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23/04/2025 | LUXEMBOURG | N°48324

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 23 avril 2025, 48324


Tribunal administratif N°48324 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48324 5e chambre Inscrit le 27 décembre 2022 Audience publique du 23 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48324 du rôle et déposée le 27 décembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Yves ALTWIES, avocat à la Cour, in

scrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeuran...

Tribunal administratif N°48324 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48324 5e chambre Inscrit le 27 décembre 2022 Audience publique du 23 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre trois décisions du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48324 du rôle et déposée le 27 décembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Yves ALTWIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à … , tendant principalement à l’annulation et subsidiairement à la réformation (i) de l’arrêté du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 26 septembre 2022, (ii) de la décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 4 mai 2022 rendue sur recours gracieux, ainsi que (iii) de l’arrêté du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 9 mars 2022 portant retrait du permis de conduire ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2023 ;

Vu la constitution de nouvel avocat à la Cour, déposée au greffe du tribunal administratif le 25 octobre 2024 par Maître Yann BADEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déclarant avoir été nommé administrateur provisoire des affaires de Maître Yves ALTWEIS, préqualifié, initialement constitué, suivant une ordonnance de Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats à Luxembourg en date du 24 octobre 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes critiqués ;

Le juge rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Luc REDING en sa plaidoirie à l’audience publique du 4 décembre 2024, Maître Yann BADEN s’étant excusé.

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Il résulte des éléments du dossier administratif que Monsieur (A) est titulaire d’un permis de conduire de la catégorie AM depuis le …, ainsi que des catégories B et F depuis le ….

Par courrier du 27 août 2019, réceptionné le 23 septembre 2019 par le ministère de la Mobilité et des Travaux publics, département de la mobilité et des transports, ci-après désigné par « le ministère », les autorités allemandes transmirent aux autorités luxembourgeoises la déclaration de renonciation (« Verzichtserklärung ») de Monsieur (A), datée du 27 août 2019, par laquelle il renonça à l’utilisation de son permis de conduire luxembourgeois sur le territoire allemand à la suite d’un incident lié à la conduite d’un véhicule sur la voie publique sous l’emprise du cannabis.

Par courrier recommandé daté du 25 septembre 2019, le ministre de la Mobilité et des Travaux publics, ci-après désigné par « le ministre », invita Monsieur (A) à transmettre, dans un délai de trois semaines, « les résultats d’analyses toxicologiques des cheveux (drogues) » au médecin-président de la commission médicale, conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignée par « la loi du 14 février 1955 », ainsi qu’aux articles 77 et 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désignés respectivement par « la commission médicale » et par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 ».

Dans son avis du 28 novembre 2019, la commission médicale proposa d’émettre un avis favorable au maintien du permis de conduire de Monsieur (A), tout en recommandant la réalisation d’un réexamen dans un délai de 24 mois.

Par courrier recommandé daté du 11 octobre 2021, le ministre invita Monsieur (A) à transmettre, dans un délai de quatre semaines, « les résultats d’analyses toxicologiques des cheveux (drogues) » au médecin-président de la commission médicale, conformément aux dispositions de l’article 2 de la loi du 14 février 1955, ainsi qu’aux articles 77 et 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.

En date du 16 décembre 2021, le ministère, réceptionna le rapport d’expertise toxicologique établi le 24 novembre 2021 par le laboratoire (AA), désigné ci-après désigné par « le laboratoire », indiquant le résultat des analyses toxicologiques des cheveux de Monsieur (A) réalisées le … novembre 2021, lesquelles portèrent sur un segment de cheveux de 21 cm et révélèrent une concentration de « THC » de « 0,40 ng/mg » pour la présence de cannabis (« Cannabis im Haar »). Au regard desdits résultats, le rapport précisa que « […] [d]er positive immunologische Befund für Cannabinoide konnte mittels chromatographischer Methode bestätigt werden. […] » et conclut que « […] [d]er positive THC-Befund spricht für einen Umgang mit Cannabis-Produkten in dem Zeitraum, welcher der untersuchten Haarlänge entspricht. Hierbei kann, entsprechend der gültigen Auflage der Beurteilungskriterien zur Fahreignungsdiagnostik, eine mittlere Haarwachstumsgeschwindigkeit von 1 cm (0.8 – 1.2 cm) pro Monat angenommen werden. […]». Il ressort encore de la partie « Identifikationsformular Haaranalyse » annexée audit rapport que Monsieur (A) déclara avoir consommé des drogues, précisant qu’il s’agissait de « THC », et qu’il en avait consommé deux ans et demi, à raison de trois fois par jour.

