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30/04/2025 | LUXEMBOURG | N°49769

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 30 avril 2025, 49769


Tribunal administratif N° 49769 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49769 1re chambre Inscrit le 30 novembre 2023 Audience publique du 30 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49769 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2023 par Maître Ibtih

al EL BOUYOUSFI, en sa qualité d’avocat à la Cour, ayant été inscrite au tableau de l’...

Tribunal administratif N° 49769 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49769 1re chambre Inscrit le 30 novembre 2023 Audience publique du 30 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49769 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2023 par Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI, en sa qualité d’avocat à la Cour, ayant été inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Albanie), de nationalité albanienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 10 novembre 2023 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 30 janvier 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Linda MANIEWSKI en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 mars 2025.

Le 15 décembre 2021, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Les déclarations de Monsieur (A) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date 9 février 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 10 novembre 2023, notifiée à l’intéressé par courrier recommandé expédié le 14 novembre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », informa Monsieur (A) que sa demande de protection internationale avait été 1refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 30 novembre 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation, d’une part, de la décision ministérielle du 10 novembre 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation tant contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale et que contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître des recours principaux en réformation dirigés contre les deux volets de la décision du ministre du 10 novembre 2023, telle que déférée et il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur les recours subsidiaires en annulation.

Par courrier électronique du 4 septembre 2024, Maître Ibtihal EL BOUYOUSFI a informé le tribunal de sa demande de désinscription du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, soumise au Conseil de l’Ordre afférent pour le 12 septembre 2024.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 23 septembre 2024, Monsieur (A) fut informé par les soins du greffe du tribunal administratif que son mandataire ne faisait plus partie de l’Ordre des avocats et qu’elle ne défendait dès lors plus ses intérêts, de sorte qu’il était invité à confier la défense de ses intérêts à un autre avocat à la Cour relevant de l’Ordre des avocats à Luxembourg ou à Diekirch et qu’à défaut d’instruction de sa part, son recours risquait d’être rejeté pour défaut d’intérêt. Ce courrier fut toutefois retourné au greffe par les services postaux avec l’indication qu’il n’y avait pas de boîte au nom de Monsieur (A) à l’adresse afférente.

Le même courrier fut adressé une nouvelle fois à Monsieur (A) en date du 6 mars 2025 et il fut retourné au greffe avec la même mention.

A l’audience publique des plaidoiries du 19 mars 2025, à laquelle Monsieur (A) n’était ni présent ni représenté, le tribunal a soulevé d’office la question d’ordre public de l’irrecevabilité du recours pour défaut, respectivement pour perte de l’intérêt à agir contre la décision déférée dans le chef de Monsieur (A).

Le délégué du gouvernement a conclu à l’irrecevabilité du recours compte tenu de l’absence de l’intérêt à agir dans le chef du demandeur.

Il échet tout d’abord de rappeler que l’intérêt à agir conditionnant la recevabilité d’une demande s’analyse en question d’ordre public1.

Le tribunal relève ensuite que, si stricto sensu l’intérêt à agir contre une décision administrative est à apprécier au moment de l’introduction du recours, il n’en reste pas moins que le maintien d’un intérêt à agir, ou plus précisément d’un intérêt à poursuivre une action doit être vérifié au jour du jugement2 sous peine de vider ce dernier de tout effet utile, les juridictions administratives n’ayant pas été instituées pour procurer aux plaideurs des 1 Cour adm. 29 mai 2008, n° 23728C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 5 et les autres références y citées.

2 Michel Leroy, Contentieux administratif, 3e édition, p. 494.

2satisfactions purement platoniques ou leur fournir des consultations3, ainsi que sous peine, le cas échéant, outre d’encombrer le rôle des juridictions administratives, d’entraver la bonne marche des services publics en imposant à l’autorité compétente de se justifier inutilement devant les juridictions administratives et en exposant, le cas échéant, ses décisions à la sanction de l’annulation ou de la réformation sans que l’administré ayant initialement introduit le recours ne soit encore intéressé par l’issue de ce dernier4.

