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20/05/2025 | LUXEMBOURG | N°50810

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 20 mai 2025, 50810


Tribunal administratif N° 50810 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:50810 3e chambre Inscrit le 26 juillet 2024 Audience publique du 20 mai 2025 Recours formé par Madame (A), connue sous un autre alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50810 du rôle et déposée le 26 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à l

a Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A)...

Tribunal administratif N° 50810 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:50810 3e chambre Inscrit le 26 juillet 2024 Audience publique du 20 mai 2025 Recours formé par Madame (A), connue sous un autre alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 50810 du rôle et déposée le 26 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Pascale PETOUD, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Erythrée), de nationalité érythréenne, connue sous un autre alias, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision de départ du ministre des Affaires intérieures du 17 juillet 2024, déclarant son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois et retenant qu’elle est tenue de se rendre immédiatement vers la Grèce, Etat membre qui lui a délivré un titre de séjour en tant que bénéficiaire de la protection internationale ;

Vu l’ordonnance du vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement du président et des magistrats plus anciens en rang, tous légitimement empêchés, du 31 juillet 2024, inscrite sous le numéro 50811R du rôle ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 27 novembre 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Pascale PETOUD et Monsieur le délégué du gouvernement Vincent STAUDT en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 février 2025.

Le 28 mai 2024, Madame (A), connue sous un autre alias, introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, désignée ci-après par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, elle fut entendue par un agent de la police grand-ducale, service de la police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

1Une recherche effectuée à la même date dans la base de données EURODAC révéla que Madame (A) avait auparavant déposé une demande de protection internationale en Grèce en date du 22 février 2024.

En date du 7 juin 2024, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités grecques en vue d’obtenir de plus amples informations sur la situation administrative de Madame (A) en Grèce sur base de l’article 34 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, demande à laquelle les autorités grecques répondirent, par retour de courrier du 26 juin 2024, que l’intéressée bénéficie du statut de réfugié depuis le 4 mars 2024 et qu’elle dispose d’un titre de séjour en cette qualité, valable du 4 mars 2024 jusqu’au 3 mars 2027, ainsi que d’un document de voyage afférent valable du 11 mars 2024 jusqu’au 10 mars 2029.

Le 2 juillet 2024, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère dans le cadre d’un entretien concernant la recevabilité de sa demande de protection internationale.

Par décision du 4 juillet 2024, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée expédiée le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame (A) que sa demande de protection internationale avait été déclarée irrecevable sur base de l’article 28, paragraphe (2), point a) de la loi du 18 décembre 2015, au motif qu’une protection internationale lui avait été accordée par un autre Etat membre de l’Union européenne, à savoir la Grèce où elle est bénéficiaire du statut de réfugié.

Par courrier du 16 juillet 2024, le ministre introduisit auprès des autorités grecques une demande de réadmission de Madame (A) en application de l’article 6, paragraphe (2) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, demande qui fut acceptée par lesdites autorités grecques en date du 18 juillet 2024.

Par un arrêté du 17 juillet 2024, notifié à l’intéressée en mains propres le 24 juillet 2024, le ministre prit une décision de départ à l’encontre de Madame (A) constatant l’irrégularité de son séjour sur le territoire luxembourgeois, tout en l’informant qu’elle est tenue de se rendre immédiatement en Grèce, Etat membre qui lui a délivré un titre de séjour en tant que bénéficiaire de la protection internationale, ledit arrêté étant libellé comme suit :

« […] Vu les articles 100, 109 et 110 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vue la décision d'irrecevabilité du 4 juillet 2024 ;

Considérant que l'intéressée est démunie de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il résulte du système Eurodac que l'intéressée a introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 22 février 2024 ;

Considérant que l'intéressée est bénéficiaire du statut de réfugié en Grèce depuis le 4 mars 2024 ;

Considérant que l'intéressée n'est pas en possession d'une autorisation de travail ;

Considérant que l'intéressée ne justifie pas l'objet et les conditions du séjour envisagé ;

2 Arrête:

Art. 1er.- La nommée (A), née le … à … / Erythrée et de nationalité érythréenne, est en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois.

