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04/06/2025 | LUXEMBOURG | N°49150

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 04 juin 2025, 49150


Tribunal administratif N° 49150 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49150 5e chambre Inscrit le 10 juillet 2023 Audience publique du 4 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), … (France), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49150 du rôle et déposée le 10 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Monsieur (A), demeurant à F-…,

dirigée contre un refus d’une « demande de remise gracieuse » ;

Vu le mémoire en répo...

Tribunal administratif N° 49150 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49150 5e chambre Inscrit le 10 juillet 2023 Audience publique du 4 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), … (France), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière de remise gracieuse

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49150 du rôle et déposée le 10 juillet 2023 au greffe du tribunal administratif par Monsieur (A), demeurant à F-…, dirigée contre un refus d’une « demande de remise gracieuse » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 7 décembre 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision directoriale critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 2 octobre 2024 lors de laquelle l’affaire fut refixée pour continuation des débats à l’audience publique du 23 octobre 2024 ;

Entendu le juge rapporteur en son rapport complémentaire ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 octobre 2024 ;

Vu l’avis du greffe du tribunal administratif du 23 avril 2025 informant les parties que le tribunal avait prononcé la rupture du délibéré et que l’affaire était fixée pour continuation des débats à l’audience publique du 7 mai 2025.

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER en sa plaidoirie à l’audience publique de continuation des débats en date du 7 mai 2025.

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Par un courrier daté du 7 mars 2023, reçu par le service gracieux de la direction des Contributions le 10 mars 2023, Monsieur (A) introduisit auprès du directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par le « directeur », une demande de remise gracieuse visant l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années « 2019 - 2020 -

2021 ».

Par décision datée du 26 juin 2023, répertoriée sous le numéro (1) du rôle, le directeur rejeta ladite demande de remise gracieuse de Monsieur (A) pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu des personnes physiques de l’année 2021 en les termes suivants :

« […] Vu la demande présentée le 10 mars 2023 par le sieur (A), demeurant à F-…, ayant pour objet une remise par voie gracieuse de l'impôt sur le revenu des personnes physiques de l'année 2021;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que d'après le paragraphe 131 AO une remise gracieuse n'est envisageable que dans la mesure où la perception d'un impôt dont la légalité n'est pas contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant que la demande est motivée par des considérations qui mettent en cause une situation financière difficile ;

Considérant qu'une remise pour rigueur subjective n'est justifiée que si la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l'impôt compromet son existence économique et le prive de moyens de subsistance indispensables ;

Considérant qu'une rigueur excessive, incompatible avec le principe d'équité au sens du paragraphe 131 AO, ne peut être admise au vu de la situation financière présentée par le requérant ;

Considérant que le requérant devrait être en mesure de régler sa dette d'impôt, par versements réguliers, suivant le plan d'apurement qui lui a été accordé par le bureau d'imposition compétent;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

La demande en remise gracieuse est rejetée. […] ».

Par décision séparée datée du 26 juin 2023, répertoriée sous le numéro (2) du rôle, le directeur rejeta ladite demande de remise gracieuse de Monsieur (A) pour ce qui concerne l’impôt sur le revenu des personnes physiques des années 2019 et 2020 en les termes suivants :

« […] Vu la demande présentée le 10 mars 2023 par le sieur (A), demeurant à F-…, ayant pour objet une remise par voie gracieuse de l'impôt sur le revenu des personnes physiques des années 2019 et 2020 ;

Vu le paragraphe 131 de la loi générale des impôts (AO), tel qu'il a été modifié par la loi du 7 novembre 1996 ;

Considérant que d'après le paragraphe 131 AO une remise gracieuse n'est envisageable que dans la mesure où la perception d'un impôt dont la légalité n'est pas 2 contestée, entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable ;

Considérant que la demande est motivée par des considérations qui mettent en cause une situation financière difficile ;

