pTribunal administratif N° 49329 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49329 1re chambre Inscrit le 21 août 2023 Audience publique du 30 avril 2025 Recours formé par Madame (A1), …, et Monsieur (A2), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49329 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 21 août 2023 par Maître Fatim-Zohra ZIANI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, aux noms de Monsieur (A2), né le … à … (Colombie), de nationalité colombienne, demeurant à L-…, et de Madame (A1), née le … à …, agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son fils mineur (A3), né le … à …, tous les deux de nationalité colombienne, élisant domicile en l’étude de leur litismandataire, préqualifié, sise à L-
…, tendant à la réformation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 14 juillet 2023 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 8 novembre 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Fatim-Zohra ZIANI et Monsieur le délégué du gouvernement Tom HANSEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 mars 2025.
Le 30 septembre 2021, Monsieur (A2) et sa sœur, Madame (A1), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son fils mineur, (A3), introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », des demandes de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».
Les déclarations de Monsieur et Madame (A1) sur leur identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent du service de police judiciaire de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers, dans un rapport du même jour.
En date des 23 mars et 27 avril 2022, Monsieur (A2) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs gisant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Madame (A1) fut entendue en date des 21 mars et 27 avril 2022.
1 Par décision du 14 juillet 2023, notifiée aux l’intéressés par courrier recommandé expédié le 19 juillet 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par le « ministre », informa Monsieur (A2) et Madame (A1) que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme non fondées, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduites le 30 septembre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») en votre nom et, Madame, au nom de votre fils mineur, (A3), né le … à … en Colombie, de nationalité colombienne.
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos déclarations En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 30 septembre 2021, votre rapport d’entretien de l’agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes, Monsieur, des 23 mars et 27 avril 2022, et le vôtre, Madame, des 21 mars et 27 avril 2022, sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes de protection internationale.
Madame, Monsieur, vous déclarez être frères et sœurs, être de nationalité colombienne et être originaires de … (Valle del Cauca), où vous auriez vécu ensemble dans la maison familiale depuis toujours. Vous auriez travaillé pour des sociétés portuaires. Monsieur, vous auriez travaillé comme agent de sécurité à la « (AA) » (ou « (AA) ») pour le compte d’une société au nom de (AB) depuis 2019 et vous, Madame, auriez travaillé comme auxiliaire opérative pour le compte de la société « (BB) » (ou « (BB) ») depuis 2018. Vous auriez décidé, Monsieur, et Madame accompagnée de votre fils, de quitter votre pays d’origine en avril 2021 car vous craindriez de vous faire tuer par un groupe de criminels du nom de « Los Bustamantes ».
Selon vous, Madame, tout aurait commencé le 24 décembre 2019, lorsque vous auriez été en train de dîner en famille, alors que trois membres des Los Bustamantes seraient venus à votre domicile afin de vous imposer un paiement mensuel de 500.000 pesos, ce que vous auriez refusé.
Monsieur, vous affirmez que le 14 janvier 2020, alors que vous auriez attendu le bus pour rentrer chez vous du travail, trois membres des Los Bustamantes vous auraient approché afin de vous avertir que, comme vous gagneriez un bon salaire, vous devriez leur payer une certaine somme tous les mois, ce que vous auriez refusé et suite à quoi ils seraient simplement partis.
Le 22 mars 2020, Madame, vous auriez été agressée et menacée à votre domicile. En effet, des membres des Los Bustamantes se seraient introduits chez vous en disant que vous auriez été avertie mais que vous ne les auriez pas payés, raison pour laquelle ils vous auraient attaché les mains et les pieds avant de vous tirer une balle dans la jambe, à côté de votre vagin. Vous expliquez que ce tir aurait été un avertissement afin de vous faire comprendre qu’il aurait fallu payer. Vous auriez néanmoins perdu les documents médicaux liés à cet incident et vous n’auriez pas non plus de photos car « ça fait longtemps, j’ai la cicatrice. J’ai perdu beaucoup de photos, j’ai changé de téléphone » (p.8 de votre rapport d’entretien, Madame).
2 Suite à cet évènement, vous auriez, ensemble, décidé d’accepter ces paiements mensuels.
Selon vous Monsieur, vous auriez commencé à payer le 2 mai 2020 et vous auriez continué à les payer « tous les 2 de chaque mois » (p.5 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Selon vous, Madame, « chaque fin de mois je faisais un paiement » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame).
Dans ce contexte, vous expliquez qu’ils seraient venus récupérer l’argent à votre domicile et que soit vous, Monsieur, auriez payé quand votre sœur n’aurait pas été présente soit vous, Madame, auriez payé quand votre frère aurait été absent.
