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28/04/2025 | LUXEMBOURG | N°52634

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2025, 52634


Tribunal administratif N° 52634 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52634 1re chambre Inscrit le 3 avril 2025 Audience publique du 28 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52634 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 avril 2025 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avoc

ats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie)...

Tribunal administratif N° 52634 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52634 1re chambre Inscrit le 3 avril 2025 Audience publique du 28 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous différents alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52634 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 3 avril 2025 par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, connu sous différents alias, actuellement assigné à résidence à la maison retour, sise à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 27 mars 2025, erronément attribuée au ministre de l’Immigration et de l’Asile, de le transférer vers la Belgique, comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 17 avril 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en sa plaidoirie à l’audience publique du 23 avril 2025.

Le 13 novembre 2024, Monsieur (A), connu sous différents alias, ci-après désigné par « Monsieur (A) », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande en obtention d’une protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de police judiciaire, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

Il s’avéra à cette occasion, dans le cadre d’une recherche effectuée dans la base de données EURODAC, que Monsieur (A) avait préalablement introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 14 décembre 2017, en Slovénie en date du 16 septembre 2019, en Suisse en date du 17 juillet 2020, en Croatie en date du 22 juillet 2021, en 1Belgique en date du 6 mars 2024, en Allemagne en date du 6 mai 2024 et aux Pays-Bas en date du 3 septembre 2024.

Il s’avéra à cette même occasion qu’il fait l’objet de deux signalements dans le Système d’information Schengen (SIS) par les autorités suisses en raison de délits contre l’ordre et la sécurité publics, d’une part, et par les autorités belges en raison d’une décision de retour à son encontre, d’autre part.

Par courrier du 13 novembre 2024 remis en mains propre au demandeur à cette même date, le ministre convoqua Monsieur (A) à un entretien au ministère en date du 4 décembre 2024 en vue de l’application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », entretien auquel Monsieur (A) ne se présenta pas.

Le 6 janvier 2025, les autorités luxembourgeoises contactèrent leurs homologues croates en vue de la reprise en charge de l’intéressé sur le fondement de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui fut rejetée par les autorités croates en date du 17 janvier 2025.

Le 7 janvier 2025, les autorités luxembourgeoises contactèrent leurs homologues belges en vue de la reprise en charge de l’intéressé sur le fondement de la même base légale, demande qui fut acceptée par les autorités belges en date du 14 janvier 2025 sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.

Par décision du 27 mars 2025, notifiée à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre informa Monsieur (A) de sa décision de le transférer dans les meilleurs délais vers la Belgique sur base des dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, la décision étant libellée comme suit :

« (…) Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 13 novembre 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l'article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l'article 18(1)d du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n'examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers la Belgique qui est l'Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s'appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 13 novembre 2024 établi dans le cadre de votre demande de protection internationale.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale 2En date du 13 novembre 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 14 décembre 2017, une demande en Slovénie en date du 16 septembre 2019, une demande en Suisse en date du 17 juillet 2020, une demande en Croatie en date du 22 juillet 2021, une demande en Belgique en date du 6 mars 2024, une demande en Allemagne en date du 6 mai 2024 et une demande aux Pays-Bas en date du 3 septembre 2024.

Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat responsable, vous avez été convoqué à un entretien Dublin III en date du 4 décembre 2024. Cet entretien n'a pas eu lieu, étant donné que vous ne vous êtes pas présenté au rendez-vous prévu.

Sur base des éléments à notre disposition, une demande de reprise en charge en vertu de l'article 18(1)b du règlement DIII a été adressée aux autorités belges en date du 7 janvier 2025, demande qui fut acceptée par lesdites autorités belges au titre de l'article 18(1)d en date du 14 janvier 2025.

2. Quant aux bases légales En tant qu'Etat membre de l'Union européenne, l'Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l'Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S'il ressort de cet examen qu'un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l'immigration rend une décision de transfert après que l'Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l'article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n'est pas responsable pour le traitement d'une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

Dans le cadre d'une reprise en charge, et notamment conformément à l'article 18(1), point d) du règlement DIII, l'Etat responsable de l'examen d'une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge - dans les conditions prévues aux art. 23, 24, 25 et 29 - le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre Etat membre.

Un Etat n'est pas autorisé à transférer un demandeur vers l'Etat normalement responsable lorsqu'il existe des preuves ou indices avérés qu'un demandeur risquerait dans son cas particulier d'être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « la Charte UE »).

