Tribunal administratif N° 50753 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:50753 3e chambre Inscrit le 15 juillet 2024 Audience publique du 2 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre deux décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50753 du rôle et déposée le 15 juillet 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Iran) et de Madame (B), née le … à … (Iran), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom de leur enfant (C), née le … à … (Iran), tous de nationalité iranienne et demeurant ensemble à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 20 juin 2024 refusant de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 26 septembre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Yasmine GUEBASI, en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 21 janvier 2025.
Le 4 octobre 2022, Monsieur (A) et son épouse Madame (B) introduisirent auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 » tant pour leur propre compte que pour celui de leur enfant (C), désignés ensemble ci-après par « les consorts (ABC) ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, sur son identité ainsi que celles de son épouse et son enfant et sur leur itinéraire suivi pour venir au Luxembourg, occasion à laquelle il s’avéra, après inspection des passeports des consorts (ABC), qu’un visa leur avait été délivré par la République tchèque d’une validité du 3 septembre 2022 au 28 septembre 2022. En date des 4 respectivement 5 octobre 2022, Monsieur (A) et Madame (B) furent entendus par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leur demande de protection internationale, en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III ».
Le 10 novembre 2022, les autorités luxembourgeoises adressèrent une demande de prise en charge des consorts (ABC) sur base de l’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III à leurs homologues tchèques, laquelle fut acceptée par ces derniers par courrier du 19 décembre 2022 sur base du même article.
Par décision du 31 janvier 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile informa les consorts (ABC) du fait que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner leur demande de protection internationale et de les transférer dans les meilleurs délais vers la République tchèque sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III, décision qui fut rapportée par décision du même ministre du 17 février 2023 par laquelle le Grand-Duché de Luxembourg décida d’examiner la demande de protection internationale des consorts (ABC) sur base de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III.
En date des 27 juin, 3 juillet et 7 août 2023, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale. Madame (B) fut, pour sa part, entendue en date du 8 août 2008. En date du 2 octobre 2023, Monsieur (A) fut encore entendu dans le cadre d’un entretien complémentaire auprès du même ministère sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 20 juin 2024, notifiée aux intéressés par lettre recommandée le 24 juin 2024, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », informa les consorts (ABC) que leur demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en leur ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :
« […] J'ai l'honneur de me référer à vos demandes en obtention d'une protection internationale que vous avez introduites pour vous et au nom de votre fille mineure (C), née le … à … en Iran, de nationalité iranienne, auprès du service compétent du Ministère des Affaires intérieures en date du 4 octobre 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée la « Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant aux faits et rétroactes procéduraux 2 Il ressort de votre dossier administratif que la République tchèque vous a délivré des visas, valables du 3 au 28 septembre 2022, vous ayant permis d'entrer légalement sur le territoire dudit pays en date du 12 septembre 2022. Vous seriez restés dans un hôtel à Prague pendant deux jours, puis vous vous seriez rendus chez des amis à Bastogne en Belgique pendant vingt jours, en passant par le Luxembourg. Vous êtes ensuite revenus au Luxembourg pour introduire vos demandes de protection internationale le 4 octobre 2022. Lors de votre entretien Dublin III du même jour, Monsieur, vous avez informé être atteint d'un cancer et de suivre un traitement, tout en présentant les documents médicaux relatifs. La Direction générale de l'immigration a tout de même adressé le 10 novembre 2022 une demande de prise en charge aux autorités tchèques sur base du Règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par les autorités tchèques le 19 décembre 2022. Le 31 janvier 2023, une décision de transfert vers la République tchèque a été notifiée. Le 14 février 2023, vous avez introduit un recours en réformation à l'encontre de la décision ministérielle du 31 janvier 2023 à travers votre mandataire Maître Ardavan FATHOLAHZADEH. Le 17 février 2023, la Direction générale de l'immigration est revenue sur sa décision de transfert du 31 janvier 2023 à destination de la République tchèque, et ce notamment pour des motifs humanitaires, de sorte que le Luxembourg est devenu responsable de l'analyses de vos demandes de protection internationale.
2. Quant aux motifs de fuite invoqués à la base de votre demande de protection internationale En mains votre fiche manuscrite, Madame, du 4 octobre 2022, le rapport du Service de Police judiciaire du 4 octobre 2022, votre rapport d'entretien « Dublin III » du 4 octobre 2022, Monsieur, et le vôtre Madame du 5 octobre 2022, votre rapport d'entretien sur les motifs sous-
tendant votre demande de protection internationale Madame du 8 août 2023, le vôtre Monsieur du 27 juin, 3 juillet et 7 août 2023 et votre rapport d'entretien complémentaire, Monsieur, du 2 octobre 2024, ainsi que les documents versés à l'appui de vos demandes de protection internationale.
Avant tout autre développement, il convient de signaler que vos déclarations vagues, fragmentées et désordonnées, ont complexifié la synthétisation de vos rapports d'entretien de sorte que la reconstitution ci-dessous ne représente qu'une tentative de refléter au mieux vos vécus en Iran et les motifs vous ayant poussés à introduire des demandes de protection internationale au Luxembourg.
Il ressort de votre dossier administratif, Monsieur, que vous êtes né le … à … en Iran, de nationalité iranienne, de confession musulmane, et marié depuis décembre 2001 à vous Madame, née le … à … en Iran, de nationalité iranienne, de confession musulmane. Vous seriez originaires de … en Iran, où vous auriez vécu avec votre fille (C), et travaillé, Monsieur, pour la compagnie « … » comme … à partir de 2008, et vous, Madame pour la compagnie « … » en tant qu'… depuis 1998.
À l'appui de votre demande de protection internationale, Monsieur, vous avancez premièrement que vous auriez quitté l'Iran car vous auriez été menacé et violenté par des collègues de travail qui opéreraient pour des organes étatiques iraniens, respectivement pour le Bassidj, l'Herasat ou le Sepâh-e Pâsdârân, après que vous auriez notamment dénoncé leur utilisation de faux documents lors de leur recrutement.
3 Dans ce contexte, vous expliquez que vers la mi-2021, la compagnie « … » aurait décidé de se digitaliser, respectivement « d'informatiser les dossiers de formation qui étaient toujours en version papier » (p.6/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Pour ce faire, le personnel aurait été convié à retransmettre leurs documents et diplômes orignaux présentés lors de leur recrutement pour en créer une version numérique alors que la compagnie n'en aurait possédé que les copies.
Au cours des six mois suivants, et sachant que vous auriez été « la personne en charge de la vérification des documents » (p.10/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), vous auriez commencé à rencontrer des problèmes avec d'autres employés d'« … », en l'occurrence des membres du Herasat, et plus particulièrement le dénommé (D). À cet égard, vous précisez que le Ministère de la défense iranien aurait temporairement possédé la compagnie en 2015 pendant un semestre et qu'à cette occasion « beaucoup des Basijs, d'Ettela'at, et de la Sepah Pasdaran sont entrés au sein de l'entreprise pour y travailler. Ils n'ont pas passé un concours pour rentrer dans l'entreprise » et qu'en ayant accès aux archives de votre compagnie, vous auriez recensé plus de « 200 personnes d'Herasat là où je travaillais » (p.6/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Toutefois, vous auriez remarqué au cours de cette période que parmi eux, certains n'auraient pas remis les documents et diplômes originaux exigés et vous auriez même soupçonné qu'ils avaient fait usage de faux documents dans le cadre de leur recrutement.
Ainsi, vous auriez été amené à contacter (D) qui s'était présenté par le passé avec « un diplôme en ingénierie et le permis pour réparer des avions » (p.6/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur) pour être embauché en tant qu'expert de contrôle de production. Vous lui auriez rappelé qu'il n'avait toujours pas respecté son obligation de verser ses documents orignaux, à savoir son diplôme, son relevé de notes et sa carte avec un matricule habituellement attribuée à tous les ingénieurs. Vous l'auriez également informé des « problèmes avec les documents qu'il avait déjà fournis » et manifesté votre étonnement par rapport au fait qu'il avait réussi à « faire des études en ingénierie avec un BAC en informatique » (p.7/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur) sous-entendant qu'il occupait une fonction sans détenir les compétences requises. Il vous aurait répondu que « je jouais avec le feu, que j'allais me brûler » (p.7/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), réponse que vous auriez interprétée comme étant une menace.
Vous précisez par ailleurs que vous auriez déjà précédemment eu des problèmes avec (D) à plusieurs reprises à cause de ses fautes professionnelles. En guise d'exemple, vous rapportez que vous auriez rédigé un rapport aux départements de la « Sous-direction de l'ingénierie » et de la « Sécurité » en dénoncant sa responsabilité à la suite d'un accident de travail. Ce dernier aurait selon vos dires commis une erreur en achetant un chariot élévateur qui n'aurait pas été suffisamment puissant pour soulever les charges requises de sorte qu'un employé aurait presque perdu la vie à la suite de l'effondrement d'une des charges transportées. Toutefois, vous déplorez le fait que l'employé aurait été licencié, alors qu'il se serait agi de la victime, tandis que (D) n'aurait pas été sanctionné au motif qu'il serait ami avec des personnes placées au sein du département de la « Sous-direction de l'ingénierie » et que le responsable d'Herasat serait un membre du Conseil d'administration de la compagnie « … ».
Autrement, vous ajoutez que vous auriez également été menacé pour les mêmes motifs par un autre employé, également membre d'Herasat, mais vous ne fournissez pas plus de détails.
4 Au début de l'année 2022, l'échéance pour remettre les documents originaux aurait touché à sa fin et vous n'auriez toujours pas récupéré ceux de certains membres d'Herasat, dont (D). Quand bien même le département « Administratif » de votre compagnie avait prévu le licenciement de ceux qui ne verseraient pas leurs documents orignaux, vous auriez constaté que (D) aurait encore été inscrit sur la liste des participants à une formation interne pour le département « Achat technique ». Vous précisez qu'il devait suivre cette formation pour accéder à un grade plus élevé dans le département « Logistique » qui « voulait recruter (D) en tant que superviseur » (p.7/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Vous auriez par conséquent averti la direction du département « Achat technique » que (D) n'avait toujours pas remis ses documents originaux, et que leur authenticité n'avait pas pu être établie, mais vous n'expliquez pas les conséquences de cet avertissement.
Entre autres, vous auriez contacté la faculté qui aurait délivré le diplôme d'ingénierie présenté par (D) lors de son recrutement, et elle vous aurait confirmé qu'un « diplôme à ce nom n'existait pas dans leurs archives » (p.8/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Vous auriez également appelé le bureau des Standardisations de l'Aviation en leur fournissant le matricule apparaissant sur la copie de la carte versée par (D) et votre interlocuteur vous aurait affirmé que celle-ci appartiendrait à une autre personne, respectivement à un de vos anciens collègues de travail dénommé …. Il vous aurait ensuite expliqué que (D) encourrait une peine de prison de six mois à trois ans pour avoir falsifié un telle carte et vous aurait demandé de lui en envoyer des copies scannées.
