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17/03/2025 | LUXEMBOURG | N°52423

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 mars 2025, 52423


Tribunal administratif N° 52423 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52423 2e chambre Inscrit le 21 février 2025 Audience publique du 17 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (4), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52423 du rôle et déposée le 21 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Max L

ENERS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au n...

Tribunal administratif N° 52423 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52423 2e chambre Inscrit le 21 février 2025 Audience publique du 17 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (4), L. 18.12.2015)

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 52423 du rôle et déposée le 21 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Max LENERS, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Russie), et de son épouse, Madame (B), née le … à … (Russie), agissant tant en leur nom personnel qu’au nom et pour le compte de leurs enfants mineurs (C), née le … à … (France), et (D), née le … à …, tous de nationalité russe et demeurant actuellement ensemble à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 février 2025 par laquelle les autorités luxembourgeoises ont pris la décision de les transférer vers la France, comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de leurs demandes de protection internationale ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 4 mars 2025 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Vincent STAUDT en sa plaidoirie à l’audience publique du 10 mars 2025, Maître Max LENERS s’étant excusé.

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Le 26 janvier 2024, Monsieur (A) et son épouse, Madame (B), accompagnés de leur enfant mineur (C), ci-après désignés ensemble par « les consorts (AB)», introduisirent auprès du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », des demandes de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».

Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur son identité et celle de sa famille et sur leur itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Une recherche effectuée à cette occasion dans la base de données EURODAC révéla que les intéressés avaient auparavant introduit des demandes de protection internationale en Pologne en date du 13 novembre 2022 et en France en date 29 novembre 2022.

1Le 30 janvier 2024, Monsieur (A) et Madame (B) furent entendus séparément par un agent du ministère en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de leurs demandes de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III ».

En date du 5 février 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues polonais une demande de reprise en charge des consorts (AB), sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui fut formellement acceptée en date du 13 février 2025 sur base de l’article 18, paragraphe (1), point c) du même règlement.

Par le même courrier, les autorités polonaises informèrent le ministère qu’en date du 7 décembre 2022, elles avaient accepté une demande de reprise en charge des autorités françaises, qu’une décision judicaire en dernier ressort avait été prise par les juridictions françaises le 8 février 2023 et qu’elles avaient été informées en date du 8 août 2023 de la disparition des intéressés du territoire français. Les autorités polonaises invitèrent par la même occasion le ministère à vérifier, avant l’exécution matérielle du transfert des consorts (AB) vers la Pologne, que la responsabilité de celle-ci n’avait pas été transférée à la France.

Par décision du 11 avril 2024, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désignée par « le ministre », informa les consorts (AB) du fait que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de les transférer dans les meilleurs délais vers la Pologne sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 18, paragraphe (1), point c) du règlement Dublin III.

Par jugement du 17 mai 2024, inscrit sous le numéro 50364 du rôle, le tribunal administratif rejeta le recours contentieux introduit par les consorts (AB) à l’encontre de la décision ministérielle du 11 avril 2024 pour être non fondé.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 mai 2024, les consorts (AB) introduisirent, par l’intermédiaire de leur litismandataire, une demande de sursis à l’éloignement au sens des articles 130 à 132 de la loi modifiée du 29 août 2009 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2009 », en raison de l’état de santé mentale de Madame (B). Cette demande fut rejetée par une décision du ministre du 3 juin 2024 à la suite du recours gracieux introduit par les consorts (AB) le 12 juin 2024.

Il se dégage du dossier administratif que le transfert des consorts (AB) vers la Pologne prévu pour le 30 juillet 2024 fut annulé.

Le 19 septembre 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues français une demande de reprise en charge des consorts (AB), sur base de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, en motivant leur demande par le fait que la France serait devenue responsable du traitement des demandes de protection internationale des consorts (AB) en vertu des jugements de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », du 12 janvier 2023, Staatssecretaris van Justitie en Veiligheid c. B., F. et K., dans les affaires jointes C-323/21, C-324/21 et C-325/21. Cette demande fut formellement acceptée par les autorités françaises le 3 octobre 2024, sur base de cette même 2disposition.

Par courrier de leur litismandataire du 28 novembre 2024, les consorts (AB) firent part au ministre du fait qu’ils considéraient que le Grand-Duché de Luxembourg serait devenu responsable du traitement de leurs demandes de protection internationale depuis le 18 novembre 2024, en application de l’article 29 du règlement Dublin III.

Par décision du 6 février 2025, notifiée aux intéressés par courrier recommandé expédié le 10 février 2025, le ministre informa les consorts (AB) du fait que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de les transférer dans les meilleurs délais vers la France sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :

« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 26 janvier 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions de l’article 18(1)b du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transférés vers la France qui est l’Etat membre responsable pour traiter cette demande.

Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s’appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.

En mains le rapport de Police Judiciaire du 26 janvier 2024 et les rapports d’entretien Dublin III sur votre demande de protection internationale du 30 janvier 2024. En mains également le courrier de votre mandataire, daté au 28 novembre 2024.

1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 26 janvier 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale auprès du service compétent de la Direction générale de l’immigration.

Madame, Monsieur, la comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez introduit une demande de protection internationale en Pologne en date du 13 novembre 2022 et une demande en France en date du 29 novembre 2022.

Afin de faciliter le processus de détermination de l’Etat membre responsable, des entretiens Dublin III ont été menés en date du 30 janvier 2024.

Sur cette base, la Direction générale de l’immigration a adressé en date du 5 février 2024 une demande de reprise en charge aux autorités polonaises sur base de l’article 18(1)b du règlement DIII. Cette demande fut acceptée par lesdites autorités polonaises en date du 13 février 2024, sur base de l’article 18(1)c du règlement DIII, en précisant que la responsabilité pour le traitement de votre demande relève des autorités françaises à partir du 8 août 2024, conformément au jugement de la CJUE (Cour de justice de l’Union européenne) du 12 janvier 32023 rendu dans les affaires jointes C-323/21, C-324/21, C-325/21.

À la suite de l’annulation de votre transfert vers la Pologne du 30 juillet 2024 pour des raison médicales de Madame (B), la Direction générale de l’immigration a adressé en date du 19 septembre 2024 une demande de reprise en charge aux autorités françaises sur base de l’article 18(1)b du règlement DIII. Cette demande fut tacitement acceptée par lesdites autorités françaises en date du 4 octobre 2024, conformément à l’article 25(2) du règlement DIII. En date du 7 octobre 2024, les autorités françaises ont envoyé un accord officiel, basé sur l’article 18(1)b, incluant les modalités pour votre transfert en France.

2. Quant aux bases légales En tant qu’Etat membre de l’Union européenne, l’Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l’Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.

S’il ressort de cet examen qu’un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l’immigration rend une décision de transfert après que l’Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.

Aux termes de l’article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n’est pas responsable pour le traitement d’une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.

Dans le cadre d’une reprise en charge, et notamment conformément à l’article 18(1), point b) du règlement DIII, l’Etat responsable de l’examen d’une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge - dans les conditions prévues aux art. 23, 24, 25 et 29 - le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre.

La responsabilité de la France est acquise suivant l’article 25(2) du règlement DIII en ce que l’absence de réponse à l’expiration d’un délai de deux semaines équivaut à l’acceptation de la requête, et entraîne l’obligation de reprendre en charge la personne concernée.

Par ailleurs, un Etat n’est pas autorisé à transférer un demandeur vers l’Etat normalement responsable lorsqu’il existe des preuves ou indices avérés qu’un demandeur risquerait dans son cas particulier d’être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte UE »).

3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert Madame, Monsieur, il ressort en l’espèce des résultats du 26 janvier 2024 de la 4comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez introduit une demande de protection internationale en Pologne en date du 13 novembre 2022 et une demande en France en date du 29 novembre 2022.

Selon vos déclarations, vous auriez quitté la Tchétchénie le 20 septembre 2022 en voiture en direction de la Pologne en passant par la Biélorussie. Vous auriez séjourné à … du 13 novembre 2022 jusqu’au 21 novembre 2022 et vous auriez quitté la Pologne en direction de la France pour vous rapprocher de votre famille. Monsieur, vous avez déclaré que votre mère et votre sœur vivraient en France, un frère au Luxembourg, une tante en France et des oncles en Belgique et en Allemagne. Vous auriez séjourné à Strasbourg et à … du 21 novembre 2022 jusqu’au 26 janvier 2024. Vous auriez quitté la France parce que vous auriez fait l’objet d’un transfert Dublin vers la Pologne. Vous n’auriez plus eu droit aux prestations sociales en France alors que votre enfant aurait eu besoin de kinésithérapie et éventuellement d’une opération. Vous avez déclaré être arrivé en train au Luxembourg le 25 ou 26 janvier 2024.

Madame, Monsieur, la décision de transfert vers la Pologne du 11 avril 2024 fut confirmée par le Tribunal administratif dans son arrêt n°50364 du rôle en date du 17 mai 2024.

Depuis lors, vous avez informé le Ministre sur la grossesse de Madame (B) et que le terme prévu est le 30 janvier 2025. Par ailleurs, l’ordonnance médicale du 25 octobre 2024, établie par Dr. (E), a fait preuve du besoin de conditions de vie adaptées à votre situation en vue de limiter le risque d’une fausse couche.

