aurait effectué aucune cession ou revente des droits susmentionnés portant sur le Film, mais se serait bornée à la détention et à l’administration de la substance des actifs en vue de la réalisation de son objet social. Ainsi, son activité ne se serait traduite que par l’administration par voie d’externalisation de son patrimoine privé.
Ensuite, s’agissant des revenus qu’elle aurait tirés de la cession des droits musicaux relatifs au Film, la société demanderesse argumente que compte tenu, d’une part, de la nature de l’opération, laquelle devrait s’analyser comme une opération unique, non susceptible d’être répétée, et, d’autre part, du caractère résiduel des revenus tirés de cette cession, il serait incontestable que son activité ne pourrait être assimilée à celle d’un commerçant.
La société demanderesse en conclut que le critère relatif à l’exercice d’une activité en dehors de la gestion du patrimoine privé ne serait pas rempli et que son activité devrait être qualifiée comme relevant de l’administration passive de son patrimoine privé. Son revenu ne saurait, en conséquence, être catégorisé comme un revenu provenant d’une activité commerciale au sens des dispositions de l’article 14, numéro 1 LIR.
Quant au critère de participation à la vie économique en général, la société demanderesse se réfère à la jurisprudence des juridictions administratives pour en expliciter la teneur, et indiquer que ledit critère serait rempli lorsque l’activité du contribuable serait reconnaissable par les tiers comme une participation à la production et à la distribution des biens économiques, par opposition à l’exercice d’une activité purement privée. Tout en admettant que la participation à la vie économique générale pourrait aboutir à prendre en considération l’envergure et le volume de l’activité du contribuable, la société demanderesse affirme qu’il serait toutefois exigé de tenir compte, au cas par cas, de la nature de l’activité sous examen et que la jurisprudence retiendrait qu’en règle générale, il faudrait que l’activité présente une certaine organisation et une publicité effective pour être constitutive d’une participation à la vie économique générale, mais que tel ne devrait pas nécessairement être le cas en matière immobilière.
Elle poursuit en expliquant que le (FF), dans sa globalité, pourrait certes être reconnaissable du grand public au motif que son activité serait liée au secteur du divertissement à grande échelle et au monde du cinéma, mais donne à considérer qu’elle-même ne réaliserait aucune publicité de quelque forme que ce soit concernant son activité, laquelle aurait pour fonction unique que de détenir les droits sur le Film. Son appartenance même au (FF) resterait d’ailleurs factuellement méconnue du public.
La société demanderesse soutient que même un public qui serait au fait de son objet social ne saurait, compte tenu de sa passivité et au motif qu’elle ne participerait pas à la réalisation opérationnelle du Film, valablement être suffisamment informé au sujet de l’activité spécifique de détention des droits qu’elle détiendrait sur le Film. Il serait également évident que la détention passive de ces droits, qui constituerait sa seule activité, aurait lieu uniquement dans un cadre restreint qui la conduirait à être en contact avec des prestataires, mais en aucun cas avec un public plus large et que cette activité n’aurait aucunement vocation à être proposée 17 à un quelconque public. La société demanderesse en conclut que son activité qui consisterait en la détention des droits portant sur le Film ne saurait être assimilée à une activité opérationnelle pour les besoins de la recherche du critère de participation à la vie économique générale concernant sa propre activité.
Elle ajoute que dans la mesure où les contrats qu’elle aurait conclus et exécutés, à savoir le contrat de production et le contrat de distribution, n’auraient fait l’objet d’aucune publicité à l’égard du public, son activité relèverait d’une nature privée qui ne saurait être reconnaissable par les tiers comme une participation à la production et à la distribution de biens économiques, ou de services. Au contraire, cette activité de production et de distribution du Film serait exécutée par respectivement la société (AA1) INC et la société (DD) INC, lequel serait une partie tierce.
La société fait encore valoir que ledit critère ne serait pas rempli au motif qu’elle n’offrirait pas de services à des tiers, que son activité serait strictement limitée à la détention et à la gestion de ses actifs, que l’intégralité des revenus qu’elle percevrait serait destinée à être distribuée à son associé unique, et, qu’elle ne rechercherait ainsi aucunement à entrer dans une quelconque relation d’affaires avec le public, lequel ne pourrait, dès lors, de fait, percevoir son activité et son intention d’exécuter les actes constituant l’objet de cette activité.
Dans son mémoire en réplique, la société demanderesse fournit des explications relatives à la théorie de l’empreinte (« Geprägetheorie »). Elle conteste l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle l’intégralité de ses parts d’intérêts depuis sa création aurait été détenue par la société à responsabilité limitée (II) SARL et la conclusion que le représentant étatique en aurait tirée, à savoir sa propre imprégnation commerciale immédiate et définitive. La société demanderesse soutient qu’aucune société commerciale n’aurait jamais détenu l’intégralité de ses parts d’intérêts, que ce soit au moment de sa constitution ou par la suite.
Elle explique que le délégué du gouvernement serait parvenu à cette conclusion erronée au motif qu’elle aurait, à l’origine, été constituée par la société à responsabilité limitée (II) SARL, laquelle aurait été son associé commandité, tel que cela ressortirait de son « Limited Partnership Agreement » initial, la société demanderesse affirmant ne pas contester cet élément. Elle aurait plus particulièrement été constituée avec un capital fixe de deux euros, divisé entre une part d’intérêt pour l’associé commandité susvisé, et mille parts d’intérêts pour l’associé commanditaire, la société (GG). Elle ajoute que le montant du capital social de deux euros qui diffèrerait du montant total des parts d’intérêts souscrites serait une erreur typographique qui aurait été corrigée par la suite dans le « Limited Partnership Agreement » dans une version du 7 mai 2019, de sorte que la part d’intérêts de l’associé commandité et les parts d’intérêts de l’associé commanditaire auraient été souscrites et pleinement libérées par ceux-ci par la contribution de respectivement un euro et mille euros lors de sa constitution et ce conformément aux dispositions légales.
Ensuite, la société demanderesse soulève l’incohérence de l’argument du représentant étatique en ce qu’il serait juridiquement impossible de constituer une SCS avec un associé commandité qui détiendrait « l'intégralité des parts d'intérêts » de celle-ci, dans la mesure où la constitution d’une SCS nécessiterait toujours l'entrée au capital d'un associé commanditaire.
La société demanderesse ajoute que la circonstance que son associé gérant commandité initial 18 aurait été remplacé a posteriori par la société (HH) et que son capital social aurait été augmenté de deux euros à mille-un euro pour corriger une erreur typographique, serait d’ailleurs sans pertinence en l’espèce dès lors que l’associé commanditaire avait effectivement contribué un montant de mille euros dès sa constitution.
Sur base de ces éléments, la société demanderesse fait valoir que sa constitution n’aurait pas eu comme conséquence son imprégnation commerciale immédiate et définitive, à défaut d’avoir eu une société de capitaux en qualité d’associé commandité qui aurait détenu plus de 5% de ses parts d’intérêts. L’argumentation afférente du délégué du gouvernement encourrait, partant, le rejet.
