Tribunal administratif N° 48367 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48367 2e chambre Inscrit le 13 janvier 2023 Audience publique du 22 mai 2025 Recours formé par Madame (A) et consorts, …, contre une décision du conseil communal d’Esch-sur-Sûre et une décision du ministre de l’Intérieur, en matière de plan d’aménagement général
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48367 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2023 par la société anonyme SCHILTZ & SCHILTZ SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1610 Luxembourg, 24-26, avenue de la Gare, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B220251, représentée aux fins de la présente instance par Maître Charles HURT, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de 1) Madame (A), demeurant à L-…, 2) Madame (B), demeurant à L-
… et 3) Monsieur (C), demeurant à L-…, tendant à l’annulation 1) de la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2022 approuvant la délibération du conseil communal d’Esch-sur-
Sûre du 11 février 2022 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune d’Esch-sur-Sûre et 2) de la délibération du conseil communal d’Esch-sur-Sûre du 11 février 2022 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune d’Esch-sur-Sûre ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Georges WEBER, demeurant à Diekirch, du 17 janvier 2023 portant signification de ce recours à l’administration communale d’Esch-sur-Sûre, ayant sa maison communale à L-9150 Eschdorf, 1, an der Gaass, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 6 février 2023 par Maître François MOYSE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 9 février 2023 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse de Maître François MOYSE déposé au greffe du tribunal administratif le 12 avril 2023, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse de Maître Steve HELMINGER déposé au greffe du tribunal administratif le 17 avril 2023, au nom de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique de la société anonyme SCHILTZ & SCHILTZ SA déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mai 2023, au nom de Madame (A), de Madame (B) et de Monsieur (C), préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique de Maître Steve HELMINGER déposé au greffe du tribunal administratif le 8 juin 2023, au nom de l’administration communale d’Esch-sur-Sûre, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique de Maître François MOYSE déposé au greffe du tribunal administratif le 12 juin 2023, au nom de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2024 par la société anonyme SCHILTZ & SCHILTZ SA, préqualifiée, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Anne FERRY, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, en remplacement de Maître Charles HURT, préqualifié ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que les décisions attaquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Anne FERRY, Maître Steve HELMINGER et Maître François MOYSE en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 13 janvier 2025.
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Lors de sa séance publique du 3 juillet 2020, le conseil communal d’Esch-sur-Sûre, ci-
après dénommé « le conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après dénommé « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune d’Esch-sur-Sûre qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
Par courrier du 1er août 2020, adressé au collège échevinal, Madame (A), Madame (B) et Monsieur (C), ci-après désignés par « les consorts (ABC) », copropriétaires de la parcelle inscrite au cadastre de la commune d’Esch-sur-Sûre, section …, au lieu-dit « … », sous le numéro P(1), ci-après désignée par « la parcelle P(1) », soumirent leurs observations et objections à l’encontre du projet d’aménagement général, en contestant, en substance, le fait qu’il n’était pas projeté d’intégrer la totalité de leur parcelle dans la zone constructible, ainsi que le classement projeté de la partie de la parcelle intégrée en zone constructible dans une zone « Secteur et élément protégés d’intérêt communal - "environnement construit" ».
Lors de sa séance publique du 11 février 2022, le conseil communal décida « d’approuver le projet d’aménagement général, parties écrite et graphique, complété par l’étude préparatoire, la fiche de présentation et le rapport sur les incidences environnementales, en tenant compte des modifications y apportées conformément aux propositions formulées par le collège des bourgmestre et échevins par rapport aux réclamations et avis ministériels reçus », tout en ne réservant pas de suite favorable aux objections des consorts (ABC).
Par courrier du 2 mars 2022, les consorts (ABC) introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur une réclamation à l’encontre de la délibération du conseil communal du 11 février 2022 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général (« PAG »).
Par décision du 5 octobre 2022, le ministre de l’Intérieur approuva la délibération du conseil communal du 11 février 2022 portant adoption du projet de refonte du PAG et déclara partiellement fondée la réclamation des consorts (ABC). Les passages de la décision ministérielle précitée se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :
« […] Ad réclamation (ABC) (rec 18) Les réclamants sollicitent l’intégration de la totalité de la parcelle cadastrale n°P(1), sise à …, en zone destinée à être urbanisée.
Étendre la zone constructible à cet endroit contribuerait à un développement tentaculaire de la localité, ce qui est contraire aux objectifs posés par l’article 2 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
La jurisprudence confirme que ce n’est pas parce qu’une situation est déjà urbanistiquement malsaine, qu’il convient d’amplifier son caractère tentaculaire davantage (CA 27-2-20, 43709C).
Puis, les réclamants sollicitent la suppression de la servitude « construction à conserver » dont est grevée la parcelle cadastrale n°P(11)sise à ….
La construction en question remplit les conditions de l’article 32 du règlement grand-
ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG d’une commune alors qu’elle se caractérise par l’authenticité de la substance bâtie, l’authenticité de son aménagement et l’exemplarité du type du bâtiment. La construction cerne encore bien l’entrée du village de par sa forme et son implantation et contribue à l’attractivité du village.
Finalement, les réclamants s’attaquent au classement de la parcelle en question en « Secteurs et élément protégés d’intérêt communal - "environnement construit" ».
L’inclusion de la parcelle dans un « secteur protégé » n’est pas opportune alors que (i) l’ensemble des constructions existantes sont déjà grevées de servitudes urbanistiques qui les protègent et (ii) le secteur protégé n’est constitué que d’une seule parcelle. Il convient dès lors de supprimer ce classement.
La réclamation est donc partiellement fondée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 janvier 2023, les consorts (ABC) ont fait introduire un recours tendant à l’annulation 1) de la décision du ministre de l’Intérieur du 5 octobre 2022 approuvant la délibération du conseil communal d’Esch-sur-Sûre du 11 février 2022 portant adoption du projet de refonte du PAG de la commune d’Esch-sur-
Sûre et 2) de la délibération du conseil communal d’Esch-sur-Sûre du 11 février 2022 portant adoption du projet de refonte du PAG de la commune d’Esch-sur-Sûre.
I. Quant à la compétence du tribunal Le tribunal relève que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre de l’Intérieur participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption du PAG, le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 5 octobre 2022 ayant statué sur la réclamation introduite par les consorts (ABC), intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par « la loi du 7 novembre 1996 », seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.
II. Quant à la recevabilité du recours i) Quant au moyen ayant trait à l’irrecevabilité du moins partielle du recours pour être fondé sur des moyens non tirés d’un des cinq cas d’annulation énumérés à l’article 7 (1) de la loi du 7 novembre 1996 Dans son mémoire en réponse, la partie étatique soulève l’irrecevabilité du moins partielle du recours au motif que les consorts (ABC) invoqueraient à l’appui de celui-ci des moyens qui ne seraient rattachés à aucun texte constitutionnel, légal ou réglementaire de sorte à ne relever ni de la violation de la loi, ni de l’excès ou du détournement de pouvoir, au sens de l’article 7 de la loi du 7 novembre 1996.
Les consorts (ABC) concluent, quant à eux, au rejet de ce moyen d’irrecevabilité pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 7 (1) de la loi du 7 novembre 1996 : « Le tribunal administratif statue encore sur les recours dirigés pour incompétence, excès et détournement de pouvoir, violation de la loi ou des formes destinées à protéger les intérêts privés, contre les actes administratifs à caractère réglementaire, quelle que soit l’autorité dont ils émanent. ».
Le tribunal se doit de relever que s’il est vrai que dans le cadre d’un recours en annulation il statue sur la légalité de l’acte administratif à caractère réglementaire lui déféré sur la base des moyens invoqués par la partie demanderesse tirés d’un ou de plusieurs des cinq cas d’annulation énumérés à l’article 7 (1) de la loi du 7 novembre 1996, il n’en reste pas moins qu’il est de jurisprudence que l’exigence de l’indication formelle de l’un ou l’autre des cinq cas d’ouverture du recours en annulation ainsi légalement prévus n’est pas requise par la loi.
En l’espèce, il se dégage de manière non équivoque de la requête introductive d’instance que les consorts (ABC) développent de manière exhaustive les raisons pour 1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes réglementaires, n° 65 et les autres références y citées.
lesquelles ils contestent le classement de la parcelle leur appartenant, tel qu’issu de la refonte du PAG en cause, et sollicitent l’annulation des actes déférés au tribunal à travers le recours sous analyse.
Devant le fait avéré que la partie étatique a pu assurer sa défense de façon valable et complète en déposant des mémoires en réponse et en duplique comportant des développements sur plusieurs pages pour prendre position sur les moyens proposés par les consorts (ABC) dans le cadre de leur requête introductive d’instance, aucune violation des droits de la défense au sens de l’article 292 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ne peut, par ailleurs, être retenue en l’espèce.
Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.
ii) Quant au moyen d’irrecevabilité omisso medio L’administration communale conclut à l’irrecevabilité omisso medio du recours sous analyse en soutenant que les critiques des parties requérantes visant l’inscription à titre indicatif dans la partie graphique du PAG d’une zone « Biotope protégé » sur la parcelle P(1), soulevées dans la requête introductive d’instance, n’auraient pas été invoquées dans le cadre de la procédure précontentieuse de sorte à devoir s’analyser en une demande nouvelle en instance contentieuse. Or, il serait de jurisprudence constante que, contrairement au moyen nouveau, une demande nouvelle n’ayant pas été présentée au cours de la procédure d’élaboration du PAG serait irrecevable. L’administration communale estime que la même conclusion s’imposerait en ce qui concerne les critiques des parties requérantes dirigées contre le classement de l’immeuble se trouvant sur leur parcelle pour partie en « construction à conserver » et pour partie en « gabarit d’une construction existante à préserver » et ce, au motif qu’aussi bien dans le cadre de leurs objections devant le collège échevinal que de leur réclamation auprès du ministre de l’Intérieur, elles se seraient contentées de demander que la superposition de leur parcelle d’une zone « Secteur et élément protégés d’intérêt communal - "environnement construit - C" » soit supprimée, sans avoir, pour le surplus, critiqué à proprement dit la mise en place de mesures de protection sur l’immeuble en tant que tel.
Les consorts (ABC) concluent au rejet de ce moyen dans ces deux volets pour ne pas être fondé.
