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01/04/2025 | LUXEMBOURG | N°49800

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 01 avril 2025, 49800


Tribunal administratif N° 49800 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49800 3e chambre Inscrit le 14 décembre 2023 Audience publique du 1er avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49800 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 décembre 2023 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxe

mbourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, d...

Tribunal administratif N° 49800 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49800 3e chambre Inscrit le 14 décembre 2023 Audience publique du 1er avril 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre deux décisions du ministre de l’Immigration et de l’Asile en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49800 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 14 décembre 2023 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Tunisie), de nationalité tunisienne, demeurant actuellement à L-…, tendant, d’après le dispositif de la requête introductive d’instance, auquel le tribunal est seul tenu, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 15 novembre 2023 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale, ainsi que de la décision portant ordre de quitter le territoire contenue dans le même acte ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2024 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elena FROLOVA, en remplacement de Maître Michel KARP, et Madame le délégué du gouvernement Linda MANIEWSKI en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 février 2025.

Le 30 mai 2022, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée – police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.

En date des 3 juin 2022 et 8 juin 2023, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.

Par décision du 15 novembre 2023, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée en date du 16 novembre 2023, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le 1ministre », rejeta la demande de protection internationale de Monsieur (A), tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours. Cette décision est libellée comme suit :

« […] J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale que vous avez introduite le 30 mai 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).

Je suis malheureusement dans l'obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.

1. Quant à vos motifs de fuite En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 30 mai 2022, le rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et européennes sur les motifs sous-

tendant votre demande de protection internationale du 3 juin 2022, le rapport d'entretien complémentaire du 8 juin 2023 ainsi que les documents versés à l'appui de votre demande.

Vous déclarez être de nationalité tunisienne, d'ethnie Arabe, célibataire et originaire d'.., qui se situe dans le … et où vous auriez vécu avec votre père. Vous auriez quitté la Tunisie avec votre prétendu petit-ami, le dénommé (B) en raison de votre orientation sexuelle. En effet, vous seriez en couple avec ce dernier, vous aimeriez vous marier et vous ne pourriez pas vivre votre relation dans votre pays d'origine, raison pour laquelle vous auriez tous les deux introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

Vous affirmez avoir pris conscience de votre homosexualité à l'âge de dix-sept ans alors que vous auriez déjà « connu quelqu'un » à cette période (p.4 de votre rapport d'entretien).

Vous seriez aujourd'hui en couple avec Monsieur (B), lequel vous connaîtriez « depuis tout petit » (p.4 de votre rapport d'entretien) étant donné qu'il serait votre cousin. Vous expliquez qu'« On sortait ensemble se promener, on allait à la plage, on sortait manger, il venait chez moi. On avait une relation libérée, classique » (p.4 de votre rapport d'entretien).

Vous prétendez que votre famille n'aurait jamais été au courant de votre relation jusqu'à ce que « fin juillet, début août 2021 » (p.4 de votre rapport d'entretien) votre famille la découvre car vous l'auriez dit à un copain. Vous dites également que votre famille aurait eu la certitude de votre homosexualité « quand je suis parti avec (B) » (p.4 de votre rapport d'entretien). Vous dites finalement que le seul membre de votre famille qui l'aurait su aurait été votre père car « des gens du village » lui aurait dit. Vous ajoutez que « quand ça s'est su, on ne se voyait plus » (p.3 de votre rapport d'entretien complémentaire).

Vous précisez que l'homosexualité serait interdite en Tunisie et qu'il y aurait une loi qui vous condamnerait à « trois ans de prison ». En cas de retour dans votre pays d'origine, vous expliquez également que votre père vous tuerait. Vous ajoutez que « La Tunisie est un pays musulman, les gens insultent et parlent beaucoup. Et nous, on ne peut pas vivre ensemble » (p.4 de votre rapport d'entretien).

A l'appui de votre demande de protection internationale, vous ne présentez aucune pièce d'identité en précisant auprès du Service de Police Judiciaire que vous auriez « perdu » 2tous vos documents en Serbie avant de déclarer lors de l'entretien sur les motifs sous-tendant votre demande que vous les auriez « laissé[s] » en Serbie. Nonobstant, suite à l'entretien complémentaire du 8 juin 2023, vous avez transmis des copies de votre carte d'identité tunisienne ainsi qu'une copie de votre passeport tunisien.

2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale Suivant l'article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d'une part le statut de réfugié et d'autre part le statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant à la crédibilité de votre récit Monsieur, il sied de porter à votre attention que la sincérité de vos propos est réfutée au vu du caractère incohérent, contradictoire et mensonger de vos dires et du fait que vous n'êtes pas en mesure de prouver vos affirmations par des preuves objectives ou concrètes.

Il y a lieu de rappeler qu'il incombe au demandeur de protection internationale de rapporter, dans toute la mesure du possible, la preuve des faits, craintes et persécutions par lui alléguées, sur base d'un récit crédible et cohérent et en soumettant aux autorités compétentes le cas échéant les documents, rapports, écrits et attestations nécessaires afin de soutenir ses affirmations. Il appartient donc au demandeur de protection internationale de mettre l'administration en mesure de saisir l'intégralité de sa situation personnelle. Il y a lieu de préciser également dans ce contexte que l'analyse d'une demande de protection internationale ne se limite pas à la pertinence des faits allégués par un demandeur de protection internationale, mais il s'agit également d'apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations, la crédibilité du récit constituant en effet un élément d'évaluation fondamental dans l'appréciation du bien-fondé d'une demande de protection internationale, et plus particulièrement lorsque des éléments de preuve matériels font défaut.

