Tribunal administratif N° 48976 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:TADM:LU:2025:48976 1re chambre Inscrit le 24 mai 2023 Audience publique du 5 mai 2025 Recours formé par Monsieur (A), contre une décision du bourgmestre de la commune de Schuttrange en matière d’inscription au registre de la population
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48976 du rôle et déposée le 24 mai 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Dogan DEMIRCAN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), ayant demeuré à L-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’une décision du bourgmestre de la commune de Schuttrange du 14 mars 2023 l’ayant rayé du registre de la population à l’adresse mentionnée ci-avant ;
Vu la demande présentée en date du 24 mai 2023 par Maître Dogan DEMIRCAN au nom de Monsieur (A), préqualifé, et tendant à voir abréger les délais pour déposer les mémoires en réponse, en réplique et en duplique ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick KURDYBAN, demeurant à Luxembourg, du 5 juin 2023 portant signification de ce recours à l’administration communale de Schuttrange, établie en sa maison communale sise à L-5367 Schuttrange, 2, Place de l’Église, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée le 6 juin 2023 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée Etude d’avocats PIERRET & ASSOCIES SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1730 Luxembourg, 8, rue de l’Hippodrome, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B263981, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges PIERRET, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Schuttrange, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 septembre 2023 par la société à responsabilité limitée Etude d’avocats PIERRET & associés SARL, au nom de l’administration communale de Schuttrange, préqualifiée ;
Vu l’ordonnance du vice-président, présidant la première chambre du tribunal administratif, du 29 novembre 2023 ;
Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2023, par laquelle Maître Clément MARTINEZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclare reprendre le mandat pour le compte de Monsieur (A), préqualifié ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COÏ, en remplacement de Maître Georges PIERRET, en sa plaidoirie à l’audience publique du 5 février 2025.
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En date du 3 avril 2023, Monsieur (A) se vit informer de l’existence d’une décision du bourgmestre de la commune de Schuttrange, ci-après désigné par « le bourgmestre », ayant procédé à sa radiation du registre de la population à l’adresse L-…, décision matérialisée par une inscription de changement de résidence audit registre du 13 mars 2023, ainsi que par un courrier d’information adressé à Monsieur (A) en date du 14 mars 2023 et libellé comme suit :
« […] Suivant des informations rapportées à mes services et après une enquête de la police, notre bureau de la population est obligé de vous rayer de notre registre communal de la population.
Conformément à la loi du 19 juin 2013 relative à l’identification des personnes physiques, au registre national des personnes physiques,.., article 22, je vous informe par la présente de cette décision inévitable. […] ».
Par courrier du 7 avril 2023, réceptionné le 11 avril 2023, Monsieur (A) s’opposa en les termes suivants à sa radiation du registre de la population :
« […] J’ai l’honneur de vous écrire, alors qu’en date du 3 avril 2023, vos services m’ont informé lors de ma visite à la commune, sise au 2, Place de l’Église, Schuttrange, que j’étais radié du registre communal pour avoir quitté la prédite commune.
Je n’ai jamais communiqué à vos services, que je quittais Votre commune, alors que mon enfant y réside.
La décision a été prise suite à un rapport de police qui ne m’a jamais été remis ni montré.
La radiation d’office est faite en date du 13 mars 2023, alors que vous même, en votre qualité de Bourgmestre, et vos services sont informés, que j’ai déposé une demande de logement à coût modéré à la commune depuis le mois de décembre 2022, pour laquelle je suis en attente de réponse.
Il se pose dès lors la question de cette incroyable célérité à laquelle vous avez procédé à ma radiation, alors qu’aucune urgence ne l’exige. Cela pourrait donner l’impression à un acharnement à des fins inconnues.
Je tiens à souligner que conformément à l’article 25 de la Loi du 19 juin 2013 relative à l’identification des personnes physiques, au registre national des personnes physiques, à la carte d’identité, aux registres communaux des personnes physiques, les citoyens de l’Union européenne qui n’ont pas de résidence à Luxembourg ou à l’étranger pour y occuper, peuvent être inscrits à une adresse de référence.
Il est une mesure qui pouvait m’être appliquée, autrement cela me porterait préjudice.
Je vous prie dès lors de bien vouloir faire le nécessaire dans les meilleurs délais pour que je puisse être inscrit dans la commune.
