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28/04/2025 | LUXEMBOURG | N°48369

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 28 avril 2025, 48369


Tribunal administratif N° 48369 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48369 1re chambre Inscrit le 16 janvier 2023 Audience publique du 28 avril 2025 Recours formé par Madame (A1) et consort, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48369 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2023 par Maît

re Katy DEMARCHE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxem...

Tribunal administratif N° 48369 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48369 1re chambre Inscrit le 16 janvier 2023 Audience publique du 28 avril 2025 Recours formé par Madame (A1) et consort, …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48369 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2023 par Maître Katy DEMARCHE, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), née le … à … (Venezuela), et de Monsieur (A2), né le … à … (Venezuela), les deux de nationalité vénézuélienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 29 novembre 2023 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2023 ;

Vu la constitution de nouvel avocat de Maître Elise ORBAN, inscrite au tableau de l’Ordre de avocats de Luxembourg, déposée le 13 novembre 2024 au greffe du tribunal administratif pour compte de Madame (A1) et de Monsieur (A2), préqualifiés ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions entreprises ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yves HUBERTY en sa plaidoirie à l’audience publique du 13 novembre 2024 ;

Vu l’avis du tribunal administratif du 28 février 2025 informant les parties de la rupture du délibéré ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport complémentaire, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Tom HANSEN en sa plaidoirie à l’audience publique du 12 mars 2025.

Le 10 mars 2020, Madame (A1) introduisit en son nom personnel, ainsi qu’au nom et pour le compte de son enfant mineur, (A3), auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

1Les déclarations de Madame (A1) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-

police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date du 14 décembre 2021, l’époux de Madame (A1), Monsieur (A2), introduisit pour son propres compte ainsi qu’au nom et pour le compte de leurs deux autres enfants mineurs (A4) et (A5), une demande de protection internationale auprès du ministère.

Les déclarations de Monsieur (A2) sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg furent actées par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée-

police des étrangers, dans un rapport du même jour.

En date des 26 janvier et 3 mars 2021, Madame (A1) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale, tandis que Monsieur (A2) fut entendu pour les mêmes raisons en date du 5 septembre 2022.

Par décision du 29 novembre 2022, notifiée à Madame (A1) et Monsieur (A2), ci-après désignés par « les consorts (A) », par lettre recommandée expédiée le 13 décembre 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », informa les intéressés que leurs demandes de protection internationale avaient été refusées comme étant non fondées tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée dans les termes suivants :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite pour vous et au nom de vos enfants mineurs, (A3), né le … à …, de nationalité vénézuélienne, (A4), née … à …, de nationalité vénézuélienne et (A5), né le … à …, de nationalité vénézuélienne, auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et européennes en date du 10 mars 2020 et 14 décembre 2021 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la « Loi de 2015 ») Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.

1.

Quant à vos déclarations En mains votre fiche manuscrite Madame du 10 mars 2020 et la vôtre Monsieur du 14 décembre 2021, votre rapport du Service de Police Judiciaire Madame du 10 mars 2020 et le vôtre Monsieur du 14 décembre 2021, votre rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale Madame du 26 janvier et du 3 mars 2021 et le vôtre Monsieur du 5 septembre 2022, ainsi que les documents remis à l'appui de votre demande de protection internationale.

Madame, Monsieur, il en ressort que vous seriez originaire de Maracay dans l'Etat d'Aragua où vous auriez vécu de façon discontinue à différentes adresses depuis 2018 à cause des persécutions que vous auriez subies.

Madame, vous déclarez avoir quitté le Venezuela le 28 février 2020 avec votre fils (A3) et votre mère (A6) (cf. R-19159) suite au harcèlement et à la persécution dont vous et votre famille auriez été victimes, prétendument de la part de membres du FAES et de « colectivos » depuis la mort 2de deux de vos frères, en raison de votre opposition au gouvernement. Monsieur, vous auriez quitté à votre tour le Venezuela le … 2021 avec (A4) et (A5) en raison des problèmes de votre épouse ainsi que de sa famille et car vous auriez personnellement été ciblé par un « attentat » le … 2021 commis par des « colectivos » (p.7 de votre rapport d'entretien, Monsieur). En cas de retour, vous craindriez tous les deux d'être assassinés, tout comme l'auraient été deux de vos frères Madame.

A l'appui de votre demande Madame, vous déclarez que le 14 mai 2014, entre cinq et six membres du FAES se seraient introduits sans mandat dans votre domicile à … dans l'Etat de Carabobo. Ils auraient été à la recherche de votre frère Madame, (A7), et sans vous fournir davantage d'explications malgré vos interrogations, ils se seraient mis à fouiller votre domicile. À cette occasion, ils vous auraient « tiré les cheveux » et « donné des gifles » (p.6 de votre rapport d'entretien, Madame) sans avoir trouvé de traces de votre frère. Ils auraient également frappé votre mère et se seraient bagarrés avec l'un de vos autres frère (A8).

Madame, vous auriez ensuite appris via la presse écrite le 30 juin 2014 que votre frère (A7), désormais capturé, serait accusé « d'attentat terroriste » (p.6 de votre rapport d'entretien, Madame).

Les faits de l'accusation remonteraient au 5 mai 2014, lorsque votre frère aurait eu un différend avec une présentatrice de l'émission progouvernementale « … » nommée Madame (B). Votre mère aurait rendu visite à votre frère à la prison de … à Maracay le … 2014 et il lui aurait décrit les faits du … 2014 en expliquant que Madame (B) l'aurait menacé de « l'exproprier de tous ses biens pour payer les coups sur sa voiture » (p.6 de votre rapport d'entretien, Madame). Votre mère aurait d'ailleurs constaté qu'il aurait été maltraité et torturé.

Vous mentionnez également Madame que l'un de vos autres frère, (A9), aurait participé à des manifestations antigouvernementales en tant que leader. Vous indiquez tous les deux que vous l'auriez parfois accompagné pour protester contre la dégradation des conditions de vie au Venezuela et pour exprimer votre désaccord politique. Vous précisez Monsieur que vous auriez participé à huit reprises, entre 2014 à 2016, à ces manifestations organisées par (A9) et qu'elles visaient également, en dehors des critiques relatives à la dégradation des conditions de vie, à condamner le fait « qu'ils arrêtent de rechercher (A7) et qu'ils le laissent tranquille » (p.8 de votre rapport d'entretien, Monsieur).

Le 11 octobre 2016, (A9) aurait été assassiné à cause « apparemment » (p.6 de votre rapport d'entretien, Madame) de son opposition au gouvernement par « des motards habillés en rouge avec des pistolets, les colectivos armés du gouvernement » (p.9 de votre rapport d'entretien, Madame) selon les dires de ses voisins. Votre sœur Madame, (A10), aurait par conséquent déposé plainte auprès du CICPC le 6 décembre 2016, mais la rumeur de cette démarche se serait répandue au sein des « colectivos » et vous auriez par conséquent été « encore plus poursuivies » et les « persécutions » (p.6 de votre rapport d'entretien, Madame) à votre égard auraient augmenté.

