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19/03/2025 | LUXEMBOURG | N°49772

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 19 mars 2025, 49772


Tribunal administratif Numéro 49772 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49772 5e chambre Inscrit le 1er décembre 2023 Audience publique du 19 mars 2025 Recours formé par Madame (A), … (Emirats Arabes Unis) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49772 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er décembre 2023 par Maître Nico

las THIELTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de ...

Tribunal administratif Numéro 49772 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49772 5e chambre Inscrit le 1er décembre 2023 Audience publique du 19 mars 2025 Recours formé par Madame (A), … (Emirats Arabes Unis) contre une décision du directeur de l’administration des Contributions directes, en matière d’impôt

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 49772 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er décembre 2023 par Maître Nicolas THIELTGEN, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à … (Emirats Arabes Unis), tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 septembre 2023, référencée sous le numéro de rôle … ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 22 février 2024 par le délégué du gouvernement ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2024 par Maître Nicolas THIELTGEN au nom de sa mandante, préqualifée ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marie BENA, en remplacement de Maître Nicolas THIELTGEN, et Monsieur le délégué du gouvernement Tom KERSCHENMEYER, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 décembre 2024.

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En date du 3 juillet 2017, Madame (A) déposa sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2016, l’administration des Contributions directes, ci-après désignée par l’« administration », lui ayant confirmé son immatriculation à compter de l’année 2016, notamment en lui communiquant son numéro de dossier par courrier du même jour.

Par courrier du 5 février 2018, le bureau d’imposition …, ci-après désigné par le « bureau d’imposition », s’adressa à Madame (A) pour obtenir la communication d’une copie des bulletins de l’impôt sur le revenu de l’année 2016 établis par les administrations fiscales du Canada et de la Belgique. Par courrier de son litismandataire de l’époque daté du 4 mai 2018, Madame (A) transmit le bulletin d’impôt émis par l’administration fiscale canadienne au titre de l’année 2016 au bureau d’imposition.

En date du 23 octobre 2018, Madame (A) déposa sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2017, tandis que le bureau d’imposition s’adressa à elle, par courrier du 22 1août 2019, pour obtenir la communication d’une copie des bulletins de l’impôt sur le revenu des années 2016 et 2017 établis par les administrations fiscales du Canada et de la Belgique, demande à laquelle Madame (A) répondit, par courrier de son ancien litismandataire daté du 16 septembre 2019, en transmettant au bureau d’imposition les bulletins d’impôt émis par lesdites administrations fiscales au titre de l’année 2017.

En date du 30 octobre 2019, Madame (A) déposa sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2018.

Par courrier du 22 juillet 2020, le préposé du bureau d’imposition s’adressa à Madame (A) pour obtenir la communication d’une série de pièces et de renseignements concernant ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des années 2016 à 2018, qui lui furent communiqués par l’ancien litismandataire de Madame (A) par courrier du 7 août 2020, ce dernier ayant encore participé à une réunion avec le préposé du bureau d’imposition le 25 août 2020 lors de laquelle la question de la résidence fiscale de Madame (A) au cours des années 2016 à 2018 fut discutée.

En date du 28 décembre 2020, Madame (A) déposa sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2019.

Par courrier du 8 mars 2021, Madame (A) s’adressa, par l’intermédiaire de son litismandataire, au bureau d’imposition. Elle dénonça que sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2019 lui aurait été retournée par l’administration en date du 13 janvier 2021, et déclara « souhaite[r] faire usage de son droit général d’être entendu et apporter [d]es réponses et clarifications » quant à sa résidence fiscale au Grand-Duché de Luxembourg au cours des années 2016 à 2019.

Par courrier du 15 mars 2021, le préposé du bureau d’imposition informa le litismandataire de Madame (A) qu’il ne serait pas procédé à des impositions pour les années 2016 à 2019 et que Madame (A) ne serait pas considérée comme contribuable résidente, dans les termes suivants :

« […] Par la présente, je vous explique la prise de position de l’Administration des Contributions Directes […] en me référant à votre courrier du 8 mars 2021.

En date du 5 février 2018 et en date du 22 août 2019, divers renseignements ont été demandés à Madame (A). Les réponses aux deux lettres ont été incomplètes.

Afin de clarifier le dossier, il a été décidé d’ouvrir une enquête en date du 22 juillet 2020 pour vérifier la résidence fiscale de Madame (A) au Luxembourg en demandant des renseignements supplémentaires en rapport avec son centre des intérêts vitaux.

Un déplacement a eu lieu au lieu d’habitation de Madame (A) à L-…. A cette adresse se trouvait une boîte aux lettres renseignant le nom de Madame (A), mais aucune sonnette où apparaissait son nom.

Les factures d’électricité et d’eau ont été contrôlées auprès du bureau du propriétaire de l’immeuble. Il s’est révélé que les montants consommés en eau et en électricité en rapport avec l’appartement loué à Madame (A) sont de moindre importance. Le bureau en a conclu que l’appartement n’est pas habité.

2Les factures de téléphone de l’entreprise … à … euros par mois montrent qu’il n’y a eu aucune communication (téléphone, Internet, télévision).

Les extraits CCPL démontrent que pour l’année 2016 il n’y a aucune transaction.

L’année 2017 se résume à 9 extraits, dont … euros ont été dépensés auprès de supermarchés.

L’année 2018 renseigne sur 11 extraits et celle de 2019 sur 10 extraits. Les dépenses alimentaires pour les 2 années sont dans la même grandeur d’ordre que pour 2017. Il va de soi qu’une telle somme est largement insuffisante pour prouver que le centre des intérêts vitaux se situerait à ….

En date du 25 août 2020, une entrevue a eu lieu avec Maître Berna aux locaux du bureau d’imposition à … pour lui expliquer que Madame (A) ne serait pas considérée comme contribuable ayant son domicile fiscal au Grand-Duché. Les preuves apportées démontrent que le séjour habituel de Madame (A) ne se situe pas au Grand-Duché. A ce titre les allégations rapportées dans votre lettre du 8 mars 2021 sont incorrectes. La prise de position du bureau a été expliquée oralement en long et en large à Maître Berna lors de cette entrevue.

Le dossier de Madame (A) a été transmis à la Division Echange en date du 26 août 2020.

Les investigations entreprises démontrent que Madame (A) n’a pas d’activité régulière au Grand-Duché de Luxembourg. C’est pourquoi le bureau d’imposition considère qu’il s’agit d’une contribuable non résidente. En conclusion le bureau ne procède donc pas à des impositions pour les années 2016 à 2019.

Vu que, ni le critère du domicile fiscal, ni le critère du séjour habituel ne sont remplis, Madame (A) n’est pas considérée comme contribuable résidente. […] ».

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 14 juin 2021, Madame (A) introduisit, par l’intermédiaire de son litismandataire, une réclamation auprès du directeur de l’administration, ci-après désigné par le « directeur », contre la décision précitée du bureau d’imposition du 15 mars 2021 portant refus de la considérer comme résident fiscal du Grand-

Duché de Luxembourg.

Par décision du 7 juillet 2021, référencée sous le numéro …, le directeur déclara irrecevable pour défaut d’intérêt à agir la réclamation lui soumise par Madame (A).

Par jugement du 7 juin 2023, inscrit sous le numéro 46535 du rôle, le tribunal déclara justifié le recours introduit par Madame (A) contre ladite décision directoriale et dit, par réformation que sa réclamation introduite le 14 juin 2021 était recevable, après avoir constaté « l’existence d’un intérêt suffisant pour [l’intéressée] à agir contre la décision du bureau d’imposition du 15 mars 2021 », tout en renvoyant le dossier au directeur en vue de statuer au fond sur les mérites de ladite réclamation.

Par décision du 4 septembre 2023, référencée sous le numéro …, le directeur rejeta comme non fondée la réclamation de Madame (A), dans les termes suivants :

3« […] Vu la requête introduite le 14 juin 2021 par Maître Nicolas Thieltgen, au nom de la dame (A), demeurant, d’après ses propres indications, à … (Emirats Arabes Unis), pour réclamer contre la décision de refus du bureau d’imposition de la considérer en tant que résident fiscal du Grand-Duché de Luxembourg, émise le 15 mars 2021 ;

Vu le dossier fiscal ;

Vu la décision directoriale du 7 juillet 2021, répertoriée sous le numéro … du rôle ;

Vu le jugement du Tribunal administratif du 7 juin 2023, répertorié sous le numéro 46535 du rôle et ayant renvoyé le dossier en prosécution de cause devant le directeur des contributions ;

Vu les §§ 228 et 301 AO de la loi générale des impôts (AO) ;

Considérant que la Tribunal administratif a retenu dans le jugement précité que « c’est à tort que le directeur a déclaré irrecevable la réclamation introduite par la société demanderesse en date du 14 juin 2021 et que la décision directoriale déférée du 7 juillet 2021 est à réformer dans le sens que la réclamation introduite en date du 14 juin 2021 est recevable » ;

Considérant dès lors que la réclamation a été introduite par qui de droit (§ 238 AO), dans les formes (§ 249 AO) et délai (§ 245 AO) de la loi, qu’elle est partant recevable ;

Considérant que la réclamante fait grief au bureau d’imposition d’avoir nié sa résidence fiscale au Grand-Duché de Luxembourg, et, par conséquent, de ne pas avoir procédé à l’imposition de son revenu ;

Considérant qu’en vertu du § 243 AO, une réclamation régulièrement introduite déclenche d’office un réexamen intégral de la cause, la loi d’impôt étant d’ordre public ; qu’à cet égard le contrôle de la légalité externe de l’acte doit précéder celui du bien-fondé ;

qu’en l’espèce la forme suivie par le bureau d’imposition ne prête pas à critique ;

Considérant que le bureau d’imposition n’a pas procédé à l’imposition des revenus de la réclamante pour les années 2016, 2017, 2018 et 2019 au motif qu’elle n’aurait ni son domicile fiscal ni son séjour habituel au Luxembourg ; que, toutefois, le conseil de la réclamante avance qu’elle serait à considérer comme « résident fiscal luxembourgeois », en reprochant au bureau d’imposition qu’il « passe en outre sous total silence le fait que Mme (A) dispose du centre de ses intérêts vitaux, matérialisé par ses intérêts économiques, au Grand-

Duché de Luxembourg. L’Administration des contributions directes - Bureau d’imposition de … a ainsi fait une fausse application de la loi. » ;

Considérant, en ce qui concerne la notion évoquée du centre des intérêts vitaux, que celle-ci entre en action toutes les fois que deux Etats revendiquent d’assujettir intégralement un contribuable à l’impôt et ce sur base de leur droit interne ; qu’en d’autres mots le critère du centre des intérêts vitaux ne peut qu’intervenir qu’après la confirmation de la résidence fiscale du contribuable suivant le droit interne des Etats concernés ;

Considérant que le conseil de la réclamante affirme lui-même que « (…) les dispositions conventionnelles prévalent uniquement en cas de désaccord sur la loi interne. Or, en l’espèce, 4il ne ressort aucunement du dossier fiscal de ma mandante qu’un désaccord soit né quant à la loi interne ou encore avec des autorités fiscales de pays étrangers. Il y a dès lors lieu de faire application de la notion de résidence fiscale uniquement sous l’égide de la loi luxembourgeoise. », ce qui est du moins étonnant vu le reproche formulé à l’égard du bureau d’imposition ;

