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27/03/2025 | LUXEMBOURG | N°52482

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 27 mars 2025, 52482


Tribunal administratif N° 52482 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52482 2e chambre Inscrit le 6 mars 2025 Audience publique du 27 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre deux « décisions » du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (4), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52482 du rôle et déposée le 6 mars 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Felix M

GBEKONYE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, a...

Tribunal administratif N° 52482 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52482 2e chambre Inscrit le 6 mars 2025 Audience publique du 27 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre deux « décisions » du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (4), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52482 du rôle et déposée le 6 mars 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Felix MGBEKONYE, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Angola), et de son épouse, Madame (B), née le … à …, agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leur enfant mineur (C), née le … à …, tous de nationalité angolaise et assignés à résidence à … sise à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation (1) d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 31 décembre 2024 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de les transférer vers le Portugal, comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de leurs demandes de protection internationale, et (2) d’une « décision du Ministre datée du 30 janvier 2025, en ce que le Ministre a refusé de suspendre le transfert des requérants vers le Portugal en raison de l’état de grossesse difficile de Madame (B) » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mars 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les actes entrepris ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Felix MGBEKONYE et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 17 mars 2025.

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Le 9 août 2024, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), accompagnés de leur enfant mineur (C), ci-après désignés ensemble par « les consorts (AB) », introduisirent auprès du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », des demandes de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur son identité et celle de sa famille et sur leur itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Une recherche effectuée à cette occasion dans la base de données AE.VIS révéla que les intéressés étaient en possession de visas touristiques délivrés par les autorités portugaises, valables du 20 juin au 3 août 2024.

1En date du 1er octobre 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues portugais une demande de prise en charge des consorts (AB), sur base de l’article 12, paragraphe (4) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III », demande qui fut formellement acceptée par lesdites autorités en date du 25 novembre 2024 sur base de la même disposition.

Par décision 31 décembre 2024, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa les consorts (AB) du fait que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de les transférer dans les meilleurs délais vers le Portugal sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 12, paragraphe (4) du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 9 août 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 12(4) du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers le Portugal qui est l’Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s’appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judicaire du 9 août 2024 sur votre demande de protection internationale.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 9 août 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.

Il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, notamment de la consultation de la base de données VIS que le Portugal vous a délivré un visa touristique valable du 20 juin 2024 jusqu’au 3 août 2024.

Sur base de ces informations, une demande de prise en charge en vertu de l’article 12(4) du règlement DIII a été adressée aux autorités portugaises en date du 1er octobre 2024, demande qui fut acceptée par lesdites autorités portugaises en date du 25 novembre 2024.

2. Quant aux bases légales En tant qu’Etat membre de l’Union européenne, l’Etat luxembourgeois est tenu de 2mener un examen aux fins de déterminer l’Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S’il ressort de cet examen qu’un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l’immigration rend une décision de transfert après que l’Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l’article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n’est pas responsable pour le traitement d’une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

La responsabilité du Portugal est acquise suivant l’article 12(4) du règlement DIII en ce que le demandeur est titulaire d’un ou de plusieurs titres de séjour périmées depuis moins de deux ans ou d’un ou plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d’entrer sur le territoire d’un Etat membre et que l’Etat membre qui l’a délivré est responsable de l’examen de la demande de protection internationale.

Un Etat n’est pas autorisé à transférer un demandeur vers l’Etat normalement responsable lorsqu’il existe des preuves ou indices avérés qu’un demandeur risquerait dans son cas particulier d’être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte UE ») 3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l’espèce, il résulte des recherches effectuées dans le cadre de votre demande de protection internationale, notamment de la consultation de la base de données VIS que le Portugal vous a délivré un visa touristique valable du 20 juin 2024 au 3 août 2024.

Selon vos déclarations auprès du Service de Police judiciaire, vous auriez quitté votre pays d’origine en date du 26 juillet 2024 vers le Maroc. Munis de vos passeports ainsi que de trois visas portugais organisés par un passeur, vous auriez pris un vol de Casablanca à Lisbonne. Alors que le passeur aurait gardé vos passeports à votre arrivée au Portugal, il vous aurait donné des billets de bus pour la Belgique où vous seriez arrivés en date du 28 juillet 2024. Etant donné que le passeur vous aurait conseillé de rejoindre le Luxembourg, vous seriez restés en Belgique jusqu’au 6 août 2024 avant de partir au Luxembourg où vous seriez arrivés le même jour.

