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21/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52844

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2025, 52844


Tribunal administratif N° 52844 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52844 3e chambre Inscrit le 13 mai 2025 Audience publique du 21 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52844 du rôle et déposée le 13 mai 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né

le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de ...

Tribunal administratif N° 52844 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52844 3e chambre Inscrit le 13 mai 2025 Audience publique du 21 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures, en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52844 du rôle et déposée le 13 mai 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 mai 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 10 mai 2025 ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 15 mai 2025 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 19 mai 2025 par Maître Luca GOMES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), préqualifié ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Luca GOMES et Madame le délégué du gouvernement Pascale MILLIM en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 20 mai 2025.

Suivant relevés journaliers du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (« CPU ») des 8 février et 8 mars 2023, Monsieur (A) fut, suite à un mandat d’amener, placé en détention préventive du chef d’infraction à la législation relative aux stupéfiants le 8 février 2023 et fut libéré du CPU en date du 8 mars 2023.

Il ressort d’un rapport, dit « Fremdennotiz », de la police grand-ducale, région Sud-

Ouest, Commissariat …, daté du 10 avril 2025, qu’en date du 7 avril 2025, un ami de Monsieur (A) se présenta à la commune d’…, muni du passeport de ce dernier, afin de déclarer le domicile de celui-ci à son adresse tout en indiquant que Monsieur (A) ne disposait d’aucune résidence fixe au Luxembourg et en précisant qu’il aurait besoin de son assistance en raison de problèmes de santé dont il souffrirait. Il ressort encore du prédit rapport que le passeport de Monsieur (A) fut transmis au Service d’expertise documentaire, lequel conclut à son 1authenticité et qu’en date du 10 avril 2025, Monsieur (A) se présenta au commissariat d’… afin de récupérer ledit passeport. Il fut alors constaté que ledit passeport ne comportait ni visa, ni tampon d’entrée sur le territoire et une recherche effectuée dans la base de données de la police révéla que Monsieur (A) avait déjà été appréhendé à plusieurs reprises sous différentes identités.

Par arrêté du 10 avril 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter le territoire sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à son encontre.

Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres également à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 10 avril 2025 établi par la Police grand-ducale ;

Vu ma décision de retour du 10 avril 2025, lui notifiée le même jour, assortie d’une interdiction d’entrée de 5 ans ;

Considérant que l’intéressé n’est pas en possession d’un visa en cours de validité ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant que l’intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par jugement du tribunal administratif du 28 avril 2025, portant le numéro 52730 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 18 avril 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel précité de placement en rétention du 10 avril 2025.

Par arrêté du 6 mai 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le surlendemain, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet au 10 mai 2025, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 10 avril 2025, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement;

2Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 10 avril 2025 subsistent dans le chef de l'intéressé ;

Considérant que toutes les diligences en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;

Considérant que l'éloignement de l'intéressé sera réalisé dans les plus brefs délais ;

Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 13 mai 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours en réformation, sinon en annulation à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 6 mai 2025.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé en partie les faits et rétroactes à la base de la décision déférée, tels que retranscrits ci-avant, explique qu’il souffrirait de sérieux problèmes de santé, principalement d’ordre cardiovasculaire, lesquels auraient nécessité plusieurs hospitalisations.

En droit et après avoir cité l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur relève que le placement au Centre de rétention devrait être écarté lorsqu’il n’existerait, comme ce serait le cas en l’espèce, aucun risque de fuite dans le chef du concerné, du fait notamment de l’existence de garanties de représentation suffisantes. Il souligne, à cet égard, qu’il aurait exprimé sa volonté de respecter les obligations imposées par le ministre en vue de son éloignement.

Il affirme ensuite que le placement au Centre de rétention devrait rester une mesure exceptionnelle en raison de l’entrave à sa liberté d’aller et de venir, garantie tant par la Constitution que par l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, ci-après désignée par « la CEDH ». Dans ce contexte, il se réfère à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », du 6 novembre 1980, dans une affaire Guzzardi c. Italie, et précise qu’un placement en rétention devrait rester une ultima ratio.