Si vous devriez adopter une position contraire à celle de l’article 25 de la Loi précitée, je vous demande de bien vouloir prendre une décision à caractère individuel susceptible d’être entreprise devant les juridictions compétentes. […] ».
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 24 avril 2023, le bourgmestre prit position comme suit :
« […] Nous nous permettons de revenir vers vous au sujet du courrier reçu en date du 11 avril 2023 qui a retenu toute notre attention.
Nous vous prions de trouver ci-après la prise de position de la commune concernant votre prédite estimée.
Etant donné que la Commune est obligée de gérer le registre de la population au plus exact et suite aux information obtenues concernant votre résidence dans la maison … à … la commune a demandé un rapport de police. Ce rapport a abouti au constat que ce logement n’est plus habité. Suite à ce rapport, nos services ont été contraints de procéder à la radiation d’office.
En ce qui concerne votre argumentation d’un droit à l’inscription à une adresse de référence sur base de l’article 25 de la loi du 19 juin 2013 relative à l’identification des personnes physiques, nous attirons votre attention sur le paragraphe §1 dudit article qui stipule que « Peuvent demander à être inscrits sur le registre principal, les Luxembourgeois qui n’ont pas de résidence au Luxembourg ou à l’étranger qu’ils pourraient occuper de façon habituelle […] ».
De plus, le paragraphe §2 de l’article 25 de la même loi définit clairement l’adresse de référence comme « […] l’adresse habituelle d’une personne morale œuvrant dans les domaines social, familial et thérapeutique, dûment agréée […] » En ce qui concerne votre candidature pour un logement à coût modéré, nos services l’ont bien reçue en date du 12 décembre 2022. Suite à la décision du conseil communal au sujet de la mise à disposition du logement, une réponse négative vous a été envoyée le 6 avril 2023 à l’adresse indiquée sur le formulaire de demande.
Ainsi, après examen de vos remarques et compte tenu des constats précités, nous ne sommes donc pas en mesure de pouvoir vous réinscrire dans notre registre communal sans disposer des pièces justificatives de votre résidence effective à l’adresse nous déclarée.
Nous vous informons en vertu de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, qu’un recours peut être introduit auprès du Tribunal administratif dans un délai de trois mois contre la décision de radiation, par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I ou à la liste V.
En espérant compter sur votre compréhension, nous vous prions d’agréer, Monsieur (A), l’expression de nos sentiments respectueux […] ».
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 27 avril 2023, Monsieur (A) répliqua dans les termes suivants :
« […] Je reviens vers vous suite à votre courrier recommandé daté du 24 avril 2023 concernant votre prise de position quant à ma radiation d’office de la Commune.
Avant toute action devant devant le Tribunal Administratif, par devant lequel, je me constituerai personnellement Avocat à la Cour, il me paraît nécessaire de vous informer que vous avez fait une lecture erronée, sinon incomplète de l’article 25 de la Loi du 19 juin 2013 relative à l’identification des personnes physiques, au registre national des personnes physiques, à la carte d’identité, aux registres communaux des personnes physiques.
En effet, cet article dispose en son paragraphe (1) que :
« (1) «Peuvent demander à être inscrits sur le registre principal les Luxembourgeois et, après une durée de résidence et d’affiliation à la sécurité sociale du Grand-Duché de Luxembourg de cinq années au moins, les citoyens de l’Union européenne ainsi que les ressortissants d’un des autres États parties à l’Accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui n’ont pas de résidence au Luxembourg ou à l’étranger qu’ils pourraient occuper de façon habituelle.» Ils sont inscrits à une adresse de référence s’ils sont présumés présents sur le territoire de la commune pendant une durée qui dépasse six mois sur une période de douze mois.
Par adresse de référence, il y a lieu d’entendre l’adresse habituelle d’une personne morale œuvrant dans les domaines social, familial et thérapeutique, dûment agréée conformément à la loi modifiée du 8 septembre 1998 réglant les relations entre l’État et les organismes œuvrant dans les domaines social, familial et thérapeutique, à laquelle peuvent être adressés le courrier et les documents administratifs, et être signifiés ou notifiés les documents judiciaires en vue de leur transmission effective à leur destinataire …..».
Il s’en suit que l’inscription dont mention est faite dans cet article précité ne concerne pas les personnes morales, mais plutôt, que leurs adresses peuvent être indiquées pour l’inscription sur le registre communal.