Elle fait encore valoir que la décision directoriale aurait elle-même confirmé qu’il serait constant que son associé commandité serait une société de capitaux qui détiendrait moins de 5% de parts d’intérêts dans son chef, sans d’ailleurs lui opposer la théorie de l’empreinte « qui impliquerait, quod non, « [son] imprégnation commerciale immédiate et définitive » ».
Pour le surplus, la société demanderesse maintient son argumentation.
Au sujet du critère de l’indépendance, elle conteste l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle ledit critère serait rempli aux motifs qu’elle supporterait tous les risques relatifs au Film et qu’elle aurait initié, coordonné et suivi l’intégralité du processus cinématographique.
Tout en indiquant que le représentant étatique se serait limité à mentionner son objet social pour en déduire qu’il inclurait la possibilité « de financer et de distribuer ce film et ces produits et de faire tout ce qui est nécessaire ou opportun pour le faire », la société demanderesse réitère que le critère d’indépendance devrait être apprécié au regard de l’exercice pour le compte et aux risques et périls du contribuable de l’activité concernée, et non pas sur la nature de l’activité elle-même. Alors même qu’il ne serait pas contesté qu’elle aurait pu exercer des activités de financement, de distribution et de détention de droits conformément à son objet social, la partie étatique se serait pourtant mépris en déduisant le caractère indépendant de son activité du seul fait qu’elle aurait, selon le délégué du gouvernement, initié, coordonné et suivi le processus cinématographique.
La société demanderesse maintient ses contestations quant au fait qu’elle aurait assumé les risques liés au Film en renvoyant à ses explications fournies dans sa requête qui établiraient qu’elle n’aurait pas supporté les risques de pertes liées à l’exercice de ses activités, notamment concernant l’activité de distribution. Elle en déduit qu’elle n’aurait pas supporté, de manière indépendante, le risque économique de subir les pertes relatives à la détention passive des droits exploités par la société (DD) INC.
Par rapport au critère de but de lucre, la société demanderesse conteste l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle elle tenterait d’écarter l’existence d’un but de lucre par le fait qu’elle sous-traiterait la distribution et la collecte des revenus du Film à une société tierce. A cet égard, la société demanderesse explique qu’elle aurait justement été tenue, en vertu de son « Limited Partnership Agreement », de distribuer de manière systématique à son associé commanditaire, l’intégralité des revenus perçus dans le cadre de sa détention des droits du Film et de la sous-traitance de ses activités. La société demanderesse ajoute qu’elle ne contesterait 19 pas l’existence d’un but de lucre, mais qu’elle contesterait l’existence de celui-ci dans son chef.
Elle réitère que dès lors qu’elle n’aurait pas pu librement réaliser un profit dont elle aurait la libre administration, le but de lucre n’aurait pu exister que dans le chef de son associé commanditaire. Tout en se référant à un arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2015, inscrit sous le numéro 35070C du rôle, la société demanderesse indique encore qu’elle aurait établi qu’elle n’aurait pas été en mesure de dégager à moyen ou long terme un revenu positif, tandis que le fait qu’elle puisse effectivement disposer pendant un court terme de bénéfices pour couvrir ses frais éventuels, avant distribution à ses associés, ne serait pas pertinent pour caractériser un objectif durable de réalisation des bénéfices pour son propre compte.
Quant au critère de permanence de l’activité, la société demanderesse reproche au délégué du gouvernement de soutenir que le but de sa constitution aurait été de développer une activité commerciale et d’en déduire qu’elle exploiterait de manière répétée les droits du film et qu’elle tirerait de manière permanente des revenues de cette activité.
Elle fait valoir qu’il ne serait pas contesté qu’elle aurait exercé ou sous-traité des activités prévues par son objet social et renvoie à ses développements fournis dans sa requête introductive d’instance lesquels auraient démontré que les critères légaux de la caractérisation d’une activité commerciale ne seraient pas remplis en l’espèce.
Elle reproche au délégué du gouvernement de ne pas répondre à l’incohérence, par rapport à la Circulaire, de sa position suivant laquelle, le fait qu’elle aurait perçu un « prix de cession », en contrepartie de la cession du Film à la société (DD) INC, serait un « élément de non-caractérisation d’une activité relevant de la gestion d’un patrimoine privé », la société demanderesse réitérant les conclusions du directeur en ce qui concerne la qualification des revenus générés par un FIA. Dans ce contexte, la société demanderesse expose à nouveau son objet social au regard de son « Limited Partnership Agreement » et conteste l’affirmation du délégué du gouvernement suivant laquelle elle aurait eu une volonté marquée d’acquérir le Film dans le but d’une revente.
Quant au critère de participation à la vie économique en général, la société demanderesse fait valoir que le motif du délégué du gouvernement suivant lequel ledit critère serait rempli au regard de la projection et de l’audience mondiale du Film serait dénué de pertinence. Elle indique qu’elle aurait démontré qu’il ne serait pas contesté que le groupe auquel elle serait intégrée pourrait être reconnaissable du grand public, mais réitère qu’aucune publicité de quelque forme que ce soit ne serait réalisée concernant sa propre activité, laquelle ne consisterait qu’à détenir les droits sur le Film. Son appartenance même au (FF) resterait factuellement méconnue du public et la circonstance d’une large diffusion du Film ne serait pas de nature à affecter cette situation factuelle.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour être non fondé.
Analyse du tribunal L’objet du litige porte sur la question de savoir si l’activité exercée par la société demanderesse au cours des années d’imposition 2019 et 2020, rentre dans la catégorie du 20 « bénéfice commercial » au sens de l’article 14, numéro 1 LIR, tel que l’affirme le directeur, ou si elle relève de la gestion de patrimoine privé.
Tout d’abord, le tribunal retient que c’est à juste titre que la société demanderesse critique la motivation complémentaire fournie par le délégué du gouvernement, pour la première fois en cours de phase contentieuse, fondée sur l’article 14, numéro 4 LIR, pour justifier le caractère commercial de l’activité de la société demanderesse au titre des années d’imposition 2019 et 2020 litigieuses.
Dans la décision déférée, le directeur a, en effet, exclusivement fait une application des dispositions de l’article 14, numéro 1 LIR après avoir constaté qu’il était constant en l’espèce que l’« associé commandité est une société de capitaux détenant moins de 5% des parts d’intérêts de la réclamante [de la société demanderesse] », de sorte à exclure implicitement l’applicabilité du numéro 4 de l’article 14 LIR. En revanche, dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement se prévaut de la théorie de l’empreinte (« Geprägetheorie »), autrement dit de l’article 14, numéro 4 LIR, pour conclure à l’existence d’une activité économique dans le chef de la société demanderesse.
Or, force est de constater que cette argumentation repose sur la prémisse erronée que l’associé commandité de la société demanderesse aurait détenu, au cours des années d’imposition 2019 et 2020, « au moins 5% des parts d’intérêts » dans son chef, tel que requis par l’article 14, numéro 4 LIR. Pourtant, la société demanderesse explique à juste titre qu’il ne ressort pas du « Limited Partnership Agreement » que ce soit dans sa version initiale du 13 mars 2019 ou dans ses versions amendées des 3 avril et 7 mai 2019, que son associé commandité initial – la société à responsabilité limitée (II) SARL – ou que son associé commandité actuel – la société (HH) – aurait détenu un tel pourcentage de parts d’intérêts de la société demanderesse, contrairement à ce qu’affirme le représentant étatique.