Peu de temps après, selon vous, Monsieur, en juin 2020, et selon vous, Madame, en juillet 2020, ces mêmes personnes auraient commencé à vous demander des informations sur votre travail, respectivement concernant les entrées et sorties des containeurs, mais vous auriez tous les deux refusé de leur donner des informations. Madame, vous expliquez que « J’avais peur parce que c’est une bande connue et très importante » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame) alors que vous, Monsieur, expliquez que « j’évitais de rester à la maison pour éviter qu’ils insistent » (p.5 de votre rapport d’entretien, Monsieur).
Ensemble, vous auriez donc décidé de quitter votre pays d’origine. En avril 2021, vous auriez quitté la Colombie en direction de la Turquie car « c’était le seul pays ouvert » (p.5 de votre rapport entretien, Monsieur et p.6 de votre rapport d’entretien, Madame). Arrivés en Turquie, vous auriez constaté que c’était un pays musulman, ce que vous n’auriez pas su, raison pour laquelle vous auriez essayé de partir en Bulgarie deux jours plus tard, où vous auriez été renvoyés en Turquie en raison des restrictions liées à la pandémie du Covid-19.
En mai 2021, vous auriez décidé de retourner en Colombie, plus précisément à Cali après avoir atterri à Bogota, car votre mère serait tombée malade et qu’elle se serait trouvée à l’hôpital.
Elle serait décédée le lendemain de votre arrivée. Etant donné que les funérailles auraient eu lieu à Buenaventura, vous auriez décidé de ne pas y aller par peur qu’il vous arrive « quelque chose » (p.12 de votre rapport d’entretien, Madame). Selon vous, Madame, « Ils savaient qu’on s’était échappé, il savait qu’on était de retour par rapport à la mort de ma mère. Mon frère m’a dit qu’ils avaient demandé après moi et que l’ordre était de nous tuer tous les deux » (p.12 de votre rapport d’entretien, Madame).
Vous seriez resté vivre à Cali chez un ami à vous Madame, pendant plus de trois mois, avant de décider, une deuxième fois, de quitter votre pays d’origine. En effet, Madame, vous expliquez que vous auriez décidé de rester et de vous installer à Cali car « du temps était passé et qu’on pouvait redémarrer une nouvelle vie […] fin août 2021, mon frère s’est fait intercepter par trois hommes qui l’ont menacé. Ils l’ont menacé une fois fin août et une fois début septembre. C’est la raison pour laquelle on décide de partir » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame). Dans ce contexte, Monsieur, vous expliquez qu’« en août, en quittant la zone résidentielle, deux mecs viennent vers moi. Ils m’ont dit que l’ordre était de me tuer, qu’il savait ce que j’avais fait. Ils voulaient savoir où était ma sœur. Ils m’ont montré une arme. Ils ont dit qu’ils ne me tuaient pas ici parce qu’ils voyaient les caméras » (p.6 de votre rapport d’entretien, Monsieur), suite à quoi, par peur, vous seriez rentré dans la zone résidentielle. Le 10 septembre 2021, alors que vous sortiez pour faire des courses, vous auriez aperçu ces mêmes personnes, raison pour laquelle vous auriez décidé de rentrer en courant car « ils me voyaient, ils allaient me tuer » (p.6 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Suite à cet évènement, vous auriez à nouveau décidé de quitter votre pays d’origine. Madame, vous expliquez que rien ne vous serait arrivé personnellement pendant cette période à Cali car « je sortais peu parce que j’étais touchée par le décès de ma mère » (p.12 de votre rapport d’entretien, Madame).
3 En septembre 2021, vous auriez donc décidé de prendre un vol en direction de Madrid car, Monsieur, vous déclarez que « le seul pays ouvert c’était l’Espagne » (p.9 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Vous y auriez séjourné dans un hôtel avant d’aller à Bordeaux en voiture, où vous auriez pris un vol jusqu’à Luxembourg. Vous seriez spécialement venus à Luxembourg car vous, Madame, y auriez une connaissance et que vous ne connaîtriez personne en Espagne.
En cas de retour en Colombie vous craindriez tous les deux d’être tués par le gang criminel Los Bustamantes car « En Colombie il y a beaucoup de corruption, surtout dans ma ville. Il y a beaucoup de gens qui ont porté plainte et ont dénoncé des situations de menaces et d’extorsion et qui ont été tuée » (p.6 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Vous n’auriez donc jamais porté plainte ni demandé une protection auprès d’une autorité colombienne « par peur » car « Si j’avais porté plainte, ils seraient venus me tuer » (p.9 du rapport d’entretien de Madame) et « aux infos on voit que les gens qui portent plainte disparaissent et puis réapparaissent démembrées » (p.12 de votre rapport d’entretien, Madame). Vous ajoutez que « Los Bustamantes sont partout en Colombie » (p.10 de votre rapport d’entretien, Monsieur) et qu’étant donné qu’ils vous auraient retrouvé à Cali, ils pourraient vous retrouver n’importe où en Colombie. Selon vous, « les gens avec de l’argent devaient payer ou en subir les conséquences » (p.11 de votre rapport d’entretien, Madame).