Lors de votre entretien de Police Judiciaire en date du 9 août 2024, vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur vos états de santé ou fait état d’autres problèmes généraux empêchant un transfert vers le Portugal qui est l’Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.

Rappelons à cet égard que le Portugal est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

3 Il y a également lieu de soulever que le Portugal est liée par la Directive (UE) n°2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n°2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil»).

Soulignons en outre que le Portugal profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu’elle respecte ses obligations découlant du droit international en la matière.

Par conséquent, le Portugal est présumé respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l’interdiction des mauvaises traitements ancrée à l’article 3 Conv. torture.

Par ailleurs, il n’existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu’il n’existe aucune recommandation de l’UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers le Portugal sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

Monsieur, vous n’avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d’existence en Portugal revêtaient un tel degré de pénibilité et de gravité qu’elles seraient constitutives d’un traitement contraire à l’article 3 CEDH ou encore à l’article 3 Conv. torture.

Relevons dans ce conteste que vous avez la possibilité, dès votre arrivée au Portugal, d’introduire une demande de protection international et si vous deviez estimer que les autorités portugaises ne respectent pas vos droits élémentaires, il vous appartient de saisir les autorités portugaises compétentes notamment judiciaires.

Les informations à ma disposition ne sauraient donner lieu à l’application des articles 8, 9,10 et 11 du règlement DIII.

Il n’existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l’article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l’application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l’ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l’article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait 4amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l’exécution du transfert vers le Portugal, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l’objet d’une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l’exécution de votre renvoi vers le Portugal, l’exécution du transfert serait suspendue jusqu’à ce que vous seriez à nouveau aptes à être transférés. Par ailleurs, si cela s’avère nécessaire, la Direction générale de l’immigration prendra en compte votre état de santé lors de l’organisation du transfert vers le Portugal en informant les autorités portugaises conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités portugaises n’ont pas été constatées. […] ».

Par courrier de leur litismandataire du 27 janvier 2025 adressé à la direction générale de l’Immigration, les consorts (AB) sollicitèrent la suspension de leur transfert vers le Portugal en raison de l’état de grossesse de Madame (B).

Par courrier du 30 janvier 2025, le ministre prit position quant à la prédite demande comme suit : « […] Nous accusons réception de votre courriel du 27 janvier 2025 par lequel vous demandez la suspension du transfert de vos mandants.

Par la présente je suis au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à votre demande.

Je tiens à vous assurer que l’accès à l’alimentation nécessaire ne sera pas restreint durant le vol en direction du Portugal, Etat membre responsable du traitement de la demande de protection internationale de vos mandants.

Je tiens toutefois à vous informer qu’au cas où votre mandante souhaite transmettre des informations concernant son état de santé aux autorités portugaises, elle pourra signer et nous retourner le consentement conformément à l’article 32§2 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013, annexé à ce courrier. […] ».

Par arrêtés séparés du 18 février 2025, notifiés aux intéressés en mains propres le même jour, le ministre assigna les consorts (AB) à résidence à … sise à L-…, pour une durée de trois mois à partir de la notification des arrêtés en question.

Le 3 mars 2025, les autorités luxembourgeoises informèrent leurs homologues portugais de l’annulation du transfert des consorts (AB) vers le Portugal prévu le même jour.

Par courrier de leur litismandataire du 3 mars 2025 adressé à la direction générale de l’Immigration, les consorts (AB) sollicitèrent une nouvelle fois la suspension de leur transfert vers le Portugal en raison de l’état de grossesse de Madame (B) Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2025, les consorts 5(AB) ont fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation (1) de la décision ministérielle, précitée, du 31 décembre 2024 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de les transférer vers le Portugal, comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de leurs demandes de protection internationale, et (2) de la « décision du Ministre datée du 30 janvier 2025, en ce que le Ministre a refusé de suspendre le transfert des requérants vers le Portugal en raison de l’état de grossesse difficile de Madame (B) ».