Le tribunal rappelle qu’à travers les articles 10 et suivants de la loi du 19 juillet 2004, le législateur a mis en place une procédure d’adoption des PAG qui se déroule en plusieurs étapes, comprenant notamment une enquête publique. Ainsi, l’article 12 de ladite loi dispose qu’après le vote du conseil communal prévu par l’article 10, le projet d’aménagement général fait l’objet d’une publication, comprenant, notamment, le dépôt du projet pendant trente jours à la maison communale où le public peut en prendre connaissance, ainsi que des mesures de publicité de ce dépôt. L’article 13 de la même loi prévoit que dans le délai de trente jours de la publication du dépôt du projet dans les quatre quotidiens imprimés et publiés au Grand-Duché de Luxembourg, les observations et objections contre le projet doivent être présentées par écrit au collège échevinal, sous peine de forclusion. Cette disposition légale prévoit encore qu’au cas où une ou plusieurs réclamations écrites ont été présentées dans le délai, le collège échevinal convoque les réclamants qui peuvent, en vue de l’aplanissement des différends, 2 Article 29 de la loi du 21 juin 1999 : « L’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense. ».
présenter leurs observations. Aux termes de l’article 14, alinéa 1er de la loi du 19 juillet 2004, le projet d’aménagement général est ensuite soumis au conseil communal qui peut approuver le projet dans sa forme originale ou y apporter des modifications qui soit sont proposées par la commission d’aménagement, soit répondent en tout ou en partie à l’avis émis par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, soit prennent en compte en tout ou en partie des observations et objections présentées. En vertu du 3e alinéa du même article, le conseil communal est tenu de renvoyer le dossier au collège échevinal lorsqu’il entend apporter des modifications autres que celles visées à l’alinéa 1er. Enfin, il peut rejeter le projet d’aménagement général présenté et dans cette hypothèse, le dossier est clôturé. Aux termes de l’article 15 de la loi du 19 juillet 2004, la décision du conseil communal fait l’objet d’une publication, par voie d’affichage et par notification aux personnes ayant introduit une réclamation écrite. Cette publication est suivie d’une procédure de réclamation devant le ministre de l’Intérieur, organisée par l’article 16 de la même loi, libellé comme suit : « Les réclamations contre le vote du conseil communal introduites par les personnes ayant réclamé contre le projet d’aménagement général conformément à l’article 13 doivent être adressées au ministre dans les quinze jours suivant la notification prévue à l’article qui précède, sous peine de forclusion.
Les réclamations dirigées contre les modifications apportées au projet par le conseil communal doivent être adressées au ministre dans les quinze jours de l’affichage prévu à l’article qui précède, sous peine de forclusion.
Sont recevables les réclamations des personnes ayant introduit leurs observations et objections conformément à l’article 13 et les réclamations dirigées contre les modifications apportées au projet par le conseil communal lors du vote. ». Aux termes de l’article 18 de ladite loi du 19 juillet 2004, le ministre de l’Intérieur est, par la suite, amené à statuer sur les réclamations lui soumises, en même temps qu’il décide de l’approbation définitive du projet d’aménagement général, dénommé PAG dès cette approbation.
Aux termes d’une jurisprudence des juridictions administratives devenue constante, le recours introduit devant le juge administratif contre un PAG n’est recevable qu’à condition de l’épuisement de la procédure non contentieuse de réclamation ainsi mise en place par les articles 13 et suivants de la loi du 19 juillet 2004, impliquant en particulier que l’omission de formuler une objection à l’adresse de l’autorité communale ou une réclamation à adresser au ministre de l’Intérieur à l’encontre du vote du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général3, entraîne l’irrecevabilité omisso medio du recours devant le juge administratif.
En ce qui concerne le contenu de la réclamation à adresser au collège échevinal, respectivement au ministre de l’Intérieur, il convient d’abord de constater que la loi du 19 juillet 2004 a prévu à travers ses articles 13 et suivants, une procédure non contentieuse d’adoption et d’approbation des PAG, tendant à voir disparaître au cours de l’élaboration du PAG, les objections et réclamations solutionnées, tout en ne laissant subsister que celles maintenues et réitérées. Le fait que l’intention du législateur est de faire disparaître au fur et à mesure des procédures d’aplanissement des différends les différentes demandes et réclamations des administrés implique que seules les réclamations d’ores et déjà formulées au cours de la procédure précontentieuse sont susceptibles d’être portées devant le juge administratif, étant 3 P. ex. : Cour adm., 17 avril 2008, n° 23846C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Urbanisme, n° 439 et les autres références y citées.
précisé, à cet égard, que la motivation à l’appui de ces réclamations peut être complétée et développée durant la phase contentieuse pour autant que la réclamation en elle-même ait d’ores et déjà été présentée en phase précontentieuse.
Il y a partant lieu de distinguer entre le moyen nouveau avancé à l’appui d’une réclamation et la demande nouvelle invoquée une toute première fois devant les juridictions administratives. Ainsi, le moyen nouveau qui se définit comme la raison de droit ou de fait invoquée à l’appui de la réclamation est susceptible d’être invoqué devant le tribunal administratif même s’il y est invoqué pour la première fois, pour autant que la réclamation ait d’ores et déjà traversé la procédure précontentieuse sans aboutir. En revanche, les demandes nouvelles, se définissant comme demandes qui diffèrent de la demande initiale contenue dans l’observation ou la réclamation par son objet, par sa cause ou par les personnes entre qui elle est engagée, n’ayant pas été présentées au cours de la procédure d’élaboration du PAG, mais qui sont invoquées pour la première fois devant les juges administratifs sont irrecevables4.
Au vu de la finalité de la procédure précontentieuse de réclamation mise en place par le législateur dans le cade de l’adoption d’un PAG, consistant à voir disparaître, au cours de l’élaboration de ce dernier, les objections et réclamations solutionnées, tout en ne laissant subsister que celles maintenues et réitérées, sont irrecevables non seulement les demandes nouvelles stricto sensu, c’est-à-dire jamais formulées au cours de la phase précontentieuse, mais aussi celles formulées dans le cadre des objections adressées au collège échevinal, mais non réitérées devant le ministre de l’Intérieur par voie de réclamation.
En l’espèce, et pour ce qui est de l’inscription à titre indicatif dans la partie graphique du PAG d’une zone « Biotope protégé » sur une partie de la parcelle litigieuse, il se dégage des pièces versées en cause que dans le cadre de leurs objections adressées au collège échevinal, les parties requérantes ont contesté le classement seulement partiel de leur parcelle en zone d’habitation 1 [HAB-1], ci-après désignée par la « zone [HAB-1] », tout en critiquant, par ailleurs, l’inscription à titre indicatif sur la partie de leur parcelle classée en zone agricole [AGR], ci-après désignée par la « zone [AGR] », d’une zone « Biotope protégé ». Il apparaît, par ailleurs, qu’à travers leur réclamation adressée au ministre de l’Intérieur, elles ont cherché en substance à convaincre celui-ci de ne pas approuver la décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général en critiquant à nouveau l’inscription à titre indicatif sur une partie de leur parcelle d’une zone « Biotope protégé », tout en contestant plus particulièrement, dans ce contexte, que le classement d’une partie de leur parcelle en zone [AGR] puisse être motivé par l’existence d’une zone « Biotope protégé » qui elle-même reposerait sur des documents dépourvus de tout effet juridique.
En ce qui concerne le classement de l’immeuble situé sur la parcelle litigieuse pour partie en tant que « construction à conserver » et pour partie en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver », le tribunal relève que les parties requérantes ont sollicité à travers leurs objections devant le collège échevinal et leur réclamation devant le ministre de l’Intérieur à voir « omettre purement et simplement le classement de la parcelle n°P(1) en « Secteur et élément protégés d’intérêt communal - "environnement construit - C" », tout en critiquant dans le cadre des développements formulés à la base de cette demande non seulement la superposition de leur parcelle d’une zone « Secteur et élément protégés d’intérêt communal - "environnement construit - C" », mais également la désignation de l’immeuble s’y trouvant, 4 Trib. adm., 28 juin 2018, n° 39248 du rôle, non réformé sur ce point par Cour adm., 7 février 2019, n° 41544C du rôle ; voir également : trib. adm., 4 octobre 2018, n° 39421 du rôle, non réformé sur ce point par Cour adm., 21 mars 2019, nos 41948C et 41949C du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.
pris individuellement, pour partie en tant que « construction à conserver » et pour partie en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver ». Ils ont, plus particulièrement, mis en avant une série d’éléments qui rendraient, selon eux, l’immeuble localisé sur leur parcelle incompatible avec la définition d’une « construction à conserver » telle que contenue à l’article 21 de la partie graphique du PAG.
Le tribunal constate ensuite que le recours contentieux sous examen vise, à son tour, l’annulation de la décision du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général et de la décision ministérielle portant approbation de celle-ci.
En tout état de cause, indépendamment de l’argumentation juridique soulevée, d’abord, devant le collège échevinal, ensuite, devant le ministre de l’Intérieur, et finalement, devant le tribunal, force est de constater que les demandes présentées dans chacune de ces étapes procédurales sont identiques, en ce qu’elles tendent, en substance, à la disparition de l’ordonnancement juridique du PAG sous examen. En effet, aucune demande nouvelle ne peut être décelée dans le présent recours par rapport aux observations, objections et réclamation formulées au cours de la phase précontentieuse.
Au vu des considérations qui précèdent, le moyen afférent d’irrecevabilité omisso medio sous analyse est dès lors à rejeter.
iii) Quant à la recevabilité du recours pour le surplus A défaut d’autre moyen d’irrecevabilité circonstancié, le recours en annulation tel que dirigé contre les deux actes déférés est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
III. Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, en application de son article 16, (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable et (ix) par la loi du 4 novembre 2024 portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004.
Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où ils ont été pris5, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par les loi précitées du 7 août 2023 et du 4 novembre 2024, entrées en vigueur postérieurement à la délibération du conseil communal du 11 février 2022 portant adoption du projet d’aménagement général ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.
Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.
IV. Quant au fond Prétentions des parties A l’appui de leur recours, et après avoir rappelé les faits et rétroactes à la base des décisions prémentionnées, les demandeurs expliquent être les copropriétaires de la parcelle P(1).
En droit, les critiques formulées à l’encontre des décisions d’adoption et d’approbation du PAG visent :
- le classement seulement partiel de la parcelle P(1) en zone [HAB-1], - l’inscription à titre indicatif d’une zone « Biotope protégé » sur une partie de la parcelle P(1), et - le classement du bâtiment existant sur la parcelle P(1) pour partie en tant que « construction à conserver » et pour partie en tant que « gabarit d’une construction existante à conserver ».
