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21/05/2025 | LUXEMBOURG | N°49070

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 21 mai 2025, 49070


Tribunal administratif N° 49070 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49070 1re chambre Inscrit le 21 juin 2023 Audience publique du 21 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A1) et Madame (A2), …, contre des actes du bourgmestre de la commune de Habscht, en présence de Monsieur (B1) et de Madame (B2), …, en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49070 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 juin 2023 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite sur la liste V du tableau

de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège à L-2146 Lu...

Tribunal administratif N° 49070 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49070 1re chambre Inscrit le 21 juin 2023 Audience publique du 21 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A1) et Madame (A2), …, contre des actes du bourgmestre de la commune de Habscht, en présence de Monsieur (B1) et de Madame (B2), …, en matière de permis de construire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49070 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 juin 2023 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, établie et ayant son siège à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A1) et de Madame (A2), demeurant à L-…, tendant à l’annulation d’une « autorisation de bâtir n°… délivrée par le Bourgmestre de l’administration communale d’Habscht, en date du 07 juin 2022 aux permissionnaires Monsieur et Madame (B1) et (B2) « pour la construction d’une clôture sur la limite postérieure du terrain derrière la maison d’une hauteur de 1.80 mètres et d’une longueur de 15 mètres » sur la parcelle inscrite au cadastre sous le numéro (P1) (l’administration communale indique le numéro cadastral suivant sur l’autorisation de bâtir : …, il s’agit d’un erreur) sise au … L… », d’une « décision de refus du bourgmestre de retirer l’autorisation de bâtir en date du 26 avril 2023 suite à l’introduction d’un recours gracieux par les requérants » et d’une « décision du bourgmestre en date du 01 juin 2023, refusant de faire droit à la demande des requérants » ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Laura GEIGER, demeurant à Luxembourg, du 30 juin 2023 portant signification de ce recours 1) à l’administration communale de Habscht, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, établie à L-8465 Eischen, Place Denn, et 2) à Monsieur (B1) et Madame (B2), demeurant à L-… ;

Vu la constitution d’avocat à la Cour de la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1340 Luxembourg, 2, place Winston Churchill, inscrite au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B209469, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Nathalie PRUM-CARRE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, déposée au greffe du tribunal administratif le 4 septembre 2023, au nom de l’administration communale de Habscht, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 octobre 12023 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, au nom de l’administration communale de Habscht, préqualifiée ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 décembre 2023 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, au nom de Monsieur (A1) et de Madame (A2), préqualifiés ;

Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 29 janvier 2024 par la société anonyme ELVINGER HOSS PRUSSEN SA, au nom de l’administration communale de Habscht, préqualifiée ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment les actes déférés ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, et Maître Georges GRATIA, en remplacement de Maître Nathalie PRUM-CARRE, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mars 2025.

___________________________________________________________________________

En date du 7 juin 2022, le bourgmestre de la commune de Habscht, ci-après désigné par le « bourgmestre », délivra à Monsieur (B1) et à Madame (B2), ci-après désignés par les « consorts (B)», l’autorisation, référencée sous le numéro …, pour la construction d’une clôture, d’une longueur de 15 mètres et d’une hauteur de 1,80 mètres, sur la limite postérieure de la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Habscht, section … de Roodt, sous le numéro (P1), et sise à L-…, ci-après désignée par « la parcelle n°(P1) ».

Par courrier recommandé avec accusé de réception de leur mandataire du 13 avril 2023, Monsieur (A1) et Madame (A2), ci-après désignés par les « consorts (A) », propriétaires de la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Habscht, section … de Roodt, sous le numéro (P2), et sise à L-…, ci-après désignée par « la parcelle n° (P2) », demandèrent au bourgmestre de procéder au retrait rétroactif de l’autorisation de construire, précitée, du 7 juin 2022, conformément à l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les admirations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par le « règlement grand-ducal du 8 juin 1979 ».

Par courrier du 26 avril 2023, l’ancien mandataire de l’administration communale de Habscht, ci-après désignée par « la commune », s’adressa au mandataire des consorts (A) dans les termes suivants : « (…) Ma mandante me remet votre courrier du 13 avril 2023 dans le cadre de l’affaire sous rubrique auquel elle souhaite prendre position comme suit.

