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02/04/2025 | LUXEMBOURG | N°52605

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 02 avril 2025, 52605


Tribunal administratif N° 52605 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52605 1re chambre Inscrit le 28 mars 2025 Audience publique du 2 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous un autre alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52605 du rôle et déposée le 28 mars 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembour

g, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nati...

Tribunal administratif N° 52605 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52605 1re chambre Inscrit le 28 mars 2025 Audience publique du 2 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), connu sous un autre alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52605 du rôle et déposée le 28 mars 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, connu sous un autre alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 12 mars 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 31 mars 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marina LIFA, en remplacement de Maître Sanae IGRI, et Madame le délégué du gouvernement Linda MANIEWSKI en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 avril 2025.

Le 21 octobre 2024, Monsieur (A), connu sous un autre alias, ci-après désigné par « Monsieur (A) », introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, il fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, tel que confirmé par une recherche effectuée le même jour dans la base de données EURODAC, que Monsieur (A) avait préalablement introduit des demandes de protection internationale aux Pays-Bas en date des 10 octobre 2021 et 28 octobre 2023 et qu’il avait franchi irrégulièrement la frontière espagnole en date du 4 septembre 2024. Il s’avéra encore à cette occasion, suite à une recherche effectuée dans la base de données du système d’information Schengen (« SIS »), que Monsieur (A) faisait l’objet d’un signalement de la part des autorités néerlandaises en raison d’une « Interdiction d’accès/séjour » aux Pays-Bas, valable jusqu’au 3 avril 2026.

Le 21 octobre 2024, Monsieur (A) fut interpellé par les forces de l’ordre à la suite d’un vol à l’étalage.

Le 4 décembre 2024, il fit l’objet d’un contrôle policier dans le quartier de la gare de la Ville de Luxembourg, en raison d’une infraction à la législation sur les stupéfiants.

Par décision du 18 décembre 2024, notifiée à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Monsieur (A) du fait que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de le transférer dans les meilleurs délais vers l’Espagne sur base de l’article 28 (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 13 (1) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».

Le 28 janvier 2025, Monsieur (A) fit l’objet d’un contrôle d’identité par des agents de la police grand-ducale dans le quartier de la gare de la Ville de Luxembourg, dans le cadre d’une enquête sur des vols commis dans ce quartier.

Le 1er février 2025, il fut interpellé par les forces de l’ordre dans le même quartier pour suspicion de recel.

Le 12 février 2025, il fut transféré vers l’Espagne.

Le 12 mars 2025, Monsieur (A) fut à nouveau interpellé par des agents de la police grand-

ducale dans le quartier de la gare de la Ville de Luxembourg, dans le cadre d’une tentative de vol.

Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois et lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai.

Par arrêté séparé du 12 mars 2025, également notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :

« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;

Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;

Vu les différents rapports établis par la Police Grand-Ducale ;

Considérant que l’intéressé a déjà été transféré en date du 12 février 2025 vers l’Espagne en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

Considérant que l’intéressé est revenu au pays malgré la décision de transfert du 19 décembre 2024 ;

Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;

Considérant que l’intéressé fait l’objet d’un signalement dans le Système d’information Schengen (SIS) ;

Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l’intéressé, alors qu’il ne dispose pas d’une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;

2 Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;

Considérant que l’intéressé est signalé au système EURODAC comme ayant introduit plusieurs demandes de protection internationale sur le territoire des Etats membres, dont une au Luxembourg en date du 21 octobre 2024 ;

Considérant qu’une demande de reprise en charge en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 sera adressée aux autorités compétentes dans les meilleurs délais ;

Considérant que les démarches nécessaires en vue du transfert de l’intéressé vont être engagées ;

Considérant que l’exécution de la mesure de son transfert est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».

Par arrêté du 26 mars 2025, le ministre rapporta sa décision de retour du 12 mars 2025 et prit une décision de transfert vers l’Espagne à l’égard de Monsieur (A).

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 12 mars 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention.

Etant donné que l’article 123 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

A l’appui de son recours, le demandeur expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée.

En droit, après avoir souligné que le placement en rétention, qui constituerait une forme de privation de liberté au sens de l’article 5 (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH », devrait rester une ultima ratio, Monsieur (A) fait plaider que son placement au Centre de rétention ne serait ni nécessaire, ni justifié, ni proportionné et serait, dès lors, illégal, étant donné que conformément aux dispositions de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, il aurait appartenu au ministre de lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, telle qu’une assignation à résidence à la maison retour, alors qu’il présenterait des garanties de représentation suffisantes et qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef.

A cet égard, il soutient qu’il aurait exprimé sa volonté de respecter les obligations qui lui seraient imposées par le ministre en vue de l’organisation de son éloignement, qu’il aurait démontré sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, qu’il serait d’accord pour quitter le territoire luxembourgeois volontairement, qu’il afficherait un comportement irréprochable au Centre de rétention et qu’il serait une personne responsable, particulièrement bien intégrée et respectueuse.

En conclusion, le demandeur soutient, en substance, qu’au vu du caractère illégal de son placement en rétention, il devrait être immédiatement remis en liberté, conformément auxdispositions de l’article 15 (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par « la directive 2008/115 ».

En outre, le demandeur conteste, de l’entendement du tribunal, l’existence de chances raisonnables de croire que son transfert puisse être mené à bien, alors qu’à ce jour, les autorités consulaires espagnoles n’auraient pas encore répondu à la demande de prise en charge leur adressée le 17 mars 2025 par les autorités luxembourgeoises.

Par ailleurs, il reproche au ministre de ne pas avoir accompli les démarches nécessaires à son transfert avec la diligence requise afin d’écourter au maximum la durée de son placement en rétention. En effet, le ministre ne se serait plus enquis auprès des autorités espagnoles en vue de l’organisation de son transfert depuis le 17 mars 2025.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.