1. Quant au classement partiel de la parcelle P(1) en zone [HAB-1] Prétentions des parties Les demandeurs contestent la motivation avancée par la commune d’Esch-sur-Sûre, ci-
après désignée par « la commune », à la base de son choix de classer une partie seulement de leur parcelle en zone [HAB-1], tel que confirmé par le ministre de l’Intérieur, à savoir la volonté d’éviter un développement tentaculaire de la localité d’….
En se référant au classement en zone [HAB-1] de la parcelle voisine à la leur, référencée sous le numéro cadastral P(5), ci-après désignée par la « parcelle P(5) », ils font valoir qu’ils auraient déjà signalé, dans le cadre de la phase précontentieuse, que l’inclusion de l’intégralité de leur propre parcelle dans la zone aedificandi aurait permis d’arrondir le tissu urbain jusqu’à la limite du périmètre constructible de ladite parcelle voisine et a fortiori de mettre un terme au développement tentaculaire actuellement perceptible à cet endroit en raison justement de l’inclusion de toute la parcelle voisine en zone [HAB-1].
5 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 23 et les autres références y citées.
Ils ajoutent qu’il se dégagerait de la décision ministérielle d’approbation attaquée que le ministre de l’Intérieur aurait fait droit à une réclamation des propriétaires de la parcelle voisine en question ayant visé à faire déplacer une servitude d’intégration paysagère de leur parcelle sur la parcelle voisine localisée en zone [AGR], au motif que la modification de cette servitude s’imposerait afin de garantir « d’une part une intégration harmonieuse des futures constructions dans le paysage, sans pour autant hypothéquer le développement rationnel des fonds ». Il devrait en être déduit que la parcelle P(5) aurait vocation à recevoir d’autres constructions et que le ministre de l’Intérieur ne s’opposerait aucunement à ce que le « développement tentaculaire » qualifié de malsain en ce qui concerne la parcelle des demandeurs, soit amplifié au niveau de la parcelle voisine.
Au vu de ces considérations, les demandeurs sont d’avis que le refus de classer l’intégralité de leur parcelle en zone [HAB-1] ne saurait être valablement motivé par un risque de développement tentaculaire à cet endroit.
Ils ajoutent qu’à plusieurs reprises le conseil communal aurait décidé, dans des situations comparables, d’inclure de nouvelles parcelles en zone [HAB-1]. Ils renvoient, à cet égard, plus particulièrement à la situation d’une parcelle se trouvant, comme la leur, à l’entrée de la localité d’… et pour laquelle les autorités communales avaient jugé bon d’étendre la zone [HAB-1] d’un côté de la rue au même niveau que la zone [HAB-1] d’ores et déjà existante de l’autre côté de la rue.
Pour toutes ces raisons, les décisions d’adoption et d’approbation du PAG seraient à annuler.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs maintiennent leurs contestations en insistant sur le fait que si les autorités communale et étatique avaient réellement cherché à éviter un développement tentaculaire de la localité d’… en mettant fin à une situation qualifiée par elles de « malsaine », elles auraient pu, en application du principe de mutabilité des PAG, réduire la surface constructible de la parcelle P(5) à celle d’ores et déjà construite, à l’instar de ce qui aurait été fait pour leur parcelle. Afin de sous-tendre leur argumentation, ils retracent l’historique du classement des parcelles P(1) et P(5) au fil de l’élaboration du PAG litigieux dont il se dégagerait clairement qu’il ne saurait être raisonnablement soutenu que l’exclusion de l’intégralité de leur parcelle du périmètre constructible serait justifiée par la volonté de ne pas aggraver un développement qualifié de « malsain » ou encore par celle de vouloir éviter que « l’image du village » ne soit détruite. Ils renvoient, à cet égard, à l’avis du ministre de l’Environnement du 22 février 2018 relatif à l’évaluation environnementale stratégique (EES) rendu en relation avec le nouveau PAG de la commune, ainsi qu’à l’avis du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 26 octobre 2020 sur le projet de PAG ainsi que le rapport afférent sur les incidences environnementales dans lesquels il aurait également été préconisé de réduire la surface constructible de la parcelle P(5) en la faisant correspondre au même niveau de constructibilité que celui actuellement réservé à la parcelle litigieuse. Malgré ces avis, l’autorité communale aurait décidé de renforcer un développement qu’elle qualifierait désormais de malsain, le tout dans le but d’assurer une constructibilité maximale de la parcelle P(5), tel que cela se dégagerait de l’extrait de l’addendum de l’EES versé en cause par les parties demanderesses.
Les demandeurs maintiennent ensuite leur argumentation suivant laquelle dans des situations comparables à celle de leur parcelle, l’autorité communale n’aurait pas hésité à arrondir le tissu urbain en incluant des parcelles jusque-là non constructibles dans la zone aedificandi, tout en contestant les justifications avancées par la partie communale dans son mémoire en réponse pour dénier le fait que d’autres parcelles se trouvant dans des situations comparables auraient été traitées de manière différente. Ils estiment qu’en tout état de cause, le refus d’inclure l’ensemble de leur parcelle en zone constructible serait contraire à l’article 10bis de la Constitution en vigueur jusqu’au 1er juillet 2023.
Ils ajoutent qu’au-delà de ce constat, les décisions litigieuses seraient encore contraires à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, en application duquel les communes devraient garantir une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural, de même qu’un développement harmonieux des structures urbaines et rurales puisque l’inclusion de l’intégralité de leur parcelle aurait, selon eux, précisément permis de mettre fin à un développement tentaculaire à l’endroit en cause.
Les demandeurs affirment enfin que le principe de proportionnalité aurait été violé par les autorités compétentes qui, au lieu de rejeter leur demande à voir intégrer la totalité de leur parcelle dans la zone aedificandi, auraient pu se limiter à mettre en place des mesures d’intégration paysagère, à l’instar de ce qui aurait été fait notamment au niveau de la parcelle P(5).
Les parties communale et étatique concluent, quant à elles, au rejet de ces moyens pour ne pas être fondés.
Analyse du tribunal Il y a tout d’abord lieu de relever que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité6.
S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation7, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent 6 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 42 et les autres références y citées.
7 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17315 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Urbanisme, n° 876 et les autres références y citées.
être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés.
Quant aux objectifs devant guider les autorités communales lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par:
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire;
(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables;
(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-
dessus;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».
L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».
Il s’ensuit que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs PAG, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations.
Par ailleurs, en ce qui concerne la finalité d’intérêt général à laquelle les plans d’aménagement doivent tendre, il convient de constater que les décisions portant adoption, voire modification d’un plan d’aménagement sont, dans leur essence même, prises dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire8, étant entendu que la charge de la preuve afférente incombe au demandeur invoquant les faits incriminés. Dans le même contexte, il échet encore de préciser qu’il n’y a pas lieu de démontrer que la décision ait été prise exclusivement dans l’intérêt général, mais, en revanche, que la décision ne soit pas contraire à l’intérêt général9.
Il convient ensuite de rappeler que la mutabilité des plans d’aménagement général relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné10. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’un dépassement dans le chef des autorités compétentes de leur marge d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-après.
En l’espèce, il est constant en cause que sous l’ancien PAG, la majeure partie de la parcelle litigieuse se trouvait classée vers le nord en zone [AGR], tandis que le reste de la parcelle était classée en zone constructible.
Dans le nouveau PAG, la zone constructible a été étendue pour inclure l’intégralité de la construction se trouvant sur la parcelle litigieuse, tandis que le reste de la parcelle a été maintenue en zone [AGR], étant relevé que sur cette dernière partie a été inscrite à titre indicatif une zone « Biotope protégé ».
L’article 13 de la partie écrite du PAG, figurant dans le chapitre 2, intitulé « Zone verte », définit la zone [AGR] comme suit : « Dans les parties du territoire de la commune définies en zone agricole, seuls peuvent être érigés des constructions et aménagement servant à l’exploitation agricole, jardinière, maraîchère, sylvicole, piscicole, apicole ou cynégétique ou à un but d’utilité publique, sans préjudice aux disposions de la loi concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.
La commune ne peut être obligée à réaliser à se frais l’extension des réseaux d’égout ou de distribution d’eau potable.
Les constructions, aménagement et affectations d’immeubles dûment autorisés et non conformes au moment de l’entrée en vigueur du présent règlement bénéficient d’un droit acquis. Des travaux de transformations mineurs, de conservation et d’entretien sont autorisés. ».
Il convient ensuite de relever que les contestations des demandeurs en relation avec le classement de leur parcelle visent à voir intégrer celle-ci intégralement en zone [HAB-1].
Il y a, à cet égard, lieu de constater que les demandeurs estiment, en substance, que la non-inclusion de la partie nord de leur parcelle en zone [HAB-1] ne permettrait pas d’atteindre 8 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 11 et les autres références y citées.
9 V. en ce sens : Trib. adm. 26 février 2004, n° 16974 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
10 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.
adm. 2024, V° Urbanisme, n° 234 (1er volet) et les autres références y citées.
l’objectif poursuivi par les autorités communale et ministérielle, à savoir éviter un développement tentaculaire de la localité d’…, mais qu’au contraire, le fait de maintenir, d’un côté, la parcelle P(5) dans la zone constructible sans, en même temps, étendre celle-ci à toute leur parcelle, conduirait nécessairement au renforcement d’un tel développement tentaculaire.
De ce fait, les autorités compétentes auraient, en l’espèce, dépassé leur marge d’appréciation ce qui devrait entraîner l’annulation des décisions litigieuses pour excès de pouvoir. Ils sont, dans ce contexte, d’avis que l’inscription sur une partie de leur parcelle d’une zone « Biotope protégé » ne pourrait pas justifier le refus d’intégrer toute leur parcelle en zone constructible.
Ils invoquent, par ailleurs, une violation de l’article 10bis de la Constitution en vigueur jusqu’au 1er juillet 2023, au motif que dans des situations comparables, la commune n’aurait pas hésité à arrondir le tissu urbain en incluant des parcelles jusque-là non constructibles dans la zone constructible.
