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03/06/2025 | LUXEMBOURG | N°49376

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 03 juin 2025, 49376


Tribunal administratif N° 49376 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49376 3e chambre Inscrit le 1er septembre 2023 Audience publique du 3 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du commissaire du gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire et du ministre de l’Education Nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de suspension

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49376 du rôle et déposée au gref

fe du tribunal administratif en date du 1er septembre 2023 par Maître Jean-Marie BAULER,...

Tribunal administratif N° 49376 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49376 3e chambre Inscrit le 1er septembre 2023 Audience publique du 3 juin 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre des décisions du commissaire du gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire et du ministre de l’Education Nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse en matière de suspension

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49376 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er septembre 2023 par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), instituteur à l’enseignement fondamental, demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation 1) d’une décision du 7 juillet 2023 du commissaire du gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire portant suspension dans son chef de l’exercice de ses fonctions pendant tout le cours de la procédure disciplinaire ordonnée contre lui jusqu’à la décision définitive, et 2) d’un arrêté du ministre de l’Education Nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse du 13 juillet 2023 ayant entériné la prédite décision du commissaire du gouvernement adjoint de suspension dans son chef l’exercice de ses fonctions pendant tout le cours de la procédure disciplinaire ordonnée contre lui jusqu’à la décision définitive ;

Vu l’ordonnance du juge au tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang du 7 septembre 2023 rejetant la demande en obtention d’un sursis à exécution relative aux prédites décisions ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 6 décembre 2023 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2025 par Maître Fränk ROLLINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), préqualifié ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Madame le délégué du gouvernement Michelle STEINMETZ en sa plaidoirie à l’audience publique du 4 février 2025, Maître Fränk ROLLINGER s’étant excusé.

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Par courrier du 10 octobre 2022, le directeur de l’enseignement fondamental de la région …, ci-après désigné par « le directeur », s’adressa au ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, ci-après désigné par « le ministre », en le priant de saisir le commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, désigné ci-après par « le commissaire du gouvernement » en vue d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur (A), fonctionnaire de l’État, instituteur à l’école fondamentale « … » à …, en faisant état d’un comportement de ce dernier incompatible avec ses fonctions.

Par courrier du 1er décembre 2022, le ministre saisit le commissaire du gouvernement conformément à l’article 56, paragraphe (2) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général », afin de procéder à une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur (A).

En date du 17 janvier 2023, le commissaire du gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire, désigné ci-après par « le commissaire du gouvernement adjoint », clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction dans le cadre duquel il retint qu’il envisage de transmettre le dossier au Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline ».

Par courrier du 27 février 2023, le ministre saisit le commissaire du gouvernement conformément à l’article 56, paragraphe (2) du statut général afin de procéder à une nouvelle instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur (A).

En date du 10 mai 2023, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction dans le cadre duquel il retint de nouveau qu’il envisage de transmettre le dossier au Conseil de discipline conformément à l’article 56, paragraphe (5) du statut général.

Suite à une lettre lui adressée le 8 mai 2023 par le directeur faisant état de nouveaux reproches émis à l’égard de Monsieur (A), le ministre saisit, par courrier du 1er juin 2023, de nouveau le commissaire du gouvernement conformément à l’article 56, paragraphe (2) du statut général afin de procéder à une troisième instruction disciplinaire à l’encontre du concerné.

Par missive du 9 juin 2023, le commissaire du gouvernement adjoint informa Monsieur (A) qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre tout en lui transmettant les pièces de son dossier disciplinaire et en lui faisant part de son intention de le suspendre de l’exercice de ses fonctions, l’invitant à présenter ses observations face au projet de suspension endéans un délai de huit jours et à se présenter pour être entendu en personne au commissariat du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 29 juin 2023.

A la date ainsi prévue, Monsieur (A) fut entendu par le commissaire du gouvernement adjoint, tel que cela ressort du procès-verbal du même jour.

Par décision du 7 juillet 2023, le commissaire du gouvernement adjoint prononça, à l’encontre de Monsieur (A), la suspension de l’exercice de ses fonctions avec effet immédiat et pendant tout le cours de la procédure disciplinaire, jusqu’à la décision définitive, sur base de la motivation suivante :

« […] Vu l’article 48, paragraphe 1er, l’article 51, alinéa 1er et l’article 56, paragraphe 3, alinéa 3, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat ;

Vu la lettre du 1er juin 2023, par laquelle Monsieur le Ministre de l’Education nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse a ordonné l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Monsieur (A), instituteur aux écoles fondamentales « … » et « … » à … ;

Vu la lettre du 9 juin 2023, par laquelle la soussignée a informé Monsieur (A) des faits lui reprochés, de l’ouverture d’une instruction disciplinaire et de son intention de le suspendre de l’exercice de ses fonctions ;

Vu le procès-verbal de l’audition de Monsieur (A) du 29 juin 2023, et plus particulièrement les observations par lui présentées concernant le projet de suspension de l’exercice de ses fonctions ;

Vu le courriel du 29 juin 2023 de l’avocat de Monsieur (A) par lequel il renonce à apporter des moyens supplémentaires par rapport aux observations présentées par son mandant lors de l’audition ;

Attendu qu’en premier lieu, Monsieur (A) s’oppose à la suspension envisagée, alors qu’il la considère comme disproportionnée par rapport aux faits lui reprochés;

qu’il fait également valoir que les faits lui reprochés constituent non des fautes personnelles, mais des fautes trouvant leur origine dans des déficits au niveau de l’organisation et de la communication par l’école des tâches à assurer ;

Attendu que la suspension d’un fonctionnaire de l’exercice de ses fonctions constitue une mesure provisoire et conservatoire qui ne préjuge pas du fond et pour laquelle il suffit que la réalité d’une faute susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire grave soit suffisamment vraisemblable ;

qu’en l’espèce, la réalité des faits reprochés à Monsieur (A) est rendue suffisamment vraisemblable par la présence au dossier d’attestations testimoniales émanant respectivement de deux enseignantes de l’école « … » et du président du comité d’école de l’école « … » à … ;

que les faits sont susceptibles d’entraîner une sanction disciplinaire grave, alors que, tel que relevé par Monsieur le ministre dans sa lettre du 1er juin 2023, ils sont susceptibles de s’ajouter à des faits similaires ayant fait l’objet de l’ouverture de deux instructions disciplinaires respectivement au mois de décembre 2022 et au mois de février 2023, ces affaires étant actuellement pendantes devant le Conseil de discipline des fonctionnaires de l’État ;