Le 30 avril 2017, (A7) se serait à son tour fait tuer dans l'Etat de Zulia. Selon vos dires Madame, son assassinat aurait pu être la conséquence du fait d'avoir porté plainte contre le meurtre de votre frère (A9). Son épouse aurait déclaré qu'il ne fallait pas poser de questions sur les circonstances de sa mort « parce qu'il pouvait nous arriver la même chose » (p.9 de votre rapport d'entretien, Madame). Votre mère Madame aurait aussi porté plainte le … 2017 à Caracas. Les autorités compétentes auraient pris en compte ses déclarations mais elles ne lui auraient pas rendu de documents l'attestant.

En septembre 2017, alors que vous auriez accompagné, Madame, vos enfants à l'école dans le quartier de … à Maracay, deux hommes à moto se seraient approchés de vous et vous auraient 3avertie « continuez à porter plainte et à être contre le gouvernement et il va vous arriver la même chose qu'à vos frères » (p.7 de votre rapport d'entretien, Madame). Entre-temps, votre sœur (A10) aurait également continué à subir des menaces après avoir déposé plainte pour le meurtre de votre frère (A7) en décembre 2016.

Le 29 mars 2018, vous indiquez, Madame, qu'un CD aurait été retrouvé par votre mère devant son domicile à …, près de Maracay. Vous en auriez visionné le contenu et y auriez vu des individus en train de se faire torturer. Vous auriez pris ceci comme un avertissement de la part des « colectivos » pour que vous cessiez vos recherches relatives à la mort de vos deux frères et que vous vous alignez sur l'idéologie politique du gouvernement.

En juillet 2018, vous auriez tous les deux pris la décision de partir en Colombie et auriez laissé, par faute de moyens financiers, vos trois enfants à votre mère Madame. Cependant, le 19 mars 2019, elle vous aurait signalé que votre fils (A3) aurait convulsionné. Elle se serait rendue à l'hôpital avec lui mais il n'aurait pas été soigné à cause d'une pénurie de médicaments. En raison de cette « négligence médicale » (p.7 de votre rapport d'entretien, Madame), vous seriez rentrée de Colombie le 5 avril 2019 et vous vous seriez rendue, Madame, deux jours plus tard à l'hôpital en question pour y filmer, dans un objectif de dénonciation, la situation précaire des moyens hospitaliers mais l'on vous en aurait empêché.

Finalement, vous dites Madame que vous n'auriez pas porté plainte auprès des autorités compétentes alors que vous auriez eu peur des potentielles conséquences néfastes alors que vous auriez déjà rencontré des problèmes après le dépôt de plainte effectué par votre sœur (A10) en décembre 2016.

Madame, vous seriez partie avec votre fils et votre mère le 28 février 2020 de Caracas à bord d'un avion et auriez atterri le lendemain à Madrid, puis vous auriez pris un autre vol vers Barcelone.

Vous auriez ensuite quitté Barcelone en date du 3 mars 2020 pour vous rendre au Luxembourg en traversant la France.

A l'appui de votre demande Monsieur, vous confirmez les dires de votre épouse et vous ajoutez que vous auriez également été victime d'un attentat commis par des « colectivos » le 25 mars 2021. Dans ce contexte, alors que vous seriez rentré en voiture chez vous après avoir visité des membres de votre belle-famille, vous auriez été poursuivi par cinq-six hommes sur trois motos.

Ceux-ci vous auraient poursuivi jusqu'à l'entrée de votre domicile et auraient brisé les vitres de votre voiture en vous insultant de « maudit décharné » (p.5 du rapport d'entretien) à défaut de ne pas avoir réussi à vous attraper alors que vous auriez réussi à leur échapper en vous réfugiant avec vos enfants à l'intérieur de votre domicile. Le lendemain, le 26 mars 2021, vous seriez allé porter plainte auprès du CICP à la Villa de Curca. Finalement, après que vous auriez obtenu un nouveau passeport pour votre fils (A5) en juin 2021, puis récolté suffisamment d'argent pour financer vos trois tickets, vous auriez quitté votre pays d'origine avec vos deux enfants le 8 décembre 2021 en prenant un vol à l'aéroport de Caracas pour venir rejoindre votre épouse au Luxembourg en transitant par la Turquie et l'Espagne.

A l'appui de vos demandes, vous présentez les documents suivants :

-

votre passeport Madame dont la prorogation a expiré le … 2021;

-

votre passeport Monsieur prorogé jusqu'au … 2022 ;

-

le passeport de (A3) ayant expiré le … 2020 et une copie de son acte de naissance ;

-

le passeport de (A4) prorogé jusqu'au … 2022 et son acte de naissance, ainsi que le passeport de (A5) émis le … 2021 et valide jusqu'au … 2026 et son acte de naissance ;

4-

l'original de votre plainte Monsieur en date du … 2021 émise par le CICPC à Villa de Cura, avec sa traduction ;

-

une copie d'un procès-verbal établi en date du … 2016 par la Police de l'Etat d'Aragua au Venezuela concernant les accusations de votre fille (A10), relatives à l'assassinat en date du … 2016 de (A9), avec sa traduction ;

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une copie d'une attestation d'acte de décès de (A9) émise en date du … 2016 par la Commission du Registre de l'état civil du Venezuela, avec sa traduction ;

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une photocopie d'un article du site … du … 2014 relatant le fait que (A7) aurait été accusé pour infraction pénale présumée d'association de malfaiteurs et d'une décharge d'armes à feu sur des lieux publics ;

-

une copie du certificat de décès de (A7) émis à une date inconnue (défaut de lisibilité sur la copie), avec sa traduction.

2.

Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Avant tout autre développement en cause, il y a lieu de relever qu'il se dégage de la lecture de vos entretiens ainsi que des éléments de vos dossiers une série d'éléments pour le moins incohérents et manifestement non plausibles mettant à mal votre crédibilité.

