Tribunal administratif N° 48346 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48346 3e chambre Inscrit le 4 janvier 2023 Audience publique du 4 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat en matière de discipline
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48346 du rôle et déposée le 4 janvier 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Christian BOCK, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 9 novembre 2022 ayant prononcé, à son égard, la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47 sub 9 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 31 mars 2023 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date du 27 avril 2023 par Maître Christian BOCK pour compte de son mandant, préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 23 mai 2023 ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Christian BOCK et Madame le délégué du gouvernement Michelle STEINMETZ en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 22 octobre 2024 ;
Vu l’avis du tribunal administratif du 25 octobre 2024 autorisant les parties à déposer des mémoires supplémentaires ;
Vu le mémoire supplémentaire déposé au greffe du tribunal administratif en date du 25 novembre 2024 par Maître Christian BOCK pour compte de son mandant, préqualifié ;
Vu le mémoire supplémentaire du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 8 janvier 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Maître Christian BOCK et Madame le délégué du gouvernement Michelle STEINMETZ en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 4 février 2025.
1 Par courrier du 9 février 2022, le ministre …, ci-après désigné par « le ministre », saisit le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, dénommé ci-après « le commissaire du gouvernement », afin de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur (A), employé de l’Etat auprès du …, ci-après désigné par « le ministère », conformément à l’article 56, paragraphe (2) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général ».
Par courrier du 21 février 2022, le commissaire du gouvernement transmit le dossier au commissaire du gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire, désigné ci-après par « le commissaire du gouvernement adjoint », pour attribution. Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa le ministre de la réception du prédit courrier du 9 février 2022 et de l’enregistrement du dossier.
Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur (A) qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre, tout en lui transmettant les pièces de son dossier disciplinaire et en l’invitant à se présenter au commissariat du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 28 février 2022 afin de prendre position par rapport aux faits lui reprochés.
Par courrier de son mandataire ad litem du 24 février 2022, Monsieur (A) sollicita le report de l’audition prévue pour le 28 février 2022.
Par courrier du 25 février 2022, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur (A) qu’il avait fixé l’entrevue au 4 mars 2022.
Par courrier de son mandataire ad litem du 3 mars 2022, Monsieur (A) prit position sur les faits lui reprochés.
Le 4 mars 2022, Monsieur (A), assisté par son mandataire ad litem, fut entendu par le commissaire du gouvernement adjoint, tel que cela ressort d’un procès-verbal du même jour.
En date du 22 juin 2022, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction et, par un courrier du même jour, informa Monsieur (A) qu’il envisagea de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe (5) du statut général, sans préjudice de son droit de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction dans le délai prévu à l’article 56, paragraphe (4) du statut général.
Par courrier du 11 juillet 2022, le commissaire du gouvernement adjoint transmit son rapport d’instruction pour attribution au Conseil de discipline.
Le 9 novembre 2022, le Conseil de discipline prit la décision qui suit :
« […] Vu l'instruction disciplinaire diligentée à l'encontre de (A) par le commissaire du Gouvernement adjoint, régulièrement saisi en application de l'article 56, paragraphe 2, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat (ci-après « le 2statut »), par un courrier du Ministre … du 9 février 2022 et transmise pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 11 juillet 2022.
Vu le rapport d'instruction du 22 juin 2022.
Il est reproché à (A) « d'avoir pris part à une manifestation non autorisée contre les mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement pour lutter contre la propagation de la Covid 19 qui s'est déroulée le 15 janvier 2022 et qu'une photo parue sur le site d'un quotidien montre qu'il est en confrontation directe avec les forces de l'ordre ».
A l'audience publique du Conseil du mercredi 19 octobre 2022, (A), assisté de Maître Christian BOCK, a réitéré oralement sa demande de surseoir à statuer déjà présentée par écrit le 17 octobre 2022, au motif qu'il vient de déposer le 17 octobre 2022 une plainte pénale avec constitution de partie civile au cabinet d'instruction du chef de faux témoignage dirigée contre deux policiers entendus dans le cadre de la présente affaire disciplinaire et que l'adage « le criminel tient le civil en l'état » devrait s'appliquer.
Le Conseil a joint cet incident au fond et, à l'instar de ses deux prises de position écrites le 17 octobre 2022, censées faire partie intégrante de la présente décision, ne fait pas droit à cette demande en rappelant qu'(A) ne se voit pas reprocher, au niveau disciplinaire, d'avoir porté ou essayé de porter un coup de pied dans le dos d'un des policiers, mais notamment d'avoir été, dans le cadre de sa participation à une manifestation non autorisée, en confrontation directe avec les forces de l'ordre lors d'une action d'exfiltration. S'y ajoute qu'il résulte des explications fournies par Maître BOCK dans un courrier supplémentaire du 18 octobre 2022 « que les policiers visés par la plainte pénale ont indiqué, ou au moins fortement suggéré dans leurs dépositions qu'un agent de police aurait été agressé par Monsieur (A) ».
S'il est permis de douter qu'une « suggestion » combinée à l'emploi du conditionnel dans une déposition puisse suffire à caractériser un faux témoignage, toujours est-il que (A) se voit reprocher « d'avoir manqué à ses obligations statutaires dont notamment aux devoirs résultant de l'article 10 du statut général ».
L'autonomie régissant l'action disciplinaire est seulement tempérée par le principe de l'autorité de la chose jugée, en ce sens que le juge disciplinaire devra tenir compte de l'autorité de la chose jugée rattachée à la constatation de la matérialité des faits faite par le juge pénal, laquelle lie le juge disciplinaire, qui reste néanmoins toujours compétent pour qualifier les faits du point de vue strictement professionnel.
Pour ce qui est donc de l'adage « le criminel tient le civil en l'état » invoqué par (A), il faut tout d'abord relever que (A) ne fait, à la connaissance du Conseil, pas l'objet d'une instruction pénale et le criminel ne tient pas le disciplinaire en état alors que l'action disciplinaire diffère de l'action pénale par son fondement, sa portée et son objectif. Les faits à la base de la présente affaire disciplinaire ne font ni l'objet d'une instruction pénale, ni l'objet de contestations quant à leur matérialité.
Il n'y a partant pas lieu à surseoir.
Après rapport oral du président du Conseil, (A) et son conseil ont été entendus en leurs explications et le délégué du Gouvernement, en ses conclusions.
3À l'audience, (A) admet avoir été présent le jour en question à l'endroit indiqué, mais il soutient ne pas avoir eu connaissance du fait que cette manifestation n'était pas autorisée, la communication policière à ce sujet aurait été inexistante. Les policiers auraient adopté des comportements d'une violence inouïe et il aurait déployé tous ses efforts pour esquiver des coups. Il résulterait des multiples attestations testimoniales versées par ses soins qu'il est d'habitude une personne paisible.
Son avocat donne à considérer que sans l'existence de cette photo prise lors de la manifestation et sa publication dans un quotidien en violation des droits élémentaires de (A) au respect de sa vie privée et à l'image, aucune instruction disciplinaire n'aurait été lancée contre lui. (A) aurait son opinion sur la légitimité des mesures sanitaires adoptées à l'époque et il devrait pouvoir librement en faire part. Ce ne serait que suite à ce concours de circonstances malencontreuses qu'il se serait retrouvé devant le commissaire du Gouvernement illustrant la faible gravité des faits en soi, aucune suspension n'aurait par ailleurs été prononcée contre lui. Une violation de l'article 10 du statut ne serait partant pas donnée. Pour le cas où le Conseil arriverait néanmoins, contre toute attente, à retenir (A) dans les liens des reproches lui adressés, il faudrait tenir compte de son ancienneté de service, de l'absence d'antécédent disciplinaire et du fait qu'il a continué à travailler pour le Ministère …. Il aurait compris la leçon de sorte que la sanction de la réprimande serait appropriée.