En effet, il échet de constater que vous n'êtes pas en mesure de prouver ne serait-ce qu'une infime partie de vos dires. En effet, depuis votre séjour au Luxembourg en 2021, vous n'avez pas jugé utile de verser une pièce susceptible de prouver vos dires en lien avec vos prétendues craintes concernant un retour en Tunisie, votre prétendue homosexualité et vos relations homosexuelles passées, votre situation familiale, problèmes familiaux ou encore votre situation personnelle, respectivement votre vécu en Tunisie. Vous n'avez d'ailleurs même pas jugé utile de verser une pièce quelconque permettant de vous identifier jusqu'en juin 2023, où vous avez remis une simple photo de votre passeport tunisien, soit plus d'un an après l'introduction de votre demande de protection internationale, tout en précisant que vos documents d'identités seraient restés en Serbie.

Eu égard à ce qui précède, il est donc impossible de se faire une idée de la réalité de votre passé ainsi que d'établir votre identité de sorte votre récit est d'ores et déjà remis en cause.

Force est également de constater que vos motifs de fuite doivent être réfutés alors que vos réponses sont totalement incohérentes et mensongères, incompatibles avec ceux d'une personne réellement persécutée ou à risque d'être persécutée et qui serait en besoin réel d'une protection.

3Il convient en premier lieu de relever un bon nombre d'incohérences et de contradictions concernant vos dires au sujet de vos documents d'identité. En effet, il n'est déjà pas clair si vous aviez perdu ou laissé vos documents en Serbie, étant donné que vos propos changent entre votre entretien du 30 mai 2022 auprès le Service de la Police Judiciaire et votre entretien du 3 juin 2022 sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale.

D'ailleurs, lorsque l'agent en charge de l'entretien vous confronte à cette contradiction, vous ne niez pas et répondez simplement « J'ai laissé les papiers dans ce squat… il y a d'autres personnes… je peux me les faire envoyer » (p.3 de votre rapport d'entretien). Lors de l'entretien complémentaire du 8 juin 2023, lorsque l'agent vous repose la question, respectivement si vous avez réussi à vous les faire envoyer, vous répondez que l'endroit où vous les auriez laissés serait dorénavant vide car « tout le monde a quitté [le lieu] » et qu'il serait donc impossible pour vous de les récupérer.

Toujours à cet égard, lorsque l'agent vous demande si vous avez tenté de contacter ces personnes, vous répondez : « Je n'ai plus Facebook, je n'ai plus leurs contacts ». Or, il est clair que vous mentez incontestablement à l'agent alors qu'au début de votre entretien, vous lui avez communiqué le lien de votre compte Facebook. Confronté à vos dires, vous tentez de vous justifier en expliquant que « C'est surtout des contacts avec WhatsApp en fait, et ils ont enlevé leurs cartes SIM » (p.2 de votre rapport d'entretien complémentaire), ce qui ne saurait pas non plus être véridique étant donné qu'il n'est pas nécessaire d'avoir une carte SIM pour pouvoir utiliser WhatsApp, ce que vous devez certainement savoir. En tout cas, il semble évident que vous tentez d'induire l'agent du Ministère en erreur, alors qu'il est étonnant que vous ne pourriez pas joindre ces personnes mais que vous soyez en mesure d'affirmer qu'ils auraient quitté ce lieu et qu'ils auraient enlevé les cartes SIM de leurs téléphones portables.

Votre comportement est d'autant plus incompréhensible alors que vous remettez des copies de vos documents d'identité en date du 8 juin 2023 et que vous précisez que « J'avais fait la photo pour qu'on puisse l'utiliser pour m'envoyer de l'argent. L'oncle paternel de mon ami, devait m'envoyer de l'argent en Serbie » (p.3 de votre rapport d'entretien complémentaire). Or, il convient, d'une part, de conclure que vous auriez donc été en possession de ces documents depuis le début de l'introduction de votre demande, de sorte que vous auriez donc clairement pu remettre ces copies immédiatement au lieu d'adopter un comportement complétement non-collaboratif et d'attendre plus d'un an avant de les transmettre.

Il y a lieu de noter qu'un demandeur de protection internationale a l'obligation de coopérer avec le Ministre en vue d'établir son identité et la réalité des motifs de fuite invoqués à l'appui de sa demande. Ainsi, il doit remettre ses documents d'identité, ainsi que toute pièce utile à l'examen de sa demande, ceci aussi rapidement que possible. Or, je dois constater que vous ne coopérez pas et que vous n'entreprenez pas les moindres démarches afin de me remettre les documents nécessaires à l'appui de votre demande.

En deuxième lieu, il échet de relever qu'il n'est pas concevable qu'une personne qui se prétend homosexuelle depuis ses dix-sept ans, ne connaisse même pas le terme « LGBT » (p.4 de votre rapport d'entretien complémentaire) alors que la communauté LGBT est présente dans votre pays d'origine depuis des années : « Six associations dites LGBT (Lesbians, gays, bisexuals and transexuals), toutes créées après la chute politique de Ben Ali, existent à ce moment-là dans le pays. Les deux premières, Damj [Inclusion] et Arkân [Recoins], ont vu le 4jour en 2011 et 2012 et les quatre suivantes, Mawjoudîn [Nous existons], Chouf [Regarde], Without Restrictions et Shams, en 2014 et 2015. Leurs revendications sont principalement axées sur la demande de réformer le code pénal, en abrogeant notamment l'article 230 ».

A cet égard, il convient de constater que vous ne vous êtes nullement renseigné et que vous n'avez fait aucune recherche concernant les personnes qui pourraient être dans la même situation que vous dans votre pays d'origine. Cela est d'autant plus vrai alors que vous dites simplement avoir entendu parler d'une association qui se nommerait « Shams » (p.5 de votre rapport d'entretien) mais que vous n'auriez d'ailleurs jamais essayé de la contacter.