Puis, vous auriez pris l'initiative de demander des conseils à votre ami qui aurait été Directeur du département « Administratif ». Il vous aurait recommandé de rédiger « une lettre de non-conformité de diplôme et d'adresser cette lettre au gérant de l'entreprise » (p.8/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), recommandation que vous auriez suivie à une date non communiquée. Une fois cette lettre envoyée, vous rapportez que vous auriez personnellement été contacté par l'Herasat qui vous aurait reproché « d'avoir agi à ma propre initiative au lieu de le tenir au courant (…) et que c'était la responsabilité de leur secteur d'agir et non pas à moi » (p.8/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
Le 22 juin 2022, après votre journée de travail, vous auriez été appelé par votre nom dans la rue par quatre inconnus sur deux motos. Ils seraient ensuite descendus de leurs véhicules et auraient commencé à vous insulter puis à vous frapper avec des bâtons métalliques et des câbles électriques avant de partir en vous abandonnant dans une ruelle isolée. Blessé, vous vous seriez alors rendu aux urgences à proximité. Un médecin aurait constaté des fractures et des hématomes sur votre corps et vous aurait prescrit des médicaments avant de vous laisser rentrer. Vous êtes persuadé que vos agresseurs seraient des membres du Bassidj, puisqu'ils seraient venus avec « des grandes motos noires sans plaque d'immatriculations avec lesquelles presque tout le monde les reconnaît » (p.9/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), et qu'ils vous auraient malmené dans le but de vous avertir « de ne pas avancer dans l'affaire de Monsieur (D) et de ses collègues » (p.10/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Vous n'auriez pas porté plainte auprès des autorités iraniennes alors que vous estimez que les membres du Bassidj seraient protégés juridiquement par le régime et que la police ne pourrait rien faire contre eux.
À la suite de cette agression, vous ne seriez plus retourné physiquement sur votre lieu de travail en raison de la crise du COVID19 et car vous auriez été en congé-maladie pour suivre votre traitement contre un cancer. Vous auriez au cours de cette période pris la décision 5 de quitter votre pays d'origine et vous auriez entamé les démarches afin d'obtenir le 18 août 2022 des visas par les autorités tchèques.
Entre-temps, vous rapportez qu'Herasat « voulait que je me taise dans l'affaire de Monsieur (D) » et « préparait mon licenciement » (p.12/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Ainsi, votre ordinateur professionnel aurait été saisi en votre absence, votre accès au système professionnel de la compagnie aurait été bloqué, respectivement vous auriez constaté que le système ne fonctionnait plus sur votre téléphone portable privé, et l'une de vos cartes professionnelles vous permettant un accès à l'aéroport n'auraient pas été renouvelée.
Puis, votre supérieur vous aurait fait savoir, sur ordre du Conseil d'administration qui serait fortement influencé par l'Herasat, que « les conditions n'étaient pas favorables pour moi et que ce serait mieux de continuer les étapes pour me soigner et qu'ils ne voulaient pas me laisser continuer ici » (p.12/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Votre secrétaire vous aurait également informé que « je devais me présenter auprès de HERASAT au sein de l'entreprise dès mon retour » (p.12/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), mais vous ne vous y seriez jamais présenté. Vous êtes par ailleurs convaincu que vous auriez été placé sous écoute à travers votre téléphone portable.
Finalement, le département « Administratif » aurait suspendu les contrats des membres d'Herasat concernés, dont celui de (D), « au moment où j'ai quitté le pays et maintenant je ne sais pas » (p.14/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), c'est-à-dire vers septembre 2022.
Par conséquent, puisque vous auriez des ennuis avec des membres du Bassij, d'Herasat ou du Sepâh-e Pâsdârân en raison de vos dénonciations, et en particulier le dénommé (D), vous estimez qu'il n'aurait plus été possible de vivre en Iran et vous craindriez de vous y faire emprisonner, frapper, voire torturer par ces derniers en cas de retour (p.11/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
Madame, vous confirmez sommairement les dires de Monsieur par rapport à ce motif sans néanmoins fournir des détails et précisions complémentaires.
Deuxièmement, Madame, Monsieur, vous invoquez tous les deux à l'appui de vos demandes de protection internationale les dangers qu'encourraient votre fille (C) en Iran.
Dans ce contexte, vous rapportez qu'en date du 30 juin 2022, votre fille aurait été interpellée avec trois amies par la police des moeurs pour non-respect du code vestimentaire. Une policière les aurait en l'occurrence menacées de brûler leurs cheveux après leur avoir reproché de ne pas s'être voilées adéquatement. Une des amies de votre fille lui aurait alors rétorqué qu'elle lui brûlerait son voile. Elles auraient par conséquent toutes les quatre été arrêtées et leurs téléphones portables saisis. Le soir-même, alors que vous seriez restés sans nouvelle de votre fille pendant plusieurs heures, vous auriez été appelés par la police des moeurs de … qui vous auraient demandé, Madame, Monsieur, de vous présenter dans leurs locaux. Ils vous auraient demandé de rédiger une lettre d'engagement afin de garantir que votre fille respecterait le code vestimentaire imposé en contrepartie de sa remise en liberté. Vous affirmez que votre fille aurait été très mal traitée par la police des moeurs au cours de sa détention.
Par ailleurs, vous ajoutez, Madame, que votre fille aurait été sujette à des maux de tête et des vomissements en Iran lors de la pandémie du COVID19. Ainsi, elle aurait été placée sous contrôle en Iran et « elle allait bien jusqu'à ce que nous sommes venus ici » (p.8/12 de votre rapport d'entretien, Madame). Puis, après une série d'analyse depuis votre arrivée au 6 Luxembourg, votre fille a été diagnostiquée avec une tumeur bénigne et les médecins vous auraient conseillé de l'enlever par une opération.
Ainsi, compte tenu de vos craintes relatives à vos dénonciations professionnelles, Monsieur, et des éventuelles représailles que pourrait encourir votre fille en Iran en cas de récidive, vous avez tous les trois quitté votre pays d'origine le 12 septembre 2022 en prenant un vol à partir de l'aéroport de Téhéran avant de venir introduire vos demandes de protection internationale au Luxembourg le 4 octobre 2022.
Finalement, Monsieur, vous avez été convoqué par la Direction générale de l'immigration pour mener un entretien complémentaire en date du 2 octobre 2023 alors que des éclaircissements s'imposaient à la suite d'un message électronique de votre mandataire attestant que vous disposeriez d'informations complémentaires concernant (D), avec des photocopies de pièces probantes à l'appui.
Ainsi, vous rapportez que lorsque vous auriez encore été en Iran, des collègues et des amis vous auraient prévenu que (D) s'était vu délivrer un visa par les autorités espagnoles.
Vous êtes persuadé qu'il l'aurait obtenu en utilisant son faux diplôme en ingénierie sachant que les ambassades exigeraient généralement « des diplômes d'Ingénierie pour accorder le visa » (p.2/6 de votre rapport d'entretien complémentaire, Monsieur). Pour la même finalité, il aurait cherché selon les dires de votre secrétaire à se faire émettre pour son épouse une attestation d'infertilité par un gynécologue afin de verser ce document à l'appui de sa demande de visa auprès des autorités espagnoles. Vous ajoutez que (D) aurait également instrumentalisé ce faux diplôme pour se « mettre en retraite précoce tout en bénéficiant des avantages avec les diplômes de l'ingénierie » (p.2/5 de votre rapport d'entretien complémentaire, Monsieur).
Par conséquent, vous vous seriez rendu une semaine avant de quitter l'Iran auprès de la Sécurité Sociale pour dénoncer le fait que le poste qu'il « a occupé n'était pas mérité et qu'il n'avait pas les diplômes adéquats pour occuper ce poste et qu'il ne pouvait pas bénéficier des avantages d'un poste de travail difficile qui lui permettrait une retraite anticipée » (p.3/5 de votre rapport d'entretien complémentaire, Monsieur). Vous auriez aussi contacté l'ambassade espagnole à Téhéran deux jours avant de quitter votre pays d'origine pour le dénoncer mais elle vous aurait demandé de leur envoyer un message électronique, démarche que vous auriez entreprise le 22 septembre 2022 après avoir quitté l'Iran. Vous y avez informé les autorités espagnoles que (D) travaillerait pour le compte du Bassij et qu'il aurait obtenu un visa de leur part en utilisant de faux documents, respectivement un faux diplôme d'ingénierie, et des recommandations médicales émanant de médecins du Bassij. Vous ajoutez qu'il agit sous diverses identités, et qu'il aurait modifié son apparence physique en changeant sa structure nasale et faciale à travers des opérations pour se métamorphoser en de nouvelles personnalités.
Ainsi, vous indiquez que vous vous sentiez « responsable » de dénoncer (D), que vous qualifiez comme étant « une personne dangereuse » (p.2/6 de votre rapport d'entretien complémentaire, Monsieur) et qu'en venant en Europe, « il peut être dangereux pour les pays parce que des personnes comme lui sont des personnes formées par le Régime, formées pour faire du sabotage » (p.3/5 de votre rapport d'entretien complémentaire, Monsieur).
À l'appui de vos demandes de protection internationale, vous présentez les documents suivants :
7 − Vos trois passeports respectifs délivrés par les autorités iraniennes, déclarés comme étant authentiques par l'Unité de la police de l'aéroport (UPA) ;
− vos trois actes de naissance respectifs, déclarés comme étant authentiques par l'UPA ;
− une copie certifié conforme de votre certificat de mariage, ainsi qu'une traduction en langue anglaise ;
− une photocopie d'un certificat de fin de stage délivré le 1er septembre 2001 par le Ministère de l'éducation iranien attestant que (D) a terminé avec succès son stage en informatique, avec sa traduction en langue française ;
− une photocopie d'un décret délivré le 3 octobre 2005 par le chef du bureau de la publicité islamique, et valable pendant cinq jours, nommant (D) en tant qu'inspecteur des institutions religieuses de la région Nord-Est, avec sa traduction en langue française ;
− une photocopie d'un décret de responsabilité délivré le 12 novembre 2005 par le Bassij et nommant (D) en tant que responsable chargé de la préparation et du soutien de la zone des martyrs anonymes au sein des administrations, usines et des métiers de la zone de …, avec sa traduction en langue française ;
− une photocopie d'un décret de responsabilité délivré le 7 mai 2006 par le Bassij nommant (D) responsable des ressources humaines de la zone …, avec sa traduction en langue française ;
− deux photocopies de deux certificats de fin de formation délivrés le 6 décembre 2006 par le Bassij attestant que (D) a achevé la formation des officiers de niveau judiciaire à la force de résistance Basij …, avec leur traduction en langue française ;
− une photocopie d'un document attestant que l'agence de presse « … » aurait mandaté le 31 mai 2006 (D) à mener une enquête et recueillir les opinions du public concernant les élections parlementaires de … entre le 3 et 10 juin 2006, avec sa traduction en langue française ;
− deux photocopies de deux lettres de reconnaissance non datées et rédigées par le Bassij à l'intention de (D), avec leur traduction en langue française ;
− une photocopie de votre message électronique, Monsieur, envoyée aux autorités espagnoles en date du 22 septembre 2022 afin de les informer qu'elles ont délivré un visa à (D) alors que celui-ci se serait servi de documents falsifiés ;
− une capture d'écran d'un profil de (D) utilisé sur le réseau social Facebook ;
− une série de photocopies de rapports médicaux et d'ordonnances médicales à votre compte, Monsieur, attestant que vous êtes atteint d'un cancer.
3. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Avant tout autre développement en cause, il convient de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui allégués, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande 8 de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.
Or, la question de crédibilité se pose avec acuité dans votre cas alors qu'il y a lieu de constater que vos déclarations sont de manière générale très ambiguës, incohérentes et rocambolesques, voire éventuellement délibérément confuses, ne font pas état de manière crédible qu'il existerait des raisons sérieuses de croire que vous encourriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions ou des atteintes graves au sens de la Loi de 2015.
Par conséquent, Madame, Monsieur, je tiens à vous informer que la crédibilité de votre récit est remise en cause pour les raisons suivantes :
Premièrement, vous ne versez aucune preuve qui permet de corroborer une série des déclarations les plus essentielles de votre récit, Monsieur.
Quand bien même vous avez réussi à collecter facilement et à remettre à l'appui de vos demandes de protection internationale des photocopies de certificats et d'attestations, émis entre 2005 et 2006, appartenant à (D) pour démontrer qu'il aurait été un membre du Bassij, il est suspicieux de relever, d'autant plus au regard de votre ancienne profession par laquelle vous auriez accédé aux archives, que vous n'avez pas versé d'autres pièces probantes pour corroborer votre récit.
En guise d'exemple, il est opportun de relever que vous ne versez aucune pièce prouvant que (D) aurait réellement travaillé au sein de la compagnie « … », que vous auriez dénoncé son usage de faux documents - ainsi que celui d'autres membres d'Herasat - dans le cadre de son recrutement au sein de ladite compagnie, ou que vous auriez été convoqué officiellement par l'Herasat à la suite de vos dénonciations. Ainsi, aucun lien ne saurait concrètement être retenu entre vous, Monsieur, et le dénommé (D).
Par ailleurs, vous ne versez étrangement aucun document permettant de prouver que vous-même auriez été un employé de la compagnie « … », que vous y auriez occupé des fonctions qui vous auraient donné la responsabilité de « recruter du nouveau personnel » et d'être chargé « de la vérification des diplômes » (p.11/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), tout comme vous ne versez aucun document attestant que vous vous seriez rendu aux urgences après que vous auriez été agressé le 22 juin 2022 par quatre inconnus prétendument affiliés au Bassij.
Concernant ce dernier point, force est de constater que vous fournissez trois explications incompatibles, Monsieur, pour justifier le fait que vous n'êtes pas en possession d'un rapport médical. En effet, selon la première version, vous n'auriez pas obtenu un rapport médical car, après que vous auriez expliqué au médecin avoir été frappé par des membres du Bassij, il aurait « eu peur et il n'a rien écrit » (p.8/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
Selon la deuxième version, vous n'auriez pas songé à lui demander un rapport médical en raison de vos douleurs : « Et dans la situation où je me trouvais, je n'ai pas réfléchi à demander une attestation du médecin, tellement que j'avais des douleurs, que je voulais uniquement prendre des antidouleurs et de me reposer » (p.9/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
Finalement, selon une troisième version, vous n'auriez pas été en mesure d'obtenir une tel document car « J'étais aux urgences et aux urgences, on ne donne pas de rapport. Il faut s'adresser à des spécialistes » (p.9/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
9 Ainsi, vos multiples justifications erratiques ne contribuent aucunement à percevoir votre récit comme étant crédible, d'autant plus qu'elles visent à vous dédouaner du non-
versement d'une pièce importante qui aurait permis de corroborer un minimum votre récit. Or, vos déclarations incohérentes à ce sujet poussent inexorablement à s'interroger sur l'authenticité de cet évènement alors que la Direction générale de l'immigration est en droit de s'attendre d'une personne ayant réellement vécu de tels faits, de fournir une explication inchangée et convaincante pour justifier le défaut du versement de pièces probantes. Vos justifications contradictoires à cet égard suggèrent en réalité que vous ne vous seriez jamais rendu aux urgences en date du 22 juin 2022 et que donc, par extension, vous n'auriez pas été agressé par des membres du Bassij en raison de vos prétendues dénonciations.
Deuxièmement, il appert que la crédibilité de votre récit peut de surcroît être interrogée puisque vos déclarations relatives aux dénonciations que vous auriez faites sont contradictoires, et que le déroulement chronologique que vous présentez est incohérent.
Tout d'abord, il s'avère que vous modifiez régulièrement le nombre de personnes membres d'Herasat, variant entre quatre et cinq, dont vous auriez dénoncé l'utilisation de faux documents pour leur recrutement au sein de la compagnie « … ». En effet, vous avez initialement commencé votre récit en indiquant que « 4 personnes faisaient partie HERASAT et la personne principale avait fourni un diplôme en Ingénierie et le permis pour réparer des avions » (p.6/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur) pour expliquer que vous auriez donc soupçonné quatre personnes membres d'Herasat d'avoir utilisé de faux documents lors de leur recrutement, dont la « personne principale » (D). Vous poursuivez ensuite votre récit en rapportant que celles-ci, désormais au nombre de cinq, n'auraient pas versé les documents orignaux exigés par la compagnie en vue de mener à terme sa digitalisation, constat qui aurait confirmé vos soupçons d'usage de faux documents : « Après 6 mois, lui et 4 autres personnes n'ont toujours pas fourni de documents originaux » (p.7/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Vous maintenez ce chiffre à deux reprises encore au cours de votre entretien en indiquant une fois qu'au début de l'année 2022 « le délai de fournir les originaux était terminé et il ne restait que 5 personnes qui n'avaient pas présenté leur document » (p.7/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur) et une dernière fois en expliquant que le contrat de (D) aurait finalement été suspendu « ainsi que les autres 4 personnes » (p.10/17 du rapport d'entretien, Monsieur). Toutefois, vous revenez paradoxalement sur votre chiffre initial lorsque vous expliquez que vous auriez également été menacé par une personne, non dénommée, qui « faisait partie des 4 personnes qui n'avaient pas fourni leurs documents » (p.10/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
Il faut surtout retenir que le déroulement chronologique que vous présentez est très ambigu et déroutant. En effet, Monsieur, vous rapportez donc que vous auriez été agressé le 22 juin 2022 par quatre personnes, que vous estimez être des membres du Bassij, dont le but aurait été de vous avertir « de ne pas avancer dans l'affaire de Monsieur (D) et de ses collègues » (p.10/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), ce que vous restez par ailleurs à défaut de prouver en dehors de vos spéculations. Puis, vous avancez que vous auriez « subi les conséquences de la suspension de son contrat. J'ai été menacé » (p.10/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Ces « conséquences » correspondent indéniablement à la menace proférée au téléphone par (D) à la fin de l'année 2021 et à votre agression du 22 juin 2022, puisque vous ne faites état d'aucun autre incident personnel, respectivement d'une menace proférée ou d'une agression, qui serait survenu après le 22 juin 2022 avec un organe étatique tel que le Bassij, l'Herasat ou le Sepâh-e Pâsdârân.
10 Or ce déroulement chronologique ne saurait aucunement être perçu comme crédible si l'on retient que vous avez en même temps indiqué que le contrat de (D) aurait été « suspendu au moment où j'ai quitté le pays » (p.14/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), c'est-à-
dire aux alentours du 12 septembre 2022. En d'autres termes, il est impossible de discerner le vrai du faux dans vos déclarations et de savoir à quel moment le contrat de (D) aurait réellement été suspendu puisque vous le datez d'abord comme un fait antérieur et conséquent à la menace et à l'agression qui vous auraient visé à la fin de l'année 2021 et le 22 juin 2022, tout en prétendant en même temps que cette suspension coïnciderait temporellement avec votre départ de votre pays d'origine, soit vers le 12 septembre 2022.
Troisièmement, le même constat du caractère vague et confus de vos déclarations, Monsieur, est à retenir lorsque vous cherchez à décrire les conséquences professionnelles découlant de vos supposées dénonciations et la manière dont vous les auriez apprises pendant votre absence prolongée dû à votre congé-maladie, sachant que vous ne seriez plus jamais retourné sur votre lieu de travail après la supposée agression que vous auriez subie le 22 juin 2022.
En guise d'exemple, vous rapportez initialement que vous auriez été informé par vos collègues d'« … » qu'il vous serait interdit de revenir au travail : « mes collègues m'ont dit que j'avais une interdiction de rentrer dans l'entreprise » (p.12/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Interrogé rationnellement par l'agent ministériel en charge de votre entretien pour quelle raison vous n'auriez pas été informé d'une telle interdiction par votre supérieur, vous changez de version en répondant : « En fait, la secrétaire m'a transféré le message de mon supérieur qui était ami avec Monsieur (D) » (p.12/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
Dans la même mesure, vous modifiez subitement votre récit en indiquant par la suite que vous n'auriez en réalité pas fait l'objet d'une telle interdiction, mais que vous auriez plutôt été convié à vous présenter auprès d'Herasat : « Ce n'était pas une interdiction d'entrée qui a été déclarée clairement, mais on m'a dit de me présenter à HERASAT dès mon retour » (p.13/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
Ou encore, quand bien même vous cherchez à faire croire que vous auriez été visé par un licenciement orchestré par Herasat en raison de vos dénonciations contre l'un de leur membre, il appert que vous n'auriez disposé d'aucune preuve formelle, écrite ou orale, appuyant cette éventualité : « Non, mais s'ils ne prolongeaient pas mon contrat, c'était fini pour moi » (p.12/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). À cet égard, il convient de retenir que vous admettez simultanément que votre contrat avec la compagnie « … » aurait encore été valable « jusqu'au mois d'Esfand de l'année 1401 » (p.13/17 de votre rapport d'entretien), c'est-
à-dire jusqu'en février 2023, de sorte que vous auriez vraisemblablement donc toujours été sous contrat avec cette compagnie lorsque vous avez quitté votre pays d'origine en septembre 2022. Ainsi, vos déclarations relatives à votre éventuel licenciement orchestré par Herasat lorsque vous auriez encore vécu en Iran sont à percevoir comme étant de simples spéculations déraisonnables visant à donner une connotation grave aux conséquences de vos dénonciations en vue d'augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale.