Le délégué du Gouvernement a relevé que les reproches formulés dans la lettre de saisine se trouvent dûment documentés au dossier. La stratégie de défense employée par (A) tout au long de l'instruction jusque et y compris à l'audience du Conseil serait pitoyable. Suite aux débordements antérieurs lors de manifestations au mois de décembre 2021, les autorités auraient clairement communiqué leur intention de ne plus tolérer des rassemblements en dehors des périmètres autorisés et ce à juste titre, alors qu'une manifestation non autorisée pour laquelle il n'y a pas de personne de contact avec qui un itinéraire pourrait être organisé, perturbe massivement l'ordre public et pose un problème majeur de sécurité. Lorsque des routes sont bloquées de manière non coordonnée, il n'y a pas seulement un risque de perturbation du trafic, mais également un risque d'accidents. Une manifestation non autorisée mettrait dès lors en péril tant les usagers de la route que les manifestants eux-mêmes sans même parler de l'utilisation de matériel pyrotechnique. La présence d'(A) sur les lieux n'aurait pas été le fruit du hasard, mais une démarche ciblée pour manifester son mécontentement contre les mesures sanitaires et le fait qu'il s'est trouvé en confrontation directe avec les forces de l'ordre ressortirait à suffisance notamment de la déposition sans équivoque du témoin oculaire …. Ce dernier aurait également rapporté que ceux des manifestants qui se trouvaient à cet endroit à cette heure, en première ligne face aux policiers, ne voulaient pas obtempérer.
Dans une société démocratique, il serait du devoir des journalistes d'informer le public et, dans le cadre d'un compte-rendu d'actualité, de faire dans un lieu public, sur une voie publique, des photos qu'ils peuvent publier au cours de reportages afférents. Il renvoie aux longs développements effectués par le commissaire du Gouvernement à ce sujet reprenant les travaux parlementaires ainsi que des jurisprudences luxembourgeoises et françaises pour invalider l'argumentation présentée par (A) quant à son droit à l'image et à sa vie privée. Quant aux communications des autorités policières et politiques en amont de la manifestation du 15 janvier 2022 et quant aux bases légales régissant l'intervention policière, il suffirait également de se tenir au rapport d'instruction, aucune des précisions fournies à ce sujet n'ayant été ébranlée par la défense. Afin d'être complet, le délégué du Gouvernement signale que la Cour constitutionnelle, dans un arrêt récent du 30 septembre 2022, a retenu que les articles 3 et 4 de la loi du 17 juillet 2020 portant introduction d'une série de mesures de lutte contre la pandémie COVID 19 ne sont pas contraires aux articles 10bis, 11 et 24 de la Constitution. Le 4délégué du Gouvernement rappelle que chaque fonctionnaire a le droit d'avoir une opinion et à la partager, mais c'est dans la façon dont on s'exprime que tout se joue. Les convictions strictement personnelles d'(A) ne sauraient lui permettre de passer outre son devoir de loyauté et de réserve, devoir qui est de nature à constituer une restriction légalement autorisée à la liberté d'expression. En substance, le devoir de loyauté est celui de ne pas porter atteinte aux intérêts de l'Etat, le devoir de réserve est celui de faire preuve de retenue dans l'expression de ses opinions personnelles. Il reprend un arrêt du 2 septembre 1998 de la Cour européenne des droits de l'homme (Ahmed et autres c. Royaume-Uni) qui a souligné que « la mission des fonctionnaires dans une société démocratique étant d'aider le gouvernement à s'acquitter de ses fonctions et le public étant en droit d'attendre que les fonctionnaires apportent cette aide et n'opposent pas d'obstacles au gouvernement démocratiquement élu, l'obligation de loyauté et de réserve revêt une importance particulière les concernant ».
Le comportement affiché par (A), en contradiction flagrante avec son devoir de réserve professionnel et privé ainsi qu'avec son devoir de loyauté aurait définitivement ébranlé la confiance légitime que son employeur, mais aussi les citoyens, peuvent placer en un fonctionnaire, étant souligné que du fait de son travail au service …, (A) serait amené à travailler et à s'échanger avec les forces de l'ordre. Son maintien pendant des heures au sein d'une manifestation non autorisée le montrant en première ligne des confrontations avec la police, porterait atteinte aux devoirs et à la dignité de la fonction et ébranlerait aussi la confiance du public. Il aurait, par le comportement adopté, transgressé les normes minimales d'un genre de vie décent auxquelles un fonctionnaire doit se tenir dans l'intérêt du service et afin de ne pas porter atteinte à l'honneur de sa fonction, mais plus important encore, il aurait tenté de déstabiliser l'Etat de Droit. L'attitude adoptée au cours de l'instruction disciplinaire ne militerait pas non plus en sa faveur et également à l'audience du Conseil, on aurait pu se rendre à l'évidence qu'(A), contrairement aux affirmations de son avocat, ne se serait livré à aucune auto-critique. Il n'aurait, à aucun moment, questionné son propre comportement et au final n'aurait montré aucune introspection déployant des efforts considérables pour faire dévier l'attention de son propre comportement fautif et pour tenter de faire endosser la responsabilité par d'autres.
Pour conclure, le délégué du Gouvernement cite l'exemple d'un employé s'étant trouvé dans une situation similaire à celle d'(A) et lequel a été licencié avec effet immédiat, pour souligner qu'à plus forte raison, en raison du statut particulier dont jouit un fonctionnaire, la mise à la retraite d'office serait l'unique réponse appropriée pour sanctionner le comportement incriminé, ni l'absence d'antécédent disciplinaire, ni l'ancienneté de service, ni son attitude ne seraient de nature à amoindrir la gravité des faits.
Le Conseil retient que les reproches libellés dans la lettre de saisine se trouvent à suffisance rapportés à l'issue de l'instruction disciplinaire diligentée, l'argumentation d'(A) à l'audience n'ayant pas énervé ce constat. Il n'y a pas lieu de revenir à son affirmation de ne pas avoir eu connaissance que ce rassemblement n'a pas été autorisé alors qu'elle se trouve infirmée par les éléments objectifs rassemblés par le commissaire du Gouvernement adjoint, lequel s'est livré à une analyse objective minutieuse tant en fait qu'en droit de tous les moyens avancés par le fonctionnaire. Bien que l'écrasante majorité des moyens soulevés lors de l'instruction disciplinaire n'ont plus été reformulés à l'audience, le Conseil, pour autant que de besoin, ne peut que se rallier aux développements pertinents et aux références jurisprudentielles mises en exergue dans le rapport d'instruction.
5Le Conseil rappelle dans ce contexte, à l'instar du délégué du Gouvernement, que si le devoir de réserve ne signifie pas silence ni incitation au conformisme, et semble porter moins sur le contenu que sur la forme de cette expression, il est inconcevable que la critique du fonctionnaire s'exprime de manière injurieuse ou violente ou comme en l'espèce sous forme de confrontation avec la police lors d'une manifestation non autorisée. En effet, il ne faut pas perdre de vue que la manifestation du 15 janvier 2022 non déclarée et non autorisée à laquelle a participé (A) s'est tenue très loin du zoning dédié aux manifestations entre la place de l'Europe et le Glacis et dans la méconnaissance absolue des recommandations et des règles sanitaires pour des rassemblements prévus par la loi modifiée du 17 juillet 2020 sur les mesures de lutte contre la pandémie Covid-19, mesures que la Cour constitutionnelle, dans son arrêt précité du 30 septembre 2022, a jugé conformes à la Constitution.
Il ressort de l'instruction diligentée et notamment de la déclaration du témoin … que la photo montrant (A) a été prise au moment d'une opération d'exfiltration. Le Conseil renvoie au rapport d'instruction pour ce qui est des explications détaillées sur le déroulement d'une telle opération policière afin d'invalider l'affirmation de (A) qu'il aurait été, sans raison, malmené par les forces de l'ordre alors qu'il se dégage du dossier qu'un manifestant qui se trouvait à l'heure indiquée en contact direct avec les policiers effectuant une telle opération d'exfiltration était nécessairement dans les toutes premières lignes des manifestants et il est évident, tel que le souligne à juste titre le témoin oculaire que « les manifestants qui se trouvaient en première ligne au contact avec la police n'étaient pas là par hasard. Les manifestants qui ne voulaient pas être embêtés se tenaient sur les trottoirs et évitaient un tel contact direct. » Seules des personnes se trouvant dans les premières lignes des manifestants à proximité de la ligne de contrôle de la police sont susceptibles d'entrer en contact avec les policiers en charge d'une opération d'exfiltration. La présence de l'agent poursuivi dans les premiers rangs de la manifestation, à proximité immédiate de la ligne de contrôle de la police est ainsi établie et l'instruction a aussi permis d'établir que l'agent ne s'est nullement contenté d'un rôle purement passif au sein de la manifestation, mais qu'il y a bien confronté les forces de l'ordre.
Les convictions strictement personnelles de (A) ne sauraient lui permettre de passer outre son devoir de loyauté et de réserve et de par ce comportement (A) a indubitablement transgressé ce devoir et ces faits constituent partant un manquement à l'article 10, paragraphe 1, alinéa 1 du statut qui dispose que « Le fonctionnaire doit, dans l'exercice comme en dehors de l'exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public ».
