Tribunal administratif N° 49027 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49027 1re chambre Inscrit le 9 juin 2023 Audience publique extraordinaire du 4 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du bourgmestre de la commune de Sanem, en présence de Monsieur (B), Belvaux, en matière de permis de construire
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49027 du rôle et déposée le 9 juin 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Pierrot SCHILTZ, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurent à L-…, tendant à l’annulation d’une « décision d’autorisation de bâtir n°(D1) de Madame la bourgmestre de la commune de Sanem […], rendue en date du 9 mars 2023, autorisant la réalisation d’une protection sur un mur existant sis à L-… (Parcelle n°(P1), Section …), pour le compte de Monsieur (B) […] » ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en remplacement de l’huissier de justice Martine LISÉ, demeurant à Luxembourg, du 20 juin 2023, portant signification de ce recours 1) à l’administration communale de Sanem, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions, ayant sa maison communale à L-4477 Belvaux, 60, rue de la Poste, et 2) à Monsieur (B), demeurant à L-… ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour de Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, déposée le 26 juin 2023 au greffe du tribunal administratif, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 14 novembre 2023 par Maître Julie ASSELBOURG, au nom de Monsieur (B), préqualifié ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 17 novembre 2023 par Maître Steve HELMINGER, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 15 décembre 2023 par Maître Pierrot SCHILTZ, au nom de Monsieur (A), préqualifié ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 11 janvier 2024 par Maître Steve HELMINGER, au nom de l’administration communale de Sanem, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 12 janvier 2024 par Maître Julie ASSELBOURG, au nom de Monsieur (B), préqualifié ;
1 Vu les pièces versées en cause et notamment la décision attaquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Monsieur (C3) BIEWER, en remplacement de Maître Pierrot SCHILTZ, Maître Steve HELMINGER et Maître Julie ASSELBOURG en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 15 janvier 2025.
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Le 8 juillet 2004, le bourgmestre de la commune de Sanem, ci-après désigné par « le bourgmestre », délivra aux « Consorts (AB) » l’autorisation, référencée sous le numéro (D2), « pour la transformation et l’agrandissement de l’immeuble existant en un immeuble à 3 appartements et pour la démolition de l’annexe existante aux lots 1, 2 et 4 ; rue … à … ».
Par partage d’ascendant du 20 octobre 2004, Monsieur (C1) et Monsieur (C2), ci-après désignés par « les époux C », attribuèrent la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Sanem, section … de …, sous le numéro (P2), ci-après désignée par la « parcelle (P2) », à leurs fils Monsieur (B), Monsieur (C3) et Monsieur (A), de la manière suivante :
- en ce qui concerne leurs fils Monsieur (B) et Monsieur (C3):
o attribution à chacun pour la moitié indivise en pleine propriété, (i) d’une partie de 3 ares et 79 centiares de la parcelle (P2), correspondant au lot numéro 1, « maison-bâtiment », et (ii) d’une partie d’1 are et 36 centiares, correspondant au lot numéro 2, « bâtiment(partie) », parties de terrain qui se virent attribuées, par la suite, de nouveaux numéros cadastraux, à savoir le numéro cadastral (P3), ci-après désigné par la « parcelle (P3) », correspondant à la parcelle sur laquelle les deux frères construisirent une résidence, sise au numéro …, rue …, et le numéro cadastral (P1), ci-après désigné par la « parcelle (P1) », correspondant à la parcelle permettant l’accès aux garages de la prédite résidence ;
o attribution à chacun pour la moitié indivise en nue-propriété d’une partie de 2 ares et 77 centiares de la parcelle (P2), correspondant au lot numéro 3/2, « granges-place », devenue par la suite le nouveau numéro cadastral (P4), ci-après désigné par la « parcelle (P4) » ;
- en ce qui concerne leur fils Monsieur (C3) : attribution d’une partie de 3 ares et 28 centiares de la parcelle (P2), correspondant au lot numéro 3/1, « place », devenue par la suite le nouveau numéro cadastral (P5), ci-après désigné par la « parcelle (P5) », parcelle sur laquelle il construisit, en 2016, une maison unifamiliale, sise au numéro …, rue ….
