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29/04/2025 | LUXEMBOURG | N°52731

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 29 avril 2025, 52731


Tribunal administratif N° 52731 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52731 3e chambre Inscrit le 22 avril 2025 Audience publique du 29 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52731 du rôle et déposée le 22 avril 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsi

eur (A), déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne...

Tribunal administratif N° 52731 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52731 3e chambre Inscrit le 22 avril 2025 Audience publique du 29 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52731 du rôle et déposée le 22 avril 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 9 avril 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 avril 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luca ESTGEN en sa plaidoirie à l’audience publique de ce jour, Maître Philippe STROESSER s’étant excusé.

___________________________________________________________________________

Le 7 décembre 2022, Monsieur (A) se présenta au ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration.

Il ressort de deux rapports de la police grand-ducale, région …, Commissariat …, dits « Fremdennotiz », référencés sous les numéros … et …, des 16 décembre 2022 et 13 mars 2023, qu’en date des mêmes jours, Monsieur (A) fit l’objet de contrôles d’identité lors desquels il ne put présenter des documents d’identité ou de voyage valables. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche dans la base de données du système d’information Schengen (« SIS »), que Monsieur (A) faisait l’objet d’un signalement de la part des autorités italiennes.

En tant que mineur non accompagné, Monsieur (A) se vit attribuer un administrateur ad hoc par ordonnance du 16 mai 2023 du juge aux affaires familiales près le tribunal d’arrondissement de et à Luxembourg.

Le 18 août 2023, il introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-

après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche effectuée dans la base de données EURODAC, qu’il avait franchi illégalement la frontière italienne le 8 novembre 2022 sans y introduire de demande de protection internationale. Une demande de renseignements effectuée à cette même occasion via le Centre de coopération policière et douanière révéla que l’intéressé était connu en Belgique pour ivresse sur la voie publique en date du 5 août 2023.

En date du 21 août 2023, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités italiennes en vue d’obtenir des informations concernant Monsieur (A) sur base de l’article 34 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III », et en date du 11 septembre 2023, les autorités italiennes leur répondirent que l’intéressé était connu en Italie pour « mauvaise conduite et crimes » en date du 22 novembre 2022.

En date du 7 mars 2024, Monsieur (A) fut entendu en présence de son administrateur ad hoc par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 15 avril 2024, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur (A), tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours.

Il se dégage ensuite d’un rapport de la police grand-ducale, région …, Commissariat …, dit « Fremdennotiz », référencé sous le numéro …, du 8 mai 2024, ainsi que d’un rapport de la police grand-ducale, région …, Commissariat …, dit « Fremdennotiz », référencé sous le numéro …, du 12 mai 2024, qu’en date des mêmes jours, Monsieur (A) fit l’objet de contrôles d’identité lors desquels il ne put présenter des documents d’identité ou de voyage valables.

Par jugement du 15 mai 2024 du juge siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, portant le numéro … du rôle, Monsieur (A) fut définitivement débouté de son recours contentieux introduit le 30 avril 2024 à l’encontre de la décision ministérielle prémentionnée du 15 avril 2024.

Par courrier recommandé du 29 mai 2024, Monsieur (A) fut convoqué à un rendez-

vous au ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », fixé au 6 juin 2024, en vue de la préparation de son retour volontaire, rendez-vous auquel l’intéressé ne se présenta pas.

Il se dégage encore de deux rapports de la police grand-ducale, région …, Commissariat …, dits « Fremdennotiz », référencés sous les numéros … et …, des 14 et 20 juin 2024, ainsi que d’un rapport de la police grand-ducale, région …, Commissariat …, dit « Fremdennotiz », référencé sous le numéro …, du 17 juin 2024, qu’en date des mêmes jours, Monsieur (A) fit l’objet de contrôles d’identité lors desquels il ne put présenter des documents d’identité ou de voyage valables, respectivement fut interpellé par les forces de l’ordre suite à des faits de troubles à l’ordre public.

Par arrêté du 20 juin 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à son égard à partir de la sortie de l’Espace Schengen.

Par arrêté séparé du même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de l’arrêté en question, mesure de placement qui fut prorogée à plusieurs reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, par arrêtés du ministre des 17 juillet 2024, 19 août 2024, 19 septembre 2024 et 17 octobre 2024.

Par courrier du 31 juillet 2024 de son mandataire, Monsieur (A) fit introduire une demande d’un report à l’éloignement sur base de l’article 125bis de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », laquelle fut refusée par décision du ministre en date du 21 août 2024.