La radiation d’office de la commune y afférente n’est par conséquent pas judicieux, elle affecte sérieusement mes droits et intérêts, alors qu’il ne m’est préalablement donnée aucune information avant ladite radiation, comme le prévoit l’article 9 du Règlement Grand-Ducal du 8 juin 1979, relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes.
Tout au plus, un de vos agents s’est autorisé à informer le public que je n’habite pas la commune au mépris du respect des lois et règlements de l’Etat du Grand-Duché et des dispositions de la RGPD.
Je vous demande de bien vouloir procéder dans un bref délai à ma réinscription rétroactivement à la date du 13 mars 2023, et ce, conformément à l’article 25 de la loi du 19 juin 2013 précitée.
En tout état de cause, et à toute fin utile pour la justice, je vous demande de me communiquer le document du rapport de police […] ».
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 12 mai 2023, le bourgmestre répondit comme suit :
« […] Je fais suite à votre courrier recommandé avec A.R. daté du 27 avril 2023 à travers lequel vous contestez la décision de radiation d’office du registre communal prise en date du 13 mars 2023.
Bien que cela ne soit pas expressément mentionné dans votre courrier du 27 avril 2023, je considère celui-ci comme valant recours gracieux.
Tout d’abord, et conformément à votre demande, je vous prie de bien vouloir trouver en annexe le rapport de Police dressé en date du 9 mars 2023.
Il résulte de ce rapport « qu’à l’adresse mentionnée, on se trouve devant une maison qui reflet l’impression de ne pas être habité. Même après plusieurs passages, aucun changement n’a pu être détecté. Après avoir contacté Monsieur (B), gérant de « (AA) », qui assuraient la gérance de la maison, celui-ci a confirmé au soussigné que la maison n’est plus habitée depuis un certain temps déjà (sic) ».
Ensuite, je tiens à relever que la procédure suivie est conforme aux dispositions de la loi modifiée du 19 juin 2013 relative à l’identification des personnes physiques, au registre national des personnes physiques, à la carte d’identité, aux registres communaux des personnes physiques.
En effet, étant donné que vous êtes dans l’incapacité de prouver que votre résidence habituelle est établie à l’adresse … à L-…, la décision de radiation du registre communal est conforme aux dispositions de l’article 22 (2) alinéa 6 et 31 (1) c) de la loi modifiée du 19 juin 2013.
Par ailleurs, la décision de radiation du registre communal est encore conforme aux dispositions de l’article 25 (1) alinéa 1er qui dispose :
« Peuvent demander à être inscrits sur le registre principal les Luxembourgeois et, après une durée de résidence et d’affiliation à la sécurité sociale du Grand-Duché de Luxembourg de cinq années au moins, les citoyens de l’Union européenne ainsi que les ressortissants d’un des autres Etats parties à l’Accord sur l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse qui n’ont pas de résidence au Luxembourg ou à l’étranger qu’ils pourraient occuper de façon habituelle. Ils sont inscrits à une adresse de référence s’ils sont présumés présents sur le territoire de la commune pendant une durée qui dépasse six mois sur une période de 12 mois ».
Pour pouvoir être inscrit à cette adresse de référence, il faut donc que le demandeur, outre la question de la durée de résidence et d’affiliation d’au moins cinq années, puisse se prévaloir de la qualité de citoyen de l’Union européenne sinon de celle de ressortissant d’un des autres Etats parties à l’Accord sur l’EEE sinon de celle de ressortissant de la Confédération suisse.
Or, vous ne pouvez pas vous prévaloir de l’une de ces qualités puisque vous bénéficiez de la nationalité togolaise.
Dès lors, la possibilité même de vous inscrire à une adresse de référence est exclue dans votre cas.
Enfin, même si cette possibilité pouvait être évoquée, quod non, l’article 25 (1) alinéa 2 de la loi modifiée du 19 juin 2013 dispose :
« Par adresse de référence, il y a lieu d’entendre l’adresse habituelle d’une personne morale œuvrant dans les domaines social, familial et thérapeutique dûment agréée conformément à la loi modifiée du 8 septembre 1998 (…) ».
Or, à l’adresse … à L-…, ne réside aucune personne morale œuvrant dans ces domaines mais l’immeuble est, au contraire, bel et bien vide comme indiqué dans le rapport de Police du 9 mars 2023.