Le partage d’ascendant du 20 octobre 2004 fixa encore pour toutes ces parcelles « […] une servitude de passage à exercer à pied ou par tout véhicule sur une bande de trois mètres le long de la limite arrière [de chaque] lot […] », de sorte à prévoir, entre autres, et en tenant compte de la numérotation actuelle des parcelles, une servitude de passage à garantir par les sieurs Monsieur (B) et Monsieur (C3) (i) en tant que copropriétaires de la parcelle (P1), au profit de la parcelle (P5), appartenant à Monsieur (A), et de la parcelle (P4), appartenant en nue-propriété indivise à eux-mêmes, et (ii) en tant que nues-propriétaires, chacun pour une moitié indivise, de la parcelle (P4), au profit de la parcelle (P5), appartenant à Monsieur (A).
2Par donation du 29 octobre 2009, Monsieur (C3) donna sa moitié indivise en nue-
propriété de l’actuelle parcelle (P4) à ses frères, Monsieur (B) et Monsieur (C3), à chacun pour la moitié indivise.
En date du même jour, les époux C renoncèrent à l’usufruit viager en ce qu’il portait sur l’actuelle parcelle (P4), de sorte que Monsieur (B) devint plein propriétaire à hauteur de trois quarts de ladite parcelle, tandis que Monsieur (A) en devint plein propriétaire à hauteur d’un quart.
En date du 7 juillet 2016, Monsieur (A) vendit son quart de l’actuelle parcelle (P4) à Monsieur (B), qui y construisit, la même année, une maison unifamiliale.
Par courrier de son litismandataire du 15 mars 2022, Monsieur (A) s’adressa à Monsieur (B), dans les termes suivants :
« […] Mon mandant me renseigne que vous avez construit un mur en violation de la servitude, actée par acte notarial qui est annexé à toutes fins utiles à la présente.
En effet, l’acte signé en date du 20 octobre 2004 par-devant Monsieur le Notaire … oblige les parties à l’acte à constituer « au profit des lots 3/1, 3/2, 6 et 8 une servitude de passage à exercer à pied ou par tout véhicule sur une bande de trois mètres le long de la limite arrière dudit lot servant, ladite bande teinte en jaune sur le plan ci-annexé » (p.4).
Or avec le mur que vous avez construit et dont photo est annexé au présent courrier, vous empêchez le sieur Monsieur (C3), respectivement son locataire, à accéder à sa parcelle, référenciée sous le numéro 3/1 sur le plan cadastral de l’époque du passage à l’acte.
Partant, il est incontestable que le mur litigieux construit par vos soins constitue une violation du droit de passage de mon mandant, de sorte que je vous mets formellement en demeure de démolir ce mur dans la quinzaine. […] ».
Par courrier électronique du 13 octobre 2022, Monsieur (A) informa la commune de Sanem, ci-après désignée par « la commune », (i) de l’existence d’un mur, construit sans autorisation, sur la parcelle (P4), soit au numéro …, rue …, alors qu’une servitude de passage établie par acte notarié serait prévue pour les quatre parcelles situées aux numéros …, …, … et …, rue …, ainsi que (ii) de l’installation d’un mur vitré, l’empêchant d’accéder à l’arrière de sa maison sise au numéro …, rue ….
Par courrier du 26 octobre 2022, le bourgmestre s’adressa à Monsieur (B) dans les termes suivants :
« […] Par la présente, nous tenons à vous informer que la commune vient d’être saisie dans une affaire mettant en cause la conformité des travaux dans votre immeuble, sis au …, rue … à ….
Nous vous rappelons que chaque construction, démolition, transformation ou aménagement doit être soumis à l’approbation de Madame la Bourgmestre. Par conséquent, tous les travaux doivent être arrêtés avec effet immédiat.
3Afin de clarifier la situation, nous vous demandons de bien vouloir prendre contacte avec le service de l’urbanisme et des bâtisses au plus tard 1 semaine après réception de la présente lettre. […] ».
Le 13, respectivement 14 février 2023, Monsieur (B) formula trois demandes en obtention d’une autorisation de construire, visant chacune la construction d’un pare-vue en verre d’une « longueur de 4 m […] érigé afin de prévenir des accidents due à la différence de niveau entre le terrain et la cour pour accéder aux garages de la résidence ». La première de ces demandes visa plus particulièrement la construction d’un tel pare-vue sur la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Sanem sous le numéro (P6), ci-après désignée par la « parcelle (P6) », et en limite de la parcelle (P1), la deuxième demande visa une telle construction sur la parcelle (P1) et en limite de la parcelle (P6), et la troisième demande visa une telle construction sur la parcelle (P1) et en limite de la parcelle (P6), ainsi que sur la parcelle (P1) et en limite de la parcelle (P4).
