Tribunal administratif N° 50158 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:50158 2e chambre Inscrit le 8 mars 2024 Audience publique du 31 mars 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre deux décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 50158 du rôle et déposée le 8 mars 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Cora MAGLO, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A), née le … à … (Venezuela), de nationalité vénézuélienne, demeurant à L-…, tendant à la réformation 1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 2 février 2024 refusant de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et 2) de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 3 mai 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en sa plaidoirie à l’audience publique du 10 février 2025, Maître Cora MAGLO n’ayant été ni présente, ni représentée.
Le 2 mai 2022, Madame (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
En dates des 14 décembre 2022 et 18 janvier 2023, Madame (A) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 2 février 2024, notifiée à l’intéressée par lettre recommandée expédiée le 7 février 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa Madame (A) que sa demande de protection internationale avait été refusée comme étant non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de 30 jours. Ladite décision est libellée comme suit :
« […] J’ai l’honneur de me référer à votre demande en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 2 mai 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 »).
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos motifs de fuite Vous déclarez être de nationalité vénézuélienne, être célibataire, originaire de … au Venezuela et avoir vécu à … en Colombie depuis 2017.
En ce qui concerne vos craintes, vous expliquez avoir introduit une demande de protection internationale au Luxembourg parce que vous auriez eu des soucis avec les autorités vénézuéliennes à cause de votre participation à des manifestations contre le gouvernement et à cause de votre homosexualité. Vous ajoutez également que vous auriez fui vers la Colombie en raison de la mauvaise qualité de vie et du harcèlement de la part des autorités vénézuéliennes, mais en Colombie vous n’auriez pas été en sécurité non plus en raison de « la xénophobie et l’homophobie » (fiche de motifs du 2 mai 2022).
Vous expliquez que vous auriez souffert de harcèlement depuis votre plus jeune âge étant donné que vous auriez été différente des autres enfants et que vous vous seriez rendue compte de votre homosexualité vers l’âge de « 16 ou 17 ans » (p.9 de votre rapport d’entretien).
Dans ce contexte, vous expliquez que votre famille, même si elle considère l’homosexualité comme un péché, aurait depuis accepté votre orientation sexuelle.
En 2012, vous auriez entretenu une relation amoureuse de deux ans avec la dénommée (B) mais vous auriez décidé d’y mettre fin. Cette dernière aurait cependant voulu reprendre la relation mais vous auriez refusé, raison pour laquelle elle en aurait parlé à sa famille. Sa mère, commissaire au CICPC (« Cuerpo de Investigaciones Cientificas, Penales y Criminalisticas »), un organisme de police vénézuélien, vous aurait alors menacée par appel téléphonique en vous accusant d’avoir rendu sa fille lesbienne. Vous affirmez d’ailleurs que d’autres membres de sa famille, notamment sa tante et sa sœur, auraient également travaillé au sein du CICPC.
En ce sens, vous dites que vous auriez commencé à observer des voitures avec les vitres teintées, sans logo ni plaques d’immatriculation, mais dont vous auriez été persuadée qu’il se serait agi de véhicules du CICPC étant donné que « tout le monde au Venezuela sait que ce sont celles du CICPC » (p.6 de votre rapport d’entretien). Comme vous auriez pris peur, vous auriez donc décidé d’aller vivre à … en 2014.
Quelques mois plus tard, vous auriez été suivie par « des voitures » sans trop vous inquiéter jusqu’à ce que vous auriez observé ces mêmes véhicules devant votre lieu de travail et devant votre domicile à …. Votre mère vous aurait également annoncé que depuis votre départ, « des voitures » auraient été présentes devant votre domicile à …, fait qui se serait confirmé lorsque vous lui auriez rendu visite. En effet, vous auriez rendu visite à votre mère deux fois par mois, occasions pendant lesquelles vous auriez vu des hommes armés sortir de ces véhicules. Ces derniers ne vous auraient jamais abordée mais « leur seule présence [aurait été] menaçante » (p.6 de votre rapport d’entretien), raison pour laquelle vous auriez moins rendu visite à votre mère. Vous auriez observé le même schéma à … alors qu’« ils descendaient 2 de leur voiture, ils ne me parlaient jamais mais ils touchaient leur arme » (p.6 de votre rapport d’entretien).
En juin 2017, en rendant visite à votre mère à … et alors que vous auriez fêté son anniversaire avec le reste de votre famille, trois véhicules seraient arrivés desquels seraient sortis huit personnes. Cinq de ces hommes seraient entrés dans votre domicile familial, l’un d’entre eux se serait identifié comme étant un membre du CICPC en disant qu’il y aurait un « ordre d’arrestation » à votre encontre. Cet homme vous aurait alors menottée mais votre mère et vos frères se seraient opposés à ce qu’il vous emmène. Il vous aurait alors enlevé les menottes en disant qu’il allait récupérer l’ordre d’arrestation auprès de la commissaire (B) et qu’il allait laisser deux officiers devant votre porte afin que vous ne puissiez pas vous échapper, or, ces derniers seraient partis au bout de « 5 ou 10 minutes ». Vous auriez donc décidé de quitter le Venezuela, alors que vous auriez compris que vous seriez menacée. Pour ce faire, vous auriez « arrêté [votre] contrat avec le propriétaire, [pris vos] affaires, […] allée à … […] et […] partie avec [votre] mère en Colombie » (p.7 de votre rapport d’entretien). Vous ajoutez que votre frère vous aurait amenée à … pour que vous récupéreriez vos affaires et que vous auriez quitté le Venezuela pour la Colombie une semaine plus tard (p.8 de votre rapport d’entretien).