Art. 2.- L'intéressée est tenu de se rendre immédiatement vers la Grèce, Etat membre qui lui a délivré un titre de séjour en tant que bénéficiaire de la protection internationale.

[…] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 juillet 2024, inscrite sous le numéro 50788 du rôle, Madame (A) fit introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle du 4 juillet 2024 ayant déclaré irrecevable sa demande de protection internationale, recours dont elle fut déboutée par un jugement du tribunal administratif du 11 septembre 2024.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 26 juillet 2024, inscrite sous le numéro 50810 du rôle, Madame (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 17 juillet 2024.

Par requête séparée déposée au greffe du tribunal administratif le même jour, inscrite sous le numéro 50811R du rôle, elle a également fait introduire une demande tendant à voir suspendre l’obligation de quitter le territoire prévue dans l’arrêté ministériel du 17 juillet 2024 et à se voir autoriser à résider sur le territoire luxembourgeois dans l’attente du jugement du tribunal administratif à intervenir au fond concernant la légalité de l’arrêté ministériel du 17 juillet 2024, demande dont elle fut déboutée par ordonnance du vice-président du tribunal administratif, siégeant en remplacement des président et magistrats plus anciens en rang, du 31 juillet 2024.

Aucun recours au fond n’étant prévu en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce. En revanche, le tribunal est compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et au-delà des faits et rétroactes relatés ci-dessus, Madame (A) expose être de nationalité érythréenne et avoir quitté son pays d’origine le 30 septembre 2022 pour le Soudan où elle serait restée pendant environ trois mois, avant de se rendre en Turquie où elle aurait vécu pendant environ treize mois. Elle précise s’être ensuite rendue en Grèce, où elle serait restée pendant environ trois mois, puis en Belgique, avant d’arriver finalement au Luxembourg. En se référant à son entretien sur la recevabilité de sa demande de protection internationale du 2 juillet 2024, elle relève qu’elle n’aurait jamais eu l’intention d’introduire une demande de protection internationale en Grèce. Or, à son arrivée en Grèce, elle aurait été arrêtée par la police et placée dans un centre fermé pour réfugiés, dont les conditions auraient été particulièrement difficiles, avant de pouvoir continuer son trajet vers le Luxembourg et d’y déposer une demande de protection internationale. Elle fait encore valoir qu’en raison des conditions de vie indigentes des bénéficiaires de la protection internationale en Grèce, elle n’aurait, malgré le fait qu’elle y bénéficierait du statut de réfugié, aucune perspective d’y mener une vie décente. Elle relève, en outre, que par courrier de l’Office national de l’accueil (ONA) 3du 17 juillet 2024, elle se serait vu notifier une injonction de quitter la structure d’hébergement au plus tard le 25 juillet 2024.

En droit, Madame (A), après avoir cité les articles 100, paragraphe (1), point c), 109 et 110 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation et l’immigration, dénommée ci-

après la « loi du 29 août 2008 », fait d’abord valoir qu’elle ne se serait, au jour de la décision déférée, pas trouvée en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois au regard des dispositions de l’article 100 de la loi du 29 août 2008, étant donné qu’elle bénéficierait du statut de réfugié en Grèce, qu’elle disposerait d’un titre de séjour grec en cette qualité et qu’elle ne se trouverait sur le territoire luxembourgeois que depuis le 28 mai 2024, jour du dépôt de sa demande de protection internationale, soit depuis moins de trois mois.