Je ne saurais pas partager votre avis d’après lequel la commune serait devenue victime d’une « fraude » rendant l’autorisation de bâtir en question susceptible d’une révocation sinon d’un retrait. L’existence d’une telle fraude ne ressort en effet d’aucun élément du dossier administratif et n’a dès lors pas été rapportée en preuve.

Ce n’est qu’à titre purement superfétatoire qu’il est rajouté que l’autorisation de bâtir est conforme à l’ensemble des dispositions règlementaires et légales. (…) ».

Par courrier du 1er juin 2023, le bourgmestre s’adressa aux consorts (A) dans les termes suivants : « (…) Suite à votre réclamation et au contrôle sur place de la clôture 2installée au fond du terrain sis … à Roodt, je vous informe que votre dossier a été traité par la commission des bâtisses lors de sa réunion 31 mai 2023.

Après analyse du dossier, elle confirme que la clôture composée de panneaux d’une hauteur de 1,8 mètres mise en place par votre voisin et autorisée le 7 juin 2022 est bien conforme à l’article 24 du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites.

En effet, la clôture en question a été mise en place sur le terrain de la maison numéro …. Le niveau de ce terrain soutenu par un mur de soutènement tel qu’il se trésente actuellement fait référence.

À remarquer que le changement de couleur de la clôture ne saurait justifier une annulation/modification de l’autorisation vu que cet élément n’est pas défini dans le règlement sur les bâtisses.

Cette même approche vaut pour la longueur de la clôture (pas de longueur maximale définie dans le règlement et par ailleurs dans la demande il est précisé longueur approximative).

Dès lors, je ne suis pas en mesure de donner une suite à votre réclamation. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 juin 2023, inscrite sous le numéro 49070 du rôle, les consorts (A) firent introduire un recours tendant à l’annulation de l’« autorisation de bâtir n°… délivrée par le Bourgmestre de l’administration communale d’Habscht, en date du 07 juin 2022 aux permissionnaires Monsieur et Madame (B1) et (B2) « pour la construction d’une clôture sur la limite postérieure du terrain derrière la maison d’une hauteur de 1.80 mètres et d’une longueur de 15 mètres » sur la parcelle inscrite au cadastre sous le numéro (P1) (l’administration communale indique le numéro cadastral suivant sur l’autorisation de bâtir : …, il s’agit d’un erreur) sise au … L-… », précitée, de la « décision de refus du bourgmestre de retirer l’autorisation de bâtir en date du 26 avril 2023 suite à l’introduction d’un recours gracieux par les requérants », précitée, et de la « décision du bourgmestre en date du 01 juin 2023, refusant de faire droit à la demande des requérants », précitée.

A titre liminaire, il y a lieu de relever que malgré le fait que la requête introductive d’instance ait été signifiée à Monsieur (B1) et à Madame (B2) par voie d’huissier de justice en date du 30 juin 2023, ces derniers n’ont pas constitué avocat dans le délai leur imparti.

Or, nonobstant ce constat, le tribunal est amené à statuer à l’égard de toutes les parties suivant un jugement ayant les effets d’une décision juridictionnelle contradictoire conformément aux dispositions de l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 ».

Aucun recours au fond n’étant prévu en matière d’autorisation de construire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.

I. Quant à l’admissibilité du mémoire en réplique des consorts (A) 3Dans son mémoire en duplique, la commune se rapporte à prudence de justice quant à la recevabilité du mémoire en réplique des consorts (A) quant à la forme et quant au délai.

S’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer à la carence des parties et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions2.

Dès lors, et dans la mesure où, d’une part, la commune est restée en défaut d’expliquer en quoi le mémoire en réplique serait irrecevable quant à la forme et, d’autre part, la partie communale n’a pas non plus précisé en quoi ledit mémoire serait irrecevable quant au délai, ses contestations à cet égard encourent le rejet.

II. Quant à la recevabilité du recours Moyens et arguments des parties Les consorts (A) font tout d’abord valoir qu’ils auraient un intérêt à agir suffisant contre l’autorisation de construire litigieuse, dans la mesure où ils seraient les voisins directs des consorts (B) et auraient une vue directe sur la construction litigieuse qui provoquerait, par ailleurs, une perte d’ensoleillement et une sensation d’écrasement.