Vous déclarez que vous n’auriez pas porté plainte au Venezuela car « c’était porter plainte contre eux-mêmes. Pour porter plainte il faut aller à la police et la police est sous le CICPC. Je devais aussi avoir des témoins ». Vous ne seriez pas non plus allée voir une autre autorité car une avocate vous aurait dit qu’il « n’allait rien se passer et que [vous alliez] mettre en danger le noyau familial » (p.9 de de votre rapport d’entretien).
En Colombie, vous relatez une histoire similaire concernant une relation amoureuse que vous auriez entretenue avec la dénommée (C) entre 2017 et 2020, relation à laquelle ses parents se seraient opposés et à laquelle vous auriez mis fin. Vous auriez tout de même décidé de continuer une relation secrète bien que (C) ait, parallèlement, eu une relation avec un policier. Ce dernier vous aurait alors menacée et vous seriez partie à … car vous n’auriez pas voulu revivre la même chose qu’au Venezuela. En janvier 2022, alors que vous seriez retournée en Colombie, vous auriez été enlevée par « deux personnes » qui vous auraient pris vos affaires, les auraient jetées dans un ravin en disant que cela serait un message de « (D), le copain de (C) » (p.7 de votre rapport d’entretien), vous vous seriez bagarrée et ils seraient finalement partis. Vous ajoutez qu’aucun commissariat n’aurait voulu accepter votre plainte et que vous auriez essayé de contacter la maire, lesbienne aussi, mais que la secrétaire vous aurait dit que « ce n’était pas important pour eux » (p.8 de votre rapport d’entretien).
Après cet incident, vous ne vous seriez plus sentie en sécurité et auriez décidé de venir au Luxembourg. En effet, vous craindriez désormais être emprisonnée ou même tuée en cas de retour au Venezuela, alors que votre mère se serait rendue au Venezuela et que Madame (B) lui aurait fait comprendre qu’elle pourrait s’en prendre à vous si vous décidiez de revenir.
Finalement, vous ajoutez que, malgré le fait que votre famille aurait accepté votre orientation sexuelle, vous ne pourriez quand même pas vivre au Venezuela car vous ne pourriez « pas avoir de droit, de former une famille » et que « dans la rue on peut se faire cracher dessus ou se faire insulter » (p.9 de votre rapport d’entretien).
A l’appui de votre demande de protection internationale, vous présentez les documents suivants :
3 - Votre passeport vénézuélien, émis le 2 mai 2017 et prolongé du 23 décembre 2021 au 23 décembre 2026 ;
- votre carte d’identité vénézuélienne, émise le 13 mars 2012 ;
- un ensemble de copies représentant des documents familiaux en langue allemande.
2. Quant à la motivation du refus de votre demande de protection internationale • Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifié de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Avant tout progrès en cause, il convient de noter que suivant l’article 2 point p) de la Loi de 2015, une demande de protection internationale est à analyser par rapport au pays d’origine du demandeur, c’est-à-dire le pays dont vous possédez la nationalité, ce qui dans votre cas est le Venezuela. Ainsi, les faits qui se seraient déroulés en Colombie, respectivement qui ont un lien avec la Colombie ne sont dès lors pas pris en compte dans l’évaluation de votre demande de protection internationale.
Madame, vous expliquez que vous ne pourriez pas retourner dans votre pays d’origine notamment en raison de votre orientation sexuelle alors que vous expliquez faire partie de la communauté LGBT.
Force est tou d’abord de constater que la constitution du Venezuela prévoit dans son article 21 que : « Tous sont égaux devant la loi et, par conséquent : Aucune discrimination fondée sur la race, le sexe, la religion ou le statut social n’est permise, ni, en général, aucune discrimination ayant pour but ou pour effet d’annuler ou d’entraver la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice en toute égalité des droits et libertés de toute personne.
La loi garantit des conditions juridiques et administratives telles que l’égalité de tous devant la loi est réelle et efficace; prévoit des mesures d’action positive pour tout groupe victime de discrimination, vulnérable ou marginalisé; protège particulièrement les personnes 4 qui, en raison des circonstances susmentionnées, se trouvent manifestement dans une position de faiblesse; et punit tout individu qui malmène ou maltraite ces personnes (Venezuela 1999) ».
De plus, il convient de relever qu’il y a une importante communauté LGBT à Caracas et qu’hormis de nombreux bars, hôtels et clubs destinés au public homosexuel, une « Gay Pride parade » y est organisée annuellement.
Il s’ensuit que le seul fait d’être homosexuel au Venezuela n’est pas suffisant pour se voir octroyer automatiquement une protection internationale, de sorte que le demandeur de protection internationale doit établir qu’il soit personnellement à risque d’être persécutée.
Madame, vous déclarez que vous ne pourriez « pas avoir de droits », que « dans la rue on peut se faire cracher dessus ou se faire insulter » (p.9 du rapport d’entretien) ou encore que depuis « petite », vous auriez subi du harcèlement car vous auriez été « différente » en raison de votre orientation sexuelle que vous auriez découverte à l’âge de « … ou … ans » (p.9 du rapport d’entretien).
En ce sens, il ne peut être établi que vous soyez réellement persécutée en raison de votre appartenance à la communauté LGBT alors que ces faits ne représentent pas une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées de la Convention de Genève et de la Loi de 2015 et ne revêtent manifestement pas un degré de gravité suffisant tel qu’ils puissent être assimilés à des actes de persécution.
En effet, il échet d’observer qu’il s’agit d’allégations totalement vagues et superficielles et que vous restez encore en défaut d’avancer une quelconque crainte individuelle et personnelle.
Vous expliquez encore que vous auriez quitté votre pays d’origine en raison du fait que vous auriez été suivie par « des voitures » et en raison de votre prétendue tentative d’arrestation.
