Tribunal administratif N° 52735 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52735 3e chambre Inscrit le 22 avril 2025 Audience publique du 29 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52735 du rôle et déposée le 22 avril 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à …, … (Brésil), de nationalité brésilienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 30 mai 2024, notifiée le 10 avril 2025, ayant ordonné le placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 avril 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marcel MARIGO et Monsieur le délégué du gouvernement Luca ESTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
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Après avoir introduit une demande en obtention d’une autorisation de séjour alors qu’il se trouvait déjà sur le territoire luxembourgeois en date du 29 février 2016, Monsieur (A) s’est vu délivrer, le 29 mai 2016, une autorisation de séjour temporaire au titre de membre de famille en application de l’article 73, paragraphe (5) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée la « loi du 29 août 2008 ».
Ledit titre de séjour fut renouvelé à deux reprises et vint à expiration le 13 novembre 2020. La troisième demande de renouvellement de l’autorisation de séjour introduite par Monsieur (A) fut refusée par décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 14 janvier 2021, au motif de la cessation de la vie familiale effective avec le regroupant, à savoir la mère du concerné.
Suite à une demande du personnel de l’institution … du 15 janvier 2021, basée sur le fait que Monsieur (A) avait été judiciairement placé au sein de ladite institution et avait par la 1suite intégré un logement social encadré de l’Institution … à …, le concerné se vit délivrer un titre de séjour de type vie privée avec une validité jusqu’au 13 novembre 2021.
Il ressort du dossier administratif, ainsi que des explications circonstanciées de la partie étatique, qu’en date du 11 octobre 2022 Monsieur (A) a quitté l’espace Schengen pour se rendre à … au Brésil et d’y séjourner pour une période de neuf mois.
Après le retour de Monsieur (A) dans l’espace Schengen le 12 août 2023, l’association sans but lucratif …. introduisit, en date du 22 novembre 2023, une demande en obtention d’une autorisation de séjour pour des raisons privées dans le chef de celui-ci. Cette demande fut rejetée par décision du ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », du 7 février 2024, décision qui fut notifiée à l’intéressé le 9 février 2024.
Par la même décision, le ministre déclara le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois irrégulier, conformément à l’article 100, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et lui ordonna de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours conformément à l’article 111, paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008.
Monsieur (A) fut signalé comme personne recherchée dans le système d’information Schengen (SIS) par les autorités luxembourgeoises. Ce signalement est valable du 15 février 2024 jusqu’au 15 février 2029.
Il ressort d’une note au dossier du 15 avril 2024 qu’en date du 11 avril 2024, la mère de Monsieur (A) s’était présentée au nom de celui-ci au rendez-vous de retour volontaire et qu’à cette occasion elle avait informé les autorités compétentes qu’elle ne se trouverait plus en contact avec son fils et que celui-ci ne résiderait plus chez elle.
Par arrêté du 30 mai 2024, le ministre prit une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de deux ans dans le chef de Monsieur (A).
Par arrêté du même jour, le ministre a encore ordonné le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu ma décision du 7 février 2024, lui refusant une autorisation de séjour pour vie privée;
Considérant que l’intéressé s’est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire ;
Considérant que l’intéressé ne s’est pas présenté au Ministère des Affaires intérieures en vue de l’organisation de son retour volontaire dans son pays d’origine ;
Considérant que l’intéressé n’a jusqu’à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d’origine ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qui ne dispose pas d’une adresse officiera au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l’éloignement de l’intéressé seront engagées dans les plus brefs délais;
2Considérant que l’exécution de la mesure d’éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches; […] ».
Par la suite, Monsieur (A) fit l’objet d’un signalement national en vue de la notification de ces deux arrêtés.
Il ressort du rapport de la police grand-ducale, région …, Commissariat …, dit « Fremdennotiz » du 28 août 2024, référencé sous le numéro … qu’en date du même jour, Monsieur (A) fit l’objet d’un contrôle par les forces de police à la suite d’un accident de la route et qu’à cette occasion il ne put présenter que son permis de conduire brésilien ainsi qu’une copie de son passeport brésilien.
Le même jour, Monsieur (A) se vit notifier l’arrêté du 30 mai 2024 portant l’interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de 2 ans dans son chef.
En date du 28 novembre 2024, Monsieur (A) introduisit, par l’intermédiaire de son mandataire ad litem, un recours gracieux à l’encontre de ce même arrêté ministériel, lequel fut rejeté par décision du ministre du 12 décembre 2024.
Il ressort de deux rapports de la police grand-ducale, établis respectivement par le Commissariat … et par le Commissariat …, dits « Fremdennotiz », référencés sous les numéros … et … et datés des 24 janvier et 10 avril 2025, que Monsieur (A) avait, à deux reprises, fait l’objet de contrôles par les forces de police, contrôles lors desquels il ne put présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité.