C’est, partant, à tort que le délégué du gouvernement conclut à l’existence d’une activité commerciale dans le chef de la société demanderesse sur le fondement de l’article 14, numéro 4 LIR.
Pour le surplus, le délégué du gouvernement reprend, en substance, les motifs du directeur fondés sur la qualification d’une activité commerciale dans le chef de la société demanderesse fondée sur l’article 14, numéro 1 LIR.
A cet égard, le tribunal constate que la société demanderesse se prévaut d’une absence d’activité commerciale, en substance, d’une part, au regard du statut de l’associé commanditaire de son propre associé commanditaire, et, d’autre part, au motif que les conditions de l’article 14, numéro 1 LIR ne seraient pas remplies dans son chef.
1) Quant à l’absence d’activité commerciale dans le chef de la société demanderesse au regard du statut de l’associé commanditaire de son propre associé commanditaire De l’entendement du tribunal, la société demanderesse affirme qu’elle devrait être considérée comme n’exerçant pas d’activité commerciale sur le fondement de l’article 14, numéro 1 LIR au motif que si l’associé commanditaire – la société (II) – de son propre associé 21 commanditaire – la société (GG) – qui serait fiscalement transparent, avait été constitué sous la forme d’une SCS ou d’une SCSp, il aurait pu bénéficier de la présomption de non-
commercialité sur base de la Circulaire, au motif qu’il qualifierait de FIA.
Force est au tribunal de constater que la société (II) revêt, suivant les explications non contestées de la société demanderesse, la forme d’une SCA au cours des années d’imposition 2019 et 2020 litigieuses. Il s’ensuit que tout l’argumentaire de la société demanderesse ayant trait à la Circulaire, dont l’objet porte sur l’« Imposition des revenus réalisés par une société en commandite simple ou une société en commandite spéciale », est à rejeter pour être dénué de pertinence, alors qu’il importe peu de savoir quel régime se serait appliqué à la société (II), au cas où elle aurait revêtu la forme d’une SCS ou d’une SCSp. Il importe également peu, pour les besoins du présent litige, de savoir si la société (II) aurait bénéficié de la présomption de non-commercialité qui ressortirait de la Circulaire au motif qu’elle qualifierait de FIA. Le constat demeure que la société (II) ne revêt aucune de ces deux formes pour les années d’imposition concernées par le recours sous examen. En conséquence, l’argumentaire de la société demanderesse suivant lequel elle aurait bénéficié de la présomption de non-
commercialité si la société (II) avait elle-même pu en bénéficier au titre de la Circulaire encourt également le rejet pour manquer en fait et ainsi être dénué de pertinence.
En tout état de cause, le tribunal n’entrevoit pas dans quelle mesure l’applicabilité de la présomption de non-commercialité à l’égard de la société (II) aurait été de nature à écarter le recours par l’administration aux critères de l’article 14, numéro 1 LIR pour renverser ce qui n’est, somme toute, qu’une présomption. A ce constat s’ajoute encore que la société demanderesse explique elle-même que la présomption de non-commercialité visée dans la Circulaire ne s’appliquerait pas aux entités d’investissement sous-jacentes dont elle-même ferait partie.
Le tribunal n’entrevoit pas non plus, à défaut d’autres explications, dans quelle mesure la qualification fiscale de l’activité exercée par l’associé commanditaire du propre associé commanditaire de la société demanderesse aurait un quelconque impact sur la qualification fiscale de l’activité exercée par la société demanderesse elle-même au regard de l’article 14, numéro 1 LIR, seule disposition légale invoquée par le directeur pour conclure à la réalisation d’un bénéfice commercial dans son chef, tel que relevé ci-avant.
Dans ces conditions, le tribunal est amené à rejeter le moyen tiré d’une absence d’activité commerciale dans le chef de la société demanderesse en raison du statut allégué de FIA de l’associé commanditaire de son propre associé commanditaire et de la qualification fiscale de l’activité réalisée par l’associé commanditaire de son propre associé commanditaire.
2) Quant à l’existence d’une activité commerciale sur base de l’article 14, numéro 1 LIR Force est de constater que l’article 14, numéro 1 LIR dispose comme suit : « Sont considérés comme bénéfice commercial :
1. Le revenu net provenant d’une entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale. Est réputée entreprise commerciale, industrielle, minière ou artisanale, toute activité indépendante à but de lucre exercée de manière permanente et constituant une participation à la vie économique générale, lorsque ladite activité 22 ne forme ni une exploitation agricole ou forestière ni l’exercice d’une profession libérale. […]. ».
Il ressort de cette disposition que pour relever de la catégorie du bénéfice commercial, une entreprise commerciale doit, outre ne pas être constitutive d’une exploitation agricole ou forestière ou de l’exercice d’une profession libérale, répondre à quatre signes caractéristiques, à savoir 1) l’indépendance, 2) le but de lucre, 3) le caractère de permanence et 4) la participation à la vie économique générale1.
L’activité en cause doit en outre dépasser les limites de la gestion du patrimoine privé pour pouvoir être qualifiée de commerciale. En effet, il se dégage des distinctions inhérentes aux différentes catégories de revenus que « quelle que soit l’importance d’un patrimoine privé, les opérations de gestion y relatives ne constituent pas une activité commerciale, si les actes posés ne sortent pas du cadre de la gestion normale d’un patrimoine privé »2.
En ce qui concerne le critère d’indépendance, le tribunal relève qu’il ressort des travaux parlementaires que ce critère « exige une activité exercée pour le compte et aux risques et périls du contribuable, qu’elle le soit par le contribuable lui-même ou par un tiers. Ce critère délimite le revenu net provenant d’une exploitation commerciale, etc. du revenu net provenant d’une occupation salariée. »3, laquelle se caractérise essentiellement par l’existence d’une dépendance dont les critères « sont notamment l’obligation d’observer certaines heures de travail, l’obligation d’exécuter le travail d’après les directives de l’employeur, l’absence de risques et de responsabilité dans le chef du salarié, le fait que le salarié n’occupe pas lui-même d’autres salariés, qu’il est obligé d’exécuter personnellement le travail convenu, qu’il ne peut pas librement déterminer le prix de sa rémunération. […] »4.
D’ailleurs, l’existence d’une dépendance économique de l’exploitant à l’égard d’un tiers n’est pas de nature à exclure le caractère indépendant de sa propre activité dans son ensemble5.
Il y a, en tout état de cause, lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances pour déterminer si les critères de l’indépendance ou ceux de la dépendance prévalent6.
Le tribunal relève, liminairement, que s’il est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond dans le cadre du recours sous examen, il n’en demeure pas moins saisi d’un recours contentieux contre un acte déterminé. Ainsi, l’examen auquel il doit se livrer s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par le contribuable pour contrer les points 1 Trib. adm., 21 juin 2000, n° 11582 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 128 (1er volet) et les autres références y citées.