En effet, vous prétendez que vous auriez été suivie et observée par des personnes armées que vous supposez être des membres du CICP et vous expliquez que ces mêmes personnes auraient voulu vous arrêter de manière illégale, respectivement sans « ordre écrit », sous ordre d’une commissaire du CICPC car vous auriez eu une relation avec sa fille.
Avant tout progrès en cause, il échet de noter que vos déclarations sur ce point ne sont pas crédibles et il semble que vous avez inventé des problèmes afin de dramatiser votre récit et d’augmenter vos chances de vous voir octroyer une protection internationale.
En effet, si des membres du CICPC avaient réellement voulu vous arrêter, ils l’auraient manifestement fait, et ce d’autant plus qu’ils auraient été envoyés par la commissaire elle-
même, Madame (B). Le fait qu’ils soient venus vous arrêter sans « ordre écrit » ne les auraient définitivement pas empêchés de vous embarquer.
En ce sens, il paraît d’ailleurs également illogique que ces hommes auraient été envoyés par la commissaire (B), qu’ils soient venus pour vous arrêter sans un « ordre écrit » et qu’ils aient pris la décision de repartir sans vous alors que vous dites également que quand « quelqu’un a du pouvoir il n’a pas besoin d’avoir une raison. Ils n’avaient pas d’ordre écrit » (p.8 de votre rapport d’entretien), de sorte que vos propos sont illogiques et ne coïncident pas.
5 Dans le même ordre d’idées, il n’est également pas crédible que huit policiers n’auraient pas réussi à vous embarquer par le simple fait que votre famille ne leur aurait « pas permis de [vous] prendre avec eux » et que la copine avocate de votre frère leur aurait dit qu’ils n’étaient pas en droit de vous embarquer sans « ordre écrit ».
Il convient également de noter que vous auriez quitté votre ville d’origine pour retourner à …, où vous auriez pris le temps pendant une semaine de finaliser vos affaires pour finalement, seulement au bout d’une semaine, quitter le Venezuela, accompagnée de votre mère. Or, force est de constater qu’un tel comportement ne correspond manifestement pas à celui d’une personne qui aurait été réellement en danger, alors qu’elle n’aurait manifestement pas subordonné sa fuite à la résiliation de son contrat de bail.
En effet, cela ne fait aucun sens et prouve que vos propos sont incohérents alors qu’il semble totalement insolite qu’une commissaire du CICPC mobilise trois véhicules et huit hommes afin de vous arrêter, laisse deux hommes devant votre domicile afin de vous surveiller et que dix minutes plus tard vous ayez pu retourner à … afin d’« arrêter » votre contrat avec le propriétaire et prendre vos « affaires » (p.7 de votre rapport d’entretien). Cet argument semble d’ailleurs d’autant plus invraisemblable alors que vous déclarez également que le CICPC vous aurait surveillée à …, de sorte que la commissaire (B) savait pertinemment où vous trouver.
Le fait que vous n’êtes pas crédible par rapport aux différents incidents dont vous auriez été victime est d’ailleurs renforcé par le fait que vous basez notamment vos prétendues craintes sur le fait que vous auriez « des soucis avec les autorités » car vous auriez « participé aux manifestations contre le gouvernement » (fiche de motifs du 2 mai 2022). Or, lors de votre entretien sur les motifs sous-tendant votre demande de protection internationale, vous revenez totalement sur vos propos en affirmant être homosexuelle et avoir des problèmes avec Madame (B), respectivement le CICPC, unique raison qui vous aurait poussée à quitter le Venezuela.
Confrontée à cette contradiction majeure par l’agent ministériel, vous confirmez d’abord malhonnêtement ces propos en disant que, lorsque vous auriez été présente à des manifestions, des agents du CICPC seraient « venu[s] pour me prendre, au début j’ai pensé que c’était pour cela qu’ils venaient. Mais quand l’agent m’a parlé de Madame (B) j’ai compris que cela n’a[vait] rien à voir » avant de déclarer ensuite que vous auriez écrit cela sur votre fiche de motifs car d’autres demandeurs de protection internationale vous auraient dit que « si je ne racontais rien sur les manifestations, on allait me renvoyer » et que « c’est pour ça que j’ai écrit cela tout au début » (p.10 de votre rapport d’entretien). Or, Madame, il convient de préciser que, dès l’introduction de votre demande de protection internationale, vous avez donc sciemment voulu induire les autorités luxembourgeoises en erreur. Ainsi, il est évident que vous souhaitez obtenir une protection internationale et que vous êtes prête à tout pour l’obtenir, notamment à inventer un motif de fuite pour augmenter vos chances, de sorte que l’ensemble de votre récit est sérieusement remis en doute.
Quand bien même vos propos sur ce point seraient à considérer comme avérés, il convient de relever que les faits que vous invoquez, respectivement le fait que vous auriez été suivie par « des voitures » ou votre prétendue tentative d’arrestation ne revêtent pas un caractère de gravité tel à pouvoir justifier dans votre chef une crainte fondée de persécution au sens des Convention et Loi.
6 En effet, vous expliquez d’abord que vous auriez décidé d’aller vous installer à … car des voitures vous auraient suivie et que des hommes armés vous auraient surveillée. Vous seriez d’ailleurs sûre qu’il se serait agi de véhicules appartenant au CICPC car « tout le monde au Venezuela sait que ce sont celles du CICPC » (p.6 de votre rapport d’entretien). Or, il convient de noter que vos propos à cet égard s’avèrent être de simples suppositions vagues et superficielles qui ne sauraient d’ailleurs pas non plus apporter plus de conviction à vos propos alors même que vous n’en auriez aucunement la certitude.