Madame, Monsieur, votre fille (D) étant née en date du 20 janvier 2025, les préoccupations liées à la grossesse de Madame (B) ne sont plus d’actualité.

Rappelons que la France est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).

Soulignons en outre que la France profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu’elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière.

Par conséquent, la France est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l’interdiction des mauvais traitements ancrée à l’article 3 CEDH et à l’article 3 Conv. torture.

Par ailleurs, il n’existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu’il n’existe aucune recommandation de l’UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers la France sur base du règlement (UE) n° 604/2013.

En l’occurrence, vous ne rapportez pas la preuve que votre demande de protection internationale n’aurait pas fait l’objet d’une analyse juste et équitable, ni que vous n’auriez pas les moyens de les faire valoir, notamment devant les autorités judiciaires françaises.

Vous n’avez fourni aucun élément susceptible de démontrer que la France ne 5respecterait pas le principe de non-refoulement à votre égard et faillirait à ses obligations internationales en vous renvoyant dans un pays où votre vie, votre intégrité corporelle ou votre liberté seraient sérieusement menacées.

Il n’existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l’article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de votre demande de protection internationale.

Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté), chaque Etat peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l’application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.

Il ne ressort pas de l’ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l’article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.

Pour l’exécution du transfert vers la France, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l’objet d’une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.

Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l’exécution de votre renvoi vers la France, l’exécution du transfert serait suspendue jusqu’à ce que vous seriez à nouveau aptes à être transférés. Par ailleurs, si cela s’avère nécessaire, la Direction générale de l’immigration prendra en compte votre état de santé lors de l’organisation du transfert vers la France en informant les autorités françaises conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.

D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités françaises n’ont pas été constatées. […] ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2025, les consorts (AB) ont fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle, précitée, du 6 février 2025.

Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telles que la décision litigieuse, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation sous analyse, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs exposent les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée, en expliquant plus particulièrement avoir quitté leur pays d’origine, la Russie, le 20 septembre 2022 pour se rendre en Biélorussie où ils auraient vécu 6pendant un mois et demi avant de se rendre en Pologne où ils auraient été hébergés du 13 au 21 novembre 2022 dans une structure d’hébergement pour demandeurs de protection internationale. En passant par l’Allemagne, ils se seraient ensuite rendus, fin novembre 2022, à … en France où serait née leur enfant (C) le …. Ils continuent en expliquant que fin janvier 2024, ils auraient pris le train pour se rendre au Luxembourg. Ils donnent à considérer que depuis le mois de mars 2024, Madame (B) souffrirait d’épisodes dépressifs sévères accompagnés d’idées suicidaires. Ils ajoutent que le 20 janvier 2025, leur deuxième enfant (D) serait né à Luxembourg.

En droit, les demandeurs invoquent, à titre principal, une violation par la décision ministérielle déférée de l’article 23, paragraphe (2) du règlement Dublin III. A cet égard, ils mettent en avant qu’ils auraient introduit des demandes de protection internationale en Pologne en date du 13 novembre 2022, en France en date du 29 novembre 2022 et au Luxembourg en date du 26 janvier 2024, tout en soulignant que conformément à l’article 3, paragraphe (1) du règlement Dublin III, toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l’un des Etats membres serait examinée par un seul Etat membre. Dès lors, lorsqu’un demandeur de protection internationale, tel que cela serait le cas en l’espèce, se trouverait sur le territoire d’un autre Etat membre que celui auquel il incombe d’examiner sa demande, les procédures prévues par le règlement Dublin III viseraient notamment à permettre son transfert vers ce dernier Etat membre. Dans ce contexte, les demandeurs avancent que l’article 23 du règlement Dublin III règlerait la procédure applicable à une requête aux fins de reprise en charge lorsqu’une nouvelle demande de protection internationale a été introduite dans l’Etat membre requérant. Or, cet article énoncerait qu’une requête aux fins de reprise en charge devrait être formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif EURODAC (« hit »), en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement Dublin III, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce dans la mesure où le ministère aurait réceptionné le résultat positif EURODAC en date du 26 janvier 2024 et que la requête de reprise en charge aurait été formulée aux autorités françaises seulement en date du 19 septembre 2024. Ils ajoutent que si la décision ministérielle déférée était fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système EURODAC, la requête de reprise en charge aurait dû être envoyée à la France dans un délai de trois mois à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale, ce qui n’aurait pas non plus été le cas en l’espèce. Ils concluent, dès lors, à la responsabilité du Grand-Duché de Luxembourg pour examiner leur demande de protection internationale, de sorte que la décision ministérielle déférée serait à réformer.

A titre subsidiaire, les demandeurs concluent à une violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III en raison des défaillances systémiques qui existeraient dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale en France.