Attendu qu’en deuxième lieu, s’agissant du maintien d’un environnement de travail stable et serein pour ses collègues de travail, Monsieur (A) fait valoir qu’il serait bien intégré et prendrait des initiatives pour améliorer certaines choses dans l’école, ainsi que pour aboutir à une communication plus directe avec ses collègues de travail ;

Attendu que les reproches faits à Monsieur (A) ne visent pas un manque d’intégration et d’initiative de sa part, mais sont relatifs à de prétendues arrivées tardives sur le lieu de travail, à un prétendu départ non autorisé du lieu de travail et à un prétendu endormissement en classe, susceptibles de perturber le déroulement normal du travail des autres enseignants et de créer des situations à risque pour l’intégrité physique des élèves ;

que les motifs invoqués par Monsieur (A) sont dès lors sans lien avec les faits à la base de l’instruction disciplinaire diligentée à son encontre, et ne peuvent partant être retenus ;

Attendu qu’en troisième lieu, Monsieur (A) soulève l’absence d’une atteinte à l’intérêt du service public, alors qu’il n’aurait pas eu de retours négatifs de la part des enfants ou parents et recevrait des retours positifs de la part des collègues par rapport aux activités de natation qu’il assure ;

Attendu que les reproches adressés à Monsieur (A) ne visent pas la qualité de ses prestations en tant qu’enseignant, mais portent sur des aspects d’attitude au travail, à savoir un prétendu manque de ponctualité et une prétendue absence non autorisée du lieu de travail;

Que de tels faits sont susceptibles de porter atteinte à l’image et à la réputation du service public, de sorte qu’il est de l’intérêt de celui-ci d’écarter de l’exercice de ses fonctions à titre conservatoire et jusqu’à ce que tout reproche soit dissipé ou confirmé, un agent contre qui apparaissent des reproches suffisamment vraisemblables laissant présumer qu’il a adopté un comportement incompatible avec son maintien en service ;

Attendu qu’en dernier lieu, Monsieur (A) fait valoir que même sans suspension, il disposerait de suffisamment de temps pour assurer sa défense ;

Attendu qu’il est avant tout de l’intérêt de Monsieur (A) qu’il puisse assurer sa défense avec toute la sérénité requise, en évitant de s’exposer à des situations susceptibles d’être interprétées comme des prises de contact inappropriées avec des personnes susceptibles de témoigner dans son affaire ;

Décide :

Art. 1er - Monsieur (A), instituteur aux écoles fondamentales « … » et « … », est suspendu de l’exercice de ses fonctions avec effet immédiat, pendant tout le cours de la procédure disciplinaire jusqu’à la décision définitive. […] Art.3. - La présente décision est délivrée en copie au concerné pour lui servir de titre et à Monsieur le Ministre de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse, avec prière de la confirmer dans la huitaine. […] ».

Par décision du 13 juillet 2023, le ministre confirma la décision précitée du commissaire du gouvernement adjoint du 7 juillet 2023 aux motifs suivants :

« […] Vu l’article 48, paragraphe 1er, l’article 51, alinéa 1er et l’article 56, paragraphe 3, alinéa 3, de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’État ;

Vu mon courrier daté du 1er juin 2023, ordonnant une instruction disciplinaire à rencontre de Monsieur (A) (matr. …), instituteur aux écoles fondamentales « … » et « … » à … ;

Vu le courrier du 9 juin 2023 indiquant à Monsieur (A) qu’une instruction est ordonnée contre lui et l’informant de l’intention de la Commissaire du Gouvernement adjointe chargée de l’instruction disciplinaire de le suspendre de l’exercice de ses fonctions ;

Vu l’audition de Monsieur (A) et le procès-verbal du 29 juin 2023;

Vu le courriel du 29 juin 2023 de l’avocat de Monsieur (A) par lequel il renonce à apporter des moyens supplémentaires par rapport aux observations présentées par son mandant lors de l’audition ;

Attendu qu’en premier lieu, Monsieur (A) s’oppose à la suspension envisagée, alors qu’il la considère comme disproportionnée par rapport aux faits lui reprochés;

qu’il fait également valoir que les faits lui reprochés constituent non des fautes personnelles, mais des fautes trouvant leur origine dans des déficits au niveau de l’organisation et de la communication par l’école des tâches à assurer ;

Attendu que la suspension d’un fonctionnaire de l’exercice de ses fonctions constitue une mesure provisoire et conservatoire qui ne préjuge pas du fond et pour laquelle il suffit que la réalité d’une faute susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire grave soit suffisamment vraisemblable ;

qu’en l’espèce, la réalité des faits reprochés à Monsieur (A) est rendue suffisamment vraisemblable par la présence au dossier d’attestations testimoniales émanant respectivement de deux enseignantes de l’école « … » et du président du comité d’école de l’école « … » à … ;

que les faits sont susceptibles d’entraîner une sanction disciplinaire grave, alors qu’ils sont susceptibles de s’ajouter à des faits similaires ayant fait l’objet de l’ouverture de deux instructions disciplinaires respectivement au mois de décembre 2022 et au mois de février 2023, ces affaires étant actuellement pendantes devant le Conseil de discipline des fonctionnaires de l’État ;

Attendu qu’en deuxième lieu, s’agissant du maintien d’un environnement de travail stable et serein pour ses collègues de travail, Monsieur (A) fait valoir qu’il serait bien intégré et prendrait des initiatives pour améliorer certaines choses dans l’école, ainsi que pour aboutir à une communication plus directe avec ses collègues de travail ;

Attendu que les reproches faits à Monsieur (A) ne visent pas un manque d’intégration et d’initiative de sa part, mais sont relatifs à de prétendues arrivées tardives sur le lieu de travail, à un prétendu départ non autorisé du lieu de travail et à un prétendu endormissement en classe, susceptibles de perturber le déroulement normal du travail des autres enseignants et de créer des situations à risque pour l’intégrité physique des élèves ;

que les motifs invoqués par Monsieur (A) sont dès lors sans lien avec les faits à la base de l’instruction disciplinaire diligentée à son encontre, et ne peuvent partant être retenus ;