De plus, vous précisez également que ces hommes ne vous auraient jamais adressé la parole mais que « leur seule présence était menaçante » (p.6 de votre rapport d’entretien). Il n’est dans ce cas nullement établi que vous auriez réellement été suivie alors qu’ils ne vous auraient jamais approchée, respectivement importunée. Vous faites donc état, ici encore, de pures et simples suppositions ou de simples craintes hypothétiques, qui ne sauraient aucunement être d’une gravité suffisante telles qu’elles puissent être assimilées à des actes de persécution. Au contraire, force est de constater que vos motifs de fuite se traduisent plutôt en un sentiment général d’insécurité.
Force est également de remarquer que vous auriez continué à rendre visite à votre mère à … lorsque vous vous seriez trouvée à …, de sorte que le danger n’aurait manifestement pas été aussi important que vous tentez de le faire croire aux autorités luxembourgeoises auquel cas vous n’y seriez visiblement pas retournée à plusieurs reprises pour simplement rendre visite à votre famille.
En tout cas, le simple fait d’avoir observé des véhicules et des hommes armés lors de rondes dans votre quartier ne suffit définitivement pas à être qualifié d’un acte de persécution dans votre chef.
D’autre part, le fait que les agents, qui auraient surveillé votre porte d’entrée, seraient partis au bout de cinq à dix minutes prouve également qu’ils ne vous voulaient aucun mal et que leur première intention n’aurait pas été de vous arrêter, ni encore de vous persécuter car ils ne vous auraient alors manifestement pas laissée sans surveillance ou encore laissée fuir aussi facilement.
Finalement, il est important de constater que vous vous êtes vue octroyer un nouveau passeport par les autorités vénézuéliennes en 2017 avant de quitter le pays pour la Colombie de manière tout à fait légale, de surplus en avion, sans rencontrer aucun problème, de sorte que vous auriez dû passer de nombreux contrôles de sécurité, ce qui prouve incontestablement que vous n’étiez dès lors pas dans le collimateur du CICPC ni dans celui des autorités vénézuéliennes en général. En effet, le fait que vous ayez pu quitter le Venezuela aussi simplement ne correspond nullement avec vos propos selon lesquels vous seriez en danger au Venezuela.
Ce constat est d’autant plus soutenu par le fait que vous avez pu renouveler votre passeport en 2021, ce qui s’oppose d’ailleurs également à votre argument selon lequel vous n’auriez pas pu bénéficier d’une protection de la part des autorités vénézuéliennes d’autant plus que vous n’auriez pas jugé utile de porter plainte en raison du fait que le CICPC ferait parti de la police. En ce sens, vous ajoutez que vous auriez aussi eu besoin de témoins, version qui ne fait aucun sens alors que votre famille aurait été présente lorsque les agents du CICPC auraient tenté de vous arrêter, de sorte que vous auriez donc eu assez de témoins ayant assisté à la scène pour pouvoir porter plainte. Ainsi, vos propos sont incohérents et il n’est pas clair 7 pour quelles raisons vous n’auriez pas pu, respectivement voulu porter plainte. Quoi qu’il en soit, il est attendu d’une personne qui craindrait pour sa sécurité et pour sa vie qu’elle entreprenne tout ce qui est possible afin d’être en sécurité, ce que vous n’avez pas fait. En effet, vous n’avez jamais mis les autorités policières en mesure d’exécuter leur mission.
Votre situation au Venezuela n’est donc clairement pas aussi grave que vous voulez le faire croire d’autant plus qu’il convient de rappeler que vous avez pu mener une vie normale, étudier et travailler jusqu’en 2014, avant de continuer à vivre au Venezuela encore pendant trois ans, à nouveau, sans faire part d’un quelconque incident concret dans lequel vous auriez été impliquée, pour ensuite, en mai 2017, vous faire émettre un passeport et quitter le pays en juin 2017, là aussi sans rencontrer un souci quelconque avant de renouveler votre passeport en décembre 2021, de sorte qu’il n’est nullement établi que vous seriez dans le collimateur des autorités vénézuéliennes, respectivement du CICPC.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Il y a encore lieu de retenir qu’il n’existe manifestement pas davantage d’éléments susceptibles d’établir, sur la base des mêmes faits que ceux exposés en vue de vous voir reconnaître le statut de réfugié, qu’il existerait des motifs sérieux et avérés de croire que vous courriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 de la loi de 2015.
En effet, vous omettez d’établir qu’en cas de retour au Venezuela, vous risqueriez la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, ou encore des menaces graves et individuelles contre votre vie ou votre personne en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
8 Votre demande en obtention d’une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination du Venezuela, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisée à séjourner. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 8 mars 2024, Madame (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision du ministre 2 février 2024 portant refus de faire droit à sa demande en obtention d’une protection internationale et de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours au fond contre la décision de refus d’une demande de protection internationale et contre l’ordre de quitter le territoire prononcé subséquemment, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision ministérielle du 2 février 2024, prise en son double volet, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
1) Quant au recours visant la décision ministérielle portant refus d’une protection internationale A l’appui de son recours et en fait, la demanderesse expose être originaire du Venezuela où elle aurait vécu jusqu’à son départ pour la Colombie en 2017.
Elle explique être homosexuelle et avoir subi depuis son plus jeune âge des persécutions du fait de son orientation sexuelle, lesquelles se seraient encore amplifiées après le début d’une relation amoureuse en 2012, qui aurait duré deux ans, avec une dénommée (B).
En 2014, lorsque la mère de (B), qui serait une commissaire du Cuerpo de Investigaciones Cientificas, Pénales y Criminales, ci-après désigné « CICPC », aurait appris cette relation, elle aurait menacé la demanderesse de mort « du fait de son homosexualité », ne lui laissant ainsi d’autre choix que de quitter sa ville natale de … pour s’installer à … (Venezuela).