Le demandeur fait encore valoir que son placement au Centre de rétention serait disproportionné au regard des circonstances de l’espèce et de son comportement, alors que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence, auraient pu être prises.

Après avoir cité l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le demandeur insiste sur son état de santé particulièrement fragile, notamment au regard de son âge, à savoir soixante-deux ans, et de ses problèmes cardiaques prémentionnés, pour faire valoir que son maintien au Centre de rétention serait constitutif d’une violation des articles 2 et 3 de la CEDH 3et solliciter son assignation à résidence « en milieu hospitalier », sinon dans « tout autre établissement spécialisé dans lequel des soins appropriés à son état de santé lui seront prodigués en continu », sinon à la maison retour. A cet égard, il précise que son état de santé serait incompatible avec la mesure de rétention alors qu’il nécessiterait une surveillance médicale continue en milieu hospitalier, le maintien au Centre de rétention ayant encore pour conséquence une « dégradation psychologique » dans son chef.

Par ailleurs, il donne à considérer que le placement en structure fermée d’un étranger qui présenterait des garanties de représentation propres à limiter sinon exclure tout risque de fuite dans son chef serait à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 », selon lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers devrait être immédiatement remis en liberté si sa rétention n’était pas légale, article qui serait suffisamment clair et inconditionnel, de sorte qu’il devrait avoir un effet direct, faute de transposition en droit national.

Le demandeur souligne, dans ce contexte, qu’il présenterait des garanties de représentation suffisantes alors qu’il aurait manifesté sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, de façon à exclure, dans son chef, tout risque de fuite.

Le demandeur se réfère encore à un jugement du tribunal administratif du 19 février 2009, inscrit sous le numéro 25374 du rôle, qui aurait souligné l’importance de vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité en tenant compte de l’opportunité du principe de l’enfermement et du type de structure fermée retenu par le ministre. A cet égard, le demandeur fait valoir que son placement au Centre de rétention ne serait ni nécessaire, ni proportionné, alors qu’une assignation à résidence « en milieu hospitalier », sinon à la maison retour serait plus adaptée à sa situation personnelle.

Il ajoute qu’en droit commun, le juge aurait « une certaine habitude de formules permettant à un justiciable d’indiquer qu’il sera présent à une audience sans qu’il soit nécessaire de recourir à son emprisonnement jusque-là » et que « [l]e risque de volatilité [pourrait] être contré à partir du moment où la personne n’a pas enfreint ses obligations et vit dans un cadre qui permet de rendre compte de sa présence. ».

Le demandeur s’appuie encore sur des arrêts de la Cour de cassation française en vertu desquels « la loi n’exige[rait] pas que l’étranger qui sollicite le bénéfice d’une assignation à résidence invoque des circonstances à caractère exceptionnel de nature à justifier cette mesure » et « l’absence de domicile ne constitue[rait] pas une raison suffisante pour refuser une assignation à résidence ».

En se référant enfin à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 et à la jurisprudence de la CourEDH relativement à l’article 5 de la CEDH en matière de rétention administrative, ainsi qu’à un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2024, inscrit sous le numéro 51824 du rôle, le demandeur soutient que le ministre ne se serait pas enquis avec toute la diligence requise auprès des autorités étrangères compétentes en vue de son éloignement et que les perspectives de son éloignement seraient « floues », alors que les autorités algériennes n’auraient pas procédé à son identification officielle et n’auraient délivré 4aucun laissez-passer dans son chef. Il affirme que son éloignement vers l’Algérie ne pourrait dès lors pas être mené à bien.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse et à sa mise en liberté immédiate.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal Aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.

C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans 5l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».

