Tribunal administratif N° 52800 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52800 2e chambre Inscrit le 5 mai 2025 Audience publique 12 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous un autre alias, Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52800 du rôle et déposée le 5 mai 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Naïma EL HANDOUZ, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, alias (A), né le … en Tunisie, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 18 avril 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 22 avril 2025 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 mai 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom HANSEN en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Naïma EL HANDOUZ s’étant excusée et rapportée à ses écrits.
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Suivant un rapport de la Police grand-ducale, Région …, Commissariat de …, référencé sous le numéro …, du 22 janvier 2025, Monsieur (A), connu sous un autre alias, fut interpellé par les forces de l’ordre dans le cadre d’un vol à l’étalage dans un centre commercial. Il s’avéra à cette occasion que Monsieur (A) ne put présenter aucun document d’identité, qu’il était signalé dans le système d’information Schengen (SIS) par les autorités néerlandaises, signalement valable jusqu’au 28 septembre 2028.
Par décision du 22 janvier 2025, notifiée en mains propres à l’intéressé le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois et lui enjoignit de quitter sans délai ledit territoire à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, tout en lui interdisant l’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans.
Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre ordonnale placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question. Ledit arrêté est fondé sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no … du 22 janvier 2025 établi par la Police grand-ducale, Région …, Commissariat … ;
Considérant que l'intéressé fait l'objet d'un signalement dans le Système d'information Schengen (SIS) ;
Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;
Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Une recherche effectuée le 23 janvier 2025 dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après dénommé « le règlement Dublin III », révéla que Monsieur (A) avait déposé une demande de protection internationale aux Pays-Bas en date du 26 septembre 2019, demande qui fut entretemps rejetée selon ses propres dires.
Par arrêté du 19 février 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le 21 février 2025, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet au 22 février 2025. Le recours contentieux dirigé contre ledit arrêté fut déclaré non fondé par jugement du tribunal administratif du 11 mars 2025, inscrit sous le numéro 52466 du rôle.
Par arrêté du 19 mars 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le 21 mars 2025, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une nouvelle durée d’un mois avec effet à partir du 22 mars 2025.
Par arrêté du 18 avril 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le 22 avril 2025, le ministre prorogea une troisième fois la mesure de placement prise à l’égard de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet à partir du 22 avril 2025, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 22 janvier 2025, 19 février et 19 mars 2025, notifiés le 22 janvier, 2 le 21 février avec au 22 février et le 21 mars avec effet au 22 mars 2025, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 22 janvier 2025 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l'identification de l'intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 5 mai 2025, inscrite sous le numéro 52800 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 18 avril 2025.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, fait valoir que le placement en rétention serait une simple faculté dont disposerait le ministre et qui devrait être considéré comme dernière solution, alors que celui-ci porterait atteinte à sa liberté de mouvement. Il reproche, à cet égard, tant à l’arrêté ministériel initial de placement en rétention du 22 janvier 2025 qu’à ceux des 19 mars et 18 avril 2025, ayant prorogé la mesure de placement initiale, de ne pas être motivés à suffisance, respectivement de contenir une motivation stéréotypée, non individualisée et ne documentant pas les diligences entreprises par l’autorité ministérielle.
Il cite ensuite l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 pour en conclure qu’une décision de prorogation d’un placement en rétention serait soumise à la réunion de « trois » conditions, à savoir (i) que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, (ii) que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, (iii) que celui-
ci soit toujours poursuivi avec toute la diligence requise, et (iv) que le dispositif d’éloignement ait des chances d’aboutir.
Quant à la condition que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, le demandeur réitère son affirmation que ni l’arrêté ministériel initial de placement en rétention du 22 janvier 2025 ni ceux de prorogation des 19 mars et 18 avril 2025 ne contiendraient une motivation suffisante. A cet égard, il soutient plus particulièrement que la décision actuellement litigieuse du 18 avril 2025 se limiterait à énoncer que les motifs à la base de la mesure de placement du 22 janvier 2025 subsisteraient dans son chef, sans toutefois préciser lesdits motifs. Or, une motivation circonstanciée permettrait « au contribuable » de savoir si sa situation a été correctement appréciée.