Suite au contrôle de police du 10 avril 2025, Monsieur (A) se vit notifier, à la même date et en mains propres, l’arrêté ministériel du 30 mai 2024 ordonnant son placement en rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 avril 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 30 mai 2024 ayant ordonné son placement en rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit en l’espèce, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique, au-delà des rétroactes repris ci-dessus, qu’il se trouverait au Luxembourg depuis l’âge de 13 ans, qu’il y aurait suivi toute sa scolarité et y aurait ses attaches culturelles et familiales. Il ajoute qu’il serait actuellement à la recherche d’un emploi et souhaiterait finaliser sa formation, ce qui l’aurait amené à entamer les démarches pour acquérir la nationalité luxembourgeoise par option et à introduire une demande en obtention d’un titre de séjour pour raisons privées. Il aurait par ailleurs essayé de s’enregistrer auprès d’une administration communale. Ses démarches n’auraient toutefois pas abouti en raison de son déplacement au Brésil pendant plus de 6 mois. Le demandeur précise dans ce contexte qu’il se serait rendu au Brésil afin de 3renouveler son passeport, tout en donnant à considérer que l’administration brésilienne aurait tardé à faire droit à sa demande de renouvellement, alors qu’elle serait « très lente ».
En droit, et après avoir repris une partie de la motivation de l’arrêté ministériel litigieux, le demandeur fait valoir que ledit arrêté serait basé sur une appréciation erronée de sa situation et devrait, dès lors, encourir la réformation. A cet égard, il insiste sur le fait qu’il séjournerait au Luxembourg depuis l’âge de 13 ans et qu’il y serait parfaitement intégré, tout en donnant encore à considérer qu’il n’aurait plus aucune attache familiale au Brésil. Le demandeur met ensuite en exergue qu’il disposerait également d’une adresse légale au Luxembourg ce qui résulterait à suffisance de son certificat de résidence, de l’avenant au contrat de bail et de son certificat de co-assurance. Il rappelle encore qu’il aurait introduit une demande en obtention d’un titre de séjour pour raisons privées et que la décision de refus du ministre lui opposée dans ce contexte, ferait actuellement l’objet d’un recours devant le tribunal administratif.
Quant à l’impossibilité d’appliquer efficacement les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, telle que retenue par le ministre, le demandeur estime que cette conclusion résulterait également d’une appréciation erronée de sa situation, le demandeur soulignant disposer d’une adresse légale au Grand-
Duché de Luxembourg et ne pas présenter de risque de fuite.
Après avoir invoqué encore l’article 7, point 3 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115/CE », il insiste sur l’absence d’un risque de fuite dans son chef et estime justifier de garanties de représentation suffisantes du fait de l’existence d’une adresse légale et d’un domicile au Luxembourg, du fait qu’il y résiderait depuis de nombreuses années et du fait qu’il y aurait construit sa vie.
En donnant à considérer qu’il serait de jurisprudence constante que les articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 seraient à interpréter dans le sens qu’une assignation à résidence serait à considérer comme une mesure proportionnée bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, le demandeur conclut que son assignation à résidence à son « adresse habituelle » serait la mesure la plus appropriée en vue de son éloignement vers son pays d’origine, éloignement contre lequel il n’aurait « posé aucun acte de nature à éviter ou empêcher [s]a réalisation ». Finalement il fait valoir qu’il n’existerait aucun élément concret qui aurait pu amener le ministre à considérer qu’il ne présenterait pas les garanties de représentation suffisantes pour permettre son assignation à résidence, tout en ajoutant qu’il serait disposé à se soumettre à toutes mesures restrictives découlant d’une décision d’assignation à résidence, notamment celle relative à la surveillance électronique et qui emporterait pour lui l’interdiction de quitter un périmètre fixé par l’autorité administrative.
Au vu de ces considérations, le demandeur conclut à la réformation de l’arrêté ministériel litigieux.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Appréciation du tribunal 4Le tribunal relève tout d’abord qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais, condition en l’espèce non critiquée par le demandeur.
S’agissant, tout d’abord, des contestations de Monsieur (A) quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal constate qu’en l’espèce, il est constant que le demandeur, qui a fait l’objet d’une décision de retour en date du 7 février 2024, laquelle est coulée en force de chose décidée, ainsi que d’une décision valant interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de deux ans, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qui ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour 5valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail et fait, par ailleurs, l’objet d’un signalement au SIS, se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg.
Il s’ensuit qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figurent justement celles d’être en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité ou d’une autorisation de voyage en cours de validité et de ne pas faire, tel que c’est pourtant le cas pour le demandeur, l’objet d’un signalement dans le SIS, ni d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire, telles que prévues au paragraphe (2), points 1. à 3. de la disposition légale en question.
Dès lors, et dans la mesure où le concerné est resté en défaut de soumettre au tribunal le moindre élément permettant de renverser cette présomption, ses contestations quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef sont à rejeter, ce constat étant d’autant plus renforcé que le demandeur n’a jamais cessé à mettre en avant son intention de rester sur le territoire luxembourgeois, étant relevé à cet égard que le risque de fuite se définit comme le risque de se soustraire à sa mesure d’éloignement.