A l’appui de vos dires, vous présentez les pièces suivantes :
- Votre passeport colombien, Monsieur, émis le … 2020 et votre carte d’identité colombienne, émise le … 2013 ;
- votre passeport colombien, Madame, émis le … 2020 et votre carte d’identité colombienne, émise le … 2007 ;
- le passeport colombien de votre fils, Madame, émis le … 2020 ainsi que sa carte d’identité colombienne, émise le … 2019 ;
- un scan du certificat de décès de votre mère du … 2021;
- un scan de votre contrat de travail à durée déterminée d’un an à compter du … 2019 de l’entreprise « (AB) S.A. », Monsieur ;
- une copie de votre fiche de paie de l’entreprise « (BB) », Madame, de la période du …r au … 2021;
- une copie de votre fiche de paie de l’entreprise « (BB) », Madame, de la période du … au … 2021; une copie de votre fiche de paie de l’entreprise « (BB) », Madame, de la période du … au … 2021;
- une copie de votre lettre d’acceptation de démission de l’entreprise « (BB) », Madame, du … 2021.
Tous les documents d’identité que vous avez remis ont été déclarés comme étant des documents authentiques par l’Unité de Police de l’Aéroport en date du 8 avril 2022.
2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale • Quant à la crédibilité de vos récits Madame, Monsieur, avant tout autre développement, je me dois de constater des incohérences dans vos récits qui ne permettent nullement de retenir comme établie la véracité de vos dires ou la gravité de votre situation en Colombie et qui poussent à s’interroger quant aux véritables motifs vous ayant poussé à quitter votre pays d’origine et à venir introduire une demande 4de protection internationale au Luxembourg.
Ce constat doit en premier lieu être dressé alors que votre récit ne fait aucun sens chronologiquement parlant. En effet, vous développez au cours de vos entretiens concernant vos motifs de fuite le récit selon lequel, en juin 2020 pour Monsieur et en juillet 2020 pour Madame, des membres de Los Bustamantes auraient commencé à vous demander des informations concernant votre travail, ce qui vous aurait mené à prendre la décision de quitter votre pays d’origine. Madame, vous précisez que « Les Bustamantes voulaient des informations sur les horaires d’entrée et de sortie des marchandises […] J’ai refusé de donner ces informations au début […] C’est là qu’on décide de partir en Turquie » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame).
Monsieur, vous expliquez que « J’ai refusé de donner des infos et j’évitais de rester à la maison pour éviter qu’ils insistent. Je parle avec ma sœur et on décide de quitter le pays » (p.5 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Néanmoins, vous auriez quittez la Colombie pour la Turquie qu’en avril 2021 soit près de dix mois suivant cet évènement.
Force est toutefois de constater que vous n’avez pas directement voulu quitter la Colombie auquel cas vous l’auriez fait, de sorte à invalider l’ensemble de vos déclarations, étant donné que vous avez encore pris le soin d’entreprendre des démarches pour vous voir délivrer des nouveaux passeports en date du 10 novembre 2020 et que vous auriez donc encore attendu cinq mois après l’obtention de vos passeports avant de réellement quitter le pays. Dans ce même contexte, il faudrait encore ajouter qu’il n’est de toute façon pas logique qu’une personne qui serait réellement persécutée ou à risque d’être persécutée et qui sentirait un besoin réel de protection subordonne son désir de fuite et ses prétendues craintes à l’obtention d’un passeport.
Vous prétendez de plus qu’en date du 22 mars 2020, des personnes seraient entrées dans votre maison familiale et que vous, Madame, auriez été agressée et qu’on vous aurait tiré dessus car vous auriez « refusé de payer la bande » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame). Dans ce contexte, il est difficilement envisageable que vous ayez par la suite refusé de donner des informations au sujet de votre travail alors que vous dites également que « J’avais peur d’être assassinée, si on ne coopérait pas » (p. 6 de votre rapport d’entretien, Madame). Si vous aviez réellement eu peur de cette bande criminelle, respectivement eu peur pour votre vie, vous n’auriez certainement pas refusé de coopérer quant à la divulgation d’informations.
D’autant plus que vous précisez qu’ils seraient venus récupérer les paiements chaque mois à votre domicile. De même, il est ici encore incompréhensible que ces personnes seraient venues récupérer l’argent tous les mois pendant dix mois sans ne plus jamais vous poser aucune question concernant votre travail.