Après avoir cité un extrait d’un arrêt du 21 décembre 2011, N. S. c. Secretary of State for the Home Department, et M. E. et autres c. Refugee Applications Commissioner et Minister for Justice, Equality and Law Reform, rendu par la CJUE, ils font valoir qu’un transfert vers la France les exposerait à un risque de subir des traitements inhumains ou dégradants au sens des articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte », et 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ».

7Ils reprochent, dans ce contexte, au ministre de se retrancher derrière le principe de la confiance mutuelle afin d’établir que la France respecterait ses obligations découlant notamment de la directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale, ci-après désignée par « la directive Accueil », et de ne pas s’assurer qu’ils jouiront pleinement de leurs droits en cas de transfert vers la France. Sur base de la considération que la présomption selon laquelle les Etats membres respectent, dans le cadre des transferts de demandeurs de protection internationale en vertu du règlement Dublin III, les droits fondamentaux desdites personnes, serait réfragable, tel que cela serait confirmé par la doctrine, ainsi que par la jurisprudence de la CJUE, les demandeurs font valoir qu’ils s’opposeraient à leur transfert au motif que celui-ci entraînerait dans leur chef un risque réel et sérieux de subir des traitements inhumains et dégradants, tout en se prévalant, à cet égard, d’un arrêt de la CJUE du 16 février 2017, C. K., H. F., A. S. c. Republika Slovenija, dans lequel aurait été retenu qu’il existe une obligation pour les autorités de l’Etat membre devant procéder au transfert et, le cas échéant, pour ses juridictions, d’éliminer tout doute sérieux concernant l’impact du transfert sur l’état de santé de l’intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de cette personne, respectivement de suspendre l’exécution du transfert de l’intéressé aussi longtemps que son état ne le rend pas apte à un tel transfert ou, le cas échéant, de choisir d’examiner lui-même la demande de celui-ci en faisant usage de la « clause discrétionnaire » prévue à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III dans l’hypothèse où il s’apercevait que l’état de santé du demandeur d’asile concerné ne devrait pas s’améliorer à court terme, ou que la suspension pendant une longue durée de la procédure risquerait d’aggraver l’état de santé de l’intéressé.

En soutenant que le fait de disposer d’un logement, respectivement d’un hébergement serait une condition importante non seulement pour leur vie privée, mais également pour le traitement humain, ils estiment que ce principe relatif à l’importance du logement serait souligné par la directive Accueil, laquelle prévoirait que les dispositions contenues dans son l’article 17 fixant les « normes pour l’accueil des demandeurs qui suffisent à leur garantir un niveau de vie digne et des conditions de vie comparables dans tous les Etats membres » y compris un droit au logement prévu à l’article 2, points g) et i) de ladite directive, seraient obligatoires et immédiates dès l’introduction d’une demande de protection internationale. Les demandeurs en concluent, jurisprudence de la CJUE1 et doctrine à l’appui, qu’il n’existerait pas de « période initiale » au cours de laquelle des conditions d’accueil moins favorables seraient admissibles. Par ailleurs, les modalités des conditions matérielles d’accueil seraient précisées à l’article 18 de la directive Accueil, ainsi que par la jurisprudence de la CJUE2, surtout dans le contexte de l’article 20, paragraphe (4) de ladite directive.

Ils se réfèrent, dans ce contexte, à un rapport de l’« Asylum Information Database » (« AIDA ») de 2023, intitulé « Country Report : France 2023 Update », ainsi qu’à un rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, intitulé « Observations finales concernant le rapport de la France valant vingt-deuxième et vingt-troisième rapports périodiques » du 14 décembre 2022, pour conclure que l’accès à l’hébergement et au logement ne serait, en France, pas donné pour une grande partie des demandeurs de protection 1 CJUE, 27 septembre 2012, Cimade et Gisti c/ Ministre de l’Intérieur de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration, C-179/11.

2 CJUE, 27 février 2014, Federaal agentschap voor de opvang van asielzoekers contre Selver Saciri e.a., C-79/13 ; CJUE, 12 novembre 2019, Zubair Haqbin c. Federaal Agentschap voor de opvang van asielzoekers, C-233/18.

8internationale et qu’ils serait « [fort] probable » qu’en cas de transfert vers ledit pays ils se retrouveraient à la rue et ceci avec leurs deux petits enfants.

Les demandeurs expliquent ensuite, tout en s’appuyant sur un arrêt M.K. et autres c.