2 Emile Stoffel, Le bénéfice commercial, commentaire des articles 14-18 de la loi du 4 décembre 1967, Etudes fiscales décembre 1997, n° 109-111, p. 15, n° 14.14.
3 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 17, page 133.
4 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 112, page 276.
5 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 112, page 276 : « […] Il ne suffit cependant pas que cette dépendance soit de nature économique. L'artisan qui exécute pour un tiers un ouvrage déterminé se trouve évidemment, quant au délai de livraison et à la qualité du travail à fournir, dans une certaine dépendance économique vis-à-vis du tiers, mais il reste indépendant sous tous les autres rapports.
[…] ».
6 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad article 112, page 276.
23 spécifiques de l’acte déféré faisant grief – en l’occurrence la décision directoriale du 24 août 2023 –, sans que son contrôle ne consiste à procéder, de sa propre initiative, à un réexamen général et global de sa situation fiscale sur base du dossier fiscal. La mission du juge administratif, lorsqu’il est investi du pouvoir de réformer, consiste en effet à substituer sa propre décision à une décision administrative jugée illégale, de sorte qu’il incombe au contribuable de fournir à l’appui de sa requête des éléments suffisamment précis pour permettre le cas échéant l’exercice utile de ce pouvoir de réformation7.
Dans ce contexte, le tribunal relève que la société demanderesse exclut le caractère indépendant de son activité, en substance, au motif qu’elle aurait sous-traité ses activités de production et de distribution du Film, ce qui aurait conduit, par la même occasion, à un transfert des risques et des pertes liés à cette activité.
En ce qui concerne la sous-traitance alléguée de certaines de ses activités, le tribunal est, tout d’abord, amené à rejoindre le délégué du gouvernement dans son constat que l’objet social de la société demanderesse ne se limite pas à la détention passive des droits portant sur le Film, contrairement à ce qu’elle affirme.
Au contraire, il est stipulé dans l’acte constitutif de la société demanderesse, intitulé « Limited Partnership Agreement », daté du 13 mars 2019, tel que modifié par la suite, que son objet (« purpose ») vise « to acquire and hold certain rights to a commercial film and associated derivative and other products [and] to distribute that film and those products […], autrement dit à acquérir et détenir certains droits d’un film à visée commerciale et les produits dérivés y relatifs, ainsi qu’à procéder à la distribution de ce film et desdits produits dérivés8.
Dans sa version initiale, le considérant du « Limited Partnership Agreement » indiquait, par ailleurs, que la société demanderesse a été constituée « to produce and distribute a film currently entitled […] that is to be produced […] ». Dans sa version actuelle, ledit « Limited Partnership Agreement » precise encore que par l’intermédiaire de son associé commandité, la société (HH), la société demanderesse « may execute, deliver and perform all contracts and other undertakings and engage in all activities and transactions as may in the opinion of the General Partner [la société (HH)] be necessary or advisable in order to carry out the foregoing purposes and objectives […] »9. Il s’ensuit que la société demanderesse a été constituée non seulement pour acquérir et détenir des droits sur le Film et ses produits dérivés, mais également pour distribuer ledit Film et lesdits produits dérivés, ainsi que pour le produire.
Si la société demanderesse fait valoir que son objet social serait indifférent pour apprécier le critère d’indépendance de l’article 14, numéro 1 LIR au motif qu’il y aurait lieu de s’attacher à l’analyse des activités qu’elle aurait effectivement exercées, force est au tribunal de constater que les éléments soumis à son appréciation ne permettent pas de constater une divergence entre les activités visées dans son objet social, telles que décrites ci-avant, et ses activités effectivement exercées, étant donné que la sous-traitance des activités revendiquée par la société demanderesse est loin d’avoir pour conséquence d’écarter toute implication de sa part dans les activités de production et de distribution du Film, bien au contraire.
7 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1366 (1er volet) et les autres références y citées.
8 « Limited Partnership Agreement », Clause 3.
9 « Limited Partnership Agreement », Clause 3.
24 Par rapport à l’activité de production du Film, le tribunal rejoint ainsi le délégué du gouvernement dans son constat que le seul fait que la société demanderesse a sous-traité un certain nombre de ses obligations liées au Film à la société (AA1) INC n’exclut pas d’office le caractère indépendant de sa propre activité, encore que l’envergure de l’activité effectivement exercée par elle soit réduite du fait de cette sous-traitance.
Il ressort ainsi, tout d’abord, du « PRODUCTION SERVICES AGREEMENT « (AA) SCS » » daté du 9 mai 2019, ci-après désigné par le « Contrat de Production », certes que la société demanderesse a entendu avoir recours à la société (AA1) INC (« desires to engage Service Company ») pour qu’elle l’assiste « on an independant basis » dans certains services liés à la post-production10, moyennant le paiement d’un « Production Fee » « equivalent to good and valuable consideration »11. Ces services consistent en l’octroi de conseil et d’assistance en vue d’assurer la pré-production, la production et la post-production du Film12.
Il résulte de ces stipulations que la société demanderesse a a priori effectivement sous-traité toute la production du Film à la société (AA1) INC.
Or, le tribunal constate que la société demanderesse détient et contrôle en sa qualité de « Producer » tous les droits relatifs au script du Film13, et que la société demanderesse conserve, tel que relevé par le délégué du gouvernement, des « Producer Approval Rights » qui imposent à la société (AA1) INC de devoir obtenir l’accord définitif de la société demanderesse pour toutes les décisions commerciales et créatives liées aux services que cette dernière doit lui rendre (« All business and creative decisions with the Production Services shall be subject to the final approval of Producer »)14, ce qui implique qu’il appartient à la société demanderesse d’approuver toute décision ayant un impact commercial ou créatif au cours du développement du Film, tel que l’explique le représentant étatique. A cet élément s’ajoute le fait que la société demanderesse conserve non seulement la compétence d’approuver l’entité en charge du travail lié à la post-production, pourtant déléguée à la société (AA1) INC15, mais également la compétence de vérifier que les services rendus par celle-ci en sa faveur soient en accord avec le budget du Film16.
Par rapport à l’activité de distribution du Film, le tribunal relève qu’il ressort du contrat, intitulé « Distribution Agreement », ci-après désigné par le « Contrat de Distribution », daté du 26 janvier 2020 et conclut avec la société (DD) INC, que la société lui a certes octroyé et attribué (« grants and assigns ») tous les éléments de production et de propriété physiques (« all physical production éléments and properties »), ainsi que tous ses propres droits, titres et intérêts dans et en relation avec le Film17. Ladite société s’est encore vu octroyer des « Copyright Revenues » comprenant un intérêt bénéficiaire et le droit exclusif pour collecter (« a beneficial interest in and the exclusive right to collect ») les redevances, frais et autres 10 Contrat de Production, p.1 11 Contrat de Production, clause 3.1.
12 Contrat de Production, clause 2.2 13 Contrat de Production, p1.
14 Contrat de Production clause 2.3, (c).
15 Contrat de Production clause 2.3, (e).
16 Contrat de Production clause 2.3, (b).
17 Contrat de Distribution, clause2, (e).
25 revenus auquel la société demanderesse aurait pu prétendre en lien avec le Film18. Certes encore, ladite société s’est vu octroyer des « Granted Rights » qui comprennent les droits en lien avec le « marketing, advertising, promotion and exploitation » du Film19.