La demanderesse se prévaut ensuite d’une violation de l’article 111, paragraphes (2) et (3), point c) de la loi du 29 août 2008, en soutenant, d’une part, qu’aucun motif d’urgence n’aurait été invoqué par le ministre et, d’autre part, qu’elle ne tomberait pas dans l’un des cas énumérés au point c) du paragraphe (3) dudit article, justifiant qu’elle doive quitter le territoire sans délai et non endéans les 30 jours normalement prévus.

En troisième lieu, la demanderesse fait plaider que la décision déférée serait contraire à l’article 129 de la loi du 29 août 2008, alors qu’elle craindrait, en cas de retour en Grèce, d’être exposée à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « la CEDH », ou à des traitements prohibés par les articles 1er et 3 de la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, dénommée ci-après « la Convention contre la torture ». A cet égard, elle souligne que malgré son statut de réfugié en Grèce, elle n’aurait, en pratique, aucun droit à bénéficier d’une assistance financière, à obtenir un hébergement ou une aide à l’hébergement, ou à accéder aux soins médicaux, comme le confirmerait une note de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) du 29 septembre 2023, qu’elle verse en tant que pièce.

La demanderesse estime ainsi qu’en raison de la précarité généralisée à laquelle seraient exposés les bénéficiaires de protection internationale en Grèce « et des risques encourus pour sa santé », il serait établi qu’elle risquerait de subir des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH et aux articles 1er et 3 de la Convention contre la torture, en soulignant encore que ce risque devrait être évalué sur base de sa situation individuelle et particulière de femme seule, n’ayant aucune famille en Grèce et partant qualifiable de personne vulnérable au sens de l’article 15 de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire. Elle invoque encore, dans ce contexte, un jugement du tribunal administratif du 10 juillet 2024, inscrit sous le numéro 50474 du rôle, ayant annulé une décision déclarant irrecevable une demande de protection internationale introduite par une personne bénéficiaire d’une protection internationale en Grèce en raison d’une violation des articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dénommée ci-après « la Charte », et 3 de la CEDH.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal A titre liminaire, le tribunal relève que lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la 4base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés1.

Il y a ensuite lieu de rappeler qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant2.

En ce qui concerne, en premier lieu, le moyen tenant à une violation de l’article 100 de la loi du 29 août 2008, cet article, dans sa version applicable au présent litige, prévoit que :

« (1) Est considéré comme séjour irrégulier sur le territoire la présence d’un ressortissant de pays tiers :

a) qui ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 34 ;

b) qui se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou de son autorisation de voyage ou au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

c) qui n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise ;

d) qui relève de l’article 117.

(1bis) Une décision de retour est prise conformément à l’article 111 à l’encontre de tout ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire, sans préjudice des paragraphes (2) et (3).

(2) Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois qui sont titulaires d’un titre de séjour valable ou d’une autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement et au plus tard dans les soixante-douze heures sur le territoire de cet État membre sur base d’une décision de départ prise par le ministre. En cas de non-respect de cette prescription ou lorsque le départ immédiat est requis pour des motifs relevant de l’ordre public ou de la sécurité nationale, une décision de retour est prise à l’encontre des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, à l’exception des bénéficiaires d’une protection internationale pour lesquels la décision de départ peut être exécutée d’office et par la contrainte.

Les ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois peuvent être remis aux autorités de l’État membre qui les a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont ils proviennent directement, en application des accords ou arrangements bilatéraux entre les États membres et les États associés à l’Espace Schengen, en vigueur au 13 janvier 2009. Une décision de renvoi est prise par le ministre. Cette décision peut être exécutée d’office et par la contrainte. […] ».

Il se dégage de la lecture de la disposition légale précitée qu’elle prévoit des critères alternatifs permettant de conclure au caractère irrégulier du séjour d’un ressortissant de pays 1 Cour adm., 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 41 (2e volet) et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 21060 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 545 (2e volet) et les autres références y citées.

5tiers, de sorte qu’il suffit que celui-ci tombe dans l’une des hypothèses y visées pour que le ministre puisse déclarer son séjour irrégulier.