Ensuite, et après avoir admis que l’autorisation de construire du 7 juin 2022 aurait acquis autorité de chose décidée, de sorte que leurs « recours gracieux » du 26 avril 2023 et contentieux du 21 juin 2023 auraient été introduits en dehors des délais légaux, ils estiment en substance, que leur recours serait à déclarer recevable ratione temporis sur base de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, suivant lequel le retrait rétroactif d’une décision ne serait possible (i) que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision et (ii) pour une des causes qui auraient justifié l’annulation contentieuse de la décision.

Dans son mémoire en réponse, la commune conteste tout d’abord l’intérêt à agir dans le chef des consorts (A), aux motifs que leur simple qualité de voisin serait insuffisante, que la vue et l’ensoleillement ne sauraient constituer des droits acquis, et que la construction litigieuse n’aurait pas globalement aggravé leur situation. Elle ajoute que la clôture litigieuse se trouverait à une distance de 5,3 mètres de la maison des consorts (A) qui seraient, par ailleurs, restés en défaut de démontrer que cette clôture affecterait substantiellement le degré d’ensoleillement et romprait avec le tissu urbain actuel.

Elle estime ensuite que le recours des consorts (A) serait à déclarer irrecevable ratione temporis en ce qu’il serait intervenu en dehors du délai de trois mois prévu par l’article 13 de la loi du 21 juin 1999, tout en soulignant que les demandeurs auraient concédé, dans leur requête introductive d’instance, qu’ils seraient forclos à agir.

1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 930 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 930 et les autres références y citées.

4 Dans leur mémoire en réplique, les consorts (A) réitèrent qu’ils seraient les voisins directs des consorts (B) et que la construction litigieuse leur causerait un préjudice réel, dans la mesure où ils auraient une vue directe sur cette construction, qui se trouverait à proximité de leur maison, qui se rajouterait au mur de soutènement existant et qui créerait un obstacle visuel particulièrement imposant. Ils auraient dès lors un intérêt à agir en l’espèce.

Dans son mémoire en duplique, la commune maintien son argumentation relative à l’irrecevabilité ratione temporis du recours dirigé contre l’autorisation de construire. Elle estime également que le courrier des consorts (A) du 13 avril 2023 ne saurait être qualifié de recours gracieux au sens de l’article 13 de la loi du 21 juin 1999, alors qu’il serait intervenu après l’expiration du délai de recours. Il en serait de même en ce qui concerne la demande de retrait rétroactif basée sur l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 contenue dans ledit courrier du 13 avril 2023, laquelle serait également intervenue hors délai.

Finalement, la commune est encore d’avis que le courrier de son ancien litismandatire du 26 avril 2023 ainsi que le courrier du bourgmestre du 1er juin 2023 ne seraient pas à qualifier de décisions susceptibles de recours pour ne pas revêtir de caractère décisionnel et ne pas faire grief. Selon la commune, il s’agirait dans les deux cas de courriers échangés avec le litismandataire des consorts (A) dans un but d’apaisement et dans une volonté de dialogue.

Le recours dirigé contre les courriers du 16 avril et 1er juin 2023 serait dès lors également à déclarer irrecevable.

Appréciation du tribunal A. Quant à l’intérêt à agir des consorts (A) L’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux. En matière de contentieux administratif, portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut en tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par le juge administratif3.

Par ailleurs, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue certes un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin4. En d’autres termes, il faut que la construction litigeuse affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien d’un demandeur, lequel doit ainsi voir sa situation s’aggraver effectivement et réellement5, la simple qualité de voisin, même direct, étant dès lors insuffisante pour justifier un intérêt à agir dans le chef du demandeur.

3 Cour adm., 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse n° 2 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle, confirmé par Cour adm., 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas.

adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 98 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 21 février 2018, n° 38029 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 98 et les autres références y citées.

5En tout état de cause, l’intérêt à agir s’apprécie non pas de manière abstraite, par rapport à la seule qualité de propriétaire d’un immeuble voisin, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée6.

En l’espèce, il est constant que les demandeurs sont propriétaires d’une maison d’habitation située sur la parcelle n° (P2), directement adjacente, du côté du jardin, à la parcelle n° (P1) pour laquelle l’autorisation de construire litigieuse a été accordée, ce seul constat étant cependant insuffisant pour fonder leur intérêt à agir, ainsi que cela se dégage des précisions faites ci-avant.