Attendu qu’en troisième lieu, Monsieur (A) soulève l’absence d’une atteinte à l’intérêt du service public, alors qu’il n’aurait pas eu de retours négatifs de la part des enfants ou parents et recevrait des retours positifs de la part des collègues par rapport aux activités de natation qu’il assure ;

Attendu que les reproches adressés à Monsieur (A) ne visent pas la qualité de ses prestations en tant qu’enseignant, mais portent sur des aspects d’attitude au travail, à savoir un prétendu manque de ponctualité et une prétendue absence non autorisée du lieu de travail;

Que de tels faits sont susceptibles de porter atteinte à l’image et à la réputation du service public, de sorte qu’il est de l’intérêt de celui-ci d’écarter de l’exercice de ses fonctions à titre conservatoire et jusqu’à ce que tout reproche soit dissipe ou confirmé, un agent contre qui apparaissent des reproches suffisamment vraisemblables laissant présumer qu’il a adopté un comportement incompatible avec son maintien en service ;

Attendu qu’en dernier lieu, Monsieur (A) fait valoir que même sans suspension, il disposerait de suffisamment de temps pour assurer sa défense ;

Attendu qu’il est avant tout de l’intérêt de Monsieur (A) qu’il puisse assurer sa défense avec toute la sérénité requise, en évitant de s’exposer à des situations susceptibles d’être interprétées comme des prises de contact inappropriées avec des personnes susceptibles de témoigner dans son affaire ;

Arrête :

Art. 1er - La décision prise le 7 juillet 2023 par Madame la Commissaire du Gouvernement adjointe chargée de l’instruction disciplinaire ayant pour objet de suspendre avec effet immédiat Monsieur (A), instituteur aux écoles fondamentales «…» et «…» à …, de l’exercice de ses fonctions pendant tout le cours de la procédure disciplinaire ordonnée contre lui jusqu’à la décision définitive, est confirmée.

Art.2. - Le présent arrêté est expédié à l’intéressé pour gouverne, copie en sera transmise pour information à Madame la Commissaire du Gouvernement adjointe chargée de l’instruction disciplinaire, à la direction de la Direction de l’enseignement fondamental - Région … pour information et au Centre de gestion du personnel et de l’organisation de l’État pour exécution.

[…] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er septembre 2023, inscrite sous le numéro 49376 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation des décisions précitées des 7 et 13 juillet 2023. Par requête séparée déposée le même jour, inscrite sous le numéro 49377 du rôle, il a demandé le sursis à exécution par rapport à ces deux mêmes décisions, demande qui fut rejetée par l’ordonnance du juge au tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang du 7 septembre 2023.

Par décision du 8 novembre 2023, le Conseil de discipline ordonna la jonction des trois dossiers disciplinaires de Monsieur (A) et prononça à l’égard de celui-ci la sanction disciplinaire prévue à l’article 47, point 9 du statut général, à savoir la mise à la retraite d’office, décision que Monsieur (A) a déférée devant le tribunal administratif par une requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 février 2024, inscrite sous le numéro 50034 du rôle.

Par jugement du 23 avril 2025, numéros 50034 et 50049 du rôle, le tribunal administratif réforma la prédite décision du Conseil de discipline et prononça à l’égard de Monsieur (A) la sanction disciplinaire de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une période de six mois.

1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours En vertu de l’article 54, paragraphe (2) du statut général, « le fonctionnaire […] suspendu conformément à l’article 48, paragraphe 1er, peut, dans les trois mois de la notification de la décision, prendre recours au Tribunal administratif qui statue comme juge du fond. ». La loi prévoyant un recours de pleine juridiction en la matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre les décisions déférées.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours sous analyse pour défaut d’intérêt agir dans le chef du demandeur en arguant qu’au jour du prononcé du présent jugement, la décision de suspension du commissaire du gouvernement adjoint prise sur base de l’article 48, paragraphe 1er du statut général ne serait plus applicable compte tenu du fait que le Conseil de discipline aurait entretemps prononcé la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office.

Ainsi, et si Monsieur (A) continuerait, certes, à être suspendu de ses fonctions jusqu’au prononcé du jugement au fond à intervenir, ce serait toutefois sur une autre base légale, à savoir l’article 48, paragraphe (2), point d) du statut général, le délégué du gouvernement basant ses conclusions à cet égard sur un jugement du tribunal administratif du 11 juillet 2007, inscrit sous le numéro 21635 du rôle.

Dans la mesure où il y aurait dès lors changement de régime juridique de la suspension à partir du 8 novembre 2023, date de la prise de la décision du Conseil de discipline, le recours sous analyse aurait perdu son objet.

Le litismandataire du demandeur n’a pas pris position quant à ce moyen d’irrecevabilité ni par des conclusions écrites ni lors de l’audience publique du 4 février 2025, à laquelle il s’est excusé de ne pas pouvoir assister.

Il est constant en cause que le Conseil de discipline a entretemps rendu sa décision au fond, décision qui, tel que relevé ci-avant, a fait l’objet d’un recours par Monsieur (A), lequel fut déclaré fondé par jugement du tribunal administratif du 23 avril 2025, numéros 50034 et 50049 du rôle.

Dans la mesure où l’article 48, paragraphe 1er du statut général prévoit que « la suspension de l’exercice de ses fonctions peut être ordonnée à l’égard du fonctionnaire poursuivi judiciairement ou administrativement, pendant tout le cours de la procédure jusqu’à la décision définitive. » et que la décision du Conseil de discipline du 8 novembre 2023 est, nonobstant le fait qu’elle a entretemps été réformée, à considérer comme étant la « décision définitive » au sens du prédit article 48, paragraphe 1er du statut général, c’est à juste titre que la partie étatique fait valoir que la mesure de suspension litigieuse a cessé de produire ses effets à partir du 8 novembre 2023 et a fortiori à l’heure où le tribunal statue.

Le tribunal ne saurait toutefois suivre les développements de la partie étatique que le demandeur n’aurait entretemps plus d’intérêt à agir contre la mesure de suspension dont il avait fait l’objet suite à la décision du commissaire du gouvernement adjoint du 7 juillet 2023, alors que celui-ci conserve un intérêt pour la période où elle a produit ses effets, étant donné que la mesure de suspension, n’ayant pas disparu rétroactivement, a forcément constitué une lésion d’un intérêt personnel de Monsieur (A) dans le sens que l’annulation de l’acte attaqué est de nature à lui conférer une satisfaction certaine et personnelle1.