Considérant qu'une remise pour rigueur subjective n'est justifiée que si la situation personnelle du contribuable est telle que le paiement de l'impôt compromet son existence économique et le prive de moyens de subsistance indispensables ;

Considérant qu'une rigueur excessive, incompatible avec le principe d'équité au sens du paragraphe 131 AO, ne peut être admise au vu de la situation financière présentée par le requérant ;

Considérant que le requérant devrait être en mesure de régler sa dette d'impôt, par versements réguliers, suivant le plan d'apurement qui lui a été accordé par le bureau d'imposition compétent;

PAR CES MOTIFS, DÉCIDE :

La demande en remise gracieuse est rejetée. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 10 juillet 2023, inscrite sous le numéro 49150 du rôle, Monsieur (A) a introduit un recours non autrement qualifié contre un refus d’une demande de remise gracieuse.

I) Quant à l’objet du recours A la lecture de la requête introductive d’instance, force est au tribunal de relever de prime abord que Monsieur (A) n’a pas indiqué quelle décision directoriale est visée par son recours.

Par conséquent, la question de l’objet du recours a été soulevée par le tribunal à l’audience publique de continuation des débats en date du 7 mai 2025 lors de laquelle le délégué du gouvernement a précisé que la partie étatique considérait que le recours visait les deux décisions directoriales précitées portant respectivement les numéros de rôle (1) et (2).

Au vu des explications du délégué du gouvernement et dans la mesure où Monsieur (A) a annexé à sa requête introductive d’instance tant la décision directoriale du 26 juin 2023, inscrite sous le numéro (1) du rôle que celle du 26 juin 2023, inscrite sous le numéro (2) du rôle, le tribunal est amené à considérer le recours comme étant introduit contre les deux décisions du directeur ainsi visées. Dans le même contexte, il échet de préciser qu’il ressort du dossier fiscal qu’un échange de courriers électroniques du 13 mars 2023, entre deux agents de l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’« administration », fait référence à des documents qui font état d’une imposition collective de Monsieur (A) avec Madame (A2), épouse (A), d’un montant de … euros pour l’année 2019 et d’un montant de … euros pour l’année 2020, ainsi qu’une imposition personnelle de Monsieur (A) à hauteur de …euros pour l’année 2021, soit un montant total pour les trois années concernées par la demande de remise gracieuse de … euros, montant qui est également indiqué sur la demande de remise gracieuse de Monsieur (A) datée du 10 mars 2023, et qui sera, dès lors, pris en compte par le tribunal pour les besoins de l’analyse de la situation financière de Monsieur (A).

Il ressort encore à cet égard du dossier gracieux et plus particulièrement d’un décompte intitulé « Impositions restant à faire » daté du 14 juin 2023, que le solde d’impôt sur le revenu dû par Monsieur (A) s’élevait à cette même date à un montant de … euros et concernait uniquement l’année d’imposition 2021.

II) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours A titre liminaire, il convient de préciser que, si comme en l’espèce, la requête introductive d’instance omet d’indiquer si le recours tend à la réformation ou à l’annulation des décisions critiquées, il y a lieu d’admettre que le demandeur a entendu introduire le recours admis par la loi.1 Conformément aux dispositions combinées du § 131 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur portant rejet d’une demande de remise gracieuse d’impôts.

Il y a partant lieu d’admettre que Monsieur (A) a entendu introduire un recours en réformation à l’encontre des décisions directoriales précitées du 26 juin 2023.

Il convient encore de préciser qu’il ressort d’un décompte émis par l’administration intitulé « Imposition restant à faire » et daté au 14 juin 2023 que le terme du délai pour régler la somme restante de … euros au titre de l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour l’année 2021 était le 15 juin 2025, soit deux ans après la date dudit décompte. Il ressort encore d’une inscription manuscrite présente sur ledit décompte qu’un échelonnement de « …€ / mois » a été accordé, ce qui est par ailleurs confirmé dans les écritures de part et d’autre, et correspond effectivement à un échelonnement mensuel de la dette fiscale de … euros sur deux ans.