Or, la société demanderesse explique elle-même que ces « Granted Rights » ne comprennent pas les « Music Publishing Rights » et les « Soundtrack Recording Rights », lesquels qualifient de « Reserved Rights » suivant le Contrat de Distribution, et au sujet desquels la société demanderesse doit encore contractuellement veiller à faire tout ce qui est dans son pouvoir pour que la société (BB) et à la société (CC) consultent la société (DD) INC en rapport avec l’exploitation, en ce compris la distribution et la publicité de ces deux « Reserved Rights »20. Il ressort de ces stipulations que la société demanderesse conserve ainsi, malgré la sous-traitance, certains droits en relation avec la distribution du Film en ce qui concerne la bande-son. Il ressort d’ailleurs du contrat, intitulé « Film Music Commission Agreement », conclu par la société demanderesse avec la société (BB) le 30 avril 2019, figurant au dossier fiscal, que c’est la société demanderesse qui « undertakes and agrees : to produce or procure the production of the Film […] »21, qu’elle conserve le droit d’entrer en contact direct avec le compositeur « at all times on artistic and practical matters relating to the creation and delivery of the Music and its incorporation of the Film […] »22 et que la société (BB) doit obtenir l’accord de la société demanderesse « on all aspects of the Composer Agreement »23.
Au regard de ces stipulations du Contrat de Production et du Contrat de Distribution, la société demanderesse ne peut partant pas raisonnablement soutenir qu’elle n’aurait aucun droit de regard sur la manière dont la société (AA1) INC et la société (DD) INC doivent exécuter leurs obligations de production et de distribution qu’elle leur a en partie sous-traitées, ni qu’elle aurait intégralement sous-traité ses obligations au point de ne plus détenir que passivement des droits sur le Film et d’avoir cessé l’exercice de toute activité de production et de distribution du Film à titre indépendant, autrement dit au point que ce serait, en définitive, la société (AA1) INC et la société (DD) INC en tant que sous-traitants, qui exerceraient seuls une activité indépendante par rapport au Film. Le tribunal est ainsi amené à rejoindre le constat du délégué du gouvernement en retenant que la société demanderesse conserve globalement un rôle actif dans le processus de développement, de production et de distribution du Film.
Dans ces conditions, l’activité de production et de distribution du Film doit être considérée comme étant exercée, en partie, par des tiers, en l’occurrence la société (AA1) INC et la société (DD) INC, mais au nom de la société demanderesse, voire sous sa supervision, et en partie par la société demanderesse elle-même, ce qui constitue un indice de nature à tendre vers la reconnaissance d’une activité exercée à titre indépendant.
En conséquence, l’affirmation de la société demanderesse suivant laquelle elle aurait externalisé les risques de pertes en externalisant les activités de production et de distribution, voire que ces risques seraient limités, d’une part, dans la mesure où elle ne recevrait qu’une 18 Contrat de Distribution, clause 2, (b).
19 Contrat de Distribution, clause 2, (a).
20 Contrat de Distribution, clause 3.
21 « Film Music Commission Agreement », clause 4.1 22 « Film Music Commission Agreement », clause 6.
23 « Film Music Commission Agreement », clause 3.2.
26 compensation financière minimale au titre de la sous-traitance, et, d’autre part, en raison du partage de recettes additionnelles éventuelles, tombe à faux.
En tout état de cause, la société demanderesse doit être considérée comme exerçant son activité à ses propres risques et périls dans la mesure où elle a directement contribué au financement du Film dans son ensemble. D’une part, il ressort du Contrat de Production que la société demanderesse a accepté, en sa qualité de « Producer », de financer et de payer les dépenses en relation avec le Budget, ainsi que les coûts légaux associés24. D’autre part, il ressort d’un contrat, intitulé « FINANCING AGREEMENT », qui est versé par la société demanderesse à l’appui de sa réclamation et qui figure dans le dossier fiscal, que face à un coût de production du Film s’élevant à USD …, c’est bien elle qui accepte de contribuer des fonds propres à hauteur de USD …, ainsi qu’à mettre à disposition le solde nécessaire au moyen d’un emprunt bancaire contracté auprès de la banque (EE). La société demanderesse explique elle-même à ce sujet qu’elle aurait emprunté la somme de … euros auprès de cette banque et qu’elle aurait, par ailleurs, encore contracté un emprunt d’un montant total de … euros auprès de la société (GG), son associé commanditaire, pour financer le Film. Dès lors, le tribunal est amené à rejoindre les conclusions du représentant étatique dans la mesure où en tant que signataire de ces emprunts bancaire et intra-groupe, la société demanderesse supporte nécessairement l’intégralité du risque financier, alors que ce sont effectivement les revenus liés à la commercialisation du Film, dont la réalisation est entachée d’un aléa, qui devraient permettre le remboursement de ces emprunts par la société demanderesse. Il y a partant lieu de rejeter l’argumentation de la société demanderesse qui revient, en définitive, à considérer qu’elle aurait transféré l’intégralité des risques de pertes liées au Film, tout en conservant pourtant la qualité de débiteur des fonds destinés à financer ledit Film.
Le tribunal est encore amené à préciser qu’il n’entrevoit pas, à défaut d’autres explications, dans quelle mesure la transparence fiscale de la société demanderesse serait de nature à emporter un transfert des risques liés à ses propres activités « aux associés », étant donné que l’imposition des revenus d’une société transparente dans le chef de ses associés ne remet pas en cause le fait que l’analyse de la nature de l’activité exercée par cette société, aux fins de déterminer sa qualification fiscale, est à faire à son niveau.
En conséquence, en l’état actuel du dossier, le tribunal retient que l’activité de production et de distribution du Film par la société demanderesse, loin d’avoir fait l’objet d’une sous-traitance totale, a été exercée à titre indépendant, d’une part, dans la mesure des prérogatives qui lui restent compte tenu des stipulations du Contrat de Production et du Contrat de Distribution, et, d’autre part, dans la mesure où en tant que débiteur d’emprunts bancaire et intra-groupe, ainsi que de fonds propres, tous destinés à financer le Film, la société demanderesse doit nécessairement être considérée comme supportant, en tout cas du point de vue économique, le risque d’une faible performance ou d’un faible rendement lié à la distribution du Film sur le marché et in fine, le risque de se trouver dans l’incapacité de pouvoir rembourser ces emprunts.
Le critère en question se trouve partant rempli en l’espèce, les contestations afférentes encourant le rejet.
24 Contrat de Production, clause 2.5.
27 Le critère de but de lucre visé à l’article 14, numéro 1 LIR sert, quant à lui, à différencier l’activité commerciale de l’activité d’amateur (« Liebhaberei ») et de l’activité purement bénévole25. Il implique qu’une activité soit exercée en vue de la recherche d’un profit, encore que le but de lucre puisse être l’objectif accessoire et non pas principal de l’activité ; la recherche d’un intérêt seulement modique procuré par les moyens investis suffit pour admettre un but de lucre. L’activité exercée à but de lucre s’entend comme une activité qui est structurée et exercée de manière à donner la perspective raisonnable de dégager, au moins à moyen terme, un revenu positif, ce qui implique que le contribuable adopte un comportement économiquement raisonnable, c’est-à-dire que ses expectatives doivent être réalisables et surtout qu’il doit déployer les efforts nécessaires et proportionnés propres à aboutir à un rendement économique26.