Si le tribunal ne saurait dès lors certes plus épuiser son pouvoir de réformation en ce qu’il implique le pouvoir de mettre fin à la suspension, il reste toutefois saisi de la légalité de la mesure attaquée.

Le recours en réformation est partant recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai prévus par la loi et ce dans la limite des moyens de légalité invoqués.

2) Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours le demandeur rappelle en premier lieu les faits et rétroactes à la base des décisions litigeuses, tout en insistant plus particulièrement sur le fait qu’en raison de son état de santé, il n’aurait pas pu se présenter à une audition fixée au 8 mars 2023. De même, son état de santé l’aurait empêché de se présenter à une nouvelle audition fixée le 15 mars 2023, le demandeur précisant qu’il aurait été en congé de maladie jusqu’au 31 mars 2023. Ce n’aurait dès lors été qu’en date du 29 juin 2023 qu’il aurait finalement pu être auditionné par le commissaire de gouvernement adjoint, le demandeur précisant qu’à cette occasion, il se serait formellement et fermement opposé à la suspension des fonctions envisagée dans son chef.

En droit, Monsieur (A) fait valoir que la mesure de suspension violerait les articles 48, paragraphe (1), 51 et 56, paragraphe 3, alinéa 3 du statut général.

Il donne à cet égard à considérer que les juridictions administratives auraient mis en exergue trois critères jurisprudentiels relatifs au contrôle de proportionnalité d’une mesure de suspension, à savoir l’intérêt du service, l’intérêt de la procédure disciplinaire et l’intérêt du fonctionnaire.

En ce qui concerne l’intérêt du service, le demandeur se prévaut notamment d’un jugement du tribunal administratif du 12 juillet 1999, inscrit sous le numéro 11222 du rôle, confirmé par un arrêt de la Cour administrative du 21 décembre 1999, inscrit sous le numéro 11460C du rôle, selon lequel « la présence du fonctionnaire dans son service [ne doit pas porter] atteinte au bon fonctionnement, à l’image et à la réputation du service » pour reprocher au commissaire du gouvernement adjoint d’avoir retenu que l’intérêt du service résiderait dans la nécessité de « maintenir un environnement de travail stable et serein pour ses collègues du travail » et afin d’éviter qu’il soit porté « atteinte à l'image et à la réputation du service public », le demandeur étant en effet d’avis qu’outre le fait qu’il s’agirait là d’une motivation stéréotypée, il serait un fonctionnaire compétent et exemplaire de sorte que sa présence à son lieu travail n’aurait impacté ni le bon fonctionnement du service ni la productivité de celui-ci.

Dans ce contexte, il s’interroge encore sur l’utilité de l’entretien prévu à l’article 51, alinéa 1er du statut général, alors qu’à cette occasion il aurait clairement pris position quant à l’intérêt du service en déclarant que « Concernant le maintien d'un environnement de travail stable pour mes collègues, je donne à considérer que je me suis bien intégré et que je prends des initiatives 1 Trib. adm., 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 13 et les autres références y citées.

pour améliorer certaines choses que je constate dans l'école. Je souligne aussi que suite aux problèmes de communication et pour éviter à l'avenir des malentendus, j'ai insisté à ce que je sois intégré au groupe WhatsApp des enseignants afin que pouvoir communiquer plus directement avec mes collègues et leur demander directement s'ils ont besoin de moi p. ex. pour faire un appui.

Concernant le maintien de l'intérêt public, je n'ai pas eu de retours négatifs jusqu'à présent de la part des enfants ou parents. Tel que mentionné précédemment, je reçois des retours positifs de la part de mes collègues par rapport aux activités de natation que j'assure ».

Il ajoute qu’il ressortirait encore des pièces versées en cause que les faits lui reprochés dans le carde de la troisième procédure disciplinaire diligentée à son encontre ne lui seraient aucunement imputables mais résulteraient de la désorganisation au niveau de la direction, sinon de l’administration de l’école, tandis que les fautes mises en avant dans le cadre des deux premières procédures disciplinaires seraient dues à son état de santé fragilisé et aux effets secondaires des médicaments qu’il aurait pris à l’époque.

Il fait, par ailleurs, valoir que la partie étatique resterait en défaut de verser un quelconque élément susceptible de prouver que sa présence au sein du service aurait pu porter atteinte au bon fonctionnement de celui-ci à partir de la rentrée scolaire de septembre 2023.

Concernant l’intérêt de la procédure, critère qui prévoirait selon le prédit jugement du tribunal administratif du 12 juillet 1999, que la présence du fonctionnaire ne doit pas risquer « de gêner le bon déroulement de l’instruction pendante à accomplir dans le cadre de l’enquête disciplinaire », le demandeur critique le commissaire du gouvernement adjoint d’avoir retenu qu’il serait dans son intérêt de pouvoir organiser sa défense avec toute la sérénité nécessaire en évitant de s’exposer à des situations susceptibles d’être considérées comme prises de contact inappropriées avec des témoins éventuels, alors que ce faisant, celui-ci aurait mélangé l’intérêt de la procédure disciplinaire et l’intérêt du fonctionnaire.

Ici encore le demandeur s’interroge sur l’utilité de l’entretien prévu à l’article 51, alinéa 1er du statut général, alors que lors dudit entretien il aurait déclaré qu’à partir de la rentrée scolaire 2023/2024, il serait affecté comme enseignant surnuméraire à l'école « … » à …, de sorte qu’il n’aurait existé aucun risque qu'il se retrouve dans des situations telles que décrites par le commissaire de gouvernement adjoint.

En soutenant encore que le fait de considérer qu’il aurait pu faire pression sur des témoins serait pour le moins chimérique, sinon disproportionné et laisserait d'être prouvé par le moindre élément matériel, il exclut tout risque d’entrave à l’instruction en l’espèce.

S’agissant de l’intérêt du fonctionnaire mis en cause, le demandeur qualifie la mesure de suspension de manifestement disproportionnée. Il reproche ainsi aux décisions litigieuses d’avoir retenu qu’il aurait besoin de préparer sa défense avec toute la sérénité requise, alors même qu’il aurait mandaté un avocat pour défendre ses intérêts et assurer sa défense, le demandeur soulignant en outre, en se prévalant d’un jugement du tribunal administratif du 16 février 2021, inscrit sous le numéro 43089 du rôle, qu’il ne serait pas dans son intérêt de perdre un certain temps de service pour le calcul des majorations biennales, de l’avancement en traitement et de la pension.