Ce constat vaut encore alors que vous précisez, Madame, ne plus avoir aucune preuve concernant votre agression et plus précisément concernant le tir que vous auriez reçu dans la jambe droite. En effet, vous expliquez avoir perdu vos documents médicaux liés à cet incident et que « ça fait trop longtemps, j’ai la cicatrice. J’ai perdu beaucoup de photos, j’ai changé de téléphone » (p.8 de votre rapport d’entretien). Malgré cela, il aurait tout de même été relativement simple de le prouver par une photo de votre cicatrice ou encore par un rapport médical a postériori d’autant plus que ces faits ne remontent pas à si longtemps comme vous le prétendez. Vos déclarations quant à cet évènement sont donc à remettre sérieusement en doute.
Force est partant de déduire que vous n’avez à aucun moment jugé utile ou opportun de vous procurer ou de vous faire parvenir des documents pertinents et actuels afin de corroborer ne serait-ce qu’une petite partie de vos dires se rapportant à cette agression que vous auriez subie en 52020 et qui vous auraient poussé à quitter le pays. Votre comportement totalement inactif et passif dans ce contexte fait en tout cas preuve d’un désintérêt évident par rapport à votre demande de protection internationale et ne fait que confirmer les doutes retenus concernant votre crédibilité, alors qu’on doit pouvoir attendre d’une personne réellement persécutée ou à risque d’être persécutée et vraiment à la recherche d’une protection internationale qu’elle entreprenne au moins tout ce qui est dans son pouvoir pour se procurer des pièces concluantes par rapport à ses dires et les mettent à disposition des autorités desquelles elle souhaite obtenir cette protection.
De plus, la compréhension de votre comportement n’est pas facilitée par votre retour en Colombie en mai 2020 soit un mois après votre départ. Malgré et aussi malheureux soit le fait que votre mère soit tombée malade, il est incohérent que vous soyez retournés dans le pays que vous auriez fui par peur de vous faire tuer.
Dans ce contexte, vous expliquez que, suite au décès de votre mère, vous auriez décidé de vous installer à Cali où vous auriez tous les trois été logés par un ami à vous, Madame, pendant plusieurs mois. De nouveau, Monsieur, vous expliquez que vous auriez été approché par des membres des Los Bustamantes et qu’« Ils m’ont dit que l’ordre était de me tuer », qu’« Ils voulaient savoir où était ma sœur. Ils m’ont montré une arme. Ils ont dit qu’ils ne me tuaient pas ici parce qu’ils voyaient les caméras » (p.6 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Il échet alors de se demander pour quelles raisons ils seraient venus vous voir sous l’œil des caméras afin de vous prévenir alors que s’ils avaient eu l’ordre de vous éliminer, ils auraient eu la possibilité de le faire étant donné qu’ils savaient où vous vous trouviez. Ce constat est d’ailleurs le même quand vous expliquez que lorsque vous auriez refusé de donner des informations sur votre travail, « j’évitais de rester à la maison pour éviter qu’ils insistent » (p.5 de votre rapport d’entretien, Monsieur) alors que vous précisez dans ce même entretien qu’« ils connaissaient mes horaires de travail, mes entrées et mes sorties du travail » (p.5 de votre rapport d’entretien, Monsieur). Il échet encore de mettre en doute vos propos alors qu’ils sont dénoués de toute logique.
Finalement, vos propos selon lesquels vous auriez décidé d’abord de quitter votre pays d’origine pour la Turquie en avril 2020 car « c’était le seul pays ouvert » (p. 5 de votre rapport d’entretien, Monsieur et p.6 de votre rapport d’entretien, Madame) et qu’ensuite, en septembre 2021, vous auriez décidé de quitter votre pays d’origine pour l’Espagne car de nouveau « C’était fermé à cause du covid. Le seul pays ouvert c’était l’Espagne » (p.9 de votre rapport d’entretien, Monsieur), sont des affirmations difficilement vérifiables mais semblent pas moins improbables, tout comme l’affirmation selon laquelle vous n’auriez pas su que la Turquie est un pays musulman, raison pour laquelle vous n’auriez pas voulu y rester, alors qu’il semble évident que vous étiez en possession de téléphones portables et que vous auriez pu effectuer un minimum de recherches concernant le pays dans lequel vous auriez voulu « démarrer une nouvelle vie » (p.6 de votre rapport d’entretien, Madame).
Partant votre récit n’étant pas crédible, aucune protection internationale ne vous est accordé.
Quand bien même vos dires seraient à retenir comme étant crédibles, quod non, et que vous auriez quitté la Colombie parce que vous craindriez de vous faire tuer par une bande criminelle du nom de « Los Bustamantes », aucune suite positive à votre demande de protection internationale ne saurait être envisagée pour les raisons étayées ci-dessous.
• Quant au refus du statut de réfugié 6Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, Monsieur, vous auriez quitté la Colombie parce que vous craindriez de vous faire tuer par une bande criminelle du nom de « Los Bustamantes », qui vous aurait menacés, agressés et extorqués pendant plusieurs mois.