L’article 34 de la loi du 29 août 2008, visé au point a) du paragraphe (1) de l’article 100, précité, de la loi du 29 août 2008, dans sa version applicable au moment de la prise de la décision déférée, dispose, quant à lui, que :

« (1) Pour entrer sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et pour le quitter, le ressortissant de pays tiers doit être muni d’un document de voyage valable et le cas échéant du visa requis, tels que prévus par les conventions internationales et la réglementation de l’Union européenne.

Une autorisation de voyage est exigée du ressortissant de pays tiers exempté de visa dans les conditions prévues par le règlement (UE) 2018/1240 du Parlement européen et du Conseil du 12 septembre 2018 portant création d’un système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages (ETIAS) et modifiant les règlements (UE) n° 1077/2011, (UE) n° 515/2014, (UE) 2016/399, (UE) 2016/1624 et (UE) 2017/2226.

(2) Il a le droit d’entrer sur le territoire et d’y séjourner pour une période n’excédant pas 90 jours sur toute période de 180 jours, s’il remplit les conditions suivantes :

1. être en possession d’un passeport en cours de validité et d’un visa en cours de validité ou d’une autorisation de voyage en cours de validité ; le ressortissant de pays tiers titulaire d’un titre de séjour en cours de validité est admis sur le territoire au seul vu de ce titre et d’un document de voyage ;

2. ne pas faire l’objet d’un signalement aux fins de non-admission sur base de l’article 96 de la Convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 et être signalé à cette fin dans le Système d’Information Schengen (SIS) ;

3. ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire ;

4. ne pas être considéré comme constituant une menace pour l’ordre public, la sécurité intérieure, la santé publique ou les relations internationales du Grand-Duché de Luxembourg ou de l’un des États parties à une convention internationale relative au franchissement des frontières extérieures, liant le Grand-Duché de Luxembourg ;

5. justifier l’objet et les conditions du séjour envisagé, et justifier de ressources personnelles suffisantes, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays d’origine ou le transit vers un pays tiers dans lequel son admission est garantie, ou justifier de la possibilité d’acquérir légalement ces moyens et disposer d’une assurance maladie couvrant tous les risques sur le territoire. Un règlement grand-ducal définit les ressources exigées et précise les conditions et les modalités selon lesquelles la preuve peut être rapportée ; […] ».

En l’espèce, le ministre a motivé sa décision du 17 juillet 2024 par les circonstances que la demanderesse ne serait pas en possession d’un document d’identité et de voyage valable, ni d’une autorisation de travail et qu’elle ne justifierait pas l’objet et les conditions du séjour envisagé.

6A cet égard, le tribunal constate qu’il ressort des éléments du dossier administratif, notamment du rapport de la police grand-ducale du 28 mai 2024, et qu’il n’est, par ailleurs, pas contesté, qu’au moment de la prise de la décision litigieuse, la demanderesse n’était pas en possession d’un passeport en cours de validité, ni a fortiori d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de voyage en cours de validité, de sorte qu’elle ne remplissait pas la première condition de l’article 34 de la loi du 29 août 2008. Il est également constant en cause pour ne pas être contesté qu’au moment de la prise de la décision litigieuse, la demanderesse ne justifiait pas l’objet et les conditions du séjour envisagé, de sorte qu’elle ne remplissait pas non plus la condition prévue au point 5. du paragraphe (2) de ladite disposition légale. Il convient, par ailleurs, de rappeler dans ce contexte que la demande de protection internationale introduite au Luxembourg par Madame (A) a été déclarée irrecevable par une décision du ministre du 4 juillet 2024, décision qui fut définitivement confirmée par un jugement du tribunal administratif, prémentionné, du 11 septembre 2024.

Or, dans la mesure où le fait de ne pas remplir l’une des conditions prévues au paragraphe (2) de l’article 34, précité, entraîne de plano l’irrégularité du séjour d’un ressortissant de pays tiers, le ministre a valablement pu constater le séjour irrégulier de la demanderesse sur base de l’article 100, paragraphe (1), point a) de la loi du 29 août 2008.

