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06/05/2025 | LUXEMBOURG | N°52772

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 06 mai 2025, 52772


Tribunal administratif N° 52772 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52772 3e chambre Inscrit le 29 avril 2025 Audience publique du 6 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 22, L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52772 du rôle et déposée le 29 avril 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour,

inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), décl...

Tribunal administratif N° 52772 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52772 3e chambre Inscrit le 29 avril 2025 Audience publique du 6 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 22, L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52772 du rôle et déposée le 29 avril 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Eric SAYS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Egypte), et être de nationalité égyptienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 23 avril 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée de trois mois à compter de la notification ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 2 mai 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en sa plaidoirie à l’audience publique du 6 mai 2025, Maître Eric Says s’étant excusé.

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Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, Unité de police à l’aéroport, Service de garde à l’aéroport établi le 28 mars 2025, qu’à cette date Monsieur (A) a fait l’objet d’un contrôle d’identité à l’aéroport en présentant un passeport français d’une autre personne pour prendre un avion en direction de la Grèce et sans être en mesure de s’identifier par des documents d’identité. Suite à une recherche, faite à cette occasion, dans le système d’information Schengen (SIS), il s’avéra que Monsieur (A) faisait l’objet d’un signalement de la part des autorités allemandes au motif « Ressortissant d’un pays tiers en vue d’une décision de retour ».

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres le jour même, le ministre des Affaires intérieures, désigné ci-après par « le ministre », déclara le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois irrégulier, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et prononça à son encontre une interdiction d’entrée sur le même territoire pour une durée de cinq ans.

Par arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé en mains propres le jour même, le ministre ordonna le placement au Centre de rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, sur base des articles 120 à 123 et 125 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 ».

Suite à une demande de renseignement via le centre de coopération policière et douanière (CCPD) adressée par les autorités luxembourgeoises aux autorités allemandes en date du 31 mars 2025, ces dernières les informèrent que Monsieur (A) était connu en Allemagne pour « erkennungsdienstlicher Behandlung – wegen Verstoß Kunsturhebergesetz, als Asylbewerber », et qu’il y avait déposé deux demandes de protection internationale en date des 24 avril 2023 et 11 octobre 2024, lesquelles ont été rejetées en date des 1er octobre 2024, respectivement 8 janvier 2025.

Une recherche effectuée en date du 1er avril 2025 dans la base de données EURODAC révéla encore que Monsieur (A) avait introduit des demandes de protection internationale en Grèce, les 17 octobre 2018 et 22 avril 2021 et en Allemagne en date des 24 octobre 2022 et 11 octobre 2024.

Par courrier de son litismandataire du 22 avril 2025, Monsieur (A) informa le ministre de son intention d’introduire une demande de protection internationale. Le lendemain, l’intéressé introduisit au sein du Centre de rétention formellement une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 » en date du 23 avril 2025.

Par deux arrêtés du 23 avril 2025, notifiés tous les deux en mains propres à l’intéressé le jour même, le ministre rapporta sa décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire du 28 mars 2025, et ordonna la mainlevée du placement au Centre de rétention de l’intéressé sur base des articles 120 à 123 et 125 de la loi du 29 août 2008, tout en ordonnant le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention sur base de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 pour une durée de trois mois à partir de la notification de l’arrêté en question sur base des motifs et considérations suivants :

« […] Vu l'article 22, paragraphe (2), point d) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu mon arrêté du 28 mars 2025, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;

Considérant que l'intéressé a introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 23 avril 2025;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant qu'il est signalé au système EURODAC comme ayant introduit deux demandes de protection internationale en Grèce et deux demandes en Allemagne ;

Considérant qu'une demande de reprise en charge en vertu du règlement (UE)604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités compétentes dans les meilleurs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure de son transfert vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande de protection internationale est subordonnée au résultat de ces démarches ;