En effet, Madame vous faites état d'une visite inopinée des membres du FAES à votre domicile le 14 mai 2014 qui auraient supposément été à la recherche de votre frère (A7) suite à sa prétendue altercation avec la présentatrice d'une émission télévisée progouvernementale Madame (B). Or, il ressort des recherches ministérielles, que votre frère aurait déjà été détenu depuis plus d'une semaine par les forces de l'ordre avant que les autorités ne se seraient présentés chez vous le 14 mai 2014, de sorte qu'il ne fait aucun sens que des membres du FAES auraient été à sa recherche tout en l'ayant déjà placé en détention. À cela s'ajoute que le FAES est une unité de police vénézuélienne destinée initialement à combattre le crime organisé et le narcotrafic et que cette unité a été créée en avril 2016 par Nicolas Maduro, soit deux ans après le déroulement de cette prétendue fouille de votre domicile. Partant, de sérieux doutes sont émis quant à la crédibilité des faits qui se seraient déroulés le 14 mai 2014 car d'une part, (A7) aurait déjà été en détention depuis plus d'une semaine, de sorte que la poursuite de sa recherche aurait été insignifiante et d'autre part, parce que l'établissement de l'unité du FAES remonte à deux années après les faits, de sorte qu'il aurait été impossible qu'« ils m'ont dit qu'ils étaient des membres du FAES et qu'ils cherchaient mon frère » (p.9 de votre rapport d'entretien, Madame). Par ailleurs, il convient d'attirer l'attention sur le fait que, selon des recherches ministérielles, (A7) aurait déjà été arrêté et placé en détention 2013, pour faire partie de la bande criminelle « Las Gannias », spécialisée dans le cambriolage et le vol de voitures. Vous mentionnez par ailleurs Madame, sur votre fiche manuscrite en date du 10 mars 2020, que votre frère aurait tout de même tiré sur la voiture de la présentatrice après leur altercation, de sorte que votre victimisation en insinuant que votre frère aurait « été menacé par une dame du gouvernement » est à relativiser.

Ensuite, il y a lieu de noter Madame que vous déclarez ne jamais avoir déposé vous-même une plainte auprès des autorités compétentes pour les meurtres de deux de vos frères. Ainsi, il parait peu crédible que deux hommes à moto soient venus en septembre 2017 vous menacer de ne plus « continuez (sic) à porter plainte » étant donné que vous n'auriez jamais entrepris une telle démarche personnellement.

De plus, il est surprenant que, en tant que famille vivant « constamment avec la peur » (p.7 de votre rapport d'entretien, Madame) et qui « pensait qu'il pouvait nous arriver quelque chose à n'importe quel moment » (p.10 de votre rapport d'entretien, Monsieur), vous ayez pris l'initiative de 5quitter tous les deux le Venezuela une première fois pour la Colombie en juillet 2018, en laissant derrière vous vos trois enfants avec votre propre mère Madame, dont vous laissez clairement supposer qu'elle aurait traversé les mêmes épreuves que vous et donc par extension qu'elle risquerait de faire face aux mêmes menaces que vous, de sorte que des doutes évidents sont à émettre quant à la réelle gravité de votre situation personnelle au Venezuela. Tout comme il est aberrant que, au vu des prétendus risques encourus, vous avez également décider de retourner volontairement au Venezuela en avril 2019 supposément en raison des problèmes de santé de votre fils parus en mars 2019 alors qu'il était encadré par vote mère Madame. Or un retour dans votre pays d'origine n'est pas compatible avec une crainte de persécution éventuelle et ceci démontre clairement que vous n'étiez aucunement persécutés et que votre situation n'était manifestement pas celle que vous tentez de dépeindre lors de votre entretien.

Le même constat s'impose lorsque vous décidez Madame de quitter le Venezuela pour rejoindre le Luxembourg en février 2020 avec votre fils ainsi que votre mère, et ce sans votre époux et vos deux autres enfants alors que vous déclarez à leur sujet dans votre fiche manuscrite en date du 10 mars 2020 que « lui et mes deux enfants sont terrorisés » et que vous auriez « peur pour mes enfants ». Or Monsieur, en dépit du fait que vous auriez supposément été « terrorisés » et que vous reconnaissez que vous auriez eu pour ambition de quitter votre pays d'origine en février 2020 comme votre épouse (p.6 de votre rapport d'entretien, Monsieur), force est de constater que vous n'avez quitté le Venezuela avec vos deux enfants qu'en décembre 2021, respectivement 21 mois après votre épouse et votre fils. Vous tentez d'expliquer cet empêchement et cette longue temporalité par le fait que votre fils (A5) « n'avait pas de passeport » (p.6 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Or, cette information expliquant vainement la raison pour laquelle vous auriez été contraint d'attendre jusqu'en décembre 2021 pour fuir le Venezuela n'est aucunement crédible puisque le passeport de votre fils a été délivré en juin 2021, respectivement six mois avant votre départ. Confronté par l'agent en charge de votre entretien face à cette explication lacunaire, vous revendiquez ensuite que vous auriez été contraint d'attendre également l'aide financière de l'un de vos beau-frère afin de payer les tickets d'avion. Or, cette explication n'emporte également pas la conviction puisqu'il est raisonnable de s'attendre que, au vue des supposés risques que vous auriez encourus et du fait que votre ambition de quitter le Venezuela date de février 2020, vous auriez eu assez de temps pour préparer rationnellement votre départ et épargner suffisamment d'argent, en plus avec le soutien d'une personne tierce résidant en Europe, pour obtenir le montant nécessaire vous garantissant la possibilité d'acheter des tickets dès la remise du passeport de votre fils en juin 2021, respectivement 17 mois plus tard, étant donné que cette remise aurait été l'étape déterminante à accomplir avant de fuir votre pays d'origine.

Il convient également de souligner que la gravité de votre vécu Monsieur est fortement remise en doute alors que vous affirmez que vous auriez été … de 2020, après l'exil de votre épouse, jusqu'à votre propre départ du Venezuela en décembre 2021. En effet, il est dès lors aberrant de constater que vous n'avez visiblement pas craint de vous exposer en exerçant une telle fonction qui exige que vous soyez continuellement sur la voie publique et serviable à une clientèle inconnue alors que vous prétendez paradoxalement dans le cadre de votre entretien que dès l'année 2016 jusqu'à votre départ du Venezuela en décembre 2021, vous auriez constamment eu « peur d'être dehors » (p.6 de votre rapport d'entretien, Monsieur), que vous pensiez qu'il pouvait vous arriver « quelque chose à n'importe quel moment » (p.10 de votre rapport d'entretien, Monsieur), et que votre épouse indique en mars 2020 que vous et vos deux enfants seriez « terrorisés ».

