Tribunal administratif N° 51136 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:51136 3e chambre Inscrit le 6 septembre 2024 Audience publique du 3 juin 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de reconnaissance de diplômes
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 51136 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2024 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-…, tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation d’une décision du ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 15 juillet 2024 refusant, sur recours gracieux, la reconnaissance d’équivalence de son diplôme de fin d’études secondaires, lui délivré le 21 décembre 2023 par la République fédérative du Brésil, au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois ;
Vu l’ordonnance du vice-président au tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, du 11 septembre 2024, inscrite sous le numéro 51137R du rôle, ayant rejeté comme non fondée la demande en institution d’une mesure provisoire présentée par Madame (A), préqualifiée, le 6 septembre 2024 ;
Vu la requête en abréviation des délais de Maître Marcel MARIGO, déposée au greffe du tribunal administratif le 3 octobre 2024 et l’accord y relatif du délégué du gouvernement ;
Vu l’ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif, président de la troisième chambre du tribunal administratif, du 10 octobre 2024 ordonnant l’abréviation des délais d’instruction ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 21 octobre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO et Madame le délégué du gouvernement Aurore GIGOT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 février 2025.
En date du 5 mars 2024, Madame (A) introduisit auprès du ministère de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministère », une demande tendant à la reconnaissance d’équivalence de son diplôme de fin d’études secondaires, lui délivré le 21 décembre 2023 par la République fédérative du Brésil, au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois.
Le 27 mars 2024, la commission d’experts prévue par l’article 2 du règlement grand-ducal modifié du 27 octobre 2006 pris en exécution de l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, ci-après désignés respectivement par « le règlement grand-ducal du 27 octobre 2006 », et « la Commission », avisa négativement cette demande.
Par arrêté du même jour, transmis à l’intéressée par courrier portant la même date, le ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministre », refusa de faire droit à la demande en question, ledit arrêté étant libellé comme suit :
« […] Vu l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, Vu le règlement grand-ducal modifié du 27 octobre 2006 pris en exécution de l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur, Vu la demande présentée par Madame (A), née le … à … (Brésil), en vue de la reconnaissance d’équivalence de son diplôme de fin d’études de l’enseignement secondaire, émis le 21 décembre 2023 par la République fédérative du Brésil (Brésil) par rapport au diplôme de fin d’études secondaires classiques luxembourgeois, Vu l’avis de la commission d’experts prévue à l’article 2 du règlement grand-ducal modifié du 27 octobre 2006 précité daté au 27 mars 2024, Considérant que le diplôme présenté ne répond pas aux exigences de l’article 4.2 du règlement grand-ducal modifié du 27 octobre 2006 précité, Il est certifié que :
Art. 1er. Le diplôme/certificat présenté n’est pas reconnu équivalent au diplôme de fin d’études secondaires classiques luxembourgeois, alors que la requérante ne peut pas présenter un diplôme répondant aux critères de l’Art. 4.2 du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006 précité.
Art. 2. La présente est transmise à l’intéressée pour information. […] ».
Par courrier du 5 mai 2024, réceptionné le 27 mai 2024, Madame (A) introduisit un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle, précitée, du 27 mars 2024, lequel fut rejeté par décision ministérielle du 15 juillet 2024, dans les termes suivants :
« […] Je fais suite à votre recours gracieux, reçu par courrier en date du 27 mai 2024, introduit concernant la décision de refus, datée du 22 mars 2024, de reconnaissance d’équivalence de votre diplôme de fin d’études de l’enseignement secondaire, émis le 21 décembre 2023 par la République fédérative du Brésil, par rapport au diplôme de fin d’études secondaires luxembourgeois.
Je suis au regret de vous informer que je ne peux que confirmer la décision du 22 mars 2024 et donc ne pas réserver une suite favorable à votre recours gracieux.
En effet, les éléments que vous mentionnez dans votre courrier du 27 mai 2024 ne fournissent aucun élément nouveau par rapport à votre première demande.
Selon l’article 4 du règlement grand-ducal modifié du 27 octobre 2006 pris en exécution de l’article 4 de la loi modifiée du 18 juin 1969 sur l’enseignement supérieur et l’homologation des titres et grades étrangers d’enseignement supérieur l’équivalence au diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires classiques ou de fin d’études secondaires générales ou de technicien n’est possible que dans l’un des trois cas suivants :
1.
