Tribunal administratif N° 52668 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52668 5e chambre Inscrit le 7 avril 2025 Audience publique du 16 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52668 du rôle et déposée le 7 avril 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Hugo Manuel DELGADO DIAS, avocat à la Cour, assisté de Maître Ibrahim Dit Yaya DEME, avocat, tous les deux inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Sénégal), de nationalité sénégalaise, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant, d’après le dispositif de la requête introductive d’instance, auquel le tribunal est seul tenu, à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 2 avril 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 6 avril 2025 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 9 avril 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Ibrahim Dit Yaya DEME, en remplacement de Maître Hugo Manuel DELGADO DIAS, et Monsieur le délégué du gouvernement Luca ESTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
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Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, région …, référencé sous le numéro…, du 6 mars 2025, que le même jour, Monsieur (A) fut interpellé par les forces de l’ordre suite à des faits d’usage d’une carte d’identité portugaise falsifiée.
Par arrêté du même jour, notifié au concerné à la même date, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et lui interdit l’entrée sur ledit territoire pour une durée de cinq ans.
Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé également à la même date, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification dudit arrêté, ce dernier étant fondé sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
1Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no … du 6 mars 2025 établi par la Police grand-ducale, Commissariat … ;
Vu que l’intéressé a essayé de s’inscrire à une adresse au Luxembourg avec une carte d’identité portugaise falsifiée ;
Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant que l'intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par courrier électronique du 10 mars 2025, les autorités luxembourgeoises saisirent leurs homologues italiens d’une demande de réadmission du demandeur sur base de l’article 6, paragraphe (2) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115/CE », demande qui fut refusée le même jour au motif que le titre de séjour du concerné avait expiré le 14 septembre 2024 sans que ce dernier n’ait demandé son renouvellement.
Par arrêté du 2 avril 2025, notifié à l’intéressé le 4 avril 2025, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet au 6 avril 2025, ce dernier étant fondé sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 6 mars 2025, notifié le même jour, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 6 mars 2025 subsistent dans le chef de l'intéressé ;
Considérant que les démarches en vue de l'éloignement ont été engagées ;
Considérant que ces démarches n'ont pas encore abouti ;
Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure de l'éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 avril 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant, d’après le dispositif de la requête introductive d’instance, auquel le tribunal est seul tenu, à la réformation de la décision ministérielle précitée du 2 avril 2025.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, 2le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.
Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur réitère, en substance, les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, tels que repris ci-avant.
En droit et quant à la légalité externe de l’arrêté du « ministre de l’Immigration et de l’Asile », le demandeur se rapporte à prudence de justice.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, le demandeur soulève tout d’abord une violation de l’article 34 de la loi du 29 août 2008, en faisant valoir qu’une mesure de rétention constituerait une atteinte à sa liberté de mouvement et qu’il ne se trouverait pas en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, dès lors qu’il serait titulaire d’un titre de séjour italien de sorte qu’il ne serait, de ce fait, pas soumis à l’obligation de disposer d’un visa pour entrer sur le territoire luxembourgeois.
En s’appuyant sur l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, il estime ensuite que le dispositif d’éloignement ne serait pas en cours ni ne serait exécuté avec la diligence requise, l’exécution de la mesure d’éloignement à son encontre étant, d’après le demandeur, impossible. A cet égard, il donne à considérer que son identité serait clairement établie, qu’il disposerait d’un titre de séjour italien, lequel serait actuellement en cours de renouvellement, et d’un récépissé de sa demande de renouvellement afférente, qu’il disposerait d’une adresse au Luxembourg et que ses attaches privées et professionnelles se situeraient en Italie. Il ajoute que la mesure de rétention l’empêcherait d’entreprendre les démarches nécessaires aux fins de finaliser le renouvellement de son titre de séjour en Italie et qu’il n’aurait aucune attache au Sénégal, son pays d’origine.
Par ailleurs, il invoque une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CEDH », en faisant valoir que les mesures de rétention et d’éloignement porteraient une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale au regard de ses attaches privées et familiales en Italie ainsi qu’au regard du fait qu’il disposerait d’une adresse au Luxembourg.
Le demandeur conteste encore l’existence d’un risque de fuite dans son chef, alors qu’il disposerait d’un logement au Luxembourg, ceci d’autant plus que toutes ses attaches se trouveraient en Italie.
Enfin, il soutient que les mesures moins coercitives telles que l’assignation à résidence bénéficieraient d’une priorité par rapport à un placement en rétention, tout en rappelant qu’il disposerait d’une adresse au Luxembourg.
Au regard de ses développements repris ci-dessus, il conclut à la réformation de la décision litigieuse et demande sa remise en liberté immédiate sinon sa remise aux autorités italiennes compétentes.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
3Appréciation du tribunal En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
S’agissant d’abord de la légalité externe de l’arrêté du « ministre de l’Immigration et de l’Asile », le tribunal constate que le demandeur se contente de se rapporter à prudence de justice, sans développer une argumentation y afférente.