Aux termes de l'article 53 du Statut, l'application des sanctions se règle notamment d'après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. Elles peuvent être appliquées cumulativement.
Quand la liberté d'expression des fonctionnaires se trouve en jeu, les « devoirs et responsabilités » visés à l'article 10 du statut revêtent une importance particulière car ils sont principalement destinés à préserver la relation de confiance qui doit exister entre l'administration et l'administré, mais aussi entre l'administration et ceux qui la servent. Non seulement que le fonctionnaire est tenu par un devoir de loyauté à l'égard de l'institution elle-
même, mais un État démocratique est en droit d'exiger de ses fonctionnaires qu'ils soient loyaux envers les principes constitutionnels et l'Etat a aussi un intérêt légitime à veiller à ce que sa fonction publique œuvre en respectant la confiance que le public, voir les administrés, doivent 6avoir dans les agents de l'autorité publique. Cette notion de réserve est « construite sur la conception que certaines fonctions sont assurées par des personnes dont il faut préserver l'image d'impartialité et de neutralité en raison de la confiance qu'elles doivent inspirer au public ». Cette conception est également partagée par la Cour européenne des droits de l'homme, selon laquelle « les citoyens peuvent légitimement escompter qu'à l'occasion de leurs démarches […], ils seront conseillés par des fonctionnaires politiquement neutres et tout à fait détachés du combat politique », ce qui est justifié par le rôle du fonctionnaire dans un État démocratique : « aider le gouvernement à s'acquitter de ses fonctions [sans opposer] d'obstacles au gouvernement démocratiquement élu ».
S'y ajoute qu'également à l'audience du Conseil, (A) n'a fait preuve d'aucun repentir et ne s'est pas distancé de sa véritable tirade contre le travail des forces de l'ordre lors de cette manifestation du 15 janvier 2022 en le qualifiant de « honteux », « scandaleux », « scandale luxembourgeois du siècle » et de « journée de la honte ». Il a continué à s'ériger en victime d'une action déplacée et d'une violence inouïe des policiers.
En l'espèce, la violation des obligations statutaires est d'une gravité telle que l'absence d'antécédent disciplinaire, tout comme l'ancienneté de (A) s'estompent face au constat que le comportement incriminé a irrémédiablement et définitivement compromis la relation de confiance et de respect indispensable pour maintenir la relation de travail.
Il y a partant lieu de prononcer, conformément au réquisitoire du délégué du Gouvernement, la mise à la retraite d'office de (A), sanction prévue à l'article 47.9 du statut général.
PAR CES MOTIFS :
le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, sur le rapport oral de son président, (A) et son conseil entendus en leurs explications et moyens de défense et le délégué du Gouvernement en ses conclusions, prononce à l'égard de (A) du chef des manquements retenus ci-dessus la sanction disciplinaire prévue à l'article 47.9 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'Etat, à savoir la mise à la retraite d'office, condamne (A) aux frais de la procédure, ces frais étant liquidés à 80,95 euros. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 4 janvier 2023, inscrite sous le numéro 48346 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du Conseil de discipline du 9 novembre 2022.
Aux termes de l’article 54, paragraphe (2) du statut général prévoyant un recours au fond contre les décisions du Conseil de discipline prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire, sur renvoi du commissaire du gouvernement, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par Monsieur (A) contre la décision précitée du Conseil de discipline du 9 novembre 2022, lequel est encore à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
7Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que le délégué du gouvernement se rapporte à la prudence de justice en ce qui concerne tant la recevabilité ratione materiae que la recevabilité ratione temporis, respectivement l’intérêt à agir de Monsieur (A), sans développer d’argumentation afférente, alors qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties dans la présentation de leurs moyens, étant encore relevé que le tribunal n’entrevoit pas de moyen d’irrecevabilité qui serait à soulever d’office.
Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, tout en reprenant les rétroactes passés en revue ci-avant et en présentant sa vision du contexte historique et sanitaire pour la période du 31 décembre 2019 à mars 2022, Monsieur (A), après avoir relevé qu’il aurait prêté serment d’obéir à la Constitution et aux lois de l’Etat, conformément à l’article 3, paragraphe (1) du statut général, conclut à l’annulation de la décision du Conseil de discipline du 9 novembre 2022 pour violation de ses droits de la défense, lesquels seraient applicables non seulement en matière pénale, mais aussi en matière disciplinaire.
A cet égard, il fait valoir que les deux policiers entendus comme témoins dans le cadre de l’instruction disciplinaire auraient fait de fausses déclarations, alors qu’ils auraient, à tort, affirmé qu’il aurait fait preuve d’un comportement particulièrement agressif lors de la manifestation du 15 janvier 2022 et qu’il aurait notamment agressé un policier tombé au sol, le demandeur se prévalant dans ce contexte d’une vidéo qui prouverait le contraire.
Le demandeur souligne encore avoir informé le Conseil de discipline, avant l’audience du 19 octobre 2022, du fait qu’il aurait déposé une plainte pénale à l’encontre des deux policiers en question du chef de faux témoignage et reproche audit Conseil d’avoir violé ses droits de la défense pour ne pas avoir sursis à statuer en attendant l’issue de ladite affaire pénale, sur base du principe selon lequel « le criminel tient le civil en l’état », ce principe s’imposant, de l’avis du demandeur, également au Conseil de discipline, ainsi qu’au juge administratif, dans la mesure où ceux-ci devraient tenir compte de l’autorité de la chose jugée attachée à la décision pénale et de la matérialité des faits telle que constatée par le juge pénal. Au vu de ce qui précède, le demandeur conclut principalement à l’annulation de la décision litigieuse pour violation de l’article 6, paragraphe (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », et sollicite, à titre subsidiaire, le sursis à statuer jusqu’à l’issue de la procédure introduite devant le juge pénal.
Ensuite, quant aux faits lui reprochés et s’agissant tout d’abord du reproche d’avoir participé à une manifestation non autorisée en date du 15 janvier 2022, le demandeur, en prenant appui sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par la « CourEDH », invoque une violation du droit à la liberté de réunion et d’association, tel qu’inscrit à l’article 11 de la CEDH, en soutenant qu’à défaut de « loi sur les manifestations permettant de connaître les droits et obligations des manifestants », les autorités luxembourgeoises devraient tolérer une gêne, même importante, de la circulation causée par des manifestants. Or, selon le demandeur, tel n’aurait pas été le cas en l’espèce, dans la mesure où, lors du rassemblement du 15 janvier 2022, il aurait marché paisiblement en direction du Glacis où sa voiture aurait été garée et la route n’aurait pas été bloquée, de sorte que la limite de la gêne occasionnée à la circulation n’aurait pas été dépassée.
8 Le demandeur conteste encore la violation, dans son chef, de l’article 10 du statut général. A ce sujet, il fait tout d’abord valoir que le terme de « manifestation » ne serait pas défini en droit luxembourgeois et que seuls les articles 2 et 53 du règlement général de police modifié du 26 mars 2001 de la Ville de Luxembourg, ci-après désigné par « le règlement général de police », prévoiraient une peine de police maximale de 250,- euros pour la participation à un cortège illégal, ce qui démontrerait que la participation à un cortège non autorisé ne serait pas suffisamment grave pour que la confiance de l’Etat en lui soit irrémédiablement compromise.
A cela s’ajouterait que la partie étatique resterait en défaut de prouver qu’il se serait trouvé en dehors du zoning en place pour la manifestation, alors qu’aucun texte officiel n’aurait déterminé un tel zoning pour la journée du 15 janvier 2022, le demandeur faisant encore plus particulièrement état d’une intervention « draconienne » des forces de l’ordre à l’occasion de la manifestation en question, ainsi que d’une privation de liberté des manifestants, lesquels auraient été retenus pendant plusieurs heures dans le froid en pleine rue. Le demandeur souligne à cet égard que les forces de l’ordre n’auraient pas averti les manifestants, lesquels se seraient trouvés encerclés, avant de faire usage de la force, conformément aux dispositions des articles 14, 32 et 34 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la Police grand-ducale, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 ». Dans ce contexte, il réfute l’argumentation du commissaire du gouvernement adjoint dans son rapport d’instruction du 22 juin 2022 suivant laquelle l’intervention policière aurait été nécessaire pour maintenir l’ordre public, en faisant plaider que la jurisprudence de la CourEDH, citée par ce dernier dans ce contexte, ne serait pas applicable au cas d’espèce, alors qu’il n’y aurait eu aucun risque d’atteinte aux personnes et aux biens, la foule n’ayant été composée que de 200 à 300 personnes, et notamment d’enfants, de femmes et de personnes âgées. Tout en insistant encore sur le fait que l’intervention policière aurait été disproportionnée par rapport aux « faits/infractions » commis par les participants à la manifestation, le demandeur conclut que les faits lui reprochés ne sauraient être considérés comme étant suffisamment graves pour justifier sa mise à la retraite, ce d’autant plus qu’il n’aurait à aucun moment consenti à être pris en photo.