Par requête séparée déposée également le 6 mars 2025, inscrite sous le numéro 52483 du rôle, ils ont encore fait introduire une demande en institution d’une mesure provisoire tendant en substance à voir surseoir à l’exécution de leur transfert vers le Portugal.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève l’irrecevabilité du recours pour autant qu’il est dirigé contre une décision, ainsi qualifiée, du ministre du 30 janvier 2025 en faisant valoir que ledit courrier ne constituerait pas une décision administrative, mais une suite logique de l’exécution de la décision du ministre de transférer les consorts (AB) vers le Portugal. Il précise que ledit courrier se limiterait à faire part aux intéressés des modalités du transfert, de sorte qu’il devrait s’analyser en une simple information dépourvue de tout élément décisionnel et non susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

En vertu de l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, l’ouverture d’un recours devant les juridictions administratives est limitée aux conditions cumulatives que l’acte litigieux doit constituer une décision administrative, c’est-à-dire émaner d’une autorité administrative légalement habilitée à prendre des décisions unilatérales obligatoires pour les administrés et que cet acte doit affecter les droits et intérêts de la personne qui le conteste.

En effet, pour qu’un recours contentieux dirigé contre un acte individuel soit recevable, il est exigé que cet acte comprenne un élément décisionnel et que celui-ci soit de nature à faire grief au requérant1.

L’acte émanant d’une autorité administrative, pour être sujet à un recours contentieux, doit constituer, dans l’intention de l’autorité qui l’émet, une véritable décision, à qualifier d’acte de nature à faire grief, c’est-à-dire un acte susceptible de produire par lui-même des effets juridiques affectant la situation personnelle ou patrimoniale de celui qui réclame2.

N’ont pas cette qualité de décision faisant grief, comme n’étant pas destinées à produire, par elles-mêmes, des effets juridiques, les informations données par l’administration, tout comme les déclarations d’intention ou les actes préparatoires d’une décision3.

Il en est de même des simples mesures d’exécution d’une décision administrative puisqu’elles ne sont pas susceptibles de produire un effet de droit indépendamment de la décision dont elles constituent l’exécution, la modification apportée à l’ordonnancement juridique étant l’œuvre de la décision exécutée4. En effet, une simple mesure d’exécution d’une 1 Cour adm. 28 septembre 2017, n° 39389C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 13 et les autres références y citées.

2 Trib. adm. 18 mars 1998, n° 10286 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 56 et les autres références y citées.

3 Trib. adm. 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, confirmé sur ce point par la Cour adm. 19 février 1998, n° 10263C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 80 (1er volet) et les autres références y citées.

4 Trib. adm. 29 février 2016, n° 35543 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 85 (1er volet) et les autres références y citées.

6décision administrative n’a pas vocation à produire un effet de droit, voire même à exister isolément. Pareille mesure ne se conçoit que conjointement avec la décision dont elle constitue l’exécution5.

Le tribunal constate qu’à travers le courrier du 30 janvier 2025, le ministre a informé le litismandataire des consorts (AB), d’une part, qu’il n’est pas en mesure de réserver une suite favorable à la demande de ses mandants visant à suspendre leur transfert vers le Portugal, et, d’autre part, qu’au cas où Madame (B) souhaiterait transmettre des informations concernant son état de santé aux autorités portugaises, elle pourrait signer et lui retourner le consentement conformément à l’article 32, paragraphe (2) du règlement Dublin III, annexé à ce courrier.

Force est, dès lors, de constater que ledit courrier du 30 janvier 2025 ne constitue pas une décision administrative individuelle susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux mais s’inscrit dans la suite logique de l’exécution de la décision de transfert du 31 décembre 2024 dans le cadre de laquelle le ministre, d’une part, s’est déclaré incompétent pour analyser les demandes de protection internationale des consorts (AB) au profit des autorités portugaises, et, d’autre part, a décidé de les transférer vers le Portugal. En effet, force est de relever que dans le cadre de sa décision du 31 décembre 2024, le ministre avait déjà informé les consorts (AB) que l’exécution de leur transfert vers le Portugal serait suspendue si leur état de santé devait temporairement constituer un obstacle à leur renvoi, tout en attirant leur attention sur le fait que la direction générale de l’Immigration prendra en compte leur état de santé lors de l’organisation du transfert vers le Portugal en informant les autorités portugaises conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que les intéressés expriment leur consentement explicite à cette fin. Or, ni le fait de ne pas suspendre ledit transfert, ni d’ailleurs le fait de le suspendre, le cas échéant, ne constituent des décisions administratives isolées, mais constituent, au contraire, des mesures d’exécution de la décision de transfert prise en aval avec laquelle elles existent conjointement et à laquelle ces mesures se rattachent.