Il convient encore de relever que vous êtes dans l'impossibilité de fournir la moindre précision concernant votre relation avec votre petit-ami, qui aurait pourtant duré un certain temps et que vous restez très vague concernant votre vie en tant qu'homosexuel en Tunisie alors que vous dites simplement avoir eu « un grand penchant pour les hommes » à l'âge de 17 ans et que « déjà à cette période, j'avais connu quelqu'un. Je ne suis plus avec lui » (p.4 de votre rapport d'entretien) mais vous n'êtes pas en mesure de faire état d'une seule particularité, voire d'une seule anecdote ou encore d'un seul souvenir concernant votre petit-ami ou votre relation amoureuse. Il en est de même concernant votre relation avec (B), pour laquelle vous expliquez simplement que vous auriez vécu une relation « libérée, classique », ce qui ne prouve nullement que vous aviez vraiment une relation avec ce dernier. Dans la même lignée, lorsque l'agent en charge de l'entretien vous demande de vous expliquer concernant votre relation avec (B) afin de savoir comment cela se fait que votre famille aurait découvert votre relation vous répondez simplement « Avant, ils nous voyaient ensemble, mais ils savaient qu'on était cousin » (p.4 de votre rapport d'entretien complémentaire). Vous ne donnez une nouvelle fois que très peu d'éléments en répondant vaguement aux questions et sans donner plus d'explications, ce qui démontre que vous faites preuve d'un désintérêt total et d'un manque de coopération quant à votre demande de protection internationale.

Finalement, concernant votre soi-disant relation avec (B), de nombreux doutes persistent alors qu'il est totalement confus de savoir depuis quand vous vous connaîtriez, qui de votre famille serait au courant et depuis quand ou encore si vous aviez eu une relation quelconque.

En effet, vous affirmez que (B) serait votre cousin et que vous le connaitriez « depuis tout petit » (p.4 de votre rapport d'entretien et p.3 de votre rapport d'entretien complémentaire). Néanmoins, lui, déclare vous connaître que depuis qu'il a l'âge de 18 ans, c'est-à-dire depuis que vous auriez l'âge de 22 ans et que vous auriez le même nom de famille car « on a tous le même nom de famille dans ce village » (p.4 de votre rapport d'entretien). Il change d'ailleurs encore de version pendant son entretien complémentaire lors duquel il affirme, après hésitation, vous avoir connu chez votre grand-mère en 2017 donc lorsque vous aviez 23 ou 24 ans. Ayant tous les deux une version des faits totalement différente et étant donné qu'il n'est pas possible qu'il puisse omettre de préciser que vous seriez cousin démontre que vos propos sont mensongers.

Il échet encore de préciser que vous êtes incohérent concernant la période à laquelle vos familles auraient été au courant de votre relation. En effet, vous dites d'abord que « Ma famille n'était pas au courant que j'étais homosexuel. Ils l'ont entendu, et ils ont eu la certitude quand je suis parti avec (B) » en affirmant que c'était « Fin juillet, début août 2021. Ma mère ne le savait pas […] ma famille l'a sue… » (p.4 de votre rapport d'entretien) avant de préciser qu'uniquement votre père l'aurait su. (B), en revanche, précise que sa famille aurait 5uniquement eu des soupçons. Or, il convient de préciser que si vous étiez réellement cousins et que vos mères seraient sœurs, il est clair que vos deux familles auraient été au courant de votre relation, surtout que selon vos propos vous auriez vécu librement votre relation en Tunisie.

Ce constat est renforcé par le fait que vous dites d'ailleurs que vous vous seriez vus dans vos domiciles respectifs : « il venait me voir, moi, j'allais le voir […] il venait chez moi » (p.4 de votre rapport d'entretien), où vous auriez d'ailleurs résidé avec votre père. Or, il n'est manifestement pas plausible que les doutes de vos familles soient apparus aussi subitement et tardivement, en 2021, alors que pendant approximativement six ans, lorsque (B) avait 18 ans, « l'homosexualité a commencé[e] » (p.3 de votre rapport d'entretien complémentaire) c'est-à-

dire depuis 2016, vous auriez donc dormi ensemble et eu des relations sexuelles dans vos maisons parentales respectives. Il est en effet inimaginable que vous ayez su prendre toutes les précautions nécessaires pour maintenir secrète votre relation et votre orientation sexuelle auprès de tous vos proches, surtout que vous dites qu'« On vivait de façon libérée » (p.3 de votre rapport d'entretien complémentaire) et que tout d'un coup ceux-ci auraient découvert toute la vérité car « des gens l'ont dit à mon père » (p.4 de votre rapport d'entretien).

Votre propos selon lequel vous n'auriez aucune photo avec (B) ne saurait pas non plus convaincre alors que ce dernier prétend qu'il y en aurait eu sur vos téléphones. De plus, comme vous avez pu le prétendre, vous vous connaîtriez depuis des années et vous auriez passé beaucoup de temps ensemble, il est alors surprenant que vous n'ayez jamais pris de photos ensemble.

Il y a donc lieu de constater que votre relation avec (B) est inventée de toute pièce.

Vos arguments ne font non plus de sens alors que vous dites que vous n'auriez jamais essayé de quitter le domicile de votre père pour vivre votre vie de façon indépendante ou afin de vous installer dans une autre région pour la simple raison que : «Je n'avais pas la possibilité pour prendre un logement, car je ne travaille pas » et qu'« on n'avait pas d'argent avec mon petit copain » (p.5 de votre rapport d'entretien), ce qui montre votre désinvolture et ce qui ne constitue pas une raison valable alors que si vous aviez réellement eu peur que votre père vous tue, vous ne seriez certainement pas resté vivre chez lui le temps de quitter la Tunisie.