A cet égard, le tribunal précise encore qu’il a déjà été jugé que l’analyse de ce critère ne saurait se cantonner à la seule année d’imposition litigieuse, mais que le cadre temporel à prendre en compte peut porter sur les années antérieures et le cas échéant subséquentes, en principe, dans la limite de cinq ans, afin de pouvoir tenir compte du comportement économiquement adopté par le contribuable visant à dégager à moyen terme un revenu positif avec son activité27.
En l’espèce, le tribunal relève que la société demanderesse affirme elle-même ne pas contester l’existence d’un but de lucre, mais conteste qu’il serait donné dans son chef, alors qu’il aurait été transféré à son associé commanditaire au motif qu’elle devrait lui distribuer automatiquement l’intégralité des fruits récoltés de l’exercice de son activité de détention passive des droits portant sur le Film. Le tribunal, saisi dans la limite des moyens de la société demanderesse, limitera à son tour l’analyse du critère tiré du but de lucre dans cette mesure.
Force est au tribunal de constater que la clause 7 du « Limited Partnership Agreement », à laquelle la société demanderesse s’est, de l’entendement du tribunal, référée dans ce contexte, se limite à stipuler que tous les revenus et profits reçus par elle, déduction faite des frais de gestion payables à son associé commandité, « shall be allocated among the Limited Partners in proportion to their LP Interests at the time when the Partnership’s entitlement to receive the respective payment arises. […] »28. La finalité de cette stipulation vise ainsi a priori plutôt à fixer la part respective de chaque associé commanditaire dans les revenus et profits de la société demanderesse, en l’occurrence à proportion de leurs parts respectives, qu’à prévoir un transfert automatique de ses revenus et profits en leur faveur.
Au-delà de ce constat, le tribunal retient, sur base des travaux parlementaires précités, que l’analyse du critère de but de lucre s’effectue par rapport à l’existence d’une intention du contribuable de dégager à moyen terme un profit, même modique, ne serait-ce qu’à titre accessoire, indépendamment des modalités de distribution de ce profit, une fois réalisé.
L’analyse du critère de but de lucre est à effectuer par rapport à la phase de réalisation de profits 25 Cour adm., 14 juillet 2015, n° 35070C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 277 (2e volet) et les autres références y citées.
26 Cour adm., 14 juillet 2015, n° 35070C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 277 (2e volet) et les autres références y citées.
27 Cour adm., 18 janvier 2018, n° 40092C du rôle, confirmant sur ce point par trib. adm. 14 juillet 2017, n° 38006 du rôle, disponibles sur le site www.justice.public.lu.
28 « Limited Partnership Agreement », clause 7.1 28 éventuels, mais n’est pas conditionnée par les modalités de distribution de ce profit, une fois réalisé29. Il est ainsi indifférent que la société demanderesse n’aurait pas la libre administration de ses profits, une fois réalisés, ou que les modalités de distribution de ses profits conduiraient à ce qu’elle réalise à chaque fois un résultat neutre.
S’il ressort des contestations de la société demanderesse que l’existence d’un but de lucre serait exclue au motif qu’elle aurait sous-traité l’ensemble de ses activités de production et de distribution du Film, le tribunal rappelle qu’il a conclu ci-avant que tel n’était pas le cas en l’espèce et que le rôle de la société demanderesse dans le processus de développement du Film était loin de se limiter à la détention passive de droits relatifs au Film. En tout état de cause, le tribunal retient, à l’instar du délégué du gouvernement, que le seul fait de sous-traiter certaines de ses activités ne remet pas en cause l’existence d’une intention de réaliser un profit, alors que le fait même d’avoir recours à des tiers, en l’occurrence la société (AA1) INC et la société (DD) INC, pour procéder à tout le moins à la distribution du Film pour le grand public est révélateur de l’existence d’une telle intention de réaliser un profit.
A défaut d’autres contestations, le tribunal retient que le critère de l’existence d’un but de lucre est rempli en l’espèce.
Par rapport au critère de permanence, le tribunal relève qu’il résulte des travaux préparatoires à la LIR concernant l’article 14 LIR que « le caractère de permanence n’implique pas nécessairement que l’activité se répète. Pour qu’il y ait permanence, il suffit que l’activité ait lieu avec l’intention de la répéter si l’occasion s’en présente et de constituer de la sorte une source de revenu sur la base d’opérations répétées. A défaut de pareille intention, une opération isolée ne revêt pas le caractère requis de permanence. Par ailleurs, il n’est pas nécessaire que les opérations aient lieu de façon ininterrompue […]30.
D’après les mêmes travaux parlementaires, l’élément essentiel réside partant dans la répétition d’actes similaires par le contribuable ou du moins dans son intention d’une répétition des actes constituant l’activité commerciale. Par voie de conséquence, un nombre limité des opérations concernées constitue un critère du caractère non commercial de l’activité en question tant qu’une intention de répétition dans le futur ne se dégage pas des éléments du cas d’espèce31.
Le tribunal est d’ores et déjà amené à retenir que la société demanderesse n’est pas fondée à soutenir que le critère de permanence ne serait pas rempli compte tenu du cadre restrictif allégué de son objet social et de ses activités, alors que le tribunal a retenu ci-avant que (i) non seulement son objet social, autrement dit la raison d’être (« purpose ») de la société demanderesse, mais également les activités effectivement exercées par elle, portaient sur l’acquisition et la détention de droits sur le Film et ses produits dérivés qui demeurent, en tout cas en partie, intactes, et (ii) que la société demanderesse avait conservé des prérogatives quant à la production et à la distribution du Film, malgré la sous-traitance effectuée en faveur de la 29 En ce sens également : BFH Urt. v. 15.12.1971, I R 179/68 : « […] Für die Annahme einer Gewinnerzielungsabsicht ist es unwesentlich, was mit den erzielten Gewinnen geschieht, ob sie zur freien Verfügung der Steuerpflichtigen bleiben oder ob sie in irgendeiner Form finanziell oder wirtschaftlich gebunden sind. […] ».
30 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad. article 17, page. 133.
31 Cour adm., 15 mars 2016, n° 36416C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 129 (2e volet) et les autres références y citées.
29 société (AA1) INC dans le cadre du Contrat de Production et en faveur de la société (DD) INC dans le cadre du Contrat de Distribution. Surtout, le tribunal a retenu ci-avant que la société demanderesse était seule en charge du financement du Film. Il s’ensuit que ni l’envergure de l’objet social de la société demanderesse, ni le champ d’activités exercées par elle ne saurait exclure le caractère de permanent de son activité.