Dans la mesure où le courrier ministériel du 30 janvier 2025 ne comporte dès lors en lui-même aucun élément décisionnel de nature à faire grief aux consorts (AB), il ne constitue pas une décision administrative individuelle susceptible de faire l’objet d’un recours contentieux.

Il suit des considérations qui précèdent, que le recours en réformation, sinon en annulation est irrecevable en ce qu’il est dirigé contre le courrier du ministre du 30 janvier 2025.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement soulève encore l’irrecevabilité du recours sous analyse pour autant qu’il est dirigé contre la décision ministérielle du 31 décembre 2024 pour être tardif.

A cet égard, il fait valoir que la notification de la décision ministérielle du 31 décembre 2024 aurait été valablement faite au mandataire des consorts (AB) en date du 31 décembre 2024, ainsi qu’aux intéressés eux-mêmes en date du 3 janvier 2025, tout en se prévalant, dans ce contexte, d’un relevé établi par l’entreprise des Postes et Télécommunications, intitulé « Track and Trace », duquel il se dégagerait que le courrier recommandé portant notification de la décision litigieuse aurait été remis aux intéressés le 3 janvier 2025. Dans la mesure où le 5 Cour adm. 24 janvier 2023, n° 47781C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Actes administratifs, n° 85 (2e volet).

7délai légal de 15 jours pour former un recours devant le tribunal administratif aurait commencé à courir, conformément aux dispositions de l’article 3 de la Convention européenne sur la computation des délais signée à Bâle le 16 mai 1972, ci-après désignée par « la Convention de Bâle », le 3 janvier 2025 à minuit pour expirer le samedi 18 janvier 2025, de sorte à avoir été prolongé jusqu’au lundi, le 20 janvier 2025, le recours sous examen, en ce qu’il a été déposé au greffe du tribunal administratif en date du 6 mars 2025, serait à déclarer irrecevable pour avoir été déposé en dehors du délai légal.

Aux termes de l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 : « Contre la décision de transfert visée à l’article 28, paragraphe (1), un recours en réformation est ouvert devant le tribunal administratif. Le recours doit être introduit dans un délai de quinze jours à partir de la notification. […] ».

Il se dégage du dossier administratif que la décision ministérielle du 31 décembre 2024 a été transmise au litismandataire des consorts (AB) par courrier électronique du même jour. Il se dégage encore d’un relevé établi par l’entreprise des Postes et Télécommunications, intitulé « Track and Trace », que le courrier recommandé portant notification de la décision ministérielle du 31 décembre 2024 a été remis aux consorts (AB) le 3 janvier 2025, de sorte que le délai pour introduire un recours devant le tribunal administratif a a priori expiré le 18 janvier 2025. Dans la mesure où le 18 janvier 2025 est toutefois tombé sur un samedi, le délai pour introduire un recours a été reporté au premier jour ouvrable suivant, conformément à l’article 56 de la Convention de Bâle, de sorte à avoir expiré le lundi 20 janvier 2025.

Il s’ensuit que le recours en réformation, sinon en annulation dirigé contre la décision du ministre du 31 décembre 2024, lequel a été déposé au greffe du tribunal administratif le 6 mars 2025, a été introduit en dehors du délai légal, de sorte qu’il est irrecevable pour être tardif.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare irrecevable le recours en réformation, sinon en annulation en ce qu’il est dirigé contre le courrier du ministre du 30 janvier 2025 ;

déclare irrecevable le recours en réformation, sinon en annulation en ce qu’il est dirigé contre la décision du ministre du 31 décembre 2024 pour être tardif ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, Melvin Roth, attaché de justice délégué, 6 « Il est tenu compte des samedis, dimanches et fêtes légales dans la computation d’un délai. Toutefois, lorsque le dies ad quem d’un délai avant l’expiration duquel un acte doit être accompli est un samedi, un dimanche, un jour férié légal ou considéré comme tel, le délai est prolongé de façon à englober le premier jour ouvrable qui suit. ».

8et lu à l’audience publique du 27 mars 2025 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Bochet 9


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 52482
Date de la décision : 27/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-03-27;52482 ?

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