France du 8 décembre 2022 rendu par la Cour européenne des droits de l’Homme, dénommée ci-après « la CourEDH », que la directive Accueil serait également applicable en France et que même si le ministre pouvait argumenter qu’ils devraient, en cas de refus d’hébergement des autorités françaises, se retourner vers les autorités judiciaires dudit pays afin de « forcer » l’Etat français à l’héberger, il n’en serait pas moins que l’Etat français, en violation de l’article 6, paragraphe (1) de la CEDH, n’appliquerait pas toujours les ordonnances de référé enjoignant ledit Etat d’héberger en urgence les demandeurs de protection internationale sans ressources.

Ils donnent encore à considérer que depuis mars 2024, Madame (B) souffrirait d’épisodes dépressifs sévères accompagnés d’idées suicidaires, tout en se prévalant, à cet égard, de différentes ordonnances médicales établies les 18 avril, 11 juin, 23 juillet et 25 octobre 2024. En se référant au rapport AIDA, prémentionné, ils estiment qu’il serait « [fort] probable » que Madame (B) n’aurait pas accès à un psychologue en cas de transfert, ce qui entraînerait des répercussions graves sur sa santé mentale.

Finalement, les demandeurs, en s’appuyant sur un arrêt n° 29217/12, Tarakhel c. Suisse rendu le 4 novembre 2014 par la CourEDH, reprochent au ministre de ne pas avoir recherché, lors de la prise de la décision litigieuse, auprès des autorités françaises des garanties individuelles afin que l’accès à leurs besoins les plus élémentaires soit assuré, tel qu’il lui aurait incombé au regard de l’article 3 de la CEDH et de s’être « retranch[é]» derrière le fait que la France serait liée à la Charte et à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève ».

Les demandeurs concluent qu’en cas de transfert vers la France, ils seraient exposés à un risque réel et avéré de subir un traitement inhumain et dégradant au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte et qu’il y aurait lieu de constater que les conditions d’application de l’article 3 du Règlement Dublin III serait remplies, de sorte que la décision litigieuse serait à réformer.

Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que le tribunal n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par les demandeurs, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.

Aux termes de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 : « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».

Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre 9pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise, respectivement la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.

L’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités françaises pour procéder à l’examen des demandes de protection internationale des consorts (AB) prévoit que « L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : […] b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre. ».

Il suit de cette disposition que l’Etat responsable du traitement de la demande de protection internationale est celui où le demandeur a déposé une demande de protection internationale qui est toujours en cours d’examen.

Le tribunal constate, de prime abord, qu’il est constant en cause que la décision de transférer les demandeurs vers la France et de ne pas examiner leurs demandes de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen des demandes de protection internationale des consorts (AB) serait la France, en ce qu’ils y auraient introduit auparavant des demandes de protection internationale en date 29 novembre 2022 et que les autorités françaises ont formellement accepté leur reprise en charge le 3 octobre 2024, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de les transférer vers ledit Etat membre et de ne pas examiner leurs demandes de protection internationale.

Force est au tribunal de constater que les demandeurs contestent cette compétence de principe des autorités françaises en faisant valoir que la requête de reprise en charge n’aurait pas été formulée par les autorités luxembourgeoises dans les délais énoncées à l’article 23, paragraphe (2) du règlement Dublin III.

Aux termes de l’article 23 du règlement Dublin III « (1) Lorsqu’un État membre auprès duquel une personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu’un autre État membre est responsable conformément à l’article 20, paragraphe 5, et à l’article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne.

(2) Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac (« hit »), en vertu de l’article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013.

Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l’État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale au sens de l’article 20, paragraphe 2.

(3) Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n’est pas formulée dans les délais 10fixés au paragraphe 2, c’est l’État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l’examen de la demande de protection internationale. […] ».

Il ressort d’une lecture combinée de cette disposition et de l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, cité in extenso ci-avant, qu’une demande de reprise en charge d’un demandeur de protection internationale ayant déposé une nouvelle demande d’asile auprès de l’Etat membre concerné, et dont la demande introduite dans l’autre Etat membre est en cours d’examen, tel que c’est le cas des demandeurs, doit être formulée auprès de cet autre Etat membre dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif de la recherche effectuée par l’Etat membre requérant dans la base de données EURODAC. Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système EURODAC, elle est envoyée à l’Etat membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d’introduction de la demande de protection internationale au sens de l’article 20, paragraphe (2) du règlement Dublin III. Lorsque la demande de reprise en charge n’a pas été formulée dans les délais fixés au paragraphe (2), la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale incombe à l’Etat membre auprès duquel la nouvelle demande a été introduite.