« si le postulant est détenteur d’un diplôme délivré par un institut d’enseignement supérieur reconnu et situé dans un Etat membre de l’Union Européenne sanctionnant un cycle d’études supérieures d’une durée d’au moins 3 années », ou 2.
« si le postulant peut se prévaloir d’une inscription à des études supérieures dans un Etat membre de l’Union Européenne et si le diplôme répond aux critères suivants :
1) les épreuves d’examen du diplôme doivent porter sur 2 langues dont le français ou l’allemand, ainsi que sur des branches appartenant à 3 au moins des domaines suivants :
a) sciences humaines et sociales b) sciences naturelles c) mathématiques d) technologie e) beaux-arts et musique ;
2) le diplôme doit se situer au terme d’une scolarité s’étendant sur au moins 12 années d’études primaires et secondaires progressives. » ou ;
3. « si le postulant est détenteur d’un diplôme délivré par un institut d’enseignement supérieur reconnu par un Etat tiers, sanctionnant un cycle d’études supérieures d’une durée d’au moins 3 années et s’il peut se prévaloir d’un certificat de langues d’un niveau B2 dans le cadre européen commun de référence pour les langues, pour la langue luxembourgeoise ou française ou allemande. » Or, sauf erreur de ma part, aucun des 3 cas de figure ne s’applique à votre diplôme. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 septembre 2024, Madame (A) a fait introduire un recours tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation de la décision précitée du ministre du 15 juillet 2024. Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 51137 du rôle, elle a encore fait introduire un recours tendant à voir prononcer un sursis à exécution et une mesure de sauvegarde à l’encontre de la susdite décision du 15 juillet 2024, recours qui fut déclaré non fondé par ordonnance du vice-président au tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, du 11 septembre 2024.
Quand bien même une partie a formulé un recours en annulation à titre principal et un recours en réformation à titre subsidiaire, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, alors qu’en vertu de l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours en annulation n’est possible qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements.
Aucune disposition légale ne prévoyant un recours au fond en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation.
Le tribunal est, par contre, compétent pour connaître du recours principal en annulation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, la demanderesse retrace les faits et rétroactes exposés ci-avant, tout en mettant en exergue qu’à l’appui de son recours gracieux, elle aurait fait parvenir au ministre la preuve de son admission à l’Université de Luxembourg, et plus particulièrement à la Faculté de Droit, Economie et Finances.
En droit, et après avoir fait remarquer que dans la décision précitée du 15 juillet 2024, le ministre aurait fait état d’une première décision de refus datant du 22 mars 2024, alors que celle-ci daterait du 27 mars 2024, la demanderesse lui reproche en premier lieu une erreur d’appréciation des éléments de preuve fournis à l’appui de son recours gracieux.
A cet égard elle fait valoir que dans la décision confirmative litigieuse, le ministre se serait contenté d’indiquer qu’il n’existerait pas d’élément nouveau par rapport à la demande initiale de reconnaissance qu’elle aurait introduite et ceci en dépit du fait qu’elle aurait appuyé son recours gracieux par un courrier de l’Université du Luxembourg du 8 mai 2024 qui serait de nature à rapporter la preuve de son admission à ladite université, ainsi que par un « diplôme d’études en langue française DELF B2 », qui lui aurait été délivré le 25 mars 2024 par l’autorité française compétente, pièces qui démontreraient à suffisance qu’elle remplirait les conditions prévues par les points 2. et 3. de l’article 4 du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006.
Dans ce même contexte, la demanderesse reproche encore au ministre d’avoir violé les principes de bonne administration et de minutie, en ce qu’il aurait rejeté son recours gracieux « […] sans aucun examen préalable des nouvelles pièces […] » produites par elle, la demanderesse soulignant que l’absence de minutie dans le cadre de l’appréciation de ces pièces serait encore démontrée par la référence faite par le ministre à une décision du 22 mars 2024, alors que la décision de refus initiale daterait du 27 mars 2024, ainsi que par la « marge d’erreur » que le ministre se serait réservée par l’indication « sauf erreur de ma part ».