En ce qui concerne l’impact négatif potentiel de l’autorisation querellée sur leur situation de voisins, le tribunal relève que, d’après les plans et les photographies soumis à son appréciation, la construction litigieuse porte sur l’installation d’une clôture sous forme de panneaux brise-vue. Cette clôture, d’une longueur de 15 mètres et d’une hauteur de 1,80 mètres, est placée sur un mur de soutènement préexistant d’environ 1,2 mètres de hauteur, à la limite postérieure de la parcelle n° (P1), et remplace une clôture transparente préexistante d’une hauteur plus réduite.

Il se dégage également des pièces versées en cause que les demandeurs ont, du côté de leur jardin, une vue directe sur la construction litigieuse, et que celle-ci se trouve à une distance de 5,3 mètres de la façade postérieure de leur maison.

Ainsi, la vue directe sur la construction autorisée, sa proximité, de même que la perte de vue du fait de l’opacité de la clôture litigieuse par apport à la situation antérieure, amènent le tribunal à retenir que la situation de voisin des demandeurs est affectée de manière suffisante pour leur conférer l’intérêt à agir légalement requis, de sorte que les contestations afférentes de la commune sont à rejeter.

Le moyen d’irrecevabilité sous analyse encourt, dès lors, le rejet.

B. Quant à la recevabilité ratione temporis du recours dirigé contre l’autorisation de construire du 7 juin 2022 Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 13 de la loi du 21 juin 1999 « (1) Sauf dans les cas où les lois ou les règlements fixent un délai plus long ou plus court et sans préjudice des dispositions de la loi du 22 décembre 1986 relative au relevé de la déchéance résultant de l’expiration d’un délai imparti pour agir en justice, le recours au tribunal n’est plus recevable après trois mois du jour où la décision a été notifiée au requérant ou du jour où le requérant a pu en prendre connaissance.

(2) Toutefois si la partie intéressée a adressé un recours gracieux à l’autorité compétente avant l’expiration du délai de recours fixé par la disposition qui précède ou d’autres dispositions législatives ou réglementaires, le délai du recours contentieux est suspendu et un nouveau délai commence à courir à partir de la notification de la nouvelle décision qui intervient à la suite de ce recours gracieux. (…) ».

6 Trib. adm., 8 décembre 2003, n° 16236 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse n° 122 et les autres références y citées.

6Il résulte de la disposition légale qui précède que le délai pour introduire un recours auprès des juridictions administratives, qui est, en l’espèce de trois mois, court à compter du jour où le demandeur a eu notification ou connaissance de la décision concernée, et que ce délai peut être interrompu par l’introduction d’un recours gracieux, sous condition toutefois que ce recours gracieux ait, à son tour, été introduit avant l’expiration du délai pour introduire un recours contentieux.

Par ailleurs, quant au point de départ du délai de recours contentieux en matière d’autorisations de construire l’article 37 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain prévoit ce qui suit, en ses alinéas 6 et 7 :

« Un certificat délivré par le bourgmestre attestant que la construction projetée a fait l’objet de son autorisation est affiché par le maître de l’ouvrage aux abords du chantier, de manière aisément visible et lisible à partir de la voie publique par les personnes intéressées.

Le certificat mentionne que le public peut prendre inspection à la maison communale des plans afférents appartenant à l’autorisation de construire pendant le délai durant lequel l’autorisation est susceptible de recours. Une information mentionnant la délivrance de l’autorisation de construire est publiée sur le site internet de la commune.

Le délai de recours devant les juridictions administratives court à compter de l’affichage du certificat conformément à l’alinéa 6. ».

Il s’ensuit que le délai pour agir à l’encontre d’une autorisation de construire court à compter de l’affichage du certificat point rouge afférent.

En l’espèce, dans la mesure où les demandeurs ne remettent pas en cause que l’autorisation litigieuse a été affichée immédiatement après sa délivrance en date du 7 juin 2022, mais admettent, au contraire, que leur recours contentieux du 21 juin 2023 a été introduit en dehors du délai prévu par l’article 13, paragraphe (1) de la loi du 21 juin 1999, précité, leur recours dirigé contre ladite autorisation de construire est a priori irrecevable ratione temporis pour avoir été introduit un an après son affichage aux abords du chantier.