À cela s'ajoute que vous avez eu des difficultés Madame à donner une réponse invariable et précise en ce qui concerne le lieu, la date de réception et l'identité du réceptionneur du CD. En effet, vous indiquez dans un premier temps que le CD aurait été déposé « devant la porte de ma maison 6(…) je ne sais pas si c'est moi ou ma mère qui l'a trouvé après que je sois rentré (sic) de Colombie » (p.13 de votre rapport d'entretien, Madame). Dans ce contexte, il convient de préciser avant tout que vous aviez au préalable indiqué avoir réceptionné ce CD le 29 mars 2019, date à laquelle vous auriez normalement encore été selon vos dires en Colombie car vous ne seriez retournée au Venezuela que le 5 avril 2019, de sorte que la crédibilité de vos propos susmentionnés ne peut qu'être remise en doute. L'agent en charge de votre entretien vous confronte à cette incohérence temporelle et spatiale et vous optez visiblement pour une nouvelle réponse en affirmant que « le CD est arrivé le 29.03.2019 à la maison de Coropo où était ma mère avec les enfants » (p.13 de votre rapport d'entretien, Madame), modifiant donc le lieu de réception du CD et laissant croire qu'il aurait été réceptionné par votre mère. Puis dans le cadre de la relecture, vous changez encore vos propos en affirmant alors avoir réceptionné ledit CD non pas en 2019 mais en 2018, vraisemblablement pour tenter de donner plus de crédibilité à votre récit en vous alignant sur des propos tenus antérieurement. Vos tentatives de vous ménager un récit cohérent et crédible sont néanmoins vaines et la crédibilité de vos déclarations dans ce contexte se doit d'être remise en doute, ce d'autant plus qu'il s'agit d'un évènement prétendument marquant pour vous-même car vous avez annoncé dans le cadre de votre entretien avoir pris la décision de quitter le Venezuela « après le CD, après mon retour de Colombie » (p.14 de votre rapport d'entretien, Madame). Certes, il s'agit encore d'une réponse contradictoire au vue des révisions précédentes, sachant que la prétendue date de réception du CD (mars 2018) ne saurait être assimilée à votre retour de Colombie (avril 2019) car une année sépare ces deux évènements, de sorte que les motifs vous ayant réellement poussée à quitter votre pays d'origine avec votre fils et votre mère restent flous et que vos déclarations dans ce contexte doivent être considérées comme non crédibles.

Finalement, après des recherches personnelles menées sur les réseaux sociaux, il est évident que vous auriez quitté votre pays d'origine pour des motifs économiques et de convenance personnelle, respectivement des raisons d'ordre médical relatif à l'état de santé de votre fils (A3).

En effet, ce constat se base sur une publication datant du 31 janvier 2018, date à laquelle vous vous seriez encore trouvés tous les deux au Venezuela, issue du compte Facebook de votre frère Madame, (A11). À la lecture de cette publication comprenant une photo de vous Madame avec votre fils (A3), force est de constater que votre frère avait fait un appel aux dons pour financer des tickets d'avion dans l'objectif de vous faire venir avec votre fils aux Pays-Bas afin d'avoir accès à un meilleur système médical pour ce dernier : « The idea is that I can ask for help here in the Netherlands, and be able to pay an air ticket to my Sister and my nephew who needs urgent help and avoid further delay (…) I would appreciate your collaboration, information or support regarding this particular case. And if you know of any humanitarian aid organization for my nephew, here in the Netherlands it would be very helpful (…) The important thing is that I want to help my nephew and avoid further delays that could lead him to a more critical situation, since in Venezuela there is no help ». Puis, dans les commentaires de cette publication, votre frère annonce votre arrivé et celle de votre fils en évoquant « (A3) is already safe in Europe. The process was not easy, but the goal was to bring the child to Europe for treatment, it is in a safe place in Europe ». Dès lors, force est de constater que d'une part, vous n'auriez pas pris la décision de quitter le Venezuela « après le CD, après mon retour de Colombie », respectivement en mars 2018 ou avril 2019, mais plutôt avant le 31 janvier 2018, et d'autre part que votre installation au Luxembourg a en réalité été motivée par des motifs de convenance personnelle, respectivement pour permettre à votre fils d'accéder à des meilleurs soins médicaux, et aucunement pour les motifs que vous avez avancés Madame, Monsieur, dans le cadre de vos entretiens respectifs.

Eu égard à ce qui précède, il y a lieu d'en déduire que vos récits ne sont pas crédibles, de sorte qu'aucune protection internationale ne vous saurait être accordé. Quand bien même un brin de crédibilité devait être accordé à vos déclarations, il s'avère que vous ne remplissez pas les 7conditions pour l'octroi du statut de réfugié, respectivement pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire pour les raisons étayées ci-après.

• Quant au refus du statut de réfugié Aux termes de l'article 2 point f de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils n'émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Madame, Monsieur, vous auriez décidé de quitter le Venezuela à cause de l'insécurité que vous auriez ressenti suite au harcèlement et actes de persécutions que votre famille Madame, et vous-mêmes par extension, auriez subis par des membres du FAES et des « colectivos, notamment après la mort de deux de vos frères Madame en 2016 et 2017, et suite à votre participation à des manifestations antigouvernementales pacifiques. En cas de retour dans votre pays d'origine vous craindriez d'être assassinés, à l'instar de vos deux frères Madame, par « le gouvernement, les colectivos » (p.7 de votre rapport d'entretien, Monsieur).

À partir de ces informations, il appert qu'il ne ressort clairement pas de votre récit que vous auriez eu ces problèmes au Venezuela à cause de votre nationalité, de votre appartenance ethnique, de votre confession religieuse, de vos opinions politiques ou de votre appartenance à un certain groupe social, tel que prévu par la Convention de Genève et la loi du 18 décembre 2015. À cet égard, il convient de préciser que, même à admettre que vous ayez participé à une quelconque manifestation, le fait d'adopter des opinions politiques en opposition à un régime politique en place n'est pas suffisant pour prétendre au statut de réfugié.

En effet, bien que vous déclarez tous les deux, très vaguement et sans entrer dans les détails, que vous auriez participé à des protestations antigouvernementales pacifiques, vous n'indiquez nullement faire partie d'un parti politique d'opposition, ni occuper une quelconque fonction de leader au sein d'un groupe contestataire au Venezuela. Vous ne mentionnez pas non plus des quelconques affiliations ou aspirations politiques précises, à part le fait que vous seriez en désaccord avec le gouvernement et ne seriez pas satisfaits de la situation générale dans votre pays d'origine. Il est donc établi Madame, Monsieur, que vous n'êtes pas à considérer comme des activistes politiques au Venezuela et que vous n'y avez pas été menacés à cause de vos opinions politiques, mais que vous feriez plutôt partie de ces centaines de milliers de Vénézuéliens qui ont déjà exprimé leur mécontentement envers le gouvernement à travers différentes méthodes (réseaux sociaux, manifestations), sans que ceux-ci ne soient tous personnellement visés par les autorités ou des groupes armés sous le contrôle de ces derniers.

De plus, il s'avère que les raisons de votre départ sont uniquement motivées par des craintes hypothétiques alimentées par des faits vécus principalement par vos proches, respectivement vos 8membres de famille Madame, qui ne sont aucunement reliés à des faits personnels. Or des faits non personnels mais vécus par d'autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution au sens de la Convention de Genève que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, tel n'est clairement pas le cas dans votre chef, alors que vous restez en défaut d'étayer un lien entre le prétendu traitement de vos frères Madame, et des éléments liés à vos personnes vous exposant à des actes similaires. En effet, il n'est nullement possible de se faire une idée précise et objective quant au prétendu vécu et aux prétendus problèmes de vos frères Madame ayant soi-disant conduit à leur mort, au vu de vos déclarations respectives vagues à ce sujet, un constat qui vaut d'autant plus que (A7) ne serait visiblement pas une victime innocente mais aurait lui-même fait partie d'une bande criminelle.