Dans ce contexte, la demanderesse soutient que lors d’une visite chez sa mère le 17 juin 2017, deux camionnettes se seraient garées devant la maison de sa mère, desquelles seraient sortis « sept hommes » vêtus de noir, qui lui auraient expliqué qu’ils viendraient de la part de « la commissaire » et qui auraient tenté de l’arrêter sans mandat.
Par peur d’être à nouveau persécutée, la demanderesse explique qu’elle n’aurait eu d’autre choix que de quitter définitivement le Venezuela pour la Colombie, tout en expliquant que, là également, elle aurait fait l’objet de persécutions, si bien qu’elle se serait décidée à chercher refuge au Luxembourg.
En droit, après avoir exposé les conditions d’octroi du statut de réfugié au sens des articles 2, point f), 39, 40 et 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et rappelé la définition de « groupe social » au sens de la même loi, la demanderesse insiste sur le fait que non seulement les personnes ayant d’ores et déjà été persécutées avant leur départ de leur paysd’origine pourraient se voir octroyer ledit statut mais également celles qui craindraient avec raison de subir des persécutions dans le futur, auquel cas les persécutions antérieures instaureraient une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour.
La demanderesse reproche, à cet égard, au ministre d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, respectivement d’interprétation des éléments de la cause en retenant que son récit serait dépourvu de crédibilité et en remettant, de ce fait, en cause la gravité de sa situation au Venezuela.
La demanderesse fait valoir qu’elle appartiendrait « à un groupe social persécuté depuis sa naissance du fait de son orientation sexuelle » et que ces persécutions se seraient aggravées après qu’elle aurait débuté une relation amoureuse avec la fille d’une commissaire du CICPC, résultant dans un premier temps dans des menaces de mort, puis dans une tentative d’enlèvement « sans ordre écrit » de la part du CICPC, tentative qui n’aurait été déjouée que par la présence et l’intervention d’une « avocate au sein de la famille », tout en soulignant que ces menaces « physiques et psychiques » trouveraient leur origine dans son orientation sexuelle et qu’elles l’auraient obligée à fuir son pays d’origine pour « sauver sa propre vie ».
La demanderesse expose ensuite que le ministre aurait lui-même reconnu la dangerosité des autorités vénézuéliennes à son égard en retenant qu’il ne serait pas crédible que huit policiers n’auraient pas réussi à l’emmener du seul fait qu’ils n’étaient pas munis d’un ordre écrit. A ce sujet, comme ce seraient les autorités vénézuéliennes qui l’auraient persécutée du fait de son orientation sexuelle, la demanderesse soutient encore qu’elle aurait été dans l’impossibilité de s’adresser à ces mêmes autorités pour demander une protection.
Elle donne ensuite à considérer que nonobstant le renvoi de la partie étatique à l’article 21 de la Constitution du Venezuela qui interdirait toute forme de discrimination, il n’en demeurerait pas moins que ledit article, respectivement l’absence d’une législation réprimant spécifiquement les personnes homosexuelles, ne suffirait pas à établir que ces personnes ne subiraient pas de persécutions en raison de leur orientation sexuelle, tout en renvoyant dans ce contexte à deux jugements de la Cour nationale du droit d’asile (« CNDA ») respectivement des 14 mai 2018, n° 17052687 et du 13 décembre 2021, n° 21036532, et en précisant que celle-ci aurait déjà reconnu à plusieurs reprises le statut de réfugié à des personnes homosexuelles originaires du Venezuela au motif que ce seraient « les autorités vénézuéliennes elles-mêmes qui comme[ttraient] des atteintes graves aux personnes appartenant à ce groupe social ».
Enfin, en réponse à l’argumentation ministérielle suivant laquelle « il y a[urait] une importante communauté LGBT à Caracas et qu’hormis de nombreux bars, hôtels et clubs destinés au public homosexuel, une Gay pride y [serait] organisée annuellement », la demanderesse rappelle qu’elle n’aurait jamais logé à Caracas et fait valoir que l’ouverture de bars, d’hôtels et de clubs ciblant la communauté LGBT, ainsi que l’organisation d’une Gay pride annuelle ne seraient pas de nature à garantir le respect « de ce droit humain ».
Au vu de toutes les considérations qui précèdent, la demanderesse estime qu’elle remplirait les conditions pour se voir octroyer le statut de réfugié.
En ce qui concerne le statut conféré par la protection subsidiaire, après avoir renvoyé aux articles 2, point g), 39 et 48 de la loi du 18 décembre 2015, la demanderesse expose queles raisons plus amplement développées dans le cadre du volet du recours sous analyse ayant trait au refus ministériel de lui octroyer le statut de réfugié, justifieraient également dans son chef l’octroi d’une protection subsidiaire puisqu’il y aurait lieu de considérer qu’elle aurait subi des menaces graves et individuelles contre sa vie et que l’acteur des persécutions et des atteintes graves à son égard serait l’Etat vénézuélien à travers le CICPC qui serait « la plus grande agence de police nationale du Venezuela, responsable des enquêtes criminelles et des services médico-légaux », et qu’elle risquerait de subir de nouveau de telles atteintes graves à son intégrité physique en cas de retour au Venezuela. Pour illustrer que ce serait bien l’Etat vénézuélien qui commettrait, à travers sa police, des persécutions à l’encontre des personnes homosexuelles, la demanderesse cite des extraits du jugement rendu par le CNDA en date du 13 décembre 2021, susmentionné, tout en faisant encore allusion à un article paru le 4 septembre 2023 dans le Washington Post sous le titre « Raid et arrestations dans un club gay vénézuélien suscitent la crainte de nouvelles persécutions ».
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé en se ralliant en substance aux développements contenus dans la décision ministérielle.