Tel que d’ores et déjà retenu par le tribunal dans son jugement prémentionné du 28 avril 2025, inscrit sous le numéro 52730 du rôle, il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet, en date du 10 avril 2025, d’une décision de retour assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans, décisions non visées par le présent recours.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il reste toujours en défaut de faire, étant relevé que ses développements ayant trait à son état de santé, à sa volonté de respecter les obligations imposées par le ministre en vue de son éloignement et de coopérer avec les autorités luxembourgeoises sont à eux seuls insuffisants à cet égard. Les contestations du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef sont, dès lors, à rejeter.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, et notamment une assignation à résidence, le tribunal relève que l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

6On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, le tribunal est amené à constater, à l’instar de ses conclusions retenues dans son jugement prémentionné du 28 avril 2025, inscrit sous le numéro 52730 du rôle, que le demandeur ne lui a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef. En effet, le demandeur ne peut pas se prévaloir d’un domicile 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.

7fixe déclaré au Luxembourg, ni d’une quelconque autre attache, étant relevé qu’une structure d’hébergement d’urgence, telle que la maison retour, ne saurait être considérée ni comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure d’assignation à résidence dans cette structure ne saurait être concevable.

Ce même constat s’impose en ce qui concerne les développements du demandeur tendant à se voir assigner à résidence dans une structure hospitalière, alors qu’indépendamment de l’état de santé du demandeur, une telle structure ne saurait, en tout état de cause, être considérée ni comme un domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y est pas non plus concevable.

Par ailleurs, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

Il s’ensuit que le moyen afférent tiré du caractère prétendument disproportionné de la décision litigieuse, respectivement d’une application erronée des dispositions légales applicables, encourt le rejet pour ne pas être fondé.

Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle son maintien au Centre de rétention serait contraire aux articles 2 et 3 de la CEDH au vu de la prétendue incompatibilité de son état de santé avec la mesure de rétention. En effet, force est de constater qu’il ressort (i) d’un rapport émis par le docteur …, médecin spécialiste en cardiologie, que Monsieur (A) a été hospitalisé au … du 12 au 15 août 2023, ledit rapport ayant conclu à une « absence de lésion significative […] Suivi cardiologique en ambulatoire dans environ 8 semaines », (ii) d’un compte rendu médical du 14 août 2023 relatif aux « Résultats angiographiques » de Monsieur (A) qu’il souffre d’une « [r]écidive de douleur thoracique avec BBG connu à l’ECG […] Absence de lésion significative […] », (iii) d’un document intitulé « CONFIRMATION CORONAROGRAPHIE/DILATATION » que le demandeur a été convoqué, en date du 4 février 2025, à un examen relatif à une « coronarographie ambulatoire », (iv) d’un certificat d’incapacité de travail du 12 février 2025 que le demandeur était en arrêt maladie durant la période allant du 12 au 28 février 2025, sans qu’il n’ait toutefois été hospitalisé et sans qu’une sortie n’ait été, durant cette période, contre-indiquée et (v) d’un document intitulé « Journal de l’admission », émis le 11 avril 2025 par le …, que « [d]em Patienten geht es gut, keine Schmerzen mehr. Labor und EKG stabil. Keine Aenderung der Medikation: Entlassung heute […] », sans qu’aucune contre-indication avec son maintien en rétention ne puisse être tirée des prédits documents, documents par rapport auxquels le demandeur n’a, d’ailleurs, pas autrement pris position. Il ne ressort en effet pas des pièces versées en cause, contrairement à ce que prétend le concerné, que son état de santé serait particulièrement fragile – constat qui n’est pas énervé par la prise en considération de l’âge du demandeur, lequel n’implique pas ipso facto que tel serait le cas –, ni a fortiori qu’il nécessiterait une surveillance médicale continue en milieu hospitalier, l’affirmation selon 8laquelle son maintien au Centre de rétention aurait pour conséquence une « dégradation psychologique » dans son chef restant par ailleurs à l’état de pure allégation.

Par ailleurs, comme le demandeur a droit, en application de l’article 9 de la loi modifiée du 28 mai 2009 portant création et organisation du Centre de rétention, aux soins médicaux requis dans l’intérêt de sa santé et au traitement indispensable de ses maladies tout au long de son séjour au Centre de rétention, la seule affirmation non autrement sous-tendue selon laquelle son placement au Centre de rétention ne serait ni nécessaire, ni proportionné alors qu’une assignation à résidence « en milieu hospitalier », sinon à la maison retour serait plus adaptée à sa situation personnelle, est insuffisante pour remettre en cause le caractère approprié d’un maintien en rétention.