(i) Quant aux contestations ayant trait à la justification invoquée à la base du classement d’une partie de la parcelle en zone [AGR] Le tribunal se doit tout d’abord de relever, face aux contestations mises en avant à l’encontre des motifs avancés par l’autorité communale à la base du maintien en zone [AGR] de la partie nord de la parcelle litigieuse, qu’en matière d’urbanisme, une commune bénéficie d’un droit d’appréciation très étendu en vertu du principe de l’autonomie communale inscrit à l’article 107 de la Constitution11 en vigueur jusqu’au 1er juillet 2023, l’analyse de la légalité des décisions étant à opérer par les juridictions administratives selon les préceptes ci-avant détaillés.
Appliquées au recours sous examen, les considérations qui précèdent impliquent que même dans l’hypothèse où les demandeurs argumenteraient à raison que leur parcelle se prêterait intégralement à un classement en zone constructible, le droit d’appréciation très étendu dont bénéficient les autorités communales n’en pâtirait pas et celles-ci resteraient libres de décider de l’affectation du site concerné, sans être liées par l’appréciation des parties demanderesses, d’autant plus que le seul fait que le site se prêterait à un classement en zone constructible ne signifie aucunement que tout autre classement serait automatiquement exclu, sous condition que le classement retenu réponde à une finalité d’intérêt général.
Il y a, par ailleurs, lieu de rappeler que la mission du juge administratif saisi d’un recours en annulation en matière réglementaire et plus particulièrement en matière de PAG exclut le contrôle des considérations d’opportunité et notamment d’ordre politique, à la base de l’acte administratif attaqué et inclut la vérification, d’après les pièces et éléments du dossier administratif, de ce que les faits et considérations sur lesquels s’est fondée l’administration sont matériellement établis à l’exclusion de tout doute.
Si les autorités communales bénéficient d’une large liberté d’appréciation en matière d’actes réglementaires et plus particulièrement en matière de PAG, en vertu du principe de l’autonomie communale, il n’en reste pas moins que, tel que relevé ci-avant, tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité et que cette exigence de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général.
11 Trib. adm. 30 septembre 2013, n° 30838 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Tutelle administrative, n°38 et l’autre référence y citée, de même que : trib. adm. 9 juillet 2007, n° 22242 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Tutelle administrative, n° 41 et les autres références y citées.
En l’espèce, il se dégage de l’extrait du registre aux délibérations du 10 juin 2022 que lors de sa séance publique du même jour, le conseil communal a avisé défavorablement la réclamation adressée par les demandeurs au ministre de l’Intérieur ayant visé à voir « reprendre l’intégralité de la parcelle P(1) dans la zone d’urbanisation dans la logique de la parcelle voisine de l’autre côté de la rue […] », en se ralliant à la position du collège échevinal suivant laquelle il y aurait lieu de la « [m]aintenir en zone agricole (zone verte) » afin de ne pas augmenter le « potentiel de développement » et afin « d’éviter tout développement au-delà de la crête, vu l’impact visuel trop important sur le "paysage ouvert" ». La commune a, dans ce contexte, précisé dans le cadre de la procédure contentieuse que ce serait pour éviter le maintien artificiel d’une construction existante en zone verte que la zone constructible avait été étendue jusqu’à la limite de la construction d’ores et déjà existante sur la parcelle litigieuse mais que face au potentiel de développement déjà important dans la localité d’…, le classement supplémentaire en zone constructible du reste de la parcelle, qui serait qui plus est exposée d’un point de vue paysager, serait apparu comme étant superflu et non nécessaire au regard des objectifs communaux d’aménagement du territoire exprimés dès le départ dans le cadre de l’étude préparatoire. Elle a encore ajouté ne pas avoir voulu aggraver une situation d’ores et déjà malsaine d’un point de vue urbanistique, respectivement l’impact paysager qui résulterait d’une urbanisation de la partie de la parcelle déjà classée en zone [AGR] avant la refonte du PAG.
Le ministre de l’Intérieur, dans sa décision litigieuse, après avoir relevé que l’extension de la zone constructible telle que sollicitée par les demandeurs contribuerait à un développement tentaculaire de la localité, ce qui serait contraire aux objectifs posés par l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, a souligné que l’existence d’une situation déjà malsaine d’un point de vue urbanistique ne justifierait pas d’amplifier davantage le caractère d’ores et déjà tentaculaire de la situation. La partie étatique a insisté dans le cadre de la procédure contentieuse sur la localisation de la parcelle litigieuse à l’entrée du village d’… qui serait marquée par un certain nombre d’éléments naturels, tels que des haies et des pâtures, et qui impliquerait qu’une nouvelle construction sur la partie non urbanisée de la parcelle litigieuse détruirait cette image. Elle a ajouté que l’inclusion de la partie de la parcelle en cause en zone constructible aggraverait le développement tentaculaire de la localité d’… le long de la rue …, tout en soulignant la volonté communale d’opter pour une évolution concentrique de la localité impliquant la priorisation de l’urbanisation de parcelles se situant à l’intérieur de la localité.
Le tribunal relève tout d’abord qu’il se dégage de la partie graphique du PAG que la parcelle litigieuse est située à l’extrémité nord-ouest de la localité d’…. Si elle est certes attenante à l’ouest et au sud à une zone d’habitation, elle se situe pour le surplus le long de la rue … qui se caractérise par le fait qu’elle constitue un nouveau prolongement de la localité en direction d’un espace non construit et qui présente d’ores et déjà un caractère tentaculaire par rapport au noyau de la localité, situation regrettable résultant d’un régime urbanistique antérieur.
En ce qui concerne les considérations urbanistiques mises en avant par l’autorité communale, telles qu’entérinées par le ministre de l’Intérieur à travers sa décision d’approbation, pour justifier son refus de faire droit à la demande des consorts (ABC) de classer l’intégralité de la parcelle litigieuse en zone constructible, le tribunal relève qu’il est de jurisprudence que l’accent mis sur un développement concentrique d’une agglomération par exclusion, dans la mesure du possible, de toute excroissance d’ordre tentaculaire ou désordonnée répond à des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations de nature à tendre à confluer de manière utile avec l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné et est de nature à tendre à une finalité d’intérêt général.
Or, le classement en zone constructible de l’intégralité de la parcelle litigieuse, située, tel que relevé ci-avant, le long de la rue … à l’extrémité nord-ouest de la localité d’… aboutirait non seulement à une aggravation du développement tentaculaire d’ores et déjà existant à cet endroit, mais aurait également un impact paysager significatif du fait que la parcelle litigieuse se situe, de manière non contestée, en bordure de localité sur un plateau visible de loin.
S’il est vrai que la situation telle qu’existant à l’endroit en cause peut être qualifiée de malsaine en raison du maintien du classement en zone constructible de la parcelle P(5) - se situant de l’autre côté de la rue … à la même hauteur que la parcelle litigieuse – et du fait qu’une urbanisation future de celle-ci en bordure de localité de l’autre côté de la crète s’y trouvant risque d’impacter le paysage, il n’en reste pas moins que cet état de fait ne saurait à lui seul y justifier une aggravation du développement tentaculaire et de l’impact paysager en procédant à l’inclusion de l’entièreté de la parcelle des demandeurs en zone constructible. En effet, il est admis que des incohérences éventuellement commises par le passé, à différents niveaux, notamment à travers des autorisations conférées au niveau communal, en matière de bâtisses et de fixations de domicile, ne sont pas de nature à pouvoir infléchir utilement le choix urbanistique conforme à la législation pertinente applicable en la matière au moment de la prise de décisions attaquées par les demandeurs. Or, l’extension sollicitée par les demandeurs aggraverait non seulement le développement tentaculaire existant d’ores et déjà à l’endroit en cause tout en y impactant le paysage, mais elle contribuerait, par ailleurs, inévitablement à rendre encore plus difficile un développement cohérent et concentrique de la localité, tel que pourtant recherché par la commune compte tenu de son potentiel de développement d’ores et déjà important au niveau des seuls terrains situés en zone constructible, étant à cet égard relevé qu’il se dégage de la fiche de présentation de la localité d’…, telle que reproduite dans le mémoire en réponse de la partie communale, qu’une urbanisation des terrains se situant d’ores et déjà en zone constructible permettrait à elle seule de quasiment doubler la population actuelle de ladite localité.
Ce constat n’est pas ébranlé par la situation de la parcelle P(5) laquelle n’est pas comparable à celle de la parcelle litigieuse puisque contrairement à la parcelle des demandeurs qui était classée pour sa plus grande partie en zone [AGR] sous l’ancien PAG et dont le classement en zone non aedificandi a été maintenu, mais de manière réduite afin d’inclure en zone constructible l’intégralité de la construction s’y trouvant, la parcelle voisine était, quant à elle, déjà auparavant intégralement classée en zone constructible, de sorte que son classement antérieur a été tout simplement maintenu. A cela s’ajoute qu’il se dégage de la partie graphique du PAG que ladite parcelle a été superposée à son extrémité nord-est du côté longeant la rue … d’une « zone de servitude « urbanisation – intégration paysagère » dans laquelle sont, sauf certaines exceptions limitativement énumérées, « interdits toute construction ainsi que tout remblai et déblai » et ce afin de réduire autant que possible l’impact qu’une future urbanisation de ladite parcelle pourrait avoir sur le paysage environnant et la vue lointaine, étant encore relevé que ladite zone de servitude a été étendue jusqu’au milieu de la parcelle référencée sous le numéro P(6), immédiatement adjacente à la parcelle P(5) de son côté nord.
Au vu des considérations qui précèdent le choix communal de ne pas classer l’intégralité de la parcelle litigieuse, située en bordure de localité sur un plateau visible de loin, en zone constructible mais seulement la partie de la parcelle d’ores et déjà urbanisée, tout en maintenant, pour le surplus, le classement en zone [AGR] de la partie non urbanisée est retraçable à suffisance d’un point de vue urbanistique pour être compatible avec la volonté communale de freiner le développement tentaculaire de la localité d’… et d’éviter une aggravation de l’impact paysager à l’entrée de la localité, tout en tenant néanmoins compte de la situation factuelle de la parcelle litigieuse et plus particulièrement de l’existence d’une construction dont le régime juridique antérieur à la refonte était nécessairement insatisfaisant puisqu’elle était classée pour partie en zone constructible et pour partie en zone non constructible et donc soumise aux contraintes découlant de la loi modifiée du 18 juillet 2018 relative à la protection de la nature et des ressources naturelles.