Aux termes de l’article 2, point h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2, point f) de ladite loi comme étant « […] tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] ».
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1A de la Convention de Genève doivent:
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). […] ».
Finalement, aux termes de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, « Les acteurs des persécutions ou des atteintes graves peuvent être :
a) l’Etat;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci;
11 c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la loi du 18 décembre 2015, « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par:
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis à la triple condition que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 précitée, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles ne sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié.
Force est encore de relever que la définition du réfugié renfermée à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015 retient qu’est un réfugié une personne qui « craint avec raison d’être persécutée », de sorte à viser une persécution future sans qu’il y ait besoin que le demandeur ait été persécuté avant son départ dans son pays d’origine. En revanche, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4), de la loi du 18 décembre 2015 établit une présomption simple que de telles persécutions se poursuivront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces persécutions ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que la demanderesse avance, du risque d’être persécutée qu’elle encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal est tout d’abord amené à rappeler qu’en tant que juge du fond en matière de demandes de protection internationale, il doit examiner, en plus de la situation générale du pays d’origine, la situation particulière du demandeur de protection internationale et vérifier,concrètement, si sa situation subjective a été telle qu’elle laissait supposer un danger pour sa personne.
Il y a ensuite lieu de constater que s’il est vrai que ni l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », ni les dispositions de la loi du 18 décembre 2015, et plus particulièrement son article 2, ne précisent expressément que les persécutions dont se prévaut un demandeur d’asile doivent avoir lieu dans le pays dont il a la nationalité, cette exigence découle de l’esprit même des textes en question et de la définition de la notion de réfugié inscrite à l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir celui qui fait état de la crainte décrite audit article 2, point f) et qui « se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». En effet, tant que l’intéressé n’éprouve aucune crainte vis-à-vis du pays dont il a la nationalité, il est possible d’attendre de lui qu’il se prévale de la protection de ce pays. Dans ce cas, il n’a pas besoin d’une protection internationale et par conséquent, il n’est pas à considérer comme réfugié1. Cette analyse est encore confortée par la définition donnée par l’article 2, point p) de la loi du 18 décembre 2015 de la notion de pays d’origine, qui est celui « dont le demandeur a la nationalité » – sauf l’hypothèse d’un apatride, qui ne se trouve cependant pas vérifiée en l’espèce.
L’examen de la demande de protection internationale de Madame (A) se fera dès lors en tenant compte des seuls faits invoqués par rapport au Venezuela et non par rapport à la Colombie, les faits en question se résumant principalement en sa crainte d’y être persécutée en raison de son orientation sexuelle et s’inscrivant ainsi sur la toile de fond de son appartenance à un groupe social au sens de l’article 2, point f) de la loi du 18 décembre 2015, de sorte à tomber dans le champ d’application de la Convention de Genève.
En l’espèce, indépendamment de la question de la crédibilité du récit de la demanderesse – étant, à cet égard, relevé que si celle-ci a certes été remise en cause par le ministre et si cette remise en cause a été contestée dans le cadre de la requête introductive d’instance, il n’en reste pas moins que le ministre n’a pas arrêté son analyse au stade de la crédibilité, ni rejeté purement et simplement sa demande de protection internationale pour défaut de crédibilité, mais qu’il a déclaré cette demande non fondée, après avoir examiné toutes les déclarations faites par la demanderesse lors de ses auditions des 14 décembre 2022 et 18 janvier 2023 par un agent du ministère –, l’examen des faits et motifs invoqués par la demanderesse à l’appui de sa demande de protection internationale dans le cadre de ses auditions, ainsi qu’au cours de la procédure contentieuse et des pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu’elle reste en défaut d’établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle fondée de persécutions au sens de la Convention de Genève et de la loi du 18 décembre 2015, en cas de retour au Venezuela.
Pour sous-tendre sa crainte de subir dans son pays d’origine des actes de persécution en raison de son homosexualité, la demanderesse invoque des menaces de mort proférées à son égard par une commissaire du CICPC, une tentative d’enlèvement ordonnée par cette dernière en date du 17 juin 2017, de même que la situation générale de la communauté LGBT au Venezuela.
1 Trib. adm., 15 décembre 2004, n° 18573 du rôle, Pas. adm. 2024, Etrangers, n° 129 et les autres références y citées.En ce qui concerne de prime abord la situation générale des membres de la communauté homosexuelle au Venezuela, le tribunal est amené à constater que même si, à l’instar de ce qui se passe d’ailleurs même dans les pays dont il est communément admis qu’ils sont respectueux des droits de l’Homme et des libertés fondamentales – comme la demanderesse le reconnaît d’ailleurs elle-même –2, il se dégage des pièces versées en cause que les membres de la communauté homosexuelle au Venezuela sont plus à risque d’être victimes d’agressions, de menaces ou d’actes discriminatoires de la part d’autres membres de la population, il ne ressort toutefois pas des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, ni plus particulièrement des pièces versées par la demanderesse, que, de manière générale, la situation de la communauté LGBT au Venezuela soit à l’heure actuelle telle que ses membres y risqueraient systématiquement de subir des actes homophobes ou discriminatoires, respectivement d’être arrêtés et emprisonnés ou de subir des actes susceptibles d’être qualifiés de persécutions du seul fait de leur orientation sexuelle.