Le 9 mars 2023, le bourgmestre délivra à Monsieur (B) :
- une autorisation de construire, référencée sous le numéro (D3), « pour la mise en place d’un pare vue » sur la parcelle (P6) ;
- une autorisation de construire, référencée sous le numéro (D4), « pour la mise en place d’un pare vue » sur la parcelle (P6) ; et - une autorisation de construire, référencée sous le numéro (D1), « pour la réalisation d’une protection (sur le mur existant) » sur la parcelle (P1).
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 juin 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à l’annulation de l’autorisation de construire, référencée sous le numéro (D1), ci-après désignée par « l’Autorisation de construire ».
I. Quant à la compétence du tribunal Aucun recours au fond n’étant prévu en matière d’autorisation de construire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.
II. Quant à la recevabilité du recours Positions respectives des parties Dans leurs mémoires en réponse respectifs, tant Monsieur (B) que l’administration communale de Sanem, ci-après désignée par « l’administration communale », concluent à l’irrecevabilité du recours en annulation dirigé contre l’Autorisation de construire pour défaut d’intérêt à agir dans le chef du demandeur.
Il y a, à cet égard, lieu de relever qu’à l’appui de son recours, le demandeur explique tout d’abord que les parcelles (P5), (P4) et (P1) seraient directement voisines et que les immeubles situés sur les parcelles (P5) et (P4), longeant la rue …, seraient accolés, de sorte qu’il ne pourrait accéder à l’arrière de sa propriété, à savoir la parcelle (P5), qu’en passant par une des autres parcelles, appartenant à Monsieur (B), qui seraient grevées, à cette fin, d’une servitude de passage. Monsieur (B) aurait, toutefois, fait ériger – il y a plusieurs années – un mur sur la limite séparative des parcelles, pour ensuite installer sur ce mur les panneaux litigieux.
4Le demandeur fait remarquer, dans ce contexte, (i) que l’installation de ces panneaux n’aurait été autorisée que deux ans après leur installation par l’Autorisation de construire et (ii) que le mur préexistant aurait déjà porté atteinte à la servitude de passage, telle que figurant dans l’acte de partage d’ascendant du 20 octobre 2004. Il n’aurait cependant jamais contesté ce mur, ni d’ailleurs, jusqu’au présent recours, les panneaux litigieux, alors que Monsieur (B) lui aurait permis d’accéder à sa parcelle (P5) à l’aide d’un portail existant sur les parcelles (P6) et (P7). Au cours de l’année 2022, Monsieur (B) aurait toutefois fermé durablement cet accès en installant sur ce portail une serrure avec chaîne. De ce fait, il se trouverait « totalement encerclé » et ne pourrait plus accéder à son jardin, sauf en passant par l’intérieur de sa maison.
Monsieur (A) conclut à l’existence d’un intérêt à agir manifeste, suffisamment personnel, légitime et actuel dans son chef, en raison du fait que l’Autorisation de construire, en permettant l’installation du pare-vue litigieux sur le mur existant – méconnaissant déjà la servitude de passage dont il bénéficierait –, affecterait de manière directe et certaine sa situation.
Dans son mémoire en réplique, le demandeur réfute l’affirmation de l’administration communale selon laquelle l’Autorisation de construire ne lui causerait aucun préjudice. Il estime, au contraire, que son préjudice se concrétiserait pour deux raisons.
En effet, à défaut de fermeture du portail existant sur les parcelles (P6) et (P7), il « n’aurait concrètement qu’un préjudice limité, alors que l’accès à sa propriété aurait du moins factuellement existée ». Or, avec la fermeture du portail, « des circonstances indépendantes de l’autorisation de construire remise en question par la présente action [auraient] aggravé [son] préjudice ».
En outre, par la construction d’un mur sur lequel il aurait ensuite installé des pares-vues non autorisés, Monsieur (B) obligerait l’administration communale à prendre des décisions administratives visant à officialiser et, en quelque sorte, à « régulariser » une situation préjudiciable, et ce en violation de ses droits civils.