Par courrier recommandé daté du 14 janvier 2022, Monsieur (A) fut convoqué à comparaître devant la commission médicale le 3 février 2022, devant laquelle il déclara avoir besoin de son permis de conduire pour des raisons privées et professionnelles, et affirma avoir consommé des « drogues » pour la dernière fois en août 2019.

Par courrier du 12 février 2022, envoyé par téléfax le lendemain, le litismandataire de Monsieur (A) informa la commission médicale que son mandant avait été admis « au programme « cannabis médical » étatique », en y annexant un certificat médical établi par le Dr. (B) en date du 10 février 2022, lequel attesta que Monsieur (A) avait participé audit programme à la date du 5 février 2022.

Dans son avis du 3 mars 2022, la commission médicale proposa, à l’unanimité des voix, de retirer le permis de conduire à Monsieur (A) sur base de la considération que « […] l’intéressé se trouve[rait] en état de dépendance vis-à-vis de substances à action psychotropes ou qu’il en abuse[rait] régulièrement, sans être dépendante […] », et conclut qu’il ne satisferait pas « aux conditions minima prévues par l’article 77 sous 8.1) de l’arrêté grand-ducal [du 23 novembre 1955] et qu’il est dès lors établi qu’[il] souffr[ait] d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire ».

Par arrêté du 9 mars 2022, notifié à l’intéressé le 24 mars 2022 en mains propres, le ministre, en se ralliant à l’avis de la commission médicale du 3 mars 2022, ordonna le retrait du permis de conduire un véhicule automoteur, ainsi que les permis de conduire internationaux délivrés sur le vu du permis national à Monsieur (A), cette décision étant basée sur les motifs et considérations suivants :

« […] Vu les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Vu l’article 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ;

Considérant que pour la raison reprise sous 4) du paragraphe 1er de l’article 2 de la loi du 14 février 1955 précitée une mesure administrative s’impose à l’égard de Monsieur (A), né le … à … (Allemagne) et demeurant … ;

Considérant que l’intéressé a été entendu le 03 février 2022 dans ses explications par la Commission médicale prévue à l’article 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 précité ;

Vu l’avis du 03 mars 2022 de la Commission médicale précitée ;

Considérant que Monsieur (A) souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire ;

Arrête :

Art. 1er. - Le permis de conduire un véhicule automoteur, délivré à Monsieur (A) préqualifié, est retiré. Sont en outre retirés les permis de conduire internationaux délivrés à l’intéressé sur le vu du susdit permis national. […] ».

Par décision du 4 mai 2022, notifiée au litismandataire de (A) le 24 mai 2022, et prise à la suite d’un recours gracieux introduit le 11 avril 2022 par le litismandataire de l’intéressé, le ministre confirma les dispositions de l’arrêté du 9 mars 2022 en ces termes :

« […] Par la présente, j’accuse bonne réception de votre courrier du 11 avril 2022 concernant le sujet sous rubrique.

Vous y introduisez un recours gracieux contre l’arrêté ministériel du 9 mars 2022 ayant porté retrait du permis de conduire de Monsieur (A), susmentionné.

Permettez-moi de prime abord de vous informer que la finalité primordiale d’un retrait administratif du permis de conduire est de protéger la sécurité de l’usager lui-même et surtout celle des autres usagers de la route. La mission incombant au ministre en charge des Transports l’appelle donc à examiner le dossier global de la personne concernée, étant précisé que le ministre doit nécessairement se prononcer sur base d’éléments suffisamment concluants afin de le renseigner utilement sur l’état de santé de la personne intéressée.

D’abord, je tiens à vous informer que lors de la décision ministérielle du 3 mars 2022 s’alignant à l’avis de la Commission médicale, votre courrier du 12 février 2022 ainsi que le certificat médical établi par le Dr. (B) en date du 10 février 2022 ont été pris en considération.

De plus, j’accuse bonne réception du certificat médical établi en date du 28 mars 2022 par le Dr. (B) et remis personnellement par Monsieur (A) auprès de mes services. Comme ce certificat ne renseigne pas de fait médical nouveau, il n’était pas nécessaire de reconsidérer ma décision du 3 mars 2022.

Dans ce contexte, je tiens à vous informer que la législation luxembourgeoise, à savoir les articles 2 et 13 de la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques ainsi que les articles 77 et 90 de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ne fait pas de distinction entre le cannabis médical et les autres substances à action psychotrope, alors que la substance active est la même.

Par conséquent, le cannabis médical est également considéré comme substance à action psychotrope.