La question essentielle qui se pose à ce stade est celle de savoir si (i) l’activité de production et de distribution liée au Film exercée par la société demanderesse, dans la mesure des prérogatives qu’elle conserve au titre du Contrat de Production et du Contrat de Distribution, et si (ii) l’activité de détention des droits en lien avec ce Film, sont de nature à établir la permanence d’une activité au sens de l’article 14, numéro 1 LIR.
Le délégué du gouvernement conclut à la permanence de l’activité au regard des activités et initiatives prises par la société demanderesse, laquelle serait exclusivement à l’origine du processus de développement et de commercialisation des droits du Film. Il insiste sur le fait que la société demanderesse continue de détenir les droits sur ledit Film et à les exploiter, et souligne que le but de la création de la société demanderesse serait celui de tirer des revenus de son activité à travers la production et l’exploitation continue du Film.
Or, le tribunal ne partage pas la conclusion qu’en tire le représentant étatique, à savoir que la société demanderesse exploiterait de manière répétée les droits du Film dont elle tirerait de manière permanente des revenus liés à cette activité.
L’élément déterminant ne porte, en effet, pas sur le fait qu’il soit prévu de réaliser des revenus de manière permanente, mais sur la permanence des actes entrepris pour, le cas échéant, en tirer une source permanente de revenus32.
Le tribunal rejoint la société demanderesse en ce que son activité effectivement exercée a, globalement, trait à un seul et unique projet, à savoir le Film. Ce champ d’activité est d’ailleurs conforme au « Limited Partnership Agreement » de la société demanderesse, alors que son considérant indique expressément qu’elle a été constituée pour produire et distribuer « a film currently entitled (AA) SCS that is to be produced over the coming approximately one year »33, de sorte à constituer un indice de nature à exclure toute intention de la société demanderesse de réaliser des activités de production et de distribution similaires à celles décrites dans ledit « Limited Partnership Agreement », ainsi que dans le Contrat de Production et dans le Contrat de Distribution, au sujet d’un autre film.
Toutefois, le tribunal constate qu’il a déjà été jugé par le Bundesfinanzhof que le critère de permanence est donné lorsque l’activité repose sur une décision unique, mais que sa mise en œuvre nécessite plusieurs actions34, étant relevé que la société demanderesse l’explique 32 Herrmann, Heuer, Raupach, EstG KStG, 310, Lieferung 04.2022, n° 1040, Seite 511, „3. Nachhaltigkeit der Betätitgung“, se référant notamment à BFH Urteil v. 21.8.1985 – I R 60/80, BStBl II 1986, 88 : « […] Denn hinsichtlich des Merkmals der Nachhaltigkeit kommt es nicht entscheidend auf das lang dauernde Erzielen von Einnahmen an, sondern auf das Wiederholen der eigentlichen Tätigkeiten. […] ».
33 Soulginé par le tribunal.
34 BFH-Urteil vom 10.8.1983 (…) BStBl. 1984 II S. 137: « […] Nachhaltigkeit ist selbst dann gegeben, wenn die Tätigkeit auf einem einmaligen Beschluß beruht, die Durchführung aber mehrere Handlungen erfordert. […] », se référant à BFH-Urteil vom 17.1.1973 (I R 191/72) BStBl II 1973, 260, auquel s’est référé la société 30 d’ailleurs elle-même en se référant à deux arrêts de la Cour fédérale fiscale suprême allemande à ce sujet.
Dès lors, si l’objet social, de même que les activités exercées par la société demanderesse portent certes sur un seul et unique film, cette décision initiale de le produire et de le distribuer est à replacer dans le contexte plus général des multiples démarches individuelles entreprises par la société demanderesse afin d’y parvenir, à savoir la conclusion du Contrat de Production et du Contrat de Distribution, de même que la conclusion d’emprunts bancaire et intragroupe avec la mise à disposition de fonds propres destinés à financer la production du Film. L’exécution de ces multiples actes individuels nécessaires à la mise en œuvre de sa décision initiale n’est ainsi pas de nature à caractériser un acte unique, mais au contraire une activité permanente.
A défaut d’autres contestations, le tribunal retient que le critère de permanence est rempli en l’espèce.
Etant donné qu’il ressort encore des travaux parlementaires relatifs à l’article 14 LIR, que […] Le caractère de permanence sépare l’activité commerciale […] d’actes similaires isolés qui ont lieu dans le cadre de l’administration du patrimoine privé du contribuable »35, il incombe au tribunal de vérifier si l’activité exercée par la société demanderesse dépasse les limites de la gestion du patrimoine privé.
Si la notion de gestion du patrimoine privé (« Vermögensverwaltung ») ne fait pas l’objet d’une définition légale, elle est cependant délimitée par le biais de deux exemples énoncés au § 7, alinéa (4) de l’ordonnance du 16 décembre 1941 relative à l’exécution des paragraphes 17 à 19 de la loi d’adaptation fiscale modifiée du 16 octobre 1934 qui prévoit que :
« Vermögensverwaltung liegt in der Regel vor, wenn Vermögen genutzt wird, zum Beispiel wenn Kapitalvermögen verzinslich angelegt oder unbewegliches Vermögen vermietet oder verpachtet wird ». Le concept de gestion d’un patrimoine privé ne se limite cependant pas aux exemples de jouissance sus-énoncés36.
De manière générale, c’est à partir d’une distinction entre l’essentiel et l’accessoire que le concept de gestion d’un patrimoine privé est à cadrer dans chaque cas d’espèce suivant les éléments caractéristiques qui le sous-tendent, en ce que, toujours de manière générale, il y a administration du patrimoine privé aussi longtemps que l’essentiel de la substance est conservé dans le sens d’une jouissance des fruits d’un patrimoine privé et que dès lors les éléments réalisés au cours d’une année d’imposition, plus particulièrement par la vente, revêtent un élément accessoire.
demanderesse ; voir également H. Dostert et E. Stoffel, Le bénéfice commercial, Commentaire des articles 14 à 18 de la loi du 4 décembre 1967 (impôt sur le revenu), Etudes fiscales, 1.12.1997, page 12, n° 14.11.3 ; voir également BFH Urteil v. 21.8.1985 – … : « […] Wiederholte Tätigkeiten liegen jedoch auch vor, wenn der Grund zum Tätigwerden auf einem einmaligen Entschluß beruht, die Erledigung aber mehrere (Einzel- )Tätigkeiten erfordert […] Durch eine solche Reihe von Einzelhandlungen wird der Begriff „nachhaltig“ erfüllt. Deshalb genügt zur Annahme einer nachhaltigen Tätigkeit auch die rein objektive Vornahme mehrerer Handlungen, ohne daß den einzelnen Handlungen die Absicht, nachhaltig Gewinn zu erzielen, zugrunde zu liegen brauch. ».
35 Doc. parl. 571, Commentaire des articles, ad. article 17, page. 133.
36 Trib. adm., 10 septembre 2008, n° 23434 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 132 (1er volet) et les autres références y citées 31 Force est au tribunal de constater qu’il résulte de la jurisprudence constante du Bundesfinanzhof que les limites de la gestion de patrimoine privé sont dépassées, de sorte à caractériser l’existence d’une activité commerciale lorsque d’après l’image globale de l’activité et de l’opinion du public, l’exploitation de valeurs patrimoniales, substantielles, par le biais d’une réaffectation au moyen d’une aliénation (« Umschichtung ») prend le pas de manière décisive sur l’exploitation de fruits, de valeurs substantielles, à extraire et à conserver. En cas de doute, il est déterminant de savoir si, dans l’opinion du public, l’activité en question constitue une entreprise commerciale et est étrangère à une gestion de patrimoine privé37.