Le demandeur fait ensuite valoir que la gravité de la faute susceptible d’avoir été commise par un fonctionnaire ne serait pas l’élément déterminant pour justifier une décision de suspension, le concerné étant en effet d’avis que les faits reprochés ne devraient être pris en compte que de manière subsidiaire par rapport aux critères pré-exposés et qu’une telle prise de position quant à la gravité des fautes reprochées serait susceptible de porter atteinte à l’impartialité du commissaire du gouvernement en charge de l’instruction.

Le demandeur conclut encore à une violation de l’article 51, alinéa 1er du statut général en ce que l’entretien y prévu aurait été réduit à une simple formalité, respectivement que cette garantie essentielle aurait été réduite à une contrainte pour le commissaire du gouvernement adjoint. Il fait encore relever qu’aucun des moyens de défense, soulevés à cette occasion par lui et par son litismandataire, n’aurait été pris en compte par le commissaire du gouvernement adjoint, qui les aurait, ainsi « implicitement, mais nécessairement accueillis ». Par ailleurs, le demandeur soutient qu’il ne ressortirait pas du visa de l’arrêté ministériel du 13 juillet 2023 que le ministre aurait eu connaissance de sa prise de position retenue dans le procès-verbal du 29 juin 2023.

Monsieur (A) fait encore valoir que les décisions litigieuses devraient encourir l’annulation pour violation de l’article 56, paragraphe (3), alinéa 3 du statut général.

A cet égard, il souligne, en se référant aux travaux parlementaires2, que dans « l’esprit du législateur », seules les trois dernières sanctions prévues à l’article 47 du statut général seraient à considérer comme sanctions disciplinaires graves. Toujours en se référant aux travaux parlementaires, il ajoute que d’après le législateur, les sanctions disciplinaires graves iraient de pair avec les faits délictueux, ce qui aurait d’ailleurs également été retenu par les juridictions administratives, le demandeur citant, à tire d’exemple, divers jugements ayant retenu soit une exclusion temporaire des fonctions, soit la mise à la retraite d’office, soit la révocation.

Le demandeur en conclut que dans la mesure où les faits lui reprochés ne constitueraient pas d’infractions pénales, mais uniquement en un placement erroné d’un élève dans sa classe, ainsi qu’en des retards et des absences qui auraient notamment été dus à ses problèmes de santé, respectivement ne lui seraient pas imputables, voire en e fait d’avoir exercé l’activité accessoire de DJ, faits qui ne sauraient entraîner une sanction disciplinaire grave, la mesure conservatoire de la suspension dont il aurait fait l’objet ne seraient ni légale, ni justifiée.

Le demandeur fait ensuite plaider que la suspension de ses fonctions serait à annuler pour « violation de la loi, sinon pour excès de pouvoir et violation du principe de proportionnalité ».

A l’appui de ses conclusions il fait valoir que les absences et retards lui reprochés au cours de la première procédure disciplinaire aurait été dus au fait que sa santé mentale aurait, à l’époque, été fortement impactée par le comportement imprévisible de son ex-épouse laquelle aurait souffert de problèmes psychologiques. Quant au reproche qu’il aurait eu une activité accessoire rémunérée non autorisée de DJ, le demandeur fait valoir qu’outre le fait qu’il aurait expliqué au commissaire de gouvernement adjoint qu’il n’aurait pas perçu de rémunération au sens classique du terme pour cette activité, ce même reproche, à le supposer établi, n’aurait point d’influence sur son travail d’instituteur. Il ajoute que le fait qu’un enfant aurait été placé dans sa classe sans que les bilans de celui-ci n’aient été vérifiés ne lui serait pas imputable, alors qu’il aurait incombé à la direction, sinon à ses propres supérieurs hiérarchiques d’organiser la répartition des élèves sur les différentes classes et niveaux scolaires. Il donne en outre à considérer qu’il aurait « parfaitement rempli sa tâche d’enseignant » en ce qui concerne l’élève en question.

2 Projet de loi n°1907.

En ce qui concerne la deuxième instruction disciplinaire dont il a fait l’objet, le demandeur fait valoir que les absences y relevées et la circonstance qu’il lui serait arrivé de dormir en classe s’expliqueraient par le fait qu’il aurait pris un médicament susceptible d’entraîne de forts effets secondaires, telles que de fortes sensations de vertiges, qui auraient même entraîné un évanouissement dans son chef. Ces sensations de vertiges l’auraient parfois amené à fermer les yeux en classe ce qui aurait pu amener à la conclusion erronée qu’il se serait endormi.

Quant à la troisième instruction disciplinaire dont il a fait l’objet, le demandeur fait plaider que les absences et retards lui reprochés dans ce cadre ne lui seraient pas imputables, mais seraient la preuve d’une désorganisation au sein de l’école fondamentale ce qui résulterait d’ailleurs de manière univoque du procès-verbal de son audition du 29 juin 2023 par le commissaire du gouvernement adjoint. A cet égard, il explique encore qu’il aurait été convenu qu’il serait contacté par les différents instituteurs de l’école à chaque fois qu’un renfort s’avérerait nécessaire. Dans la mesure où il aurait été habituellement contacté entre 8.05 et 8.30 heures, aucun retard ne saurait lui être reproché, le demandeur ajoutant qu’il se serait trouvé dans le bâtiment scolaire depuis 7.50 heures.

Vu l’incertitude quant à son horaire de travail, le demandeur estime qu’on ne saurait lui reprocher son absence du 5 mai 2023. Quant à son absence du 24 avril 2023, il explique être parti quelques minutes seulement pour s’acheter un sandwich, et ce alors même qu’il aurait préparé depuis des heures ses prochains cours dans la bibliothèque de l’école en attendant une nouvelle demande d’intervention de ses collègues.

Après encore avoir contesté qu’il aurait dormi en cours, il conclut, outre de réitérer ses précisions reprises ci-avant, que l’intégrité physique des élèves n’aurait jamais été en danger, que l’élève erronément affecté à sa classe aurait bien progressé dans ses cours et qu’il serait un enseignant très engagé.