Je me permets de relever qu’il ressort des dispositions légales prévues à l’article 77 sous 8.2) de l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 précité qu’une personne doit être considérée comme souffrant d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire, si elle se trouve en état de dépendance vis-à-vis de substances à action psychotrope ou qu’elle en abuse régulièrement, sans être dépendant. En l’espèce, il ressort des pièces contenues au dossier administratif, et plus précisément du rapport d’analyse toxicologique de ses cheveux effectué en date du 6 décembre 2021 que votre mandant s’est adonné à une consommation régulière de substances à action psychotrope les mois précédant le prélèvement.

Au vu des éléments qui précèdent, je suis, dès lors, au regret de vous informer que je ne saurai réserver de suite favorable à votre requête.

Par conséquent, les dispositions de l’arrêté ministériel du 9 mars 2022, ayant porté retrait du permis de conduire de Monsieur (A), restent d’application. […] ».

Par courrier du 21 juin 2022, envoyé par téléfax le même jour et réceptionné le 22 juin 2022 par le ministère, le litismandataire de Monsieur (A) introduisit un recours gracieux contre l’« [a]rrêté du 9 mars 2022 et décision subséquente datée au 4 mai 2022 ».

Par courrier recommandé daté du 15 juillet 2022, Monsieur (A) fut convoqué, par un premier courrier, à comparaître devant la commission médicale le 2 août 2022, puis, par courrier recommandé daté du 3 août 2022, il fut convoqué à comparaître devant la commission médicale le 9 septembre 2022, devant laquelle il déclara, à cette même date, avoir besoin de son permis de conduire pour des raisons privées, et affirma consommer du cannabis médical le soir pour ses douleurs chroniques ainsi que consulter régulièrement son médecin.

Dans son avis du 16 septembre 2022, la commission médicale proposa, à l’unanimité des voix, d’émettre un avis défavorable pour la restitution du permis de conduire à Monsieur (A), en se fondant sur ses déclarations du 9 septembre 2022, et conclut qu’il ne satisferait pas « aux conditions minima prévues par l’article 77 sous 8.2.a) de l’arrêté grand-ducal [du 23 novembre 1955] et qu’il est dès lors établi qu’[il] souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire […].».

Par décision du 26 septembre 2022, notifiée au litismandataire de (A) le 4 octobre 2022, le ministre confirma les dispositions de l’arrêté du 9 mars 2022 en ces termes :

« […] Faisant suite à votre courrier du 21 juin 2022, au sujet de la restitution du permis de conduire de votre mandant Monsieur (A), la Commission médicale du Ministère de la Mobilité et des Travaux publics a revu l’ensemble dudit dossier en date du 16 septembre 2022.

Dans son avis émis le 16 septembre 2022, ladite Commission médicale a proposé de refuser la restitution du permis de conduire de votre mandant et ce à défaut de fait médical nouveau susceptible d’entraîner une révision de ma décision du 09 mars 2022.

Je me suis rallié à cet avis le 16 septembre 2022.

Dès lors, les dispositions de l’arrêté ministériel du 09 mars 2022, portant retrait du permis de conduire de Monsieur (A), restent d’application. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 27 décembre 2022, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant, principalement, à l’annulation, et subsidiairement à la réformation (i) de la décision ministérielle du 26 septembre 2022, (ii) de la décision ministérielle du 4 mai 2022, rendue sur recours gracieux, ainsi que (iii) de l’arrêté du ministre du 9 mars 2022.

1) Quant à la compétence du tribunal Quand bien même une partie a, comme en l’espèce, formulé un recours en annulation à titre principal et un recours en réformation à titre subsidiaire, le tribunal a l’obligation d’examiner, en premier lieu, la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2, paragraphe (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi1.

Etant donné que ni la loi du 14 février 1955, ni l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, ni d’autres dispositions légales ne prévoient de recours au fond en la présente matière, le 1 Trib. adm., 4 décembre 1997, n° 10404 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n° 4 et les autres références y citées.

tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation dirigé contre les actes critiqués introduit en l’espèce.

En revanche, le recours principal en annulation a valablement pu être dirigé contre les actes critiqués.

2) Quant à la recevabilité du recours Arguments et moyens des parties A titre liminaire, la partie étatique se rapporte, dans son mémoire en réponse, à prudence de justice quant à la recevabilité du recours quant aux délais et quant à la forme.

Lors de l’audience publique des plaidoiries, le délégué du gouvernement a soutenu, en réponse à une demande du tribunal, que le recours serait irrecevable dans ses trois volets.

De son côté, Monsieur (A) n’a pas pris position sur la question.