Le demandeur conteste ensuite le reproche lui opposé d’avoir confronté les forces de l’ordre lors de la manifestation non autorisée du 15 janvier 2022, en faisant valoir qu’il serait une personne paisible qui refuserait toute forme de violence, tel qu’en attesterait son casier judiciaire vierge. Après avoir défini le terme de « confrontation », il fait plaider qu’il suffirait, d’après le raisonnement du Conseil de discipline, de se mettre face à un policier en service pour commettre une infraction disciplinaire justifiant la mise à la retraite, ce qui ne serait pas l’intention du législateur, ni conforme à la jurisprudence en la matière. Il rappelle, dans ce contexte, avoir été obligé de se rapprocher pendant quelques instants de la ligne de contrôle de la police pour « se renseigner des suites de la privation de ses libertés », situation qui ne pourrait pas être analysée comme « confrontation avec la police », ce d’autant plus que ni les dimensions de la ligne de contrôle, ni le temps passé par lui devant ladite ligne de contrôle ne ressortiraient du dossier.
Par ailleurs, la photo prise par le photographe du quotidien « … » le montrerait apeuré, les bras levés devant son visage et son corps, en train de se protéger contre les attaques de matraque policières, le demandeur insistant de nouveau sur l’usage de force excessif par les forces de l’ordre à l’égard des manifestants. Le demandeur conteste également les déclarations faites par ledit photographe lors de son audition devant le commissaire du gouvernement 9adjoint, lesquelles ne correspondraient pas à la réalité des faits et ne refléteraient que l’opinion d’un « journaliste à la recherche du spectaculaire ».
Au vu de l’ensemble des développements qui précèdent, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse en ce qu’il ne résulterait d’aucun élément du dossier qu’il aurait été en confrontation volontaire avec la police, voire qu’il aurait provoqué ou agressé d’une quelconque manière des agents de police, de sorte que son comportement n’aurait pas porté atteinte à la dignité de sa fonction, ni provoqué le moindre scandale, ni compromis les intérêts du service public.
Subsidiairement, pour autant qu’une faute disciplinaire devait être retenue à son encontre, le demandeur remet en cause le caractère approprié et proportionné de la sanction retenue par le Conseil de discipline à son égard, à savoir la mise à la retraite d’office, en relevant (i) qu’il n’aurait jamais eu l’intention d’affronter la police, (ii) que la situation dans laquelle il se serait trouvé aurait été exceptionnelle, compte tenu du contexte sanitaire, (iii) qu’il s’agirait d’un incident unique et isolé dans sa carrière de presque vingt ans au service de l’Etat, (iv) qu’il n’aurait pas d’antécédents judiciaires, ni disciplinaires, (v) qu’il serait apprécié par ses collègues de travail et (vi) qu’il serait dans une relation amoureuse stable et serait devenu père il y a environ deux ans. Il fait encore relever qu’il n’aurait pas fait l’objet d’une suspension de ses fonctions, de sorte à avoir continué à travailler sans autre difficulté, ce qui prouverait que la relation de confiance n’aurait pas été compromise.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur réitère, en substance, son exposé des faits contenu dans sa requête introductive d’instance, tout en contestant la version des faits présentée par la partie étatique.
Il précise encore que, contrairement à ce que ferait plaider la partie étatique, il n’aurait jamais indiqué ne plus vouloir travailler pour l’Etat, mais aurait simplement exprimé son mécontentement avec la politique menée par le Gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie liée au virus du COVID-19. Il serait, par ailleurs, son droit de ne pas être d’accord avec la politique menée par le Gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie, Monsieur (A) expliquant encore, dans ce cadre, d’une part, que les notions d’« Etat » et de « Gouvernement » ne devraient pas être confondues.
En faisant valoir que des restrictions pourraient être apportées tant à la liberté d’expression qu’à la liberté de réunion et d’association, consacrées aux articles 10 et 11 de la CEDH, à condition qu’elles soient définies de manière précise par le législateur et qu’elles soient nécessaires au but poursuivi, le demandeur argumente que le droit à la santé se situerait au même niveau que lesdites libertés, de sorte qu’il conviendrait de trouver un équilibre entre ces différents droits fondamentaux, ce qui n’aurait cependant pas été le cas durant la crise sanitaire liée au virus du COVID-19, le demandeur estimant qu’au contraire, les mesures prises par le gouvernement pendant cette période auraient constitué une entrave inadéquate et disproportionnée à certains droits fondamentaux.
Le demandeur réfute ensuite l’argumentation étatique selon laquelle l’adage « le criminel tient le civil en l’état », qui constituerait une règle d’ordre public, ne serait pas applicable en l’espèce, en faisant valoir que l’action disciplinaire, à l’instar de l’action pénale, serait de nature répressive et « le complément nécessaire et socialement sécurisant de la sanction pénale ». Il estime plus particulièrement qu’à défaut de jugement pénal définitif, l’action disciplinaire ne serait basée que sur des indices d’infraction et serait, dès lors, dénuée 10de tout fondement. En donnant encore à considérer qu’aucune enquête pénale n’aurait, à ce stade, été lancée suite à la plainte déposée par ses soins, tel que cela ressortirait d’un courrier du Premier Avocat général versé en cause, le demandeur insiste sur le fait que l’issue de la procédure pénale en question serait d’une importance primordiale dans le cadre de l’appréciation des fautes disciplinaires lui reprochées et conclut que la décision déférée devrait être annulée pour violation des articles 6 et 11 de la CEDH, du principe selon lequel « le criminel tient le civil en l’état », ainsi que du principe de la « manifestation de la vérité ».
Quant au reproche d’avoir participé à une manifestation non autorisée en date du 15 janvier 2022, le demandeur se réfère à ses développements contenus dans sa requête introductive d’instance et précise que la restriction au droit à la liberté de réunion et d’association prévue par l’article 2 du règlement général de police, à savoir la nécessité d’une autorisation spéciale, ne serait pas conforme aux normes supérieures, à savoir la loi, la Constitution et les textes internationaux, notamment pour ne pas être prévue par une « loi ».
Or, en l’espèce, les forces de l’ordre auraient, sans motif valable, encerclé les manifestants qui auraient entamé une marche paisible dans l’Avenue de la Liberté en direction du « Glacis ».
Dans ce contexte, le demandeur réfute encore l’argumentation étatique selon laquelle la restriction apportée en l’espèce au droit à la liberté de réunion et d’association serait justifiée par l’article 25 de la Constitution, en insistant sur le fait que l’intervention des forces de l’ordre lors de la manifestation du 15 janvier 2022 aurait été disproportionnée, alors qu’il se serait agi d’un rassemblement pacifique et que le recours à la force n’aurait, dès lors, pas été nécessaire pour le maintien de l’ordre public.
En ce qui concerne le reproche relatif à un comportement indigne, en violation de l’article 10, paragraphe (1) du statut général, le demandeur se réfère de nouveau à ses développements contenus dans sa requête introductive d’instance et insiste sur le fait que, contrairement aux affirmations étatiques, il se serait uniquement défendu face aux charges des forces de l’ordre, ce qui ressortirait clairement des photos figurant au dossier.
En faisant valoir que la liberté d’expression, consacrée aux articles 10 de la CEDH, 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », et 24 de la Constitution, serait un droit supranational s’appliquant de manière générale aux fonctionnaires en dehors du service, le demandeur argumente que le droit de réserve, désignant l’obligation faite à tout agent public de faire preuve de réserve et de retenue dans l’expression écrite et orale de ses opinions personnelles, ne serait pas conçu comme une entrave à l’exercice des droits élémentaires du citoyen, tels que la liberté d’opinion et la liberté d’expression.
Sur base de ces considérations, Monsieur (A) soutient que la partie étatique serait restée en défaut de prendre en compte le contexte sanitaire et politique dans lequel il se serait exprimé, contexte qui serait cependant déterminant pour comprendre ses agissements.
Dans son mémoire supplémentaire, le demandeur insiste sur l’importance de la prise en compte des circonstances exceptionnelles ayant entouré les faits litigieux, en développant son exposé du contexte politique et sanitaire à cet égard.