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert 3 En l'espèce, il ressort de la comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac que vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 14 décembre 2017, une demande en Slovénie en date du 16 septembre 2019, une demande en Suisse en date du 17 juillet 2020, une demande en Croatie en date du 22 juillet 2021, une demande en Belgique en date du 6 mars 2024, une demande en Allemagne en date du 6 mai 2024 et une demande aux Pays-Bas en date du 3 septembre 2024.

Selon vos déclarations auprès du Service de Police Judiciaire, vous auriez quitté votre pays d'origine en 2017, lorsque vous auriez pris un vol en partance pour la Turquie. Après trois mois sur le territoire turc et plusieurs tentatives de passages, vous auriez finalement réussi à traverser la frontière entre la Turquie et la Grèce et seriez entré sur le territoire des Etats membres en Grèce.

Vous avez introduit une demande de protection internationale en Grèce en date du 14 décembre 2017. Vous auriez obtenu un permis de séjour de quatre mois, mais vous auriez quitté la Grèce au bout de trois mois. Vous seriez alors parti en Albanie, où vous déclarez avoir été emprisonné pendant une année. A votre sortie, vous auriez continué votre trajet sur la route des Balkans jusqu'à arriver en Croatie. En Croatie, vous déclarez avoir introduit une demande de protection internationale afin de pouvoir plus facilement vous rendre en Slovénie.

Une vingtaine de jours après l'introduction de votre demande en Croatie, vous seriez parti pour la Slovénie. Lors de votre entrée sur le territoire slovène, vous auriez fait l'objet d'un contrôle par les autorités slovènes.

Vous avez introduit une demande de protection internationale en Slovénie en date du 16 septembre 2019. Vous auriez obtenu un permis de séjour de quatre mois, le temps du traitement de votre demande de protection internationale, mais après une vingtaine de jours, vous auriez quitté la Slovénie afin de vous rendre en Italie, où vous seriez resté sept mois avant de vous rendre en Suisse.

Vous avez introduit une demande de protection internationale en Suisse en date du 17 juillet 2020. Les autorités suisses vous auraient transféré vers la Croatie en 2021.

De retour en Croatie, vous avez introduit une demande de protection internationale en date du 22 juillet 2021. Vous auriez à nouveau quitté la Croatie afin de vous rendre en Suisse peu de temps après votre transfert. Vous seriez resté en Suisse jusqu'en 2022.

En mai 2022, vous auriez quitté la Suisse afin de vous rendre en France et puis en Espagne. Vous seriez resté en Espagne pendant près d'une année et demie. En octobre 2023, vous seriez allé en Belgique. En janvier 2024, vous auriez été mis en rétention administrative et vous avez alors introduit votre demande de protection internationale en Belgique en date du 6 mars 2024. Vous auriez été libéré en avril 2024 et vous auriez alors quitté la Belgique afin de vous rendre en Allemagne.

Vous avez introduit une demande de protection internationale en Allemagne en date du 6 mai 2024. Suite au rejet de votre demande, vous seriez alors parti aux Pays-Bas, où vous avez introduit une demande de protection internationale en date du 3 septembre 2024. Vous seriez resté deux mois aux Pays-Bas avant de vous rendre au Luxembourg. Vous seriez arrivé au Luxembourg début novembre 2024.

4Lors de votre entretien avec la Police Judiciaire en date du 13 novembre 2024, vous n'avez pas fait mention d'éventuelles particularités sur votre état de santé ou fait état d'autres problèmes généraux empêchant un transfert vers la Belgique qui est l'Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Rappelons à cet égard que la Belgique est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Il y a également lieu de soulever que la Belgique est liée par la Directive (UE) n°2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n. 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l'accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).

Soulignons en outre que la Belgique profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu'elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.

Par conséquent, la Belgique est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l'article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l'interdiction des mauvais traitements ancrée à l'article 3 CEDH et à l'article 3 Conv. torture.

Par ailleurs, il n'existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu'il n'existe aucune recommandation de l'UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers la Belgique sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

En l'occurrence, vous ne rapportez pas la preuve que votre demande de protection internationale n'aurait pas fait l'objet d'une analyse juste et équitable, ni que vous n'auriez pas les moyens de faire valoir vos droits, notamment devant les autorités judiciaires belges.

Vous n'avez fourni aucun élément susceptible de démontrer que la Belgique ne respecterait pas le principe de non-refoulement à votre égard et faillirait à ses obligations internationales en vous renvoyant dans un pays où votre vie, votre intégrité corporelle ou votre liberté seraient sérieusement menacées.