Ne pouvant pas « tolérer la situation factuelle comme elle se présente[rait] » à l’heure actuelle, le demandeur considère son préjudice comme établi.
Appréciation du tribunal Le tribunal relève que l’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux. En matière de contentieux administratif, portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut en tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par le juge administratif1.
Par ailleurs, toute partie demanderesse introduisant un recours contre une décision administrative doit justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général. Si les voisins proches ont un intérêt évident à voir respecter les règles applicables en matière d’urbanisme, cette proximité de situation constitue certes un indice pour établir l’intérêt à agir, mais ne suffit pas à elle seule pour le fonder. Il faut de surcroît que l’inobservation éventuelle de ces règles 1 Cour adm. 14 juillet 2009, n° 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse n° 2 et les autres références y citées.
5soit de nature à entraîner une aggravation concrète de leur situation de voisin2. En d’autres termes, il faut que la construction litigeuse affecte directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien d’un demandeur, lequel doit ainsi voir sa situation s’aggraver effectivement et réellement3, la simple qualité de voisin, même direct, étant dès lors insuffisante pour justifier un intérêt à agir dans le chef du demandeur. C’est, en effet, au regard de l’incidence concrète4 du projet sur la situation du demandeur que l’intérêt pour agir de ce demandeur devant le juge de l’excès de pouvoir doit être apprécié. Ainsi, le juge tiendra compte pour apprécier la qualité de voisins d’une construction autorisée par le permis de construire querellé, à la fois, de la distance entre le projet et leurs domiciles respectifs, de la nature et de l’importance du projet, ainsi que de la configuration des lieux.
En tout état de cause, l’intérêt à agir s’apprécie non pas de manière abstraite, par rapport à la seule qualité de propriétaire d’un immeuble voisin, mais concrètement au regard de la situation de fait invoquée5. Le juge doit ainsi rechercher si la construction est susceptible d’avoir une incidence sur la situation du demandeur compte tenu de sa proximité par rapport à son domicile ou des caractéristiques mêmes de la commune : un administré ne peut valablement recourir contre une décision individuelle qu’à condition que celle-ci lui fasse grief, c’est-à-dire qu’elle aggrave effectivement et réellement, à la date de l’introduction du recours, sa situation personnelle.
En effet, pour justifier d’un intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir de la lésion d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle6. Ainsi, il faut non seulement que la décision querellée entraîne des conséquences fâcheuses pour le demandeur, mais encore que l’annulation poursuivie mette fin à ces conséquences7.
En l’espèce, il appartient au tribunal d’analyser si l’Autorisation de construire heurte les intérêts du demandeur et corrélativement si l’annulation de celle-ci peut y remédier.
A ce sujet, il y a lieu de préciser que l’Autorisation de construire a pour seul objet d’autoriser ex post l’installation d’un pare-vue sur un mur préexistant sur la parcelle (P1). Il s’ensuit qu’à travers le présent recours, le tribunal est uniquement saisi de l’autorisation délivrée par la commune à Monsieur (B) pour l’installation d’un pare-vue sur le mur déjà érigé sur la parcelle (P1), sans pour autant être saisi d’une éventuelle autorisation concernant la construction de ce mur en tant que tel. Si le demandeur devait estimer que l’édification du mur serait contraire à la réglementation urbanistique de la commune de Sanem, il lui aurait appartenu d’introduire un recours contre l’autorisation permettant cette construction ou d’entamer toute autre démarche s’il estimait que ce mur était construit en l’absence de toute autorisation y relative. Il s’ensuit que les développements de Monsieur (A) relatifs à la légalité du mur ne sont pas pertinents pour justifier son intérêt à agir contre l’Autorisation de construire.
2 Trib. adm., 22 janvier 1997, n° 9443 du rôle, confirmé par Cour adm., 24 juin 1997, n° 9843C du rôle, Pas. adm.
2024, V° Procédure contentieuse, n° 98 et les autres références y citées.
3 Trib. adm., 21 février 2018, n° 38029 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 98 et les autres références y citées.
4 Cour adm. 12 décembre 2017, n° 39672C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
5 Trib. adm., 8 décembre 2003, n° 16236 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse n° 122 et les autres références y citées.