Appréciation du tribunal Le tribunal relève tout d’abord qu’en l’espèce trois décisions ministérielles successives, respectivement en date du 9 mars 2022, du 4 mai 2022 et du 26 septembre 2022, sont intervenues et font toutes l’objet du recours sous analyse introduit par Monsieur (A). Il est constant que Monsieur (A) a introduit un premier recours gracieux le 11 avril 2022 contre la décision ministérielle du 9 mars 2022, laquelle a conduit à la décision ministérielle du 4 mai 2022, puis un second recours gracieux le 21 juin 2022 contre la décision ministérielle du 9 mars 2022 ainsi que contre la décision subséquente du 4 mai 2022, laquelle a conduit à la décision ministérielle du 26 septembre 2022.

Concernant d’abord le volet du recours dirigé contre la décision du 4 mai 2022, prise sur recours gracieux du 11 avril 2022, force est au tribunal de constater que ladite décision se borne à confirmer la décision initiale du 9 mars 2022. En effet, il ressort de la lecture de ladite décision que, si le ministre confirme la réception d’un certificat médical établi le 28 mars 2022 par le Dr. (B) et transmis par Monsieur (A), il précise néanmoins que ce certificat ne contient aucun fait nouveau. Sur cette base, le ministre confirme que les dispositions de la décision ministérielle du 9 mars 2022 portant retrait du permis de conduire restent applicables. Par conséquent, il y a lieu de conclure que la décision du 4 mai 2022, prise sur recours gracieux du 11 avril 2022, est de nature simplement confirmative de la décision initiale du 9 mars 2022 et ne constitue pas une décision nouvelle.

En ce qui concerne ensuite le volet du recours dirigé contre la décision du 26 septembre 2022, force est au tribunal de relever que, bien que cette décision, prise sur recours gracieux du 21 juin 2022, confirme également que les dispositions de la décision ministérielle initiale du 9 mars 2022 portant retrait du permis de conduire restent d’application, elle repose néanmoins, au moins partiellement, sur des éléments nouveaux. Il ressort en effet de sa lecture qu’elle se fonde notamment sur un avis émis le 16 septembre 2022 par la commission médicale suite à un réexamen de l’ensemble du dossier de Monsieur (A) effectuée à la même date. Dès lors, la décision du 26 septembre 2022, motivée sur des bases nouvelles, ne saurait être considérée comme étant purement confirmative de la décision initiale du 9 mars 20222. Par conséquent, la décision du 26 septembre 2022 constitue une décision nouvelle par rapport à la décision initiale du 9 mars 2022.

En effet, dès lors que le ministre a procédé à un réexamen du dossier sur base d’une nouvelle situation de fait, la décision nouvelle, prise sur recours gracieux, constitue la position de l’administration dans son dernier état3, de sorte à être seule susceptible d’un recours contentieux pour se substituer à la décision initiale et à celle purement confirmative prise sur recours gracieux à l’encontre la décision initiale.4 Il s’ensuit que les volets du recours sous analyse dirigés contre la décision ministérielle initiale du 9 mars 2022 d’une part, et contre la décision du 4 mai 2022, simplement confirmative de la décision initiale du 9 mars 2022, d’autre part, sont irrecevables pour défaut d’objet, la décision ministérielle du 9 mars 2022 ayant été implicitement mais nécessairement remplacée par la décision déférée du 26 septembre 2022.

Concernant le volet du recours sous analyse à l’égard de la décision du 26 septembre 2022, force est au tribunal de préciser que s’il est exact que le fait, pour une partie, de se rapporter à prudence justice équivaut à une contestation, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de leurs conclusions.

Dès lors, étant donné que le délégué du gouvernement est resté en défaut de préciser dans quelle mesure le délai d’introduction du recours respectivement sa forme n’auraient pas été respectés, les moyens d’irrecevabilité afférents encourent le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Il suit des considérations que le recours principal en annulation dirigé contre la décision ministérielle du 26 septembre 2022 est recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.

3) Quant au fond Arguments et moyens des parties A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base du litige sous examen.

En droit, le demandeur soutient tout d’abord que le juge qui aurait été saisi d’un recours en annulation aurait tant le droit que l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui seraient à la base de la décision attaquée et de contrôler si cette décision ne serait pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinés à protéger les intérêts privés. A l’appui de son 2 Trib. adm., 18 juin 1997, n° 9458 du rôle, Pas. adm 2024, V° Procédure contentieuse, n° 296 et les autres références y citées.

3 Trib. adm., 24 juin 2020, n° 42962 du rôle, Pas. adm 2024, V° Procédure contentieuse, n° 57 argumentation, il cite un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 27 février 2013, inscrit sous le numéro 30548 du rôle.