Dans ces conditions, je ne peux pas réserver une suite favorable à votre demande et la décision de radiation du registre communal est maintenue.
Je vous informe qu’en vertu de l’article 14 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, qu’un recours peut être introduit auprès du Tribunal administratif dans un délai de trois mois contre la présente décision par requête signée d’un avocat inscrit à la liste I ou à la liste V. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 24 mai 2023, inscrite sous le numéro 48976 du rôle, Monsieur (A) a fait introduire un recours en annulation, sinon en réformation de la décision du 14 mars 2023.
Par requête séparée déposée au greffe du tribunal administratif le même jour, inscrite sous le numéro 48977 du rôle, il a encore introduit une demande tendant à voir instaurer un sursis à exécution afin de permettre la sauvegarde de ses intérêts en attendant la solution de son recours au fond, demande dont il a été débouté à travers une ordonnance du président du tribunal administratif du 8 juin 2023.
I. Quant à la compétence du tribunal Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi.
Etant donné qu’aucun recours au fond n’est prévu en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit en l’espèce.
En revanche, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en annulation.
II. Quant à la recevabilité du recours Prétentions des parties A l’appui de son recours, le demandeur explique que la décision déférée modifierait sa situation juridique en sa défaveur, alors qu’elle l’empêcherait de figurer sur les listes électorales lors des élections communales du 11 juin 2023 et d’y exercer son droit civique en votant pour les candidats de son choix. Il précise, dans ce contexte, que dans la mesure où il résiderait de manière continue depuis plusieurs années dans la commune de Schuttrange, ci-après désignée par « la commune », il aurait décidé d’y participer à la vie politique et aux « activités », ce qui l’aurait amené à intégrer la Commission consultative communale d’intégration et d’égalité des chances de Schuttrange, dont il aurait été nommé président en 2019. Si son mandat était prévu pour cinq ans, il aurait toutefois dû déposer, pour des raisons indépendantes de sa volonté, sa démission à cette commission au mois de mai 2022. Il n’en resterait pas moins qu’il réfléchirait à rejoindre un autre « parti politique ». Il souhaiterait, dès lors, participer activement et effectivement aux élections communales du 11 juin 2023.
Le demandeur donne encore à considérer qu’il serait en train de constituer son dossier de naturalisation pour le déposer à la commune.
Dans la mesure où la décision déférée (i) aurait pour effet de lui interdire ou, du moins, de l’empêcher de participer, à l’approche des élections communales du 11 juin 2023, à la vie politique de la commune et (ii) aurait rendu impossible le dépôt de son dossier de naturalisation, sa situation serait affectée de manière directe et certaine par la décision en question, de sorte qu’il disposerait d’un intérêt à agir à l’encontre de ladite décision l’ayant rayé d’office du registre de la population.
Dans son mémoire en réponse, la partie communale conclut à un défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur, alors qu’au vu du dépôt du mandat de Maître Dogan DEMIRCAN le 12 juin 2023 et de l’absence d’une constitution de nouvel avocat à la Cour lors de la rédaction de ce mémoire, le demandeur aurait manifesté son désintérêt pour la présente procédure.
A l’audience des plaidoiries, la partie communale a encore soulevé la perte d’intérêt à agir du demandeur, dans la mesure où son préjudice, consistant dans l’impossibilité de pouvoir participer aux élections communales de juin 2023, n’existerait plus, du fait que ces élections auraient déjà eu lieu. Ainsi, l’annulation de la décision déférée n’aurait plus d’effet sur la situation personnelle de Monsieur (A).
Le demandeur, qui n’a ni déposé de mémoire en réplique ni été représenté à l’audience des plaidoiries, n’a pas pris position quant aux moyens relatifs à un défaut et à une perte d’intérêt à agir dans son chef, tels que soulevés par la commune.
Appréciation du tribunal Force est au tribunal de constater que l’intérêt à agir, qui conditionne la recevabilité d’un recours contentieux, est considéré comme l’utilité que présente pour le demandeur la solution du litige qu’il demande au juge d’adopter1.
1 Voir Encyclopédie Dalloz, Contentieux administratif, V° Recours pour excès de pouvoir (Conditions de recevabilité), n° 247.