6 Trib. adm. 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 13 et les autres références y citées.
7 En ce sens : Trib. adm. 7 novembre 2016, nos 36132 et 36133 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 15 et les autres références y citées.
6 Ensuite, le tribunal relève que pour que le demandeur ait un intérêt à agir contre l’Autorisation de construire, la mise en place du pare-vue litigieux sur la parcelle (P1) doit affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de sa parcelle (P5), de sorte à aggraver effectivement et réellement sa situation. Il se dégage, à ce sujet, des développements du demandeur que son préjudice résiderait dans l’impossibilité d’exercer la servitude de passage qui lui aurait été reconnue par le partage d’ascendant du 20 octobre 2004.
Le tribunal constate toutefois que Monsieur (A) reste en défaut de démontrer que son préjudice, lié à cette impossibilité d’exercer la servitude de passage, provient de la construction du pare-
vue telle qu’autorisée par l’Autorisation de construire, de même qu’il ne prouve pas dans quelle mesure une annulation de cette Autorisation aurait comme effet de mettre fin à son grief.
Il se dégage, en effet, des éléments du dossier que c’est, en réalité, la construction du mur – qui ne fait pas l’objet de l’Autorisation de construire dont est saisi le tribunal – qui constitue une restriction à l’exercice de la servitude figurant dans l’acte de partage d’ascendant du 20 octobre 2004. Le demandeur confirme, d’ailleurs, ce fait dans sa requête introductive d’instance en relevant que « ce mur a été construit en violation de la servitude de passage ».
Ce constat se déduit encore des photographies versées en cause, alors qu’à défaut d’escalader le mur existant sur la parcelle (P1) pour accéder à la parcelle (P4) avant d’atteindre sa parcelle (P5), Monsieur (A) ne pouvait, depuis la construction du mur, plus accéder à sa parcelle (P5) à travers les parcelles (P1) et (P4). Il en résulte que même si l’Autorisation de construire était annulée, de sorte que la régularisation de la construction d’un pare-vue sur ce mur serait in fine refusée, le demandeur ne pourrait toujours pas accéder à sa parcelle (P5) à travers les parcelles (P1) et (P4), alors que le mur – non visé par l’Autorisation de construire – resterait en place. Il s’ensuit que l’annulation de l’Autorisation de construire ne confère pas au demandeur une satisfaction certaine et personnelle.
En sus de ce qui précède, il y a lieu de noter que le demandeur indique lui-même dans ses écrits que jusqu’à la fermeture du portail se trouvant sur les parcelles (P6) et (P7), il n’a contesté ni le mur existant, ni le pare-vue litigieux, alors qu’il pouvait accéder à l’arrière de sa parcelle en traversant les parcelles (P6) et (P7). Ce n’est que depuis la fermeture de ce portail qu’il ne peut plus y accéder, le demandeur précisant, d’ailleurs, que « des circonstances indépendantes de l’autorisation de construire remise en question par la présente action ont aggravé [son] préjudice ». Il s’ensuit que le préjudice du demandeur trouve, en tout état de cause, son origine dans une situation de fait qui ne résulte pas de la construction d’un pare-vue sur le mur érigé sur la parcelle (P1).
Au vu de tout ce qui précède, le tribunal constate qu’il n’est pas démontré que l’acte déféré affecterait directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de la parcelle (P5) du demandeur d’une telle manière que celui-ci verrait sa situation s’aggraver effectivement et réellement, le préjudice du demandeur ne trouvant, en effet, tel que retenu ci-
avant, pas son origine dans l’installation d’un pare-vue telle qu’autorisée ex post à travers l’Autorisation de construire.
Il suit des considérations qui précèdent que le demandeur ne justifie pas d’un intérêt suffisant à agir à l’encontre de l’Autorisation de construire, de sorte que le recours sous analyse est à déclarer irrecevable.
En ce qui concerne la demande du demandeur relative à la condamnation de la commune à lui payer une indemnité de procédure d’un montant de 10.000 euros en application 7de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine. », cette demande est, au vu de l’issue du litige, à rejeter.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours en annulation irrecevable ;
rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 10.000 euros, telle que formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 4 avril 2025 par :
Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Annemarie THEIS, premier juge, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 8