Dans un arrêt du 12 janvier 2023, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité de la France pour examiner les demandes de protection internationale des consorts (AB), la CJUE a dit pour droit que : « […] 2) Les articles 23 et 29 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, doivent être interprétés en ce sens que :

lorsqu’un délai pour le transfert d’un ressortissant d’un pays tiers a commencé à courir entre un État membre requis et un premier État membre requérant, la responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale introduite par cette personne est transférée à cet État membre requérant du fait de l’expiration de ce délai, alors même que ladite personne a, entretemps, introduit dans un troisième État membre une nouvelle demande de protection internationale ayant conduit à l’acceptation, par l’État membre requis, d’une requête aux fins de reprise en charge formulée par ce troisième État membre, pour autant que cette responsabilité n’ait pas été transférée audit troisième État membre du fait de l’expiration d’un des délais prévus à cet article 23.

À la suite d’un tel transfert de ladite responsabilité, l’État membre dans lequel se trouve la même personne ne saurait procéder au transfert de cette dernière vers un autre État membre que l’État membre nouvellement responsable, mais il peut, en revanche, dans le respect des délais prévus à l’article 23, paragraphe 2, de ce règlement, présenter une requête aux fins de reprise en charge à ce dernier État membre.

3) L’article 27, paragraphe 1, du règlement no 604/2013, lu à la lumière du considérant 19 de ce règlement, ainsi que l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne doivent être interprétés en ce sens qu’un ressortissant d’un pays tiers qui a introduit une demande de protection internationale successivement dans trois États membres doit pouvoir disposer, dans le troisième de ces États membres, d’une voie de recours effective et rapide qui lui permette de se prévaloir du fait que la responsabilité d’examiner sa demande a été transférée, en raison de l’expiration du délai de transfert, prévu à l’article 29, paragraphes 1 et 2, dudit règlement, au deuxième desdits États membres. ».

11 En l’espèce, il est constant en cause que les consorts (AB) ont déposé des demandes de protection internationale en Pologne le 13 novembre 2022, en France le 29 novembre 2022 et au Luxembourg le 26 janvier 2024. La Pologne est dès lors le premier Etat membre requis, tandis que la France est le premier Etat membre requérant. La responsabilité de l’examen de la demande de protection internationale introduite par les demandeurs a été transférée à cet Etat membre requérant (la France) du fait de l’expiration du délai de transfert prévu à l’article 29 du règlement Dublin III3, alors même que les demandeurs ont, entretemps, introduit dans un troisième Etat membre (le Grand-Duché de Luxembourg) une nouvelle demande de protection internationale ayant dans un premier temps conduit à l’acceptation par l’Etat membre requis (la Pologne) d’une requête aux fins de reprise en charge formulée par ce troisième Etat membre.

Il s’ensuit qu’en application de la jurisprudence de la CJUE précitée, à la suite du transfert de responsabilité de la Pologne vers la France, l’Etat membre dans lequel se trouvent les demandeurs (le Grand-Duché de Luxembourg) ne saurait procéder au transfert de ces derniers vers un autre Etat membre que l’Etat membre nouvellement responsable (la France), mais il peut, en revanche, dans le respect des délais prévus à l’article 23, paragraphe (2) du règlement Dublin III, présenter une requête aux fins de reprise en charge à ce dernier Etat membre.

A cet égard, il convient de relever qu’il ressort du courrier des autorités polonaises du 13 février 2024 que le délai imparti à la France pour transférer les demandeurs vers la Pologne, avait été prolongé en vertu de l’article 29 du règlement Dublin III en raison d’un acte appel contentieux ayant un effet suspensif. Suite à l’arrêt de la juridiction française en question intervenu le 8 février 2023, les autorités polonaises avaient été informées le 8 août 2023 du fait que les consorts (AB) avaient disparus. Si la France avait, dès lors, initialement 6 mois pour transférer les demandeurs à partir de l’arrêt définitif du 8 février 2023, il ressort de ce qui précède que ce délai a été prolongé, en application de l’article 29, paragraphe (2) du règlement Dublin III, à 18 mois en raison de ladite disparition des demandeurs. Il s’ensuit que le nouveau délai imparti à la France pour procéder au transfert des demandeurs vers la Pologne a expiré le 8 août 2024, de sorte que conformément à l’article 29, paragraphe (2) du règlement Dublin III et à l’arrêt de la CJUE du 12 janvier 2023, prémentionné, la responsabilité du traitement des demandes de protection internationale des demandeurs a été transférée à la France à cette même date du fait de l’expiration du prédit délai de transfert. Force est ensuite au tribunal de constater que le ministre a, en application de l’arrêt de la CJUE précité, présenté le 19 septembre 2024, soit endéans les deux mois suite à l’acquisition de la responsabilité de l’Etat membre nouvellement responsable et donc dans les délais impartis prévus à l’article 23, paragraphe (2) du règlement Dublin III, une requête aux fins de reprise en charge aux autorités françaises, étant, par ailleurs, relevé que la France, a formellement accepté la reprise en charge des 3 Article 29 du règlement Dublin III : « 1. Le transfert du demandeur ou d’une autre personne visée à l’article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l’État membre requérant vers l’État membre responsable s’effectue conformément au droit national de l’État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l’effet suspensif est accordé conformément à l’article 27, paragraphe 3. […] 2. Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s’il n’a pas pu être procédé au transfert en raison d’un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. […] ».