Le demandeur réitère ensuite, en substance, ses développements contenus dans ses écrits antérieurs par rapport au déroulement du « rassemblement » du 15 janvier 2022 et critique plus particulièrement la mesure de confinement qui aurait été prise par la police grand-
ducale notamment sur base des articles 5 et 14 de la loi du 18 juillet 2018 et qui serait 11susceptible de constituer une violation de la liberté individuelle, consacrée à l’article 17 de la Constitution. Dans ce contexte, il cite encore plusieurs attestations testimoniales versées en cause pour mettre en exergue que, contrairement aux dépositions des policiers … et …, les manifestants auraient été enfermés pendant plusieurs heures avant de pouvoir quitter ce confinement policier.
Quant au reproche d’avoir été en confrontation directe avec les forces de l’ordre, il fait valoir n’avoir, à aucun moment, frappé, essayé de frapper ou agressé un policier, ce qui ne ressortirait d’ailleurs, de l’avis du demandeur, pas des déclarations des policiers entendus dans le cadre de l’enquête menée par l’Inspection Générale de la Police, ci-après désignée par « l’IGP », laquelle aurait émis un rapport en date du 12 octobre 2023, que le demandeur verse en tant que pièce. L’intéressé estime encore que lesdites déclarations seraient contradictoires et ne constitueraient, à l’exception de celles de Monsieur …, que des ouï-dire. Concernant justement les déclarations de Monsieur …, le demandeur soutient qu’elles ne seraient toutefois pas convaincantes, dans la mesure où celui-ci n’aurait pas directement observé qu’un agent ait effectivement été touché, et que de toute manière, ses déclarations seraient contredites par la vidéo, ainsi que par les témoignages des autres agents de police.
Il précise ensuite que deux procès-verbaux de police dateraient du 15 janvier 2022 et que le Parquet du tribunal d’arrondissement de Luxembourg aurait classé son affaire sans suites pénales en date du 9 avril 2022. Il relève en outre que l’identité du policier prétendument touché par ses agressions, à savoir un agent de l’Unité spéciale de la Police (USP), serait toujours inconnue et qu’il n’aurait pas été entendu dans le cadre de l’enquête menée par l’IGP, malgré une demande y afférente du Procureur général d’Etat dans un courrier du 13 février 2023, également versé en cause.
Il estime, par ailleurs, que la vidéo qui aurait été analysée dans le cadre de l’enquête de l’IGP et qui aurait été prise au même moment que la photo litigieuse parue dans le quotidien « L’essentiel », confirmerait qu’il n’y aurait eu aucune provocation ou agression de sa part et le montrerait, au contraire, en train de se protéger contre les policiers qui l’auraient violemment repoussé. Si ladite vidéo montrerait, certes, que le policier en question aurait trébuché et serait tombé par terre, lui-même ne serait pas visible sur la vidéo à ce moment, de sorte qu’il résulterait clairement de la vidéo qu’il n’aurait pas donné des coups de pied audit policier, le demandeur relevant encore qu’il serait peu probable que l’agent en question soit tombé par terre à plusieurs reprises, le même jour, et ce toujours en sa présence.
Monsieur (A) prend ensuite position par rapport aux dépositions effectuées par différents agents de police tant dans le cadre de l’instruction disciplinaire que dans le cadre de l’enquête menée par l’IGP, en faisant valoir, en substance, que lesdites dépositions seraient non seulement imprécises, voire contradictoires, mais qu’elles reposeraient encore sur des ouï-dire, sans qu’ils ne relateraient aucun acte concret qui permettrait de retenir qu’il aurait effectivement donné ou essayé de donner un coup de pied à un agent de l’USP.
Quant à la proportionnalité de la sanction disciplinaire retenue à son égard, le demandeur fait relever qu’il aurait toujours fait preuve de rigueur, d’efficacité et d’une éthique professionnelle irréprochable tout au long de sa carrière professionnelle, tel que cela résulterait notamment d’un rapport d’entretien individuel avec son supérieur hiérarchique du 5 octobre 2022.
Il développe ensuite son argumentation relative à l’application des sanctions disciplinaires, telle que prévue par l’article 53 du statut général, en se prévalant de la 12jurisprudence des juridictions administratives en la matière et conclut, finalement, à une violation du délai raisonnable, prévu par l’article 6, paragraphe (1) de la CEDH, en critiquant le délai s’étant écoulé entre l’introduction des poursuites en février 2022 et la décision juridictionnelle définitive, ce délai devant, selon le demandeur, entrer en ligne de compte en tant que circonstance atténuante.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet de l’ensemble des moyens du recours pour être dépourvus de fondement.
Analyse du tribunal A titre liminaire et s’agissant du mémoire supplémentaire déposé par le demandeur en date du 25 novembre 2024, il échet de relever qu’aux termes de l’article 5, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », « [l]e demandeur peut fournir une réplique dans le mois de la communication de la réponse [par le défendeur] ; la partie défenderesse et le tiers intéressé sont admis à leur tour à dupliquer dans le mois ».
Conformément à l’article 7 de la loi du 21 juin 1999, « [i]l ne pourra y avoir plus de deux mémoires de la part de chaque partie, y compris la requête introductive. […] Toutefois, dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire, le président du tribunal ou le président de la chambre appelée à connaître de l’affaire peut ordonner d’office la production de mémoires supplémentaires. ».
La législation en matière de procédure devant les juridictions administratives limite donc le nombre de mémoires de la part de chaque partie à deux, y compris la requête introductive d’instance. Toutefois, dans l’intérêt de l’instruction de l’affaire, le président du tribunal ou le président de la chambre appelée à connaître de l’affaire peut, tel que cela est le cas en l’espèce, ordonner d’office la production de mémoires supplémentaires, lesquels sont nécessairement strictement circonscrits, quant à leur objet, à la seule question soulevée par le tribunal, respectivement au cadre posé par celui-ci lorsqu’il accorde la production de mémoires supplémentaires.
En l’espèce, force est de relever que lors de l’audience publique du 22 octobre 2024, le tribunal a demandé à Maître Christian BOCK, mandataire ad litem du demandeur, de l’informer des suites réservées à la plainte pénale déposée à l’encontre des deux policiers … et … du chef de faux témoignage. Pour répondre à la question du tribunal, Maître BOCK a sollicité l’autorisation de déposer des pièces supplémentaires, de sorte que le tribunal a, par avis du 25 octobre 2024 et suite au dépôt de nouvelles pièces par Maître BOCK en date du 24 octobre 2024, autorisé les parties à « rédiger un mémoire supplémentaire y relatif ».
Force est ensuite au tribunal de constater, à l’instar du délégué du gouvernement, que dans son mémoire supplémentaire du 25 novembre 2024, le demandeur ne s’est pas limité à prendre position par rapport aux nouvelles pièces en relation avec lesquelles il a été autorisé à produire un mémoire supplémentaire, mais qu’il a, par ailleurs, développé son argumentation au fond, notamment en ce qui concerne le contexte sanitaire ayant entouré les faits litigieux, tout en ajoutant un moyen nouveau relatif à une prétendue violation du délai raisonnable.
13Or, l’ensemble des développements du demandeur contenus dans son mémoire supplémentaire, ainsi que les pièces y relatives, pour autant qu’ils dépassent le cadre strictement circonscrit par l’avis, précité, du tribunal du 25 octobre 2024 et par la question posée par le tribunal lors de l’audience publique du 22 octobre 2024 relative aux suites réservées à la plainte pénale prémentionnée, sont à écarter des débats, étant rappelé que l’autorisation de déposer un mémoire supplémentaire ne peut avoir trait qu’au cadre nécessairement et strictement circonscrit par le tribunal, mais ne saurait permettre à une partie ni de compléter ses moyens et arguments touchant le fond de l’affaire, ni d’en développer de nouveaux.
Il s’ensuit que le tribunal, aux fins de l’examen du bien-fondé du recours sous analyse, ne prendra en considération, au-delà des développements contenus dans la requête introductive d’instance et le mémoire en réplique, que les seules explications du demandeur par rapport aux nouvelles pièces, versées à l’appui du mémoire supplémentaire, relatives à la procédure pénale engagée à l’encontre des policiers … et … pour faux témoignage.
Toujours à titre liminaire et concernant la demande subsidiaire du demandeur à ce que le tribunal sursoit à statuer en attendant l’issue de la procédure pénale engagée à l’encontre desdits policiers pour faux témoignage, le mandataire ad litem du demandeur a, à l’audience des plaidoiries du 4 février 2025, déclaré renoncer à cette demande au regard du fait que l’affaire pénale en question a été classée sans suites.