Force est en premier lieu de constater que les problèmes évoqués ne rentrent pas dans le champ d’application de la Convention de Genève ou de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée dans son pays d’origine à cause de sa race, sa nationalité, sa religion, ses opinions politiques ou son appartenance à un certain groupe social.
En effet, vous prétendez, Monsieur qu’« ils savaient que les surveillants gagnaient un bon salaire » (p.5 de votre rapport d’entretien, Monsieur), raison pour laquelle vous auriez dû les payer, de même que pour vous, Madame, qui expliquez que « j’avais un bon job, une bonne situation économique. Et que les gens dans ma situation devaient payer un montant mensuel » (p.7 de votre rapport d’entretien, Madame) car selon vous « la règle des Bustamantes était que les gens avec de l’argent devaient payer ou en subir les conséquences » (p.11 de votre rapport d’entretien, Madame).
Vous n’auriez donc manifestement pas été visé sur base d’un des cinq critères susmentionnés, mais au contraire pour une raison de pure lucre. Ce constat vaut d’autant plus que vous ignorez qui exactement vous aurait agressé ou qui vous aurait dans son collimateur alors que vous êtes uniquement en mesure de supposer qu’il s’agirait des Los Bustamantes. Il en est de même des personnes qui se seraient introduites dans votre domicile pour vous agresser, Madame, ou des menaces que vous auriez reçues par des personnes ne se présentant à aucun moment mais se limitant à expliquer qu’elles seraient là pour vous extorquer.
Quand bien même un tel lien existerait, force est de constater que les problèmes, respectivement les craintes que vous décrivez ne revêtent manifestement pas un degré de gravité suffisant tels qu’ils puissent être assimilés à un acte de persécution ou une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015.
En effet, il échet de préciser qu’à part les paiements mensuels et cette prétendue agression unique en mars 2020, au cours de laquelle, Madame, vous vous seriez prétendument fait tiré dessus et pour laquelle vous ne présentez aucune preuve, vous ne faites pas état du moindre incident dans lequel vous auriez été impliqués en Colombie. Or, une seule agression par deux personnes 7inconnues et l’extorsion d’argent ne revêt pas un degré de gravité tel à pouvoir être défini comme acte de persécution au sens des textes précités.
De plus, il convient de relever encore que malgré les menaces et votre prétendue agression, Madame, vous n’avez pas jugés utile de quitter votre pays d’origine immédiatement, au contraire, vous avez attendu plus d’un an avant de quitter la Colombie. A cela s’ajoute le fait que, malgré vos craintes, vous y êtes retournés peu de temps après l’avoir quitté, ce qui prouve que la gravité de votre situation n’est manifestement pas celle que vous tentez de dépeindre.
Ensuite, et hormis la question de la qualification des faits et du degré de gravité, toujours est-il que s’agissant d’actes émanant de personnes privées, une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités pour l’un des motifs énoncés par ladite Convention et dont l’existence doit être mise suffisamment en évidence par le demandeur de protection internationale. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce.
En effet, il ne ressort pas de votre dossier administratif que l’Etat ou d’autres organisations étatiques présentes sur le territoire de votre pays d’origine ne peuvent ou ne veulent pas vous accorder une protection à l’encontre de personnes qui seraient liées au gang des Los Bustamantes.
Le seul fait que vous n’auriez pas voulu déposer plainte, au motif que « D’après mes infos la police accompagne les personnes pendant quelques temps, mais après elles sont laissées seules. Aux infos on voit que les gens qui portent plainte disparaissent et puis réapparaissent démembrées » (p.12 de votre rapport d’entretien, Madame) et qu’« A chaque fois que quelqu’un porte plainte, il se fait tuer.
Je l’ai vu. Je l’ai entendu » (p.9 de votre rapport d’entretien, Monsieur) ne saurait évidemment pas suffire pour démontrer que les autorités colombiennes n’auraient pas pu ou pas voulu vous offrir leur aide.
Je note en tout cas que si les extorsions, dont les agressions et menaces, existent bien à Buenaventura et à Cali comme dans pratiquement chaque grande ville du monde, il n’en reste pas moins que la police, et les autorités en général y sont présentes et œuvrent pour la sécurité de la population. A cela s’ajoute que dans le contexte précis de citoyens qui seraient effectivement menacés de mort en Colombie, « La Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) de l’Organisation des États américains (OEA) affirme que les gens qui reçoivent des menaces de mort disposent de mesures de protection par l’entremise de l’UNP ». En effet, l’UNP (« Unidad Nacional de Proteccion ») constitue une organisation publique colombienne qui cherche des solutions et qui offre une protection individuelle ou collective pour des personnes visées par des menaces de mort.
Surtout, il convient de noter qu’il est établi que les autorités colombiennes ne sont pas, par le passé, restées inactives face aux agissements des Los Bustamantes. Bien au contraire, de nombreux membres de ce groupement ont été arrêtés et ont dû faire face à la justice au cours des dernières années.