12demandeurs par deux décisions du 3 octobre 2024.

Au vu de ce qui précède, c’est dès lors à bon droit que le ministre a considéré la France comme étant devenue responsable du traitement des demandes de protection internationale des consorts (AB), de sorte que le moyen afférent des demandeurs ayant trait à une prétendue tardiveté de la demande de reprise en charge adressée aux autorités françaises par les autorités luxembourgeoises est à rejeter.

Le tribunal constate ensuite que les demandeurs soutiennent, en substance, que leur transfert vers la France serait contraire à l’article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III, ainsi qu’aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.

A cet égard, il convient de relever que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte - similaire à l’article 3 de la CEDH - auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1) du même règlement, accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre de ce faire, ce dernier article n’ayant toutefois pas été invoqué concrètement par les demandeurs.

L’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III dispose que : « Lorsqu’il est impossible de transférer un demandeur vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat membre responsable poursuit l’examen des critères énoncés au chapitre III afin d’établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable. ».

L’application de cette disposition par un Etat membre qui a priori n’est pas compétent, présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile, respectivement dans les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans l’Etat membre en principe compétent et qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte dans le chef de l’intéressé, respectivement de l’article 3 de la CEDH.

Cette disposition impose dès lors à l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur d’asile de s’abstenir de transférer l’intéressé vers l’Etat membre initialement désigné comme responsable, en application des critères prévus par le règlement Dublin III, s’il y a de sérieuses raisons de croire qu’il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 4 de la Charte, respectivement de l’article 3 de la CEDH.

La situation visée par ledit article 3, paragraphe (2) du règlement Dublin III est celle de 13l’existence de défaillances systémiques empêchant tout transfert de demandeurs d’asile vers un Etat membre déterminé4.

A cet égard, le tribunal relève que la France est tenue au respect, en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international des droits civils et politiques ou la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« la Convention « torture » »), ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard5. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes tant dans l’intérêt des demandeurs d’asile que des Etats participants6.

Dès lors, comme ce système européen commun d’asile repose sur la présomption -

réfragable - que l’ensemble des Etats y participant respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard, il appartient au demandeur de rapporter la preuve matérielle de défaillances avérées7. Dans son arrêt du 16 février 2017, la CJUE a, d’ailleurs, expressément réaffirmé l’existence tant de ce principe de confiance mutuelle que de la présomption réfragable s’en dégageant du respect des droits fondamentaux par les Etats participant au système européen commun d’asile8, tout en apportant des précisions quant à l’interprétation de l’article 4 de la Charte et aux obligations en découlant pour les Etats membre.

Le tribunal relève encore à cet égard que le système Dublin III est basé sur l’hypothèse que tous les Etats membres de l’Union européenne sont des Etats de droit dans lesquels les demandeurs de protection internationale peuvent faire valoir leurs droits et requérir l’aide des organes étatiques, notamment judiciaires, au cas où ils estiment que leurs droits ont été lésés.

S’il est exact qu’il est admis qu’une acceptation de reprise en charge par un Etat membre peut être remise en cause par un demandeur de protection internationale lorsqu’il existe des défaillances systémiques de la procédure d’asile et des conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale dans cet Etat membre, il n’en reste pas moins que suivant la 4 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pt. 92.

5 CJUE, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform., point 78.

6 Ibidem, point. 79 ; Voir également : Trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.ja.etat.lu.

7 Voir aussi Verwaltungsgerichtshof Baden-Württemberg, 8 janvier 2015, A11 S 858/14.

8 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16, pt. 95.

14jurisprudence des juridictions administratives9, reposant elle-même sur un arrêt de la CJUE10, ces défaillances systémiques requièrent, pour être de nature à s’opposer à un transfert, d’être qualifiées de traitements inhumains et dégradants au sens des articles 4 de la Charte et 3 de la CEDH. Telle est encore la conclusion à laquelle arrive la CJUE dans son arrêt, précité, du 16 février 201711.