Madame (A) conclut ensuite à une violation de l’article 2 du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006, au motif que la décision ministérielle du 15 juillet 2024 aurait été prise sans l’avis obligatoire de la Commission, qui serait prévu par cette dernière disposition réglementaire.
Finalement, elle conclut à une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », en arguant que la décision litigieuse ne serait pas motivée à suffisance dans la mesure où le ministre se serait limité à rejeter son recours gracieux « […] pour absence de nouveau élément apporté à son dossier […] ».
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet du recours sous analyse pour ne pas être fondé, tout en précisant que la référence faite dans la décision confirmative litigieuse à une décision datée du 22 mars 2024, serait une simple erreur matérielle.
Appréciation du tribunal A titre liminaire, il convient de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par les parties, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, l’examen de la légalité externe précédant celui de la légalité interne.
En ce qui concerne la légalité externe de la décision litigieuse et plus particulièrement le défaut de motivation soulevé par la demanderesse, il échet de rappeler qu’aux termes de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 :
« Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.
La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :
- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ;
- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;
- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ;
- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale. […] ».
Il ressort de cette disposition réglementaire que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et que certaines catégories de décisions, énumérées à l’alinéa 2 de ladite disposition, parmi lesquelles figurent celles qui refusent de faire droit à la demande de l’intéressé et celles qui interviennent sur recours gracieux, tel que c’est le cas en l’espèce, doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.
Il convient ensuite de rappeler, en ce qui concerne les conclusions de Madame (A) tendant à l’annulation pure et simple de la décision déférée du fait du défaut de motivation allégué, que la sanction de l’obligation de motiver une décision administrative consiste dans la suspension des délais de recours et que celle-ci reste a priori valable, l’administration pouvant produire ou compléter les motifs postérieurement et même pour la première fois au cours de la phase contentieuse1.
Il convient également de souligner que l’article 6 précité n’impose pas une motivation exhaustive et précise, étant donné que seule une motivation « sommaire » est expressément exigée.
En l’espèce, il se dégage du libellé de ladite décision, telle que citée in extenso ci-
avant, que cette dernière suffit aux exigences de l’article 6 précité du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 en ce qu’elle est motivée tant en droit qu’en fait.
Force est en effet de constater que le ministre a d’abord précisé qu’il confirme sa décision de refus initiale alors que la demanderesse n’aurait versé aucun élément nouveau qui permettrait d’infirmer ses premières conclusions. Dans la même décision, le ministre a encore rappelé la base légale sur laquelle il fond ses conclusions, à savoir l’article 4 du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006, tout en mettant en exergue qu’aucun des trois cas de figure énumérés à cette même disposition réglementaire ne s’appliquerait au diplôme de la concernée.
Cette motivation, qui a été complétée en cours d’instance contentieuse par le délégué du gouvernement, qui a pris position de manière détaillée quant aux différents moyens soulevés par la demanderesse, est suffisante pour permettre à cette dernière d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause et au tribunal d’exercer son contrôle de légalité, étant relevé que la question de savoir si la motivation ainsi fournie est de nature à justifier la décision de refus déférée relève du fond du litige et sera abordée ci-après.
Le moyen relatif à une violation de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Toujours en ce qui concerne la légalité externe de la décision litigieuse, et s’agissant du moyen tiré de la violation des principes de bonne administration et de minutie, il échet d’abord de noter, à l’instar du juge du provisoire, que l’expression « principe de bonne administration » est généralement utilisée au pluriel, parce que le « principe de bonne administration » est souvent perçu comme expression qui regroupe plusieurs principes mieux connus ou plus précis. Ainsi, les principes rattachés aux principes généraux de bonne administration peuvent constituer, d’une part, des principes régissant le contenu des décisions de l’administration et, d’autre part, des principes régissant les modalités de l’action de l’administration dans les procédures. A cet égard, peuvent notamment être cités le principe 1 Cour adm., 20 octobre 2009, n° 25738C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 96 (1er volet) et les autres références y citées.