Considérant qu’il y a lieu d’examiner, à l’aide de critères concrets, objectifs et aisément vérifiables, si la réclamante est à considérer comme résidente du Luxembourg suivant les dispositions de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) et les paragraphes 13 et 14 de la loi d’adaptation fiscale (StAnpG) ;

Considérant qu’en vertu de l’article 2, alinéa 1er les personnes physiques sont considérées comme contribuables résidents si elles ont leur domicile fiscal ou leur séjour habituel au Grand-Duché de Luxembourg ; qu’elles sont considérées comme contribuables non résidents si elles n’ont ni leur domicile fiscal ni leur séjour habituel au Grand-Duché de Luxembourg tout en y disposant de revenus indigènes au sens de l’article 156 ;

Considérant que les notions de « domicile fiscal » et « séjour habituel » sont précisées respectivement par les §§ 13 et 14 StAnpG ; que par domicile fiscal, il y a lieu d’entendre la possession d’une habitation dans des conditions permettant de conclure que le contribuable la conservera et en fera usage (§ 13 StAnpG), tandis que la notion de séjour habituel au sens du § 14, alinéa 1er StAnpG vise l’endroit où une personne séjourne dans des circonstances qui font apparaître qu’elle reste dans cette localité ou dans ce pays non seulement à titre passager ;

Considérant qu’il résulte des explications de la réclamante qu’elle est propriétaire de cinq immeubles dont trois immeubles en Belgique qui ont été donnés en location pendant les années 2016 à 2019, ainsi que d’un bien immobilier au Canada et au Salvador respectivement ;

Considérant qu’en date du 15 janvier 2016 la réclamante a pris en location, ensemble avec le sieur (B), un appartement à L-… ; qu’il n’est pas litigieux que la réclamante possède une habitation au Luxembourg au sens du § 13 StAnpG ; que toutefois la possession d’une habitation n’est pas suffisante en elle-même pour établir que la réclamante ait son domicile fiscal ou son séjour habituel au Grand-Duché ; qu’il reste à déterminer si elle a effectivement fait usage de cette habitation et qu’elle n’y a pas séjourné qu’à titre passager ;

Considérant que suivant les données du Registre national des personnes physiques, la réclamante a été déclarée à l’adresse … du 12 septembre 2016 au 29 avril 2021 ; qu’en général l’inscription sur un registre de la population n’est pas, à elle seule, une preuve de la résidence ; que la réclamante a entamé en mars 2016 des démarches pour obtenir une autorisation de séjour temporaire pour des raisons privées au Luxembourg ; qu’il convient de relever qu’à cet égard, la circonstance que la dame (A) a entrepris des démarches officielles en vue d’un changement de domicile de Toronto, au Canada, vers le Luxembourg en 2016, n’est pas déterminante pour la question de l’établissement d’un domicile au sens du droit fiscal, alors que la notion du domicile du droit fiscal, autonome et dérogatoire par rapport à la définition du domicile en droit civil et plus particulièrement des articles 102 ss du Code civil, s’attache à des faits et des actions réels plutôt qu’à des déclarations qu’imposent les lois et règlements, ces déclarations étant toutefois susceptibles de corroborer une situation de fait ;

5Considérant que lors d’un contrôle sur place par le bureau d’imposition en date du 21 juillet 2020 à l’adresse de la réclamante, il a été constaté qu’il s’y trouvait bien une boîte aux lettres renseignant le nom de la dame (A), mais aucune sonnette où apparaissait son nom ;

Considérant que les factures de télécommunication fournies par la réclamante sur demande du bureau d’imposition ne renseignent pour les années 2017 à 2019 qu’un montant de … euro par mois, des coûts qui sont exclusivement en relation avec l’option de recevoir une facture en papier par courrier, et ne comportent pas de frais de communication;

Considérant que la réclamante prétend ne pas être en possession d’une carte de crédit ;

qu’elle est toutefois titulaire d’un compte bancaire auprès de l’établissement … lequel serait, d’après elle, « exclusivement utilisé pour les dépenses alimentaires courantes de Madame (A) » ; qu’en 2017 les extraits de compte fournis ne comptent que dix opérations, qui peuvent potentiellement être mises en relation avec des dépenses alimentaires, pour un montant total de … euros ; que la situation est similaire pour les autres années en cause (16 opérations pour un montant total de … euros en 2018, 13 opérations pour un montant total de … euros en 2019) ; que, quant à l’allégation de la réclamante que « l’Administration des contributions directes se rattache faussement à l’importance du montant des dépenses alimentaires de Mme (A) en omettant toutefois de s’interroger sur de possibles retraits et paiements en liquide pour ce type de dépenses », force est de constater que les extraits de compte fournis par la réclamante ne renseignent aucun retrait d’argent ;

Considérant qu’en date du 22 juillet 2020 le bureau d’imposition a invité la réclamante à fournir notamment ses factures d’électricité et de l’eau pour les années en cause ; que la réclamante y a répondu qu’« [e]n ce qui concerne les factures d’électricité et de l’eau (…) celles-ci sont directement prises en charges par le propriétaire de l’appartement auquel elle paye à ce titre un montant forfaitaire de EUR … par année » ; que l’instruction au contentieux a révélé que la facture d’électricité pour la période de novembre 2017 à novembre 2018 porte sur un montant de seulement … euros, correspondant à une fourniture d’électricité de 599 kWh;

que les factures de taxes communales de l’année 2018, d’ailleurs limitées aux seules taxes fixes d’eau et de canal, renseignent des consommations d’eau en-deçà d’un volume d’un mètre cube et font surtout état de l’absence de prestations d’enlèvement d’ordures ménagères ;

Considérant que l’absence tant de frais de communication pendant trois années, que de frais courants, généralement à charge de chaque ménage et de frais d’électricité et de consommation d’eau en rapport avec l’appartement à …, particulièrement faibles, même pour un ménage à deux personnes, rend invraisemblables les affirmations que la réclamante ait effectivement occupé de façon régulière cet appartement ;

Considérant finalement que la réclamante est restée en défaut de toute preuve concrète qui établirait une présence permanente au Luxembourg pendant les années 2016 à 2019 ; que les circonstances ne permettent pas de conclure que son domicile fiscal ou son séjour habituel était situé pendant les années litigieuses au Grand-Duché ; que partant, la décision de refus du bureau d’imposition de considérer la réclamante en tant que résident fiscal du Grand-Duché de Luxembourg est à confirmer ;

Considérant, à titre purement superfétatoire, que même à l’admettre contribuable résident du Luxembourg, quod non, il n’en serait pas moins qu’il resterait toujours la question à propos de son centre des intérêts vitaux ; que le critère de la famille est à écarter d’office, étant donné qu’elle n’a pas de famille au Grand-Duché ; qu’en ce qui concerne la question de 6savoir où ses liens professionnels s’avèrent les plus étroits, il échoit à nouveau de consulter tant sa situation que les assertions qu’elle a formulées à travers sa requête ; que ses déclarations des années 2016 à 2018 indiquent que la réclamante était « sans emploi » ; qu’en 2016 elle « a procédé à l’ouverture de plusieurs comptes bancaires au Luxembourg sur lesquels elle a transféré la majorité de ses avoirs » ; que toutefois ses revenus provenaient essentiellement de sources non luxembourgeoises telles que des intérêts et des dividendes de participations diverses, le loyer de ses immeubles en Belgique ainsi qu’un revenu canadien ;

que ce n’est qu’en mai 2019 que la réclamante a créé la société civile immobilière « … » au Luxembourg dans laquelle elle a été associée à raison de 50% ; qu’au vu de ce qui précède, son centre des intérêts vitaux, déterminé en ce qui concerne le Grand-Duché de Luxembourg sur base du critère des liens professionnels les plus étroits, ne se trouvait pas au Luxembourg, mais soit en Belgique, soit au Canada ;

PAR CES MOTIFS reçoit la réclamation en la forme ;

la rejette comme non fondée […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 1er octobre 2023, Madame (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de la décision directoriale du 4 septembre 2023.

I) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité du recours Conformément aux dispositions combinées du § 228 de la loi générale des impôts du 22 mai 1931, telle que modifiée, appelée « Abgabenordnung », en abrégé « AO », et de l’article 8, paragraphe (3), point 1. de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, ci-après désignée par la « loi du 7 novembre 1996 », le tribunal est compétent pour statuer comme juge du fond sur le recours dirigé par un contribuable contre une décision du directeur ayant statué sur les mérites d’une réclamation de sa part contre une des décisions visées aux §§ 166 alinéa 3, 211, 212, 212a alinéa 1er, 214, 215, 215a et 235, 396 alinéa 1er et 402 AO.

Le directeur ayant pris sa décision sur le fondement du § 228 AO, le tribunal est dès lors compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit par Madame (A) contre la décision directoriale précitée du 4 septembre 2023.

Il n’y a, dès lors, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.

II) Quant au fond Arguments et moyens des parties Dans sa requête introductive d’instance, la demanderesse explique tout d’abord qu’elle serait née au …, aurait la nationalité canadienne et qu’elle aurait eu deux enfants avec son ex-

mari, un dénommé (C) dont elle serait séparée depuis l’année 2015. Ses deux enfants auraient 7la nationalité canadienne et poursuivraient des études supérieures au Canada.

Elle aurait, ensemble avec sa famille, fait l’objet d’une violente attaque au sein de son ancien domicile familial au Canada en date du 19 décembre 2008, attaque qui serait documentée par des procès-verbaux de la police générale de York du même jour et dont elle ne se serait jamais remise. Elle serait alors partie vivre avec sa famille en Belgique pendant six années et serait revenue au Canada à la fin de l’année 2014.

Tout en affirmant qu’elle aurait été suivie psychologiquement durant cette période, la demanderesse insiste sur la considération que, depuis le jour de son agression, elle aurait radicalement changé de mode de vie et ferait preuve d’une discrétion absolue en menant une « vie austère » à l’abri des regards. Elle se contenterait de vivre dans des logements discrets et de petite surface, ne posséderait pas de véhicule, préférerait effectuer tous ses déplacements en transports en commun, et opterait la quasi-totalité du temps pour des paiements en liquide en effectuant, en amont, les retraits sur ses comptes bancaires préexistants pour éviter de souscrire à de nouvelles cartes de paiement.

Au courant de l’année 2016, elle aurait décidé de rejoindre son nouveau compagnon, Monsieur (B), à … au Grand-Duché de Luxembourg pour aspirer y retrouver une certaine sécurité au sein d’une population restreinte, mener une vie simple en adéquation avec son nouveau mode de vie, et avec la ferme intention d’établir durablement et de manière permanente son habitation et le centre de ses intérêts vitaux au Luxembourg où son nouveau compagnon serait résident depuis l’année 2015.