Dans ces circonstances, le tribunal retient que le classement de l’intégralité de la parcelle litigieuse en zone aedificandi, tel que revendiqué par les demandeurs, en ce qu’il serait de nature à renforcer un développement tentaculaire préexistant et à aggraver une situation d’ores et déjà insatisfaisante d’un point de vue urbanistique, respectivement à impacter le paysage de manière négative, serait contraire aux objectifs d’une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural, d’un développement harmonieux du territoire de la localité d’…, ainsi que du respect d’un niveau élevé de protection du paysage, tels que prévus par les points a), b) et e) de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal ne saurait déceler dans le chef des autorités communale et de tutelle un dépassement de leur marge d’appréciation en prenant les décisions litigieuses, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.
(ii) Quant au reproche tenant à une violation du principe d’égalité de traitement Le tribunal relève que le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, tel qu’inscrit à l’article 10bis de la Constitution en vigueur jusqu’au 1er juillet 2023, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon.
Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient, par conséquent, aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe d’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but12. Pour que le principe d’égalité devant la loi puisse être valablement mis en œuvre, il convient dès lors de pouvoir dégager deux situations comparables par rapport auxquelles une inégalité de traitement puisse être utilement invoquée.
En l’espèce, force est toutefois de constater, à l’instar des parties étatique et communale, que la situation de la parcelle des demandeurs et celle des quatre autres parcelles mises en avant par eux pour sous-tendre le moyen sous analyse ne sont pas comparables.
En effet, pour ce qui est de la parcelle invoquée à titre d’« Exemple 1 », à savoir la parcelle P(7) située à l’ouest de la localité d’…, il se dégage des explications non autrement 12 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 9 et les autres références y citées.
énervées de la partie communale, sous-tendues, par ailleurs, par la partie graphique du PAG, que si certes celle-ci était également classée en zone non constructible sous l’empire de l’ancien PAG, il n’en reste pas moins que, contrairement à la parcelle litigieuse laquelle se trouve à l’extrémité du tentacule présent le long de la rue … laquelle donne sur un petit vallon et se prolonge en direction d’une zone non constructible, la parcelle invoquée par les demandeurs se trouve proche du noyau de la localité d’… et au bout d’une rue sans issue, de sorte que son inclusion dans la zone constructible permet d’urbaniser le dernier terrain non encore urbanisé de cette rue et donc d’y combler une lacune dans le tissu urbain existant sans avoir un impact d’ordre paysager.
Pour ce qui est de la situation de la parcelle invoquée à titre d’« Exemple 2 », c’est à bon droit que la partie communale fait valoir que celle-ci ne serait pas comparable à celle de la parcelle litigieuse pour se trouver non seulement dans une rue plane, mais pour être, qui plus est, marquée par sa proximité avec une zone de sports et de loisirs [REC] et avec une zone de bâtiments et d’équipements publics [BEP], contrairement à la parcelle des demandeurs qui, tel que relevé ci-avant, se trouve à l’extrémité d’un tentacule se prolongeant en direction d’une zone non urbanisée.
Enfin, en ce qui concerne les « Exemple 3 » et « Exemple 4 », il y a lieu de constater qu’ils visent la situation des parcelles inscrites au cadastre de la commune d’Esch-sur-Sûre, section …, sous les numéros P(8), P(9) et P(10) lesquelles sont situées sur la rue …, à l’extrémité sud-est de la localité d’…, à l’entrée du village en venant de la localité de …. Il y a, à cet égard, lieu de relever qu’il se dégage des explications non autrement énervées de la partie communale que la parcelle référencée sous le numéro P(10), située au sud de la rue …, a été intégrée dans la zone constructible pour les mêmes raisons que l’a été une partie de la parcelle litigieuse, à savoir afin de tenir compte de la construction y étant d’ores et déjà érigée.
Si certes il a été décidé de reclasser des parties des parcelles P(8) et P(9), situées au nord de la rue … dans la zone constructible dans le but affirmé d’arrondir à cet endroit les angles de la localité, il n’en reste pas moins que les demandeurs ne sauraient valablement se prévaloir de cette situation pour invoquer un traitement inégalitaire dans leur chef. En effet, la situation des parties de parcelles reclassées en zone constructible à cet endroit n’est pas comparable à celle de la parcelle litigieuse puisqu’il se dégage de la partie graphique du PAG qu’outre le fait que les terrains en question se situent plus près du noyau de la localité, à un endroit où l’urbanisation de ladite localité s’est développée dans toutes les directions sauf vers l’est, l’impact paysager d’un reclassement en zone constructible des parties de terrains en question n’a nécessairement, au vu de leur localisation et notamment du fait que lesdits terrains ne se trouvent pas sur un plateau visible de loin, pas le même impact paysager qu’un classement de la partie nord de la parcelle des demandeurs en zone constructible.
Au vu des considérations qui précèdent, le moyen tenant à une violation de l’article 10bis de la Constitution en vigueur jusqu’au 1er juillet 2023 est dès lors à rejeter pour être non fondé.
2. Quant à l’inscription d’une zone « Biotope protégé » sur une partie de la parcelle P(1) Prétentions des parties Tout en concédant que « le classement » à titre indicatif d’une parcelle en zone « Biotope protégé » ne saurait avoir une quelconque conséquence normative, les demandeurs font valoir que la mise en place à l’endroit en cause d’une zone « Biotope protégé » n’aurait jamais fait l’objet d’une consultation du public puisqu’il se dégagerait de la légende de la partie graphique du PAG que « ce classement » reposerait sur les documents « Cadastre des biotopes protégés, Ministère du Développement Durable et des Infrastructures, 2019 », respectivement sur « [l]es biotopes de l’agglomération, Zeyen+Baumann, 2007 ». Or, comme la convention d’Aarhus du 25 juin 1998 sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, ci-après désignée par la « Convention d’Aarhus », à laquelle le Luxembourg est partie, prévoirait notamment de donner au public la possibilité de formuler des observations, soit directement, soit par l’intermédiaire d’organes consultatifs représentatifs, en l’absence de procédure préalable de consultation du public, l’inscription, sur base d’un cadastre des biotopes ou encore d’un relevé dressé par un bureau d’urbaniste, d’une zone « Biotope protégé » à l’endroit de la parcelle litigieuse serait per se illégale et donc à omettre.
Dans leur mémoire en réplique, les consorts (ABC) demandent acte que dans la mesure où les parties communale et étatique estimeraient que le classement d’une partie de leur parcelle en zone « Biotope protégé » n’aurait pas de conséquence normative, « ce classement » ne saurait pas non plus être à la base du refus d’intégrer la totalité de leur parcelle en zone aedificandi.
Ils ajoutent que comme il se dégagerait de la partie graphique du PAG que les biotopes renseignés par celle-ci découleraient du cadastre des biotopes, ce serait lors de l’élaboration de celui-ci que la Convention d’Aarhus aurait dû être respectée.
Enfin, les demandeurs mettent en avant que comme les biotopes renseignés dans le PAG n’auraient aucune valeur juridique, ils n’auraient pas leur place dans un texte réglementaire, tel un PAG, qui a un effet normatif et est donc censé produire des effets juridiques.
Pour toutes ces raisons, « le classement en question » serait illégal.
Les parties défenderesses concluent au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal Aux termes de l’article 8 de la Convention d’Aarhus, réglementant la « [p]articipation du public durant la phase d’élaboration de dispositions réglementaires et/ou d’instruments normatifs juridiquement contraignants d’application générale » :
« Chaque partie s'emploie à promouvoir une participation effective du public à un stade approprié - et tant que les options sont encore ouvertes - durant la phase d'élaboration par des autorités publiques des dispositions réglementaires et autres règles juridiquement contraignantes d'application générale qui peuvent avoir un effet important sur l'environnement. À cet effet, il convient de prendre les dispositions suivantes :
a) fixer des délais suffisants pour permettre une participation effective ;
b) publier un projet de règles ou mettre celui-ci à la disposition du public par d'autres moyens, et c) donner au public la possibilité de formuler des observations, soit directement, soit par l'intermédiaire d'organes consultatifs représentatifs.
Les résultats de la participation du public sont pris en considération dans toute la mesure du possible. ».
Le tribunal relève tout d’abord qu’il se dégage des pièces versées en cause et plus particulièrement de la partie graphique du PAG que la partie de la parcelle litigieuse classée en zone [AGR] a été superposée d’une zone « Biotope protégé », laquelle figure d’après la légende de la même partie graphique sous la rubrique « Indications complémentaires (à titre indicatif) ».
Il convient ensuite de relever qu’aux termes de l’article 5 de la loi du 19 juillet 2004 « Le plan d’aménagement général est un ensemble de prescriptions graphiques et écrites à caractère réglementaire qui se complètent réciproquement et qui couvrent l’ensemble du territoire communal qu’elles divisent en diverses zones dont elles arrêtent l’utilisation du sol […] », prescriptions dont toute violation est sanctionnée pénalement conformément à l’article 107 de la même loi, lequel dispose en effet que « Sont punis d’un emprisonnement de huit jours à deux mois et d’une amende de 251 à 125.000 euros, ou d’une de ces peines seulement, tous ceux qui enfreignent de quelque manière que ce soit les prescriptions des plans ou projets d’aménagement généraux ou particuliers, du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites ou des autorisations de bâtir. ».
Il ressort des dispositions légales qui précèdent que les prescriptions contenues dans un PAG, serait-ce dans sa partie écrite ou dans sa partie graphique, ont un caractère réglementaire et contraignant et que toute violation de ces mêmes prescriptions entraîne par ailleurs des sanctions pénales.
Force est toutefois de constater qu’en l’espèce, et en ce qui concerne la superposition critiquée d’une zone « Biotope protégé » sur une partie de la parcelle litigieuse, les autorités communales ont explicitement précisé dans la partie graphique même du PAG, approuvée en tant que telle par le ministre de l’Intérieur, qu’il ne s’agit non pas d’une prescription réglementaire aux sens des dispositions légales précitées, mais bien d’une « indication ». A cet égard, il convient de relever que l’existence - ou la non-existence - d’un biotope est fonction de la nature des choses, mais elle ne dépend pas d’un recensement par l’administration ou d’une mention dans une partie graphique d’un PAG.