Cette conclusion n’est pas énervée par le fait que la demanderesse bénéficie du statut de réfugié en Grèce et qu’elle dispose d’un titre de séjour grec en cette qualité. En effet, force est de relever que la décision litigieuse ne constitue pas une décision de retour au sens du paragraphe (1bis) de l’article 100, précité, mais une décision de départ au sens du paragraphe (2) dudit article, aux termes duquel « [l]es ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois qui sont titulaires d’un titre de séjour valable ou d’une autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre sont tenus de se rendre immédiatement et au plus tard dans les soixante-douze heures sur le territoire de cet État membre sur base d’une décision de départ prise par le ministre. En cas de non-respect de cette prescription ou lorsque le départ immédiat est requis pour des motifs relevant de l’ordre public ou de la sécurité nationale, une décision de retour est prise à l’encontre des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, à l’exception des bénéficiaires d’une protection internationale pour lesquels la décision de départ peut être exécutée d’office et par la contrainte. », hypothèse dans laquelle se trouve précisément la demanderesse.

Il s’ensuit que le moyen afférent de la demanderesse, tiré d’une violation de l’article 100 de la loi du 29 août 2008 en ce qu’elle ne se trouverait pas en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois encourt le rejet pour ne pas être fondé.

S’agissant, en second lieu, du moyen de la demanderesse tendant à une violation de l’article 111 de la loi du 29 août 2008, cette disposition prévoit ce qui suit :

« (1) Est considérée comme décision de retour toute décision du ministre déclarant illégal le séjour d’un ressortissant de pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de quitter le territoire pour la personne qui s’y trouve. Cette décision vaut décision d’éloignement et peut être exécutée d’office conformément à l’article 124. Les décisions assorties d’une obligation de quitter le territoire comportent l’indication du délai imparti pour quitter volontairement le territoire, ainsi que le pays à destination duquel le ressortissant de pays tiers sera renvoyé en cas d’exécution d’office. Elles ne peuvent être exécutées qu’après expiration du délai imparti, à moins que, au cours de celui-ci, un risque de fuite tel que visé au paragraphe (3), point c), apparaisse.

7(2) Sauf en cas d’urgence dûment motivée, le ressortissant de pays tiers dispose d’un délai de trente jours à compter de la notification de la décision de retour pour satisfaire volontairement à l’obligation qui lui a été faite de quitter le territoire et il peut solliciter à cet effet un dispositif d’aide au retour. Si nécessaire, le ministre peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux.

(3) Le ressortissant de pays tiers est obligé de quitter le territoire sans délai : […] c) s’il existe un risque de fuite dans son chef. Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé dans les cas suivants :

1. s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 ;

2. s’il se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;

3. s’il s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ;

4. si une décision d’expulsion conformément à l’article 116 est prise contre lui ;

5. s’il a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou s’il a fait usage d’un tel document ;

6. s’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité, ou qu’il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu’il n’a pas déclaré le lieu de sa résidence effective, ou qu’il s’est soustrait aux obligations prévues au présent article et à l’article 125. […] ».

Il se dégage de cette disposition légale, lue ensemble avec l’article 100, paragraphe (1bis) de la loi du 29 août 2008, précité, que le séjour irrégulier d’un ressortissant de pays tiers sur le territoire luxembourgeois dans les cas prévus à l’article 100, paragraphe (1), précité, de la même loi, donne en principe, sous réserve des dispositions des paragraphes (2) et (3) du même article, lieu à une décision de retour, c’est-à-dire une décision déclarant le séjour illégal assortie d’un ordre de quitter le territoire, sans que le ministre ne dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard.