Par ailleurs, force est de noter que : « What resulted from the secret gatherings was a truce that has reduced the number of gang-related homicides to zero over the last 100 days and provided relief to thousand who lived under constant fear […] "Today, Buenaventura is an example of peace" Vice President Francia Marquez declared in a December visit to the city, adding that leaders in other regions had shown interest in following in Buenaventura’s footsteps […] In the weeks following the truce, the city has come to life again. Children play outside their homes without fear of being struck by a stray bullet […] an effort by President Petro to bring "total peace" to a country mired in violence ».
8Concernant plus spécifiquement la police colombienne, il échet de préciser encore à toutes fins utiles que le gouvernement n’est pas non plus inactif, sinon indifférent quant à la corruption dans ses rangs, alors qu’en 2016 déjà, « Colombia’s national police force has fired more than 1,400 officers over the post 80 days in a crackdown on corruption, (…). The dismissals are part of a "zero tolerance for corruption," (…). Colombia’s police are key players in the fight against the country’s leftist rebel groups and violent crime gangs, founded by remnants of right-wing paramilitary groups ».
De même, « OHCHR welcomes the decision of the new Government to make the fight against corruption a strategic priority, and calls for coordinated and definitive action to pursue that objective, including by strengthening State control bodies and ensuring the independence of the judiciary. OHCHR also encourages civil society to continue to exercise its right to participate in public decision-making by monitoring and overseeing the State’s efforts to formulate a comprehensive anti-corruption policy. In July 2018, the Office of the Attorney General revealed that its Bolsillos de Cristal plan to combat corruption had led to the investigation and prosecution of 2,100 people accused of acts of corruption worth over 4.1 trillion pesos ».
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Madame, Monsieur, outre les conclusions quant aux doutes relatives à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.
En effet, vous omettez d’établir qu’en cas de retour en Colombie, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
9 Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Colombie ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisés à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 août 2023, Monsieur (A2) et Madame (A1), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son fils mineur (A3), ont fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 14 juillet 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
A l’audience publique du 12 mars 2025, Maître Fatim-Zohra ZIANI a informé le tribunal administratif que Madame (A1), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son fils mineur (A3), se désiste de son recours portant le numéro 49329 du rôle.
Le désistement d’instance proposé par Maître Fatim-Zohra ZIANI est régulier en la forme, de sorte qu’il y a lieu de donner acte à Madame (A1), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son fils mineur (A3), de ce qu’elle se désiste de l’instance introduite en date du 21 août 2023 sous le numéro 49329 du rôle et de constater la déchéance du recours au sens de l’article 25 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 14 juillet 2023 portant refus d’une protection internationale dans le chef de Monsieur (A2) Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 14 juillet 2023, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en réitérant, en substance, ses déclarations, telles qu’actées lors de ses auditions par un agent du ministère.
En droit, il reproche tout d’abord au ministre d’avoir considéré que ses déclarations seraient empreintes d’une certaine incohérence et conclut à une absence de contradiction sinon d’incohérence de son récit, le demandeur considérant qu’il remplirait les conditions d’obtention du statut de réfugié sinon de la protection subsidiaire au sens de l’article 2, point f) et point g) de la loi du 18 décembre 2015, tout en indiquant qu’il se serait efforcé de raconter son histoire.
Au vu de ces considérations, le demandeur est d’avis que la décision déférée serait entachée d’une méconnaissance sinon d’une violation du principe du bénéfice du doute, en ce que le ministre aurait remis en cause la crédibilité de son récit sans avoir suffisamment mis ledit récit en rapport 10avec la situation prévalant en Colombie. Afin de sous-tendre son argumentation, il renvoie à une analyse juridique du Bureau européen d’appui en matière d’asile (EASO), à présent dénommé l’Agence de l’Union européenne pour l’Asile (AUEA), publiée en 2018, intitulée « L’évaluation des éléments de preuve et de la crédibilité dans le contexte du régime d’asile européen commun » et se réfère encore à un rapport international, ainsi qu’à des arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par la « CourEDH ».
Le demandeur continue en faisant valoir que ce serait à tort que le ministre lui reprochait de ne pas fournir d’autres documents pouvant appuyer ses déclarations. A cet égard, il soutient, en substance, qu’il ne saurait valablement être reproché à des demandeurs de protection internationale, qui, au regard des risques encourus dans leur pays d’origine, ont quitté ce pays de manière précipité, de ne pas avoir veillé à se procurer des preuves matérielles de leurs dires. Il souligne qu’en matière de protection internationale, la Cour de Justice de l’Union européenne, ci-après désignée par la « CJUE », insisterait sur l’exigence d’une coopération entre l’Etat et le demandeur dans le cadre du rassemblement d’éléments pertinents permettant d’étayer sa demande de protection internationale pour ainsi déterminer la nécessité d’une telle protection, tout en insistant sur le fait qu’il se serait efforcé d’étayer sa demande et d’apporter les explications demandées par l’agent du ministère.