Il y a lieu de lui en donner acte.
Il convient ensuite de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par les parties, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.
Quant à la légalité externe En ce qui concerne d’abord la légalité externe de la décision litigieuse, et plus particulièrement la prétendue violation du principe selon lequel « le criminel tient le civil en l’état » et de l’article 6, paragraphe (1) de la CEDH, également invoqué par le demandeur dans ce contexte, au motif que le Conseil de discipline n’aurait pas sursis à statuer en attendant l’issue de la procédure pénale diligentée par lui à l’encontre des policiers … et … pour faux témoignage, le tribunal relève que ledit article dispose que « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. […] ».
S’agissant du principe selon lequel « le criminel tient le civil en l’état », respectivement selon lequel « le criminel tient l’administratif en l’état », le tribunal rappelle que la raison d’être de ce principe consiste essentiellement à éviter les contrariétés de décisions juridictionnelles au niveau de ces deux ordres de juridiction concernant un ensemble de mêmes faits1.
1 R. Ergec et F. Delaporte, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Pas. adm. 2024, p. 139, pt. 216ter.
14A cet égard, le tribunal se doit néanmoins de relever que si l’appréciation souveraine du juge pénal en ce qui concerne la gravité des faits retenus ne lie pas l’autorité administrative, ni a fortiori le juge administratif, l’autorité administrative restant, en vertu de l’autonomie du droit disciplinaire, libre de décider si ceux-ci appellent une sanction et le taux de celle-ci, elle ne peut toutefois remettre en cause la matérialité des faits établis par une décision judiciaire2.
Au-delà de la question de l’applicabilité en l’espèce du principe selon lequel « le criminel tient le civil en l’état », le tribunal constate, à l’instar de ce qui a été retenu par le Conseil de discipline dans sa décision du 9 novembre 2022, que dans la mesure où Monsieur (A) n’a pas lui-même fait l’objet de la procédure pénale en question, mais qu’il a déposé plainte contre les policiers … et … pour faux témoignage au motif que ces derniers auraient eu « l’intention de tromper les juges siégeant en matière disciplinaire en donnant l’impression [qu’il] aurait frappé avec le pied dans le dos un agent de l’USP […] couché par terre »3, le concerné ne s’est en tout état de cause pas, dans le cadre de la procédure disciplinaire, vu reprocher d’avoir porté ou essayé de porter un coup de pied dans le dos d’un agent de police, mais qu’il lui est reproché « d'avoir pris part à une manifestation non autorisée contre les mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement pour lutter contre la propagation de la Covid 19 qui s’est déroulée le 15 janvier 2022 et qu’une photo parue sur le site d’un quotidien montre qu’il est en confrontation directe avec les forces de l’ordre ».
Or, dans la mesure où, d’une part, l’affaire pénale ainsi introduite par Monsieur (A) portait sur la question de savoir si lesdits policiers ont, en déclarant qu’il aurait donné ou essayé de donner un coup de pied à un agent de l’USP, commis l’infraction de faux témoignage et, d’autre part, aucun tel fait ne lui était reproché dans le cadre de la procédure disciplinaire diligentée à son encontre, aucune contrariété ne risquait de résulter entre la décision pénale à intervenir et celle du Conseil de discipline.
C’est partant à bon droit, et sans violer le principe selon lequel « le criminel tient le civil en l’état », ni l’article 6, paragraphe (1) de la CEDH, que le Conseil de discipline a décidé de ne pas surseoir à statuer en attendant l’issue de l’instance pénale, de sorte que les moyens afférents du demandeur sont à rejeter.
Quant à la légalité interne En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision litigieuse, le tribunal relève, tout d’abord, que le demandeur conteste, en partie, la matérialité des faits lui reprochés, la qualification disciplinaire telle que retenue par le Conseil de discipline, ainsi que leur gravité, respectivement la proportionnalité de la sanction prononcée à son encontre.
Aux termes de l’article 10 du statut général : « 1. Le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public. […] ».
Cette disposition met à charge des fonctionnaires une obligation de dignité et de probité.
Le fonctionnaire doit, en toutes circonstances, avoir une conduite exemplaire, y compris en dehors du service, alors que tout manquement à la dignité de la fonction ou donnant lieu à 2 Trib. adm. 12 mars 2008, n° 22010a du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 251 et l’autre référence y citée.
3 Page 7 du courrier du 17 octobre 2022 (pièce 2 de Maître BOCK).
15scandale ou compromettant les intérêts du service peut jeter le discrédit sur le service dans son ensemble et le dévaloriser4.
En l’espèce, il est reproché à Monsieur (A) « d’avoir pris part à une manifestation non autorisée contre les mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement pour lutter contre la propagation de la Covid 19 qui s'est déroulée le 15 janvier 2022 et qu'une photo parue sur le site d'un quotidien montre qu'il est en confrontation directe avec les forces de l'ordre ».
A titre liminaire, il convient de relever que les développements généraux du demandeur relatifs à l’évolution de la pandémie COVID-19 et à l’efficacité, voire à la légitimité des mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la lutte contre la pandémie COVID-19 sont d’ores et déjà à rejeter pour défaut de pertinence, alors que Monsieur (A) ne se voit pas reprocher d’avoir manifesté contre lesdites mesures, mais d’avoir participé à une manifestation illégale, en violation des règles mises en place pour encadrer les manifestations contre les mesures sanitaires, et d’avoir, à cette occasion, été en confrontation directe avec les forces de l’ordre.
Il y a ensuite lieu de constater que si le demandeur ne conteste pas avoir participé à ladite manifestation, il conteste toutefois le caractère non autorisé de celle-ci, en basant son argumentation sur des considérations sémantiques en relation avec les termes « manifestation », respectivement « rassemblement », ainsi que sur la prétendue absence de zoning prévu pour la manifestation en question.
Or, il y a d’emblée lieu de rejeter les contestations du demandeur quant à l’absence de zoning prévu pour la manifestation du 15 janvier 2022, alors qu’il résulte des explications circonstanciées de la partie étatique, ainsi que des éléments du dossier administratif qu’à la suite d’incidents et de débordements qui se sont produits en marge d’une manifestation contre les mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement pour lutter contre la propagation de la COVID-19 qui s’est déroulée le 4 décembre 2021, le Premier ministre a, en date du 7 décembre 2021, annoncé la mise en place d’un périmètre pour les manifestations à venir à Luxembourg-Ville et de contrôles d’identité effectués par la police dans ce cadre, ceci afin de garantir l’ordre et la sécurité publics. Il se dégage ensuite des éléments du dossier que lors d’une conférence de presse du ministre de la Sécurité intérieure, du bourgmestre de la Ville de Luxembourg et du directeur général adjoint de la police grand-ducale en date du 9 décembre 2021, les dispositions prévues à l’occasion des manifestations suivantes ont été présentées et rappelées dans un communiqué de presse du 10 décembre 2021 dans les termes suivants :
« [a]fin que l’exercice de la liberté de manifester puisse se dérouler sans que de tierces personnes, institutions, édifices ou biens ne soient mis en danger, un zoning dédié à la manifestation a été mis en place de commun accord après concertation entre le Ministère de la Sécurité intérieure, la Ville de Luxembourg et la Police. La zone s’étend du champ du Glacis jusqu’à la Place de l’Europe au Kirchberg et sera en place pendant tout le weekend. Les manifestants seront encadrés par la Police. En dehors de cette zone, les manifestations ne sont pas permises. Comme précisé lors de la conférence de presse, il s’agit ici d’une mesure visant à garantir les droits et libertés des uns sans pour autant mettre en danger d’autres. ». Il ressort, par ailleurs, d’un article publié le 22 février 2022 sur le site « gouvernement.lu » que ledit zoning a été maintenu en place jusqu’à cette date.
4 Cour adm. 25 février 2021, n° 45262C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 392.
16En l’espèce, il est constant en cause pour ne pas être contesté que la manifestation du 15 janvier 2022 à laquelle Monsieur (A) a participé s’est déroulée dans l’Avenue de la Liberté, dans le quartier de la Gare, soit par conséquent en dehors du zoning dédié aux manifestations entre le champ du « Glacis » et la Place de l’Europe au Kirchberg.
Il s’ensuit qu’il est établi que Monsieur (A) a activement participé, en date du 15 janvier 2022, à une manifestation non autorisée dans l’Avenue de la Liberté.