Il fait valoir que la décision attaquée devrait encourir l’annulation pour excès de pouvoir, sinon subsidiairement pour détournement de pouvoir, et plus subsidiairement pour violation de la loi au motif qu’elle serait, d’une part, manifestement disproportionnée « au sens ici voulue » et, d’autre part, entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Le demandeur expose que l’administration aurait eu connaissance de sa participation au « programme cannabis » au moment de la prise de la décision litigieuse et en conclut que celle-ci aurait été prise sur la base d’une situation de fait erronée.

Il donne en outre à considérer qu’au moment de la décision litigieuse, il n’aurait commis « à l’étranger (D) » qu’un fait isolé, sans avoir d’antécédents spécifiques ni « autres ».

Le demandeur en conclut dès lors que les dispositions de l’article 2, paragraphe 1er, numéro 4) de la loi du 14 février 1955 ne lui seraient pas applicables.

Après avoir cité un jugement rendu par le tribunal administratif en date du 19 mai 2021, inscrit sous le numéro 43584 du rôle, lequel aurait retenu « qu’une unique infraction aux règles de circulation plutôt, sinon relativement ancienne, et un seul test de dépistage capillaire positif, sans aucun autre élément pouvant laisser conclure que l’intéressé ait effectivement circulé une nouvelle fois sous l’influence de substances à caractère psychotropes, un retrait pure et simple du permis de conduire, doit être qualifier de mesure disproportionnée non justifiée par les éléments concrets de l’affaire […]. Au vu de […] le tribunal est amené à retenir que l’affirmation du demandeur […] de ne pas prendre le volent sous l’emprise de cannabis n’est pas contredite par les éléments de la cause. […] il échet de constater qu’il s’agit là d’un fait isolé remontant à près de deux ans au moment de la prise de la décision […] et sans déterminer sa capacité de conduire […] ne permettent pas de dégager un état de dépendance […] la possibilité de prendre un telle initiative préventive sur la seule consommation régulière de substances à caractère psychotrope, ne se dégage pas des dispositions légales précitées [….] », le demandeur fait valoir qu’il n’aurait, dans le cadre de « l’affaire allemande » commis aucune infraction au Code de la route et insiste sur le fait qu’il n’aurait aucun antécédent spécifique ni « autres ».

Il soutient en outre qu’il éviterait de conduire pendant une période largement suffisante après l’absorption du médicament en cause.

Le demandeur conclut enfin qu’au-delà du fait qu’il serait sous traitement officiel dans le cadre du « programme cannabis médicinal », les faits de l’espèce seraient très semblables à ceux examinés dans les décisions jurisprudentielles précitées, de sorte que la décision litigieuse encourrait l’annulation.

En outre, le demandeur soutient qu’il ne représenterait pas un « danger public », dès lors qu’il traiterait ses douleurs - lesquelles seraient reconnues comme graves - de manière sporadique, voire plus ou moins régulière, « légalement » et en parfaite connaissance de causes, au moyen de cannabis médical. Il affirme qu’il conviendrait de distinguer les différentes situations dans lesquelles peuvent se trouver les administrés, notamment en comparant son cas à celui d’autres traitements impliquant des médicaments légalement prescrits ou encore à la consommation d’alcool.

Le demandeur conteste qu’il serait « dans un quelconque « état de dépendance » au vrai sens du terme vis-à-vis de la substance ici litigieuse ou autre ».

Il fait valoir qu’il conviendrait d’aborder son traitement « antidouleurs », par analogie, de manière similaire à d’autres substances susceptibles d’entraîner une incapacité temporaire à conduire, telles que les somnifères ou les opiacés prescrits comme antidouleurs.

Il estime, par conséquent, que ce serait à tort que le ministre aurait retenu l’existence d’une infirmité ou d’un trouble susceptible d’entraver son aptitude à la conduite.

La partie étatique conclut au rejet du recours pour être non fondé.

Appréciation du tribunal A titre liminaire, il convient de souligner que le tribunal n’est pas lié par l’ordre des moyens dans lequel ils lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile qui s’en dégagent.

Toujours à titre liminaire, le tribunal relève que, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir, ou pour violation de la loi ou des formes destinés à protéger des intérêts privés. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en un dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité5.

Il y a lieu également de rappeler qu’aux termes de l’article 2, paragraphe 1er de la loi du 14 février 1955, en sa version applicable au moment de la prise de la décision ministérielle litigieuse : « Le ministre ayant les Transports dans ses attributions, désigné ci-après « le ministre », délivre les permis de conduire civils; il peut refuser leur octroi, restreindre leur validité, les suspendre et les retirer, refuser leur restitution, leur renouvellement ou leur transcription et même refuser l’admission aux épreuves si l’intéressé:

[…] 4) souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire; […] ».