Considérant qu'il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté sa demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d'empêcher l'exécution de la décision de retour ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l'article 22, (3), point a), ne peut être efficacement appliquée, alors que l'intéressé ne dispose pas d'un passeport ou d'un document d'identité ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l'article 22, (3), point b), ne peut être efficacement appliquée, alors que l'intéressé ne présente pas des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ;

Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l'article 22, (3), point c), ne peut être efficacement appliquée, alors que l'intéressé est dans l'impossibilité de déposer une garantie financière d'un montant de cinq mille euros ;

Par conséquent la décision de placement s'avère nécessaire ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 avril 2025, inscrite sous le numéro 52772 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 23 avril 2025 ayant pour objet son placement au Centre de rétention pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de l’arrêté en question.

Etant donné que l’article 22, paragraphe (6) de la loi du 18 décembre 2015 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative prise en vertu de cette loi, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours et après avoir rappelé en fait quelques rétroactes passés en revue ci-avant, le demandeur se rapporte, quant à la légalité externe de la décision déférée, à prudence de justice quant à la compétence du ministre des Affaires intérieures pour prendre l’arrêté litigieux.

L’intéressé estime encore qu’une mesure de rétention serait une atteinte à sa liberté de mouvement et devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision déférée, il conclut à une violation de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 en contestant que les démarches nécessaires en vue de son éloignement aient été entamées et en niant tout danger de fuite dans son chef, l’intéressé relevant, par ailleurs, qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune perspective d’éloignement dans son chef. Après avoir relevé qu’il ressortirait du dossier administratif que le ministre des Affaires intérieures aurait adressé une demande d’identification au Consulat Général de Tunisie, il ajoute qu’il n’empêcherait pas la préparation de son retour ou de la procédure d’éloignement.

Il estime ensuite que son placement au Centre de rétention serait disproportionné au regard des « prédits circonstances et comportements » et que le maintien de cette mesure constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au stricte minimum, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce, alors que le ministre aurait, conformément à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, pu l’assigner à résidence dans un lieu à fixer par ce dernier, de sorte que l’arrêté déféré encourrait la réformation.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

C’est de prime abord à tort que le demandeur conteste, par le fait de s’être rapporté à prudence de justice, la compétence du ministre pour prendre une mesure de placement au Centre de rétention, étant donné qu’en vertu de l’article 3, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, le ministre visé dans les dispositions de cette loi est le ministre ayant l’asile dans ses attributions, soit conformément à l’annexe B du règlement interne du gouvernement, tel qu’approuvé par arrêté grand-ducal du 27 novembre 2023 portant approbation et publication du règlement interne du Gouvernement, le ministre des Affaires intérieures.

Le moyen de légalité externe afférent est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite le reproche non autrement circonstancié d’une insuffisance de la motivation fournie par le ministre, le tribunal relève que l’article 22, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, en vertu duquel : « La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée […] », impose une obligation de motivation des décisions de rétention administrative fondées sur ledit article 221.

En l’espèce, force est toutefois au tribunal de constater que la décision déférée satisfait à l’exigence de motivation en ce qu’elle a indiqué les bases légales sur lesquelles elle est fondée, à savoir l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 et la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention, ainsi que les motifs et considérations gisant à la base de la mesure de placement en rétention, à savoir notamment (i) l’introduction par le demandeur d’une demande de protection internationale au Luxembourg le 23 avril 2025, (ii) la considération que ce dernier est démuni de tout document d’identité et de voyage valable, (iii) l’introduction antérieure par le demandeur de demandes de protection internationale en Grèce et en Allemagne, (iv) l’intention du ministre d’adresser dans les meilleurs délais une demande de reprise en charge aux autorités compétentes de l’examen de la demande de protection internationale de l’intéressé en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », (v) la considération que l’exécution de la mesure de transfert vers l’Etat membre responsable de l’examen de la demande de protection internationale de la personne retenue est subordonnée au résultat de ces démarches, (vi) la considération qu’il existe des motifs raisonnables de penser que le demandeur a présenté sa demande de protection internationale à la seule fin de retarder ou d’empêcher l’exécution de la décision de retour et (vii) le constat que des mesures moins coercitives prévues à l’article 22, paragraphe (3), points a), b) et c) de la loi du 18 décembre 2015 ne sauraient être efficacement appliquées au demandeur.