Quoi qu'il en soit, il est surprenant de noter que vous êtes constamment emmené à devoir rectifier vos déclarations après les interrogations rationnelles de l'agent ministériel en charge de votre entretien, de sorte qu'il y a lieu de percevoir votre récit comme n'étant pas crédible alors que votre structure narrative est présentée de manière désordonnée et avec des détails qui tendent sérieusement à se contredire.
11 Quatrièmement, vos explications visant à justifier les raisons pour lesquelles vous auriez pris l'initiative de dénoncer ces personnes et que vous n'auriez visiblement pas été inquiété, Monsieur, par les autorités iraniennes au cours de la période ayant suivi votre agression, engendrant votre prise de congé-maladie, et votre départ de votre pays d'origine, respectivement du 22 juin au 12 septembre 2022, ne sont aucunement crédibles.
En guise de rappel, Monsieur, vous déclarez « si quelqu'un à des conflits avec eux », respectivement avec des organes étatiques du régime iranien tels que le Bassij, l'Herasat ou le Sepâh-e Pâsdârân, « il n'est plus possible pour lui de vivre là-bas ». Ce constat vous aurait par ailleurs amené à 1) considérer qu'une fuite interne aurait été inenvisageable car « ils nous auraient retrouvés » (p.14/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), 2) à croire que vous auriez placé sous écoute à travers votre téléphone portable, 3) à donc prendre la décision de quitter votre pays d'origine après votre agression du 22 juin 2022, et 4) à estimer que vous risqueriez en cas de retour dans votre pays d'origine de vous faire arrêter, frapper, voire torturer, par des organes étatiques tels que le Bassij, l'Herasat ou le Sepâh-e Pâsdârân.
Par conséquent, il convient tout d'abord de se demander pour quelles raisons vous auriez pris l'initiative personnelle, Monsieur, de dénoncer un membre du Herasat opérant dans votre compagnie pour le compte du régime iranien, alors que vous vous targuez en même temps d'être un citoyen iranien averti des capacités opérationnelles, de l'influence politique et sociale, et des moyens de répression et de contrôle dont dispose cet organe étatique.
En effet, Monsieur, vous admettez que vous saviez depuis longtemps que (D) était un membre d'Herasat et qu'il avait eu un parcours professionnel au sein du Bassij puisque « J'étais la personne en charge de la vérification des documents et j'assurais les formations pour le personnels d'HERASAT également. Donc j'avais tous leurs documents » (p.10/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Tout comme, vous étiez très informé de l'influence d'Herasat au sein de votre entreprise puisque vous avez déclaré qu'« Herasat est très puissant dans l'entreprise où j'ai travaillé et en général le Conseil d'Administration ne refuse pas les décisions prises par Herasat » (p.12/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur) et vous étiez conscient des mesures radicales qu'utiliseraient les organes du régime iranien pour réprimer toutes formes d'opposition ou de comportements nuisibles à leurs intérêts ainsi que de leur toute-puissance et du sentiment d'impunité qui en découle : « Même si les forces de police arrivent à voir le conflit, ils n'osent pas intervenir quand il s'agit des Basij. Selon le Guide de notre pays, ces personnes-là, peuvent prendre l'initiative quand ils voient que la situation le nécessite. Les forces des Basij et de la SEPAH sont protégées juridiquement par la République Islamique et la police ne peut rien faire contre eux » (p.10/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Madame, vous confirmez par ailleurs les dires de Monsieur en ajoutant même que « Le personnel d'HERASAT se procurent des diplômes nécessaires pour occuper des postes qu'ils souhaitent » (p.6/12 de votre rapport d'entretien, Madame), sous-entant donc qu'Herasat serait en mesure de s'implanter dans les compagnies souhaitées en procurant à leurs membres concernées les diplômes requis, vraisemblablement donc falsifiés ou faux, puisqu'en fin de compte « votre dévouement envers le Régime est beaucoup plus important que vote expérience et vos compétences » (p.7/12 de votre rapport d'entretien, Madame), respectivement que les parcours scolaire et professionnel d'un membre du Herasat ne sont pas des critères priorisées par rapport à leur loyauté envers le régime pour le placer au sein d'une compagnie.
Compte tenu de ce qui précède, il est relativement déconcertant de noter que vous auriez donc malgré tout, Monsieur, décidé d'entreprendre ces démarches visant à dénoncer auprès de vos supérieurs l'action frauduleuse de membres d'Herasat alors que vous étiez non 12 seulement informé de la forte influence de cet organe étatique au sein de la compagnie « … », mais également au sein de la société iranienne en générale, et de sa compétence à se déroger des règles de recrutement habituel pour implanter leurs membres dans une compagnie. En d'autres termes, Monsieur, il est inconcevable que vous puissiez prétendre avoir entrepris de telles dénonciations, dont vous auriez raisonnablement pu comprendre qu'elles étaient inexorablement vouées à l'échec, d'autant plus que simultanément vous auriez su que les personnes dénoncées seraient « protégées juridiquement par la République Islamique » et que même « la police ne peut rien faire contre eux ».
Ce constat est corroboré par le fait qu'il est aberrant de noter que vous n'auriez pas été approché, voire interpelé, par l'un de ces organes étatiques au cours de la période allant du 22 juin au 12 septembre 2022, c'est-à-dire pendant une période de deux mois et demi, d'autant plus que vous auriez été formellement convoqué à vous présenter auprès d'« HERASAT au sein de l'entreprise dès mon retour » (p.12/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), respectivement à la fin de votre congé-maladie, une date non communiquée.
L'agent ministériel vous a, à bon escient, interrogé par rapport à ce constat et vous avez jugé que vous n'auriez pas été inquiété par l'un de ces organes étatiques au motif que « je n'étais pas accessible car j'étais chez ma mère pendant ce temps. Ma femme avait sa mère qui était malade et elle avait perdu son frère. Donc elle était chez sa mère. Et moi j'étais occupé par mes problèmes médicaux et par les démarches pour l'obtention des Visas » (p.14/18 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Or, il va de soi que ces explications ne sont aucunement convaincantes alors que vos problèmes personnels et démarches administratives ne sont pas des arguments qui empêcheraient lesdits organes étatiques de mener à bien leur mission, en l'occurrence à vous retrouver, contacter, voire interpeler. Vos explications s'opposent ainsi drastiquement à vos déclarations précitées, à savoir qu'« il n'est plus possible pour lui de vivre là-bas » ou « ils nous auraient retrouvés » (p.14/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
Raisonnablement, l'agent ministériel n'est aucunement convaincu par vos explications fallacieuses et vous demande si vous ne pensez pas sincèrement que de tels organes étatiques auraient pu vous recontacter, voire retrouver, facilement si telle avait réellement été leur volonté. Paradoxalement, vous répondez par l'affirmatif à cette question, confirmant donc le caractère illogique de vos explications antérieures, mais cela ne vous a visiblement pas empêché de les reprendre : « j'étais dans une mauvaise situation au point de vue santé d'abord et je voulais prendre plus de précautions, c'est-à-dire que j'étais blessé et fatigué. Une personne dans cette situation qu'est-ce qu'elle fait ? Elle essaye de trouver un endroit calme pour réfléchir un peu et pour se reposer » (p.14/18 de votre rapport d'entretien, Monsieur).
Autrement, ces explications ne sauraient également pas être perçues comme étant crédibles si l'on veut bien croire que votre téléphone portable « était sous écoute » (p.14/18 de votre rapport d'entretien, Monsieur). En effet, il paraît évident que si vous aviez réellement été espionné à travers votre téléphone portable, le Bassij, l'Herasat ou le Sepâh-e Pâsdârân auraient été en mesure de vous retrouver facilement et n'auraient pas été désorientés par le fait que vous vous seriez abrité temporairement chez votre mère, et votre épouse chez la sienne.
Par ailleurs, le paroxysme du caractère inepte de vos déclarations est atteint lorsque vous expliquez que vous êtes convaincu d'avoir été placé sous écoute au motif que « mon téléphone était chaud et qu'il se déchargeait très vite et il y avait des bruits des « parasites » dans mon portable. Je ne pouvais pas installer des applications sur mon portable » (p.13/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Or, il est évident que de telles lacunes techniques sur votre 13 téléphone portable ne sauraient aucunement être assimilées à une mise sous écoute par les autorités iraniennes alors qu'elles peuvent s'expliquer logiquement par d'autres raisons.
Cinquièmement, et de surcroît à ces divers constats très compromettants pour la crédibilité de votre récit, il sied surtout de relever que vous n'avez aucunement cherché à vous cacher des autorités iraniennes - puisque vous êtes entrés en contact avec elles à plusieurs reprises sans subir les représailles que vous prétendez tant redoutées - ou à fuir votre pays d'origine dans les plus brefs délais, de sorte qu'il est évident que vous n'êtes aucunement dans leur collimateur et que vous-même n'avez pas pris au sérieux les motifs que vous invoquez auprès des autorités luxembourgeoises à l'appui de vos demandes de protection internationale.
Tout d'abord, il appert que vous vous seriez présentés, Madame et Monsieur, auprès des autorités iraniennes en date du 30 juin 2022 à la suite de l'interpellation de votre fille :
« une personne m'a appelé pour me dire qu'il fallait venir à … à …, ils ont utilisé le terme de « Police de Sécurité des Moeurs » » (p.9/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Ainsi, les autorités iraniennes auraient visiblement été en mesure de vous contacter quand bon leur semble et votre présentation auprès de celles-ci n'aurait entrainé aucune conséquence néfaste puisque vous auriez juste eu à signer une lettre d'engagement afin de voir votre fille être remise en liberté.
Puis, force est de constater que vous vous êtes vu délivrer un passeport, Monsieur, en date du 11 mai 2022, et vous, Madame, en date du 15 juin 2022, et que ces dates coïncident fortuitement avec la période au cours de laquelle vous auriez déjà entamé, Monsieur, votre enquête et vos dénonciations contre certains membres d'Herasat employés par « … », voire à la période à laquelle vos ennuis avec des organes étatiques du régime iranien auraient débuté.
Il y a surtout lieu de relever que vous avez quitté votre pays d'origine de manière légale en prenant un vol à partir de l'aéroport international de Téhéran en date du 12 septembre 2022 pour vous rendre à Prague en République tchèque en transitant par Istanbul en Turquie. À cet égard, Madame, vous affirmez que vous, Monsieur, et votre fille, n'auriez rencontré aucun problème avec les autorités douanières pour quitter votre pays d'origine : « On n'a pas eu de problèmes à la douane, on s'inquiétait uniquement pour … notre chien» (p.4/12 de votre rapport d'entretien, Madame).