Tout en insistant sur le fait que sa suspension n’aurait pas été nécessaire compte tenu de son affectation à une nouvelle école où il n’y aurait aucune personne susceptible de témoigner dans son affaire, le demandeur conclut que cette mesure conservatoire serait manifestement disproportionnée et devrait être annulée de ce chef, alors que les faits lui reprochés manqueraient de gravité, qu'il n'existerait aucun risque pour l'intégrité physique des élèves, que les faits reprochés ne risqueraient aucunement de se reproduire au vu notamment de sa bonne santé physique et mentale, que l'administration de l'école fondamentale de « … » serait supposée organiser correctement ses horaires de travail et que les motifs invoqués à la base des décisions litigieuses seraient contredits par les éléments du dossier.

Le délégué du gouvernement, de son côté, conclut au rejet du recours sous analyse pour n’être fondé dans aucun de ses moyens.

Analyse du tribunal Avant tout progrès en cause, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, étant souligné que l’analyse de la légalité externe d’une décision administrative devant précéder celle de son bien-fondé, de sorte qu’il y a lieu de prendre en premier lieu position quant aux développements du demandeur relatifs à une prétendue violation de l’article 51, alinéa 1er du statut général.

L’article 51, alinéa 1er du statut général dispose que : « Aucune sanction disciplinaire ne peut être appliquée sans instruction disciplinaire préalable conformément à l’article 56 ci-après.

La suspension du fonctionnaire prévue au paragraphe 1er de l’article 48 ne pourra être prononcée qu’après qu’il aura été appelé à donner ses explications. » Il se dégage de cette disposition que la suspension d’un fonctionnaire de l’exercice de ses fonctions ne peut être prononcée qu’après qu’il a été appelé à donner ses explications.

Force est au tribunal de constater que le statut général prévoit, en son article 51, alinéa 1er précité, une procédure spéciale, à savoir le fait d’inviter le fonctionnaire à donner ses explications avec la volonté d’éviter de provoquer la surprise du fonctionnaire devant le fait accompli en lui ménageant un délai entre l’annonce d’une décision envisagée et la date de prise de celle-ci dans le but de lui permettre de présenter ses arguments et d’éviter, le cas échéant, que la décision pressentie soit prise.

S’il est vrai que l’article 51, alinéa 1er du statut général n’exige aucun formalisme particulier quant au droit accordé au fonctionnaire d’être appelé à donner ses explications avant qu’une mesure de suspension de l’exercice de ses fonctions ne soit prise à son égard, il n’en reste pas moins que ce préalable obligatoire doit respecter des règles minimales tenant plus particulièrement au principe général du respect des droits de la défense. Ainsi, il faut que le fonctionnaire ait réellement été mis en mesure de donner ses observations ou d’être entendu en personne en ses explications. Dans les hypothèses où le fonctionnaire aura été convoqué préalablement par écrit, avec l’indication de l’objet de l’entrevue, l’accomplissement de ces formalités laisse présupposer que le fonctionnaire a utilement pu se préparer afin qu’il puisse être entendu en ses explications.

Force est au tribunal de constater qu’en l’espèce le demandeur a non seulement été mis en mesure de présenter ses explications au préalable, en ce qu’il a été invité à être entendu en personne ou à présenter ses observations, par le courrier du commissaire du gouvernement adjoint du 9 juin 2023, mais il a, en outre, été entendu en personne relativement à la mesure de suspension envisagée lors d’un entretien préalable ayant eu lieu en date du 29 juin 2023 au commissariat du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, entretien au cours duquel il a pu faire valoir ses contestations y relatives, ces mêmes contestations ayant d’ailleurs été actées dans le procès-

verbal afférent.

En conséquence, aucune violation des droits de la défense du demandeur n’est établie en l’espèce.

Ce constat n’est pas énervé par les développements du concerné quant au défaut de prise en compte de ses contestations par le commissaire du gouvernement adjoint et le ministre, alors qu’il ressort du libellé des décisions déférées, telles que citées in extenso ci-avant, que ses contestations ont bien été examinées, tant par le commissaire du gouvernement adjoint que par le ministre, ceux-ci ayant non seulement expressément mentionné l’audition de Monsieur (A) dans les visas de leurs décisions respectives, mais ayant, en outre, repris les différentes observations formulées par celui-ci au cours de son audition du 29 juin 2023, tout en y ayant pris position de manière détaillée par la suite, étant encore précisé à cet égard que le seul fait que ces mêmes contestations n’ont pas été retenues ne saurait laisser conclure qu’elles n’ont pas été prises en compte.

Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les développements du demandeur relatifs à une violation alléguée de l’article 51, alinéa 1er du statut général.

Quant à la remarque du demandeur que la décision de suspension du commissaire de gouvernement adjoint risquerait de porter atteinte à son impartialité alors qu’il aurait pris position sur la gravité des faits lui reprochés, celle-ci est à rejeter pour défaut de pertinence, alors qu’il s’agit d’une simple allégation qui n’a pas été appuyée par un quelconque élément concret et que le demandeur n’en tire aucune conclusion juridique concrète, étant rappelé à cet égard qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence des parties au litige et de rechercher lui-

même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

En ce qui concerne la légalité interne des décisions litigieuses et plus particulièrement la violation alléguée des articles 48, paragraphe 1er et 56, paragraphe (3) du statut général, il convient de rappeler qu’aux termes du prédit article 48, paragraphe 1er : « la suspension de l’exercice de ses fonctions peut être ordonnée à l’égard du fonctionnaire poursuivi judiciairement ou administrativement, pendant tout le cours de la procédure jusqu’à la décision définitive. ».

Si cette disposition reste muette quant aux critères censés guider le ministre dans l’exercice de ce pouvoir, il résulte de l’article 56, paragraphe 3, alinéa 3 du statut général que « Si le fonctionnaire est suspecté d’avoir commis une faute susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire grave, le commissaire du Gouvernement peut le suspendre conformément au paragraphe 1er de l’article 48. Cette suspension devient caduque si elle n’est pas confirmée dans la huitaine par le ministre du ressort ».