Dans le cadre de la procédure « Dublin », il ne revient pas aux autorités luxembourgeoises d'analyser les risques d'être soumis à des traitements inhumains au sens de l'article 3 CEDH dans votre pays d'origine, mais dans l'Etat de destination, en l'occurrence la Belgique. Vous ne faites valoir aucun indice que la Belgique ne vous offrirait pas le droit à un recours effectif conformément à l'article 13 CEDH ou que vous n'aviez ou n'auriez pas la possibilité de faire valoir vos droits quant au fond de votre demande devant les juridictions belges, notamment en vertu de l'article 46 de la directive « Procédure ».

Monsieur, vous n'avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d'existence en Belgique revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu'elles 5seraient constitutives d'un traitement contraire à l'article 3 CEDH ou encore à l'article 3 Conv. torture.

Il n'existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l'article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l'examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu'en vertu de l'article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d'un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d'un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l'application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l'ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l'article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l'exécution du transfert vers la Belgique, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l'objet d'une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l'exécution de votre renvoi vers la Belgique, l'exécution du transfert serait suspendue jusqu'à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s'avère nécessaire, la Direction générale de l'immigration prendra en compte votre état de santé lors de l'organisation du transfert vers la Belgique en informant les autorités belges conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D'autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités belges n'ont pas été constatées. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 27 mars 2025.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours au fond contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telles que la décision litigieuse, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

6Arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose en substance les éléments relevés ci-avant.

En droit, le demandeur se prévaut d’une violation des articles 3 de la Convention de sauvegarde de droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », 3, 16 et 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, ainsi que 33 de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève ».

Quant à la violation alléguée des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, il fait valoir que même si la Belgique était liée par divers instruments juridiques internationaux ou européens garantissant les droits de l’Homme, tels que la CEDH, la Charte, la Convention de Genève, la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ci-après désignée par « la Convention torture », de même que par la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale et la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ci-après désignée par « la directive Accueil », cela n’impliquerait pas ipso facto que ledit pays les observerait effectivement, notamment dans le contexte de l’accueil des demandeurs de protection internationale. Il estime que la présomption de respect des droits fondamentaux par les Etats membres ne saurait être utilement invoquée par la partie étatique en l’espèce.

Il se réfère dans ce contexte à un rapport d’Amnesty International intitulé « Belgique 2023-2024 » aux termes duquel la Belgique connaîtrait des difficultés dans son système d’accueil ayant entraîné que des milliers de demandeurs de protection internationale se seraient retrouvés sans abri ni ressource et ne respecterait pas le principe de non-refoulement, de sorte que ce serait à tort que le ministre se serait basé sur la confiance mutuelle existant a priori entre les Etats appliquant le règlement Dublin III.

Il soutient, par ailleurs, qu’il n’aurait « aucune perspective d’une prise en charge appropriée des droits les plus élémentaires ».

Quant à la violation alléguée de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, le demandeur se prévaut du fait qu’il aurait fui son pays d’origine, pour faire valoir que ces éléments, tels que portés à la connaissance de l’autorité ministérielle, auraient dû amener celle-

ci à examiner sa demande de protection internationale en lieu et place des autorités belges.

Enfin, le demandeur estime que les autorités luxembourgeoises ne disposeraient pas de suffisamment de garanties de la part des autorités belges au sujet de la prise, par celles-ci, d’une décision de refoulement vers son pays d’origine. Il renvoie, à cet égard, à la situation « peu rassurante » existant en Algérie et au fait que la Belgique aurait d’ores et déjà violé le principe de non-refoulement.

Au vu de l’ensemble de ces considérations, le demandeur conclut que la décision ministérielle déférée devrait encourir la réformation.

7Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par le demandeur, mais il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

En vertu de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise en charge ou la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités belges pour reprendre en charge Monsieur (A), prévoit que « L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (…) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l’apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre ».

Il suit de cette disposition que l’Etat responsable du traitement de la demande de protection internationale est celui où le demandeur a déposé une demande de protection internationale laquelle a fait l’objet d’une décision de refus.

Il est constant en cause que la décision de transférer le demandeur vers la Belgique et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale du demandeur serait la Belgique où il avait, de manière non contestée, infructueusement déposé une demande de protection internationale et que les autorités belges avaient accepté sa reprise en charge le 14 janvier 2025, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers ledit Etat membre et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.

En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne conteste ni la compétence de principe des autorités belges ni, par conséquent, l’incompétence de principe des autorités luxembourgeoises, mais reproche au ministre d’avoir décidé son transfert en Belgique en violation des articles 3 de la CEDH, 4 de la Charte, 3, 16 et 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, ainsi que 33 de la Convention de Genève.