Il s’ensuit que le moyen tendant à une violation des articles 2 et 3 de la CEDH résultant d’une prétendue incompatibilité entre l’état de santé du demandeur et son maintien au Centre de rétention est à rejeter.

Concernant l’invocation par le demandeur d’arrêts de la Cour de cassation française, il y a lieu de relever, d’une part, que des décisions de justice étrangères ne s’imposent pas au tribunal administratif et, d’autre part, que le demandeur reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure lesdites décisions seraient pertinentes par rapport à sa situation personnelle.

En ce qui concerne ensuite les démarches entreprises par le ministre en vue de permettre l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, le tribunal relève que dans son jugement prémentionné du 28 avril 2025, il a été retenu qu’en date du 11 avril 2025, soit dès le lendemain de son placement au Centre de rétention, le ministre a chargé l’Unité de Garde et d’Appui Opérationnel (« UGAO ») d’organiser le retour de l’intéressé vers l’Algérie, étant relevé que l’accomplissement des formalités pour ce faire requiert nécessairement un minimum de temps, même en présence d’une personne qui, tel que c’est le cas du demandeur, dispose d’un passeport valable, de sorte que les démarches entreprises à l’époque par l’autorité ministérielle devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.

Quant aux démarches effectuées depuis lors, force est de constater qu’il se dégage du dossier administratif que par courrier du 28 avril 2025, les autorités luxembourgeoises se sont adressées à … afin de voir délivrer un billet simple, Bruxelles – Alger, à l’intéressé, l’éloignement du demandeur vers l’Algérie étant actuellement prévu pour le 11 juin 2025, tel que cela ressort d’un plan de vol dressé par l’UGAO en date du 22 avril 2025.

Au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, il échet de conclure qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise. Ce constat n’est pas énervé par l’argumentation de l’intéressé suivant laquelle les autorités algériennes n’auraient pas procédé à son identification officielle et n’auraient délivré aucun laissez-passer dans son chef, alors que, tel que relevé ci-avant, le demandeur est en possession d’un passeport algérien en cours de validité de sorte qu’il n’y ait aucun besoin, en l’espèce, ni d’identification du concerné ni de délivrance d’un laissez-passer dans le chef de celui-ci.

En ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à une prétendue absence de perspective raisonnable d’éloignement, celle-ci est également à rejeter étant donné qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité 9ministérielle seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien, conclusion qui s’impose d’autant plus que l’éloignement du concerné est, tel que relevé ci-

avant, prévu pour le 11 juin 2025.

Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.

En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté de mouvement, consacrée par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

L’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acception la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la CourEDH a retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir.

Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.

Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».

En l’espèce, étant donné, d’une part, que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour en date du 10 avril 2025, de sorte à se trouver en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et, d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement dont il fait l’objet en exécution de ladite décision de retour est menée avec la diligence requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5, paragraphe (1) de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

Au vu des développements faits ci-avant, le tribunal conclut que les contestations du demandeur quant à la légalité, à la nécessité, au caractère justifié et à la proportionnalité de la mesure de prorogation de placement en rétention litigieuse sont à rejeter dans leur ensemble.

Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la mesure de prorogation de placement en rétention litigieuse est légale – le tribunal ayant, plus particulièrement, retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise – et, d’autre part, que le demandeur n’a pas prouvé qu’il n’existerait en 2 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.

3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.

10l’espèce pas de perspective raisonnable d’éloignement, respectivement que son éloignement ne puisse pas être mené à bien dans les meilleurs délais. Dans ces circonstances, une remise en liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115 ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de cette disposition.

Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de l’intéressé de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000,- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2025 par :

Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s.Judith Tagliaferri s.Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 52844
Date de la décision : 21/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-21;52844 ?

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