Il suit de l’article 2 de la loi du 14 février 1955, précité, que le ministre peut retirer les 5 Cour adm., 9 décembre 2010, n° 27018C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 60 et les autres références y citées.

permis de conduire civils et refuser leur restitution, notamment, quand l’intéressé souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire.

Si les infirmités et troubles ainsi visés ne sont certes pas clairement précisés, il convient de se référer, par analogie, en ce qui concerne les substances à action psychotrope, au point 8.2. de l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, intitulé « Drogues et médicaments », article visant certes la délivrance et le renouvellement d’un permis de conduire, mais qui, situé dans le contexte général du point « C.- Les conditions médicales à remplir par les conducteurs » de la section II. du chapitre IV. dudit arrêté grand-ducal dans lequel s’inscrit l’article 77 précité, et lu en combinaison avec les dispositions finales, notamment de l’avant dernier paragraphe dudit article 77, aux termes duquel : « Si par ailleurs, le titulaire d’un permis de conduire ne satisfait pas aux conditions minimales précitées au présent article, le permis de conduire peut être retiré […] et sa restitution peut être refusée. […] », s’applique également au retrait et à la restitution d’un permis de conduire.

L’article 90, paragraphe 2 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 précise les conditions et la procédure à suivre pour prendre une décision de retrait d’un permis de conduire fondée sur le motif d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver les aptitudes ou capacité de conduire d’une personne, article disposant, en sa version applicable au moment de la prise de la décision ministérielle litigieuse, que :

« Afin d’examiner les personnes souffrant d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver leurs aptitudes ou capacités de conduire un véhicule automoteur ou cyclomoteur, il est institué une commission médicale dont les membres sont nommés par le ministre des Transports.

Avant de pouvoir restreindre l’emploi ou la validité des permis de conduire, refuser leur octroi, leur renouvellement ou leur transcription, les suspendre ou les retirer, le ministre des Transports adresse quinze jours au moins avant la séance de la commission une convocation par lettre recommandée à l’intéressé, l’invitant à s’y présenter soit seul, soit assisté par un médecin de son choix. Si l’intéressé ne comparaît pas devant la commission médicale malgré deux convocations par lettre recommandée, la procédure est faite par défaut.

La commission, composée pour chaque affaire de trois membres, a pour mission d’entendre l’intéressé dans ses explications, de dresser procès-verbal et d’émettre un avis motivé pris à la majorité des voix. Elle donne un avis motivé au ministre des Transports. Dans cet avis elle indique également les cas où le port d’un appareil spécial ou l’aménagement spécial du véhicule s’impose et se prononce sur le mode d’aménagement du véhicule.

La commission se prononce sur les inaptitudes ou incapacités permanentes ou temporaires d’ordre physique ou psychomental des personnes visées à l’alinéa qui précède en se basant sur le résultat de son examen médical ainsi que sur les rapports d’expertise fournis par des médecins-experts spécialement chargés ou sur des certificats médicaux versés par les personnes examinées.

Les frais d’expertise sont à charge des personnes intéressées.

Le ministre des Transports prend sa décision sur le vu de l’avis de la commission médicale ».

En l’espèce, dans la décision ministérielle du 26 septembre 2022 sous analyse, le ministre a formellement retenu, en s’appuyant sur l’avis de la commission médicale du 16 septembre 2022, dont il ressort que le demandeur « souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire », qu’en l’absence de « fait médical nouveau susceptible d’entraîner une révision de la décision du 9 mars 2022 », les dispositions de l’arrêté du 9 mars restent d’application. Cet arrêté avait lui-même été pris sur la base de l’avis du 3 mars 2022 de la Commission médicale, dont il ressort que « […] l’intéressé se trouve en état de dépendance vis-à-vis de substances à action psychotropes ou qu’il en abuse régulièrement, sans être dépendante […] ».

S’agissant de la procédure ayant conduit, dans un premier temps, à l’avis de la commission médicale et, dans un second temps, à la décision ministérielle litigieuse, force est au tribunal de relever que celle-ci repose principalement sur les éléments suivants, versés dans le dossier administratif :

- en premier lieu, un rapport d’expertise toxicologique établi le 24 novembre 2021 par le laboratoire, lequel expose les résultats des analyses toxicologiques des cheveux de Monsieur (A), réalisées le … novembre 2021. Ces analyses ont révélé une concentration de « THC » de « 0,40 ng/mg », attestant de la présence de cannabis (« Cannabis im Haar »). L’examen a porté sur un segment de cheveux de 21 cm. Le rapport précisant que la vitesse moyenne de croissance des cheveux est de 1 cm par mois, il en résulte que la consommation de « THC » a eu lieu au cours des 21 mois précédent l’examen. En outre, le rapport fait mention que Monsieur (A) a lui-même déclaré avoir consommé des drogues, spécifiant qu’il s’agissait de « THC », et ce pendant une période de deux ans et demi, à raison de trois fois par jour.