Or, la première personne à déterminer s’il existe effectivement dans son chef un intérêt concret et personnel suffisant pour intenter un procès et pour le poursuivre ensuite, est le justiciable lui-même qui a saisi le tribunal administratif d’une demande : non seulement, il estime qu’il a été porté atteinte à ses droits ou que ses intérêts ont été lésés, mais il considère aussi que le redressement obtenu au moyen d’une décision juridictionnelle apportera à sa situation une amélioration qui compense les frais qu’entraîne et les désagréments que comporte un procès. La volonté du justiciable, manifestée par l’introduction d’une demande en justice, de défendre ce qu’il considère comme un intérêt le concernant est donc le premier élément qui est nécessaire pour rendre possible la constatation que ce justiciable justifie effectivement de l’intérêt concret et personnel requis en droit pour être recevable à intenter un procès5.

Si cette volonté vient à disparaître en cours de procès, il n’est potentiellement plus satisfait à la condition qui doit être remplie en tout premier lieu pour que l’on puisse admettre que la partie litigante conserve effectivement un intérêt concret et personnel à faire statuer sur la demande qu’elle a introduite. Cette première condition n’étant plus remplie, il y a lieu d’en conclure que le recours n’est plus recevable en raison de la disparition de l’intérêt requis en droit.

Or, le défaut de volonté de maintenir une demande peut résulter de la persistance avec laquelle le justiciable s’abstient de toute marque d’intérêt pour le déroulement du procès qu’il a engagé6. Cette absence de toute marque d’intérêt constitue dès lors un motif suffisant pour décider que l’intérêt requis en droit pour obtenir une décision sur la demande n’existe plus et qu’à défaut de cet intérêt, le recours doit être rejeté comme n’étant plus recevable.

En l’espèce, force est tout d’abord de relever que suite au courriel du 4 septembre 2024, par lequel l’ancien litismandataire de Monsieur (A) a informé le tribunal qu’elle avait demandé sa désinscription du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg et que cette demande allait être soumise au Conseil de l’Ordre compétent le 12 septembre 2024, le tribunal administratif a envoyé au demandeur, en date des 23 septembre 2024 et 6 mars 2025, à l’adresse indiquée dans sa requête introductive d’instance, les courriers recommandés avec accusé de réception, précités, lesquels ont été retournés au tribunal administratif, avec l’indication qu’il n’y avait pas de boîte aux lettres au nom de Monsieur (A).

Il y a lieu de conclure des considérations qui précèdent que le comportement de Monsieur (A) consistant à ne pas confier la défense de ses intérêts à un autres avocat à la Cour, tout en omettant de communiquer à son précédent litismandataire ou bien au ministre ou bien même directement au tribunal ses nouvelles coordonnées, de sorte à rendre impossible toute 3 trib. adm., 14 janvier 2009, n° 22029 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 71 et les autres références y citées 4 Trib. adm., 11 mai 2016, n°35579 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 37 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 8 août 2018, n° 41369 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu 6 Voir notamment Conseil d’Etat belge, 6 avril 1982, n° 22183.

3communication ou notification en relation avec la procédure contentieuse qu’il a intenté en vue de contester la décision litigieuse du 10 novembre 2023, est à interpréter en ce sens que le demandeur ne témoigne plus le moindre intérêt pour le déroulement et le maintien de l’instance qu’il a mue par sa requête du 30 novembre 2023.

Il convient dès lors de rejeter le recours introduit par Monsieur (A) pour défaut d’intérêt à agir dans son chef.

Il y a lieu de relever encore que, si l’avocat constitué a, en l’espèce, déposé son mandat après que la requête introductive d’instance a été introduite pour compte du destinataire de l’acte administratif attaqué, le présent jugement est néanmoins rendu contradictoirement entre parties7.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

rejette le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 novembre 2023 portant refus d’une protection internationale ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 10 novembre 2023 portant ordre de quitter le territoire ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne Monsieur (A) aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 avril 2025 par :

Michèle STOFFEL, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Michèle STOFFEL 7 en ce sens : trib. adm. 24 janvier 2000, n° 11558 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 1022.


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 49769
Date de la décision : 30/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-30;49769 ?

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