Partant, aucune crédibilité ne saurait être accordée à votre récit ou encore à votre orientation sexuelle, de sorte qu'aucune protection internationale ne vous est accordée.

Quand bien même une once de crédibilité devrait être accordée à vos dires, quod non, il s'avère que vous ne remplissez pas les conditions pour l'octroi du statut de réfugié, respectivement pour l'octroi du statut conféré par la protection subsidiaire.

• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d'octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée la « Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.

Aux termes de l'article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l'article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d'un pays tiers ou apatride qui, parce qu'il craint avec raison d'être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain 6groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 45 ».

L'octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l'article 2 point f de la Loi de 2015, que ces actes soient d'une gravité suffisante au sens de l'article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu'ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l'article 39 de la loi susmentionnée.

Même si votre relation, respectivement votre homosexualité serait établie, ce qui n'est nullement le cas, il n'est alors clairement pas établi que vous seriez en danger en Tunisie alors que le seul fait de se trouver sur le territoire tunisien en tant qu'homosexuel ne suffit pas pour se voir octroyer une protection internationale d'autant plus que vous dites vous-même que vous auriez vécu votre homosexualité de manière tout à fait normale et sans problème, alors que vous dites « il venait me voir, moi, j'allais le voir. On sortait ensemble se promener, on allait à la plage, on sortait manger, il venait chez moi. On avait une relation libérée, classique » (p.4 de votre rapport d'entretien).

Dans ce contexte, il s'agit aussi de constater que, bien que l'homosexualité reste punie par la loi en Tunisie, des progrès réels ont été réalisés au cours de ces dernières années, comme démontré par exemple par le lancement de la première radio destinée aux homosexuels dans le monde arabe. De plus, la situation pour la communauté LGBTI continue à évoluer favorablement : « increased local LGBTQ+ activism and acceptance has risen up since the 2011 revolution, making Tunisia one of the better places in the Arab world to be gay. The Tunisia gay scene is not easy to define but, thanks to the internet, it's become ever easier to tap into its varying levels. From 'straight' unhappy husbands to 'same-sex-not-gay' liaisons between friends, the gay network certainly exists, allowing for discreet (yet cruisy) connections at any time. The lack of organisation and outward institutions however means it's hard to form a legitimate gay community, but ongoing work from organisations like 'Association Shams' and 'Mawjoudin' helps present a proud face for gay Tunisia. Of the handful of queer events usually hosted in Tunis, the Mawjoudin Queer Film Festival was the biggest, as the country's first public LGBTQ film festival held back in 2018 ».

De même, « Tunisia has gained a positive reputation amongst the LGBTQ community of the Arab world, particularly due to the strong activism of organizations like "Association Shams" and "Mawjoudin", who have been campaigning hard for LGBTQ minorities' rights.

On 18 May 2015, "Association Shams" even received government recognition as an official organization. More recently, an openly gay man, Mounir Baatour, is seeking to run for President! Whether or not he'll succeed, the very fact that he is able to run says a lot! In terms of gay events in Tunisia, small discreet Pride receptions have taken place in private, mainly in the capital, Tunis. Most impressive is the Mawjoudin's Queer Film Festival, which successfully took place in January 2018. This was a big deal because it was the first-ever public film festival in Tunisia to celebrate the country's LGBTQ community ». Il existe en outre pas moins de cinq organisations non gouvernementales en Tunisie qui s'occupent du soutien de la communauté LGBTI et de la défense de ses droits, dont SHAMS.

7Il convient surtout d'ajouter, pour être complet sur ce sujet qu'encore tout récemment, un tribunal de grande instance tunisien a jugé que la loi sur l'homosexualité serait anticonstitutionnelle et que la décision finale sur ce sujet revient désormais à la Cour constitutionnelle, dont la création a été prévue dans la Constitution de 2014. En effet, « Mounir Baatour, founder of the LGBTQ rights organization Shams, explained the situation: "Article 230 remains in force, but what has changed is that now any defendant who is tried under Article 230 can cite the ruling of the Court of Cassation to the court before which he is tried. … There is a great chance that people will be acquitted of charges of homosexuality because the Court of Cassation has undercut Article 230." ».

Au vu de tout ce qui précède, il n'est en tout cas nullement établi qu'il ne vous serait pas possible de vivre en Tunisie. Il convient également de soulever que vous expliquez simplement que vous craindriez être emprisonné car la loi tunisienne interdirait l'homosexualité mais vous ne faites état d'aucun fait qui pourrait être assimilé à une persécution personnellement ou individuellement.

Finalement, il échet de préciser qu'en tant qu'adulte, vous ne seriez manifestement pas non plus obligé de retourner vivre à votre ancienne adresse, ou ne serait-ce que dans votre ancien quartier ou votre ancienne ville, respectivement, près de votre père. En effet, vous pouvez vous installer où bon vous semble, notamment à Tunis, capitale du pays et métropole plus libérale, respectivement un des centres touristiques du pays, où il vous serait notamment possible de vivre de façon plus anonyme, tout en y pouvant profiter des cafés et des clubs fréquentés par les homosexuels.

Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.

• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l'article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d'un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 48, l'article 50, paragraphes 1 et 2, n'étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n'étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.

L'article 48 définit en tant qu'atteinte grave « la peine de mort ou l'exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d'origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».

L'octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d'atteintes graves au sens de l'article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l'article 39 de cette même loi. Or, en l'espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.