Force est ensuite de constater qu’aucun recours gracieux susceptible d’avoir pour effet de suspendre le délai en question et de faire courir un nouveau délai de recours, tel que prévu par l’article 13, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999, précité, n’a été introduit par les demandeurs.

En effet, bien que, dans le cadre du présent recours, les demandeurs qualifient, sans autre précision, le courrier adressé à la commune en date du 13 avril 2023 comme recours gracieux, il ne ressort cependant pas de la lecture dudit courrier, rédigé par un professionnel de la postulation, qu’ils aient voulu introduire un recours gracieux conformément à l’article 13, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999.

Il est ainsi tout d’abord constant pour encore résulter des constatations du litismandataire des demandeurs dans ledit courrier du 13 avril 2023, que ce dernier est intervenu après l’expiration du délai de recours contre l’autorisation de construire du 7 juin 2022, de sorte qu’il n’était pas susceptible de suspendre le délai de recours contentieux au sens de l’article 13, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999, précité.

7Ensuite, à la lecture du courrier du 13 avril 2023, il appert que les consorts (A) se sont limités à solliciter du bourgmestre de faire application de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, et de retirer l’autorisation de construire litigieuse rétroactivement notamment sur base de l’adage « fraus omnia corrumpit ».

Au regard de ce qui précède, il convient de retenir que le courrier du 13 avril 2023 ne saurait être considéré comme constituant un recours gracieux au sens de l’article 13, paragraphe (2) de la loi du 21 juin 1999, précité, mais une demande individuelle des demandeurs adressée au bourgmestre.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’à défaut d’introduction d’un recours gracieux en temps utile contre l’autorisation de construire du 7 juin 2022, celle-ci est devenue définitive et que partant, le recours contentieux dirigé contre cette décision en date du 21 juin 2023, soit un an après la prise de ladite décision, est irrecevable ratione temporis.

Cette constatation n’est pas énervée par les considérations des demandeurs basées sur l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, qui permet à l’administration de retirer rétroactivement une décision ayant créé ou reconnu des droits pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux, ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision, sous réserve que le retrait soit justifié pour une des causes qui auraient permis l’annulation contentieuse de la décision en question, dans la mesure où ledit article n’a pas vocation à s’appliquer dans le cadre de l’analyse de la recevabilité ratione temporis d’un recours contentieux.

C. Quant au caractère décisionnel des courriers des 26 avril et 1er juin 2023 Aux termes de l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, un recours est ouvert « contre toutes les décisions administratives à l’égard desquelles aucun autre recours n’est admissible ».

Cet article limite ainsi l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives notamment aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et qu’il doit s’agir d’une véritable décision, affectant les droits et intérêts de la personne qui la conteste.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit dès lors constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte de nature à produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame. Si le caractère décisoire de l’acte attaqué est une condition nécessaire à la recevabilité du recours contentieux, il n’est pas pour autant une condition suffisante. En effet, pour être susceptible de faire l’objet d’un recours la décision critiquée doit encore être de nature à faire grief7.

7 Trib. adm., 18 juin 1998, n° 10617 et 10618 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 51 et les autres références y citées.

8Plus particulièrement, n’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision8. Pareillement, une lettre qui ne porte aucune décision et qui n’est que l’expression d’une opinion destinée à éclairer l’administré sur les droits qu’il peut faire valoir ou plus généralement sur la situation juridique, de même qu’un avis sur l’interprétation à donner à un texte légal ne sont pas susceptibles de faire l’objet d’un recours contentieux9.

Dans cet ordre d’idées, il s’agit encore de rappeler que pour valoir décision administrative, un acte doit constituer la décision définitive dans la procédure engagée et non pas une simple mesure d’instruction destinée à permettre à l’autorité compétente de recueillir les éléments d’information en vue de sa décision ultérieure10.

Pour déterminer le caractère décisoire ou simplement informatif, respectivement préparatoire à une décision ultérieure d’une lettre, il y a lieu d’analyser son libellé et de qualifier son contenu.