1 En ce sens également : Trib. adm., 5 décembre 2018, n° 42004, disponible sur le site www.jurad.etat.lu.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une insuffisance de motivation de l’arrêté litigieux est à rejeter pour ne pas être fondé.

En ce qui concerne ensuite la légalité interne de la décision déférée, il y a de prime abord, lieu de relever que la décision déférée est basée sur l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, lequel prévoit les conditions dans lesquelles un demandeur de protection internationale peut faire l’objet d’une mesure de rétention, et non pas sur les articles 120 et suivants de la loi du 29 août 2008, erronément visés par le demandeur dans sa requête introductive d’instance.

Il s’ensuit que les développements de l’intéressé relatifs aux articles 120 et 125 de la loi du 19 août 2008 encourent d’ores et déjà le rejet pour ne pas être fondés.

Le tribunal relève ensuite que l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, sur lequel le ministre a fondé sa décision, dispose comme suit : « (2) Un demandeur ne peut être placé en rétention que : […] d) conformément à l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride (refonte) et lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement. Le risque non négligeable de fuite est présumé dans les cas suivants :

i. si le demandeur s’est précédemment soustrait, dans un autre État membre, à la détermination de l’État responsable de sa demande de protection internationale en vertu du droit de l’Union européenne ou à l’exécution d’une décision de transfert ou d’une mesure d’éloignement ;

ii. si le demandeur fait l’objet d’un signalement dans le SIS aux fins de non-admission et d’interdiction de séjour conformément au règlement (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n ° 1987/2006, tel que modifié, ou d’un signalement aux fins de retour conformément au règlement (UE) 2018/1860 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 relatif à l’utilisation du système d’information Schengen aux fins du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, tel que modifié ;

iii. si le demandeur a été débouté de sa demande de protection internationale dans l’État membre responsable ;

iv. si le demandeur est de nouveau présent sur le territoire luxembourgeois après l’exécution effective d’une mesure de transfert ou s’il s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure de transfert ;

v. si le demandeur a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un document d’identité ou de voyage ou s’il a fait usage d’un tel document ;

vi. si le demandeur a dissimulé des éléments de son identité ou s’il est démontré qu’il a fait usage d’identités multiples soit sur le territoire luxembourgeois, soit sur celui d’un autre État membre ;

vii. si le demandeur qui a refusé le lieu d’hébergement proposé ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou si le demandeur qui a accepté le lieu d’hébergement proposé a abandonné ce dernier sans motif légitime ;

viii. si le demandeur a exprimé l’intention de ne pas se conformer à une décision de transfert vers l’État responsable de sa demande de protection internationale ou si une telle intention découle clairement de son comportement ;

ix. si le demandeur, sans motif légitime et bien que régulièrement convoqué ou informé, ne s’est pas soumis à une mesure préparatoire et nécessaire à l’exécution matérielle de son transfert vers l’État membre responsable ou s’il a antérieurement manifesté son intention de ne pas se conformer à une telle mesure ; ».

Le paragraphe (3) de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que : « (3) La décision de placement en rétention est ordonnée par écrit par le ministre sur la base d’une appréciation au cas par cas, lorsque cela s’avère nécessaire et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.

On entend par mesures moins coercitives:

a) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité;

b) l’assignation à résidence dans les lieux fixés par le ministre, si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite;

l’assignation à résidence peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour le demandeur l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence du demandeur dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer au demandeur, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé;

c) l’obligation pour le demandeur de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder si les motifs énoncés au paragraphe (2) ne sont plus applicables ou en cas de retour volontaire.