Ce constat n’est pas contredit par le vécu et la situation personnelle de la demanderesse qui affirme de manière générale avoir été persécutée « depuis son plus jeune âge » en raison de son orientation sexuelle, mais qui ne fait, abstraction faite des menaces de mort et de la tentative d’enlèvement en lien avec sa relation avec la fille d’une commissaire du CICPC, état d’aucun incident spécifique qui se serait produit au cours des 28 années où elle a vécu au Venezuela et qui serait directement ou indirectement lié à son orientation sexuelle, si ce n’est que dans son enfance, des garçons l’auraient traitée de « camionneuse »3 et de « garçon manqué »4 ou encore que lorsqu’ils se lançaient des bombes à eau lors du carnaval, celles qui lui étaient destinées auraient été remplies « d’urine ou d’excrément »5. Il convient de relever que ces incidents, outre de ne pas avoir atteint un degré de gravité tel à pouvoir être qualifiés de persécutions au sens de la loi, remontent par ailleurs à une époque où, de son propre aveu, la demanderesse n’était pas encore « au courant de cela [lire son orientation sexuelle] »6 et ne savait pas « ce qu[’elle] aimai[t] »7, laissant ainsi supposer que les enfants en question ne l’avaient pas spécifiquement ciblée en raison de son orientation sexuelle, mais que leurs réflexions irréfléchies et blagues immatures étaient plutôt à mettre sur le compte de leur jeune âge. Enfin, l’allégation non autrement circonstanciée ni étayée de la demanderesse selon laquelle « [d]ans la rue on peut se faire cracher dessus ou se faire insulter », ne permet pas non plus de conclure que tous les membres de la communauté LGBT sont à risque de subir des persécutions au Venezuela, ce d’autant plus que la demanderesse ne mentionne aucun incident de ce type qui se serait produit à son détriment ou au détriment d’autrui, alors qu’elle vivait au Venezuela.
En ce qui concerne ensuite la crainte de la demanderesse en relation avec les agissements d’une commissaire du CICPC, ces agissements ayant pris la forme de menaces de la part de celle-ci et d’actes de filature commandités par elle, force est de constater que ceux-ci trouvent leur origine dans un différend opposant la demanderesse à la mère de son ex-
compagne, qui aurait désapprouvé leur relation et qui aurait reproché à la demanderesse d’avoir « rendu sa fille lesbienne »8, de sorte à s’inscrire dans un contexte relevant de la vie privée de 2 « Quand j’ai fait des recherches sur les pays „gay friendly“ l’Espagne n’était pas bien classée, il y a des attaques homophobes. (…) Luxembourg était le pays où il y avait le moins d’informations sur des attaques. » ; cf. rapport d’entretien de la demanderesse des 14 décembre 2022 et 18 janvier 2023, page 6.
3 Ibid, page 9.
4 Ibid.
5 Ibid.
6 Ibid.
7 Ibid.
8 Ibid, page 6.deux personnes privées, la circonstance que la commissaire (B) ait pu abuser de sa position au sein du CICPC en instrumentalisant son personnel pour tenter de nuire à la demanderesse, ne changeant rien à ce constat.
Cela étant précisé, il ressort des déclarations de la demanderesse que son choix de déménager à … en 2014 était motivé par le fait qu’elle ne se sentait plus en sécurité à … pour y avoir été suivie par des voitures et surveillée par des hommes qu’elle soupçonne être des membres du CICPC. Or, le fait que des incidents similaires se soient produits par la suite à …, sans que la demanderesse n’éprouve cette fois-ci le besoin de déménager, ensemble le fait qu’elle ait continué à rendre régulièrement visite à sa mère à … bien que le domicile familial ait, selon ses dire, également été surveillé, prouve à suffisance que cette situation n’a pas suscité chez la demanderesse un sentiment de crainte suffisant pour rendre sa vie intolérable au Venezuela, de sorte que ces incidents ne sont pas non plus suffisamment graves pour être qualifiés d’actes de persécution au sens de la loi du 18 décembre 2015.
Au demeurant, et indépendamment du fait qu’il est pour le moins hautement improbable que la mère de son ex-compagne ait mobilisé, pour une simple histoire familiale, plusieurs agents du CICPC pour des opérations de surveillance et d’intimidation dans deux grandes villes du Venezuela, qui n’auraient de surcroît jamais interpellé la demanderesse, mais qui se seraient simplement limités à sortir de leurs véhicules et à toucher leurs armes, le tribunal se doit encore de relever que la demanderesse ne fait de toute façon que supposer que ces voitures « sans logo, sans plaques et avec des vitres teintées » soient celles du CICPC en affirmant péremptoirement que « tout le monde au Venezuela sait que ce sont celles du CICPC », respectivement que la présence d’agents du CICPC avait un lien avec elle.
Pour ce qui est de la tentative d’enlèvement dont la demanderesse déclare avoir été victime le 17 juin 2017 par huit personnes ayant affirmé être des membres du CICPC, et ce, sur instigation de la mère de son ex-compagne, si cet incident est certes condamnable, le tribunal se doit toutefois de relever qu’outre le fait que la demanderesse ne fait là encore que supposer qu’il s’agissait de membres du CICPC, ledit incident ne revête, à lui seul, pas un degré de gravité suffisant pour être assimilé à une persécution au sens de la loi du 18 décembre 2015.
Ce constat s’impose d’autant plus qu’il suffisait la présence d’une avocate pour dissuader les intrus dans leur démarche et que la demanderesse a pu retourner ensuite à … sans encombre.
Ce constat se trouve encore confirmé par le comportement même de la demanderesse qui, si elle s’était vraiment sentie en danger, ne serait certainement pas retournée à … – où elle était, selon ses propres déclarations, surveillée par des personnes dont elle suppose qu’il s’agissait de membres du CICPC – pour y passer plusieurs jours dans le seul but de résilier son contrat de bail en bonne et due forme et pour récupérer ses « affaires », avant de quitter définitivement le Venezuela pour la Colombie.