En l’espèce, la commune conteste le caractère décisionnel tant du courrier du 26 avril 2023 de son ancien mandataire, que du courrier du bourgmestre du 1er juin 2023.

Or, tel que constaté ci-avant, il ressort du libellé du courrier des demandeurs du 13 avril 2023 qu’ils ont sollicité du bourgmestre de procéder au retrait rétroactif de l’autorisation de construire du 7 juin 2022 sur base de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, tout en développant leurs moyens et arguments y relatifs.

Il convient ensuite de relever qu’en réponse à la demande des demandeurs lui soumise, le bourgmestre a, dans son courrier du 1er juin 2023 expressément retenu qu’après analyse du dossier « je ne suis pas en mesure de donner une suite favorable à votre réclamation » et a, de ce fait, refusé de procéder au retrait rétroactif de l ’autorisation de construire du 7 juin 2022 sur base de l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, tel que sollicité par les demandeurs, décision de refus qui, indépendamment de son bien -

fondé, affecte les intérêts des demandeurs dans leur qualité de propriétaires d ’une maison d’habitation voisine à la parcelle n° (P1) pour laquelle l’autorisation de construire litigieuse a été accordée.

A vu des considérations qui précèdent, le courrier du bourgmestre du 1er juin 2023 est dès lors à qualifier de décision administrative susceptibles de faire l ’objet d’un recours contentieux pour affecter négativement la situation de leurs destinataires, de sorte que les contestations de la commune y relatives sont à rejeter pour ne pas être fondées.

Cette même conclusion ne s’impose cependant pas en ce qui concerne le courrier du 26 avril 2023, précité, de l’ancien mandataire de la commune. En effet, à travers ce courrier, intervenu avant la décision définitive du bourgmestre du 1er juin 2023 refusant de faire droit à la demande des demandeurs du 13 avril 2023, l’ancien mandataire de la 8 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par arrêt du 19 février 1998, n° 10263C, Pas.

adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 80 et les autres références y citées.

9 Trib. adm., 7 mars 2007, n° 21708 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 80 et les autres références y citées.

10 Trib. adm., 6 janvier 1998, n° 10138 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 106 et les autres références y citées.

9commune s’est limité à y prendre position, sans cependant s’exprimer d’une quelconque manière sur le sort réservé par le bourgmestre à leur demande, de sorte qu’il ne saurait être qualifié de décision administrative susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux pour être dépourvu de tout caractère décisionnel.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre le courrier du 26 avril 2023 est à déclarer irrecevable pour ne pas être dirigé contre une décision susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

A défaut de tout autre moyen d’irrecevabilité soulevé de part et d’autre, il convient de déclarer le recours en annulation dirigé contre la décision du bourgmestre du 1er juin 2023 recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

III. Quant au fond Moyens et arguments des parties Les consorts (A) reprochent au bourgmestre de ne pas avoir fait droit à leur demande de retrait rétroactif de l’autorisation de construire litigieuse sur base l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, suivant lequel le retrait rétroactif d’une décision ne serait possible (i) que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision et (ii) pour une des causes qui auraient justifié l’annulation contentieuse de la décision.

Après avoir admis que l’autorisation de construire du 7 juin 2022 aurait acquis autorité de chose décidée, les demandeurs font valoir que la première condition temporelle prévue par l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 trouverait une exception dans l’adage « fraus omnia corrumpit », suivant lequel une décision obtenue par fraude serait susceptible d’être révoquée voire retirée, au-delà du délai imparti pour introduire un recours à son encontre. Dans ce contexte, les demandeurs estiment que la commune aurait été victime d’une fraude, dans la mesure où les plans communiqués à la base de la demande d’autorisation de construire litigieuse n’auraient pas correspondu pas à la « réalité » et que le bourgmestre n’aurait dès lors pas eu connaissance du mur de soutènement sur lequel la construire de la clôture litigieuse était prévue.

Concernant la deuxième condition inscrite à l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, les consorts (A) invoquent, en substance, une violation (i) de l’article 24 du règlement sur les bâtisses, les voies publiques et les sites de la commune d’Habscht, ci-après désigné par le « règlement sur les bâtisses », en ce que la construction litigieuse dépasserait les prescriptions en matière de hauteur et (ii) de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, dans la mesure où aucune notification individuelle de la demande d’autorisation de construire ne serait intervenue en l’espèce en violation de leurs droits de la défense et de leur droit de participer à la prise d’une décision administrative inscrits à l’article 1er de la loi du 1er décembre 1978 réglant la procédure administrative non contentieuse.