Les mesures moins coercitives sont ordonnées par écrit et peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Le paragraphe (4) de l’article 22 de la même loi ajoute que : « (4) La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée. Elle est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois. Sans préjudice des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en matière de rétention, la mesure de placement en rétention peut être reconduite par le ministre chaque fois pour une durée de trois mois tant que les motifs énoncés au paragraphe 2, sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention. ».

L’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, sur base duquel la mesure litigieuse a été prise, qui renvoie à l’article 28 du règlement Dublin III, permet dès lors de placer un demandeur de protection internationale en rétention administrative pour une durée maximale de trois mois en vue de garantir les procédures de transfert prévues par ledit règlement, sous condition (i) qu’il existe un risque de fuite non négligeable dans le chef de cette personne, risque de fuite qui est présumé dans les circonstances précisées ci-après, (ii) que le placement en rétention soit proportionnel et (iii) que d’autres mesures moins coercitives ne puissent être effectivement appliquées.

L’article 22, paragraphe (3) de la même loi ajoute que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues à ses points a), b) et c) - à savoir (i) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à des intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, (ii) l’assignation à résidence, assortie, le cas échéant, d’une mesure de surveillance électronique, et (iii) le dépôt d’une garantie financière d’un montant de cinq mille euros - ne peut être efficacement appliquée.

L’article 22, paragraphe (4) de la même loi précise, par renvoi au règlement Dublin III, que la mesure de placement en rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que les procédures liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue, sans que les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne puissent justifier une prolongation de la durée de rétention, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter le transfert dans les meilleurs délais et que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises. Cette mesure de placement en rétention peut être reconduite, chaque fois pour une durée de trois mois, tant que les motifs énoncés à l’article 22, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.

S’agissant tout d’abord de l’existence d’un risque de fuite non négligeable dans le chef du demandeur, il convient de rappeler que l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « […] Le risque non négligeable de fuite est présumé dans les cas suivants : […] ii. si le demandeur fait l’objet d’un signalement dans le SIS aux fins de non-

admission et d’interdiction de séjour conformément au règlement (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n ° 1987/2006, tel que modifié, ou d’un signalement aux fins de retour conformément au règlement (UE) 2018/1860 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 relatif à l’utilisation du système d’information Schengen aux fins du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, tel que modifié ; […] v. si le demandeur a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un document d’identité ou de voyage ou s’il a fait usage d’un tel document ; […] ».

Or, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif et plus particulièrement, d’une part, d’une recherche dans le SIS que l’intéressé y fait l’objet d’un signalement au motif de « Ressortissant d’un pays tiers en vue d’une décision de retour » de la part des autorités allemandes et, d’autre part, du rapport de la police grand-ducale, établi le 28 mars 2025 par l’Unité de police à l’aéroport, Service de garde à l’aéroport, que lors d’un contrôle d’identité à cette date, le concerné a présenté un passeport français falsifié lequel a été établi au nom d’un dénommé « (B) » tout en déclarant avoir l’intention de voyager en Grèce à l’aide dudit passeport.

Il s’ensuit que conformément aux points ii. et v. de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, un risque de fuite non négligeable est présumé dans le chef du demandeur, sans que ne se dégagent du dossier soumis au tribunal des éléments permettant de renverser la présomption du risque de fuite dans son chef, de sorte que c’est a priori à juste titre que le ministre a pris une décision de placement en rétention à son encontre sur base de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 28 du règlement Dublin III.

En ce qui concerne ensuite l’application de mesures moins coercitives, le tribunal rappelle que le placement en rétention ne peut être ordonné que si aucune des mesures moins coercitives prévues aux points a), b) et c) de l’article 22, paragraphe (3), précités, de la loi du 18 décembre 2015 ne peut être efficacement appliquée.