Il ressort de la plaidoirie du délégué du gouvernement lors de l’audience publique du 2 octobre 2024, ainsi que d’un extrait de compte des impositions du demandeur au 26 septembre 2024, que la dette fiscale relative à l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour l’année 2021 a été entièrement payée par le demandeur. Au vu de ces considérations, le tribunal a soulevé à l’audience publique du 2 octobre 2024 la question du maintient de l’objet du recours et partant de la recevabilité du recours.

A l’audience publique du 23 octobre 2024 le délégué du gouvernement s’est rapporté à prudence de justice quant à la question soulevée d’office par le tribunal.

1 Trib. adm., 18 janvier 1999, n° 10760 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1348 et les autres références y citées.Aux termes du § 131 AO : « Sur demande dûment justifiée du contribuable endéans les délais du §153 AO, le directeur de l'Administration des contributions directes ou son délégué accordera une remise d'impôt ou même la restitution2, dans la mesure où la perception d'un impôt dont la légalité n'est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l'équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la personne du contribuable. Sa décision est susceptible d'un recours au tribunal administratif, qui statuera au fond. ».

Le directeur peut, dès lors, d’une part accorder une remise gracieuse et, d’autre part, accorder une restitution d’impôts d’ores et déjà payés. Il s’ensuit qu’un recours dirigé contre une décision directoriale ayant rejeté une demande de remise gracieuse ne devient pas irrecevable faute d’objet, même si entretemps la dette d’impôt a été entièrement payée, étant donné qu’aux termes du § 131 AO même une restitution d’impôts peut être accordée en présence d’une rigueur objective sinon subjective entrainée par la perception d’un impôt.

Il s’ensuit que le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

III) Quant au fond du recours Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, le demandeur fait valoir son incompréhension face au rejet de sa demande de remise gracieuse des impôts dus. Il donne à considérer qu’il serait en arrêt maladie et incapable de reprendre une vie professionnelle depuis que les médecins lui auraient diagnostiqué une tumeur cancéreuse inopérable « des poumons, du gros intestin et de l’intestin grêle ». Il poursuit en expliquant qu’il lui resterait entre un et trois ans à vivre et que, par conséquent, il ne pourrait jamais percevoir une retraite luxembourgeoise. Ainsi, il en résulterait une économie pour l’administration « qui devrait balancer par rapport à [s]a créance ».

Il expose ensuite sa situation financière en précisant qu’il disposerait actuellement d’un « solde charges/ressources » de … euros, et que, après déduction de la somme de … euros dépensée pour les « cigarettes », il ne lui resterait que … euros pour l’entretien de son « bien », son véhicule et pour s’habiller.

Enfin, il rapporte qu’il payerait actuellement par échelonnement de sa dette fiscale « … € et … € », au moyen de prélèvements sur son livret A, situation qu’il qualifie d’« invivable ».

Le délégué du gouvernement, quant à lui, conclut au rejet du recours pour être non fondé.

Analyse du tribunal Aux termes du § 131 AO, une remise gracieuse se conçoit « dans la mesure où la perception d’un impôt dont la légalité n’est pas contestée entraînerait une rigueur incompatible avec l’équité, soit objectivement selon la matière, soit subjectivement dans la 2 Souligné par le tribunal.personne du contribuable ».

Il résulte de cette disposition qu’une remise gracieuse n’est envisageable que (i) objectivement ratione materiae, c’est-à-dire lorsque l’application de la législation fiscale conduit à un résultat contraire à l’intention du législateur, ou (ii) subjectivement ratione personae dans le chef du contribuable concerné, lorsque la perception de l’impôt apparaît comme constituant une rigueur incompatible avec le principe d’équité, la situation personnelle de ce dernier étant telle que le paiement de l’impôt compromet son existence économique et le prive des moyens de subsistance indispensables.