Elle et Monsieur (B) auraient conclu un contrat de bail portant sur un appartement meublé le 15 janvier 2016. En date du 2 mars 2016, elle aurait déposé une demande d’autorisation de séjour auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, au sens de l’article 78, paragraphe (1), point a) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration. Dans le cadre de cette demande, le ministère lui aurait demandé un complément d’information qui l’aurait conduite à souscrire une assurance auprès de la « … » le 1er septembre 2016 et à ouvrir un compte bancaire auprès de la … avec des avoirs d’un montant supérieur à … euros. Le 12 septembre 2016, elle aurait déclaré son changement de résidence auprès de l’administration communale de la Ville de …, ci-après désignée par la « Commune de … », en indiquant comme nouvelle adresse celle ayant fait l’objet du contrat de bail. La demanderesse poursuit en expliquant qu’elle se serait vu octroyer un titre de séjour pour raisons privées d’une année, valable à compter du 12 décembre 2016, titre qui aurait été renouvelé chaque année. Elle ajoute qu’elle aurait toujours été enregistrée auprès de la Commune de …, tel que l’attesteraient des certificats de résidence datés des 24 septembre 2018 et 5 septembre 2019.

La demanderesse fait ensuite valoir qu’elle se serait vu attribuer un numéro de dossier par l’administration pour la période de 2016 à 2019, et que le bureau d’imposition lui aurait confirmé son immatriculation le 3 juillet 2017. L’administration lui aurait notifié un courrier tous les ans pour qu’elle dépose sa déclaration pour l’impôt sur le revenu (modèle 100), à savoir les 5 février 2018, 4 février 2019 et 3 février 2020. Tout en affirmant qu’elle aurait dûment satisfait à cette obligation au cours des années 2016 à 2019, la demanderesse se réfère à ses déclarations pour l’impôt sur le revenu des années 2016, 2017, 2018 et 2019 qui auraient été déposées auprès de l’administration les 30 juin 2017, 21 octobre 2018, 28 octobre 2019 et 28 décembre 2020 respectivement, et déplore qu’elle n’aurait, à ce jour, jamais reçu de bulletin 8d’impôt de la part de l’administration.

La demanderesse s’adonne ensuite à une description de sa situation patrimoniale en expliquant d’abord qu’elle serait retraitée et qu’au cours des années 2016 à 2019, elle aurait tiré une grande partie de ses revenus de placements mobiliers et immobiliers qui seraient notamment situés au Grand-Duché de Luxembourg.

Par rapport à ses placements au Grand-Duché de Luxembourg, la demanderesse indique que depuis 2016, elle serait titulaire d’un compte d’instruments financiers auprès de la BCEE qui aurait affiché une valeur totale de … euros au 31 décembre 2016, d’un compte bancaire auprès de la Banque … s’élevant à plus de … euros et d’un compte bancaire auprès de l’établissement « … » lequel serait exclusivement utilisé pour ses dépenses alimentaires courantes.

La demanderesse aurait investi, le 21 décembre 2018, la majorité de ses fonds présents sur son compte bancaire de la BCEE au sein d’une « société de participations financières », à savoir la société anonyme (AA), immatriculée au Registre de Commerce et des Sociétés de Luxembourg (« RCS ») sous le numéro …, dont elle aurait acquis l’intégralité du capital social pour un montant de USD …. Le 28 mai 2019, la demanderesse aurait créé une société civile immobilière, dénommée (BB), immatriculée au RCS sous le numéro …, dont elle serait l’associée à hauteur de 50%, et qui serait régie par les articles 1832 et suivants du Code civil, ainsi que par les dispositions de la loi modifiée du 10 août 1915 relatives aux sociétés commerciales. L’objet social de cette société porterait sur l’acquisition, la détention, la gestion, la mise en valeur, la location et la cession de biens immobiliers soit au Grand-Duché de Luxembourg, soit à l’étranger. Le 16 septembre 2019, cette société aurait acquis différents immeubles sis sur la commune de … pour un montant total de … euros.

En ce qui concerne les placements dont elle disposerait à l’étranger, la demanderesse expose qu’elle aurait été propriétaire de biens immobiliers à l’étranger au cours des années 2016 à 2019, à savoir trois biens immobiliers en Belgique qui auraient tous été donnés en location et qu’elle aurait acquis avec son ex-mari à hauteur de 50% chacun, un bien au Canada, et un bien au Salvador lequel aurait toujours été libre d’occupation durant les années 2016 à 2019.

La demanderesse conclut de l’ensemble de ces développements qu’au cours des années 2016 à 2019, elle n’aurait possédé et usé que de son habitation sise à L-….

Elle ajoute que durant cette même période, elle aurait essentiellement effectué des voyages de manière ponctuelle au Canada afin de rendre visite à ses filles durant les fêtes de fin d’année et de s’occuper des tâches administratives en relation avec sa mère qui serait âgée de 81 ans, vivrait seule au Canada et souffrirait de troubles de santé, la demanderesse donnant à considérer qu’il aurait été essentiel pour elle de rendre visite à ses filles qui, bien que majeures, « gard[er]aient en elles toujours les séquelles de l’attaque » qu’elles auraient subie le 19 décembre 2008.

Il serait « manifeste » que durant les années 2016 à 2019, elle aurait disposé du centre de ses intérêts vitaux, caractérisé par ses intérêts économiques, au Grand-Duché de Luxembourg, de sorte qu’il ne ferait aucun doute qu’au cours de ces années, elle aurait eu sa résidence fiscale au Grand-Duché de Luxembourg.

En droit, la demanderesse se prévaut d’une violation de l’article 2, alinéa (1) de la loi 9modifiée du 4 décembre 1967 concernant l’impôt sur le revenu, ci-après désignée par la « LIR », pour reprocher au directeur d’avoir fait une appréciation incorrecte de sa situation par rapport à cette disposition.

Tout en affirmant que le droit conventionnel retiendrait sous le même vocable une notion voisine, mais non strictement identique, de « résidence », les dispositions conventionnelles ne prélaveraient qu’en cas de désaccord « sur la loi interne ». Or, en l’espèce, il ne ressortirait aucunement du dossier fiscal qu’un désaccord serait né quant à la loi interne ou encore avec des autorités fiscales de pays étrangers, de sorte qu’il y aurait lieu de faire application de la notion de résidence fiscale uniquement sous l’égide de la loi luxembourgeoise.

La demanderesse explique que la lecture de la loi d’adaptation fiscale du 16 octobre 1934, telle que modifiée, appelée « Steueranpassungsgesetz », désignée ci-après par « StAnpG », ne permettrait pas de conclure que parmi les deux critères de « domicile fiscal » et de « séjour habituel », l’un devrait recevoir une application privilégiée par rapport à l’autre.

Elle cite les dispositions des §§ 13 et 14 de cette loi dans ce contexte, tout en expliquant lesdits critères au regard de la jurisprudence des juridictions administratives.

Elle se prévaut, ensuite, d’un arrêt du Conseil d’Etat du 8 juillet 1953 et du principe de l’annualité de l’impôt pour soutenir que la question du domicile fiscal serait à examiner « à l’occasion de chaque exercice civil », mais que l’administration ne serait pas en droit d’examiner cette question en prenant en compte les données qui ont servi à établir le domicile antérieurement ou postérieurement aux impositions critiquées. La demanderesse conteste le reproche que lui aurait fait l’administration quant au caractère incomplet de ses réponses fournies aux courriers du bureau d’imposition établis dans le cadre du § 205, alinéa (3) AO et lui reproche, à son tour, de ne pas lui avoir expliqué comment elle aurait pu pallier ces manquements dont elle conteste d’ailleurs la matérialité. Le bureau d’imposition se serait ainsi, à tort, limité à lui renvoyer par courrier sa déclaration pour l’impôt sur le revenu de l’année 2019 sans aucune autre observation.

La demanderesse poursuit ses explications en reprochant au bureau d’imposition d’être parti du postulat erroné et d’un a priori qu’elle ne serait pas un contribuable résident aux motifs qu’aucune sonnette à son nom n’aurait figuré à son adresse – alors qu’elle aurait pourtant disposé d’une boîte aux lettres avec son nom dessus –, que sa consommation en eau et électricité serait de moindre importance, et que ses factures de téléphone montreraient qu’elle n’aurait eu aucune consommation. A cet égard, elle argumente que le bureau d’imposition aurait pourtant été parfaitement au courant, compte tenu de ses antécédents personnels, qu’elle aurait souhaité garder « une certaine discrétion » et ne pas indiquer son nom sur la sonnette de son appartement. Les « extraits CCPL » démontreraient à suffisance sa présence sur le territoire luxembourgeois au cours des années d’imposition litigieuses qui caractériseraient une résidence habituelle. Le bureau d’imposition aurait à tort attaché une importance au montant de ses dépenses alimentaires, sans d’ailleurs s’interroger sur de possibles retraits et paiements en liquide pour ce type de dépenses.

La demanderesse reproche encore au bureau d’imposition de passer sous silence le fait qu’elle disposerait du centre de ses intérêts vitaux au Luxembourg, compte tenu des intérêts économiques qu’elle aurait dans ce pays, de sorte qu’il aurait fait une fausse application de la loi que le directeur aurait d’ailleurs à tort confirmée. Elle se réfère, dans ce contexte, aux commentaires de l’article 4 du Modèle de Convention de l’Organisation de coopération et de développement économiques (« OCDE »), ci-après désigné par le « Commentaire du Modèle 10OCDE », au motif que le critère du centre des intérêts vitaux ne pourrait qu’intervenir qu’après la confirmation de la résidence fiscale du contribuable suivant le droit interne des Etats concernés.

La demanderesse fait valoir que ledit article prévoirait certes un critère secondaire tenant au « centre des intérêts vitaux » lorsqu’une personne physique possèderait un foyer d’habitation permanent dans deux Etats contractants afin de déterminer la résidence fiscale de cette personne physique, mais qu’en l’espèce, il ne ressortirait pas du dossier fiscal qu’un désaccord serait né quant à la loi interne ou encore avec les autorités fiscales de pays étrangers. Elle en conclut qu’il y aurait lieu de faire application de la notion de résidence fiscale uniquement sous l’égide de la loi luxembourgeoise, la demanderesse se référant à un jugement du tribunal administratif du 12 octobre 2000, inscrit sous le numéro 11552 du rôle.

De sa compréhension de la décision déférée, le directeur lui aurait reproché le fait même d’être propriétaire de cinq immeubles, dont trois en Belgique, un au Canada et un autre au Salvador, pour ensuite en tirer la conclusion, qui serait dépourvue de fondement, qu’elle serait résidente fiscale en Belgique durant les années d’imposition litigieuses. C’est de là que serait parti l’échange de la Division économique de l’administration avec les autorités belges le 18 janvier 2021 au sujet des années d’imposition 2016, 2017 et 2018, qui aurait abouti à son imposition en tant que contribuable résident belge pour l’année 2016, ainsi qu’à des demandes de renseignements supplémentaires pour les années 2017, 2018 et 2019.

La demanderesse en conclut que le critère du centre des intérêts vitaux serait ainsi applicable en l’espèce et reproche encore, dans ce contexte, au directeur de s’être contredit au motif qu’il aurait, dans un premier temps, affirmé que le critère du centre des intérêts vitaux ne pourrait intervenir qu’après la confirmation de la résidence du contribuable suivant le droit interne des Etats concernés, pour ensuite, dans un second temps, affirmer que « même à l’admettre contribuable résident du Luxembourg, quod non, il n’en serait pas moins qu’il resterait toujours la question à propos de son centre des intérêts vitaux ».