des droits de la défense, le principe de l’impartialité, le principe de l’indépendance, le principe du « fair play », le principe de la bonne foi, etc..2 Peuvent encore être cités l’obligation pour l’administration de statuer dans un délai raisonnable, le devoir de diligence ou d’administration raisonnable, le principe de précaution en matière environnementale, ainsi que le principe de la sécurité juridique et le respect dû à la confiance légitime de l’administré qui s’opposent à ce que l’administration opère brusquement des revirements de comportement revenant sur les promesses faites aux administrés.3 Le tribunal constate donc que le principe général de bonne administration en soi n’a pas de contenu précis et ne peut sans indication plus circonstanciée pas fonder l’annulation d’un acte administratif.4 En l’espèce, la demanderesse invoque une violation du principe de bonne administration de concert avec une violation du principe de minutie, de sorte qu’à travers l’invocation du principe plus général de la bonne administration, la concernée semble avoir concrètement voulu invoquer une violation du principe de minutie.
A cet égard, il échet de préciser que le principe de minutie contraint l’autorité à procéder avec soin pour se préparer à prendre une décision et à veiller à ce que les aspects de fait et de droit du dossier soient dûment inventoriés et contrôlés afin que l’autorité puisse prendre une décision en connaissance de cause5. Ce principe impose en effet à l’administration de s’informer complètement et de procéder à un traitement minutieux des éléments qui conduisent à l’adoption d’une décision. En vertu de ce principe, les autorités doivent notamment procéder à une recherche et à un examen attentif des faits, récolter les renseignements nécessaires à la prise de décision et prendre en considération tous les éléments du dossier, afin de décider en pleine connaissance de cause et après avoir raisonnablement apprécié tous les éléments utiles à la résolution du cas d’espèce6.
Toujours à l’instar du juge du provisoire, il échet, par ailleurs, de préciser que ce principe ne constitue pas une règle de droit et qu’une décision en tout point légale ne peut être annulée au motif que son élaboration aurait été bâclée. Le manque de soin dans la préparation d’une décision est seulement de nature à engendrer des illégalités, qui, elles pourraient justifier l’annulation d’une décision7.
Force est de constater qu’en l’espèce, à l’appui de ses conclusions, la demanderesse argue, d’un côté, qu’avant de prendre la décision confirmative litigieuse, le ministre aurait omis d’examiner les nouvelles pièces produites par ses soins et, de l’autre côté qu’il aurait fait référence à une décision initiale datant du 22 mars 2024, alors que la décision initiale de refus émise à son encontre daterait du 27 mars 2024.
Quant au prétendu manque du ministre d’avoir pris en compte les nouvelles pièces versées par Madame (A), il échet de constater qu’il ressort du libellé même de la décision 2 Voir, par exemple : trib. adm., 12 juillet 2024, n° 47303 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
3 Ibid.
4 Ibid.
5 Verougstraete, I. et Bossuyt, A., « Le principe (général) (de droit) de bonne administration », J.T., 2020/28, p.
567-573.
6 Brouhns, I.-S. et Vansnick, L., « 2. - Les principes généraux en droit de l’urbanisme et de l’environnement » in Ben Messaoud, S. et Viseur, F. (dir.), Les principes généraux de droit administratif, 1ère édition, Bruxelles, Larcier, 2017, p. 731-789.
7 Conseil d’Etat belge, 4 janvier 2018, n° 240.347 du rôle.
sous analyse que le ministre a bien examiné ces pièces, ce dernier ayant en effet expressément mentionné que les précisions de la demanderesse fournies dans le cadre de son recours gracieux, à savoir le fait qu’elle aurait pu s’inscrire « à l’Université du Luxembourg pour le programme Bachelor de Sciences Economiques (cours dispensés en français et en anglais), Semestre 1, pour le semestre s’hiver 2024-2025, sous réserve de la validation de [s]on diplôme secondaire », et le fait qu’elle se serait vue délivrer un « certificat B2 DELF », ne « fournissent aucun élément nouveau par rapport à [sa] première demande ».
Quant à la référence faite par le ministre à une décision initiale de refus datée au 22 mars 2024, force est de constater, à l’instar du délégué du gouvernement, que celle-ci est manifestement constitutive d’une simple erreur matérielle alors qu’il ressort sans équivoque du libellé de la décision sous analyse, ainsi que de l’ensemble des circonstances de la cause que cette même décision a pour objet de confirmer la décision initiale de refus du 27 mars 2024, étant encore précisé à cet égard que la demanderesse ne saurait, au vu de ses développements fournis au cours de la phase contentieuse, valablement affirmer qu’elle aurait pu se méprendre sur le fait que la décision sous analyse confirme bien la décision du 27 mars 2024.