En l’espèce, le tribunal conçoit certes, sur base des éléments soumis à son appréciation, que l’activité exercée par la société demanderesse ne porte pas sur un changement d’affectation de son patrimoine au moyen d’une alinéation qui serait de nature à établir une volonté d’exploiter la substance dudit patrimoine ou de se séparer de cette substance pour en dégager une plus-value. Aucun élément soumis à l’appréciation du tribunal ne révèle d’ailleurs une telle intention de la part de la société demanderesse, encore que, d’après la thèse – certes erronée – de la société demanderesse suivant laquelle elle aurait sous-traité l’intégralité de ses activités de production et de distribution et aurait perçu un montant unique pour la cession des activités de distribution, serait a priori de nature à corroborer une volonté de séparer de la substance de son patrimoine, autrement dit de réaliser une plus-value, en lieu et place de la perception passive de revenus issue de l’exploitation de son patrimoine.
Cela étant, le tribunal est amené à retenir que l’activité consistant en l’acquisition et la conservation des droits sur un film destiné à être commercialisé au niveau mondial, ainsi que la conservation de prérogatives au sujet de la production et de la distribution de ce film, malgré la sous-traitance d’une partie des activités de production et de distribution, doit être considérée, dans l’opinion du public, comme constituant une activité commerciale destinée à générer des revenus grâce à l’exploitation des droits associés à ce film et des produits dérivés associés et en contrepartie des droits octroyés aux sous-traitants, et non pas à faire fructifier de manière passive son patrimoine pour en retirer des revenus.
Pour être tout à fait complet, le tribunal est encore amené à préciser qu’il n’entrevoit pas non plus, à ce stade de l’analyse, la pertinence de la Circulaire aux fins de déterminer si le critère tiré de la permanence est rempli dans le chef de la société demanderesse, alors qu’elle ne qualifie pas de FIA suivant ses propres explications.
37 Herrmann, Heuer, Raupach, EstG KStG, 310, Lieferung 04.2022, n° 1108, Seite 531, „8. Keine Vermögensverwaltung als ungeschriebenes Tatbestandsmerkmal, c) Allgemeine Abgrenzung zwischen privater Vermögensverwaltung und Gewerbebetrieb, aa) Auffassungen in Rechtsprechung und Schrifttum“ : « […] Als allgemeinen Obersatz hat der BFH die Formel herausgebildet, dass die Grenze zwischen privater Vermögensverwaltung und gewerblicher Betätigung dann überschritten ist, wenn nach dem Gesamtbild der Betätigung und unter Berücksichtigung der Verkehrsauffassung die Ausnutzung substantieller Vermögenswerte durch Umschichtung gegenüber der Nutzung im Sinne einer Fruchtziehung aus zu erhaltenden Substanzwerten entscheidend in den Vordergrund tritt. In Zweifelsfällen ist es maßgebend, ob die Tätigkeit, soll sie in den gewerblichen Bereich fallen, dem Bild entspricht, das nach der Verkehrsanschauung einen Gewerbebetrieb ausmacht und einer privaten Vermögensverwaltung fremd ist (sog. Fruchtziehungsformel). […] ».
32 Dans ces conditions, le tribunal retient que l’activité de la société demanderesse dépasse les limites de la gestion de patrimoine privé, de sorte que les contestations afférentes encourent le rejet pour être non fondées.
Enfin, quant au critère de la participation à la vie économique en général, le tribunal relève que la vie économique générale embrasse la production et la distribution des biens économiques et les prestations de services de toutes espèces, mêmes celles du domaine intellectuel38. Il est encore de la nature d’une participation à la vie économique générale que l’exploitant est normalement en relation d’affaires avec une multitude de personnes, compte tenu de l’étendue de son exploitation et de sa propre capacité de prestation ; toutefois, suivant l’espèce, il est non-pertinent que l’exploitant n’est en relation qu’avec un seul fournisseur ou un seul client39.
Ledit critère implique que le contribuable prenne part, d’une façon perceptible au public intéressé, à l’échange général des biens et prestations et qu’il soit prêt à entrer en relation d’affaires avec un nombre indéterminé de personnes, compte tenu naturellement de l’étendue et du genre de son entreprise et de sa propre capacité de prestation. Le commerçant prend part au trafic économique général en approvisionnant le marché en biens pour lesquels il existe un besoin et en les échangeant contre des équivalents en nature ou en argent. Cet élément de la participation est à apprécier dans chaque cas d’espèce en considération du but recherché ainsi que de la nature des opérations exécutées40.
En l’espèce, le critère en question n’est pas à apprécier par rapport au (FF) pris dans son ensemble, tel que le suggère la société demanderesse, mais par rapport à son propre niveau, étant donné que la décision déférée ne porte que sur la qualification fiscale de son activité au regard des critères de l’article 14, numéro 1 LIR, et non pas de l’ensemble du groupe auquel la société appartient. Il est, dès lors, indifférent que les activités du (FF) ne seraient pas connues ou perceptibles par le grand public.
En revanche, le tribunal est amené à retenir, à l’instar du délégué du gouvernement, que dans la mesure où la société demanderesse a non seulement conclu des emprunts bancaire et intragroupe et mis à disposition des fonds propres, mais également le Contrat de Production avec la société avec la société (AA1) INC, ainsi que le Contrat de Distribution avec la société (DD) INC, elle doit être considérée non seulement comme ayant été en relation avec une multitude de personnes agissant dans le domaine du cinéma, soit un public intéressé, mais également comme ayant agi sur le marché concerné de manière à être perceptible aux yeux des sous-traitants et des prêteurs, en tant que participante à l’échange général des biens et des prestations, et plus particulièrement en tant que participante au marché du cinéma.
Il s’ensuit que le critère sous analyse est rempli en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes encourent partant le rejet.
38 Doc. parl. 571, Commentaire des articles ad. article 17, page 133-134.
39 Doc. parl. 571, Commentaire des articles ad. article 17, page 134.
40 Trib. adm., 21 juin 2000, n° 11582 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n°128 (1er volet) et les autres références y citées.
33 L’ensemble des critères visés à l’article 14, numéro 1 LIR étant rempli dans le chef de la société demanderesse, c’est, dès lors, à bon droit que le directeur, suivi par le délégué du gouvernement, a conclu que la société demanderesse doit être considérée comme exerçant une activité commerciale au sens de cette disposition pour les années d’imposition 2019 et 2020 litigieuses.
III) Quant à l’indemnité de procédure Eu égard à l’issue du litige, la demande d’indemnité de procédure d’un montant de 5.000 euros formulée par la société demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, à laquelle s’oppose le délégué du gouvernement, est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non fondé, partant le rejette ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la société demanderesse ;
condamne la société demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 juin 2025 par :
Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Benoît HUPPERICH, premier juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.
s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 34