Or, s’il est exact que le fait pour une partie de se rapporter à prudence de justice équivaut à une contestation1, il n’en reste pas moins qu’une contestation non autrement étayée est à écarter, étant donné qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence du demandeur et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions2.
Dès lors, les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet, étant encore relevé que l’arrêté litigieux a été pris par le ministre des Affaires intérieures et non pas par le « ministre de l’Immigration et de l’Asile », tel que soutenu par le demandeur.
S’agissant ensuite de la légalité interne de la décision déférée, il échet de rappeler que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 dispose que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour 1 Trib. adm., 27 octobre 2004, n° 17634 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 930 (1er volet) et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 23 janvier 2013, n° 30455 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 930 (2e volet) et les autres références y citées.
4ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour comportant une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans a été prise à son encontre le 6 mars 2025, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et que le concerné ne dispose ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
Ce constat n’est pas énervé par l’argumentation du demandeur tendant à une violation de l’article 34 de la loi du 29 août 2008 alors qu’il serait en séjour régulier au Luxembourg sur base d’un titre de séjour italien. En effet, il convient de relever que, contrairement aux affirmations de l’intéressé, il ressort du dossier administratif ainsi que des pièces versées en cause par le demandeur, que le titre de séjour italien de l’intéressé avait expiré le 14 septembre 2024, de sorte qu’il ne saurait s’en prévaloir pour établir qu’il serait en séjour régulier sur le territoire luxembourgeois conformément à l’article 34 de la loi du 29 août 2008, étant encore relevé que ses développements relatifs à une prétendue preuve d’un rendez-vous de renouvellement de son titre de séjour expiré en Italie, rédigée en langue italienne, versée à l’appui de la requête introductive d’instance, n’a pas été traduite dans l’une des trois langues administratives, mettant ainsi le tribunal dans l’impossibilité de la prendre en compte.
Le moyen afférent est dès lors à rejeter.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel 5« […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figurent justement celles d’être en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité ou d’une autorisation de voyage en cours de validité et de ne pas faire, tel que c’est le cas pour le demandeur, l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire, telles que prévues au paragraphe (2), points 1. et 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il reste en défaut de faire.
Au contraire, outre le fait qu’il a fait usage d’une carte d’identité portugaise falsifiée, le demandeur affirme dans le cadre de sa requête introductive d’instance s’opposer à la mesure de rétention, alors que celle-ci l’empêcherait d’entreprendre les démarches nécessaires aux fins de finaliser le renouvellement de son titre de séjour en Italie où il disposerait d’un rendez-vous à cet effet, et précise que ses attaches privées et professionnelles se situeraient en Italie, étant relevé que le risque de fuite se définit comme le risque de se soustraire à sa mesure d’éloignement, soit en l’occurrence à la mainmise des autorités luxembourgeoises. Ce constat n’est pas énervé par les développements du demandeur selon lesquels il disposerait d’un logement au Luxembourg alors qu’il reste en défaut d’étayer cette affirmation par des pièces, notamment un prétendu contrat de bail, l’extrait bancaire versé en cause par le demandeur renseignant un virement en date du 22 février 2025 de … euros au titre de « (AA) per acompte location chambre » sans renseigner le donneur d’ordre étant insuffisant à cet égard.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant de l’argumentation de l’intéressé selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, disposition légale non expressément visée par le demandeur, et notamment d’une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale dispose que : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le 6ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes3.
Or, le tribunal est amené à constater, tel que relevé ci-avant, que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef.
Il échet de relever que l’intéressé ne peut pas se prévaloir d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg, ni d’une quelconque autre attache. En effet, ce dernier n’a, tel que relevé ci-
avant, versé en cause ni le contrat de bail dont il prétend disposer, ni une preuve de paiement de loyer afférente.
La présomption d’un risque de fuite dans le chef du demandeur est au contraire renforcée par ses propres affirmations, tel que retenu ci-avant. En effet, ce dernier soutient lui-
même notamment que la mesure de rétention l’empêcherait d’entreprendre les démarches nécessaires aux fins de finaliser le renouvellement de son titre de séjour en Italie où il 3 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.
7disposerait d’un rendez-vous à cet effet et que ses attaches privées et professionnelles se situeraient en Italie.
Par ailleurs, le demandeur n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement l’assignation à résidence visée au point b) dudit paragraphe, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Il s’ensuit que le moyen tiré du caractère prétendument disproportionné de la mesure litigieuse de prorogation du placement en rétention, respectivement d’une application erronée des dispositions légales applicables est à rejeter pour ne pas être fondé.