Il échet encore de relever qu’une demande de remise d’impôt s’analyse exclusivement en une pétition du contribuable d’être libéré, sur base de considérations tirées de l’équité, de l’obligation de régler une certaine dette fiscale et ne comporte par nature aucune contestation de la légalité de la fixation de cette même dette. La fonction de la remise en équité ne saurait être d’abolir les délais pour exercer un droit3.

En l’espèce, force est au tribunal de constater que le demandeur ne conteste ni l’existence, ni le bien-fondé de la dette fiscale. Par ailleurs, il n’avance pas non plus de moyen tiré d’une quelconque rigueur objective, mais se prévaut exclusivement d’une rigueur subjective liée à sa situation financière précaire, de sorte que le tribunal limitera son analyse à ce volet.

Pour apprécier l’existence d’une rigueur subjective, il n’appartient pas au juge administratif de contrôler l’appréciation directoriale sur base de la situation telle qu’elle se présentait à l’époque où il a pris sa décision, mais le juge est appelé à statuer comme juge du fond, c’est-à-dire à se placer au jour où il est appelé à statuer, en tenant compte de la situation de fait telle qu’elle se présente au jour où il statue4.

C’est au contribuable qu’il appartient de rapporter la preuve de l’existence d’une rigueur subjective dans son chef conformément à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, désignée ci-après « la loi du 21 juin 1999 », qui dispose que « [l]a preuve des faits déclenchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable ».

Outre son état d’indigence, le contribuable doit être digne de la remise gracieuse, ce qui suppose que sa situation économique difficile ne lui soit pas imputable et qu’il ait toujours rempli consciencieusement ses obligations fiscales5. En effet, la fonction de la remise en équité ne saurait être de permettre au contribuable, ayant agi fautivement, de se voir libérer de sa charge d’impôt. La décision déférée n’étant pas fondée sur une telle considération, le point n’est pas litigieux en l’espèce.

A l’appui de son recours, le demandeur fait état d’un « solde charge/ressource de …euros », en précisant également que s’il « dédui[t] les … € dépensés pour les cigarettes, il [lui] reste … € pour [l’]entretien de [son] bien, du véhicule, [et pour] pouvoir [s]’habiller ». A 3 Trib. adm., 17 octobre 2001, n° 13099 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 877 (2e volet) et les autres références y citées.

4 Cour adm., 27 octobre 2022, n° 47524C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 882.

5 A. Steichen, Manuel de droit fiscal, 6 e éd., Legitech, 2023, p. 426.l’appui de sa demande de remise gracieuse, il a allégué disposer d’un solde de … euros, soit approximativement le même montant que celui allégué dans son recours.

Il expose également dans un courrier électronique adressé à un agent de l’administration en date du 11 avril 2023 percevoir … euros mensuels de la part de l’organisme français « … », et devoir s’acquitter d’un montant mensuel de dépenses à hauteur de … euros, réparties de la manière suivante :

« […] (BB) portable … (BB) box … television canal + … eau …(soit …pour 4 mois) gaz chauffage …(soit … pour 2 mois) EDF electricité … (soit … pour 3 mois) MACIF assurance … (soit … pour an) ALYS femme de ménage … IMPOT taxe habitation … ESSENCE … ALIMENTATION … […] ».

Les affirmations du demandeur relatives à ses revenus mensuels sont corroborées par des documents fournis à l’appui de son recours. Il ressort ainsi des pièces produites en cause et plus précisément d’un relevé de situation adressé au demandeur par l’organisme français « (AA) » en date du 14 mars 2023 qu’il a perçu … euros pour le mois de février 2023 au titre d’allocation d’aide au retour à l’emploi. Il ressort encore d’un extrait de compte daté du 21 avril 2023 qu’il a perçu … euros de l’organisme français « (AA) ».