- en second lieu, un premier fax adressé au ministre le 13 février 2022 par le litismandataire du demandeur, confirmant que Monsieur (A) était admis au « programme « cannabis médical » étatique ». Ce fax était accompagné d’un certificat établi par le Dr. (B), intitulé « Ordonnance médicale n°…» daté du 10 février 2022. Par ce document, le Dr. (B) confirme que Monsieur (A) était inscrit « dans le programme du cannabis médical gouvernemental à la date du 5 février 2022 ». Par un second fax envoyé le 12 avril 2022, le litismandataire du demandeur transmit au ministre un courrier dressé par le Dr. (B), intitulé « Certificat médical » et daté du 28 mars 2022. Dans ce document, le Dr. (B) confirme que Monsieur (A) était inscrit « dans le programme du cannabis médical dans le cadre d’un syndrome de douleurs chroniques justifiant le contexte d’une maladie grave avérée ».

- en troisième lieu, les auditions de Monsieur (A) devant la commission médicale le 3 février 2022 où il affirme « ne plus consommer de THC depuis le 8.2019 » ainsi que le 9 septembre 2022, où il déclare « Le soir, je prends du cannabis médical pour mes douleurs chroniques. ».

En ce qui concerne les développements du demandeur, selon lesquels il aurait participé au « programme cannabis » au moment de la prise de la décision litigieuse, qu’il n’aurait commis « à l’étranger (D) » qu’un fait isolé sans antécédents spécifiques, qu’il éviterait de conduire pendant une période suffisamment longue après l’absorption du « médicament » en cause, qu’il ne constituerait pas un « danger public », qu’il ne se trouverait pas « dans un quelconque « état de dépendance » au vrai sens du terme » et qu’il conviendrait d’aborder son traitement « antidouleur » de manière similaire à d’autres substances susceptibles d’entraîner une incapacité temporaire à conduire, il est de l’entendement du tribunal que le demandeur entend, par ces développements, soulever une erreur manifeste d’appréciation de la part du ministre en contestant le fait qu’il souffrirait d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire au sens de l’article 2 de la loi du 14 février 1955.

A cet égard, le point 8.2 de l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, intitulé « Drogues et médicaments », dispose en son point a), intitulé « Abus », que « [l]e permis de conduire n’est ni délivré ni renouvelé si l’intéressé se trouve en état de dépendance vis-à-vis de substances à action psychotrope ou s’il en abuse régulièrement, sans être dépendant. […] ».

Il s’ensuit qu’une personne doit être considérée comme souffrant d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire si elle se trouve en état de dépendance vis-à-vis de substances à action psychotrope ou si elle en abuse régulièrement, sans être dépendante.

Dès lors et dans la mesure où les conditions prévues par l’article 77, point 8.2.a) de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, précitée, sont des conditions alternatives, le seul fait qu’une condition soit remplie dans le chef de l’intéressé est suffisant pour justifier qu’il souffre d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire6.

En l’espèce et en ce qui concerne la condition ayant trait à une dépendance du demandeur à l’égard de substances à action psychotrope, il ressort des pièces versées au dossier administratif, et plus précisément du rapport d’expertise toxicologique des cheveux du demandeur établi le 24 novembre 2021, une concentration de « THC » de « 0,40 ng/mg ». Ce résultat permet de conclure, comme retenu précédemment, que le demandeur a été en contact avec le cannabis ou en a consommé régulièrement au cours des 21 mois ayant précédé le prélèvement capillaire.

Par ailleurs, ce résultat est corroboré par les propres déclarations du demandeur, qui a reconnu une consommation régulière de « THC », tant dans le cadre du rapport d’expertise toxicologique établi le 24 novembre 2021 que devant la commission médicale lors des auditions du 3 février 2022 et du 9 septembre 2022.

De surcroît, le demandeur a lui-même déclaré qu’il participait au « programme « cannabis médical » étatique » pour lutter contre ses douleurs et qu’il consommait du cannabis quotidiennement dans ce cadre. A cet égard, il est à juste titre soutenu par le délégué du gouvernement que le « cannabis médical » constitue une substance à action psychotrope au même titre que toutes les autres, étant donné que les articles 2 et 12 de la loi du 14 février 1955 ainsi que les articles 77 et 90 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 ne prévoient aucune distinction en la matière.