Quand bien même il existerait un lien personnel entre les prétendus problèmes des membres de votre famille Madame avec vos prétendus problèmes au Venezuela, ce qui reste contesté, et que ces problèmes seraient liés à l'un des cinq critères prévus par la Convention de Genève, ce qui n'est pas établi, il échet de souligner que les menaces et actes d'intimidation dont vous auriez été victimes tous les deux ne sont pas comparables à une persécution.

En effet, Madame, vous ne faites que mention d'une fouille par le FAES à votre domicile en date du 14 mai 2015, dont la crédibilité a déjà été réfutée, d'un avertissement en septembre 2017 de la part de deux hommes, prétendument des « colectivos », et de la réception d'un CD en mars 2018 dont vous ignorez l'identité de l'expéditeur et dont la crédibilité a également été remise en doute. À cela s'ajoute que, de manière générale, votre récit manque de précisions et de détails concernant les divers prétendus faits de « persécution » qui auraient été perpétrés contre votre personne.

Or, hormis les doutes émis quant à la crédibilité de vos dires dans ce contexte, si ces faits constituent certes des actes répréhensibles, ils ne sont néanmoins pas d'un degré de gravité telle qu'ils puissent être considérés comme des actes de persécution au sens de la Convention de Genève.

À cet égard, il y a lieu de noter, Madame, que vous n'auriez à aucun moment été agressée d'une quelconque manière, l'on ne vous aurait jamais arrêtée ou placée en garde à vue, ni persécutée d'une quelconque autre manière. De plus, malgré vos prétendues craintes d'être tuée, il ne vous serait en fait rien arrivé de particulièrement grave après la mort de votre deuxième frère en avril 2017 jusqu'à votre départ du Venezuela en février 2020, en dehors de l'avertissement des « colectivos » en septembre 2017 et de la remise d'un CD en mars 2018, soit deux incidents mineurs en l'espace de 3 ans.

Madame, Monsieur, il appert aussi qu'en dépit du sentiment d'insécurité que vous vous targuez d'avoir ressenti et qui vous aurait poussé à quitter le Venezuela pour la Colombie en juillet 2018, vous auriez décidé de laisser vos trois enfants à votre mère Madame. Or celle-ci aurait vécu selon vos dires les mêmes expériences que vous et par extension elle aurait été exposée aux mêmes prétendus risques, de sorte qu'il est difficile de croire que vous auriez réellement encouru un réel danger compte tenu de l'importance que vous déclarez accorder à la sécurité de votre famille.

Ce constat est renforcé par vos retours volontaires au Venezuela en avril 2019, après neuf mois d'exil en Colombie où vous n'auriez d'ailleurs pas recherché une quelconque forme de protection, que vous justifiez par le fait que votre fils aurait été atteint de convulsions en mars 2019 et qu'il n'aurait pas été véritablement soigné. Or, cette explication quant à votre retour volontaire imposé par l'état de santé de votre fils n'emporte pas la conviction. Il s'agit là certes d'un motif honorable, mais qui n'est aucunement crédible puisqu'il est raisonnable de penser que vous auriez 9eu entièrement confiance en la capacité de votre mère Madame à prendre les mesures nécessaires vis-à-vis de l'état de santé de votre fils compte tenu que vous lui en auriez délaissé la garde pendant plus de neuf mois en connaissance de cause. Ainsi, vos comportements respectifs ne sont nullement compatibles avec celui d'une personne qui aurait réellement été ou craint devenir victime d'actes de persécution dans son pays d'origine. Une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée et réellement à la recherche d'une protection aurait comme seul but de rester en sécurité et certainement pas de retourner volontairement et durablement dans son pays d'origine. Ce constat pousse à la conclusion que vous n'auriez tous les deux pas pris ces menaces émises avant votre départ en Colombie au sérieux et que vous n'auriez pas estimé craindre quelque chose de concret à votre retour au Venezuela.

À cela s'ajoute qu'après votre retour de Colombie en avril 2019, vous auriez décidé Madame de vivre encore jusqu'en février 2020 au Venezuela, soit pendant presque une année, et que vous ne mentionnez aucune action additionnelle qui aurait possiblement pu renforcer votre sentiment d'insécurité et qu'aucun acte concrète n'aurait été perpétrée contre votre personne et votre famille.

Or, le fait que vous ayez encore séjourné dans votre pays d'origine pendant une année sans que rien de concret ne vous soit arrivé permet également de retenir que vous n'avez pas fui votre pays alors que vous y auriez été la victime de persécutions, constat conforté par le fait que vous avez encore pu faire proroger votre passeport en janvier 2020 sans rencontrer un quelconque problème dans ce contexte.

En ce qui vous concerne Monsieur, il appert qu'entre votre retour de Colombie au Venezuela et votre départ de votre pays d'origine, respectivement entre avril 2019 et décembre 2021, soit pendant 31 mois, vous n'auriez été sujet qu'à un seul et unique accident en date du 25 mars 2021, à savoir lorsque des « colectivos » vous auraient poursuivi jusqu'à votre domicile et auraient ensuite abîmé votre véhicule tout en vous insultant. Or, il appert que cet accident, certes extrêmement regrettable, n'est pas d'un degré de gravité suffisant pour qu'il puisse être considéré comme une persécution.

De plus, vous auriez encore vécu plus de neuf mois dans votre pays d'origine après cet accident et vous n'auriez apparemment entrepris aucune démarche, en dehors de votre plainte auprès du CICP, en vue d'assurer votre sécurité puisque vous auriez par exemple continué à exercer en tant que … ou vous n'auriez visiblement pas cherché à précipiter votre départ du Venezuela dès la remise du passeport de votre fils en juin 2021. Or, un tel délai d'attente et un tel comportement ne sont clairement pas assimilables au comportement d'une personne prétendant être persécutée et craignant de se faire tuer par « le gouvernement, les colectivos » (p.7 du rapport d'entretien).

Alors que vous seriez encore resté plus de 21 mois au Venezuela après le départ de votre épouse et de l'un de vos enfants en février 2020, il y a lieu de compléter que les motifs de cette longue temporalité ont été discrédité précédemment et que, tout comme Madame, vous-même et votre fille (A4) avaient obtenu une prorogation de vos passeports en décembre 2020 et votre fils (A5) s'en est vu remettre un le 23 juin 2021 sans difficultés apparentes.