La demanderesse explique, ensuite, que les critères légaux de la résidence fiscale au Luxembourg seraient remplis dans son chef pour les années d’imposition 2016, 2017, 2018 et 2019, en rappelant, qu’en principe, elle disposerait de la liberté de fixer sa résidence fiscale où elle le désirerait et d’être ainsi soumise à une obligation fiscale illimitée, sous réserve d’une disposition légale qui lui imposerait une résidence fiscale, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

Elle affirme, en se référant à un jugement du tribunal administratif du 11 juillet 1997, inscrit sous le numéro 10137 du rôle, qu’il existerait une jurisprudence « fournie » suivant laquelle il existerait une présomption d’exactitude et de sincérité de ses déclarations, qu’il incomberait, le cas échéant, à l’administration de renverser en se fondant sur des éléments concrets contredisant la réalité économique des opérations déclarées. Cette présomption obligerait ainsi l’administration à demander les renseignements qu’elle estimerait nécessaires et à laisser au contribuable la possibilité d’éclairer sa position avant de se prononcer. La demanderesse ajoute qu’en soumettant ses déclarations fiscales pour les années d’imposition 2016 à 2019, elle aurait marqué sa volonté d’être soumise à une obligation fiscale illimitée au Luxembourg. Elle affirme que le directeur ne pourrait pas remettre en cause cette volonté au motif qu’il ne ressortirait pas du dossier fiscal qu’un désaccord serait né quant à la loi interne ou avec des autorités fiscales de pays étrangers. Si par extraordinaire, une telle volonté devait être remise en cause par le directeur, la demanderesse fait valoir que ses explications relatives aux faits et circonstances de l’espèce, de même que ses explications démontreraient qu’elle 11aurait effectivement eu son séjour habituel, sinon son domicile fiscal au Luxembourg, au cours des années d’imposition 2016 à 2019.

Pour démontrer qu’elle aurait été résidente au Luxembourg au cours de l’année d’imposition 2016, la demanderesse réitère que cette année-là, elle n’aurait plus entretenu aucun lien social avec le Canada suite à l’attaque dont elle aurait été victime à son ancien domicile en 2008, et qu’elle aurait rejoint son compagnon, Monsieur (B), avec lequel elle aurait conclu un contrat de bail le 15 janvier 2016 portant sur la location d’un appartement meublé sis L-…. Ce serait également au cours de l’année 2016 qu’elle aurait entrepris toutes les démarches pour obtenir un titre de séjour luxembourgeois et qu’elle aurait déclaré sa nouvelle résidence à la Commune de …. Il serait ainsi manifeste qu’elle aurait été en possession d’une habitation à … au sens du § 13 StAnpG dans des conditions qui permettraient de conclure qu’elle l’aurait conservée et qu’elle en aurait fait usage. Pour le surplus, elle ajoute qu’elle aurait procédé à l’ouverture de plusieurs comptes bancaires au Luxembourg sur lesquels elle aurait transféré la majorité de ses avoirs. Elle en conclut qu’il serait avéré que le centre de ses intérêts vitaux se serait trouvé au Luxembourg au motif que ses intérêts économiques s’y seraient indiscutablement situés. Elle qualifierait, dès lors, de résidente fiscale au Luxembourg pour l’année 2016.

Au sujet de l’année d’imposition 2017, la demanderesse affirme qu’elle aurait eu un séjour habituel au Luxembourg au sens du § 14 StAnpG au motif qu’elle y aurait séjourné de manière continue au moins durant six mois. Elle se réfère à cet égard à des extraits de compte auprès de l’entreprise « … » pour la période du 30 janvier 2017 au 29 décembre 2017, ainsi qu’à des factures téléphoniques de l’année 2017 avec l’opérateur « Tango ». La demanderesse donne à considérer que ses déplacements de courte durée à l’étranger auprès de sa famille et les congés qu’elle y aurait passés n’auraient pas pour effet d’interrompre cette période. Même à admettre que sa présence sur le territoire luxembourgeois n’aurait pas été établie à suffisance, la demanderesse affirme que les pièces qu’elle aurait versées par rapport à l’année 2017 démontreraient qu’elle aurait disposé du centre de ses intérêts vitaux au Luxembourg au motif que son habitation et ses intérêts économiques y étaient indiscutablement situés. La demanderesse se réfère, dans ce contexte, au courrier du bureau d’imposition daté du 15 mars 2021 dans lequel celui-ci n’aurait fait aucune distinction entre son séjour habituel et le centre de ses intérêts vitaux. Il serait, au contraire, erronément parti du postulat que dans la mesure où ses dépenses alimentaires au Luxembourg auraient semblé insuffisantes et que les montants consommés en eau et en électricité en rapport avec son appartement loué auraient semblé de moindre importance, aucun des deux critères n’aurait été rempli dans son chef. Or, l’administration serait restée muette quant à la question de ses intérêts économiques au Luxembourg, alors que dans une telle hypothèse, il aurait été jugé qu’une personne serait à considérer comme un résident de l’Etat avec lequel ses liens personnels et économiques seraient les plus étroits, tout en donnant priorité au critère des intérêts économiques, lequel serait plus facile à établir que les liens affectifs au cas où le conflit de résidence subsisterait encore, la demanderesse se référant à nouveau au jugement du tribunal administratif du 12 octobre 1010, inscrit sous le numéro 11552 du rôle. Elle en conclut qu’elle devrait être considérée comme une résidente fiscale au Luxembourg pour l’année 2017.

La demanderesse affirme qu’elle aurait également un séjour habituel au Luxembourg au sens du § 14 StAnG au cours de l’année d’imposition 2018 au motif qu’elle y aurait séjourné de manière continue au moins durant six mois de cette année. Elle se réfère à cet égard à nouveau à des extraits de compte auprès de l’entreprise « … », mais cette fois pour la période du 29 décembre 2017 au 31 décembre 2018, ainsi qu’à des factures téléphoniques de l’année 122018 avec l’opérateur « Tango ». Elle réitère son argumentation relative à ses déplacements de courte durée à l’étranger et les congés y passés, ainsi que son affirmation suivant laquelle elle aurait eu le centre de ses intérêts vitaux au Luxembourg au motif qu’elle y aurait eu son habitation et ses intérêts économiques. Elle en conclut qu’elle devrait être considérée comme une résidente fiscale au Luxembourg pour l’année 2018.

Au sujet de l’année d’imposition 2019, la demanderesse réitère encore ses explications fournies au sujet des années 2016 et 2017, en produisant des factures des extraits de compte auprès de l’entreprise « … » pour la période du 29 décembre 2018 au 31 décembre 2019, ainsi que des factures téléphoniques de l’année 2019 avec l’opérateur « … ». Elle aurait ainsi eu son séjour habituel au Luxembourg au sens du § 14 StAnpG pour les mêmes motifs. Elle rappelle encore dans ce contexte qu’elle aurait investi une partie de ses fonds propres, à savoir un montant de … euros dans la société anonyme (AA), dont elle aurait été actionnaire à hauteur de 100%, et qu’elle aurait créé, le 28 mai 2019, une société civile immobilière dénommée (BB) dont elle aurait été associée à hauteur de 50%. L’ensemble de ces faisceaux d’indices renforceraient l’idée qu’elle aurait disposé du centre de ses intérêts vitaux au Luxembourg au cours de l’année d’imposition 2019. Elle en conclut qu’elle devrait être considérée comme une résidente fiscale au Luxembourg pour l’année 2019.

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse maintient ses moyens et arguments fournis à l’appui de sa requête introductive d’instance.

Elle conteste l’inapplicabilité de la notion du centre des intérêts vitaux, telle que préconisée par le délégué du gouvernement, et renvoie à son argumentation incluse dans sa requête.

La demanderesse réitère que la question du domicile fiscal serait à examiner par rapport à chaque exercice civil en raison de l’annualité de l’impôt et reproche au délégué du gouvernement de ne pas prendre position par rapport à l’existence de ses intérêts économiques luxembourgeois, respectivement de se limiter à affirmer que ses placements immobiliers, investissements et spéculations auraient pu être faites depuis l’étranger, sans présence au Luxemburg, alors de tels éléments démontreraient bien que le centre de ses intérêts économiques se serait situé au Luxembourg.

Elle donne ensuite à considérer que le seul fait qu’elle détiendrait cinq immeubles, dont trois en Belgique, un au Canada et un autre au Salvador, ne serait pas suffisant pour conclure qu’elle serait résidente fiscale en Belgique au motif qu’elle y détiendrait le plus grand nombre d’immeubles.

Après avoir rappelé qu’elle aurait un intérêt à agir en se référant au jugement du tribunal administratif du 7 juin 2023, inscrit sous le numéro 46535 du rôle, et que la décision du bureau d’imposition et celle du directeur auraient des conséquences sur sa propre situation fiscale en Belgique dont elle expose la teneur, la demanderesse réitère, en substance, ses explications fournies à l’appui de sa requête.

Elle reproche ensuite au délégué du gouvernement d’attacher une importance au montant de ses dépenses d’eau, d’électricité et d’appels téléphoniques et soutient que dans l’enquête diligentée par l’administration, il serait fait référence à une note manuscrite non datée et non signée. Tout en affirmant qu’il serait « constant » que ses consommations d’eau et d’électricité prouveraient qu’elle ne consommerait « pas beaucoup », elle donne à considérer 13qu’une personne qui ne consommerait « pas beaucoup » en eau et en électricité ne serait pas d’office une personne non-résidente au motif qu’il pourrait « simplement » s’agir d’une « personne économe, voire [d’]une personne qui passe également du temps en-dehors de chez elle ».

La demanderesse affirme que toutes ses transactions bancaires auraient incontestablement été faites sur le sol luxembourgeois et indique qu’elle n’aurait connaissance d’aucune règle qui prévoirait qu’il faudrait retirer, sinon verser, ou encore payer par voie de carte bancaire un montant minimum déterminé par année fiscale pour être considéré comme contribuable résident luxembourgeois. Pour établir l’existence de son séjour habituel au Luxembourg, la demanderesse se réfère aux opérations bancaires qu’elle aurait effectuées depuis le sol luxembourgeois, lesquelles démontreraient qu’elle y aurait séjourné « la grande majorité des années litigieuses ». Elle en déduit qu’elle profiterait d’une présomption irréfragable d’avoir séjourné de manière continue au moins durant six mois de chacune des années au Luxembourg, de sorte qu’elle devrait être considérée comme résidente au Luxembourg. Elle se réfère aux « versements » effectués en sa faveur qui établiraient ses « avoirs liquides » qu’elle aurait utilisés pour payer « sous forme liquide » à maintes fois sur le sol luxembourgeois. La demanderesse reproche encore, dans ce contexte, à l’administration d’exiger d’elle une probatio diabolica au motif qu’elle exigerait d’elle de produire des « tickets de caisse » relatifs à des opérations datant des années 2016 à 2019 et fait valoir que l’administration aurait alors dû les lui demander explicitement en temps et en heure, et non pas des années plus tard.