Le tribunal relève encore à cet égard que l’article 111, paragraphe (3), précité, énumère un certain nombre de situations dans lesquelles le ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier est obligé de quitter le territoire sans délai. Tel est notamment le cas lorsqu’il existe un risque de fuite dans son chef, étant relevé que le risque de fuite est présumé dans six cas de figure et que les six cas ainsi énoncés reposent sur des critères objectifs permettant de penser qu’un ressortissant de pays tiers faisant l’objet d’une procédure de retour serait susceptible de prendre la fuite, c’est-à-dire de se soustraire à l’obligation de quitter le territoire.

Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant que la décision déférée ne constitue pas une décision de retour, mais une décision de départ au sens de l’article 100, paragraphe (2) de la loi du 29 août 2008, elle n’est pas soumise aux délais de retour volontaire prévus à l’article 111 de la loi du 29 août 2008, mais aux délais de départ volontaire prévus au paragraphe (2) de l’article 100, précité, de la même loi, lequel prévoit expressément qu’un ressortissant de pays tiers, titulaire d’un titre de séjour valable ou d’une autorisation conférant un droit de séjour délivrés par un autre État membre, est tenu de se rendre immédiatement et au plus tard dans les soixante-douze heures sur le territoire de cet Etat membre.

8 Le moyen tiré d’une violation de l’article 111, paragraphes (2) et (3), point c) de la loi du 29 août 2008 est partant rejeté.

En ce qui concerne finalement le moyen tendant à une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « L’étranger ne peut être éloigné ou expulsé à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont gravement menacées ou s’il y est exposé à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ou à des traitements au sens des articles 1er et 3 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. », le tribunal relève tout d’abord que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant, qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et le Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard3.

Le tribunal relève encore que la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », a, dans un arrêt du 19 mars 20194, confirmé le principe selon lequel le droit de l’Union européenne repose sur la prémisse fondamentale selon laquelle chaque Etat membre partage avec tous les autres Etats membres, et reconnaît que ceux-ci partagent avec lui, une série de valeurs communes sur lesquelles l’Union est fondée. Cette prémisse implique et justifie l’existence de la confiance mutuelle entre les Etats membres dans la reconnaissance de ces valeurs et, donc, dans le respect du droit de l’Union européenne qui les met en œuvre, ainsi que dans le fait que leurs ordres juridiques nationaux respectifs sont en mesure de fournir une protection équivalente et effective des droits fondamentaux reconnus par la Charte, notamment à l’article 4 de celle-ci, qui consacre l’une des valeurs fondamentales de l’Union et de ses Etats membres, de sorte qu’il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs ou aux bénéficiaires d’une protection internationale dans chaque Etat membre est conforme aux exigences de la Charte, de la Convention de Genève ainsi que de la CEDH.

Il ne saurait, cependant, être exclu que ce système rencontre, en pratique, des difficultés majeures de fonctionnement dans un Etat membre déterminé, de telle sorte qu’il existe un risque sérieux que des demandeurs ou des bénéficiaires d’une protection internationale soient traités, dans cet Etat membre, d’une manière incompatible avec leurs droits fondamentaux.

Dans ce contexte, il importe de relever que, eu égard au caractère général et absolu de l’interdiction énoncée à l’article 4 de la Charte, qui interdit, sans aucune possibilité de dérogation, les traitements inhumains ou dégradants sous toutes leurs formes, il est indifférent, aux fins de l’application de cet article 4, que ce soit au moment même d’un transfert, au cours de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait un risque sérieux de subir un tel traitement.

Le tribunal relève encore, à l’instar de ce qui a été retenu dans le jugement, prémentionné, du 11 septembre 2024 ayant débouté Madame (A) de son recours introduit contre la décision ministérielle du 4 juillet 2024 ayant déclaré irrecevable sa demande de 3 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, point 78.

4 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, C-163/17.