8 En ce qui concerne tout d’abord le moyen ayant trait à la violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, celui-ci dispose comme suit : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ».

Le tribunal est amené à constater que, dans le cadre de son argumentation ayant trait à une violation du prédit article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, le demandeur invoque surtout un risque de subir en Belgique des traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en raison d’une appréciation erronée de sa situation individuelle ainsi qu’une violation du principe de non-refoulement par la Belgique.

S’agissant d’abord de la question de l’existence de défaillances systémiques au sein de la procédure d’asile, respectivement du système d’accueil belge et d’une possible violation de l’article 4 de la Charte – similaire à l’article 3 de la CEDH –, le tribunal relève tout d’abord que la Belgique est tenue au respect, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention torture, ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard1. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats membres, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants.

Il doit dès lors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre est conforme aux exigences de la Convention de Genève ainsi qu’à la CEDH. Cette présomption peut toutefois être renversée lorsqu’il y a lieu de craindre qu’il existe des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs d’asile dans l’Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant.

Le tribunal est encore amené à souligner que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir 1 CJUE, 21 décembre 2011, N.S. c. Secretary of State for the Home Department, C-411/10, pt. 78.

9l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés. S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de prise ou de reprise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que suivant la jurisprudence des juridictions administratives2, reposant elle-même sur un arrêt de la CJUE3, des défaillances systémiques au sens de l’article 3, précité, requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 4 de la Charte. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt du 16 février 20174.

Quant à la preuve à rapporter par le demandeur de protection internationale, il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 20195 que pour relever de l’article 4 de la Charte, auquel l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, précité, du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine6. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant7.

Toujours, suivant la jurisprudence de la CJUE et plus particulièrement l’arrêt du 16 février 20178, l’article 4 de la Charte doit être interprété en ce sens que même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile, le transfert d’un demandeur de protection internationale dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert a pour conséquence un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de cet article, étant précisé qu’il ressort de l’arrêt précité de la CJUE du 19 mars 20199 qu’il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4 de la Charte, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’Etat membre responsable, au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant.

2 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur: www.jurad.etat.lu.

3 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

4 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16.

5 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.

91.

6 Ibid., pt. 92.

7 Ibid., pt. 93.

8 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, points 74 et 75. CJUE.

9 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.

91.

10En l’espèce, le demandeur remettant en question cette présomption du respect par la Belgique des droits fondamentaux, puisqu’il fait état de défaillances systémiques dans ce pays, il lui incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser en présentant des éléments permettant de retenir que la situation en Belgique, telle que décrite par lui, atteint le degré de gravité tel que requis par la jurisprudence précitée de la CJUE et par les principes dégagés ci-avant.

Le tribunal constate toutefois que le demandeur se limite à affirmer de manière péremptoire qu’il existerait des défaillances systémiques dans les conditions d’accueil en Belgique, voire que le principe de confiance mutuelle ne pourrait pas jouer, sans préciser en quoi consisteraient exactement ces défaillances, respectivement pour quelle raison le principe de confiance mutuelle ne pourrait pas jouer dans le chef de la Belgique.

S’agissant à cet égard plus généralement des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en Belgique, force est de constater que le demandeur reste en défaut de faire valoir un problème concret étant susceptible d’affecter ses futures conditions d’accueil en Belgique. Ce dernier se limite, en effet, à affirmer de façon péremptoire qu’il n’aurait « aucune perspective d’une prise en charge appropriée des droits les plus élémentaires ».

Or, il y a plus particulièrement lieu de relever que Monsieur (A) n’a pas exposé, dans le cadre de son entretien Dublin III, des problèmes particuliers qu’il aurait personnellement rencontrés en Belgique, notamment pour y déposer une demande de protection internationale, ni n’a-t-il expliqué de manière concrète dans le cadre du recours sous analyse l’existence de tels problèmes rencontrés en Belgique.

Ce constat n’est pas ébranlé par l’extrait du rapport d’Amnesty International cité par le demandeur, à défaut par ce dernier d’avoir fait état de problèmes particuliers qu’il aurait personnellement rencontrés lors de son séjour en Belgique.

Le tribunal relève également que le demandeur n’établit pas non plus que, de manière générale, les droits des demandeurs de protection internationale en Belgique ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés, ou encore qu’ils n’y auraient aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir en usant des voies de droit adéquates, étant encore relevé que la Belgique est signataire de la Charte, de la CEDH et de la Convention torture, de la Convention de Genève - comprenant le principe de non-refoulement y inscrit à l’article 33 -

ainsi que du Protocole additionnel du 31 janvier 1967 relatif aux réfugiés et, à ce titre, devrait en appliquer les dispositions.

Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal se doit de conclure qu’il ne se dégage pas à suffisance des éléments soumis à son appréciation qu’il existe en Belgique des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale empêchant un transfert du demandeur vers ce même pays, de sorte que le moyen fondé sur une violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lu en combinaison avec les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, encourt le rejet.

S’agissant ensuite plus particulièrement de la crainte mise en avant par Monsieur (A) de se voir renvoyer arbitrairement par les autorités belges vers son pays d’origine, en violation du principe de non-refoulement prévu à l’article 33 de Convention de Genève, force est au tribunal de relever qu’il reste en défaut d’étayer concrètement l’existence d’un tel risque dans son chef, le demandeur ne fournissant pas d’éléments susceptibles de démontrer que la 11Belgique ne respecterait pas le principe de non-refoulement et faillirait dès lors à ses obligations internationales en le renvoyant dans un pays où sa vie, son intégrité physique ou sa liberté seraient mises sérieusement en danger ou encore qu’il risquerait d’être forcé de se rendre dans un tel pays, étant encore précisé que le rapport d’Amnesty International cité par le demandeur dans ce contexte concerne des ressortissants afghans et non des ressortissants algériens.

Par ailleurs, il ne se dégage pas des éléments versés par le demandeur que si les autorités belges devaient néanmoins décider de le rapatrier dans son pays d’origine en violation des articles 3 de la CEDH, 4 de la Charte et 33 de la Convention de Genève, alors même qu’il y serait exposé à un risque concret et grave pour sa vie, il ne lui serait pas possible de faire valoir ses droits directement auprès des autorités belges en usant des voies de droit adéquates.

Il ne ressort dès lors pas non plus des éléments versés par le demandeur que son transfert vers la Belgique l’exposerait à un retour forcé vers son pays d’origine, qui serait contraire au principe de non-refoulement ancré dans l’article 33 de la Convention de Genève ou découlant des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

Dans ces circonstances et au vu de toutes les considérations qui précèdent, les moyens fondés sur une violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lu ensemble avec les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, ainsi que de l’article 33 de la Convention de Genève sont à rejeter pour ne pas être fondés.

En ce qui concerne finalement le moyen du demandeur selon lequel il aurait appartenu au ministre de faire usage de la clause discrétionnaire inscrite à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, aux termes duquel : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (…) », le tribunal précise que la possibilité, pour le ministre, d’appliquer cette disposition du règlement Dublin III relève de son pouvoir discrétionnaire, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres, le caractère facultatif du recours à la disposition en question ayant encore été souligné dans l’arrêt, précité, de la CJUE du 16 février 201710.

Un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend toutefois pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge11, le juge administratif étant appelé, en matière de recours en réformation, à vérifier si son appréciation se couvre avec celle de l’administration et, dans la négative, à substituer sa propre décision à celle de l’administration12.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant dans le cadre de l’examen du bien-fondé de la décision entreprise par rapport à l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lu ensemble avec les articles 3 de la CEDH, 4 de la Charte, ainsi qu’à 10 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16.

11 Trib. adm., 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 64 et les autres références y citées.

12 Cour adm., 23 novembre 2010, n° 26851C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en réformation, n° 12 et les autres références y citées.

12l’article 33 de la Convention de Genève, que les prétentions du demandeur ne sont pas fondées, et que c’est sur base de cette même argumentation qu’il estime que le ministre aurait dû appliquer la clause de souveraineté discrétionnaire, il y a lieu de conclure que les problèmes mis en avant ne sauraient pas davantage s’analyser en des raisons humanitaires ou exceptionnelles justifiant le recours à la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, de sorte que le moyen afférent est à rejeter pour ne pas être fondé.

S’agissant de la mention par le demandeur de l’article 16 du règlement Dublin III, il échet de constater que le demandeur n’a pas développé un quelconque argumentaire sur base de cette disposition, de sorte que pour autant que le demandeur ait entendu faire valoir un moyen dans ce contexte, ce dernier est simplement suggéré et à rejeter, étant donné qu’il n’incombe pas au tribunal de rechercher les éventuels argumentaires susceptibles de sous-

tendre un moyen non explicité.

En l’absence d’autres moyens, le tribunal est amené à conclure que le recours en réformation est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, déclare le recours non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 avril 2025 par :

Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Annemarie THEIS, premier juge, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 13


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 52634
Date de la décision : 28/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 03/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-28;52634 ?

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