Finalement et quant à la prétendue « marge d’erreur » que le ministre se serait réservée en indiquant « […] sauf erreur de ma part […] », il échet de retenir que si cette formulation est certes malencontreuse, elle n’est toutefois pas de nature à établir à elle seule et au vu des conclusions ci-avant, que le ministre n’aurait pas traité la demande de Madame (A) avec minutie.
Il s’ensuit que les développements de la demanderesse relatifs à une violation des principes de bonne administration et de minutie sont également à rejeter pour ne pas être fondés.
Toujours au niveau de la légalité externe de la décision litigieuse, la demanderesse invoque encore une violation de l’article 2 du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006, la concernée étant en effet d’avis qu’avant de prendre la décision sous analyse, le ministre aurait dû solliciter l’avis de la commission d’experts y prévue.
Force est toutefois de constater que si ladite disposition réglementaire, aux termes de laquelle « La reconnaissance d’équivalence est prononcée de cas en cas par un arrêté du Ministre ayant l’Éducation nationale dans ses attributions, pris sur avis obligatoire d’une commission d’experts composée de cinq membres, nommés par le Ministre pour un terme renouvelable de quatre ans. », prévoit certes une obligation pour le ministre de solliciter l’avis d’une commission d’experts avant de se prononcer sur une demande de reconnaissance de diplôme, il ne ressort toutefois pas de cette même disposition réglementaire, que confronté à un recours gracieux en la matière, le ministre devrait solliciter un nouvel avis de cette même commission, conclusion qui s’impose d’autant plus lorsque la décision intervenue sur recours gracieux est purement confirmative de la décision initiale, avec laquelle elle forme un tout, tel que c’est le cas en l’espèce.
Il s’ensuit que si le ministre avait effectivement l’obligation de solliciter l’avis de la commission d’experts avant de prendre la décision de refus du 27 mars 2024, obligation qu’il a d’ailleurs bien respectée puisque ladite commission a rendu ce même avis en date du 27 mars 2024, en proposant, à l’unanimité, au ministre de refuser la reconnaissance d’équivalence du diplôme de Madame (A) au motif que celui-ci « ne répond pas aux exigences de l’article 4.2 du règlement grand-ducal modifié du 27 octobre 2006 précité », il n’avait toutefois pas l’obligation, au vu du libellé de l’article 2 précité du règlement grand-
ducal du 27 octobre 2006, de solliciter un avis complémentaire avant de prendre la décision purement confirmative sous analyse.
Au vu des conclusions qui précèdent et compte tenu du fait que la demanderesse reste en défaut de mentionner une quelconque autre disposition légale ou réglementaire qui exigerait un avis obligatoire complémentaire de la commission d’experts en cas de recours gracieux, le moyen relatif à une prétendue violation de l’article 2 du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006 est également à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne la légalité interne de la décision litigieuse, il échet d’abord de rappeler que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité8.
Il convient encore de souligner que dans la mesure où le contentieux administratif est un contentieux objectif, il s’agit d’un procès fait à l’acte taxé d’illégalité en vue de le faire disparaître de l’ordre juridique : le tribunal administratif n’est dès lors pas saisi d’une situation, mais concrètement d’une décision, étant encore relevé qu’un acte administratif individuel, et plus particulièrement celui qui est de nature à faire grief soit à son destinataire soit à de tierces personnes, bénéficie de la présomption de légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de laquelle il a été pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des inconvénients non justifiés du fait de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le voir réformer ou annuler en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable, d’établir concrètement en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une loi ou un règlement grand-ducal d’application9, sans qu’il n’appartienne au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse à cet égard10.
8 Cour adm., 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 60 et les autres références y citées.
9 Trib. adm., 16 juillet 2003, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n°169 (1er volet) et les autres références y citées.
10 Trib. adm., 26 mars 2003, n°15115 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n°533 et les autres références y citées.
Force est de constater qu’en l’espèce, la demanderesse estime que le ministre aurait commis une erreur d’appréciation dans la mesure où elle remplirait, au vu des pièces de son dossier et notamment au vu de son « inscription à l’Université du Luxembourg », et de son « diplôme d’études en langue française DELF B2 », les conditions visées à l’article 4 du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006.