Partant, force est au tribunal de constater que, si les éléments susmentionnés permettent effectivement d’établir une consommation régulière par le demandeur d’une substance à action psychotrope, à savoir du « THC », ils ne suffisent en revanche pas, en l’absence de pièces 6 Trib. adm., 4 octobre 2022, n° 45618 du rôle, disponibles sur : www.jurad.etat.lu.

complémentaires, à conclure ipso facto que cette consommation serait d’une intensité telle que son arrêt provoquerait un ensemble de troubles physiques et psychiques caractérisant un état de dépendance chez le demandeur, étant encore relevé à cet égard qu’aucun élément versé en cause ne fait état d’un tel état de dépendance.

Il s’ensuit qu’il n’est pas avéré que la première condition inscrite au point 8.2.a) de l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, condition ayant trait à un état de dépendance de l’intéressé à l’égard de substances à action psychotrope est remplie en l’espèce.

Concernant la deuxième condition figurant au même point 8.2.a) de l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, relative à un abus régulier de substances à action psychotrope, force est de retenir que les éléments précédemment exposés, à savoir (i) le rapport d’expertise toxicologique des cheveux du demandeur établi le 24 novembre 2021, (ii) les aveux du demandeur devant la commission médicale selon lesquels, en substance, il consomme quotidiennement du cannabis, et (iii) sa participation à un « programme « cannabis médical » étatique », en l’absence d’éléments contraires, ne permettent pas de considérer le demandeur comme un simple consommateur occasionnel de substances à action psychotrope, mais davantage comme un consommateur régulier, voire quotidien de ces substances.

Il échet, par conséquent, au tribunal de retenir que la deuxième condition prévue par le point 8.2.a) de l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, laquelle a trait à un abus régulier de substances à action psychotrope, est remplie dans le chef du demandeur, de sorte que le ministre a valablement pu retenir qu’il souffre d’une infirmité ou d’un trouble susceptible d’entraver son aptitude à conduire.

Cette conclusion ne saurait être énervée par le fait que le demandeur n’aurait commis « à l’étranger (D) » qu’un fait isolé sans antécédents spécifiques, alors que cette information est sans pertinence pour déterminer si le demandeur est un consommateur occasionnel ou non de substances à action psychotrope et, par conséquent, pour apprécier s’il souffre d’une infirmité ou d’un trouble susceptible d’entraver son aptitude à conduire ou non. Il en va de même pour les développements du demandeur selon lesquels il éviterait de conduire pendant une période suffisamment longue après l’absorption du « médicament » en cause, ou qu’il ne constituerait pas un « danger public », ces affirmations demeurant, en l’absence de tout preuve tangible à l’appui, à l’état de pures allégations.

Dès lors, les moyens du demandeur tendant à établir une erreur manifeste d’appréciation de la part du ministre dans la décision déférée sont à rejeter.

En ce qui concerne, enfin, la référence faite par le demandeur au jugement rendu par le tribunal administratif le 19 mai 2021, inscrit sous le numéro 43584 du rôle, celui-ci n’est pas de nature à remettre en cause les conclusions du tribunal dans le cadre du recours sous analyse.

En effet, il ressort dudit jugement que le demandeur, dans le cadre de ce jugement, avait été qualifié de consommateur occasionnel de substances à action psychotrope, qualification que le demandeur, dans le cadre du recours sous analyse, est resté en défaut de démontrer. Au contraire, comme retenu précédemment, les éléments versés en cause dans le cadre du recours sous analyse font ressortir que le demandeur consomme de manière régulière, voire quotidienne, des substances à action psychotrope. Dès lors, et à la conviction du tribunal, il apparaît que le demandeur remplit la deuxième condition prévue par le point 8.2.a) de l’article 77 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, laquelle a trait à un abus régulier de substances à action psychotrope. Par conséquent, le demandeur est à considérer comme une personne souffrant d’infirmités ou de troubles susceptibles d’entraver ses aptitudes ou capacités de conduire, de sorte que le ministre a pu, à bon droit, lui retirer son permis de conduire et refuser sa restitution sur la base de l’article 2 de la loi du 14 février 1955.

Au vu des considérations qui précèdent et à défaut pour le demandeur d’établir, par ailleurs un excès ou détournement de pouvoir sinon une violation de la loi, il y a lieu de conclure que le recours n’est justifié en aucun de ses moyens et qu’il est à rejeter pour ne pas être fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;

déclare le recours irrecevable en ce qu’il est dirigé contre l’arrêté du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 9 mars 2022 et contre la décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 4 mai 2022 ;

reçoit, en la forme, le recours principal en annulation dirigé contre la décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 26 septembre 2022 ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 23 avril 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Carine REINESCH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 23 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 48324
Date de la décision : 23/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 03/05/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-23;48324 ?

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