Tout en admettant que l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », prévoirait expressément la possibilité du placement en rétention d’un étranger en situation irrégulière, ledemandeur insiste sur le fait que cette mesure, équivalant à une détention, partant à une mesure privative de liberté, devrait rester exceptionnelle.
Il en déduit, en substance, que le ministre aurait dû recourir à une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence à la structure d’hébergement d’urgence au Kirchberg, dénommée actuellement « maison retour », respectivement dans tout autre foyer pour demandeurs de protection internationale.
Le demandeur reproche encore un manque de diligences suffisantes au ministre en donnant à considérer que, dans la décision de placement initial, celui-ci se serait contenté d’énoncer que les démarches en vue de son éloignement « seront engagées dans les plus brefs délais », sans pour autant avoir entrepris de telles démarches lors de la prise de la décision de placement initial, mais seulement « après le placement en rétention ».
A cela s’ajouterait que le ministre se limiterait dans la décision litigieuse du 18 avril 2025 à énoncer que les démarches n’auraient pas encore abouti, alors qu’il serait « manifeste » qu’outre le fait qu’il n’énumérerait pas les démarches effectivement entreprises, le ministre serait resté en défaut de les mettre en œuvre de manière à écourter son maintien en rétention.
Le demandeur conclut que l’absence de démarches au moment de son placement en rétention et a fortiori lors de la prolongation de la mesure initiale de placement, ne permettrait ainsi pas d’envisager un éloignement rapide dans son chef, de sorte que le ministre n’aurait pas été suffisamment diligent quant à la durée de sa rétention.
Enfin, le demandeur relève que les autorités consulaires tunisiennes n’auraient pas encore répondu aux courriers leur adressés par le ministre, tandis que celui-ci se serait contenté de leur adresser un simple courrier de rappel. En se référant, à cet égard, à un jugement du tribunal administratif du 5 octobre 2022, inscrit sous le numéro 47991 du rôle, il conclut à une absence de diligences suffisantes dans le chef du ministre laquelle devrait entraîner sa libération immédiate du Centre de rétention.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Il y a tout d’abord de préciser qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
En ce qui concerne la légalité externe de l’arrêté ministériel déféré, et plus particulièrement, le moyen tiré d’une insuffisance de motivation dudit arrêté, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention – l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision –, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.
Au-delà de cette considération, il convient d’ajouter qu’en tout état de cause l’arrêté litigieux est motivé à suffisance tant en fait qu’en droit par le renvoi aux articles 111 et 120 à 123 de la loi du 29 août 2008, ainsi que notamment par le renvoi à l’arrêté ministériel initial du 22 janvier 2025 ayant prononcé le placement de l’intéressé au Centre de rétention, en raison (i) du défaut de tout document d’identité et de voyage valables, (ii) de son signalement aux fins de non-admission dans le SIS, (iii) de l’existence d’un risque de fuite dans son chef pour ne pas disposer d’adresse au Luxembourg et (iv) du fait que son éloignement est subordonné aux résultats des démarches à cet effet qui seront entreprises dans les plus brefs délais, et enfin par la considération que les démarches nécessaires en ce sens n’avaient pas encore abouti.
Le moyen afférent est partant à rejeter pour ne pas être fondé.
Quant au fond, le tribunal rappelle qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.
Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant, en principe, soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
Si l’existence d’un risque de fuite dans son chef n’est pas contestée par le demandeur, le tribunal constate tout de même qu’il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans, prise à son encontre le 22 janvier 2025, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure précisément celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur (A) de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention et maintenir ledit placement afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation de l’intéressé selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives qu’un placement en rétention, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de 6 représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire. Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal constate que le demandeur n’a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef. Il n’est, par ailleurs, pas contesté que l’intéressé ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément pertinent permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la maison retour ne saurait de toute façon être considérée comme domicile stable, ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y serait pas concevable. C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
S’agissant, ensuite, des contestations du demandeur quant aux diligences entreprises par le ministre en vue de son éloignement, il convient de prime abord de préciser qu’à travers le recours sous examen, le tribunal n’est saisi que de la décision du ministre ayant prorogé pour la troisième fois la mesure de placement au Centre de rétention de Monsieur (A), de sorte qu’il ne lui appartient que d’examiner le bien-fondé de ladite décision en s’assurant qu’à l’heure actuelle le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence nécessaire.