Le tribunal relève qu’aux termes de l’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».

Par ailleurs, en vertu de l’article 120 (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.

Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».

L’article 120 (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.

En vertu de l’article 120 (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.

En l’espèce, il est constant que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg et qu’il est démuni de tout document d’identité et de voyage valable.

Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111 (3) c), point 6. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité […] ».

Ainsi, le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120 (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.

S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention, et notamment une assignation à résidence, le tribunal relève qu’à cet égard, l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).

On entend par mesures moins coercitives :

a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;

b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.

La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;

c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès 5 de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.

Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».

Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125 (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111 (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes.1 En l’espèce, le tribunal constate que le demandeur ne lui a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption du risque de fuite qui existe dans son chef, tel que retenu ci-avant.

En effet, ses développements ayant trait à son comportement irréprochable, à sa personnalité, à sa volonté de collaborer avec les autorités luxembourgeoises et de respecter les obligations qui lui seraient imposées par le ministre en vue de l’organisation de son éloignement, ainsi qu’à son accord quant à un départ volontaire du territoire luxembourgeois sont, à défaut d’autres éléments, insuffisants à cet égard.

Par ailleurs, le tribunal constate, au contraire, que le fait que le demandeur ait été interpellé par les forces de l’ordre dans le quartier de la gare de la Ville de Luxembourg le 12 mars 2025, alors qu’il n’avait été transféré vers l’Espagne qu’en date du 12 février 2025, soit un mois plus tôt, est de nature à corroborer le risque de fuite présumé dans son chef, la notion de risque de fuite visant, en effet, un risque de soustraction à la mesure d’éloignement projetée.

Dans ces circonstances, le tribunal retient que le demandeur, qui ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg, n’a pas présenté d’éléments permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes y visées s’impose.

Cette conclusion n’est pas énervée par les développements du demandeur tendant à son assignation à résidence à la maison retour, alors que celle-ci ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une telle mesure n’est pas concevable.

1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125 (1) de la loi du 29 août 2008 ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur encourent le rejet.

En ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son transfert, le tribunal constate que le 14 mars 2024, soit le surlendemain du placement de Monsieur (A) au Centre de rétention, une recherche a été effectuée dans la base de données EURODAC, laquelle a révélé que le demandeur avait introduit des demandes de protection internationale aux Pays-Bas, les 10 octobre 2021 et 28 octobre 2023, au Luxembourg, le 21 octobre 2024, et en Suisse, le 6 janvier 2025. Le 17 mars 2025, les autorités luxembourgeoises ont adressé aux autorités espagnoles une demande de reprise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 18 (1) b) du règlement Dublin III, en invoquant, à l’appui de leur demande, les considérations selon lesquelles (i) lesdites autorités espagnoles auraient accepté, en date du 11 décembre 2024, une précédente demande de prise en charge de l’intéressé leur adressée par leurs homologues luxembourgeois le 22 novembre 2024, (ii) Monsieur (A) aurait été transféré vers l’Espagne en date du 12 février 2025 et (iii) il n’y aurait ni d’indice ni de preuve indiquant qu’il aurait quitté le territoire des Etats membres depuis ce transfert. Le 26 mars 2025, les autorités espagnoles ont accepté cette demande sur base de l’article 13 (1) du règlement Dublin III. Par arrêté du même jour, le ministre a rapporté sa décision de retour du 12 mars 2025, tout en prenant une décision de transfert vers l’Espagne à l’égard de Monsieur (A), tel que relevé ci-avant.

Au vu des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal est amené à conclure que les démarches entreprises en l’espèce doivent être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008. Les contestations afférentes du demandeur sont, dès lors, à rejeter.

Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur ayant trait à l’absence de chances raisonnables de croire que son transfert puisse être mené à bien, dans la mesure où, à ce stade, le tribunal ne décèle aucun élément permettant d’aboutir à une telle conclusion.

En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté de mouvement, consacrée notamment par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales: […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement sur le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».

Il ressort du libellé de l’article 5 (1) f), précité, de la CEDH, que celui-ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays.2 Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la Cour européenne des droits de l’Homme a encore retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée 2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 et les autres références y citées.

3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Affaire Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir. Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».

En l’espèce, étant donné (i) que le demandeur est en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, (ii) qu’il a fait l’objet d’une décision de transfert vers l’Espagne en date du 26 mars 2025 et (iii) qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure de transfert est toujours en cours et poursuivie avec la diligence légalement requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.

Au vu des développements faits ci-avant, le tribunal conclut que les contestations du demandeur quant à la légalité, à la nécessité, au caractère justifié et à la proportionnalité de la mesure de placement en rétention litigieuse sont à rejeter dans leur ensemble.

S’agissant finalement de la référence faite par le demandeur à l’article 15 (2) et (4) de la directive 2008/115, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la mesure de placement en rétention litigieuse est légale – le tribunal ayant plus précisément retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que, par ailleurs, la procédure de transfert est toujours en cours et poursuivie avec la diligence légalement requise – et, d’autre part, que le demandeur n’a pas prouvé qu’il n’existerait en l’espèce pas de perspective raisonnable de transfert. Dans ces circonstances, une remise en liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115, ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de ces derniers.

Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.

Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.

Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de Monsieur (A) de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.

Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours principal en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

déboute le demandeur de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure ;

condamne le demandeur aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 avril 2025 par :

Daniel WEBER, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.

s. Luana POIANI s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 9


Synthèse
Formation : Première chambre
Numéro d'arrêt : 52605
Date de la décision : 02/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-02;52605 ?

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