A cet égard, il convient d’abord de rappeler que ladite disposition réglementaire prévoit que : « L’équivalence au diplôme luxembourgeois de fin d’études secondaires ou de fin d’études secondaires techniques ou de technicien ne sera reconnue aux diplômes visés à l’article 1er que dans les cas suivants :
1. si le postulant est détenteur d’un diplôme délivré par un institut d’enseignement supérieur reconnu et situé dans un Etat membre de l’Union Européenne sanctionnant un cycle d’études supérieures d’une durée d’au moins 3 années, 2. si le postulant peut se prévaloir d’une inscription à des études supérieures dans un Etat membre de l’Union Européenne et si le diplôme répond aux critères suivants :
– les épreuves d’examen du diplôme doivent porter sur 2 langues dont le français ou l’allemand, ainsi que sur des branches appartenant à 3 au moins des domaines suivants :
– sciences humaines et sociales – sciences naturelles – mathématiques – technologie – beaux-arts et musique ;
– le diplôme doit se situer au terme d’une scolarité s’étendant sur au moins 12 années d’études primaires et secondaires progressives.
3. si le postulant est détenteur d’un diplôme délivré par un institut d’enseignement supérieur reconnu par un État tiers, sanctionnant un cycle d’études supérieures d’une durée d’au moins 3 années et s’il peut se prévaloir d’un certificat de langues d’un niveau B2 dans le cadre européen commun de référence pour les langues, pour la langue luxembourgeoise ou française ou allemande ou bien d’une preuve qu’il a accompli au cours de sa scolarité 3 années d’études d’une des trois langues précitées ou bien d’une pièce attestant que l’une des trois langues précitées a été passée à l’examen de fin d’études. ».
Il ressort de ladite disposition réglementaire que la reconnaissance d’un diplôme de fin d’études secondaires n’est possible que (i) si le postulant est détenteur d’un diplôme délivré par un institut d’enseignement supérieur reconnu et situé dans un Etat membre, sanctionnant un cycle d’études supérieures d’au moins trois ans, ou (ii) si le détenteur du diplôme à reconnaître a pu s’inscrire à des études supérieures dans un Etat membre, auquel cas le diplôme en question doit encore respecter diverses conditions cumulatives, ou encore (iii) si le postulant est détenteur d’un diplôme délivré par un institut d’enseignement supérieur reconnu par un État tiers, sanctionnant un cycle d’études supérieures d’une durée d’au moins trois années et dispose d’un certificat de langues d’un niveau B2, pour une des trois langues officielles du Grand-Duché de Luxembourg, sinon d’une preuve qu’il a accompli, au cours de sa scolarité, trois années d’études d’une de ces trois langues, voire d’une pièce attestant que l’une des trois langues précitées a été passée à l’examen de fin d’études.
Force est de constater qu’en l’espèce, le ministre a basé la décision litigieuse sur la considération que le diplôme de la demanderesse ne tombe dans aucun des trois cas prévisés.
A cet égard, il convient d’abord de constater que dans la mesure où le diplôme litigieux a été délivré par la République fédérale du Brésil et qu’il n’est pas contesté en cause que la demanderesse n’est pas détenteur d’un diplôme délivré par un institut d’enseignement supérieur reconnu et situé dans un Etat membre, sanctionnant un cycle d’études supérieures d’une durée d’au moins trois ans, il convient d’ores et déjà d’exclure l’application du point 1.
de l’article 4, précité, du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006.
Quant au point 2. dudit article 4, il échet de souligner, tel que retenu ci-avant, que celui-ci soumet la reconnaissance d’un diplôme de fin d’études secondaires à deux conditions cumulatives, dont la deuxième est subdivisée en deux sous-critères également cumulatifs.
Il résulte en effet du libellé de l’article 4, point 2 précité que pour se voir reconnaître son diplôme, le postulant doit non seulement pouvoir se prévaloir d’une inscription à des études supérieures dans un Etat membre de l’Union Européenne, mais en outre prouver que son diplôme répond aux critères suivants : (i) les épreuves d’examen du diplôme doivent porter sur deux langues dont le français ou l’allemand, ainsi que sur des branches appartenant à trois au moins des domaines suivants : sciences humaines et sociales, sciences naturelles, mathématiques, technologie, beaux-arts et musique et (ii) le diplôme doit se situer au terme d’une scolarité s’étendant sur au moins douze années d’études primaires et secondaires progressives.