De plus, il appert Madame que des publications issues de votre compte Facebook, où vous vous identifiez sous le nom de « … » et où aucun malentendu quant au détenteur de ce compte n'est permis puisque vous y publiez des photos de vous et de vos trois enfants, prouvent que vous n'auriez pas craint pour votre sécurité au Venezuela puisque vous n'avez pas hésité à vous exposer publiquement dans l'espace virtuel, notamment sur la page « Compra-venta e intercambios en Maracay », en tentant de vendre vos affaires personnelles sur les réseaux sociaux pendant quatre mois, respectivement entre le mois de juillet et octobre 2019. Force est de constater que, alors que 10vous tentez tous les deux de vous faire passer pour des personnes très craintives pour votre sécurité, vos publications sur les réseaux sociaux ne reflètent absolument pas cette image.

Madame, Monsieur, que les prétendus menaces et événements dont vous auriez été victimes ne se résument pas à des persécutions que vous auriez subies ressort par ailleurs du constat que votre sœur Madame, (A10), résiderait toujours au Venezuela et qu'elle n'aurait pas choisi le chemin de l'exil contrairement à vous. Or, selon vos déclarations et les documents que vous avez fournis dans votre dossier - tel que le « procès-verbal de plainte » du 6 décembre 2016 - ce serait votre sœur qui aurait déposé plainte auprès de la police après la mort de (A9) et par conséquent, c'est principalement elle qui devrait être la victime de harcèlement et d'insultes de la part des « colectivos ». Votre sœur n'y fait par ailleurs à aucun moment référence à vos personnes, de sorte qu'il est plutôt plausible que vous tentez seulement de vous accaparer les récits d'un des membres votre famille et des prétendus faits de harcèlements qu'il aurait vécus dans le but d'augmenter vos chances d'obtenir une protection internationale. En effet, et alors même que votre sœur Madame devait en principe être la première concernée par rapport aux prétendus faits de harcèlements et de menaces, elle continuerait à vivre sa vie au Venezuela, de sorte à remettre davantage en doute la gravité de votre situation dans votre pays d'origine.

Il y a également lieu de souligner Madame que votre comportement à votre arrivée en Europe est clairement incompatible avec une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée ou de devenir victime d'atteintes graves et qui serait réellement à la recherche d'une protection internationale.

En effet, on peut s'attendre d'une telle personne qu'elle introduise sa demande de protection dans le premier pays sûr rencontré et dans les plus brefs délais. Force est de constater que vous n'avez pas recherché une forme quelconque de protection en Espagne ou en France, au contraire, il ressort des recherches du Ministère que vous auriez profité de votre séjour à Barcelone avec votre mère et votre fils pour vous livrer à des activités visiblement touristiques comme le confirme une publication du compte twitter de votre mère (@…). Force est également de constater que vous accordez de l'importance aux valeurs familiales mais que vous n'avez pas introduit une demande de protection internationale aux Pays-Bas alors que deux de vos frères – (A11) et (A8) - y résideraient.

Il s'ensuit que l'on ne saurait exclure que des motifs économiques et de convenance personnelle sous-tendent votre demande de protection internationale et que votre façon de procéder correspond à pratiquer du forum shopping en soumettant votre demande dans l'Etat membre qui, selon vos estimations, satisfera au mieux vos attentes.

Ce constat est corroboré par une série de déclarations qui parsèment votre rapport d'entretien. En effet, vous avancez Madame avoir principalement manifesté au Venezuela à cause de la dégradation des conditions de vie : « on faisait des manifestations pacifiques contre les choses mal faite par le gouvernement au niveau de l'eau, l'électricité, les services » (p.6 de votre rapport d'entretien, Madame), ou « on faisait des manifestations pour l'électricité, l'eau. On devait faire des files d'attentes interminables pour acheter des bombonnes de gaz » (p.13 de votre rapport d'entretien, Madame). À cela s'ajoute que vous critiquez également vivement le système médical vénézuélien et la pénurie de médicaments à laquelle votre pays d'origine est confrontée : « Ils ont dit à ma mère qu'ils n'avaient pas de cachets, pas de pilules (…) il s'agissait d'une négligence médicale » (p.7 de votre rapport d'entretien, Madame) et que vous auriez par conséquent voulu filmé, après votre retour de Colombie, l'état des hôpitaux et « la situation précaire » (p.13 de votre rapport d'entretien, Madame) dans laquelle ils se trouvaient. Par ailleurs, vous mentionnez dans votre fiche manuscrite être à la recherche d'une « aide humanitaire » car votre fils « a besoin d'attention médicale et au Venezuela on me la refuse ».

11 Puis, comme susmentionné, il ressort clairement de la publication du 31 janvier 2018 issue du compte Facebook de votre frère Madame, (A11), que vous auriez principalement quitté le Venezuela pour des raisons d'ordre médical relatif à l'état de santé de votre fils (A3).

Or, des motifs d'ordre économique ou de convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l'octroi du statut de réfugié, alors qu'ils ne rentrent nullement dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.

Finalement, quand bien même ces faits seraient suffisamment graves pour être qualifiés d'actes de persécution, il convient de noter qu'une persécution commise par des tiers peut être considérée comme fondant une crainte légitime au sens de la Convention de Genève uniquement en cas de défaut de protection de la part des autorités. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce.

En effet, il ressort de façon claire et non équivoque de vos déclarations ainsi que du document que vous avez remis dans votre dossier, à savoir une copie du procès-verbal fait le 6 décembre 2016 concernant la plainte de votre sœur (A10), que vous auriez cherché indirectement une protection de la part des autorités vénézuéliennes. Dans ce contexte, il y a lieu de relever qu'une persécution ne saurait être admise dès la commission matérielle d'un acte criminel, mais seulement dans l'hypothèse où les agressions commises seraient encouragées ou tolérées par les autorités en place, voire où celles-ci seraient incapables d'offrir une protection appropriée. Une protection n'est considérée comme suffisante que si les autorités ont mis en place une structure policière et judiciaire capable et disposée à déceler, à poursuivre et à sanctionner les actes constituant une persécution et lorsque le demandeur a accès à cette protection, l'exigence de la disponibilité d'une protection nationale n'impose toutefois pas pour autant un taux de résolution et de sanction des infractions de l'ordre de 100 %, taux qui n'est pas non plus atteint dans les pays dotés de structures policière et judiciaire les plus efficaces, ni qu'elle n'impose nécessairement l'existence de structures et de moyens policiers et judiciaires identiques à ceux des pays occidentaux. En effet, la notion de protection de la part du pays d'origine n'implique pas une sécurité physique absolue des habitants contre la commission de tout acte de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d'une efficacité suffisante pour maintenir un certain niveau de dissuasion.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

12L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

Madame, Monsieur, il y a lieu de souligner qu'à l'appui de vos demandes de protection subsidiaire, vous invoquez en substance les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de vos demandes de reconnaissance du statut de réfugié.