Pour le surplus, la demanderesse dresse la liste des relevés bancaires de l’entreprise « … » pour soutenir qu’elle aurait séjourné au Luxembourg au cours des années d’imposition 2016, 2017 et 2018 pendant une période consécutive de plus de six mois, et renvoie à ses explications fournies dans sa requête quant aux raisons pour lesquelles le statut de résident devrait lui être reconnu pour l’année d’imposition 2016.

Dans son mémoire en réponse, le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours pour ne pas être fondé.

Analyse du tribunal Les parties sont en désaccord sur la question de savoir si la demanderesse était fiscalement résidente au Luxembourg au sens de l’article 2, alinéa (1) LIR au cours des années d’imposition 2016 à 2019.

Pour trancher le litige sous examen, il y a, tout d’abord, lieu de se référer à l’article 2, alinéa (1) LIR qui dispose comme suit : « Les personnes physiques sont considérées comme contribuables résidents si elles ont leur domicile fiscal ou leur séjour habituel au Grand-Duché.

Les personnes physiques sont considérées comme contribuables non résidents si elles n’ont pas leur domicile fiscal ni leur séjour habituel au Grand-Duché et si elles disposent de revenus indigènes au sens de l’article 156 ».

La loi soumet ainsi la qualité de contribuable résident à la condition d’avoir son domicile fiscal ou son séjour habituel au Grand-Duché de Luxembourg1, ces deux notions étant précisées respectivement par les §§ 13 et 14 StAnpG.

1 Trib. adm., 21 décembre 1998, n° 10417 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 47 et les autres références y citées.

14 Etant donné que la demanderesse estime qu’elle devrait revêtir la qualité de résident aux motifs qu’elle aurait eu son séjour habituel au Luxembourg, « sinon » qu’elle y aurait possédé son domicile fiscal au cours des années 2016 à 2019, ce que la partie étatique conteste dans les deux cas, il y a lieu d’analyser, en premier lieu, si la demanderesse remplit les critères du séjour habituel au sens du § 14 StAnpG, auquel cas la demanderesse serait à qualifier de résidente au Luxembourg, et à défaut, si elle remplit les critères du domicile fiscal au sens du § 13 StAnpG.

Conformément à l’article 59 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par la « loi du 21 juin 1999 », « La preuve des faits déclanchant l’obligation fiscale appartient à l’administration, la preuve des faits libérant de l’obligation fiscale ou réduisant la cote d’impôt appartient au contribuable […] ».

En l’espèce, la situation est particulière étant donné que la partie étatique conteste la résidence fiscale de la demanderesse au Luxembourg, ce qui réduit la cote d’impôt de la demanderesse au Luxembourg, voire la libère de son obligation fiscale dans ce pays, tandis que la demanderesse se prévaut de la qualité de résidente au Luxembourg, ce qui aurait pour conséquence son imposition au Luxembourg sur ses revenus indigènes et étrangers, autrement dit le déclenchement de son obligation fiscale au Luxembourg.

Toutefois, dans la mesure où il appartient à un requérant de rapporter la preuve du caractère illégal de l’acte administratif déféré au tribunal administratif, le tribunal retient que la demanderesse a la charge de prouver que c’est à tort que le directeur a conclu qu’elle ne qualifierait pas de contribuable résidente au Luxembourg au sens de l’article 2, alinéa (1) LIR.

Dans ce contexte, le tribunal est d’ores et déjà amené à rejeter l’affirmation de la demanderesse suivant laquelle ses déclarations auraient bénéficié d’une présomption d’exactitude et de sincérité au motif que l’administration aurait jugé insuffisantes ses explications et renseignements fournis pour démontrer qu’elle aurait eu sa résidence au Luxembourg. Il est, au contraire, de jurisprudence constante – à laquelle le jugement du 11 juillet 1997, inscrit sous le numéro 10137 du rôle, auquel s’est référée la demanderesse, ne fait d’ailleurs pas exception – que les dispositions légales applicables, dont surtout les §§ 166, 170, 171, 204 et 205 AO, instaurent un régime qui ne fait bénéficier une déclaration d'impôt d'aucune présomption de véracité, mais qui impose au bureau d'imposition une mission de contrôle et d'examen objectif et impartial de la déclaration et d'investigations supplémentaires en cas de doute raisonnable sur le caractère véridique et complet de la déclaration, le contribuable étant corrélativement soumis à un devoir de collaboration avec le bureau d'imposition en éclairant les points douteux et en produisant des éléments de preuve qu'on peut raisonnablement attendre de sa part2. Or, le seul fait pour l’administration de considérer comme étant insuffisantes les éléments produits par la demanderesse pour satisfaire à la charge de la preuve de ses déclarations n’est pas de nature à instituer une présomption de volonté de vouloir être résidente ou une présomption que les critères objectifs des §§ 13 et 14 StAnpG seraient remplis dans son chef.

Il échet également de relever que si le tribunal est certes investi du pouvoir de statuer en tant que juge du fond dans le cadre du recours sous examen, il n’en demeure pas moins saisi d’un recours contentieux contre un acte déterminé. Ainsi, l’examen auquel il doit se livrer 2 Trib. adm., 7 mai 2007, n° 21330 du rôle, confirmé sur ce point par Cour adm., 6 novembre 2007, n° 23068C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 999 (2e volet) et les autres références y citées.

15s’effectue en principe dans le cadre des moyens invoqués par le contribuable pour contrer les points spécifiques de l’acte déféré faisant grief – en l’occurrence la décision directoriale du 4 septembre 2023 –, sans que son contrôle ne consiste à procéder, de sa propre initiative, à un réexamen général et global de sa situation fiscale sur base du dossier fiscal. La mission du juge administratif, lorsqu’il est investi du pouvoir de réformer, consiste en effet à substituer sa propre décision à une décision administrative jugée illégale, de sorte qu’il incombe au contribuable de fournir à l’appui de sa requête des éléments suffisamment précis pour permettre le cas échéant l’exercice utile de ce pouvoir de réformation3.

Le tribunal est encore amené à préciser qu’en vertu du principe de l’annualité de l’impôt, ancré notamment à l’article 1er LIR, la situation du contribuable doit être considérée pour chaque année d’imposition suivant des données et caractéristiques propres, établies du moment, de manière que les bases d’imposition du chef d’une année d’imposition sont à déterminer indépendamment de celles retenues pour une année d’imposition antérieure. L’autorité compétente n’est ainsi pas liée par ses appréciations antérieures, sauf l’hypothèse d’une décision expresse en faveur du contribuable4.

1) Quant à l’existence d’un séjour habituel au Luxembourg Le § 14 StAnpG qui dispose dans son alinéa (1) que « Den gewöhnlichen Aufenthalt im Sinn der Steuergesetze hat jemand dort, wo er sich unter Umständen aufhält, die erkennen lassen, dass er an diesem Ort oder in diesem Land nicht nur vorübergehend verweilt.

Unbeschränkte Steuerpflicht tritt jedoch stets dann ein, wenn der Aufenthalt im Inland länger als sechs Monate dauert. In diesem Fall erstreckt sich die Steuerpflicht auch auf die ersten sechs Monate » .

Aux termes de la première phrase de cette disposition, une personne a sa résidence habituelle à l’endroit où elle se trouve, dans des circonstances qui font apparaître, qu'elle ne séjourne pas seulement dans ce lieu ou dans ce pays à titre passager. Il résulte de l’économie de ce texte que le séjour habituel suppose d’abord une présence matérielle prépondérante par rapport aux absences5.

En revanche, suivant la deuxième et troisième phrase dudit § 14 StAnpG, le séjour habituel est admis de droit lorsque le séjour à l’intérieur du pays excède six mois consécutifs, auquel cas l’obligation fiscale illimitée consécutive à la reconnaissance de ce séjour habituel s’étend également aux six premiers mois, étant précisé que le séjour en question doit être effectif6.

Toutefois, des périodes d’absence de courte durée, telle qu’un délai de quinze jours7, ne sont pas de nature à remettre en cause une présence au Luxembourg pendant une période consécutive de plus de six mois.

3 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 20705 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 1266 (1er volet) et les autres références y citées.

4 Cour adm. 3 août 2016, n° 37117C du rôle, Pas. adm. 2023, V ° Impôts, n° 24 et les autres références y citées.

5 Trib. adm., 4 décembre 2013, n° 31894 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 décembre 2014, n° 33872C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 49 (2e volet).

6 Trib. adm., 4 décembre 2013, n° 31894 du rôle, confirmé par Cour adm., 18 décembre 2014, n° 33872C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 49 (2e volet).

7 Doc. parl. 571, Commentaire de articles, ad article 3, page 117.

16En l’espèce, le tribunal constate que la demanderesse se prévaut de l’existence d’un séjour habituel au Luxembourg uniquement en ce qui concerne les années d’imposition 2017 à 2019. Pour ces années d’imposition 2017, 2018 et 2019, la demanderesse se prévaut d’ailleurs uniquement de la deuxième phrase du § 14, alinéa (1) StAnpG pour soutenir qu’elle aurait eu un séjour effectif au Luxembourg pendant une période consécutive de plus de six mois au cours de chacune de ces années d’imposition, de sorte que le séjour habituel devrait être admis de droit.

En revanche, pour l’année d’imposition 2016, le tribunal constate que dans son mémoire en réplique, la demanderesse renvoie à ses explications fournies dans sa requête, dans laquelle elle ne se réfère qu’à l’existence d’une habitation – terme qui ne se dégage pas du § 14 StAnpG – et au § 13 StAnpG pour conclure qu’elle devrait se voir reconnaître le statut de résident.

Dans ces conditions, le tribunal limitera, à ce stade, son analyse à la question de savoir si la demanderesse rapporte la preuve d’un séjour habituel et effectif au Luxembourg pendant une période consécutive de plus de six mois au cours des seules années d’imposition 2017 à 2019 conformément à la deuxième phrase du § 14, alinéa (1) StAnpG.

Pour tenter de rapporter la preuve d’une présence effective au Luxembourg pour une période consécutive de plus de six mois au cours des années d’imposition 2017, 2018 et 2019, la demanderesse se prévaut, en substance, (i) du fait que le centre de ses intérêts vitaux aurait été situé au Luxembourg, (ii) de relevés bancaires de l’entreprise « … », (iii) de factures téléphoniques d’un opérateur luxembourgeois, (iv) de l’existence du centre de ses intérêts vitaux au Luxembourg au motif qu’elle aurait ses intérêts économiques dans ce pays, et (v) pour l’année d’imposition 2019, en plus, du fait qu’elle aurait effectué des investissements au Luxembourg.

Le tribunal retient, tout d’abord, c’est à juste titre que le directeur et le délégué du gouvernement n’ont pas analysé la situation de la demanderesse en se fondant sur le critère du lieu du « centre des intérêts vitaux » de la demanderesse.