S’agissant des dépenses mensuelles, il ressort des pièces justificatives fournies par le demandeur à l’appui de sa demande de remise gracieuse et du présent recours, des charges effectivement correspondantes à celle énumérées ci-avant. En effet, le demandeur a produit une « facture mobile » émanant de la société anonyme de droit français (BB) SA attestant d’un prélèvement sur son compte bancaire de … euros en date du 27 mars 2023 ; une « facture internet et mobile » attestant d’un prélèvement sur son compte bancaire de … euros en date du 7 avril 2023 ; une facture émanant du (CC) attestant d’un montant à régler avant le 31 mars 2023 à hauteur de … euros ; une facture de gaz émanant du (DD) attestant d’un montant à régler avant le 10 mars 2023 à hauteur de … euros ; une synthèse des contrats du demandeur à la date du 5 février 2023 émanant de la société de droit français d’assurance mutuelle à cotisations variables (EE) attestant d’un « Total des cotisations pour la période du 1er avril 2023 au 31 mars 2024 » pour un montant de …euros ; une facture émanant de la société (FF) pour la femme de ménage attestant d’un montant à payer avant le 31 mars 2023 à hauteur de…euros concernant le mois de février 2023 ; un avis d’impôt relatif aux Taxes foncières pour l’année 2022 au nom de Madame (A), émis par la (GG) faisant notamment état d’un avis d’échéances pour l’année 2023 renseignant des prélèvements mensuels à hauteur de … euros, lesquelles ressortent encore des paiements apparaissant sur les relevés du compte bancaire du demandeur portant le numéro … et émanant de la Banque coopérative de droit français (HH) aux dates des 20 et 21 avril 2023 ; ainsi qu’un prélèvement à hauteur de … euros portant le libellé « … » mentionné également sur les relevés de compte bancaire précités.

Concernant toutefois les postes de dépenses « ALIMENTATION », « ESSENCE » et « … electricité », force est au tribunal de constater que lesdites dépenses ne sont pas clairement documentées par les relevés de compte bancaires précités ou par d’autres pièces produites par le demandeur, ainsi que celles figurant au dossier fiscal. La charge de la preuve appartenant au demandeur, il y a, dès lors, lieu de conclure que lesdites dépenses ne sont pas à prendre en considération pour l’analyse de la situation financière du demandeur.

Il s’ensuit que, après analyse du tribunal et prise en compte des explications du demandeur et des pièces justificatives fournies, si le demandeur a effectivement été en mesure d’établir la matérialité des revenus allégués, il n’a toutefois pas établi que partiellement la matérialité des dépenses mensuelles dont il fait état faute de pièces justificatives, de sorte que le tribunal ne saurait tenir compte du solde positif mensuel de … euros allégué par le demandeur dans le cadre de l’appréciation d’une rigueur subjective dans le chef du demandeur.

En effet, il convient d’ajouter le montant des dépenses mensuelles pour lesquelles le demandeur n’a pas fourni de pièces justificatives au solde positif mensuel de … euros précité, à savoir les dépenses d’« ALIMENTATION », d’« ESSENCE » et « … electricité », à hauteur des montants respectifs de … euros, … euros et « … [euros] (soit … pour 3 mois) », soit un montant de … euros mensuel de ressources supplémentaires, étant encore précisé à cet égard que les dépenses mensuelles à hauteur de … euros pour l’achat de cigarettes dont fait état le demandeur ne sauraient être considérées comme des dépenses indispensables par le tribunal et ne sont, dès lors, pas prises en considération dans l’analyse de la situation financière du demandeur. Il s’ensuit que le demandeur dispose, au vu des pièces justificatives fournies au tribunal et après reconstitution de ses ressources mensuelles, d’un solde mensuel positif d’un montant de …euros (… + … euros). La mention manuscrite apposée par un agent de l’administration sur l’imprimé du courrier électronique précité du demandeur du 11 mars 2023 figurant au dossier fiscal, à côté du solde de … euros : « + … = … », n’est, à défaut de toute explication de la partie étatique, pas à prendre en considération pour les besoins de la présente analyse.