Outre les conclusions ci-dessus retenues quant aux doutes évidents relatives à la crédibilité de vos déclarations, il y a encore lieu de retenir qu'il n'existe manifestement pas 8davantage d'éléments susceptibles d'établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu'il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que courriez, en cas de retour dans votre pays d'origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l'article 48 de la loi de 2015.

En effet, vous omettez d'établir qu'en cas de retour en Tunisie, vous risqueriez la peine de mort ou l'exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Vos allégations selon lesquelles vous auriez peur que votre père vous tue ou que vous soyez emprisonné, ne saurait en tout cas clairement pas suffire pour retenir que vous seriez victime d'une telle atteinte grave en cas d'un retour chez vous. En effet, vos craintes, à les supposer réelles, sauraient tout au plus être définies comme étant totalement hypothétiques. A cela s'ajoute qu'il ne serait donc manifestement pas non plus établi que vous n'ayez pas pu compter sur l'aide et la protection offertes par les autorités tunisiennes.

Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.

Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.

Suivant les dispositions de l'article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l'obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Tunisie, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 décembre 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant, d’après le dispositif de la requête introductive d’instance, auquel le tribunal est seul tenu, à la réformation, sinon à l’annulation de la décision précitée du ministre du 15 novembre 2023 portant rejet de sa demande de protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.

1) Quant au recours visant la décision du ministre portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé à titre principal contre la décision du ministre du 15 novembre 2023, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours et en fait, le demandeur rappelle en premier lieu être né à … et être de nationalité tunisienne et d’ethnie arabe.

Il explique ensuite avoir quitté son pays d’origine, la Tunisie, avec son compagnon, en raison des persécutions et des traitements inhumains et dégradants qu’il aurait risqué de subir 9de la part de la population tunisienne et plus particulièrement des autorités tunisiennes du fait de son homosexualité et de la relation amoureuse qu’il entretiendrait avec Monsieur (B).

Il indique avoir un « grand penchant pour les hommes » depuis l’âge de 17 ans et que déjà à ce moment-là il aurait eu une relation avec quelqu’un. Il fait valoir que lui et son compagnon se connaîtraient depuis leur jeune enfance, dès lors que Monsieur (B) serait son cousin, plus précisément le fils de sa tante, et qu’il aurait eu 22 ans et son compagnon 18 ans au moment où ils auraient commencé leur relation amoureuse. Il explique qu’ils se seraient promenés, seraient allés à la plage, seraient allés manger, et que son compagnon serait également venu chez lui. Leur relation amoureuse aurait été « libérée, classique », mais cachée et personne n’aurait été au courant de celle-ci jusque fin juillet ou début août 2021, lorsqu’un ami à qui le concerné se serait confié, l’aurait divulguée, et suite à quoi son père aurait fini par l’apprendre des gens du village.

En droit, quant au volet de la décision portant refus du statut de réfugié dans son chef, le demandeur considère tout d’abord que les actes invoqués à l’appui de sa demande de protection internationale seraient motivés par l’un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, dès lors que ce serait en raison de son appartenance à un certain groupe social, à savoir la communauté « LGBTI » tunisienne, qu’il craindrait avec raison d’être persécuté dans son pays d’origine sans pouvoir réclamer la protection des autorités en place alors que l’article 230 du code pénal tunisien punirait les relations intimes entre personnes de même sexe.

Dans ce contexte, il se réfère à un rapport de la « Friedrich Ebert Stiftung », de « EuroMed Droits » et de « Mawjoudîn », intitulé « Rapport Alternatif de la Société Civile Tunisienne », publié en août 2022, et à un article de la revue ILCEA, numéro 46, intitulé « Surexposition numérique et stratégies de médiatisation des LGBT en Tunisie », publié en 2022, desquels il ressortirait que les rapports sexuels entre personnes de même sexe seraient punis en vertu de l’article 230 du code pénal tunisien d’une peine d’emprisonnement de trois années, qu’entre 2017 et 2021, 206 personnes auraient été arrêtées sur base dudit article du code pénal tunisien, et que les autorités tunisiennes recourraient à un « test anal » dans le chef des personnes soupçonnées d’homosexualité afin de prouver les rapports sexuels entre personnes de même sexe, lequel constituerait une forme de torture. Le concerné se réfère encore à des extraits d’un rapport de l’« Observatoire pour la Défense du Droit à la Différence en Tunisie », intitulé « Rapport d’analyse de données cas de discriminations collectés par les pôles de l’Observatoire pour la défense du droit à la différence », publié en avril-juin 2023, lequel ferait état de discriminations et de violences à l’encontre des membres de la communauté « LGBT » de la part de la population tunisienne, des autorités tunisiennes et des membres de leurs familles.

L’intéressé estime que les faits rapportés seraient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, dès lors qu’il ferait l’objet de persécutions et d’une menace de traitements inhumains et dégradants par la population tunisienne, les autorités tunisiennes et les lois et règlements tunisiens.

Par ailleurs, il donne à considérer que les persécutions qu’il aurait subies émaneraient de personnes qui seraient à qualifier comme acteurs au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, à savoir l’Etat tunisien, compte tenu de l’article 230 du code pénal tunisien et compte tenu du mode de preuve auquel les autorités tunisiennes auraient recours pour établir l’homosexualité des personnes gays qui constituerait une forme de torture.

10 Il en conclut que toutes les conditions seraient remplies dans son chef pour l’octroi du statut de réfugié, tout en ajoutant que sa vie serait en danger en cas de retour dans son pays d’origine et que le ministre aurait tiré des mauvaises conclusions et n’aurait pas analysé à suffisance son cas particulier.