D’une part, la mise en œuvre de ce critère suppose le constat préalable d’un conflit de résidence d’un contribuable entre deux Etats. Plus particulièrement, dans le cas où le contribuable est considéré comme résident de chacun des Etats contractants, cette personne est considérée comme résidente de l’Etat contractant où elle dispose d’un « foyer d’habitation permanent ». Dans l’hypothèse de l’existence d’un « foyer d’habitation permanent » dans chacun des Etats contractants, ce qui implique la non-exclusivité du qualificatif de « permanent », la personne est considérée comme résidente de l’Etat contractant avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits, cette expression étant expliquée par la notion de « centre des intérêts vitaux »8. Or, en l’espèce, si l’administration fiscale belge a requalifié la demanderesse comme étant résidente belge pour la seule année d’imposition 2016, les autorités fiscales luxembourgeoises rejettent le statut de résident à la demanderesse pour cette même année, ainsi que pour les années d’imposition 2017, 2018 et 2019 litigieuses, de sorte qu’aucun conflit entre la Belgique et le Luxembourg n’existe entre ces deux Etats pour aucune des années d’imposition litigieuses. Le directeur est partant à confirmer dans ses explications afférentes, fondées notamment sur le Commentaire du Modèle OCDE.

D’autre part, si la demanderesse affirme à juste titre que la détermination de sa résidence 8 Cour adm., 6 mars 2001, n° 12521C du rôle, disponible sur le site www.justice.public.lu.

17fiscale au Luxembourg est à faire au regard du seul droit interne, la conséquence n’est pas celle d’une prise en compte du « centre des intérêts vitaux » dans le cadre de cette analyse, contrairement à ce qu’elle prétend, étant donné que ce critère ne se dégage pas du § 14 StAnpG.

Il s’ensuit que le défaut allégué de prise en compte par le directeur du lieu où se trouveraient les intérêts économiques de la demanderesse est dénué de pertinence pour l’analyse à effectuer dans le cadre du § 14, alinéa (1), deuxième phrase du StAnpG, la façon de faire du directeur ne portant pas à critiques. Les contestations afférentes de la demanderesse encourent, partant, le rejet pour être non fondées.

Le tribunal constate, ensuite, que les factures de l’opérateur versées par la demanderesse ne sont pas de nature à constituer un indice visant à retenir un séjour habituel et effectif pendant une période consécutive de plus de six mois au cours desdites années d’imposition. Ces factures sont, au contraire, de nature à exclure toute présence effective de la demanderesse au Luxembourg, compte tenu de l’absence d’usage effectif de la ligne téléphonique depuis son lieu de séjour, contrairement à ce qu’elle soutient. Le tribunal rejoint le directeur et le délégué du gouvernement dans leur constat que la demanderesse ne s’est vu facturer qu’un montant de … euros par mois, sinon par trimestre, au cours des trois années d’imposition 2017, 2018 et 2019, et surtout, que ce montant ne correspond même pas à la facturation d’un appel, mais au coût d’envoi de la facture au format papier. Il n’est, dès lors, pas question d’une faible consommation d’appels téléphoniques, mais d’une absence totale d’appels sur trois ans, étant donné que d’après les explications non contestées du directeur, la facturation de la demanderesse par l’opérateur devait se faire par rapport à l’usage effectif du téléphone. A défaut d’autres éléments soumis à l’appréciation du tribunal par la demanderesse, le tribunal retient que cette dernière doit être considérée comme n’ayant pas effectué le moindre appel téléphonique au cours des années 2017, 2018 et 2019 depuis le Luxembourg. Le seul fait d’avoir souscrit un contrat auprès de l’opérateur téléphonique luxembourgeois pendant ces mêmes années, sans faire un usage effectif du téléphone est insuffisant.

Ensuite, par rapport aux relevés bancaires de l’établissement « … », le tribunal relève qu’il ressort des propres explications de la demanderesse qu’elle a exclusivement utilisé son compte bancaire ouvert auprès de cet établissement pour financer ses dépenses alimentaires au moyen de sa carte de paiement « MyCash ». Les paiements indiqués sur lesdits relevés mentionnent tous exclusivement des noms de chaînes de supermarché du pays. De l’entendement du tribunal, la demanderesse entend ainsi démontrer qu’elle a exposé des dépenses alimentaires au cours d’une période consécutive de plus de six mois au moins pour chacune des années d’imposition 2017 à 2019.

De manière générale, le tribunal relève qu’il ressort des relevés bancaires en question que la demanderesse a effectué, dans des centres commerciaux, 10 opérations représentant un total de … euros pour l’année 2017, 16 opérations représentant un total de … euros pour l’année 2018, ainsi que 13 opérations représentant un total de … euros pour l’année 2019 Or, force est de constater que pour l’année d’imposition 2017, la demanderesse n’a effectué les 10 opérations de paiement au moyen de la carte de paiement « MyCash » que pendant les mois de février, mars, mai, juillet, septembre et décembre, ce qui exclut d’office, sur ce fondement, toute preuve d’une présence consécutive de plus de six mois. La demanderesse n’a d’ailleurs fourni aucune explication par rapport à l’absence de dépenses alimentaires au cours du mois de janvier, d’avril et de juin.

18La même conclusion s’impose au sujet de l’année d’imposition 2019, alors que les 13 opérations de paiement ont été effectuées par la demanderesse au moyen de sa carte « MyCash », lesquelles s’élèvent pendant (i) le mois de janvier au nombre de deux, (ii) les mois de février et de mars, au nombre de une, (iii) les mois d’avril et de mai, chaque fois au nombre de deux, (iv) de septembre au nombre de une, ainsi que (v) les mois de novembre et de décembre, chaque fois au nombre de deux, sans que la demanderesse n’explique par ailleurs l’absence de paiements effectués au cours des mois de mars, juin, juillet, août et octobre de cette année.

A cet égard, le tribunal est amené à retenir que les absences de dépenses alimentaires exposées par la demanderesse au cours des différents mois des années 2017 et 2019 sont de nature à constituer un indice tendant à exclure une présence effective de la demanderesse au Luxembourg, sans que ces absences ne puissent qualifier d’absences passagères qui seraient à négliger dans le cadre de l’analyse d’une présence consécutive de plus de six mois.

Quant à l’année d’imposition 2018, les 16 opérations effectuées par la demanderesse l’ont été au cours des mois de janvier, février, mars, avril, mai, juin, août, septembre, octobre, novembre et décembre, de sorte qu’une période consécutive de plus de six mois s’étalant de janvier à juin est à constater dans le chef de la demanderesse.

Néanmoins, le seul fait d’établir la matérialité de dépenses effectuées dans des centres commerciaux, une ou deux fois par mois, pour des montants relativement peu élevés pour subvenir aux besoins d’une personne seule, est insuffisant pour établir une présence prépondérante au Luxembourg. En effet, il ressort des propres explications de la demanderesse qu’elle a effectué deux paiements au mois de janvier pour des montants de … et … euros, un paiement au mois de février d’un montant de … euros, un paiement au mois de mars d’un montant de … euros, deux paiements au mois d’avril pour des montants de … et … euros, deux paiements au mois de mai pour des montants de … et … euros, deux paiements au mois de juin pour des montants de … et … euros, un paiement au mois d’août pour un montant de … euros, deux paiements au mois de septembre d’un montant de … et … euros, un paiement au mois d’octobre d’un montant de … euros, un paiement au mois de novembre d’un montant de … euros, ainsi qu’un paiement de … euros au mois de décembre. Dans ces conditions, le tribunal est amené à exclure que les relevés bancaires de l’année d’imposition 2018, bien qu’ils matérialisent des dépenses effectuées sur une période de plus de six mois, constituent, en tout cas à eux seuls, un indice suffisant pour établir un séjour effectif au Luxembourg.

Par rapport à l’année d’imposition 2019, le tribunal est encore amené à préciser que le seul fait que la demanderesse ait constitué une société civile immobilière au Luxembourg dont elle était associée, n’est pas de nature à établir une présence matérielle au Luxembourg pendant une période consécutive de plus de six mois.

Il résulte des considérations qui précèdent que les factures téléphoniques révèlent que la demanderesse n’a effectué aucun appel téléphonique au cours des années d’imposition 2017 à 2019, que les relevés bancaires n’établissent pas que la demanderesse aurait exposé des dépenses alimentaires au Luxembourg destinées à subvenir aux besoins d’une personne seule qui séjournerait de manière effective et habituelle dans ce pays pendant une période consécutive de plus de six mois au cours de chacune de ces années d’imposition, et que la constitution d’une société civile immobilière n’établit la preuve d’une présence de la demanderesse au cours d’une période consécutive de plus de six mois.

19Dans ces conditions et à défaut d’autres éléments, le tribunal retient, compte tenu des pièces soumises à son appréciation, que la demanderesse est restée en défaut de démontrer un séjour habituel et effectif pendant une période consécutive de plus de six mois au Luxembourg pour chacune des années d’imposition 2017 à 2019 au sens du § 14, alinéa (1), deuxième phrase du StAnG, les contestations afférentes encourant partant le rejet.

C’est, dès lors, à bon droit que le directeur a exclu l’existence d’un séjour habituel au Luxembourg au sens du § 14 StAnpG dans le chef de la demanderesse et qu’il lui a, en conséquence, dénié la qualité de résidente au sens de l’article 2, alinéa (1) LIR.

2) Quant à l’existence d’un domicile fiscal au Luxembourg Aux termes du § 13 StAnpG: « Einen Wohnsitz im Sinn der Steuergesetze hat jemand dort, wo er eine Wohnung innehat unter Umständen, die darauf schließen lassen, dass er die Wohnung beibehalten und benutzen wird ». Il définit ainsi le domicile fiscal comme le lieu où le contribuable a la possession d’une habitation dans des conditions permettant de conclure qu’il la conservera et en fera usage. Cette notion suppose de la sorte la possession matérielle d’une habitation, ainsi que des circonstances de fait dont il résulte l’intention de conserver et d’occuper une habitation dans le pays9.

Plus particulièrement, la possession (« Verfügungsmacht ») d’une habitation s’entend du pouvoir de disposer en droit et en fait d’une habitation, que ce soit de façon directe en qualité de propriétaire, d’usufruitier ou de locataire ou encore de façon dérivée ou indirecte par le biais d’une autre personne. Elle perdure tant que le pouvoir en droit ou en fait subsiste indépendamment des motifs à sa base, de manière que la possession de l’habitation en cause au Luxembourg se trouve vérifiée dans le chef du contribuable pour l’intégralité de l’année, même si elle se fonde sur une prise en location et non pas sur un titre de propriété10.

En l’espèce, le directeur et le délégué du gouvernement indiquent ne pas contester que la demanderesse possède une habitation au Luxembourg au sens du § 13 StAnG, de sorte que la condition tenant à la possession d’une habitation posée par ladite disposition légale est remplie dans le chef de la demanderesse, étant relevé qu’il ressort d’un contrat de bail, signé le 15 janvier 2016, prenant effet au 1er février 201611, que la demanderesse a effectivement pris en location un appartement meublé à Pétange.

Le reproche de la partie étatique porte sur la question de savoir si la demanderesse « a effectivement fait usage de cette habitation » et si « elle n’y a pas séjourné qu’à titre passager ».

Or, à cet égard, le tribunal est amené à préciser que le premier reproche est certes rattachable aux critères posés par le § 13 StAnpG, mais le second reproche est, pour autant qu’il aurait trait à un critère autre que celui de la conservation et de l’occupation de l’habitation au sens de cette dernière disposition, dénué de pertinence dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un domicile fiscal, étant donné que c’est le § 14 StAnpG relatif au séjour habituel qui institue une condition négative de l’absence de séjour passager, tel que relevé ci-avant.