Concernant le refus de lui octroyer le statut de réfugié, le demandeur s’empare des articles 2, point f), 42 (1), 39 et 37 « (3) » de la loi du 18 décembre 2015 pour faire valoir, d’une part, que les extorsions et menaces dont il aurait fait l’objet de la part du groupe criminel « Los Bustamante », qui serait à qualifier comme acteur de persécutions au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, atteindraient un degré de gravité suffisant pour être qualifiées de persécutions au sens de la loi et, d’autre part, qu’il encourrait un risque manifeste de persécutions en cas de retour en Colombie sans pouvoir recourir à une protection effective des autorités locales. Il en conclut que le ministre aurait commis une erreur d’interprétation et d’appréciation dans le cadre de l’analyse de sa demande de protection internationale.
Quant au refus de la protection subsidiaire, le demandeur relève que la finalité de cette protection serait d’assurer un statut approprié aux personnes ayant besoin d’une protection et ne remplissant pas les conditions d’octroi du statut de réfugié. Il se réfère ensuite à un arrêt de la CourEDH interdisant l’exécution d’une mesure d’éloignement en raison de mauvaises conditions humanitaires qui seraient contraires à l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par la « CEDH », pour faire valoir qu’en cas de retour en Colombie, il courrait un sérieux risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015. Il conclut dès lors à la réformation de la décision ministérielle sur ce point.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Aux termes de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour 11les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».
Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :
« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », 12 et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, point g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37 (4), de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des 13faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal est tout d’abord amené à rappeler qu’en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, il doit examiner, en plus de la situation générale du pays d’origine, la situation particulière du demandeur de protection internationale et vérifier, concrètement, si sa situation subjective a été telle qu’elle laissait supposer un danger pour sa personne.
En l’espèce, indépendamment de la qualification des faits et de la question de la crédibilité du récit du demandeur, l’examen des faits et motifs invoqués par le demandeur à l’appui de sa demande de protection internationale dans le cadre de ses auditions, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure que les faits invoqués par le demandeur n’atteignent pas le niveau de gravité requis pour être qualifiés de persécutions au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 ou d’atteintes graves au sens de l’article 48 la même loi.
Le tribunal est, dans ce contexte, amené à constater qu’à l’appui de sa demande de protection internationale, le demandeur invoque des actes de persécution, respectivement des atteintes graves de la part des membres d’un groupe criminel dénommé « Los Bustamante ». Plus particulièrement, il fait état (i) d’actes d’extorsion et de menaces connexes proférées à son encontre entre le 14 janvier 2020 et le 18 avril 20211, ainsi que (ii) de menaces de mort proférées à son égard en août et septembre 20212.
En ce qui concerne les extorsions financières, le tribunal relève que les faits invoqués par le demandeur ne revêtent pas un degré de gravité tel qu’ils puissent être qualifiés de persécutions ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015. En effet, si, certes, les actes d’extorsion et les menaces s’y rattachant sont répréhensibles, le tribunal se doit néanmoins de constater que les menaces verbales proférées à l’encontre du demandeur par des membres d’un groupe criminel, visant à attirer son attention (i) sur le fait qu’ils connaissaient ses horaires de travail et qu’il doit payer un montant mensuel comme toutes les personnes ayant un « bon travail », ainsi que (ii) sur les risques encourus en cas de non-paiement des sommes exigées, n’ont jamais été suivies d’un quelconque acte concret et étaient, selon le demandeur lui-même, quelque chose d’« habituel » dans son pays d’origine3, étant encore précisé que le simple fait de devoir payer de l’argent à des criminels ne saurait être qualifié comme acte de persécution ou atteinte grave au sens des articles 42 et 48 de la loi du 18 décembre 2015.
Cette conclusion est encore corroborée par le fait que le demandeur a déclaré qu’à la suite de son refus d’obtempérer à l’ordre des membres dudit groupe criminel de divulguer des informations sur son travail, ceux-ci « étaient fâchés »4, sans qu’il ressorte cependant de ses déclarations que ledit refus aurait connu une quelconque conséquence pendant près d’un an avant son départ pour la Turquie5.
Ce constat n’est pas ébranlé par les déclarations du demandeur suivant lesquelles des membres du même groupe criminel seraient entrés dans la maison de sa sœur et lui auraient tiré 1 Rapport d’entretien, page 5.
