Tribunal administratif Numéro 48404 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48404 1re chambre Inscrit le 19 janvier 2023 Audience publique du 2 avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), … (France), contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes en matière d’appel en garantie
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48404 du rôle et déposée le 19 janvier 2023 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée IE.LEX SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg et établie à L-1930 Luxembourg, 68, avenue de la Liberté, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Daniel PHONG, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à F-…, tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’un bulletin d’appel en garantie du 10 mai 2022 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 avril 2023 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Steve COLLART en sa plaidoirie à l’audience publique du 5 février 2025.
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En date du 10 mai 2022, le bureau d’imposition RTS Luxembourg 1 de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le bureau d’imposition », émit un bulletin d’appel en garantie (« Haftungsbescheid ») en vertu du paragraphe 118 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », à l’encontre de Monsieur (A), en sa qualité de gérant unique de la société à responsabilité limitée (AA), ci-
après désignée par « la Société », ledit bulletin déclarant Monsieur (A) débiteur d’un montant de … euros, en principal et intérêts, au titre de l’impôt sur les traitements et salaires pour les années d’imposition 2017, 2018 et 2019.
Par un courrier de son litismandataire du 2 août 2022, réceptionné le 4 août 2022, Monsieur (A) saisit le directeur de l’administration des Contributions directes, ci-après désigné par « le directeur », d’une réclamation contre le bulletin d’appel en garantie précité émis le 10 mai 2022.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 19 janvier 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation du susdit bulletin d’appel en garantie du 10 mai 2022.
Quand bien même une partie a formulé un recours en annulation à titre principal et un recours en réformation à titre subsidiaire, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation contre la décision critiquée, alors qu’en vertu de l’article 2 (1) de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, désignée ci-après par « la loi du 7 novembre 1996 », un recours en annulation n’est possible qu’à l’égard des décisions non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements.
Conformément aux dispositions du paragraphe 119 AO, les personnes à l’encontre desquelles un bulletin d’appel en garantie a été émis bénéficient des mêmes voies de recours que celles ouvertes aux contribuables. Conformément aux dispositions combinées du paragraphe 228 AO et de l’article 8 (3), point 3. de la loi du 7 novembre 1996, le tribunal administratif est appelé à statuer comme juge du fond sur un recours introduit contre un bulletin d’imposition, en cas de silence du directeur pendant plus de six mois suite à une réclamation y relative lui adressée dans les délais. Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation tel qu’introduit par le demandeur, étant relevé que la question de l’observation du susdit délai de six mois concerne la recevabilité du recours et sera examinée ci-après.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation.
Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours sous analyse pour être prématuré, étant donné que la réclamation à l’encontre du bulletin d’appel en garantie litigieux aurait été introduite en date du 4 août 2022, de sorte qu’au jour du dépôt de la requête introductive d’instance, soit le 19 janvier 2023, le délai de six mois de silence prévu par l’article 8 (3), point 3. de la loi du 7 novembre 1996 n’aurait pas encore expiré.
Aux termes de cette dernière disposition légale, « lorsqu’une réclamation au sens du § 228 de la loi générale des impôts ou une demande en application du § 131 de cette loi a été introduite et qu’aucune décision définitive n’est intervenue dans le délai de six mois à partir de la demande, le réclamant ou le requérant peuvent considérer la réclamation ou la demande comme rejetées et interjeter recours devant le tribunal administratif contre la décision qui fait l’objet de la réclamation ou, lorsqu’il s’agit d’une demande de remise ou en modération, contre la décision implicite de refus. Dans ce cas le délai prévu au point 4, ci-après ne court pas ».
Il ressort de cette disposition que le contribuable dont la réclamation n’a pas fait l’objet d’une décision définitive du directeur dans un délai de six mois a le droit de déférer directement au tribunal le bulletin qui a fait l’objet de la réclamation, étant entendu que, s’agissant d’une condition de recevabilité, l’observation de ce délai de six mois, qui court à partir de l’introduction de la réclamation contre le bulletin, s’apprécie au jour de l’introduction du recours. Si le délai de six mois n’est pas encore révolu, le recours est à déclarer irrecevable pour avoir été introduit prématurément1.
En l’espèce, il ressort des pièces du dossier fiscal et notamment d’une lettre de la division contentieux de l’administration des Contributions directes du 5 août 2022 que la 1 Trib. adm. 21 mars 2002, n° 12843 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Impôts, n° 1356 et les autres références y citées.
réclamation dirigée par Monsieur (A) à l’encontre du bulletin d’appel en garantie litigieux a été introduite auprès du directeur en date du 4 août 2022.
Le délai précité de six mois, qui court à partir de l’introduction de la réclamation dirigée à l’encontre du prédit bulletin d’appel en garantie, a partant commencé à courir le 4 août 2022 pour expirer le 6 février 2023, le 4 février 2023 ayant été un samedi.
Le recours sous analyse ayant été introduit au greffe du tribunal administratif le 19 janvier 2023, soit moins de six mois après l’introduction de la réclamation précitée devant le directeur, il doit être déclaré irrecevable pour avoir été introduit prématurément.
Le demandeur sollicite encore l’octroi d’une indemnité de procédure s’élevant à 1.500 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, demande qui est à rejeter au regard de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
déclare le recours subsidiaire en réformation irrecevable ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours principal en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure telle que présentée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 2 avril 2025 par :
Daniel WEBER, vice-président, Michèle STOFFEL, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 2 avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 3