Or, sur base des développements et conclusions retenues qui précèdent dans le cadre du rejet du statut de réfugié, vous n'invoquez aucun élément susceptible de rentrer dans le champ d'application de l'article 48 précité.

Force est de constater que vous ne risquez pas la peine de mort ou l'exécution en cas de retour au Venezuela. Par ailleurs, les faits dont vous faites état ne revêtent pas un degré de gravité tel qu'ils puissent être assimilés à un traitement inhumain et dégradant.

Finalement, il appert que la situation sécuritaire ou générale dans laquelle se trouve le Venezuela, si elle est certes tendue, n'équivaut manifestement pas à celle d'un conflit armé interne et ne tombe donc pas dans le champ d'application de l'article 48, point c) de la loi de 2015. En effet, la situation socio-économique tendue et la crise humanitaire est plutôt la conséquence d'une situation complexe conjuguant différents facteurs tels qu'une mauvaise gestion économique, des sanctions économiques lourdes, la chute de la production pétrolière et des prix pétroliers, l'hyperinflation et une contraction de l'économie, de sorte qu'il n'y a actuellement pas de risque réel pour les citoyens du Venezuela de subir des atteintes graves contre leur vie ou leur personne en raison d'une violence aveugle dans le cadre d'un conflit armé.

Il y a encore lieu de relever dans ce contexte que, suite à l'exode massif des années 2010 susmentionné, l'année 2020 s'est caractérisée par un certain retour au calme au Venezuela et par un retour de plus en plus de Vénézuéliens au pays qui sont désormais autorisés à investir en dollars et à faire proliférer leurs entreprises privées : « After leading his country's economy over a cliff, President Nicolas Maduro has brought it a certain measure of stability. By allowing dollars to flow freely and private enterprise to flourish in recent months, he seems to have breathed new life into his regime. He remains widely despised but emigration has begun to slow, people are returning and the government is enacting laws to tax dollar transactions and allow companies to issue debt in foreign currencies ».

Ces retours au pays se sont encore multipliés récemment à cause de la crise économique liée au COVID-19, ayant souvent fait perdre le travail aux Vénézuéliens partis dans d'autres pays sud-

américains pour fuir la crise économique à la maison. Ces retours démontrent en même temps, que comme susmentionné, les Vénézuéliens ont par le passé surtout fui la crise économique et non pas les autorités ou des quelconques persécutions personnelles, et ne craignent manifestement pas d'y retourner.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

13Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la Loi de 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Venezuela, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2023, les consorts (A) ont fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 29 novembre 2022 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 29 novembre 2022 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 29 novembre 2022, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours, les demandeurs exposent les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en réitérant, en substance, leurs déclarations, telles qu’actées lors de leurs auditions par un agent du ministère.

En droit, les demandeurs critiquent tout d’abord la motivation à la base du refus de leurs demandes de protection internationale et plus particulièrement le fait que la crédibilité de leur récit a été remise en cause par le ministre.

Ils donnent à considérer que si la demanderesse s’était trompée lors de son audition sur la date des faits, ce serait dû en raison du souvenir traumatisant qu’elle aurait gardé en relation avec lesdits faits.

Ils soutiennent que la demanderesse n’aurait pas eu connaissance des faits criminels commis par son frère car elle aurait seulement entendu la version des faits de ce dernier. Ils insistent sur le fait que les perquisitions brutales, qui auraient eu lieu dans le but de rechercher les frères de la demanderesse, auraient engendré dans leur chef un sentiment d'insécurité permanent.

Ce sentiment d’insécurité aurait conduit la demanderesse à se réfugier en Colombie en 2019.

Les demandeurs expliquent que Madame (A1) aurait reçu le CD dont elle aurait fait état en date du 29 mars 2018 avant son départ en Colombie et qu’il y aurait eu une confusion au niveau de la date, confusion qui ne saurait ébranler la crédibilité de son récit.

Ils soutiennent que la demanderesse serait retournée de la Colombie au Venezuela en avril 2019 afin de faire soigner son fils. Elle aurait ensuite quitté le Venezuela après avoir économisé et demandé de l’aide financière à sa famille afin de préparer le départ en Europe.

14Les consorts (A) insistent sur le fait que leur récit serait cohérent et plausible et que les faits dont ils auraient été victimes ne sauraient être qualifiés d’incidents mineurs.

La famille de Madame (A1) aurait été menacée et aurait été dans le collimateur du gouvernement vénézuélien et plus particulièrement de l’unité des forces spéciales de la police dénommée FAES.

Quant au refus du statut de réfugié, les demandeurs font valoir qu’ils auraient participé à des manifestations pacifiques contre le gouvernement et que le ministre aurait à tort conclu que cet élément n’entrerait pas dans le champ d'application de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », alors qu’ils auraient exprimé des opinions politiques contraires à celles du gouvernement, de sorte qu’ils seraient ainsi considérés comme membres du parti d'opposition. Ils soutiennent que l’un des frères de la demanderesse aurait pu obtenir la protection internationale aux Pays-Bas sur base de ces mêmes faits mais également du fait de la persécution par l'unité de police FAES à l'égard de la famille de Madame (A1).

Ils insistent encore sur le fait qu’ils ne pourraient bénéficier d’une protection de la part des autorités vénézuéliennes, étant donné qu’elles seraient elles-mêmes à l’initiative des persécutions dont ils feraient l’objet.

Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire, les demandeurs rappellent être dans l’impossibilité de réclamer une aide de la part des autorités vénézuéliennes en raison de la plainte qui aurait été déposée par la sœur de la Madame (A1).

A l’appui de leur recours, les demandeurs versent plusieurs articles de presse dont l’un publié en date du 5 juillet 2019 sur l’unité de police FAES et les autres relatifs aux défaillances du système de santé vénézuélien, ainsi que des rapports médicaux de l’enfant (A3) FIGUERAO.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Le tribunal relève qu’en vertu de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

A ce sujet, la notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de la même loi comme « (…) tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner (…) ».

Par ailleurs, l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; ou 15 b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :

« a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. » et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. (…) ».

Il suit des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.

Ces conditions devant être réunies cumulativement, le fait qu’une d’elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié.

Par ailleurs, force est de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il y ait besoin que le demandeur ait été 16persécuté avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel aurait été le cas, les persécutions antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015. L’analyse du tribunal devra par conséquent porter en définitif sur la détermination du risque d’être persécuté que le demandeur encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Quant au statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2 g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution ; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, dudit article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.