Le demandeur conteste ensuite d’avoir été, lors de ladite manifestation, « en confrontation directe avec les forces de l’ordre ».
A cet égard, force est d’abord au tribunal de constater que la photo litigieuse, parue dans le quotidien « … », montre Monsieur (A) en première ligne des manifestants, directement en face d’un cordon de policiers. Le photographe ayant pris la photo, Monsieur …, a déclaré à ce sujet, lors de son audition devant le commissaire du gouvernement adjoint en date du 28 mars 2022, que, lors de la manifestation non autorisée du 15 janvier 2022, « les unités spéciales de la Police ont chargé régulièrement pour aller chercher et exfiltrer des manifestants qui jouaient un peu aux trouble-fêtes. Les photos litigieuses montrent une telle action d’exfiltration.
Les manifestants qui se trouvaient en première ligne au contact avec la police n’étaient pas là par hasard. Les manifestants qui ne voulaient pas être embêtés se tenaient sur les trottoirs et évitaient un tel contact direct. ».
Il ressort ensuite des déclarations de Monsieur … lors de son audition devant ledit commissaire en date du 2 mai 2022 que : « J’étais pratiquement pendant tout le confinement en première ligne du dispositif policier de sorte que j’avais déjà eu l’occasion de voir [Monsieur (A)], alors que ce dernier se trouvait par moment en première ligne des manifestants. Plus tard, j’ai revu ce Monsieur lors d’une action d’exfiltration d’un manifestant par une section India. […] Lors d’une telle action, un membre de la section India a trébuché et est tombé par terre. A ce moment, j’ai vu le Monsieur visible sur la photo qui est sorti du groupe de manifestants ; s’est dirigé vers le policier à terre et a fait un mouvement de coup de pied en sa direction. Je n’ai pas pu voir si le manifestant a effectivement touché le policier, mais cette intention était présente. ».
Quant à Monsieur …, il a déclaré lors de son audition en date du même jour qu’il n’était pas « témoin direct d’un tel fait », mais qu’« [a]près la fin de la mission, [il a] appris que le policier qui aurait été la victime de ces coups de pied avait été le policier de l’unité spéciale […] ». Ce dernier [lui] a expliqué à la caserne que lors d’une intervention d’exfiltration, cette personne lui aurait donné un coup de pied dans le dos. ».
Le tribunal note d’ailleurs que les deux policiers en question ont, en substance, réitéré leurs déclarations ainsi actées lors de leurs auditions devant le commissaire du gouvernement adjoint dans le cadre de l’enquête menée par l’IGP à leur encontre, tel que cela ressort du rapport de l’IGP du 12 octobre 2023 versé en cause.
Il ressort encore des déclarations du photographe, Monsieur …, faites lors de son audition devant le commissaire du gouvernement adjoint, suivant lesquelles : « A l’issue d’un premier moment de flottement, un sas avait été mis en place par la Police à hauteur du coiffeur … et chacun était libre de sortir de la manifestation confinée en se soumettant à un simple contrôle d’identité », Monsieur … ayant encore ajouté dans ce contexte que « comme un nombre non négligeable de manifestants a refusé de quitter la manifestation, l’action policière 17a duré de 14.30 à 19.30 heures. ». Ceci a d’ailleurs été confirmé par Monsieur … lors de son audition devant ledit commissaire : « Peu après le début du confinement, un Sas avait effectivement [été] mis en place du côté gauche de l’Avenue de la Liberté à hauteur de la rue Glesener et chacun pouvait alors quitter la manifestation en se soumettant à un contrôle d’identité. Il y avait certes une file assez importante à hauteur de ce Sas, mais chaque personne qui n’avait pas encore quitté la manifestation au bout de trois heures de confinement et se trouvait toujours en première ligne des manifestants face à la police ne s’y trouvait pas par hasard. ».
Or, indépendamment de la question de savoir si Monsieur (A) a effectivement donné un coup de pied à un agent de police lors de la manifestation non autorisée du 15 janvier 2022, force est de constater qu’il ressort de l’ensemble des déclarations précitées que, contrairement à ce qu’il fait plaider, le demandeur ne s’est nullement contenté d’un rôle purement passif lors de ladite manifestation, en ce qu’il se serait uniquement approché du cordon de policiers pour « se renseigner des suites de la privation de ses libertés », mais qu’il a activement cherché la confrontation avec les agents de police et qu’il a fait preuve d’un comportement agressif envers ceux-ci, au lieu de quitter les lieux ou de se tenir à l’écart pour éviter toute confrontation.
Ce constat n’est pas énervé par l’argumentation du demandeur relative à une vidéo qui confirmerait qu’il n’y aurait eu aucune provocation ou agression de sa part et qui le montrerait, au contraire, en train de se protéger contre les agissements des policiers, alors qu’au-delà du fait que cette vidéo n’a pas été soumise à l’appréciation du tribunal, il ne saurait en tout état de cause être exclu que le comportement reproché à Monsieur (A) n’ait pas été filmé et ne soit dès lors pas visible dans la vidéo en question. Ce constat n’est pas non plus énervé par les différentes attestations testimoniales versées en cause par le demandeur, étant donné que leurs auteurs n’ont pas été témoins directs des faits litigieux, ni même des témoins indirects, et qu’elles sont rédigées en des termes tout à fait généraux, sans précision quant au comportement adopté le 15 janvier 2022 par Monsieur (A) face aux forces de l’ordre.
Dans ce contexte, il échet encore de souligner qu’il est indifférent que la réelle identité de l’agent de l’USP concerné demeure inconnue, alors que cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause le constat fait ci-avant que Monsieur (A) a activement cherché la confrontation avec les agents de police et qu’il a fait preuve d’un comportement agressif envers ceux-ci.
La même conclusion s’impose quant à l’argumentation du demandeur relative à une intervention « draconienne » des forces de l’ordre à l’occasion de la manifestation en question, lesquelles auraient mis en place une mesure de confinement, de sorte que les manifestants auraient été retenus pendant plusieurs heures dans le froid en pleine rue, sans possibilité de quitter les lieux. En effet, non seulement ces affirmations ne sont pas de nature à invalider le constat objectif fait ci-avant quant au comportement adopté par Monsieur (A) lors de ladite manifestation, mais elles se trouvent encore, tel que relevé ci-avant, contredites par les éléments du dossier, et notamment par les déclarations du photographe, Monsieur …, précitées.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que le reproche retenu dans le chef de Monsieur (A) « d’avoir pris part à une manifestation non autorisée contre les mesures sanitaires mises en place par le Gouvernement pour lutter contre la propagation de la Covid 19 qui s'est déroulée le 15 janvier 2022 et qu'une photo parue sur le site d'un quotidien montre qu'il est en confrontation directe avec les forces de l'ordre » est matériellement établi.
18Le Conseil de discipline a encore, à juste titre, pu considérer que le demandeur a violé l’article 10, paragraphe (1), alinéa 1er du statut général, précité, en ce que Monsieur (A), en manifestant publiquement, en toute violation des règles mises en place à l’époque des faits pour encadrer les manifestations contre les mesures sanitaires, en confrontant directement les forces de l’ordre à cette occasion et en se montrant agressif à leur égard, - une photo du concerné, prise au moment des faits litigieux, ayant de plus été publiée dans un quotidien -, a non seulement transgressé son devoir de loyauté, de réserve et de discrétion en sa qualité d’agent de l’Etat, mais il a encore porté atteinte à la dignité de ses fonctions et s’est, par ailleurs, comporté de manière à donner lieu à scandale.
A cet égard, le demandeur ne saurait justifier son comportement en faisant état de sa liberté d’expression, telle que consacrée notamment par l’article 10 de la CEDH, aux termes duquel « 1. Toute personne a droit à la liberté d’expression. Ce droit comprend la liberté d’opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu’il puisse y avoir ingérence d’autorités publiques et sans considération de frontière. […] 2. L’exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l’intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d’autrui, pour empêcher la divulgation d’informations confidentielles ou pour garantir l’autorité et l’impartialité du pouvoir judiciaire. ».
A cet égard, il est rappelé que les restrictions à cette liberté d’expression peuvent consister en des sanctions postérieures à un exercice excessif de ce droit, de sorte que la sanction disciplinaire, qui comme en l’espèce, se base notamment sur un excès dans l’exercice du droit à la liberté d’expression, est susceptible d’être analysée par le tribunal au regard des critères dégagés par la CourEDH5.