En conséquence, en vue de déterminer si la demanderesse dispose d’un domicile fiscal au sens du § 13 StAnpG, le seul point litigieux porte sur la condition de conservation et 9 Trib. adm., 21 décembre 1998, n° 10417 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 48 (1er volet) et les autres références y citées.

10 Cour adm., 2 mars 2017, n° 38088C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 50 et les autres références y citées.

11 La référence faite à l’année 2015 s’apparente à une erreur matérielle du contrat.

20d’occupation effective de l’habitation au Luxembourg par la demanderesse.

Le tribunal constate que pour tenter de rapporter la preuve de l’existence d’un domicile fiscal au cours des années d’imposition 2016 à 2019, la demanderesse se prévaut, en substance, non seulement des mêmes pièces que celles dont elle s’est prévalues aux fins de reconnaissance de l’existence d’un séjour habituel au sens du § 14 StAnpG, mais également de diverses démarches administratives qu’elle aurait effectuées au Luxembourg.

A cet égard, le tribunal relève, tout d’abord, qu’il est constant en cause pour ressortir des explications de la partie étatique que la demanderesse a été déclarée au registre national des personnes physiques à l’adresse figurant dans son contrat de bail du 12 septembre 2016 au 29 avril 2021, c’est-à-dire pour l’intégralité des années d’imposition 2017, 2018 et 2019 litigieuses, et du 12 septembre 2016 au 31 décembre 2016 pour l’année d’imposition 2016, également litigieuse.

Suivant les explications du directeur et du délégué du gouvernement, la demanderesse a entrepris des démarches administratives en vue d’obtenir une autorisation de séjour temporaire pour des raisons privées au Luxembourg, étant relevé que le ministère des Affaires étrangères et européennes, Direction de l’immigration, ci-après désigné par le « ministère des Affaires étrangères », a reçu une telle demande en date du 2 mars 2016. S’il ne ressort pas directement des pièces versées en cause qu’une première autorisation aurait été délivrée à la demanderesse, force est de constater que le courrier dudit ministère adressé à la demanderesse le 31 août 2017 l’informant de l’expiration prochaine de son titre de séjour établit à suffisance l’obtention de l’autorisation susvisée. A cet égard, il y a encore lieu de relever que par courrier du 20 novembre 2017, le ministère des Affaires étrangères a informé la demanderesse que son autorisation de séjour pour raisons privées avait été renouvelée avec une période de validité du 20 novembre 2017 au 19 novembre 2018. Il en a fait de même (i) par courrier du 2 octobre 2019 au sujet du renouvellement du même titre de séjour pour une période de validité du 2 octobre 2019 au 1er octobre 2020, ainsi que (ii) par courrier du 28 décembre 2020 indiquant une période de validité du 2 octobre 2020 au 1er octobre 2021. Dans ces conditions, le tribunal retient que la demanderesse était titulaire d’une autorisation de séjour pour raisons privées au cours des années d’imposition 2017, 2018 et 2019, ainsi que pour une partie de l’année d’imposition 2016.

Le tribunal relève encore que la demanderesse a effectivement déclaré sa résidence auprès de la Commune de … à l’adresse figurant dans son contrat de bail à partir du 12 septembre 2016, tel que cela ressort d’un document, intitulé « Changement de résidence », émis à la même date par la Commune de …, et qu’un document, intitulé « Certificat de résidence », a été émis par la même administration respectivement les 24 septembre 2018 et 5 septembre 2019 renseignant toujours la même adresse. Aucun élément ne permet de conclure que cette adresse n’aurait plus été valide, en ce compris au cours de l’année d’imposition 2019, dernière année litigieuse, alors que le courrier du 28 décembre 2020 émanant du ministère des Affaires étrangères mentionne toujours la même adresse à ….

La demanderesse a également souscrit une assurance auprès de l’établissement « … » le 28 juillet 2016 et était couverte, en tout cas, pour les périodes du 1er septembre 2017 au 31 août 2018 et du 1er septembre 2018 au 31 août 2019, pour certains risques, tel que cela ressort des deux documents, intitulés « Insurance attestation » émis par l’établissement en question.

Si ces éléments dont se prévaut la demanderesse démontrent à suffisance qu’elle a 21entamé des démarches administratives au Luxembourg dès son arrivée en 2016 et qu’elle a continué à en faire au cours des années d’imposition 2017, 2018 et 2019, le tribunal rejoint néanmoins le directeur dans son constat que ces éléments sont susceptibles d’être pris en considération pour l’appréciation d’une situation de fait, mais pas, à eux seuls, déterminants pour établir l’existence d’un domicile fiscal au Luxembourg et plus particulièrement que la demanderesse, qui possédait une habitation au Luxembourg, entendait par ailleurs la conserver et en faire un usage effectif au cours des années d’imposition 2016 à 2019.

Ensuite, le tribunal peut rejoindre la demanderesse dans ses explications suivant lesquelles l’absence d’indication de son nom sur la sonnette de son appartement, telle que constatée lors du contrôle sur place effectué par le bureau d’imposition le 21 juillet 2020, ne revêt pas, à lui seul, une importance déterminante. En effet, d’une part, il ressort des propres explications du directeur que le même jour, la boîte aux lettres portait le nom de la demanderesse, de sorte à rendre, de ce point de vue, un défaut d’usage effectif de l’habitation par la demanderesse peu probable, d’autant plus que le dernier courrier du ministère des Affaires étrangères relatif à l’autorisation de séjour est daté du 28 décembre 2020 et qu’il a valablement été notifié à la demanderesse, étant donné qu’il figure parmi les pièces versées à l’appui de sa requête. D’autre part, le seul fait de constater, lors d’un seul et unique contrôle effectué en juillet 2020, une absence de nom sur la sonnette du contribuable ne permet pas, à lui seul, d’en tirer la conclusion univoque que la demanderesse n’aurait pas entendu conserver ni fait effectivement usage de son habitation au cours des années 2016 à 2019.

Cela étant, si le nom de la demanderesse sur la boîte aux lettres constitue un indice d’une volonté de la demanderesse de conserver et d’user effectivement de son habitation, il n’en reste pas moins que les autres éléments mis en avant par la demanderesse ne sont, en revanche, pas suffisants pour remettre en cause les interrogations légitimes soulevées par la partie étatique quant à sa volonté de conserver et de faire usage de l’habitation qu’elle possède au Luxembourg.

En effet, il y a, tout d’abord, lieu de rappeler que les factures de l’opérateur téléphonique versées par la demanderesse ne sont pas de nature à établir une présence effective au Luxembourg à travers l’usage d’une ligne téléphonique depuis son habitation, contrairement à ce qu’elle soutient, le tribunal ayant retenu ci-avant que la demanderesse devait être considérée comme n’ayant pas effectué le moindre appel téléphonique au cours des années 2017, 2018 et 2019 depuis le Luxembourg.

Le tribunal rejoint ensuite la partie étatique dans son constat que la demanderesse ne conteste pas le faible niveau de consommation en eau et en électricité au cours des années d’imposition 2017 à 2019, puisqu’elle affirme que ce constat serait « constant », mais se limite à reprocher à l’administration de ne pas avoir tenu compte de ses intérêts économiques dans le cadre de l’analyse du centre de ses intérêts vitaux au Luxembourg, éléments qui sont dénués de pertinence pour avoir trait à l’hypothèse, non vérifiée en l’espèce, d’un conflit de résidence entre deux Etats contractants, tel que retenu ci-avant. Si une faible consommation d’eau et électricité n’est pas de nature à emporter à elle seule la qualification de non résidente, tel que l’indique la demanderesse, ces éléments sont en tout état de cause des indices tendant à aboutir à cette conclusion, étant donné qu’ils visent à établir un usage effectif de l’habitation, point qui est justement litigieux en l’espèce.

A cet égard, le tribunal relève qu’il ressort de la décision déférée que la demanderesse a informé le directeur que les factures d’électricité et d’eau auraient été directement prises en charge par le propriétaire de son habitation auquel elle aurait payé un montant forfaitaire de … 22euros par an, correspondant ainsi à des charges mensuelles de … euros par mois.

Le contrat de bail stipule que les avances sur charges locatives sont dues par la demanderesse « pour sa quote-part dans les frais communs, tels qu’éclairage des parties communes, taxes de canalisation et de poubelle, ramonage de la cheminée, frais de nettoyage, entretien de l’ascenseur et du chauffage central, ainsi que la consommation d’eau et du combustible et d’autres frais à charge du locataire […] ». Le contrat de bail stipule encore que « Les taxes d’eau, de chauffage/gaz, d’électricité, d’égouts, de poubelle et de ramonage sont à charge du locataire »12.

Force est au tribunal de constater que la demanderesse n’a pas fourni le décompte des frais effectivement mis à sa charge par le propriétaire, tel que relevé en substance par le directeur, qui aurait, le cas échéant, permis de remettre en cause le reproche de la partie étatique afférent et établir ses consommations d’électricité et d’eau effectives au cours de toutes les années d’imposition litigieuses. Les seuls décomptes dont dispose le tribunal sont ceux adressés au propriétaire de l’appartement loué par la demanderesse, qui figurent au dossier fiscal, lesquels révèlent une quote-part lui attribué (i) de frais annuels de consommation d’électricité et d’eau d’un montant de … euros et de … euros respectivement, pour la période du 1er juillet 2017 au 30 juin 2018, et (ii) de frais annuels de consommation d’électricité et d’eau d’un montant de … euros et de … euros respectivement pour la période du 1er juillet 2018 au 30 juin 2019. Ces décomptes ne sont pas de nature à établir un taux de consommation effectif, puisque les montants répartis entre les propriétaires se fait d’après les quotités de chacun dans l’immeuble.

En revanche, le niveau de consommation réduit en eau se dégage à suffisance des factures émises par la Commune de … relatives aux « Taxes communales », tel que relevé par le directeur. Outre le fait qu’elles ne portent que sur la consommation en eau, la facture du 1er trimestre de l’année 2018 révèle une facturation de … euros, tandis que la facture du 2e et 3e trimestre de cette même année révèle une facturation de respectivement … euros et … euros.

La « Facture – Taxes communales » relative au 4e trimestre de l’année 2017 indique une consommation au prix de … euros. D’ailleurs, la « Facture – Taxes communales » relative au 1er trimestre 2018 comporte un « Historique des consommations d’eau en m3 » avec un schéma dont il ressort clairement une nette baisse à compter de l’année 2016 jusqu’à l’année 2018 incluse. Le tribunal rejoint ensuite le délégué du gouvernement dans son constat, fondé sur une facture adressée au propriétaire de l’appartement figurant au dossier fiscal, que la demanderesse a eu une consommation annuelle d’électricité de … euros pour la période de novembre 2017 à novembre 2018 qui correspond, d’après le graphique joint à la facture, à un niveau de consommation encore inférieur à celui d’une consommation moyenne par an pour une personne seule, de sorte à relever de la « Consommation basse ». Sur base de ces éléments qui ne portent certes que sur certaines années d’imposition litigieuses, et à défaut de toutes autres explications, le tribunal est amené à conclure que le directeur a, à bon droit, pu conclure à un faible niveau de consommation en eau et électricité de la demanderesse pour l’ensemble des années d’imposition litigieuses, étant rappelé que la demanderesse ne conteste pas ce faible niveau de consommation. La seule explication de la demanderesse à cet égard, suivant laquelle une faible consommation en eau et en électricité pourrait « simplement » s’expliquer par le fait qu’elle serait une « personne économe, voire une personne qui passe également du temps en-dehors de chez elle », n’emporte pas la conviction du tribunal.