Le tribunal est partant amené à analyser si, en l’espèce, la décision de suspension est justifiée sur base des exigences posées par l’article 56, paragraphe 3, alinéa 3 du statut général, c’est-à-dire si en l’occurrence le demandeur est suspecté d’avoir commis une faute susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire grave, cette analyse s’effectuant dans la limite des moyens produits par celui-ci. Une fois cette condition vérifiée, il appartient au tribunal d’analyser, toujours dans la limite des moyens proposés par le concerné, si le commissaire du gouvernement a pu, dans les conditions données, le suspendre de ses fonctions, l’analyse du bien-fondé de cette décision conditionnant celle de la décision ministérielle confirmative également déférée.

Il y a encore lieu de souligner qu’en aucun cas, le tribunal n’est amené à analyser à ce stade de la procédure, concernant la validité de la décision de suspension, le bien-fondé de la procédure disciplinaire engagée à l’encontre du fonctionnaire concerné3. En revanche, il lui appartient de vérifier si ce fonctionnaire est suspecté d’avoir commis une faute susceptible4 d’entraîner une sanction disciplinaire grave d’après les termes mêmes de l’article 56, paragraphe (3), alinéa 3 du statut général précité.

Pour qu’une suspension puisse être décidée à l’égard d’un fonctionnaire contre lequel une procédure disciplinaire est en cours, les griefs qui lui sont reprochés dans le cadre de cette procédure doivent être vraisemblables et d’une gravité suffisante afin de justifier une mesure qui, même si elle n’a qu’un caractère provisoire et conservatoire, risque de porter atteinte à l’image ainsi qu’aux intérêts financiers du fonctionnaire concerné.

3 Trib. adm., 20 juin 2001, n° 12102 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 430 et les autres références y citées.

4 Souligné par le tribunal.

Il convient enfin de souligner que la suspension constitue une mesure, non pas disciplinaire mais d’urgence, à caractère conservatoire, destinée à interdire à titre provisoire l’exercice de ses fonctions à un agent public, auquel une faute susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire grave est reprochée, dans le cas où sa présence risque de troubler le bon fonctionnement du service.

Plus particulièrement, la mesure de suspension n’est pas destinée à sanctionner le comportement fautif du fonctionnaire, mais elle est justifiée à la fois par les motifs relevant de l’intérêt du service et pour les motifs de protection du fonctionnaire lui-même, appelé de la sorte à pouvoir exposer son point de vue et à préparer sa défense avec toute la sérénité requise.

Néanmoins, même si une telle mesure provisoire ne préjuge en rien du fond de l’affaire disciplinaire, il n’en reste pas moins qu’une suspension témoigne du moins de l’apparence de gravité de la faute reprochée au fonctionnaire et de la nécessité de veiller, dans l’intérêt à la fois du service et du fonctionnaire lui-même à ce que la présence de celui-ci dans son service, d’une part, ne risque pas de gêner le bon déroulement de l’instruction préalable à accomplir dans le cadre de l’enquête disciplinaire et, d’autre part, ne porte pas atteinte au bon fonctionnement, à l’image et à la réputation du service5.

En ce qui concerne la question de savoir si les faits reprochés au demandeur paraissent suffisamment graves pour être qualifiés de fautes susceptibles d’entraîner une sanction disciplinaire grave au sens de l’article 56, paragraphe (3), alinéa 3 du statut général, il résulte du dossier administratif que celui-ci a fait l’objet de trois procédures disciplinaires successives dans un laps de temps relativement court, à savoir environ six mois, et ceci pour des faits similaires et répétitifs pour lesquels il s’était déjà vu adresser des ordres de justification. Force est ainsi de constater qu’au cours des différentes procédures disciplinaires dont il a fait l’objet, le demandeur s’est vu reprocher des retards et absences répétitifs, le fait d’exercer une activité accessoire sans accord préalable, de s’être endormi à plusieurs reprises pendant ses heures de travail et de ne pas avoir pris soin de s’assurer que l’ensemble des élèves de sa classe s’y trouvaient affectés à bon droit. Il s’ensuit que Monsieur (A) était suspecté d’avoir contrevenu aux articles 5, 9, paragraphes (1) et (2), 10, paragraphe (1), 12, paragraphe (1) et 14, paragraphes (1) et (2) du statut général, les faits lui reprochés s’analysant essentiellement en des refus d’ordre et des fautes professionnelles, susceptibles de porter atteinte au bon fonctionnement de la communauté scolaire, à la réputation du service et à l’intégrité physique des élèves dont il avait la charge.

Le tribunal est ainsi amené à retenir que les faits tels que libellés à travers les décisions déférées, en ce qu’ils représentent a priori de nombreuses violations du statut général, paraissent de nature suffisamment grave pour revêtir un caractère fautif susceptible d’entraîner une sanction disciplinaire grave, sans que cette conclusion ne soit énervée dans le cadre de la présente procédure par les contestations non autrement circonstanciées de Monsieur (A), celui-ci se contentant essentiellement à affirmer que les faits en question ne lui seraient pour la plupart pas personnellement imputables, étant encore souligné que le Conseil de discipline, dans sa décision du 8 novembre 2023, avait, au vu de la gravité des manquements reprochés à Monsieur (A), retenu la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office à l’égard de celui-ci. S’il est certes vrai que cette décision a été réformée par le tribunal administratif dans son jugement prémentionné du 23 avril 2025, numéros 50034 et 50049 du rôle, il n’en reste pas moins que dans le cadre dudit 5 Trib. adm., 12 juillet 1999, n° 11222 du rôle, conf. Cour adm., 21 décembre 1999, n° 11460C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 427 (1er volet) et les autres références y citées.

jugement, le tribunal a également retenu une gravité non négligeable des faits reprochés au demandeur.

Le moyen fondé sur une violation de l’article 56, paragraphe (3), alinéa 3 du statut général, est partant à rejeter.

En ce qui concerne les contestations du demandeur quant à l’intérêt du service, il convient de rappeler que la suspension, qui est conçue dans le but d’éviter à l’administration les conséquences fâcheuses qui pourraient résulter pour elle de la présence, dans ses services, d’un agent sous le coup de poursuites disciplinaires et qui a pour but de faciliter l’exercice de ces poursuites, ne préjudicie en rien de la pertinence et du bien-fondé des reproches faits au fonctionnaire se trouvant sous le coup d’une procédure disciplinaire. En effet, une mesure de suspension doit être dûment justifiée, en considération non seulement de l’intérêt du service auquel le fonctionnaire est affecté, mais en prenant également en considération les intérêts du fonctionnaire en question6.