Par conséquent, à la suite à ces trois constats, il est évident que vous ne jouez manifestement pas franc jeu avec les autorités luxembourgeoises puisque vous n'avez très certainement pas été une personne recherchée et inquiétée, Monsieur, par les autorités iraniennes au cours des deux mois et demi ayant précédé votre départ de votre pays d'origine alors que vous seriez rentré en contact avec celles-ci, dont deux fois volontairement et indéniablement, sans subir les craintes que vous avancez auprès des autorités luxembourgeoises. Ainsi, il convient d'en déduire que vous n'étiez aucunement dans le collimateur des autorités iraniennes car autrement, cela reviendrait à dire que celles-ci, tout en vos ayant prétendument identifié comme étant une personne à surveiller ou à joindre, voire à interpeler ou à emprisonner, ne se seraient pas opposées à vous laisser quitter votre pays d'origine légalement via l'aéroport international de Téhéran, tout en vous délivrant les documents d'identités nécessaires pour le faire.
De surcroît, il est opportun de rappeler que vous auriez pris la décision de quitter votre pays d'origine « une semaine à 10 jours » (p.10/12 de votre rapport d'entretien, Madame) après les évènements survenus le 22 juin et le 30 juin 2022, c'est-à-dire vers la fin du mois de juin 14 2022. Or, vous avez quitté l'Iran uniquement en date du 12 septembre 2022, soit plus de deux mois après cette prise de décision. Ainsi, contrairement à vos dires, Madame, selon lesquels « Nous avons décidé de quitter le pays subitement » (p.5/12 de votre rapport d'entretien, Madame), votre départ d'Iran n'est aucunement à qualifier comme ayant été précipité.
Monsieur, vous cherchez par ailleurs à justifier ce délai relativement long par le fait qu'« il fallait prendre un Visa et je l'ai eu le 18.08.2022 si je ne me trompe pas et le Visa devient actif 10 jours après son émission » (p.13/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur). Nonobstant que vous auriez donc dû être en mesure de quitter le pays dès le 28 août 2022, mais que vous y êtes malgré tout restés encore deux semaines complémentaires, l'attente de la remise de vos visas ne sauraient aucunement être perçue comme une justification suffisante pour expliquer que vous auriez été contraint de rester encore deux mois en Iran en dépit des risques que vous auriez prétendument encourus de sorte que votre comportement ne reflète aucunement celui d'une personne qui se serait réellement sentie en danger dans son pays d'origine. Par ailleurs, vous étiez tous les trois en possession de passeports valides dès le 15 juin 2022 et ceux-ci vous auraient permis de vous abriter dans d'autres pays légalement, sachant que onze Etats n'exigent pas un visa pour les citoyens iraniens et 39 en fournissent à leur arrivée sur leur territoire.
Sixièmement, et en ce qui vous concerne, Madame, la Direction générale de l'immigration ne saurait être qu'intriguée par rapport à votre méconnaissance des craintes avancées par Monsieur à l'appui de sa demande de protection internationale.
Tout d'abord, il appert que vous avez rédigé sur votre fiche manuscrite que votre époux aurait eu en raison de ses activités professionnelles « un conflit avec les forces d'Ettela'at qui sont des Basij, il a été battu et torturé » (fiche manuscrite du 4 octobre 2022). Or, contrairement aux dires de Madame, il ne ressort à aucun moment de vos déclarations, Monsieur, que vous auriez été torturé par des membres d'Ettela'at alors que vous faites uniquement allusion à une seule et unique agression commise contre vous par des inconnus que vous soupçonnez de faire partie du Bassidj.
Ensuite, quand bien même vous avez réussi à décrire sommairement le vécu de votre époux, Madame, votre récit ne permet aucunement d'inverser le constat du caractère fictif du sien. À titre d'illustration pour appuyer cette évaluation, il est pertinent de relever que vous avez répondu à plus de sept reprises « je ne sais pas » (p.5 et 6/12 de votre rapport d'entretien, Madame) lorsque des questions spécifiques vous ont été posées ou vous avez reconnu à cinq reprises ne pas être en mesure de répondre complètement car : «Je ne sais pas trop les détails de ce conflit », « Je ne connais pas trop les problèmes », « je ne connais pas trop les détails de son travail » (p.5/12 de votre rapport d'entretien, Madame), « Je ne connais pas les détails » ou encore «Je n'ai pas demandé des détails » (p.6/12 de votre rapport d'entretien, Madame).
Les explications que vous apportez en vue de minimiser cette méconnaissance déconcertante sont à percevoir comme insuffisantes et désuètes. En effet, vous rapportez que vous auriez été contrainte de vous occuper de votre mère souffrant de Parkinson et de vos activités professionnelles, et d'endurer le décès de l'un de vos frères en 2020 ou 2021 : « j'avais mon propre problème, ma mère était malade, j'ai perdu mon frère et je travaillais beaucoup » (p.6/12 de votre rapport d'entretien, Madame). De surcroît, vous en êtes même étonnement arrivée à la minimiser en reconnaissant que les ennuis de votre époux n'auraient constitué qu'un problème anodin parmi d'autres : « Mais chez nous à la maison on ne parlait pas de cette personne [(D)] car on avait d'autres problèmes plus sérieux dans notre vie » (p.6/12 de votre rapport d'entretien, Madame).
15 Or, en dépit des « autres problèmes plus sérieux » qui vous auraient visiblement empêchée de suivre intégralement les problèmes de votre époux lorsque vous vous trouviez encore en Iran, il est pour le moins surprenant que vous n'ayez jamais entrepris par après de mieux saisir l'une des causes pour laquelle votre quotidien en Iran, et celui de votre famille, aurait drastiquement été bouleversé au point que vous en avez été amenés à vous exiler de votre pays d'origine et à quitter votre mère. En d'autres termes, il est déconcertant que vous n'auriez visiblement pas pris l'initiative de remédier à votre méconnaissance depuis votre arrivée en Europe, ne serait-ce que pour votre intérêt et curiosité personnels, alors que vos explications précitées sur votre emploi du temps chargé n'auraient plus constitué un obstacle.
Il n'en demeure pas moins, qu'il convient d'interpréter cette méconnaissance comme un subterfuge visant à laisser votre époux avoir les coudées franches pour élaborer un récit vraisemblablement fictif.
Septièmement, en ce qui concerne les problèmes relatives à votre fille mineure (C), il appert que votre récit n'est également pas entièrement crédible et que vous avez visiblement invoqué ce motif afin d'aggraver votre récit dans le but d'augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale et de dissimuler le fait que votre présence au Luxembourg s'explique principalement pour des raisons d'ordre médicales.
Tout d'abord, il ressort du contenu de votre fiche manuscrite, Madame, que vous et votre fille auriez été « arrêtées quelques fois par les forces de Gasht Ershad à cause du voile.
Nous avons été interrogées et nous avons donné un engagement écrit » (fiche manuscrite du 4 octobre 2022). Toutefois, force est de constater que vous n'évoquez aucunement durant votre entretien ministériel que vous-même auriez été interpelée par la police des moeurs iranienne, et ce à plusieurs reprises, puisque vous ne mentionnez qu'une seule et unique arrestation concernant votre fille en date du 30 juin 2022.
Outre cette incohérence pour le moins déconcertante, il appert que vous ne versez également aucun document probant à cet égard, en l'occurrence la lettre d'engagement que vous auriez eu à signer pour voir votre fille être remise en liberté.
Il n'en demeure pas moins que, selon vos dires, que l'interpellation de votre fille par la police des moeurs découle principalement du comportement adopté par l'une de ses amies, respectivement de sa réplique verbale à l'encontre d'un rappel à l'ordre formulé par une policière. Pour rappel, après que la policière les aurait averties qu'elles ne portaient pas correctement le voile, et qu'elle les aurait provoquées inutilement en les menaçant de leur brûler les cheveux, une des amies de votre fille aurait rétorqué qu'elle lui brûlerait son voile en contrepartie. Ainsi, force est d'estimer que l'évènement déclencheur ayant amené la police des moeurs à interpeller votre fille et ses amies est un échange verbal houleux, inapproprié et provocateur entre ladite policière et ladite amie, et non pas un acte de transgression religieuse ou politique qui aurait personnellement été adopté par votre fille. Par conséquent, il convient de concevoir cette interpellation comme un incident isolé qui n'aurait pas exclusivement ciblé votre fille et qu'elle constitue une punition collective en réaction à un comportement d'insubordination adopté par l'une de ses amies.
Quand bien même vous déclarez, Madame, que votre fille et ses amies « ont été très mal traitées par Gasht e Erschad » (p.9/12 de votre rapport d'entretien, Madame), il appert que la maltraitance dont vous faites allusion se serait limitée à des provocations, certes déplacées, mais qu'elle n'a aucunement conduit les autorités iraniennes à s'en prendre à leur 16 intégrité physique : « Le personnel s'est moqué de leur tenue vestimentaire et vous savez qu'à cet âge-là elles ne supportent pas ce comportement » (p.9/12 de votre rapport d'entretien, Madame). Finalement, votre fille aurait été relâchée le jour-même, après que vous auriez prétendument eu à signer, Madame, Monsieur, une lettre d'engagement, et elle n'aurait plus été inquiétée par les autorités iraniennes jusqu'à votre départ de votre pays d'origine deux mois et demi plus tard, respectivement le 12 septembre 2022. Ainsi, les craintes que vous exprimez pour le compte de votre fille ne sont aucunement crédibles.
En fin de compte, il est indispensable de soulever que vous accordez une attention particulière tout au long de votre procédure depuis votre arrivée au Luxembourg aux problèmes de santé de votre fille et aux vôtres, Monsieur, de sorte qu'il ne saurait être exclu que vous auriez quitté l'Iran pour vous installer au Luxembourg de manière préméditée pour des motifs économiques et de convenance personnelle, à savoir des raisons d'ordre médicales.
Ce constat est d'ailleurs appuyé par le fait que vous auriez attendu pendant deux mois la délivrance de visas par les autorités tchèques pour quitter votre pays d'origine afin de vous rendre en Europe, en l'occurrence au Luxembourg où vous étiez déjà venu, Monsieur, « en 2008, en 2013 et en 2016» (p.5/17 de votre rapport d'entretien, Monsieur), alors que d'autres alternatives légales s'offraient à vous pour partir directement de l'Iran, mais que celles-ci n'auraient vraisemblablement pas satisfaites vos attentes.