S’agissant de sa fortune immobilière, il ressort d’un courrier électronique du demandeur adressé à un agent de l’administration en date du 21 avril 2023 qu’il est propriétaire d’un bien immobilier acquis en 1996, sans mentionner des charges en lien avec un quelconque remboursement d’un prêt bancaire en lien avec l’acquisition dudit bien immobilier. Cette affirmation n’est toutefois pas corroborée à suffisance par les documents versés en cause. Ainsi, si certains documents suggèrent que le demandeur a participé à l’acquisition du bien immobilier conjointement avec son épouse - telles que des factures datées des 27 mars et 15 avril 1996, émises par le notaire ayant réalisé la vente dudit bien immobilier adressée à « Mr et Mme (A) », ou encore d’un relevé de compte, émanant encore dudit notaire, portant notamment la mention « Reçu de M. ou Mme (A) acompte prix et frais sur acquisition…» -, il n’en demeure pas moins que l’acte de vente du 15 avril 1996 versé en cause par le demandeur indique seule Madame (A2) comme acquéreur de la maison. A défaut d’explications supplémentaires fournies en cause par le demandeur il suit des considérations qui précèdent qu’il n’est pas à considérercomme propriétaire de la maison en question laquelle n’est partant pas à considérer comme faisant partie de son actif.

Au vu de la situation financière globale du demandeur, telle qu’elle se dégage des développements qui précèdent, le tribunal est amené à conclure qu’aucune rigueur subjective ne saurait être retenue dans son pour le paiement de l’impôt sur le revenu des personnes physiques d’un montant total de …euros correspondant aux années 2019, 2020 et 2021. En effet, le solde positif mensuel d’un montant de …euros dont dispose le demandeur est à considérer comme étant suffisant pour lui permettre de s’acquitter des dettes d’impôts précitées sans compromettre son existence économique. De surcroît, le tribunal relève encore que le demandeur a bénéficié d’un échelonnement de la seule dette fiscale dont il était personnellement redevable, à savoir …euros correspondant à l’impôt sur le revenu des personnes physiques pour l’année 2021, à raison de mensualités de … euros sur deux ans dont le paiement n’a, une fois de plus, normalement pas pu compromettre son existence économique au regard de sa situation financière.

Par ailleurs, le tribunal constate également des discordances entre certaines affirmations du demandeur au sein de son courrier électronique du 11 avril 2023 et ses relevés de compte bancaire émanant de la Banque coopérative de droit français (HH) en dates des 20 et 21 avril 2023 corroborant le constat que les facultés financières du contribuable lui permettaient de payer sa dette fiscale sans compromettre son existence économique.

Enfin, il échet de préciser que les circonstances alléguées par le demandeur concernant son état de santé, ensemble avec les pièces à l’appui, ne sont pas à prendre en compte par le tribunal pour apprécier la demande de remise gracieuse. En effet, une telle demande est à apprécier au regard des prescriptions du § 131 AO, lesquelles commandent, dans le cas où une rigueur subjective est alléguée par le demandeur, de vérifier si le paiement de la dette d’impôts dont la restitution à titre gracieux est demandée, a compromis son existence économique et a entrainé de ce fait une rigueur incompatible avec l’équité, subjectivement dans son chef. Cette vérification tient compte de la situation économique du demandeur, mais également des modalités de remboursement qui ont pu lui être accordée, comme cela a été fait en l’espèce.

Or, le tribunal a retenu que la preuve d’une rigueur subjective dans le chef du demandeur n’a pas été rapportée par celui-ci en l’espèce.

C’est dès lors à bon escient que le directeur a retenu dans la décision litigieuse qu’aucune rigueur subjective ne saurait être constatée en l’espèce.

Partant, le recours du demandeur encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation dirigé contre les décisions du directeur de l’administration des Contributions directes du 26 juin 2023, référencées sous les numéros (1), respectivement (2) en la forme ;

au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juin 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Benoît HUPPERICH, premier juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s. Lejila ADROVIC s. Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 49150
Date de la décision : 04/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-04;49150 ?

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