Par ailleurs, l’article 2 g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle est renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Indépendamment de la question de la crédibilité du récit des consorts (A), il échet de rappeler qu’ils invoquent comme motifs à la base de leurs demandes de protection internationale les faits suivants :

17-

le harcèlement et la persécution de la part des membres des Fuerzas de Acciones Especiales (FAES), -

le harcèlement de la part des « colectivos » depuis la mort des deux frères de Madame (A1) en raison de son opposition au gouvernement, -

l’« attentat » du 25 mars 2021 commis par les « colectivos » à l’occasion duquel le demandeur aurait été poursuivi par les « colectivos » qui auraient abîmé sa voiture tout en l’insultant, -

l’introduction et la fouille par cinq à six membres du FAES sans mandat dans leur domicile, alors qu’ils étaient à la recherche du frère de Madame (A1), incident à l’occasion duquel cette dernière aurait été tirée aux cheveux et giflée, -

l’assassinat du frère de Madame (A1) par les « colectivos » suivi d’une plainte par la sœur de Madame (A1) auprès du Cuerpo de Investigaciones Cientificas, Pénales y Criminalisticas (CICPC), -

l’assassinat de l’autre frère de Madame (A1) en raison du fait que la sœur aurait porté plainte dans le cadre de l’assassinat du premier frère, -

la menace exprimée par des personnes inconnues qu’ils encourraient le même sort que les frères de la demanderesse s’ils continuaient à porter plainte, -

la remise d’un CD comportant des images de personnes en train de se faire torturer, -

l’état de santé de l’enfant (A3) et la situation précaire du système de santé vénézuélien.

Le tribunal retient à la lecture des auditions respectives des consorts (A) et des développements soumis à son appréciation que les raisons du départ des demandeurs sont motivées par des craintes hypothétiques qui s’inscrivent dans le vécu des membres de famille de Madame (A1) et qui ne sont pas liées à des faits personnels vécus par les consorts (A).

Or, des faits non personnels, mais vécus par d'autres membres de la famille ne sont susceptibles de fonder une crainte de persécution, respectivement d’atteintes graves, au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015 que si le demandeur de protection internationale établit dans son chef un risque réel d'être victime d'actes similaires en raison de circonstances particulières. Or, tel n'est pas le cas en l'espèce, alors que les consorts (A) restent en défaut d'étayer un lien entre le traitement des frères de Madame (A1) et leur propre situation qui les exposerait à des actes similaires, circonstance qui se trouve encore renforcée par les affirmations vagues des demandeurs quant aux conditions du décès des frères, dont l’un était, de manière non contestée, membre d’une bande criminelle.

Si les demandeurs déclarent avoir participé eux-mêmes à des manifestations, il échet cependant de constater qu’il ne s’agissait pas de manifestations d’opposition politique, mais de manifestations pacifiques « contre les choses mal faite par le gouvernement au niveau de l’eau, l’électricité, les services »1. En effet, les demandeurs n’allèguent pas appartenir à un parti politique au Venezuela, de sorte que leur participation à ces manifestations n’est, en l’absence d’autres éléments pas de nature à établir l’existence, dans leur chef, d’un signe réel de subir des actes de persécution ou des atteintes graves.

Il échet encore de retenir que si les menaces exprimées par des personnes inconnues, la remise du CD susmentionné, le dommage causé à la voiture du demandeur par les « colectivos », ainsi que le fait que des membres du FAES se seraient introduits et auraient procédé à la fouille du domicile des demandeurs, fait à l’occasion duquel la demanderesse aurait été giflée et tirée au cheveux, sont certes condamnables, il n’en reste pas moins que ces faits n’atteignent, ni de manière 1 Rapport d’audition de la demanderesse, p. 6.

18isolée ni de manière collective, un degré de gravité tel qu'ils puissent être considérés comme des actes de persécution ou d’atteintes graves au sens de la loi du 18 décembre 2015.

La conclusion selon laquelle la crainte éprouvée par les demandeurs se résume à un sentiment général d’insécurité est encore corroborée par leur comportement préalable à l’introduction de leurs demandes de protection internationale au Luxembourg, comportement ayant consisté, d’un côté, à quitter le Venezuela pour la Colombie en juillet 2018 pendant une période limitée à 9 mois, tout en laissant trois enfants chez la grand-mère, qui aurait vécu les mêmes faits que les consorts (A), au Venezuela, et, d’un autre côté, concernant le demandeur, à rester au Venezuela entre avril 2019 et décembre 2021, malgré le départ de son épouse en février 2020, et de continuer à travailler comme … sans être importuné, à part l’incident du 25 mars 2021, et sans rechercher activement une protection. Après l’arrivée en Europe de Madame (A1), cette dernière n’a pas non plus introduit une demande de protection internationale dans le premier pays sûr, mais, tel qu’il ressort de publications faites par sa mère sur son réseau social, sans que cela aurait fait l’objet d’une contestation de la part des consorts (A), s’est livrée à des activités touristiques à Barcelone avant d’introduire finalement une demande de protection internationale au Luxembourg.

Il échet, par ailleurs, de constater que la sœur de Madame (A1), (A10), qui est l’auteur de la plainte déposée en date du 6 décembre 2016 à la suite de la mort de leur frère (A9), est restée au Venezuela, alors qu’elle-même devrait a priori être la première concernée par rapport aux harcèlements et menaces en lien avec ladite plainte.

S'agissant enfin de l’affirmation des demandeurs selon laquelle le système de santé vénézuélien ne serait pas adapté à l’état de santé de leur fils, force est au tribunal de constater, d’un côté, que l’état de santé de l’enfant (A3) semble être la raison principale ayant amené les consorts (A) à quitter leur pays d’origine, tel qu’il ressort, selon la partie gouvernementale sans être contesté par les demandeurs, d’une publication du 31 janvier 2018 sur le compte Facebook du frère de Madame (A1) résidant aux Pays-Bas, et, d’un autre côté, que des raisons médicales ou d'éventuelles difficultés d'accès aux soins de santé ne tombent pas, de par leur nature, dans le champ d'application de la loi du 18 décembre 2015, étant encore précisé que les demandeurs n’ont, à cet égard, pas non plus fait état d'une discrimination quelconque.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et à défaut d’autres moyens que c’est à bon droit que le ministre a refusé de faire droit aux demandes de protection internationale des consorts (A), de sorte que le recours en réformation sous analyse encourt le rejet, 2) Quant au recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours principal en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.

Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Les demandeurs n’ont pas invoqué de moyens spécifiques à l’appui de ce volet de leur recours, tout en se limitant à faire valoir que l’ordre de quitter le territoire devrait être réformé comme conséquence du bien-fondé de leurs arguments avancés dans le cadre du recours dirigé contre la décision portant refus de faire droit à leurs demandes de protection internationale.

19 Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. (…) ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que les demandeurs ne remplissent pas les conditions pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre pouvait valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours en réformation pour autant qu’il est dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter comme étant non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 29 novembre 2022 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 29 novembre 2022 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié et en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 28 avril 2025 par :

Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice, en présence du greffier Luana Poiani.

s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 20


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 48369
Date de la décision : 28/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 09/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-28;48369 ?

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