Dans son arrêt du 8 décembre 2009 dans une affaire Aguilera Jiménez et autres contre Espagne, la CourEDH rappelle que la liberté d’expression constitue l’un des fondements essentiels d’une société démocratique et que les exceptions sont à interpréter de manière stricte par le juge national dans le cadre de sa marge d’appréciation des circonstances de l’espèce lui soumise6.
D’après les critères dégagés par la jurisprudence de la CourEDH, les restrictions à la liberté d’expression doivent être prévues par la loi, dans un but légitime et être nécessaires dans une société démocratique.
Le droit disciplinaire des fonctionnaires a pour objet de sanctionner les violations des obligations leur incombant du chef des règles qui leur sont applicables, à savoir en l’occurrence les obligations prévues au chapitre 5 du statut général intitulé « Devoirs du fonctionnaire », et notamment à l’article 10, paragraphe (1), alinéa 1er, précité, du statut général.
Il s’ensuit que les restrictions à la liberté d’expression sont à considérer comme étant prévues par la loi.
5 CourEDH, Ezelin c. France, 26 avril 1991, § 51 et s.
6 CourEDH, Aguilera Jiménez et autres c. Espagne, 8 décembre 2009, § 24.
19Ces restrictions sont également prévues dans un but légitime, à savoir notamment la sauvegarde de l’image d’autrui, en l’occurrence la renommée de la fonction publique, et plus particulièrement du service public concerné.
En ce qui concerne la nécessité de la restriction à la liberté d’expression, cette dernière se résout par une analyse de la proportionnalité de la mesure de restriction prise par rapport au but légitime poursuivi7.
Il a d’ailleurs été jugé que le devoir de loyauté, de réserve et de discrétion envers son employeur auquel est tenu un agent de la fonction publique, revêt une importance toute particulière au vu de la mission des fonctionnaires et employés publics dans une société démocratique, dès lors que la nature même de la fonction publique exige de ses membres une obligation de loyauté et de réserve et est partant de nature à constituer une restriction légalement autorisée à la liberté d’expression8, comme l’a relevé la CourEDH dans un arrêt du 12 février 20089.
Or, si la période d’incertitudes marquée par la pandémie liée au virus du COVID-19 peut éventuellement expliquer la prise de parole d’un agent de la fonction publique inquiet, il n’en demeure pas moins que le demandeur, en participant à une manifestation non autorisée malgré la possibilité de participer à une manifestation autorisée pour exprimer ses opinions, tout en étant, à cette occasion, en confrontation directe avec les forces de l’ordre et en s’étant montré agressif à leur égard, tel que relevé ci-avant, a en l’espèce outrepassé les limites à sa liberté d’expression protégée par l’article 10 de la CEDH.
Le demandeur ne saurait pas non plus justifier le comportement adopté par lui en faisant état de sa liberté de réunion pacifique, telle que prévue par l’article 11 de la CEDH, aux termes duquel « 1. Toute personne a droit à la liberté de réunion pacifique et à la liberté d’association, y compris le droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.
2. L’exercice de ces droits ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à la sûreté publique, à la défense de l’ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. Le présent article n’interdit pas que des restrictions légitimes soient imposées à l’exercice de ces droits par les membres des forces armées, de la police ou de l’administration de l’État. ».
Conformément au paragraphe (2) de l’article 11 de la CEDH, des restrictions peuvent être apportées à la liberté de réunion pacifique, à condition qu’elles soient prévues par la loi, qu’elles poursuivent un but légitime et qu’elles soient nécessaires dans une société démocratique, cette dernière condition étant vérifiée par une analyse de la proportionnalité de la mesure de restriction prise par rapport au but légitime poursuivi.
Or, en l’espèce, force est de constater que non seulement Monsieur (A) n’a, tel que retenu ci-avant, pas manifesté pacifiquement, alors qu’il a, au contraire, confronté, voire agressé des agents de police lors de la manifestation du 15 janvier 2022, étant relevé à cet égard 7 CourEDH, Ezelin c. France, 26 avril 1991, requête n° 11800/85, § 51 - 53.
8 Trib. adm. 25 novembre 2015, n° 32915 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 460 et les autres références y citées.
9 CourEDH, Guja c. Moldava, 12 février 2008, requête n° 14277/04.
20que l’article 11 de la CEDH ne protège que le droit à la liberté de « réunion pacifique », mais qu’il a encore, tel que constaté ci-avant, participé à une manifestation qui s’est déroulée en dehors du zoning spécifiquement mis en place à l’époque pour les manifestations contre les mesures sanitaires, zoning dans lequel il aurait librement pu exercer ses droits prévus à l’article 11 de la CEDH.
Dans ces circonstances, le tribunal conclut que le demandeur a outrepassé les limites à sa liberté de réunion pacifique protégée par l’article 11 de la CEDH.
Le tribunal doit, sur base des considérations qui précèdent, retenir que la qualification disciplinaire effectuée par le Conseil de discipline dans sa décision litigieuse du 9 novembre 2022 est clairement établie en cause, de sorte à avoir pu valablement reprocher à Monsieur (A) d’avoir manqué à ses obligations statutaires, plus particulièrement d’avoir manqué à l’article 10, paragraphe (1), alinéa 1er du statut général, sans que ce dernier ne puisse se prévaloir utilement de sa liberté d’expression au sens de l’article 10 de la CEDH, ni de sa liberté de réunion pacifique au sens de l’article 11 de la CEDH.
En ce qui concerne la mise en cause, par Monsieur (A), de la gravité des faits lui reprochés, et partant de la proportionnalité de la sanction disciplinaire retenue à son encontre par la décision du Conseil de discipline du 9 novembre 2022, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 53 du statut général « L’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. […] », impliquant, d’après la jurisprudence en la matière, que les critères d’appréciation de l’adéquation de la sanction prévus légalement sont énoncés de manière non limitative, de sorte que le tribunal est susceptible de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis qui permettent de juger de la proportionnalité de la sanction à prononcer, à savoir, entre autres, l’attitude générale du fonctionnaire10.
Il a également été jugé que, dans le cadre du recours en réformation exercé contre une sanction disciplinaire, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le fonctionnaire en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du fonctionnaire11.
Quant à la gravité du comportement de Monsieur (A) et à la sanction adéquate à prononcer à son encontre, force est de relever que le fait pour un agent public de participer à une manifestation non autorisée et d’y avoir activement cherché la confrontation avec les agents de police, en adoptant un comportement agressif envers ceux-ci, constitue non seulement un grave manquement aux devoirs de loyauté et de réserve et à l’obligation d’éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ses fonctions ou donner lieu à scandale, étant rappelé à cet égard qu’une photo montrant le concerné en confrontation directe avec les forces de l’ordre a été publiée dans un journal, mais sont encore de nature à ébranler irrémédiablement et définitivement la relation de confiance qui doit nécessairement se trouver à la base de toute relation de travail.
10 Trib. adm. 12 juillet 2019, nos 40837 et 41256 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction Publique, n° 354 et les autres références y citées.
11 Trib. adm. 1er juillet 1999, n° 10936 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction Publique, n° 395 (1er volet) et les autres références y citées.
21Par conséquent, tout en tenant compte de l’absence d’antécédents disciplinaires dans le chef de Monsieur (A) et de son ancienneté de service depuis le 1er juillet 2003, sa nomination définitive datant du 1er juillet 2005, le tribunal retient en l’espèce que les manquements disciplinaires reprochés à Monsieur (A) sont d’une gravité telle que la sanction de la mise à la retraite d’office constitue la mesure disciplinaire appropriée à prononcer à son encontre, ce d’autant plus que le tribunal n’entrevoit aucun repentir dans le chef du demandeur, voire un quelconque signe d’introspection, le concerné continuant tout simplement à nier, sinon à relativiser les faits lui reprochés en s’en prenant mesures prises par les autorités étatiques dans le cadre de la lutte contre la pandémie liée au virus du COVID-19, ainsi qu’à l’intervention des forces de l’ordre lors de la manifestation non autorisée du 15 janvier 2022.
Le moyen tiré du caractère disproportionné de la sanction disciplinaire litigieuse est dès lors également à rejeter.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres moyens que le recours en réformation est à rejeter pour manquer de fondement.
Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de Monsieur (A) de se voir octroyer une indemnité de procédure de 10.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation dirigé contre la décision du Conseil de discipline du 9 novembre 2022 ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
donne acte au demandeur de ce qu’il renonce à sa demande subsidiaire de sursis à statuer ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 10.000 euros, telle que formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 4 juin 2025 par :
Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
22 s.Judith Tagliaferri s.Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 4 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 23