12 Souligné par le tribunal.

23Dans ces conditions, le tribunal est amené à retenir que le faible niveau de consommation en eau et en électricité annuel pour les années considérées est de nature à constituer un indice excluant tout usage effectif de l’habitation par la demanderesse.

Le mode de vie que la demanderesse expose au tribunal pour remettre en cause le reproche de la partie étatique quant à ses dépenses alimentaires, à savoir un mode de vie qui serait en rupture avec l’ancien et empreint d’une volonté de mener une « vie austère », peine également à convaincre, d’autant plus lorsque ce nouveau mode de vie s’accompagne pourtant de la détention d’« avoirs » substantiels au Luxembourg – lieu où la demanderesse entend mener cette nouvelle vie –, auprès de deux établissements bancaires du pays, à savoir, dans les deux cas, un montant supérieur à … d’euros, tel que cela ressort des documents émis par les deux établissements bancaires respectifs en date du 29 novembre 2016, ainsi qu’en date des 21 août 2018 et 12 août 2020.

En effet, tel que relevé ci-avant, il ressort des propres explications de la demanderesse qu’elle n’a utilisé que son compte bancaire ouvert auprès de l’établissement « … » pour ses dépenses alimentaires, à l’exclusion de ses comptes ouverts auprès des deux établissements bancaires susmentionnés. Si le fait que la demanderesse ne disposait pas de carte de crédit n’est pas déterminant dans l’appréciation du financement de ses dépenses quotidiennes de la vie courante, il n’en reste pas moins que les dépenses effectuées par la demanderesse au moyen de la carte de débit « MyCash » dans des centres commerciaux, tels qu’établies au moyen des pièces versées à l’appui de sa requête et que le directeur a d’ailleurs pris en compte dans le cadre de son appréciation de la situation factuelle, démontrent certes que la demanderesse était présente au Luxembourg et qu’elle y a effectué des dépenses alimentaires au cours de chacune des années d’imposition litigieuses, mais sont insuffisants pour établir une conservation et utilisation effective de son habitation, même en prenant en compte des déplacements passagers à l’étranger pour rendre visite à sa famille. D’une part, la demanderesse ne remet pas en cause le faible nombre d’opérations effectuées au cours des années d’imposition litigieuses, à savoir 10 pour toute l’année 2017, 16 pour toute l’année 2018 et 13 pour toute l’année 2019. D’autre part, la demanderesse ne conteste pas non plus les faibles montants dépensés lors de ces opérations, à savoir … euros pour l’année 2017, … euros pour l’année 2018 et … euros pour l’année 2019. Si la demanderesse fait valoir qu’il n’y aurait pas lieu d’accorder une quelconque importance à ces montants en reprochant à l’administration de ne pas s’être interrogée sur de possibles retraits et paiements en liquide pour ce type de dépenses, il aurait alors appartenu à la demanderesse de démontrer non seulement la réalité de ces retraits d’argent auprès du tribunal, en soumettant des pièces afférentes à son appréciation et en s’y référant à l’appui de son argumentation, ce qu’elle a omis de faire, étant rappelé qu’elle affirme elle-même qu’elle n’aurait financé ses dépenses alimentaires qu’au moyen de sa carte de débit « MyCash ». Le seul fait que les relevés bancaires de l’établissement « … » indiquent des « versements » ne démontre d’ailleurs en rien l’utilisation effective de ses sommes à travers des retraits d’argent.

Certes, aucune règle ne contraint une personne à retirer, verser ou payer par carte bancaire un montant déterminé minimum pour être considéré comme contribuable résident, il n’en reste pas moins que lorsque cette personne entend rapporter la preuve qu’elle utilise de manière effective une habitation pour y voir reconnaître sa qualité de résident, une administration est parfaitement fondée à lui dénier cette qualité en se fondant, parmi une multitude d’indices, sur le fait que les dépenses exposées par cette personne dans le pays concerné sont, somme toute, modiques – en l’espèce l’équivalent de deux euros par jours en 2017, un peu plus de trois euros par jour en 2018 et un peu moins de trois euros par jours en 2019 –, et que les retraits d’argent allégués ne sont pas documentés, d’autant plus lorsque cette 24même personne dispose de plus de … d’euros d’avoirs en banque et détient cinq immeubles dans trois pays différents. Ces exigences de preuve ne relèvent d’ailleurs pas d’une preuve impossible à rapporter, tel que l’affirme en substance la demanderesse, puisque des relevés bancaires versés par la demanderesse seraient susceptibles de répondre aux reproches de la partie étatique, étant encore relevé que le directeur n’a d’ailleurs pas reproché à la demanderesse le défaut de versement de « tickets de caisse », contrairement à ce qu’elle soutient.

Dans ces conditions, le tribunal retient, à l’instar du délégué du gouvernement, qu’il est, à tout le moins, peu probable que la demanderesse ait pu satisfaire à ses besoins les plus élémentaires pour chacune des années considérées au seul moyen de sa carte de paiement « MyCash ». En définitive, les dépenses alimentaires exposées par la demanderesse au cours des années d’imposition litigieuses ne correspondent pas à une personne faisant un usage effectif de son habitation, de sorte à ne pas constituer un indice tangible susceptible d’être pris en considération aux fins de détermination de son domicile fiscal au Luxembourg.

Le tribunal constate, ensuite, que les dépenses d’investissements, dont il appert d’ailleurs qu’elles ne sont pas concernées par ce changement de « vie austère », compte tenu de leur caractère substantiel, tel que dépeint ci-avant, ne constituent pas non plus un indice tendant à démontrer que les critères de conservation et d’usage effectif d’une habitation au Luxembourg par la demanderesse seraient remplis dans son chef. En effet, à l’instar du délégué du gouvernement, le tribunal estime que les documents, intitulés « Statement of financial instruments », démontrent tout au plus des investissements effectués au travers d’un établissement bancaire au Luxembourg, mais ne constituent pas un indice d’une conservation et d’un usage effectif de son habitation sise à …, étant donné que de telles opérations financières peuvent être effectuées depuis l’étranger au moyen d’une application à laquelle le client d’une banque peut avoir recours gratuitement. La même conclusion s’impose pour des motifs identiques au sujet de l’achat de participations dans des sociétés ayant leur siège social au Luxembourg. La constitution d’une société civile immobilière au Luxembourg ne révèle pas non plus une volonté de conserver et de faire usage d’une habitation de manière effective dans ce pays.

Le tribunal est encore amené à préciser que s’il est vrai que concernant l’admission « des circonstances de fait [dont] résulte l’intention de conserver et d’occuper une habitation dans le pays », la Cour administrative a jugé que l’intention intime du contribuable dans le sens du maintien ou non du domicile fiscal initial ne constitue pas un critère, étant donné que le § 13 StAnpG prend à cet égard précis le contrepied de la disposition antérieure du § 80 AO qui avait érigé l’intention de maintenir l’habitation en critère pour la reconnaissance ou non d’un domicile fiscal. Ainsi, dès lors que les critères objectifs pour l’admission d’un domicile fiscal se trouvent vérifiés, une volonté subjective contraire n’affecte pas l’existence du domicile fiscal. Ceci étant dit, les circonstances de fait doivent dégager l’image que le contribuable occupe et occupera de façon durable l’habitation, donc qu’il fasse usage de sa possession.

L’occupation doit ainsi être effective et marquée par une certaine continuité13.

Le tribunal retient que ces jurisprudences sont, toutefois, à replacer dans le contexte particulier de contribuables ayant eux-mêmes créé et affiché un faisceau de circonstances démontrant dans leur chef la possession d’une habitation dans le but d’un usage durable, mais qui ont, ensuite, affirmé le caractère insuffisant de ce faisceau pour tenter d’écarter, après coup, 13 Cour adm., 2 mars 2017, n° 38088C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Impôts, n° 51 et les autres références y citées.

25leur domicile fiscal au Luxembourg14. Or, cette situation ne correspond pas à celle de la demanderesse qui entend maintenir son intention de vouloir reconnaître son domicile fiscal au Luxembourg au motif que les critères objectifs qui se dégagent du § 13 StAnpG seraient remplis dans son chef.

En tout état de cause, si la demanderesse insiste amplement sur le fait qu’elle aurait manifesté sa volonté d’être considérée comme une résidente fiscale au Luxembourg à maintes reprises, le tribunal est amené à retenir, compte tenu des éléments susvisés pris dans leur ensemble, que les circonstances de l’espèce ne permettent de toute façon pas d’établir que la demanderesse aurait effectivement occupé son habitation de manière effective, autrement dit que les critères objectifs qui se dégagent du § 13 StAnpG seraient remplis, d’ailleurs indépendamment même des déplacements à l’étranger pour rendre visite à sa famille et y passer ses congés dont elle fait état.

Dans ces conditions, le tribunal retient que la demanderesse n’a, en l’état actuel du dossier, pas rapporté la preuve qu’elle aurait possédé une habitation en vue de la conserver et d’en faire un usage effectif au cours des années d’imposition 2016 à 2019, de sorte que tous les critères relatifs à l’existence d’un domicile fiscal au Luxembourg au sens du § 13 StAnpG ne sont pas remplis dans son chef.

Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la demanderesse ne dispose ni d’un séjour habituel, ni d’un domicile fiscal au Luxembourg au cours des années d’imposition 2016 à 2019, de sorte qu’elle ne qualifie pas de résidente au sens de l’article 2, alinéa (1) LIR.

Le recours n’est partant justifié dans aucun de ses moyens, de sorte qu’il est non fondé et encourt le rejet en conséquence.

III) Quant à l’indemnité de procédure La demanderesse sollicite l’allocation d’une indemnité de procédure de 5.000 euros sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999, demande à laquelle s’oppose le délégué du gouvernement.

Eu égard à l’issue du litige et au fait que la demanderesse n’explique pas en quoi il serait inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens, le tribunal rejette la demande en question.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

déclare le recours dirigé contre la décision du directeur de l’administration des Contributions directes du 4 septembre 2023 (…) recevable en la forme ;

14 Voir en particulier : Cour adm., 2 mars 2017, n° 38088C du rôle et Cour adm., 9 juin 2020, n° 43760C du rôle, disponibles sur le site www.justice.public.lu.

26au fond, le déclare non justifié, partant le rejette ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;

rejette la demande en obtention d’une indemnité de procédure formulée par la demanderesse ;

condamne la demanderesse aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 mars 2025 par :

Carine REINESCH, premier juge, Benoît HUPPERICH, premier juge, Nicolas GRIEHSER SCHWERZSTEIN, juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s. Lejila ADROVIC s. Carine REINESCH Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 mars 2025 Le greffier du tribunal administratif 27


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 49772
Date de la décision : 19/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-03-19;49772 ?

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