Dans son mémoire en réponse, la commune conteste toute existence d’une fraude en l’espèce, et affirme que le bourgmestre ainsi que les différents services communaux auraient été au courant de la configuration exacte des lieux, tout en soulignant que l’existence du mur de soutènement ressortirait également de la demande d’autorisation de construire.

10 Elle estime ensuite et en substance, que l’autorisation de construire serait légale dans la mesure où la construction litigieuse ne dépasserait pas les prescriptions en matière de hauteur et réfute l’argumentation des consorts (A) tirée de l’article 5 du règlement grand-

ducal du 8 juin 1979 au motif que la violation dudit article n’aurait pas été invoquée endéans le délai de recours contentieux.

Dans leur mémoire en réplique, et quant à la première condition temporelle prévue par l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, les consorts (A) estiment que l’autorisation de construire aurait bien été obtenue par fraude, dans la mesure où le bourgmestre n’aurait pas eu connaissance de la hauteur exacte du mur de soutènement sur lequel la construction litigieuse aurait été projetée. Les demandeurs se basent dans ce contexte sur l’article 90 du règlement sur les bâtisses énonçant les différents informations et documents à verser à l’appui d’une demande d’autorisation de construire, pour souligner que le plan de situation à l’échelle 1 :500 ou 1 :250, indiquant les reculs par rapport aux limites parcellaires et la distance entre les constructions, n’aurait pas été versé à l’appui de la demande d’autorisation de construire et que ce plan de situation aurait permis au service technique de la commune de constater que la construction litigieuse aurait été projetée sur un mur de soutènement d’une hauteur de 1,2 mètres. Ils affirment également dans ce contexte que lors d’une entrevue avec le bourgmestre, les échevins et des techniciens communaux en date du 28 mars 2023, ceux-ci auraient confirmé de ne pas avoir été au courant de la hauteur du mur de soutènement, lesdits techniciens communaux se seraient encore rendus sur place en date du 11 mai 2023 et auraient affirmé que ledit mur « était vraiment haut ». Ils en concluent que les consorts (B) auraient ainsi voulu tromper la vigilance du bourgmestre qui n’aurait pas pu se rendre compte de la situation, de sorte que l’adage « fraus omnia corrumpit » serait d’application en l’espèce et que la première condition prévue par l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait dès lors remplie.

Ils réitèrent ensuite leurs développements relatifs à une violation de l’article 24 du règlement sur les bâtisses et de l’article 5 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 pour conclure que la deuxième condition prévue par l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 serait également remplie en l’espèce, de sorte que le bourgmestre aurait dû procéder au retrait rétroactif de l’autorisation de construire du 7 juin 2022.

Dans son mémoire en duplique, la commune maintient, en substance, son argumentation suivant lequel la construction litigieuse serait légale et ne dépasserait pas les prescriptions communales en matière d’hauteur.

Appréciation du tribunal L’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 dispose que : « En dehors des cas où la loi en dispose autrement, le retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits n’est possible que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux, ainsi que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision.

Le retrait d’une telle décision ne peut intervenir que pour une des causes qui auraient justifié l’annulation contentieuse de la décision. ».

11Il résulte de cette disposition que le retrait rétroactif d’une décision ayant créé ou reconnu des droits n’est possible que si deux conditions sont remplies, l’une tenant au délai endéans lequel le retrait peut être opéré, et l’autre tenant au motif dudit retrait. En l’occurrence, d’une part, le retrait ne peut intervenir que pendant le délai imparti pour exercer contre cette décision un recours contentieux de même que pendant le cours de la procédure contentieuse engagée contre cette décision, et, d’autre part, il ne peut intervenir que pour une des causes qui auraient justifié l’annulation contentieuse de la décision.

Il y a tout d’abord lieu de constater qu’il est constant en cause que l’autorisation de construire du 7 juin 2022 est à qualifier de décision ayant créé ou reconnu des droits aux consorts (B), à savoir le droit de construire une clôture, d’une longueur de 15 mètres et d’une hauteur de 1,80 mètres, sur la limite postérieure de la parcelle n° (P1).