Tel que cela a été retenu ci-avant, une telle mesure n’est donc pas destinée à sanctionner le comportement fautif du fonctionnaire, mais elle est justifiée par des motifs relevant de l’organisation du service.

Le tribunal est amené à relever que les faits reprochés se caractérisent par leur caractère répétitif sur une période assez longue, le demandeur ayant été accusé de nombreux retards et absences injustifiées depuis mai 2022. Force est encore de constater que les faits reprochés à Monsieur (A) ne se confinent par nature pas à sa seule personne, mais dépassent le cadre individuel pour concerner non seulement ses collègues de travail, ceux-ci ayant été, d’après les explications circonstanciées et non remises en cause de la partie étatique, corroborées par les éléments figurant au dossier administratif, telles que diverses attestations testimoniales, été obligés d’intervenir dans la classe du demandeur, mais également les enfants dont il avait la charge, alors que les manque de surveillance de ceux-ci suite à des absences ou retards injustifiés de Monsieur (A) est susceptible d’entraîner un risque pour leur intégrité physique.

Il s’ensuit que l’intérêt du service justifiant que le demandeur soit provisoirement écarté du service se trouve vérifié en l’espèce, alors que les faits lui reprochés ont eu des implications sur le bon fonctionnement dudit service, ont entraîné un risque pour l’intégrité physique des élèves et présentent l’apparence d’une certaine gravité.

Cette conclusion n’est pas énervée par les développements du demandeur ayant trait à sa qualité de fonctionnaire exemplaire et compétent, n’ayant jamais fait l’objet de reproches, et ceux ayant trait à une amélioration de son état de santé, ces mêmes développements manquant de pertinence.

Il s’ensuit que le moyen contestant l’intérêt du service est à rejeter comme non fondé.

Quant aux affirmations du demandeur que le commissaire du gouvernement adjoint aurait mélangé les critères relatifs à l’intérêt du fonctionnaire et de l’intérêt de la procédure disciplinaire, il échet de souligner, à l’instar de la partie étatique, que ces deux critères sont complémentaires, dans la mesure où il est dans l’intérêt du fonctionnaire que la procédure disciplinaire puisse se 6 Trib. adm., 20 juin 2001, n°12102 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Fonction publique, n° 430 et les autres références y citées.

dérouler sans entrave et qu’il puisse assurer sa défense en toute sérénité, de sorte que ces affirmations sont à rejeter pour être dénuées de fondement.

Quant aux développements du demandeur qu’il n’aurait, au vu de son déplacement, pas pu faire pression sur les témoins éventuels, il y a lieu de souligner que le concerné a été suspendu avec effet immédiat le 7 juillet 2023, de sorte que même à supposer qu’il aurait été affecté à une autre école à la rentrée de septembre 2023, l’année scolaire 2022/2023 n’était, à la date de la prise de décision litigieuse, pas encore venue définitivement à terme.

En ce qui concerne les développements du demandeur relatifs à l’intérêt du fonctionnaire, force est de constater que ceux-ci se résument en substance à affirmer que la conclusion du commissaire du gouvernement adjoint et du ministre selon laquelle sa suspension lui permettrait d’assurer « sa défense avec toute la sérénité requise », manquerait de pertinence dès lors qu'un avocat aurait été mandaté pour ce faire, et qu’il ne serait pas dans son intérêt de perdre un certain temps de service pour le calcul des majorations biennales, de l’avancement en traitement et de la pension.

A cet égard, il convient d’abord de relever que la seule circonstance que Monsieur (A) a mandaté un avocat pour assurer sa défense n’est pas de nature à invalider ipso facto la conclusion que sa suspension lui permet d’organiser sa défense sereinement. En effet, et tel que relevé à juste titre par la partie étatique, un avocat, lequel a pour mission de représenter son mandant, ne saurait organiser correctement la défense de ce dernier sans la participation active de celui-ci.

Par ailleurs, la mesure de suspension litigieuse permet à Monsieur (A) de se défendre plus librement, et d'assurer ainsi au mieux ses droits de la défense, tout en lui évitant, tel que retenu ci-avant, de risquer une prise de contact inappropriée avec d’éventuels témoins dans son affaire.

Pour ce qui est du préjudice financier, force est de constater que le demandeur se contente, à l’appui de ses affirmations, de citer une jurisprudence sans pour autant prendre concrètement position quant à sa propre situation, de sorte que les développements y relatifs sont à rejeter pour manquer de pertinence.

Il s’ensuit qu’il y a lieu de rejeter les développements du demandeur visant à contester que la mesure de suspension litigieuse aurait été prise dans l’intérêt du service, dans son propre intérêt et dans l’intérêt de la procédure disciplinaire.

Il découle de l’ensemble des développements qui précèdent que le recours n’est fondé en aucun de ses moyens, de sorte qu’il est à déclarer non justifié dans son ensemble.

S’agissant encore de la demande en communication du dossier administratif formulée par le demandeur au dispositif de son recours, force est au tribunal de relever que si le concerné a sollicité d’ordonner à la partie étatique de lui communiquer le dossier administratif conformément à l’article 8, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée « la loi du 21 juin 1999 », sans fournir une quelconque précision à ce sujet dans son recours, que le dépôt du dossier administratif constitue une obligation spontanée pour l’administration dont émane la décision déférée, de sorte qu’à défaut, pour le demandeur, d’avoir, par la suite, contesté le caractère complet du dossier administratif ainsi versé ensemble avec son mémoire en réponse, la demande y relative encourt le rejet.

Le demandeur réclame encore l’allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, demande qu’il y a lieu de rejeter au vu de l’issue du litige.

Enfin, s’agissant de la demande de Monsieur (A) à voir ordonner l’effet suspensif du recours tel que prévu par l’article 35 de la loi du 21 juin 1999, en vertu duquel « Par dérogation à l’article 45, si l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, le tribunal peut, dans un jugement tranchant le principal ou une partie du principal, ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai de l’instance d’appel. […] », cette demande est également rejetée.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à titre principal dans la limite de ses moyens de légalité ;

au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation introduit à titre subsidiaire ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure présentée par le demandeur ;

rejette la demande sollicitant la communication du dossier administratif ;

rejette la demande basée sur l’article 35 de la loi du 21 juin 1999 ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 3 juin 2025 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 3 juin 2025 Le greffier du tribunal administratif 17


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 49376
Date de la décision : 03/06/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-06-03;49376 ?

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