Le 20 novembre 2024, Monsieur (A) fut libéré du Centre de rétention.

Il se dégage enfin de six rapports de la police grand-ducale, région …, Commissariat …, dits « Fremdennotiz », référencés sous les numéros …, …, …, …, … et …, des 21, 23 et 27 novembre 2024, 12 décembre 2024, 15 février 2025 et 9 avril 2025, ainsi que d’un rapport de la police grand-ducale, région …, Commissariat …, dit « Fremdennotiz », référencé sous le numéro …, du 4 décembre 2024, qu’en date des mêmes jours, Monsieur (A) fut interpellé par les forces de l’ordre suite à des faits de troubles à l’ordre public, de recel, ou encore de coups et blessures volontaires, respectivement fit l’objet de contrôles d’identité lors desquels il ne put présenter des documents d’identité ou de voyage valables.

Par arrêté du 9 avril 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, laquelle est basée sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu le rapport no … du 9 avril 2025 établi par la Police grand-ducale, unité Région …, Commissariat … ;

Vu la décision de retour du 15 avril 2024 lui notifiée par courrier recommandé le 18 avril 2024 ;

Vu la décision d'interdiction d'entrée sur le territoire du 20 juin 2024 ;

Vu la décision du 21 août 2024, lui refusant un report à l'éloignement ;

Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;

Considérant que l'intéressé ne s'est pas présenté en vue de l'organisation de son retour volontaire dans son pays d'origine ;

Considérant que l'intéressé n'est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d'origine ;

Considérant que l'intéressé n'a jusqu'à présent pas fait des démarches pour un retour volontaire dans son pays d'origine ;

Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;

Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 22 avril 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 9 avril 2025.

Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé en substance les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique.

Or, cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il fait par ailleurs valoir qu’il n’existerait à l’heure actuelle aucune perspective d’éloignement, de sorte qu’il y aurait lieu de s’interroger sur les chances de succès de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et, en toute circonstance, avant l’écoulement de la durée maximale de la mesure de rétention.

Le demandeur ajoute que son maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement.

Au vu des circonstances de l’espèce et de son comportement, le demandeur estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné et que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, auraient pu être prises à son égard sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008.

Il conclut à l’absence de caractère justifié de son maintien au Centre de rétention et sollicite, en conséquence, la réformation de l’arrêté ministériel litigieux en vue d’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -, le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.

S’agissant ensuite de la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

Il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, une décision de retour ayant été prise à son encontre le 15 avril 2024, le demandeur ayant été définitivement débouté de son recours introduit à l’encontre de ladite décision par jugement du 15 mai 2024 du juge siégeant en remplacement du vice-président présidant la première chambre du tribunal administratif, portant le numéro 50403 du rôle, et qu’une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans a été prise à son encontre le 20 juin 2024, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse. De surcroît, le concerné ne dispose ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figurent justement celles d’être en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité ou d’une autorisation de voyage en cours de validité et de ne pas faire, tel que c’est le cas pour le demandeur, l’objet d’un signalement dans le SIS, ni d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire, telles que prévues au paragraphe (2), points 1. à 3. de la disposition légale en question.

Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire.

Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « (1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.

En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal constate que le demandeur, qui ne peut pas se prévaloir d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg ni d’une quelconque autre attache, ne lui a soumis aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.

Ainsi, les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement l’assignation à résidence visée au point b) dudit article, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce et l’arrêté déféré ne saurait être considéré comme étant disproportionné ou injustifié de ce fait.

Le moyen afférent encourt dès lors le rejet.

En ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre en vue de permettre l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, le tribunal relève qu’il n’entrevoit pas, à travers les éléments du dossier à sa disposition, un manque de diligences dans le chef du ministre étant donné que par courrier du 10 avril 2025, le ministre s’est adressé au Consulat Général de Tunisie dans le cadre d’une demande d’identification du demandeur du 24 juin 2024 en vue de la délivrance d’un laissez-passer et s’enquit de l’état d’avancement du dossier.

Au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, il échet de conclure que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise.

Finalement, il y a lieu de relever que c’est à tort que le demandeur affirme que son éloignement n’aurait pas de chances d’être mené à bien. En effet, même si la demande d’identification n’a, à ce jour, pas encore abouti, la procédure d’identification actuellement entamée ne saurait, à ce stade, être considérée comme étant d’ores et déjà vouée à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.

Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.

Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement remettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 29 avril 2025 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Sibylle Schmitz, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 29 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 52731
Date de la décision : 29/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 03/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-29;52731 ?

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