A cet égard, et en ce qui concerne plus précisément la mesure moins coercitive prévue au point a) de l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement devant les services ministériels, force est de constater que celle-ci n’est pas concevable en l’espèce dans la mesure où le demandeur ne dispose pas de l’original de son passeport, ni d’aucun autre document d’identité, étant encore rappelé à cet égard que la remise aux services ministériels de l’original du passeport, accompagné, le cas échéant, d’un autre document justificatif de son identité, est, au vu du libellé du point a) de l’article 22, paragraphe (3) une condition sine qua non à l’application éventuelle de cette même mesure moins coercitive.

Quant à l’assignation à résidence telle que prévue par l’article 22, paragraphe (3), point b) de la loi du 18 décembre 2015, il échet de rappeler que celle-ci n’est envisageable que si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite. Or, en l’espèce, le demandeur n’a pas fourni le moindre élément au tribunal qui serait de nature à renverser la présomption de risque de fuite pesant sur lui. Plus particulièrement, le demandeur est resté en défaut d’alléguer ni a fortiori de fournir un quelconque élément qui établirait des attaches particulières de celui-ci au Luxembourg, respectivement une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement de celui-ci au Luxembourg, éléments qui seraient susceptibles d’établir dans son chef l’existence de garanties de représentation effective propres à prévenir un risque de fuite conformément à la disposition légale prémentionnée, lequel est, tel que relevé ci-avant, présumé dans son chef.

S’agissant ensuite de la mesure moins coercitive prévue par le point c) de l’article 22, paragraphe (3) de la loi du 18 décembre 2015, force est au tribunal de constater que le demandeur n’a fourni aucune proposition d’une telle garantie financière.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a écarté l’application de mesures moins coercitives à Monsieur (A).

En ce qui concerne, finalement, les diligences entreprises par le ministre pour écourter au maximum la privation de liberté du demandeur, il y a lieu de rappeler qu’en vertu de l’article 22, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, précité, la mesure de placement en rétention est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois et que les procédures liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue, sans que les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne puissent justifier une prolongation de la durée de rétention, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises afin que le placement ne se prolonge pas au-delà du délai raisonnable nécessaire pour accomplir les procédures administratives requises.

En l’espèce, il convient de noter qu’il résulte des éléments du dossier administratif qu’en date du 25 avril 2025, soit deux jours après l’introduction de la demande de protection internationale de l’intéressé, les autorités ministérielles ont adressé une demande de reprise en charge aux autorités allemandes sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, laquelle a été acceptée par ces dernières par courrier du 28 avril 2025.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, force est au tribunal de constater que les démarches entreprises par les autorités luxembourgeoises en vue d’organiser le transfert du demandeur ont été exécutées avec toute la diligence voulue, conformément à l’article 22, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’il existe au stade actuel de la procédure une perspective raisonnable de transfert de Monsieur (A), de sorte que les contestations y afférentes de celui-ci encourent le rejet.

Quant à l’invocation par le demandeur d’une atteinte à son droit à sa liberté de mouvement, consacrée notamment par l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par « la CEDH », ensemble la violation alléguée du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler qu’aux termes de l’article 5 de la CEDH « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) S’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f) précité de la CEDH que celui-

ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acception la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.

Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la Cour européenne des droits de l’Homme a encore retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir. Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».

En l’espèce, étant donné, d’une part, qu’en date du 25 avril 2025 les autorités luxembourgeoises ont adressé une demande reprise en charge aux autorités allemandes sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III et que ces dernières ont accepté ladite demande de reprise en charge en date du 28 avril 2025 et, d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant qu’à ce stade de la procédure, aucun défaut de diligence dans l’exécution du transfert vers l’Allemagne de Monsieur (A) ne saurait être reproché au ministre, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

Eu égard aux développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, même à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 6 mai 2025 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, 2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 812 (1er volet), et les autres références y citées.

3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.

en présence du greffier Shania Hames.

s. Shania Hames s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 6 mai 2025 Le greffier du tribunal administratif 11


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 52772
Date de la décision : 06/05/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-05-06;52772 ?

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