A cela s’ajoute encore que la demanderesse a expliqué elle-même lors de ses auditions des 14 décembre 2022 et 18 janvier 2023 que la famille de son ex-compagne « travaillait » au CICPC, employant ainsi le temps du passé, tout en précisant ne pas savoir « si elle y travaille encore ». Devant ce constat, et à défaut par la demanderesse de rapporter le moindre élément tangible laissant supposer que la famille de son ex-compagne et plus particulièrement la mère de cette dernière travaillerait toujours au sein du CICPC, respectivement que celle-ci lui en voudrait toujours avec la même ferveur, presque huit ans plus tard, pour avoir « rendu sa fille lesbienne », à tel point qu’elle serait être prête à commettre ou à faire commettre des actes de violence à son détriment, il y a lieu d’admettre que la crainte de la demanderesse d’être ànouveau dans le collimateur de ladite famille doit s’analyser comme étant purement hypothétique, voire davantage comme un sentiment général d’insécurité.
Ce constat n’est pas ébranlé par l’affirmation vague et non autrement circonstanciée de la demanderesse suivant laquelle depuis son départ du Venezuela, elle aurait continué à recevoir des menaces de la part de la commissaire (B) par l’intermédiaire de sa mère qui serait retournée de temps en temps au Venezuela, la demanderesse ne donnant plus particulièrement aucune précision quant à la date à laquelle ces menaces auraient été proférées, ni quant au contexte dans lequel sa mère aurait rencontré la commissaire.
Il s’ensuit que la demanderesse n’a pas fait état ni établi qu’il existerait des raisons sérieuses de croire qu’elle encourrait, en cas de retour dans son pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des persécutions au sens de la loi.
Au vu de ces considérations, le tribunal se doit de conclure que c’est à bon droit que le ministre a refusé d’accorder à la demanderesse le statut de réfugié, de sorte que son recours est, pour autant qu’il est dirigé contre le refus ministériel de lui accorder ledit statut, à déclarer non fondé.
Quant au volet de la décision litigieuse portant refus dans le chef de la demanderesse du statut conféré par la protection subsidiaire, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 2, point g) de la loi du 18 décembre 2015, est une « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire », « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
L’article 48 de la même loi énumère, en tant qu’atteintes graves, sous ses points a), b) et c), « la peine de mort ou l’exécution; ou la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine; ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. ».
Il s’ensuit que l’octroi de la protection subsidiaire est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués par le demandeur, de par leur nature, entrent dans le champ d’application de l’article 48, précité, de la loi du 18 décembre 2015, à savoir qu’ils répondent aux hypothèses envisagées aux points a), b) et c), précitées, dudit article 48, et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens des articles 39 et 40 de cette même loi, étant relevé que les conditions de la qualification d’acteur sont communes au statut de réfugié et à celui conféré par la protection subsidiaire.
Par ailleurs, l’article 2, point g), précité, de la loi du 18 décembre 2015 définissant la personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire comme étant celle qui avance « des motifs sérieux et avérés de croire que », si elle était renvoyée dans son pays d’origine, elle « courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48 », cette définition vise partant une personne risquant d’encourir des atteintes graves futures, sans qu’il n’y ait nécessairement besoin que le demandeur ait subi des atteintes graves avant son départ de sonpays d’origine. En revanche, s’il s’avérait que tel avait été le cas, l’article 37, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 instaure une présomption réfragable que de telles atteintes graves se reproduiront en cas de retour dans le pays d’origine, étant relevé que cette présomption pourra être renversée par le ministre par la justification de l’existence de bonnes raisons de penser que ces atteintes graves ne se reproduiront pas. L’analyse du tribunal devra par conséquent en définitive porter sur l’évaluation, au regard des faits que la demanderesse avance, du risque réel de subir des atteintes graves qu’elle encourrait en cas de retour dans son pays d’origine.
Le tribunal constate d’abord qu’à l’appui de sa demande de protection subsidiaire, la demanderesse invoque, en substance, les mêmes motifs factuels que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié.
Il convient encore de relever que la demanderesse ne fait pas état d’un risque de subir la peine de mort ou l’exécution au sens de l’article 48, point a) de la loi du 18 décembre 2015, ni d’un risque d’être victime d’une violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne au sens du point c) du même article.
Quant à la crainte de la demanderesse de subir des actes de violence de la part de la famille de son ex-compagne, respectivement plus généralement de la part du CICPC, le tribunal ne peut que réitérer ses constatations faites dans le cadre de l’analyse de la demande en octroi du statut de réfugié, à savoir que cette crainte est essentiellement hypothétique, de sorte qu’elle ne peut pas non plus permettre l’octroi d’une protection subsidiaire sur base du point b) de l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015.
Au vu de ces considérations, c’est également à bon droit que le ministre a rejeté ladite demande comme étant non fondée.
Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent et en l’absence d’autres éléments, que le recours tendant à la réformation de la décision ministérielle de refus d’octroi d’une protection internationale dans le chef de Madame (A) est à rejeter pour être non fondé.
2) Quant au recours visant la décision ministérielle portant ordre de quitter le territoire La demanderesse n’a pas invoqué de moyens à l’appui de ce volet de son recours.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 34, paragraphe (2), de la loi du 18 décembre 2015, « une décision du ministre vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2, point q), de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34, paragraphe (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre. Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Dans la mesure où le tribunal vient de retenir que la demanderesse ne remplit pas les conditions pour prétendre à l’un des statuts conférés par la protection internationale, le ministre pouvait valablement assortir le refus d’une protection internationale d’un ordre de quitter le territoire.
Il s’ensuit que le recours en réformation pour autant qu’il est dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter comme étant non fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 2 février 2024 portant refus d’une protection internationale ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit à l’encontre de la décision ministérielle du 2 février 2024 portant ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 31 mars 2025 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 18