En ce qui concerne encore les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de permettre l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, et concernant d’abord plus particulièrement son argumentation suivant laquelle il disposerait d’un récépissé d’une demande de renouvellement de son titre de séjour italien expiré ainsi que sa demande d’être remis aux autorités italiennes compétentes alors qu’il n’aurait aucune attache au Sénégal, son pays d’origine, il y a lieu de relever que, dans la mesure où la présente affaire vise une décision ministérielle ayant ordonné la prorogation d’une mesure de placement en rétention, celles-ci sont à rejeter pour défaut de pertinence en ce qu’elles concernent une décision de retour respectivement d’éloignement ne faisant pas l’objet du présent recours.
En ce qui concerne ensuite l’argumentation du concerné ayant trait à une prétendue impossibilité d’exécution de la mesure d’éloignement, le tribunal constate qu’il ressort du dossier administratif que par courrier électronique du 10 mars 2025, les autorités luxembourgeoises ont saisi leurs homologues italiens d’une demande de réadmission du demandeur sur base de l’article 6, paragraphe (2) de la directive 2008/115/CE, demande qui a été refusée le même jour au motif que le titre de séjour du concerné avait expiré le 14 septembre 2024 sans que ce dernier n’ait demandé son renouvellement.
Il en ressort encore que par courrier du même jour, le ministre a adressé à l’ambassade de la République du Sénégal une demande de délivrance d’un laissez-passer dans le chef de l’intéressé. Suite à divers échanges de courriers électroniques entre les autorités luxembourgeoises et les autorités consulaires sénégalaises, une entrevue entre ces dernières et l’intéressé a été fixée au 26 mars 2025, entrevue qui n’a, tel qu’il ressort desdits échanges, finalement pas eu lieu, le demandeur ayant remis son passeport aux autorités luxembourgeoises et affirmé vouloir retourner dans son pays d’origine.
Il ressort en outre desdits échanges qu’en date du 20 mars 2025, les autorités consulaires sénégalaises se sont entretenues au téléphone avec l’intéressé, et que suite à cet entretien téléphonique, les autorités luxembourgeoises ont fait parvenir aux autorités consulaires sénégalaises les documents nécessaires en vue de la délivrance dudit laissez-passer.
8Par courrier du même jour, les autorités luxembourgeoises ont contacté la police grand-
ducale, unité de garde et d’appui opérationnel, service de garde et de protection, en vue d’organiser l’éloignement du demandeur vers le Sénégal.
Force est ainsi de constater, au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités étrangères, que c’est à tort que le demandeur estime que le ministre n’aurait pas accompli les démarches appropriées et nécessaires afin de préparer son éloignement rapide du territoire luxembourgeois. Les démarches concrètement entreprises en l’espèce par l’autorité ministérielle luxembourgeoise doivent, au contraire, être considérées comme étant à ce stade suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Il y a également lieu de relever qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.
Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.
En ce qui concerne finalement le moyen du demandeur suivant lequel, eu égard à ses prétendues attaches privées et familiales en Italie ainsi qu’au fait qu’il disposerait d’une adresse au Luxembourg, la décision litigieuse, d’une part, et la mesure d’éloignement, d’autre part, violeraient l’article 8 de la CEDH, garantissant la protection de la vie privée et familiale, il convient de rappeler, tel que relevé ci-avant, que l’objet de la décision déférée est limité à une mesure tendant à assurer la présence physique de la personne concernée sur le territoire luxembourgeois en vue de l’exécution matérielle d’une mesure d’éloignement, à savoir la décision de retour du 6 mars 2025, laquelle ne fait pas l’objet du présent recours. Par conséquent, ledit moyen basé sur une violation de l’article 8 de la CEDH, lequel reste par ailleurs à l’état de pure allégation, ne saurait être utilement invoqué dans le cadre d’un recours visant exclusivement la décision de prorogation du placement en rétention de l’intéressé, de sorte qu’il est à rejeter.
A titre superfétatoire, pour autant que le demandeur, à travers son affirmation non autrement circonstanciée qu’une mesure de rétention constituerait une atteinte à sa liberté de mouvement, ait entendu invoquer une violation de l’article 5 de la CEDH, aux termes duquel :
« 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] », il y a lieu de rappeler que ledit article 5, paragraphe (1), prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays4.
4 Trib. adm., 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.
9Dans un arrêt du 15 décembre 20165, la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », a retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir. Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».
En l’espèce, étant donné, d’une part, que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour en date du 6 mars 2025, de sorte à se trouver en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, et, d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement dont il fait l’objet en exécution de ladite décision de retour est menée avec la diligence requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5, paragraphe (1) de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.
Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 16 avril 2025 par :
Laura Urbany, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, Izabela Golinska, attaché de justice délégué, en présence du greffier Lejila Adrovic.
s. Lejila Adrovic s. Laura Urbany Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 16 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 5 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.