9protection internationale, que dans le susdit arrêt du 19 mars 2019, de même que dans un arrêt séparé du même jour5, la CJUE a retenu que lorsque la juridiction saisie d’un recours contre une décision rejetant une nouvelle demande de protection internationale comme irrecevable dispose d’éléments produits par le demandeur aux fins d’établir l’existence d’un tel risque dans l’Etat membre ayant déjà accordé l’un des statuts conférés par la protection internationale, cette juridiction est tenue d’apprécier, sur la base d’éléments objectifs, fiables, précis et dûment actualisés et au regard du standard de protection des droits fondamentaux garanti par le droit de l’Union européenne, la réalité de défaillances soit systémiques ou généralisées, soit touchant certains groupes de personnes.

La CJUE a, à cet égard, souligné que, pour relever de l’article 4 de la Charte, corollaire de l’article 3 de la CEDH, et dont le sens et la portée sont donc, en vertu de l’article 52, paragraphe (3) de la Charte, les mêmes que ceux que lui confère ladite convention, les défaillances en question doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause.

Elle a encore précisé que ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie n’atteignant toutefois pas ce seuil lorsqu’elles n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant6.

Le seul fait que la protection sociale et/ou les conditions de vie sont plus favorables dans l’Etat membre requérant que dans l’Etat membre normalement responsable du demandeur n’est, quant à lui, pas de nature à conforter la conclusion selon laquelle la personne concernée serait exposée, en cas de transfert vers ce dernier Etat membre, à un risque réel de subir un traitement contraire à l’article 4 de la Charte7.

La demanderesse remettant en question la présomption du respect par les autorités grecques de ses droits fondamentaux, tels que consacrés notamment par la Charte et par la CEDH, il lui incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser.

Or, force est de constater, à l’instar de ce qui a été retenu dans le prédit jugement du 11 septembre 2024, que les pièces versées à cet égard par la demanderesse, à savoir le susdit article de l’OSAR, de même qu’un article publié le 4 décembre 2023 sur le site internet « www.thenewhumanitarian.org », intitulé « « C’est inexcusable » : qu’est-ce qui se cache derrière la détérioration des conditions dans les camps de réfugiés des îles grecques ? », sont insuffisantes pour établir une violation généralisée des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte à l’égard des bénéficiaires d’un statut de protection internationale en Grèce.

5 CJUE, 19 mars 2019, Ibrahim e.a., C-297/17, C-318/17, C-319/17 et C-438/17.

6 CJUE, 19 mars 2019, Ibrahim e.a., C-297/17, C-318/17, C-319/17 et C-438/17, points 90 et 91.

7 CJUE, 19 mars 2019, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, C-163/17, point 97.

10En effet, si l’article publié sur le site internet « www.thenewhumanitarian.org » fait état de « pushbacks » de demandeurs d’asile et de migrants aux frontières terrestres et maritimes de la Grèce, cette pratique, certes condamnable, ne concerne cependant pas les bénéficiaires d’une protection internationale, tel que c’est le cas de Madame (A). Il en est a priori de même en ce qui concerne les mauvaises conditions de vie dans les camps pour demandeurs de protection internationale situés sur les îles grecques dont cet article fait encore état, l’intéressée étant, en effet, restée en défaut de soumettre au tribunal le moindre élément de preuve permettant d’invalider cette conclusion.

En tout état de cause, tel que souligné par le tribunal dans son jugement du 11 septembre 2024, au regard du seuil de gravité fixé par la CJUE, ni ce dernier article, ni celui de l’OSAR du 29 septembre 2023 – qui relate de manière assez succincte des difficultés auxquelles sont confrontés les bénéficiaires d’une protection internationale en Grèce pour accéder à un logement et des soins médicaux –, ne permettent au tribunal de retenir de manière générale l’existence de défaillances systémiques en Grèce, en ce sens que la situation des bénéficiaires d’un statut de protection internationale y serait telle qu’il y aurait lieu de conclure d’emblée et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour les personnes concernées, d’être systématiquement exposées à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur renvoi dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