Or, il est de jurisprudence13 que l’indication, telle que celle de l’espèce, d’une superposition d’une zone « Biotope protégé » ne constitue, en tout état de cause, qu’une disposition purement informative sur une situation matérielle, sans pour autant constituer une norme juridique susceptible d’entraîner des servitudes ou autres limitations du droit de propriété. A cet égard, il convient encore de relever qu’à l’article 24 de la partie écrite du PAG, seules sont reprises sous le chapitre 4, intitulé « Zones ou espaces définis en exécution de dispositions légales réglementaires et administratives spécifiques », les dispositions légales ou réglementaires découlant notamment de la législation relative à la protection de la nature et des ressources naturelles, les zones protégées d’intérêt communautaire du réseau « NATURA 2000 » et les zones protégées d’intérêt national se trouvant sur le territoire de la commune 13 Trib. adm., 17 septembre 2019, n° 41567 du rôle et Trib. adm., 27 mai 2020, n° 42198 du rôle, disponibles sur www.ja.etat.lu.
d’Esch-sur-Sûre, la partie écrite ne faisant dès lors pas état de la zone « Biotope protégé » dont est superposée la parcelle des demandeurs.
Ainsi, l’indication relative à la présence de biotopes dans le PAG ne peut servir qu’à localiser de manière indicative et a priori non-contraignante, des biotopes et orienter les autorités, et notamment le ministre ayant la protection de l’environnement dans ses attributions, dans le cadre de leurs prises de décisions. Il a, à cet égard, été jugé14 que, par analogie à l’arrêt de la Cour administrative relatif au cadastre des biotopes15, - dans lequel ladite juridiction a retenu que ledit cadastre, s’analysant en un simple outil de simplification administrative, respectivement en un outil de travail pouvant orienter les autorités compétentes dans le cadre de leurs prises de décisions, sans toutefois qu’elles puissent se retrancher derrière les seules données factuelles figurant audit cadastre pour qualifier automatiquement un terrain donné de biotope, ne pouvait être qualifié ni d’acte administratif individuel de nature à faire grief, ni d’ailleurs d’acte réglementaire à portée générale -, la seule indication dans le PAG de l’existence de biotopes sur des parcelles spécifiques ne permet pas au même ministre de refuser de faire droit à une demande spécifique d’un administré concerné au seul motif que le terrain concerné constituerait un biotope tombant sous les dispositions protectrices de l’article 17 de la loi du 18 juillet 2018. Ledit ministre est, en effet, tenu à chaque fois d’analyser et de justifier in concreto l’existence d’un site ou de végétation méritant la qualification de biotope et ne saurait se retrancher derrière les seules données factuelles et indicatives figurant au PAG pour qualifier automatiquement un terrain donné de biotope.
Au vu des considérations qui précèdent, et plus particulièrement du caractère purement indicatif et non pas réglementaire de la mention de biotope critiquée par les demandeurs, que ce soit celle renseignée dans la partie graphique du PAG ou encore celle renseignée dans le cadastre des biotopes, ceux-ci ne sauraient valablement invoquer en l’espèce un non-respect de l’article 8 de la Convention d’Aarhus qui ne trouve à s’appliquer que dans la phase d’élaboration de dispositions réglementaires et d’autres règles juridiquement contraignantes.
En ce qui concerne les reproches des demandeurs suivant lesquels un PAG ne pourrait pas contenir des indications purement informatives et non exhaustives, outre le fait qu’aucune disposition réglementaire ou légale ne s’oppose à ce qu’un PAG puisse contenir des éléments à titre purement indicatif, il y a lieu de relever que dans les parties graphiques des PAG en général figurent de nombreux renseignements purement indicatifs, tels que les délimitations des parcelles cadastrales, les courbes de niveau ou encore les cours d’eau. Or, cette manière de procéder ne prête pas à critique à condition que le caractère purement informatif de ces données, lesquelles n’ont dès lors aucune valeur juridique, résulte, comme en l’espèce, à suffisance du PAG même.
Enfin et pour être tout à fait complet le tribunal relève que comme les autorités compétentes ne se sont de toute façon pas appuyées sur l’indication dans la partie graphique du PAG d’un biotope au sens de l’article 17 de la loi du 18 juillet 2018 pour sous-tendre leur refus d’intégrer l’entièreté de la parcelle des demandeurs en zone constructible, l’absence concrète d’incidence sur le classement de leur parcelle de la mention de biotope critiquée par les demandeurs, mention qui est de toute manière à analyser comme n’ayant qu’un caractère indicatif et non pas réglementaire, implique nécessairement que tout l’argumentaire afférent 14 idem 15 Cour adm. 16 février 2017, n° 38207C du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
des demandeurs dans le contexte de la procédure de contrôle de légalité du PAG est à écarter pour manquer de pertinence16.
Au vu de toutes les considérations qui précèdent, le moyen sous analyse est à rejeter.
3. Quant au classement du bâtiment existant sur la parcelle P(1) pour partie en tant que « construction à conserver » et pour partie en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver » Prétentions des parties Tout en se disant satisfaits du fait qu’à la suite de leur réclamation, le ministre de l’Intérieur ait supprimé le classement d’une partie de leur parcelle en zone « Secteurs et élément protégés d’intérêt communal – "environnement construit - C" », les demandeurs sont néanmoins d’avis qu’au niveau communal, la mise en place d’une servitude de protection sur un immeuble ne se concevrait pas en dehors d’un tel secteur. Etant donné que suivant la partie graphique du PAG la servitude « construction à conserver » dont a été grevée une partie de leur immeuble ne serait qu’une sous-catégorie du classement en « Secteurs et élément protégés d’intérêt communal -"environnement construit - C" » ils sont d’avis que la suppression de ce dernier classement par le ministre de l’Intérieur aurait dû entraîner également celle de la servitude dont a été grevée leur immeuble. Cette interprétation se trouverait confirmée par le libellé de l’article 32 du règlement grand-ducal modifié du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, ci-après désigné par « le règlement grand-
ducal concernant le contenu du PAG », qui ne prévoirait aucune mesure de protection individuelle d’un immeuble. Il s’ensuivrait qu’à défaut d’un ensemble d’immeubles à protéger, un immeuble individuel ne saurait être protégé au niveau du PAG sous forme de « construction à conserver » respectivement de « gabarit d’une construction existante à préserver ». Ce constat s’imposerait en l’espèce d’autant plus que l’immeuble en cause ne serait pas protégé au niveau national.
Au vu de ces seules considérations, le classement de l’immeuble pour partie en tant que « construction à conserver » et pour partie en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver » serait illégal.
Au-delà de ces considérations, les demandeurs font encore valoir que de toute manière ils ignoreraient les critères ayant pu justifier la mise en place des mesures de protection litigieuses sur leur immeuble. A supposer que le critère retenu ait été celui de l’authenticité de la substance bâtie, voire celui de l’exemplarité du type de bâtiment, ils donnent à considérer que de nombreux ajouts récents, tels les portes d’entrée et du garage ou encore les fenêtres ne permettraient pas de satisfaire à ces critères. A cela viendrait s’ajouter l’état dans lequel se trouverait l’immeuble, caractérisé par d’importantes fissures au niveau des murs porteurs, qui impliquerait que toute viabilisation à moyen et long terme nécessiterait des travaux de reconstruction d’envergure qui seraient per se incompatibles avec la définition même d’une « construction à conserver », telle que découlant de l’article 21 de la partie écrite du PAG.
Compte tenu du coût élevé qu’impliqueraient de tels travaux, les demandeurs déclarent se réserver tous droits et notamment celui de demander à la commune une indemnisation pour le préjudice financier à subir en raison des servitudes d’urbanisation imposées.
16 En ce sens : Cour adm., 27 février 2020, n° 43709C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Urbanisme, n° 398.
Les demandeurs sont, en tout état de cause, d’avis que le choix communal d’affecter leur immeuble d’une servitude de protection serait dépourvu de toute motivation valable.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs réitèrent leurs reproches suivant lesquels la mise en place d’une servitude « construction à conserver » respectivement pour partie « gabarit d’une construction existante à préserver » ne se concevrait que si à l’endroit en cause la parcelle accueillant ladite construction était classée en « Secteurs et élément protégés d’intérêt communal - "environnement construit - C" », ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, tout en maintenant pour le surplus leurs contestations en relation avec la justification à la base de la mise en place des mesures de protection litigieuses sur l’immeuble en cause.
Analyse du tribunal (i) Quant à la violation alléguée de l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG Quant à la compétence des autorités communales en matière de protection du patrimoine culturel, il convient de rappeler l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel : « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par :
[…] (e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-dessus; […] ».
Il s’ensuit que l’un des objectifs à poursuivre par les autorités communales dans le cadre de l’élaboration d’un PAG est d’assurer le respect du patrimoine culturel. Il s’ensuit encore que c’est la loi elle-même, en l’occurrence essentiellement celle du 19 juillet 2004, qui permet aux autorités communales de définir, par voie réglementaire communale, des servitudes urbanistiques destinées à garantir le respect du patrimoine culturel17.
Ensuite, il y a lieu de relever que le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG, qui a été adopté en application de l’article 9 de la loi du 19 juillet 2004, dispose dans son article 32, intitulé « Secteurs et éléments18 protégés d’intérêt communal », comme suit :
« On distingue les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit », les secteurs protégés et éléments de type « environnement naturel et paysage » d’importance communale et les secteurs protégés de type « vestiges archéologiques ».
Les secteurs et éléments protégés de type « environnement construit » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles dignes de protection et qui répondent à un ou plusieurs des critères suivants : authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle. […] 17 Trib. adm., 25 mai 2020, n° 40602 du rôle, c. par Cour adm., 6 mai 2021, n° 44738C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Urbanisme, n° 385 et les autres références y citées.
18 Souligné par le tribunal.
Ces secteurs et éléments sont soumis à des servitudes spéciales de sauvegarde et de protection. Les secteurs protégés de type « environnement construit » sont marqués de la surimpression « C ». Les secteurs protégés de type « environnement naturel et paysage » sont marqués de la surimpression « N ». Les secteurs protégés de type « vestiges archéologiques » sont marqués de la surimpression « A ». ».
A travers ces dispositions relatives aux « Secteurs et éléments protégés d’intérêt communal », le règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG ne fait ainsi que préciser l’exercice, par les communes, de la faculté de définir, par voie réglementaire communale, les servitudes urbanistiques destinées à garantir le respect du patrimoine culturel19, étant relevé que la mise en place de telles servitudes urbanistiques, en ce qu’elles permettent le maintien de l’immeuble en son état, est justement indispensable pour atteindre l’objectif poursuivi de protection de l’immeuble en question.