Il n’en reste pas moins que les dernières démarches effectuées s’inscrivent dans la suite de celles réalisées préalablement, étant, à cet égard, relevé que, dans son jugement du 11 mars 2025, prémentionné, il a été retenu que jusqu’à cette date, le dispositif d’éloignement était toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise, étant relevé que le tribunal est venu à cette conclusion après avoir constaté qu’en date du 24 janvier 2025, soit deux jours seulement après le placement initial en rétention du demandeur, les autorités ministérielles luxembourgeoises avaient contacté par courrier le Consulat Général de Tunisie à Bruxelles en vue de l’identification du demandeur et de l’obtention d’un laissez-passer, tout en y joignant un jeu d’empreintes digitales et deux photos d’identité du concerné, de même qu’il se dégageait du dossier administratif qu’en date des 14 et 28 février 2025, les autorités ministérielles luxembourgeoises avaient adressé des courriers de rappel au même Consulat, demandant des renseignements sur l’état d’avancement du dossier du demandeur.
Pour ce qui est des diligences accomplies depuis lors et plus particulièrement depuis la notification de l’arrêté de prorogation de placement en rétention actuellement litigieuse, il se dégage du dossier administratif que les 18 mars et 1er avril 2025, les services du ministre se sont de nouveau adressés au Consulat Général de Tunisie pour s’enquérir au sujet de l’état d’avancement du dossier de Monsieur (A) et que par courrier électronique du 2 avril 2025 un agent dudit consulat a répondu que le dossier de l’intéressé était toujours en cours de traitement.
Il se dégage ensuite du dossier administratif que les 16 et 30 avril 2025, les services du ministre ont une nouvelle fois contacté le Consulat Général de Tunisie pour se renseigner au sujet de l’état d’avancement du dossier du demandeur.
Au regard des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal conclut que les démarches entreprises sont, à ce stade, à considérer comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, étant entendu que les autorités luxembourgeoises sont actuellement tributaires de la collaboration des autorités tunisiennes à cet égard et qu’il ne saurait être nui aux relations diplomatiques par un nombre exagéré de rappels leur adressés. Les contestations afférentes du demandeur sont dès lors à rejeter.
Pour autant que le demandeur ait entendu soulever une absence de perspective de l’éloigner vers son pays d’origine, force est de constater que s’il est certes constant que depuis le 24 janvier 2025, les autorités tunisiennes n’ont pas encore délivré de laissez-passer à son nom, il ne ressort toutefois à ce stade d’aucun élément concret soumis au tribunal qu’elles s’abstiendront de répondre à la demande de délivrance de laissez-passer formulée le 24 janvier 2025 d’ici le 21 juillet 2025, le ministre pouvant proroger une quatrième, voire une cinquième fois la mesure de placement en rétention de Monsieur (A), à chaque fois pour un mois supplémentaire, « si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises », conformément à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008. Les contestations afférentes du demandeur encourent, dès lors, également le rejet.
Quant au moyen tiré d’une violation de l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté.
Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».
Il ressort en effet du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acception la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.
Dans la mesure où le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour comportant une interdiction d’entrée sur le territoire, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire, tel que cela a été retenu ci-avant, et qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement à son encontre est actuellement toujours en cours et poursuivie avec la diligence requise, le ministre a valablement pu placer le demandeur au Centre de rétention et maintenir cette mesure de placement sans violer l’article 5 de la CEDH.
Il s’ensuit que les développements du demandeur relatifs à une violation de l’article 5 de la CEDH sont à rejeter pour ne pas être fondés.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de prorogation du placement en rétention initial n’est pas illégale et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 et les autres références y citées.
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 12 mai 2025 par le vice-président en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 10