A cet égard, il convient de prime abord de constater, à l’instar de la partie étatique, que la demanderesse ne peut se prévaloir d’une inscription définitive à des études supérieurs dans un Etat membre, alors que l’inscription à l’Université du Luxembourg dont celle-ci se prévaut n’est pas définitive. En effet, il résulte sans équivoque du document émis en date du 8 mai 2024 par cette même université, que l’inscription de la demanderesse au programme de « Bachelor en Sciences Economiques » pour le semestre d’hiver 2024-2025 est soumise à la reconnaissance préalable de son diplôme de fin d’études secondaires, reconnaissance qui a été refusée à la concernée.
Il convient ensuite de relever qu’il ne ressort pas des documents soumis au tribunal que les épreuves d’examen du diplôme de la demanderesse ont porté sur deux langues, dont le français ou l’allemand, les pièces versées en cause par la concernée et qui sont en relation avec sa scolarité au Brésil ne mentionnant, en effet, ni la langue française, ni la langue allemande en tant que matières suivies par celle-ci, de sorte qu’elle ne satisfait pas non plus à cette condition.
Cette conclusion n’est pas énervée par les développements de la demanderesse selon lesquels elle dispose d’un certificat de langue d’un niveau B2 pour la langue française, alors que la détention d’un tel certificat n’est pertinente que dans le cadre du point 3. de l’article 4 du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006, le point 2. de la même disposition réglementaire soumettant, quant à lui, la reconnaissance d’un diplôme à la condition expresse que les épreuves d’examen de celui-ci ont porté sur deux langues dont le français ou l’allemand.
Il s’ensuit que la demanderesse ne saurait prétendre rentrer dans le champ d’application de l’article 4, point 2. du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006, de sorte que ses développements y relatifs sont également à rejeter pour ne pas être fondés.
En ce qui concerne finalement le point 3. de article 4 du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006 précité, force est de constater que celui-ci soumet la reconnaissance d’un diplôme de fin d’études secondaires étranger à deux conditions cumulatives à savoir, d’une part, que le postulant dispose d’une diplôme délivré par un institut d’enseignement supérieur reconnu par un Etat tiers, sanctionnant un cycle d’études supérieures d’une durée d’au moins trois ans et, d’autre part, que le détenteur de ce même diplôme puisse se prévaloir d’un certificat de langues d’un niveau B2 dans le cadre européen commun de référence pour les langues, pour la langue luxembourgeoise ou française ou allemande ou bien d’une preuve d’avoir accompli au cours de sa scolarité trois ans d’études d’une de ces trois langues ou bien d’une pièce attestant que l’une des trois langues précitées a été passée à l’examen de fin d’études.
Si la demanderesse semble a priori remplir la deuxième de ces conditions cumulatives dans la mesure où elle paraît disposer d’un certificat de langues d’un niveau B2 pour la langue française, force est toutefois de constater qu’elle ne remplit pas la première de ces deux conditions, alors qu’il n’est pas établi en cause, voire même pas allégué qu’elle aurait suivi avec succès un cycle d’études supérieures d’une durée d’au moins trois ans sanctionné par un diplôme délivré par un institut d’enseignement supérieur reconnu par un Etat tiers, le curriculum vitae de l’intéressée ne faisant, tel que relevé à juste titre par le juge du provisoire, uniquement état d’études primaires et secondaires.
Il s’ensuit que la demanderesse ne saurait pas non plus prétendre rentrer dans le champ d’application de l’article 4, point 3. du règlement grand-ducal du 27 octobre 2006, de sorte que ses développements y relatifs sont également à rejeter pour ne pas être fondés.
Au vu des considérations qui précèdent, et à défaut de tout autre moyen, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
La demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 7.500,-
euros sur base de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, telle que formulée par la demanderesse, est à rejeter au vu de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;
reçoit en la forme le recours principal en annulation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que formulée par la demanderesse ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 juin 2025 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s.Judith Tagliaferri s.Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 13