2 Rapport d’entretien, page 6.
3 Rapport d’entretien, page 5.
4 Rapport d’entretien, page 8.
5 Rapport d’entretien, page 5.
14dessus6 dans la mesure où, tel que relevé à bon droit par la partie étatique, il est constant en cause que sa sœur a renoncé à sa demande de protection internationale en acceptant de retourner volontairement en Colombie, démontrant ainsi que cette agression n’atteignait pas, pour elle, un degré de gravité tel que sa vie ait été rendue intolérable en Colombie, de sorte que cette même conclusion s’impose pour le demandeur qui n’a, d’ailleurs, pas personnellement été victime d’une quelconque agression particulière.
A cela s’ajoute que le demandeur, après avoir quitté une première fois la Colombie pour la Turquie, est revenu dans son pays d’origine, de sorte qu’il y a lieu d’admettre que le demandeur ne semble pas avoir estimé que les actes d’extorsion et les menaces y relatives qu’il aurait subis entre le 14 janvier 2020 et 18 avril 2021 ont été d’une gravité suffisante pour rendre sa vie en Colombie intolérable.
Le tribunal est dès lors amené à retenir que les extorsions financières ne sont pas d’une gravité suffisante pour pouvoir être qualifiées d’actes de persécution ou d’atteintes graves, et ne sont, dès lors, pas de nature à justifier l’octroi d’un statut de protection internationale.
La même conclusion s’impose en ce qui concerne les menaces de mort proférées à son encontre en août 2021, le demandeur a déclaré que, dès son retour en Colombie, d’autres membres du même groupe criminel lui auraient dit que « […] l’ordre était de me tuer […], le demandeur ayant encore précisé : […] Ils m’ont montré une arme […] »7. Or, la gravité des faits dont le demandeur se prévaut est à relativiser, dans la mesure où il ressort des déclarations de ce dernier auprès du ministère que ces individus non autrement identifiés auraient choisi un endroit équipé de caméras de surveillance pour le menacer et qu’ils auraient admis qu’au vu de la présence de ces caméras, il ne le tueraient pas8, de sorte que sa vie n’était jamais en danger.
Il résulte de tout ce qui précède que les faits précités mis en avant par le demandeur ne sauraient être considérés comme des persécutions ou des atteintes graves pour, pris isolément ainsi que dans leur ensemble, ne pas revêtir le caractère d’une gravité suffisante et ne sauraient dès lors être qualifiés comme une violation grave des droits fondamentaux de l’Homme au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, voire d’atteintes graves au sens de la l’article 48 de la même loi.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et indépendamment de la question de la crédibilité du récit du demandeur, le tribunal retient que c’est à juste titre que le ministre a refusé de faire droit à la demande de protection internationale de Monsieur (A2), de sorte que le recours en réformation sous analyse encourt le rejet.
2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 14 juillet 2023 portant ordre de quitter le territoire dans le chef de Monsieur (A2) Etant donné que l’article 35 (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
A l’appui de ce volet de son recours, le demandeur soutient que la décision du ministre lui 6 Idem.
7 Rapport d’entretien, page 6.
8 Idem.
15enjoignant de quitter le territoire devrait encourir la réformation pour violation de l’article 3 de la CEDH, ainsi que des articles 4 et 19 (2) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par la « Charte », de même que du principe de non-refoulement, en ce qu’elle serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation de sa situation individuelle et de son vécu. En effet, contrairement à l’appréciation ministérielle, il y aurait lieu de retenir qu’en cas de retour en Colombie, il encourrait un risque sérieux d’être persécuté et de subir des traitements inhumains et dégradants.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que c’est à juste titre que le ministre a rejeté la demande de protection internationale du demandeur, il a a priori valablement pu assortir cette décision d’un ordre de quitter le territoire.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’invocation d’une violation, par la décision déférée, du principe de non-refoulement, de même que des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.
En effet, il y a lieu de rappeler, en ce qui concerne précisément les risques encourus par le demandeur en cas de retour en Colombie, que le tribunal a conclu ci-avant que l’intéressé n’a pas fait état d’une crainte fondée de subir des persécutions ou d’être exposé à des atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015, de sorte qu’il ne saurait prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale. Le tribunal ne saurait dès lors actuellement se départir à ce niveau-ci de son analyse de cette conclusion.
Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH9, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur en Colombie, soit dans ces circonstances incompatible avec les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, voire avec l’article 19 (2) de la Charte ou encore avec le principe de non-refoulement.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour être non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
9 CourEDH, arrêt Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2003, § 59.
16donne acte à Madame (A1), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son fils mineur, (A3), qu’elle se désiste de l’instance introduite en date du 21 août 2023 sous le numéro 49329 du rôle ;
déclare le désistement d’instance régulier et valable ;
constate la déchéance du recours de Madame (A1), agissant tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte de son fils mineur (A3) au sens de l’article 25 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit par Monsieur (A2) à l’encontre de la décision ministérielle du 14 juillet 2023 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit par Monsieur (A2) à l’encontre de la décision ministérielle du 14 juillet 2023 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 30 avril 2025 par :
Daniel WEBER, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 17