En effet, s’il ressort du susdit article de l’OSAR qu’en Grèce, il n’existe aucune prestation sociale spécifiquement dédiée aux bénéficiaires d’une protection internationale, que l’assistance financière fournie aux demandeurs de protection internationale prend fin avec l’octroi d’un statut de protection internationale, que les personnes concernées perdent leur place d’hébergement 30 jours après la reconnaissance d’un statut de protection internationale, sans qu’une solution de remplacement soit prévue, et que l’accès aux soins de santé nécessite un numéro de sécurité sociale, dont l’octroi est conditionné par l’existence d’autres documents et d’une adresse de correspondance, force est toutefois de constater que sur base de ces seuls éléments, il ne peut être retenu pour les bénéficiaires d’une protection internationale une absence totale et systématique d’accès à un logement, aux soins, à des prestations sociales ou, de manière générale, à des moyens de subsistance permettant de faire face à leurs besoins les plus élémentaires.

Dans ce contexte, le tribunal rappelle, d’une part, qu’une personne ne saurait choisir le pays dans lequel elle souhaite introduire une demande de protection internationale en fonction des aides financières dont elle pourra éventuellement bénéficier dans ce pays plutôt que dans un autre et, d’autre part, qu’il n’existe a priori dans aucun pays une obligation de l’Etat de pourvoir un emploi à l’un de ses résidents, et, par extension, à un bénéficiaire d’une protection internationale, ou même de lui garantir l’accès à un logement, les résidents et nationaux grecs étant susceptibles d’être confrontés aux mêmes difficultés8.

A cela s’ajoute que la demanderesse n’affirme pas avoir, en tant que bénéficiaire d’une protection internationale en Grèce, personnellement été confrontée à des difficultés quant à ses 8 Trib. adm., 9 août 2023, n° 49133 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.

11conditions de vie qui auraient atteint un seuil de gravité tel qu’elles puissent être qualifiées de traitements inhumains ou dégradants.

Par ailleurs, elle n’a pas non plus fourni des éléments concrets et individuels dont il se dégagerait que nonobstant l’absence de preuve de l’existence, de manière générale, en Grèce, de défaillances systémiques, elle serait, en cas de retour dans ce pays, personnellement exposée au risque que ses besoins existentiels minimaux ne soient pas satisfaits, et ce de manière durable, sans perspective d’amélioration, étant relevé à cet égard que la référence vague et non circonstanciée à des risques encourus pour sa santé en cas de retour en Grèce sont insuffisants pour démontrer qu’elle souffrirait d’éventuels problèmes de santé, à défaut d’être appuyés par une quelconque pièce probante.

Cette conclusion n’est pas énervée par le jugement, prémentionné, du tribunal administratif du 10 juillet 2024, invoqué par la demanderesse, alors que les faits à base dudit jugement ne sont pas comparables à la situation de la concernée, étant donné que l’annulation de la décision d’irrecevabilité dont il était question dans ladite affaire était justifiée exclusivement par la situation de vulnérabilité particulière d’un enfant en bas âge courant le risque de ne pas pouvoir, de manière efficace, avoir un accès aux soins dès son retour en Grèce, étant encore relevé que la décision d’irrecevabilité de la mère dudit enfant a seulement été annulée par ricochet pour éviter une séparation de la mère et de son enfant en bas âge.

Au vu des développements faits ci-avant, le tribunal conclut que la demanderesse reste en défaut d’établir qu’elle serait exposée à un risque réel de subir des traitements contraires à l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, respectivement aux articles 1er et 3 de la Convention contre la torture en cas de retour en Grèce, de sorte que le moyen relatif à une violation de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 encourt, à son tour, le rejet.

Il s’ensuit qu’à défaut d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 20 mai 2025 par :

Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

12 s.Judith Tagliaferri s.Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 20 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 13


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 50810
Date de la décision : 20/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 24/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-20;50810 ?

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