En effet, vous informez par exemple sur votre fiche manuscrite, Madame, que « Mon époux est malade et il a un cancer développé des lymphes (…) Nous avons eu des pressions psychiques, très fortes migraines fréquentes pour ma fille et son hospitalisation » (fiche manuscrite du 4 octobre 2022). Puis, dans le cadre de votre entretien « Dublin III », Madame, vous confirmez que vous n'auriez pas envisagé d'introduire vos demandes de protection internationale en République tchèque car « ce n'était pas possible de soigner mon mari » alors qu'au Luxembourg « il y a toujours un moyen pour nous aider si on tombe malade. Ce n'est pas le cas en République tchèque » (p.5/9 de votre rapport d'entretien « Dublin III », Madame).
Monsieur, il appert que vous utilisez une explication similaire pour argumenter votre volonté de ne pas retourner en République tchèque puisque vous déplorez à deux reprises dans votre entretien « Dublin III » qu'il n'y aurait supposément pas suffisamment de médicaments dans ce pays pour vous soigner. Puis, dans votre rapport d'entretien, Madame, il sied de relever que lorsque l'agent ministériel vous a interrogé par rapport aux problèmes concernant votre fille, vous avez prioritairement évoqué les problèmes de santé de cette dernière au détriment de sa prétendue interpellation par la police des moeurs, respectivement ses maux de tête qui vous auraient fait comprendre « qu'il y a un petit truc à côté de son hypophyse », qui s'avère être une tumeur, de sorte qu'elle aurait été « sous contrôle en Iran », puis prise en charge par des médecins depuis votre arrivée au Luxembourg (p.8/12 de votre rapport d'entretien, Madame).
Or, des motifs d'ordre économique ou de convenance personnelle ne sauraient toutefois pas justifier l'octroi du statut de réfugié, alors qu'ils ne rentrent nullement dans le champ d'application de la Convention de Genève et de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée ou à risque d'être persécutée à cause de sa race, de sa nationalité, de sa religion, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social.
Vos récits n'étant pas crédibles, aucune protection internationale ne vous sera accordée.
17 Vos demandes en obtention d'une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées au sens des articles 26 et 34 de la Loi de 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire.
Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de l'Iran, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 15 juillet 2024, Monsieur (A) et Madame (B), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom de leur enfant (C), ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre du 20 juin 2024 portant refus de faire droit à leurs demandes en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale et contre celles portant ordre de quitter le territoire prononcées subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre la décision du ministre du 20 juin 2024, prise dans son double volet, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
Moyens et arguments des parties A l’appui de leur recours, les demandeurs retracent en partie les faits et rétroactes repris ci-avant et indiquent plus particulièrement être de nationalité iranienne et de confession musulmane. Tout en renvoyant à leurs rapports d’entretien respectifs, ils font valoir avoir été contraints de quitter l’Iran pour plusieurs raisons, dont leur statut d’opposants politiques au régime iranien impliquant des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, désignée ci-après par « la CEDH ». Les intéressés ajoutent, par ailleurs, que s’ils avaient eu l’intention de s’installer en Europe pour des raisons de convenance personnelle, ils auraient pu attendre seulement encore deux ans pour bénéficier de leur retraite, tout en donnant à considérer qu’ils se seraient déjà déplacés vers l’Europe à plusieurs reprises sans pour autant s’y installer, ce qui établirait la réalité des motifs à la base de leur demande de protection internationale introduite en octobre 2022.
En droit, tout en se référant aux articles 2, points f) et h), 39 et 42 de la loi du 18 décembre 2015, les demandeurs reprochent un manque d’objectivité au ministre, lequel aurait à tort discrédité leur récit en se focalisant sur une pluralité de détails, alors que notamment la description de Monsieur (A) de son agression par les membres du Basij aurait été d’une précision remarquable, malgré le traumatisme évident.
En ce qui concerne, dans ce contexte, le reproche du ministre qu’ils auraient omis de rapporter la preuve de leurs dires, les demandeurs renvoient à la multitude de documents déposés par eux et traduits en français dans le cadre de leur demande de protection internationale, tout en arguant qu’il serait déraisonnable d’exiger de leur part de déposerdavantage de documents lesquels ne leur seraient pas accessibles, ce d’autant plus qu’ils devraient bénéficier du bénéfice du doute.
S’agissant ensuite des diverses incohérences relevées par le ministre, et plus particulièrement en ce qui concerne au nombre de personnes contrôlées par Monsieur (A), les demandeurs renvoient au rapport d’entretien de ce dernier pour souligner qu’il aurait toujours parlé de cinq personnes dont quatre feraient partie du Herasat, parmi lesquelles un dénommé (D).
Les consorts (ABC) réfutent encore l’argumentation du ministre selon laquelle l’entretien de Madame (B) n’aurait pas permis de corroborer le récit de son époux, alors qu’au contraire elle y aurait relaté les menaces explicites et les actes de violence subis par son mari, ainsi que les persécutions concernant leur fille, alors mineure, qui aurait été arrêtée par le Gasht-e Ershad. La sincérité de leurs récits respectifs serait, par ailleurs, démontrée par la précision et cohérence de leurs témoignages, ainsi que par la description des conditions de vie sous un régime répressif.
Pour le surplus, en ce qui concerne la crédibilité de leur récit, les demandeurs renvoient à leurs rapports d’entretien respectifs et font valoir qu’il s’imposerait de se référer aux faits principaux de leur récit au lieu de se perdre dans des détails insignifiants, alors que la complexité et l’urgence de leur situation exigerait une appréciation globale laquelle devrait être guidée par les principes de justice et de protection des droits fondamentaux.
En ce qui concerne le fond de leur demande de protection internationale, les demandeurs font d’abord valoir que, dans la mesure où ils auraient été victimes d’actes de persécution tant de la part des membres du Herasat, que des autorités iraniennes, la présomption prévue à l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 devrait leur être applicable. Ils en concluent qu’il existerait dans leur chef une présomption d’encourir un risque de faire face à des violences physiques graves de la part des membres du Herasat lequel constituerait une organisation qui jouirait de facto d’une immunité de la part des autorités iraniennes, tel qu’illustré par l’attaque de la part du Basij dont Monsieur (A) aurait fait l’objet.
Il en irait de même de l’attaque subie par leur fille, alors mineure, laquelle aurait été arrêtée pour un prétendu non-respect du code vestimentaire, ainsi que de la confiscation de ses effets personnels par les agents du Gasht e Ershad, l’ensemble de ces faits étant, d’après les demandeurs, constitutif d’un traitement inhumain et dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH. Les intéressés en concluent que l’octroi du statut de réfugié dans leur chef ne serait non seulement fondé, mais encore nécessaire afin de garantir leur sécurité et leur dignité.
En ce qui concerne plus particulièrement les persécutions dont aurait fait l’objet l’enfant (C), les demandeurs font valoir que les conditions d’octroi du statut de réfugié seraient remplies à cet égard, tant dans le chef de l’enfant que dans celui de ses parents, victimes indirectes de son arrestation arbitraire. A cet égard, les concernés se réfèrent à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, désignée ci-après par « la CJUE » du 16 janvier 2024, WS contre Intervyuirasht organ na Darzhavna agentsia za bezhantsite pri Ministerskia savet, C-621/21, dans lequel il aurait été retenu que le groupe des femmes victimes de violences devrait, sous certaines conditions, être inclus dans la catégorie de « l’appartenance à un groupe social » prévue à la Convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, désignée ci-après par « la Convention de Genève », à laquelle renverrait l’article 10 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoirbénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte). En se référant à un communiqué de presse de la CJUE relatif à une affaire KL c/ Staatssecretaris van Justitie en veiligheid du 11 juin 2024, les demandeurs soulignent encore qu’« une caractéristique ou une croyance à ce point essentielle pour l’identité ou la conscience qu’il ne devrait pas être exigé d’une personne qu’elle y renonce » pourrait également être prise en compte afin de déterminer si une personne fait partie d’un tel groupe social par le fait de constituer pour ledit groupe « une histoire commune qui ne peut être modifiée », tel notamment la valeur fondamentale de l’égalité entre les femmes et les hommes, les demandeurs soulignant qu’il suffirait d’être perçu comme appartenant à un tel groupe social pour pouvoir fonder une demande de protection internationale.
Dans ce contexte, les demandeurs mettent en exergue la situation des femmes en Iran, lesquelles y seraient soumises, par les forces de l’ordre ainsi que par les milices paramilitaires comme le Basij, à des discriminations et violences systématiques en violation des droits fondamentaux de la personne humaine. Ainsi des arrestations, des coups et blessures et détentions arbitraires seraient des occurrences fréquentes, les demandeurs estimant encore qu’il ressortirait de divers rapports d’organisations de défense des droits humains que les femmes seraient souvent soumises à des conditions de détention particulièrement sévères, qu’il existerait des prisons surpeuplées dans lesquelles règnerait une privation de soins médicaux, ainsi que la torture et les mauvais traitements, tels que des violences sexuelles, aux fins d’extorsion d’aveux. De même, les lois iraniennes imposeraient des restrictions sévères à la liberté d’expression, applicables notamment aux militants des droits des femmes, à la liberté de mouvement et de tenue vestimentaire des femmes, tel que le port obligatoire du hijab sous peine de sanctions. Il s’y ajouterait que l’accès des femmes à l’éducation et à l’emploi, ainsi que leurs droits en matière de mariage, de divorce et de garde des enfants seraient restreints, les demandeurs ajoutant que ces restrictions seraient applicables tant dans la sphère publique que privée. Ils se réfèrent, à cet égard, à titre d’exemple à un jugement du tribunal administratif de Hambourg en Allemagne du 9 avril 2024, 5193/23, lequel devrait être appliqué au cas d’espèce dans la mesure où Madame (B) et sa fille, en leur qualité de victimes d’arrestation et de violences, notamment psychologiques, fondées sur leur genre, ainsi que sur base de leurs valeurs démocratiques qui ne sauraient être protégées dans leur pays d’origine, notamment leur refus de se conformer au code vestimentaire, répondraient aux critères établis par la CJUE définissant l’appartenance à un groupe social faisant l’objet de persécutions. Tout en se référant encore à un rapport de l’organisation non gouvernementale « Amnesty International » du 19 mars 2024, intitulé « Port du voile en Iran : traquées et harcelées, les iraniennes dans le viseur des autorités », ainsi qu’à un rapport de la même organisation du 7 mai 2024, intitulé « Iran :
Violente répression contre les femmes et les filles », les demandeurs concluent qu’ils rempliraient les conditions pour pouvoir bénéficier du statut de réfugié.
En ce qui concerne ensuite le refus d’octroi du statut conféré par la protection subsidiaire dans leur chef, les demandeurs réitèrent leurs développements précédents pour conclure qu’il rempliraient a minima les conditions pour pouvoir prétendre audit statut, tout en soulignant que depuis leur présence sur le territoire luxembourgeois, ils auraient activement manifesté dans « toutes les manifestations des groupes d’opposition » à l’encontre des dirigeants de l’Iran suite au décès d’une dénommée …. Les demandeurs mettent encore plus particulièrement en exergue que ce serait à tort que le ministre aurait estimé qu’ils ne rempliraient pas les conditions prévues à l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015.