Ensuite, étant donné que suivant l’article 32, précité, les autorités compétentes sont habilitées à procéder à la création non seulement de secteurs, mais également d’éléments protégés de type « environnement construit », il doit être admis qu’il relève de la logique du système mis en place par le législateur pour assurer le respect du patrimoine culturel, que les autorités communales sont autorisées à désigner un ou des éléments pris individuellement, correspondant à un immeuble ou à une partie d’immeuble digne de protection, sans devoir faire porter le régime de protection prévu à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 sur tout un secteur, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’absence de protection de l’immeuble litigieux au niveau national qui, selon les demandeurs, serait à la rigueur seule de nature à justifier qu’un immeuble soit individuellement grevé d’une servitude de protection au niveau communal. En effet, il y a lieu de relever que le législateur a mis en place deux régimes distincts de protection des sites et monuments en adoptant, d’une part, la loi modifiée du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux, entretemps abrogée par la loi du 25 février 2022 relative au patrimoine culturel, mais encore en vigueur au moment de la prise de la décision du conseil communal du 11 février 2022, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 1983 », et en insérant, d’autre part, à l’article 2 point (e) de la loi du 19 juillet 2004 parmi les missions mises à charge des communes le « respect du patrimoine culturel ». Ces deux régimes de protection sont distincts comme relevant de la compétence d’autorités différentes et répondant à des critères spécifiques inscrits de part et d’autre dans des corps de textes différents à appliquer respectivement, chacun dans son contexte propre concerné. Ainsi, tandis que l’article 2 point (e) de la loi du 19 juillet 2004 vise à assurer une protection des sites et monuments culturels et historiques au niveau communal, les dispositions de la loi du 18 juillet 1983 s’inscrivent plutôt dans un contexte général et tendent au niveau national à la protection du patrimoine culturel et historique20. Il s’ensuit que le ministre, voire le gouvernement en conseil, au niveau de la procédure prévue par la loi du 18 juillet 1983 et le 19 Par analogie : trib. adm., 25 mai 2020, n° 40602 du rôle, c. par Cour adm., 6 mai 2021, n° 44738C du rôle, Pas.
adm. 2024, V° Urbanisme, n° 385 et les autres références y citées.
20 V. à ce sujet l’exposé des motifs du projet de loi ayant abouti à la loi du 18 juillet 1983, énonçant l’objectif dudit projet comme suit : « la préservation de la continuité historique dans l’environnement est essentielle pour le maintien ou la création d’un cadre de vie qui permette à l’homme de trouver son identité et d’éprouver un sentiment de sécurité face aux mutations brutales de la société : un nouvel urbanisme cherche à retrouver les espaces clos, l’échelle humaine, l’interprétation des fonctions et la diversité socio-culturelle qui caractérisent les tissus urbains anciens ». (Déclaration d’Amsterdam adoptée en 1975 à l’issue du Congrès sur le patrimoine architectural européen). ». Doc. parl. 2191, p.2164 conseil communal au niveau de la procédure mise en place par la loi du 19 juillet 2004, statuent chacun dans sa propre sphère de compétence21.
Au vu des considérations qui précèdent, le moyen tiré de l’illégalité du classement litigieux de l’immeuble en cause pour partie en tant que « construction à conserver » et pour partie en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver » pour être contraire aux prescriptions de l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 est à rejeter pour ne pas être fondé.
(ii) Quant à l’absence alléguée de justification du classement opéré Quant à la désignation critiquée de l’immeuble des demandeurs pour partie en « construction à conserver » et pour partie en « gabarit d’une construction existante à préserver », il y a tout d’abord lieu de relever que l’article 21 de la partie écrite du PAG, intitulé « Le secteur protégé de type « environnement construit – C » et les éléments protégés », est libellé comme suit :
« Les secteurs et éléments protégés d’intérêt communal de type « environnement construit – C » constituent les parties du territoire communal qui comprennent des immeubles ou parties d’immeubles à protéger, répondant à un ou plusieurs des critères suivants :
authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire ou technique, et sont soumis à des servitudes spéciales comprises dans les présents articles et dans la partie écrite des Plans d’aménagement particulier "quartiers existants".
Le secteur protégé de type « environnement construit » est marqué de la surimpression « C » et englobe les :
- Immeubles et objets classés monuments nationaux, et - Immeubles et objets inscrits à l’inventaire supplémentaire (loi du 18 juillet 1983 concernant la conservation et la protection des sites et monuments nationaux) - Construction à conserver, surface violette dans la partie graphique du PAG - Gabarit d’une construction existante à préserver, contour violet dans la partie graphique du PAG - Alignement d’une construction existante à préserver, trait bleu dans la partie graphique du PAG, - Mur à conserver, trait discontinu bleu dans la partie graphique du PAG, - Petit patrimoine à conserver, triangle violet dans la partie graphique du PAG, - Arbre à conserver, étoile violette dans la partie graphique du PAG, - Vestiges du château à conserver, pts cercles rouges dans la partie graphique du PAG, - autres bâtiments.
Construction à conserver 21 Trib. adm., 25 mai 2020, n° 40591 du rôle, c. par Cour adm., 6 mai 2021, n° 44718C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Urbanisme, n°388 et les autres références y citées.
Les « construction à conserver » ne peuvent subir aucune démolition, transformation, changement d’affectation, modification ou agrandissement qui pourrait nuire à leur valeur historique, artistique ou esthétique ou altérer leur gabarit ou leur aspect architectural, sauf si des faits inhérents à la sécurité et/ou à la salubrité, dûment justifiés et établis, justifient alors un projet de démolition.
Des constructions accolées à la « construction à conserver » sont autorisées à l’arrière et sur les côtés latéraux de la « construction à conserver », à condition de ne pas nuire à la volumétrie et à la qualité architecturale et à la valeur historique du bâtiment existant.
Les « construction à conserver » dans le noyau historique d’Esch-sur-Sûre sont précisées dans le plan d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) respectif.
Les constructions accolées du côté latéral peuvent être autorisées ; du côté avant et arrière toutes constructions accolées sont interdites.
Pour les façades et toitures à l’arrière des constructions, non directement visibles du domaine public, une certaine flexibilité peut être accordée pour la taille et la forme des ouvertures, ainsi que pour les agrandissements telles que véranda ou autres augmentations de la surface habitable et/ou exploitable.
La construction d'annexes et d'extensions peut être autorisée sur les côtés postérieur et latéraux, sous condition qu'elles restent visibles comme ajouts tardifs, adoptent un langage architectural contemporain et soient en harmonie avec la construction à conserver.
Les constructions accolées doivent respecter les profondeurs maximales prescrites dans les plans d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) respectifs, rester en dessous du niveau de la corniche existante du bâtiment d’origine et elles doivent être couvertes d’une toiture plate ou à une pente. Les matériaux des façades des constructions accolées peuvent être différents des matériaux du bâtiment existant sous condition de s’intégrer dans le concept volumétrique et architectural de l’ensemble.
Toute intervention sur un bâtiment protégé doit veiller à la conservation et la mise en valeur des composantes architecturales existantes du bâtiment.
Ces composantes sont :
- le rythme entre surfaces pleines et vides, - les formes et éléments de toiture, - les dimensions, formes et position des baies, - les modénatures, - les éléments de décoration qui caractérisent ledit bâtiment, - les matériaux utilisés traditionnellement, et - les revêtements et teintes traditionnels.
L’autorité compétente peut ordonner la conservation de la structure et des éléments historiques et identitaires inventoriés.
Au cas où un bâtiment ou une partie d’un bâtiment risque de s’écrouler une démolition peut être autorisée après avis positif d’un expert en statique. Le bâtiment est à reconstruire dans son volume initial avec des matériaux d’origine et dans un délai à fixer dans un règlement communal.
[…] Gabarit d’une construction existante à préserver Les « gabarit d’une construction existante à préserver » veillent au maintien du tissu urbain des localités, voire du caractère rural par la structuration des rues et la formation d’espaces-rues. Pour les bâtiments désignés « gabarit d’une construction existante à préserver », le gabarit et leur implantation sont à conserver lors de travaux de transformation ou lors d’une reconstruction.
Le gabarit est constitué par le ou les bâtiments traditionnels, à savoir la maison d’habitation et / ou les communs. Les volumes secondaires atypiques ainsi que toutes les excroissances atypiques ne sont pas considérés comme « gabarit d’une construction existante à préserver ». Un relevé de ces volumes peut être établi par le Service des sites et monuments nationaux.
Par le terme « gabarit » il faut entendre l’ensemble des dimensions propres à l’édifice, à savoir :
- l'implantation (réelle), - la profondeur, - la longueur, - la hauteur à la corniche, - la hauteur au faîtage, et - la pente et forme de la toiture.
Des saillies et des retraits par rapport au gabarit existant sont interdits sur les façades non directement visibles du domaine public.
Pour les façades et toitures à l’arrière des constructions, non directement visibles du domaine public, une certaine flexibilité peut être accordée pour la taille et la forme des ouvertures, ainsi que pour les agrandissements telles que véranda ou autres augmentations de la surface habitable et/ou exploitable.
Des constructions accolées au « gabarit d’une construction existante à préserver » sont autorisées à l’arrière et sur les côtés latéraux des « gabarit d’une construction existante à préserver », à condition de ne pas nuire à la volumétrie du bâtiment existant. Les constructions accolées doivent respecter les profondeurs maximales prescrites dans les plans d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) respectifs, rester en dessous du niveau de la corniche du bâtiment existant et elles doivent être couvertes d’une toiture plate ou à une pente. Les matériaux des façades des constructions accolées peuvent être différents des matériaux du bâtiment existant sous condition de s’intégrer dans le concept volumétrique et architectural de l’ensemble.
Les « gabarit d’une construction existante à préserver » dans le noyau historique d’Esch-sur- Sûre sont précisés dans le plan d’aménagement particulier « quartier existant » (PAP QE) respectif. Les constructions accolées du côté latéral peuvent être autorisées ; du côté avant et arrière toutes constructions accolées sont interdites.
En cas d’impossibilité d’observation de l’implantation du gabarit, par rapport à la voie publique, une dérogation jusqu’à 0,50 mètre peut être accordée de manière exceptionnelle. En cas d’impossibilité d’observation ou dans le but de l’amélioration du domaine public, exceptionnellement, une dérogation peut être approuvée ou imposée.