Subsidiairement, quant au volet de la décision portant refus du statut conféré par la protection subsidiaire, le demandeur fait valoir, en citant les articles 2, point g) et 39 de la loi du 18 décembre 2015, que les faits invoqués à la base de sa demande de protection internationale constitueraient des atteintes graves au sens de l’article 48 de la même loi dès lors qu’il risquerait une atteinte à son intégrité physique et morale en cas de retour dans son pays d’origine et compte tenu notamment des dispositions de l’article 230 du code pénal tunisien lequel serait toujours en vigueur, tout en renvoyant, concernant la seconde condition sous-

tendant l’octroi dudit statut, à savoir que les auteurs des actes précités puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, à ses développements portant sur l’octroi du statut de réfugié.

Il explique qu’il aurait « établi une crainte fondée d’être "persécuté" dans son pays d’origine au sens de l’article 1er, section 1, paragraphe (2) de la Convention de Genève ainsi que des articles 41 et 42 de la loi précitée du 18 décembre 2015, respectivement une crainte d’être victime de traitements inhumains et dégradants, de sorte qu’il a dû prendre la fuite afin de se protéger son état de santé et sa survie sans qu’il ne puisse se prévaloir d’une protection auprès des autorités albanaises qui laissent en liberté un condamné à 18 ans de prison sous réserves d’autres condamnations ».

Il estime encore que le ministre aurait violé l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ainsi que la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.

Il en conclut que toutes les conditions seraient remplies dans son chef pour l’octroi du statut de la protection subsidiaire.

Au regard de ses développements résumés ci-dessus, la décision déférée devrait dès lors, de l’avis du concerné, être réformée en conséquence.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal Suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, il appartient d’abord au tribunal de vérifier la légalité extrinsèque de l’acte lui déféré, avant de se livrer, par le biais de l’examen de la légalité des motifs, au contrôle de la légalité intrinsèque.

Au titre de la légalité externe, le demandeur reproche au ministre une mauvaise instruction de son dossier, au motif qu’il n’aurait pas analysé à suffisance son cas particulier, ce qui s’apparente à un moyen de violation de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015.

Ledit article dispose que « […] (2) Lors de l’examen d’une demande de protection internationale, le ministre détermine d’abord si le demandeur remplit les conditions d’octroi 11du statut de réfugié et, si tel n’est pas le cas, détermine si le demandeur remplit les conditions pour pouvoir bénéficier de la protection subsidiaire.

(3) Le ministre fait en sorte que les décisions sur les demandes de protection internationale soient prises à l’issue d’un examen approprié. A cet effet, il veille à ce que :

a) les demandes soient examinées et les décisions soient prises individuellement, objectivement et impartialement ; […] ».

En l’espèce, contrairement à ce que soutient le demandeur, force est de constater que celui-ci a amplement été entendu lors de ses auditions respectives des 3 juin 2022 et 8 juin 2023 et que le ministre s’est fondé sur l’ensemble de ses déclarations faites à cette occasion pour examiner le bien-fondé de sa demande. La seule circonstance que le ministre a considéré que les déclarations du demandeur n’étaient pas de nature à convaincre de la réalité de la crainte de persécution ou du risque de subir des atteintes graves invoqués ne permet pas de retenir que le ministre n’aurait pas procédé à un examen approprié de la demande de protection internationale en méconnaissance de l’article 10 de la loi du 18 décembre 2015.

Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève qu’aux termes de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.

La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de la même loi comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015 comme « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir [d]es atteintes graves […], et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».

Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.

Par ailleurs, l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que :

« (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent :

a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits 12auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».

Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :

« […] a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».

Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :

« […] a) l’Etat ;

b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;

c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. ».

Aux termes de l’article 40 de la même loi :

« (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :

a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.

(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».

13Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués soient motivés par l’un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées ci-dessus.

Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.

Force est encore de relever que la définition du réfugié contenue à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’un « réfugié » est une personne qui « craint avec raison d’être persécuté[e] », tandis que l’article 2, point g) de la même loi définit la personne pouvant bénéficier du statut de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », de sorte que ces dispositions visent une persécution, respectivement des atteintes graves futures sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait été persécuté ou qu’il ait subi des atteintes graves avant son départ dans son pays d’origine. Par contre, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption simple que de telles persécutions ou atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption peut être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que de telles persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que le demandeur avance, du risque d’être persécuté ou de subir des atteintes graves qu’il encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.

Le tribunal, statuant en tant que juge du fond en matière de demande de protection internationale, doit procéder à l’évaluation de la situation personnelle du demandeur, tout en prenant en considération la situation telle qu’elle se présente à l’heure actuelle dans le pays de provenance. Cet examen ne se limite pas à la pertinence des faits allégués, mais il s’agit également d’apprécier la valeur des éléments de preuve et la crédibilité des déclarations du demandeur.

Il se dégage à ce propos du libellé de la décision déférée que le ministre est arrivé à la conclusion que le récit du demandeur ne serait pas crédible dans son ensemble et qu’il lui a, en conséquence, refusé l’octroi d’un statut de protection internationale, le délégué du gouvernement ayant confirmé cette approche dans le cadre de son mémoire en réponse.

14A cet égard, il y a lieu de rappeler que si, comme en l’espèce, des éléments de preuve manquent pour étayer les déclarations du demandeur de protection internationale, celui-ci doit bénéficier du doute en application de l’article 37, paragraphe (5) de la loi du 18 décembre 2015, si, de manière générale, son récit peut être considéré comme crédible, s’il s’est réellement efforcé d’étayer sa demande, s’il a livré tous les éléments dont il disposait et si ses déclarations sont cohérentes et ne sont pas en contradiction avec l’information générale et spécifique disponible, le principe du bénéfice du doute étant, en droit des réfugiés, d’une très grande importance alors qu’il est souvent impossible pour les réfugiés d’apporter des preuves formelles à l’appui de leur demande de protection internationale et de leur crainte de persécution ou d’atteintes graves1.