Les concernés concluent finalement encore à la réformation de l’ordre de quitter le territoire contenu dans la décision déférée en conséquence de l’octroi dans leur chef d’un des statuts conférés par la protection internationale, alors qu’ils risqueraient, en cas de retour en Iran de subir des atteintes graves telles que définies aux article 48 et 49 de la loi du 18 décembre 2015.
A titre subsidiaire, ils estiment que l’ordre de quitter le territoire violerait, de manière autonome l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, désignée ci-après par « la loi du 29 août 2008 », ainsi que l’article 3 de la CEDH.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal A titre liminaire, en ce qui concerne la demande en communication du dossier administratif formulée exclusivement dans le dispositif de la requête introductive d’instance, le tribunal constate que la partie étatique a déposé ensemble avec son mémoire en réponse, une farde de pièces correspondant a priori au dossier administratif. A défaut pour les demandeurs de remettre en question le caractère complet du dossier mis à disposition à travers le mémoire en réponse, la demande en communication du dossier administratif est à rejeter comme étant devenue sans objet.
1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’octroi d’une protection internationale Force est au tribunal de relever qu’en vertu de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015 comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement despersécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :
« […] a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves, au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« […] a) l’Etat;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».
Aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015 : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
22 Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la prédite loi, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la même loi, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié respectivement de celui conféré par la protection subsidiaire.
Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », tandis que l’article 2, point g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ de son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, les persécutions ou atteintes graves antérieures d’ores et déjà subies instaurent une présomption réfragable que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine aux termes de l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte que, dans cette hypothèse, il appartient au ministre de démontrer qu’il existe de bonnes raisons de penser que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.
L’analyse du tribunal devra porter en définitive sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Il convient ensuite de rappeler que le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.
Il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que le récit des consorts (ABC) n’est pas crédible dans son ensemble, le délégué du gouvernement confirmant cette approche.
A cet égard, il y a lieu de rappeler que si des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute enapplication de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves.
Or, en l’espèce, le tribunal partage les doutes du ministre quant à la crédibilité du récit des demandeurs, dans la mesure où celui-ci, dans son ensemble, ne saurait laisser conclure à la véracité de leurs dires et plus particulièrement du fait qu’ils risqueraient effectivement des persécutions ou des atteintes graves en cas de retour en Iran de la part de l’Etat iranien et plus particulièrement du Herasat ou du Gasht-e Ershad, d’une part, (i) en raison des dénonciations de la part de Monsieur (A) à l’encontre d’un dénommé (D), et, d’autre part, (ii) en raison de l’omission de leur fille de se conformer au code vestimentaire imposé aux femmes en Iran sur la voie publique, sinon (iii) en raison de leur participation au Luxembourg à des manifestations contre le régime iranien, tel qu’ils font valoir dans leur requête introductive d’instance.
En ce qui concerne tout d’abord le volet du récit des demandeurs ayant trait aux agissements de Monsieur (A) à l’encontre d’un dénommé (D), le tribunal constate que dans leur requête introductive d’instance les demandeurs entendent, en substance, réfuter le faisceau d’incohérences relevé par le ministre par l’argument qu’en violation de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015 le ministre aurait relevé des incohérences relatives à des éléments sans importance et sans impact réel sur la crédibilité globale de leur récit. Ils font, par ailleurs, valoir que la précision du récit tant de Monsieur (A) que de Madame (B) relatif à l’attaque du Basij devrait suffire pour établir la réalité de l’ensemble de leurs motifs de fuite et que l’ensemble des documents versés à l’appui de leur demande de protection internationale suffirait également à cette fin, de sorte qu’il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir versé d’autres preuves à l’appui de leurs dires, alors que ceux-ci leur seraient inaccessibles.
Finalement, les demandeurs estiment que la circonstance qu’ils se seraient, dans le passé, rendus dans différents pays en Europe sans pour autant y déposer une demande de protection internationale, établirait la réalité à la base de leur demande de protection internationale déposée en l’occurrence le 4 octobre 2022.
Or, contrairement à l’argumentation des demandeurs, le ministre a soulevé une multitude d’incohérences et de contradictions dans le récit des demandeurs, tant le nombre que l’importance de ces éléments impactant nécessairement la crédibilité globale dudit récit.
En effet, c’est à bon droit que le ministre a estimé que la crédibilité du récit des demandeurs est ébranlée dans sa globalité, notamment par les fluctuations dans la chronologie des événements relatés par Monsieur (A), telle que la causalité entre les représailles dont il fait état et la suspension du contrat de travail de Monsieur (D), l’intéressé indiquant tantôt avoir été agressé le 22 juin 2022 suite à la suspension du contrat de travail de Monsieur (D)1, tantôt que le contrat de travail de celui-ci aurait seulement été suspendu au moment où il aurait quitté l’Iran, à savoir en septembre 20222.
1 Page 10 du rapport d’entretien.
2 Page 14 du rapport d’entretien. Il en va de même des explications divergentes données par Monsieur (A) concernant différents éléments de son récit, tels que l’absence d’un certificat médical établissant la réalité de ses blessures suite à une prétendue attaque des membres du Basij, alors qu’il donne trois versions différentes à ce sujet, à savoir que le médecin traitant aurait eu peur de rédiger un rapport3, sinon qu’il n’aurait pas pensé à lui demander un rapport alors qu’il aurait souffert de douleurs4, sinon qu’en urgences aucun rapport ne serait délivré et qu’il faudrait s’adresser à des spécialistes à cet effet5. Ce même constat s’impose en ce qui concerne les incohérences du concerné liées à l’interdiction d’entrer dans son lieu de travail, Monsieur (A) déclarant d’un côté avoir fait l’objet d’une interdiction d’entrée dans l’entreprise6 et de l’autre côté avoir été prié de se présenter au Herasat « dès [s]on retour »7, tout en déclarant qu’il craindrait que son contrat de travail, valable jusqu’en février 2023, ne serait pas prolongé8.
Contrairement à l’argumentation des demandeurs, ces éléments constituent des éléments touchant au cœur même de leur récit pour constituer le fil rouge des événements relatés par Monsieur (A), de sorte que les incohérences y relatives, respectivement les incertitudes des demandeurs relatives à la chronologie des événements, impactent nécessairement la crédibilité globale de leur récit et ne constituent pas des détails sans importance à cet égard.
Le tribunal se doit, par ailleurs, de rejoindre la partie étatique dans son constat que la circonstance que les demandeurs ont vécu en Iran entre le 22 juin 2022, date de la prétendue attaque des membres du Basij contre Monsieur (A), et le 12 septembre 2022, date de départ de l’Iran des consorts (ABC), sans qu’un quelconque acte de représailles n’aurait eu lieu à leur encontre et sans même que les membres de cette organisation, ni les autorités iraniennes ne les auraient contactés, les laissant de surcroit légalement quitter le pays, est de nature à sérieusement ébranler la crédibilité de leur récit quant à la réalité de leur crainte de se trouver dans le collimateur d’un de ces acteurs.
Il s’ensuit que l’argumentation des demandeurs suivant laquelle les incohérences relevées par le ministre ne concerneraient que des détails de leurs récits est d’ores et déjà à rejeter.
Si les demandeurs prennent, dans leur requête introductive d’instance, position par rapport à un seul élément d’incohérence relevé par le ministre, à savoir la divergence quant au nombre de personnes que Monsieur (A) était censé contrôler, le tribunal constate toutefois qu’ils restent en défaut de réfuter l’ensemble des autres incohérences relevées par le ministre.
Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir ci-avant que les incohérences relevées par le ministre sont de nature à sérieusement ébranler la crédibilité de leur récit, il aurait appartenu aux demandeurs d’apporter des éléments circonstanciés afin d’éclairer le tribunal sur l’ensemble desdites incohérences, ce qu’ils sont restés en défaut de faire, de sorte que le tribunal se doit de constater que les arguments apportés par les demandeurs ne permettent pas de contredire le constat que la crédibilité globale de leur récit est ébranlée.
3 Page 8 du rapport d’entretien.
4 Page 9 du rapport d’entretien.
5 Ibidem.
6 Page 12 du rapport d’entretien.
7 Page 13 du rapport d’entretien.
8 Pages 12 et 13 du rapport d’entretien. Ce constat n’est pas contredit par l’affirmation des demandeurs suivant laquelle ils auraient eu l’occasion de déposer une demande de protection internationale dans le passé lors de leurs visites dans différents pays en Europe, ce qu’ils n’auraient pourtant pas fait, faute de motifs de ce faire, à cette époque. En effet, si certes cette circonstance permet de conclure que lors desdites visites les demandeurs n’ont pas éprouvé le besoin d’introduire une demande de protection internationale, ni la nature, ni la réalité des motifs mis en avant par les consorts (ABC) dans le cadre de leurs demandes de protection internationale déposées en octobre 2022 n’en découlent.
Ce constat n’est pas non plus énervé par l’affirmation non autrement circonstanciée des demandeurs que le récit de Monsieur (A) relatif à l’attaque qu’il aurait vécue de la part des membres du Herasat aurait été détaillé et que la précision de cet élément de son récit suffirait à elle seule pour établir la réalité de leur récit dans son ensemble, alors que même à admettre que Monsieur (A) aurait relaté de manière détaillée le déroulement d’une attaque physique qu’il aurait subie, ce constat ne permet pas d’établir la réalité du fait que ses agresseurs seraient des membres du Basij et que l’intéressé aurait subi cette attaque en raison de ses investigations contre le dénommé (D), ni qu’il serait dans le collimateur du Herasat ou des autorités iraniennes sur base des mêmes motifs, le demandeur restant plus particulièrement en défaut de relater d’éventuelles menaces proférées par ses agresseurs, celui-ci se bornant à affirmer qu’ils lui auraient dit de se taire9.
Dans un même ordre d’idée, l’argumentation des demandeurs tenant à établir que le récit de Madame (B) confirmerait la réalité du récit de Monsieur (A), est également à rejeter, alors que celle-ci, tout en ayant certes retracé en grandes lignes la problématique qui aurait opposé son époux au dénommé (D), a, tel que relevé à bon droit par le ministre dans la décision déférée, toutefois affirmé pour la majeure partie, ne pas connaître de détails en relation avec les motifs de cette attaque ou les circonstances entourant celle-ci, de sorte que son récit n’est pas de nature à éclairer davantage sur les incohérences et contradictions contenues dans le récit de son mari.
Le tribunal ne saurait, par ailleurs, rejoindre les demandeurs dans leur argumentation suivant laquelle les documents qu’ils ont versés en cause permettraient d’établir la réalité de leur récit, alors qu’aucun desdits documents ne permet d’établir notamment que le Herasat serait à la recherche des demandeurs, ni même que le dénommé (D) aurait travaillé au sein de la même compagnie que Monsieur (A).