En matière de recours en annulation dirigé contre un acte administratif, le demandeur doit justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir l’annulation de l’acte qu’il attaque, le juge administratif devant seulement avoir égard à ce que le demandeur avance à ce sujet, dès lors qu’il lui appartient de démontrer son intérêt2. Ainsi, le juge n’est appelé à examiner que l’intérêt que le demandeur met en exergue pour justifier son action en justice, mais il ne lui appartient pas de rechercher un quelconque autre intérêt qui pourrait le cas échéant lui être reconnu3.
En outre, l’intérêt à agir devant être personnel, direct, légitime, ainsi que certain, né et actuel4, son existence doit non seulement être constatée au jour du dépôt de la requête introductive d’instance, mais encore subsister jusqu’au prononcé du jugement5.
Si la recevabilité d’un recours est, par ailleurs, conditionnée en principe par l’existence et la subsistance d’un objet, qui s’apprécie également à partir du moment de l’introduction du recours jusqu’au prononcé du jugement, cette exigence de la subsistance de l’objet du recours est en général justement liée à l’exigence du maintien de l’intérêt à agir, et plus particulièrement de l’intérêt à voir sanctionner l’acte faisant l’objet du recours, étant rappelé que l’existence d’un tel intérêt à agir présuppose que la censure de l’acte querellé soit de nature à procurer au demandeur une satisfaction personnelle et certaine6. Ainsi, le recours en annulation, recevable pour avoir rencontré notamment la condition de l’intérêt à agir au moment de son introduction, devient sans objet en cours d’instance contentieuse lorsque le demandeur est resté en défaut d’établir, voir seulement d’alléguer un quelconque avantage que l’annulation de l’acte litigieux pourrait lui procurer7.
En l’espèce, le demandeur justifie son intérêt à agir contre la décision l’ayant rayé du registre de la population par son intention de solliciter sa naturalisation, de même que par son souhait de figurer sur les listes électorales lors des élections communales du 11 juin 2023, respectivement d’exercer son droit de vote pour les candidats de son choix.
En ce qui concerne tout d’abord l’intention du demandeur de solliciter sa naturalisation, il convient de constater qu’à part d’invoquer cette intention, il reste en défaut d’expliquer plus en avant l’incidence de sa radiation du registre de la population de la commune sur une telle demande. Or, tel que relevé ci-avant, il appartient au demandeur de démontrer son intérêt à agir, de sorte qu’en se limitant à affirmer que sa radiation du registre de la population rendrait son projet de naturalisation impossible, sans pour autant justifier d’un avantage que lui procurerait une annulation éventuelle de la décision déférée sur sa demande de naturalisation, Monsieur (A) reste en défaut d’établir un intérêt à agir à cet égard.
2 Trib. adm., 30 janvier 2006, n° 20272 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 39 et les autres références y citées.
3 Trib. adm., 27 juin 2001, n° 12485 du rôle, confirmé par Cour adm., 17 janvier 2002, n° 13800C du rôle, Pas.
adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 39 et les autres références y citées ; voir également : Cour adm., 21 juin 2022, n° 47126C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.
4 Cour adm., 12 octobre 2017, n° 39490C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 6 et l’autre référence y citée.
5 Trib. adm., 26 novembre 2009, n° 25191 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 29 et les autres références y citées.
6 Trib. adm., 20 octobre 2010, n° 26758 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 36 et les autres références y citées.
7 Trib. adm., 6 octobre 2004, n° 17642 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 67 et les autres références y citées.
S’agissant ensuite des développements du demandeur selon lesquels la décision déférée, l’empêcherait de figurer sur la liste des candidats éligibles lors des élections communales du 11 juin 2023, de même que d’exercer, lors de ces élections, son droit de vote, le tribunal rejoint la partie communale dans son constat que lesdites élections sont clôturées. Il s’ensuit qu’une annulation éventuelle de la décision déférée n’est plus de nature à procurer une satisfaction au demandeur, ce dernier ne pouvant, même en cas d’annulation de ladite décision, plus participer de quelque manière que ce soit à ces élections. Monsieur (A) ne manifeste, dès lors, plus d’un intérêt à agir à l’encontre de la décision déférée dans ce contexte.
Au vu de tout ce qui précède, et à défaut pour le demandeur de mettre en exergue un autre intérêt pour justifier son action en justice, le tribunal est amené à retenir que le recours sous examen est à rejeter pour défaut, respectivement perte d’intérêt à agir.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;
rejette le recours principal en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 5 mai 2025 par :
Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Annemarie THEIS, premier juge, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 9