En cas de divergence entre l’inscription de la construction sur le fond de plan, c'est à dire le plan cadastral, et l’implantation réelle, l’alignement des façades et/ou le volume des constructions existantes fait foi. Un mesurage cadastral peut être demandé.
[…] ».
Il existe donc un certain nombre de critères auxquels doivent répondre les bâtiments désignés en tant que « construction à conserver », respectivement en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver » et lorsque les autorités compétentes ont retenu l’existence de tels critères pour décider qu’une construction, respectivement son gabarit, méritent d’être conservés, il appartient au tribunal, en cas de contestation, de vérifier si lesdites autorités ont correctement analysé la situation ou si elles ont dépassé leur marge d’appréciation.
En ce qui concerne concrètement la désignation de l’immeuble litigieux pour partie en tant que « construction à conserver » et pour partie en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver », il convient en premier lieu de constater qu’il se dégage de l’étude préparatoire du PAG que mis à part des immeubles protégés au niveau national, d’autres immeubles dignes de protection ont été répertoriés dans les localités composant la commune, les auteurs de l’étude en question ayant retenu dans le point 5.4, intitulé « Denkmalgschützte bzw. Denkmalwürdige Gebäudeensembles und Einzelobjekte », ce qui suit :
« Neben den bereits denkmalgeschützten Gebäuden, stehen in den Ortschaften der Gemeinde Esch-Sauer mehrere charakteristische und denkmalwürdige Gebäude, die den Charakter der Ortschaft prägen und dessen Erhalt bzw. Aufwertung von Bedeutung sind. In dem Zusammenhang wurde in Zusammenarbeit mit dem Service des Sites et Monuments ein Inventar (Oktober 2013, aktualisiert im Okt/Nov. 2019) erhaltenswerter Gebäude, Volumen und Ausrichtungen von Gebäude erstellt und der Bevölkerung präsentiert (Dezember 2019) »22, étant relevé qu’il se dégage de l’étude préparatoire que celle-ci comporte en-dessous de son point 5.4 une carte n°20 intitulée « Objets protégés et dignes de protection … » permettant de visualiser les bâtiments protégés ou dignes de protection qui ont été recensés notamment dans la localité d’… et dont fait partie l’immeuble des demandeurs.
Pour ce qui est des critères sur lesquels l’autorité communale s’est basée pour qualifier certains immeubles comme étant dignes de protection, dont celui litigieux, l’étude préparatoire précise ce qui suit :
« Die Inventarisierung der Gebäude basiert auf zeitlichen (Authenizität, Architektur-
und Kunstgeschichtlich, Seltenheitswert, Gattungen, Charakteristisch für ihre Entstehungszeit, Technik- & Industriegeschichte, Erinnerungsstätte und Objekte der politischen Geschichte, Sozialgeschichte, Militärgeschichte), räumlichen (Orts-/Landschaftstypisch, Ortsgeschichte/Heimatgeschichte) und räumlich zeitlichen Kriterien (Siedlungsgeschichte, Bautypus, Volkskunde, Veränderungsablauf). »23.
22 Etude préparatoire, « Umfassende Analyse der bestehenden Situation », page 110.
23 Idem, page 111.
Il y a tout d’abord lieu de relever que le classement d’un immeuble pour partie en tant que « construction à conserver » et pour partie en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver », doit remplir au moins un des critères énumérés de manière alternative à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG, à savoir : « authenticité de la substance bâtie, de son aménagement, rareté, exemplarité du type de bâtiment, importance architecturale, témoignage de l’immeuble pour l’histoire nationale, locale, sociale, politique, religieuse, militaire, technique ou industrielle ».
En ce qui concerne les caractéristiques propres de l’immeuble litigieux, il se dégage des éléments produits en cause et des explications non autrement énervées de la partie communale que l’immeuble faisant l’objet du présent litige est une ferme qui se compose d’un corps de logis, classé en tant que « construction à conserver », et de bâtiments communs agricoles disposés en enfilade, classés en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver ».
Dans son mémoire en réponse, la partie communale a souligné que la bâtisse en cause répondrait à plusieurs des critères repris à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG en ce qu’elle constituerait un exemple témoin de l’histoire locale de la commune dont l’authenticité en ferait un élément d’une grande rareté sur le territoire communal.
Ainsi, l’administration communale a tout d’abord souligné que le fait que la juxtaposition des différentes parties de la ferme se fait à hauteur sous corniche réduite conférerait à la bâtisse une forme à la fois allongée et trapue, de même qu’elle a précisé que la silhouette de la ferme serait complétée par une toiture en pente traditionnelle qui se terminerait en demi-croupe du côté sud et en croupe du côté nord. L’administration communale a encore mis en avant le fait que ce serait après une dernière phase d’extension réalisée au cours des années 1950/début des années 1960 lors de laquelle la ferme aurait été allongée du côté nord, que la bâtisse aurait obtenu sa volumétrie définitive « simple, mais bien harmonieuse » qui marquerait encore à l’heure actuelle l’entrée du village en arrivant d’Esch-sur-Sûre. Elle a pareillement mis en avant les éléments architecturaux typiques qui caractériseraient la bâtisse, à savoir la façade sur rue du corps de logis qui s’élèverait à deux niveaux et se diviserait en trois travées, ainsi que le fait que si toutes les baies de la façade étaient munies d’encadrements, les baies des deux travées de gauche afficheraient des encadrements moulurés typiques de la deuxième moitié du 19e siècle.
Pour ce qui est du volume secondaire, l’administration communale, tout en admettant que les communs agricoles avaient subi un certain nombre de transformations en ce que notamment une porte de garage aurait été créée, insiste toutefois sur le fait que les fonctions initiales et typiques pour ce genre de bâtiment resteraient lisibles et que notamment les encadrements à chanfreins disposeraient encore de leurs volets battants métalliques. Elle a enfin précisé que la ferme documenterait bien la vie rurale d’antan sur les plateaux ardennais et qu’en raison de son implantation, de sa volumétrie et de l’agencement des différentes fonctions, elle remplirait les critères de l’exemplarité du type de bâtiment et de l’authenticité de son aménagement, de même que celui de l’authenticité de la substance bâtie plus particulièrement pour ce qui est de la partie du côté sud incluant le corps de logis.
La partie étatique a, quant à elle, précisé que le classement de la bâtisse en cause se justifierait à suffisance par le fait que le bâtiment visé constituerait une ferme typique pour la région de sorte à faire preuve, en ce qui concerne sa structure, d’une « exemplarité du type de bâtiment ».
Il se dégage des explications circonstanciées des parties communale et étatique, reprises ci-avant, que le classement du corps de logis de la bâtisse litigieuse en tant que « construction à conserver » est justifié à suffisance par des éléments spécifiques et détaillés pour rentrer dans les critères visés à l’article 32 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017 concernant le contenu du PAG, tels que l’ « authenticité de la substance bâtie », et de « son aménagement », l’« exemplarité du type de bâtiment » et le « témoignage de l’immeuble pour l’histoire locale ».
Aucun reproche ne saurait dès lors être adressé aux autorités compétentes pour avoir considéré que le volume principal méritait d’être désigné comme « construction à conserver » pour témoigner de l’histoire locale de la commune et garantir ainsi le maintien du caractère rural à l’entrée de la localité, étant relevé que, de leur côté, les demandeurs restent en défaut d’apporter le moindre élément tangible de nature à contredire les critères ainsi mis en avant par les parties communale et étatique pour justifier la conservation du corps de logis puisqu’ils se contentent de se référer à « de nombreux ajouts récents, tels, les portes d’entrée […] ou encore les fenêtres » qui ne permettraient pas de satisfaire à ces critères, sans toutefois étayer ces affirmations d’une quelconque manière. Il s’ensuit que même à admettre que des travaux récents aient été réalisés sur la bâtisse, les demandeurs restent, en tout état de cause, en défaut d’établir que ceux-ci auraient affecté de façon notoire le type de bâti qui en fait un témoin de l’histoire rurale et locale de la localité d’….
Au vu de cette conclusion, il ne saurait pas non plus être reproché à ces mêmes autorités d’avoir classé le volume secondaire en tant que « gabarit d’une construction existante à préserver », la mise en place d’un régime de protection pour le volume principal devant, en l’espèce, nécessairement aller de pair avec celle du volume secondaire, afin d’assurer la mise en valeur du volume principal à protéger et de contribuer ainsi à maintenir le caractère rural à l’entrée du village.
Les constats qui précèdent ne sont pas non plus ébranlés par l’argumentation des demandeurs autour du prétendu état de délabrement de la bâtisse, qui serait caractérisé par d’importantes fissures au niveau des murs porteurs et qui impliquerait que « toute viabilisation à moyen et long terme nécessiterait des travaux de reconstruction d’envergure qui [seraient] per se incompatibles avec la définition même de « construction à conserver » », telle que prévue à l’article 21 de la partie écrite du PAG. En effet, outre le fait que celle-ci reste de toute façon également à l’état de pure allégation pour n’être sous-tendue par aucun élément de preuve tangible, force est encore de relever que le caractère apparemment délabré d’une bâtisse n’est pas de nature pertinente pour ce qui est de la question du principe d’un classement communal, un tel critère ne pouvant être utilement invoqué par un propriétaire pour justifier un non-
classement sous peine d’être utilisé à mauvais escient en tant que moyen de pression alors que précisément la conservation d’éléments ayant une valeur architecturale, historique ou analogue, telle que prévue par la loi, est un des objectifs majeurs du classement communal de constructions dans un intérêt culturel vérifié24.
Au vu de toutes les considérations qui précèdent, tant la mise en place du régime de protection « construction à conserver » pour le volume principal que celle du régime de protection « gabarit d’une construction à préserver » pour le volume secondaire se trouvent 24 Cour adm., 13 juin 2023, n° 48323C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Urbanisme, n° 393.
justifiées à suffisance de droit sans qu’une disproportion entre lesdites désignations et les droits des demandeurs ne puisse être constatée.
Le moyen tenant à une absence de motifs suffisants à la base de la soumission de l’immeuble pour partie au régime de protection « construction à conserver » et pour partie à celui de « gabarit d’une construction à préserver » est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
En l’absence d’autres moyens, le recours est à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
met les frais et dépens à charge des demandeurs.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 22 mai 2025 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 31