En ce qui concerne ensuite la première condition tenant au délai endéans lequel le retrait prévu par l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 peut être opéré, il y a lieu de rappeler, tel que retenu ci-avant, que l’autorisation de construire du 7 juin 2022 est devenue définitive et que la demande du 13 avril 2023 des consorts (A) de procéder au retrait rétroactif de ladite autorisation de construire n’est pas intervenue pendant le délai imparti pour exercer un recours contentieux contre l’autorisation en question, de sorte que la condition temporelle prévue par l’article 8 en question n’est a priori pas remplie en l’espèce.

En ce qui concerne dans ce contexte l’adage « fraus omnia corrumpit » invoqué par les demandeurs, il y a lieu de constater qu’en vertu dudit adage, une décision obtenue par fraude est susceptible d’être révoquée voire retirée. Une décision de retrait peut d’ailleurs intervenir à tout moment, étant donné qu’un avantage obtenu par fraude ne saurait créer des droits respectivement acquérir un caractère définitif à l’égard du fraudeur. Cette solution s’impose, dès lors qu’il ne saurait être envisagé que le principe de légalité soit susceptible de s’accommoder des abus et des fraudes11.

Force est ensuite de constater, qu’aucun élément du dossier soumis à l’appréciation du tribunal ne permet de constater une quelconque fraude dans le chef des consorts (B) afin d’obtenir l’autorisation de construire litigieuse.

En effet, il ressort tout d’abord des pièces du dossier administratif que des photos de la situation des lieux, montrant le mur de soutènement sur lequel la construction litigieuse était envisagée, ont bien été versées par les consorts (B) à l’appui de leur demande d’autorisation de construire.

Force est ensuite de constater que la commune conteste formellement avoir été victime d’une fraude en l’espèce, celle-ci affirmant, au contraire, que le bourgmestre a délivré l’autorisation de construire en parfaite connaissance de cause et que la commune est au courant de la configuration exacte des lieux sur son propre territoire.

La circonstance, invoquée par les demandeurs, qu’un plan de situation à l’échelle 1 :500 ou 1 :250, indiquant les reculs par rapport aux limites parcellaires et la distance entre les constructions, n’a pas été versé à l’appui de la demande d’autorisation de construire n’est pas non plus de nature à établir une fraude dans le chef des consorts (B) eu égard aux 11 Cour adm., 16 juin 2011, n° 27975C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 93 et les autres références y citées.

12affirmations de la commune d’avoir, en tout état de cause, été au courant de la situation des lieux.

Une telle fraude ne ressort, par ailleurs, pas non plus des échanges de courriels versés en cause par les demandeurs, dans la mesure où la commune n’y a pas admis avoir été victime d’une fraude et que les allégations en ce sens résultent exclusivement des déclarations des demandeurs.

Il s’ensuit que la première condition tenant au délai endéans lequel le retrait prévu par l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 peut être opéré n’est pas remplie en l’espèce, de sorte qu’il y a lieu de retenir que c’est à bon droit que le bourgmestre a refusé de faire droit à la demande de retrait rétroactif de l’autorisation de construire litigieuse des demandeurs basé sur l’article 8 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, sans qu’il n’y a lieu d’analyser la deuxième condition tendant au motif de retrait, les conditions prévues par ledit article 8 étant, en effet, cumulatives.

Le recours dirigé contre la décision 1er juin 2023 est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

IV. Quant à l’indemnité de procédure Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande des demandeurs de se voir octroyer une indemnité de procédure de 5.000.-€ sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;

déclare le recours dirigé contre l’autorisation de construire du 7 juin 2022 irrecevable ;

déclare le recours dirigé contre le courrier du 26 avril 2023 irrecevable ;

reçoit le recours en annulation contre la décision du bourgmestre de la commune d’Habscht du 1er juin 2023 en la forme ;

au fond, le déclaré non justifié, partant en déboute ;

déboute les demandeurs de leur demande en paiement d’une indemnité de procédure ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 21 mai 2025 par :

Daniel WEBER, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.

13 s. Luana POIANI s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 21 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 49070
Date de la décision : 21/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-21;49070 ?

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