Il ressort en effet de ses développements dans le cadre de sa requête introductive d’instance qu’il souhaite régulariser sa présence au Luxembourg, qu’il y aurait des liens personnels et familiers et y aurait construit sa vie, ce qui laisse conclure qu’il entend éviter toute mesure d’éloignement. A cela s’ajoute que lors de la phase précontentieuse, le demandeur a également manifesté sa volonté ferme de rester au Luxembourg, et ce notamment lors du contrôle de police du 10 avril 20251, en faisant non seulement preuve d’un manque de coopération à travers son refus d’indiquer aux agents de police où se trouvait son passeport, mais en déclarant sans équivoque qu’il n’entend pas quitter le pays2. Par ailleurs et tel que relevé à juste titre par la partie étatique, il ressort d’un courrier électronique du 14 avril 2025 de l’agent d’encadrement psychosocial du Centre de rétention que le demandeur a expliqué à plusieurs reprises qu’il ne souhaiterait en aucun cas quitter le Luxembourg.
Sur base de ces considérations, il échet de retenir que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « (1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
1 Rapport de la police grand-ducale, Région …, Commissariat …, du 10 avril 2025, numéro ….
2 « […] Ich habe keine Pläne irgendwo anders hinzugehen. Ich weiß gar nicht wo ich hin gehen soll. Ich würde das Land verlassen, wenn man mir dann versichert, dass ich später nach Luxemburg kommen könnte. ».
6 On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes3.
3 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.
7En l’espèce, le demandeur entend renverser la présomption de risque de fuite dans son chef en arguant, sur base de son certificat de résidence, d’un avenant au contrat de bail et de son certificat de co-assurance, qu’il disposerait d’une adresse légale au Luxembourg, adresse à laquelle il aurait dû être assigné à résidence. Force est toutefois de constater, à l’instar de la partie étatique que s’il ressort de l’avenant du contrat de bail dont se prévaut le demandeur que ce dernier était colocataire de l’appartement loué par sa mère, il ressort toutefois du dossier administratif et plus particulièrement d’une note au dossier du 15 avril 2024 que la mère du concerné, a informé les autorités luxembourgeoises qu’elle ne se trouverait plus en contact avec son fils et que celui-ci ne résiderait plus chez elle. Il s’ensuit que ni l’avenant au contrat de bail, ni le certificat de résidence dont se prévaut également le demandeur et qui date du 3 octobre 2023, ou encore le certificat de coassurance datant de septembre 2023, ne laissent conclure qu’à l’heure actuelle le demandeur dispose toujours d’une adresse officielle au Luxembourg où il pourrait être assigné à résidence. Cette conclusion s’impose d’autant plus que le concerné a déclaré lui-même lors du contrôle de police dont il avait fait l’objet en date du 28 août 2024, qu’il résiderait avec des amis4.
Si le demandeur a certes affirmé lors des contrôles de police des 24 janvier 2025 et 10 avril 2025, qu’il habiterait chez sa mère, ces affirmations ne sont, à elles seules, compte tenu des prédites déclarations de cette dernière et faute de pièces récentes confirmant les propos du demandeur, telles qu’une attestation testimoniale de sa mère ou un certificat de résidence récent, pas de nature à établir l’existence dans son chef de garanties de représentation effectives propres afin de prévenir le risque de fuite pesant sur lui.
A cela s’ajoute que le demandeur n’a pas proposé un dépôt d’une garantie financière ou encore un quelconque autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, soit envisageable.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement l’assignation à résidence visée au point b) dudit paragraphe, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Il s’ensuit que le moyen tiré du caractère prétendument disproportionné de la mesure litigieuse de placement en rétention, respectivement d’une appréciation erronée de sa situation est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne enfin les démarches entreprises par le ministre en vue de permettre l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif que par courrier électronique du 11 avril 2025, l'agent en charge du dossier a contacté les agents de la police judiciaire afin de demander la communication du relevé des empreintes digitales du demandeur. Il en ressort encore que par courrier électronique du 14 avril 2025, l’agent du greffe du Centre de rétention a fait parvenir à l'agent en charge du dossier une copie du passeport en cours de validité du demandeur et que l'original du passeport a été remis aux agents du Centre de rétention postérieurement au placement du demandeur. Finalement, il en ressort que par transmis du 14 avril 2025 le 4 Rapport de la police grand-ducale, Région …, Commissariat … du 28 août 2024, numéro ….
8ministre a chargé la Police Grand-Ducale, Unité de Garde et d'Appui opérationnel - Service de Garde et de Protection, d'organiser l'éloignement du concerné vers le Brésil.
Au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, il échet de conclure que le dispositif d’éloignement est en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise.
Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 avril 2025 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Sibylle Schmitz, premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 9