En l’espèce, le tribunal partage toutefois les doutes du ministre quant à la crédibilité du récit du demandeur, dans la mesure où celui-ci, dans son ensemble, ne saurait laisser conclure à la véracité de ses dires, le constat général s’imposant, à l’instar des développements du délégué du gouvernement, que l’intéressé tente sciemment d’induire les autorités luxembourgeoises en erreur au sujet de ses motifs de fuite.

Il échet tout d’abord de souligner que dans sa requête introductive d’instance, l’intéressé se limite à discuter la pertinence des faits allégués sans à aucun moment prendre position par rapport au reproche et aux explications circonstanciées du ministre que son récit ne serait pas crédible, question qu’il convient pourtant d’analyser au préalable.

En effet, le demandeur prétend avoir quitté son pays d’origine, la Tunisie, avec son prétendu compagnon, en raison des persécutions et des traitements inhumains et dégradants qu’il aurait risqué de subir de la part de la population tunisienne et plus particulièrement des autorités tunisiennes du fait de sa prétendue homosexualité et de sa prétendue relation amoureuse qu’il entretiendrait avec Monsieur (B).

Or, force est de constater que l’intéressé ne fournit aucun élément de preuve tangible à l’appui de ses affirmations, mais se limite à soutenir (i) qu’il aurait pris conscience de son orientation sexuelle « [à] l’âge de 17 ans. J’étais au lycée, j’avais un grand penchant pour les hommes, et déjà à cette période, j’avais connu quelqu’un. Je ne suis plus avec lui. » et (ii) que « [mon compagnon] venait me voir, moi, j’allais le voir. On sortait ensemble se promener, on allait à la plage, on sortait manger, il venait chez moi. On avait une relation libérée, classique. »2, sans fournir le moindre détail.

Quant à la prétendue homosexualité du concerné, le tribunal relève en outre, à l’instar de la partie étatique, que celui-ci n’a pas de connaissances précises sur les associations de défense des droits et intérêts de la communauté « LGBT » tunisienne à laquelle il déclare appartenir, le concerné ne connaissant en effet qu’un seul nom d’une association œuvrant dans ce domaine sans jamais avoir tenté de la contacter et ignorant en outre la signification voire 1 Trib. adm., 16 avril 2008, n° 23855 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 142 et les autres références y citées.

2 Page 4 du rapport d’entretien du 3 juin 2022, ci-après désigné par « le rapport d’entretien ».

15l’existence même du terme « LGBT »3/4, ce qui laisse douter de la véracité de ses dires. A cet égard, la partie étatique se réfère à un article de la revue Ethnologie française, volume 49, numéro 2, intitulé « Le mouvement LGBT tunisien : un effet de la révolution ? », publié en 2019 et accessible sur le site internet « www.cairn.info », duquel il ressort toutefois que six association dites « LGBT » ont été créées après la chute politique du président tunisien Ben Ali, les deux premières Damj et Arkân en 2011 et 2012, et les quatre suivantes, Mawjoudîn, Chouf, Without Restrictions et Shams, en 2014 et 2015, dont l’une des principales revendications serait l’abrogation de l’article 230 du code pénal tunisien.

Quant à sa prétendue relation amoureuse avec Monsieur (B), le tribunal rejoint encore la partie étatique dans son constat d’incohérences entre le récit de l’intéressé et celui de son prétendu compagnon, concernant notamment leur relation familiale et le moment où ils se seraient rencontrés. En effet, le demandeur a indiqué lors de son entretien auprès du ministère qu’il porterait le même nom de famille que son prétendu compagnon dans la mesure où Monsieur (B) serait son cousin maternel, et qu’ils se connaîtraient depuis leur jeune enfance.

Or, il ressort des explications circonstanciées et non contestées de la partie étatique, que Monsieur (B) aurait, quant à lui, déclaré qu’ils porteraient le même nom de famille en raison du fait que toute personne provenant de leur village aurait ce même nom et qu’ils se connaîtraient seulement depuis qu’il aurait l’âge de 18 ans, voire qu’ils se seraient rencontrés pour la première fois en 2017, donc au moment où le concerné aurait eu 22 ou 23 ans. Le tribunal note que le demandeur ne prend aucunement position quant à ces incohérences manifestes entre ses propres déclarations et celles de son prétendu compagnon, ce qui renforce les doutes quant à la crédibilité de son récit.

De surcroît, les propos du demandeur concernant la divulgation de sa relation cachée avec Monsieur (B) sont pour le moins confus, le concerné ayant affirmé que sa prétendue relation amoureuse aurait été divulguée fin juillet ou début août 2021 par un ami à qui il se serait confié et que « Ma mère ne le savait pas. Je l’ai dit à un copain en Tunisie, il a commencé à répandre l’information, ma famille l’a sue… »5, élément qui est en contradiction avec son affirmation qui suit selon laquelle uniquement son père aurait été au courant de cette relation.

A cela s’ajoute qu’alors même que, selon les dires du concerné, il connaîtrait Monsieur (B) depuis sa jeune enfance et qu’ils entretiendraient une relation amoureuse depuis ses 22 ans, à savoir depuis 2016 ou 20176, il ne dispose pourtant d’aucune photo les montrant ensemble7, ni n’a pu fournir aucun autre élément de preuve tangible de leur prétendue relation amoureuse.