A cet égard il convient encore de constater que les demandeurs ont été en mesure de verser une multitude de certificats et documents établis au nom de Monsieur (D), de sorte que le ministre a légitimement pu s’interroger sur la question de savoir pour quelle raison les demandeurs n’ont pas été en mesure de verser un document établissant que cette personne a réellement travaillé auprès de la même compagnie que Monsieur (A). Or, face audit reproche, les demandeurs se contentent d’alléguer qu’il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir versé d’autres documents qui ne leur seraient pas accessibles, sans pour autant expliquer de manière circonstanciée en quelle mesure ils ont eu accès aux documents versés et en quelle mesure cet accès ne serait pas donné pour d’autres documents, un tel défaut d’explications circonstanciées impactant nécessairement la crédibilité de leur récit.
9 Page 8 du rapport d’entretien : « […] 2 personnes sont descendues et ils commençaient à me frapper et ils m’ont parlé très impoliment en me disant de fermer ma gueule. […] ».Il s’ensuit, sans qu’il n’y ait lieu de statuer plus en avant et notamment sur l’ensemble des autres incohérences et contradictions relevées dans la décision déférée, que c’est à bon droit que le ministre a déclaré le récit des demandeurs relatif aux prétendues dénonciations par Monsieur (A) d’un membre du Herasat auprès des autorités iraniennes comme étant non crédible dans son ensemble.
En ce qui concerne ensuite les craintes avancées par les demandeurs en relation avec des persécutions, sinon atteintes graves dont risqueraient de faire l’objet tant leur fille (C), que Madame (B) en cas de retour en Iran, il échet de rejeter d’ores et déjà les développements des demandeurs relatifs aux risques personnellement encourus par Madame (B).
En effet, si les demandeurs estiment, certes, dans leur requête introductive d’instance, que l’ensemble des femmes défendant des valeurs démocratiques risqueraient en Iran des persécutions, sinon des traitements inhumains ou dégradants, rapports internationaux et articles de presse à l’appui, ils restent toutefois en défaut d’établir in concreto un tel risque encouru par Madame (B), laquelle ne fait, ni dans le cadre de son audition au ministère, ni dans le cadre de la requête introductive d’instance, état d’un quelconque fait personnel dans ce contexte. Or, à défaut de tout élément tangible mettant en relation le contenu desdits rapports avec le vécu personnel de Madame (B), les craintes exposées par cette dernière ne sauraient emporter la conviction du tribunal.
En ce qui concerne les craintes des demandeurs en relation avec leur fille, laquelle aurait été arrêtée par la police des mœurs en Iran pour le fait de ne pas avoir été habillée conformément au code vestimentaire imposé aux femmes en Iran, les développements des demandeurs à cet égard ne sauraient pas non plus emporter la conviction du tribunal, alors qu’ils se contentent de renvoyer à la situation générale des femmes en Iran sans pour autant prendre position par rapport aux incohérences relevées à cet égard par le ministre.
En effet, si le ministre ne remet pas en doute que leur fille ait fait l’objet, à une occasion isolée, d’une interpellation de la part de la police des mœurs en Iran en raison de ses habits, il a toutefois valablement pu émettre des doutes quant à la crédibilité des prétendues craintes des demandeurs en relation avec cet incident. Ainsi, il ressort clairement du récit des demandeurs que (i) l’enfant (C) aurait été interpellée ensemble avec des copines lesquelles n’auraient toutes pas été habillées conformément à un certain code vestimentaire, (ii) que la raison de l’arrestation aurait été une remarque provocante d’une de ses copines et (iii) qu’elle aurait uniquement fait l’objet dans ce contexte de remarques sur leur style vestimentaire. Si certes, le tribunal ne saurait nier l’atteinte aux droits des femmes en Iran, il échet néanmoins de rappeler qu’une telle atteinte, ou acte de persécution, doit toutefois atteindre un certain niveau de gravité pour pouvoir fonder l’octroi d’un des statuts conférés par la protection internationale. Or, indépendamment du constat qu’au vu des circonstances de l’incident prémentionné et à défaut de suites y données par les autorités iraniennes tel n’est objectivement pas le cas en l’espèce, le tribunal rejoint la partie étatique dans son constat que les demandeurs ne sont pas crédibles dans leur affirmation que cette arrestation, même à admettre qu’elle ait eu lieu, constituerait un réel motif à la base de leur demande de protection internationale et qu’ils craindraient réellement des actes de persécution ou des atteintes graves dans ce contexte en cas de retour en Iran.
Ce constat n’est pas énervé par les développements des demandeurs contenus dans leur requête introductive d’instance, alors qu’ils se contentent d’exposer, de manière générale, l’atteinte aux droits des femmes en Iran, sans pour autant mettre le contenu des rapports etarticles de presse versés en cause en relation avec la situation concrète de leur fille et sans prendre position par rapport aux reproches émis par le ministre.
En ce qui concerne finalement les développements des demandeurs, non autrement circonstanciés et invoqués une première fois dans le cadre de leur requête introductive d’instance, relatifs à leur crainte de faire l’objet de persécutions ou atteintes graves en cas de retour dans leur pays d’origine en raison de leur participation à des manifestations au Luxembourg contre le pouvoir iranien, le tribunal constate que les concernés restent en défaut d’établir de manière tangible un tel risque dans leur chef. En effet, les demandeurs restent en défaut, d’une part, de préciser quels actes de persécutions ou d’atteinte graves ils craindraient subir en Iran à cet égard, et, d’autre part, d’établir le fait même qu’ils auraient participé à une quelconque manifestation en ce sens depuis leur arrivé au Luxembourg. Il s’ensuit que ledit motif à la base de leur demande de protection internationale, lequel les concernés ne se sont pas efforcés d’établir, ne saurait pas non plus être déclaré comme crédible, de sorte que ledit motif ne saurait, à son tour, fonder l’octroi d’un des statuts de protection internationale.
Au vu de ces considérations, il y a lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a déclaré le récit des demandeurs comme non crédible, de sorte qu’à défaut de faits avérés permettant de vérifier le bien-fondé de la demande de protection internationale, soumise à son analyse et prise en ses volets relatifs tant au statut de réfugié qu’au statut conféré par la protection subsidiaire, le tribunal ne saurait invalider le rejet de la demande en octroi d’un des statuts de la protection internationale, présentée par les demandeurs.
Ce constat n’est pas énervé par l’affirmation non autrement circonstanciée des demandeurs suivant laquelle le ministre n’aurait pas établi qu’ils ne remplissaient pas les conditions prévues par l’article 48, point c) de la loi du 18 décembre 2015. En effet, il ne ressort ni de leurs rapports d’entretiens respectifs, ni de leur requête introductive d’instance que les demandeurs auraient mis en avant un risque de faire l’objet, en cas de retour en Iran, de menaces graves et individuelles contre leur vie ou leur personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, la simple référence audit article dans le cadre de leur requête introductive d’instance étant insuffisante à cet égard.
Il s’ensuit que le recours, en ce qu’il est dirigé contre le volet de la décision déférée portant refus d’octroyer une protection internationale aux consorts (ABC), est à rejeter pour ne pas être fondé.
2) Quant au recours dirigé contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire Il résulte des termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015 qu’« une décision du ministre vaut décision de retour […] » et en vertu de l’article 2, point q) de la même loi, la notion de « décision de retour » est définie comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Bien que le législateur n’ait pas expressément précisé que la décision du ministre, visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre en matière de protection internationale.
Il s’ensuit que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder aux demandeurs l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre a a priori valablement pu assortir sa décision de refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.
Il convient de rappeler que si l’article 3 de la CEDH, auquel renvoie l’article 129 de la loi du 29 août 2008 – qui est applicable à la décision de retour découlant d’une décision de rejet d’une demande de protection internationale, conformément à l’article 34, paragraphe (2), alinéa 3 de la loi du 18 décembre 2015 –, proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants, encore faut-il que le risque de subir des souffrances mentales ou physiques présente une certaine intensité.
En effet, si une mesure d’éloignement relève de la CEDH dans la mesure où son exécution risquerait de porter atteinte aux droits inscrits à l’article 3, ce n’est cependant pas la nature de la mesure d’éloignement qui pose un problème de conformité à la CEDH, spécialement à son article 3, mais ce sont les effets de la mesure en ce qu’elle est susceptible de porter atteinte aux droits que l’article 3 garantit à toute personne. C’est l’effectivité de la protection requise par l’article 3 qui interdit aux Etats parties à la CEDH d’accomplir un acte qui aurait pour résultat direct d’exposer une personne à des mauvais traitements prohibés. S’il n’existe pas, dans l’absolu, un droit à ne pas être éloigné, il existe un droit à ne pas être soumis à la torture ou à des traitements inhumains ou dégradants, de sorte qu’il existe a fortiori un droit à ne pas être éloigné quand une mesure aurait pour conséquence d’exposer à la torture ou à une peine ou des traitements inhumains ou dégradants. Cependant, dans ce type d’affaires, la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », soumet à un examen rigoureux toutes les circonstances de l’affaire, notamment la situation personnelle du requérant dans l’Etat qui est en train de mettre en œuvre la mesure d’éloignement. La CourEDH recherche donc s’il existait un risque réel que le renvoi du requérant soit contraire aux règles de l’article 3 de la CEDH. Pour cela, la Cour évalue ce risque notamment à la lumière des éléments dont elle dispose au moment où elle examine l’affaire et des informations les plus récentes concernant la situation personnelle du requérant.
Le tribunal procède donc à la même analyse de l’affaire sous examen.
Or, en ce qui concerne précisément les risques prétendument encourus en cas de retour en Iran, le tribunal a conclu ci-avant à l’absence, dans le chef des demandeurs, de tout risque réel et actuel de subir des atteintes graves, au sens notamment de l’article 48, point b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, de sorte que le tribunal ne saurait se départir de cette conclusion à ce niveau-ci de son analyse.
Au vu de ce qui précède et compte tenu du seuil élevé fixé par l’article 3 de la CEDH10, le tribunal n’estime pas qu’il existe un risque suffisamment réel pour que le renvoi du demandeur dans son pays d’origine soit dans ces circonstances incompatibles avec l’article 3 de la CEDH, de sorte que les moyens tirés d’une violation dudit article 3 de la CEDH et de l’article 129 de la loi du 29 août 2008 encourent le rejet.
Il suit des considérations qui précèdent que le recours en réformation introduit à l’encontre de l’ordre de quitter le territoire est à rejeter.
10 CourEDH, Lorsé et autres c/ Pays-Bas, 4 février 2003, point 59.Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 20 juin 2024 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 20 juin 2024 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en communication du dossier administratif comme étant devenue sans objet ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 2 avril 2025 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 30