Le manque de crédibilité général du récit de l’intéressé se trouve encore conforté par le fait que l’intéressé a menti aux autorités luxembourgeoises au sujet de ses documents d’identité. En effet, et après avoir indiqué qu’il aurait perdu ses documents d’identité en Serbie 3 Page 5 du rapport d’entretien : « En Tunisie, est-ce qu’il existe une ONG ou association qui œuvre pour l’inclusion et la défense des minorités dont la communauté LGBT ? Je pense dans la capitale, mais je ne suis pas sûr.

Pouvez-vous me citer lesquelles ? J’ai entendu le nom que vous m’avez cité LGBT… Monsieur, le sigle LGBT n’est pas le nom d’une association ni d’une ONG. J’ai entendu parlé d’une association qui s’appelle Shams.

Est-ce que vous avez contacté cette association ? Jamais. » 4 Page 4 du rapport d’entretien complémentaire du 8 juin 2023, ci-après désigné par « le rapport d’entretien complémentaire » : « Que signifie LGBT ? Je ne sais pas. » 5 Page 4 du rapport d’entretien.

6 Page 3 du rapport d’entretien complémentaire.

7 Page 4 du rapport d’entretien complémentaire.

16lors de son entretien auprès de la police grand-ducale, il a expliqué lors de son entretien auprès du ministère qu’il les aurait laissés volontairement en Serbie dans un squat près de la frontière hongroise. Lors de son entretien complémentaire auprès du ministère, il a finalement indiqué disposer d’une photo de ses passeport et carte d’identité. Il ressort ainsi du dossier administratif que l’intéressé n’a remis ladite photo de ses documents d’identité au ministre qu’en date du 8 juin 2023, soit plus d’un an après l’introduction de sa demande de protection internationale, ce qui témoigne non seulement d’un manquement de la part du concerné à son obligation de coopérer avec le ministre prévue à l’article 12, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, mais ce qui démontre également que ce dernier ne s’est nullement efforcé d’étayer sa demande de protection internationale.

À cet égard, il convient, par ailleurs, de relever que l’intéressé avait indiqué lors de son entretien auprès du ministère qu’il pourrait se faire envoyer ses documents d’identité et qu’il avait indiqué au début de son entretien complémentaire qu’il disposerait d’un compte Facebook, pour finalement expliquer qu’il n’aurait plus de contacts en Serbie et qu’il ne pourrait pas se faire envoyer ces documents dès lors qu’il n’aurait pas de compte Facebook8, ce qui témoigne encore du manque de coopération du demandeur à l’égard des autorités luxembourgeoises.

Au regard de ce qui précède et compte tenu de l’absence d’une quelconque explication du demandeur face aux incohérences soulevées par le ministre en ce qui concerne son récit à la base de sa demande de protection internationale, et au-delà même des autres éléments d’incohérence et de contradiction encore pointés par le délégué du gouvernement, le tribunal se doit de constater que le récit du demandeur n’est pas crédible dans sa globalité et que celui-

ci tente sciemment d’induire les autorités luxembourgeoises en erreur au sujet de son vécu.

Il y a partant lieu de confirmer la décision déférée en ce qu’elle a déclaré le récit du demandeur comme étant non crédible, de sorte qu’à défaut de faits avérés permettant de vérifier le bien-fondé de la demande de protection internationale soumise à son analyse, le tribunal ne saurait invalider le rejet de la demande de protection internationale présentée par le demandeur.

Il s’ensuit que le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle de refus d’octroi d’une protection internationale dans le chef de Monsieur (A) est à déclarer non fondé.

2) Quant au recours visant la décision du ministre portant ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal à l’encontre de la décision du ministre du 15 novembre 2023 portant ordre de quitter le territoire, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai prévus par la loi.

8 Page 2 du rapport d’entretien complémentaire : « Vous les avez perdus ou vous les avez laissés en Serbie ? Je les ai laissé là-bas, mais je ne peux plus y accéder.

Utilisez-vous les réseaux sociaux ? Oui Facebook […] Que voulez-vous dire par là ? Je pense que l’endroit est vide actuellement, et je n’ai plus de contact là-bas.

Avez-vous réussi à vous les faire envoyer ? Effectivement, j’avais des contacts, mais tout le monde a quitté.

Qui sont ces contacts ? D’autres personnes qui avaient quittées comme moi. Des Algériens, des Tunisiens, ces personnes avaient quitté de Serbie.

Avez-vous cherché à les recontacter ? Je n’ai plus Facebook, je n’ai plus leurs contacts.

Monsieur, juste auparavant vous m’avez donné votre nom Facebook. Donc, pourquoi vous contredisez-vous ? C’est surtout des contacts avec Whatsapp en fait, et ils ont enlevés leur cartes SIM. » 17 Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

Moyens et arguments des parties Le demandeur sollicite la réformation de la décision du ministre en ce qu’elle porte sur l’ordre de quitter le territoire en tant que conséquence de la réformation de la décision de refus d’octroi d’un statut de protection internationale dans son chef.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.

Appréciation du tribunal Aux termes de l’article 34, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015, « [u]ne décision du ministre vaut décision de retour […] » et en vertu de l’article 2, point q) de la même loi, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Bien que le législateur n’ait pas expressément précisé que la décision du ministre visée à l’article 34, paragraphe (2) précité est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre en matière de protection internationale. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire constitue la conséquence automatique du refus de protection internationale.

Etant donné qu’il vient d’être retenu ci-avant que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder au demandeur l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre a valablement assorti sa décision de refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.

Il s’ensuit que le recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire est également à déclarer non fondé.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 15 novembre 2023 portant refus d’une protection internationale ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 15 novembre 2023 portant ordre de quitter le territoire ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

18 condamne le demandeur aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 1er avril 2025 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 1er avril 2025 Le greffier du tribunal administratif 19


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 49800
Date de la décision : 01/04/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 05/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-04-01;49800 ?

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