Quant à la preuve à rapporter par les demandeurs à l’appui de leur moyen tiré de la violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III, il se dégage d’un arrêt de la CJUE du 19 mars 201912 que pour relever de l’article 4 de la Charte - similaire à l’article 3 de la CEDH -, auquel ladite disposition du règlement Dublin III renvoie, des défaillances existant dans l’Etat membre responsable, au sens dudit règlement, doivent atteindre un seuil particulièrement élevé de gravité, qui dépend de l’ensemble des données de la cause. Aux termes de ce même arrêt, ce seuil particulièrement élevé de gravité serait atteint lorsque l’indifférence des autorités d’un Etat membre aurait pour conséquence qu’une personne entièrement dépendante de l’aide publique se trouverait, indépendamment de sa volonté et de ses choix personnels, dans une situation de dénuement matériel extrême, qui ne lui permettrait pas de faire face à ses besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à sa santé physique ou mentale ou la mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine13. Ledit seuil ne saurait donc couvrir des situations caractérisées même par une grande précarité ou une forte dégradation des conditions de vie de la personne concernée, lorsque celles-ci n’impliquent pas un dénuement matériel extrême plaçant cette personne dans une situation d’une gravité telle qu’elle peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant14.

Les demandeurs remettant en question la présomption du respect par la France des droits fondamentaux, puisqu’ils affirment y risquer des traitements inhumains et dégradants, il leur incombe de fournir des éléments concrets permettant de la renverser, étant, à cet égard, relevé que leur situation en France est celle d’un demandeur de protection internationale dont la demande est toujours en cours d’examen par les autorités françaises compétentes, de sorte que c’est sur cette toile de fond que leurs contestations doivent être examinées.

Le tribunal est toutefois amené à retenir qu’en l’espèce, les demandeurs restent en défaut de démontrer qu’en cas de retour en France, ils risqueraient d’encourir un quelconque traitement inhumain ou dégradant au sens des dispositions internationales précitées, respectivement dans le sens retenu par la CJUE, nécessitant, tel que retenu ci-avant, des actes devant revêtir un certain seuil de gravité et entraînant des souffrances physiques ou psychologiques intenses.

En effet, force est de constater que les demandeurs n’ont pas fourni le moindre élément probant qui serait de nature à établir qu’à l’heure actuelle, la France connaîtrait de manière générale des défaillances systémiques en ce sens que les conditions matérielles des demandeurs de protection internationale y seraient caractérisées par des carences structurelles d’une ampleur telle qu’il y aurait lieu de conclure d’emblée et quelles que soient les circonstances du 9 Trib. adm., 26 avril 2016, n° 37591, disponible sur www.ja.etat.lu.

10 CJUE, 10 décembre 2013, C-394/12, Shamso Abdullahi c. Bundesasylamt, point 62.

11 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16.

12 CJUE, grande chambre, 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c. Bundesrepublik Deutschland, pt.

91 13 Ibidem., pt. 92.

14 Ibidem, pt. 93.

15cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l’ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d’être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur transfert dans ce pays constituerait un traitement prohibé par l’article 4 de la Charte, respectivement 3 de la CEDH.

Les demandeurs ne fournissent, en effet, aucun élément objectif tangible permettant de retenir que les droits des demandeurs de protection internationale ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés en France, ou encore que ceux-ci n’auraient dans ce pays aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités françaises en usant des voies de droit adéquates, étant rappelé que la France est signataire de la Charte et de la CEDH et qu’elle est en tant que membre de l’Union européenne tenue au respect des dispositions de celles-ci et de celles du Pacte international des droits civils et politiques, de la Convention torture et de la Convention de Genève.

Le tribunal relève que si les extraits du rapport de l’AIDA, respectivement du rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale, précités, évoquent certes certains problèmes en France au niveau du système d’accueil des demandeurs de protection internationale, en général, et des personnes y transférées en application du règlement Dublin III, en particulier, respectivement une réduction des capacités d’accueil des demandeurs de protection internationale récemment arrivés dans ce pays - ce qui n’est pas le cas des demandeurs qui ne sont pas des primo-arrivants -, ceux-ci sont toutefois insuffisants pour retenir qu’il existerait, de manière générale, dans ce pays, des défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale. Force est de constater que ces rapports sont en tout état de cause insuffisants pour sous-tendre l’affirmation péremptoire des demandeurs selon laquelle il serait « [fort] probable » qu’en cas de transfert vers la France, ils seraient contraints de vivre dans la rue avec leurs deux enfants mineurs, le tribunal se devant de relever, qui plus est, que le rapport du Comité pour l’élimination de la discrimination raciale invoqué par les demandeurs date de 2022 et se base donc sur des informations qui ne reflètent plus nécessairement la situation telle qu’elle existe actuellement en France.

A cet égard, le tribunal se doit encore de relever, quant à la crainte des consorts (AB) d’être confrontés à des défaillances systémiques graves en France qui résulteraient de l’absence d’hébergements en faveur des demandeurs de protection internationale, qu’il ressort du dossier administratif que les demandeurs ont pu introduire une demande de protection internationale en France en date du 29 novembre 2022 et qu’ils ont expliqué, dans la cadre de leurs entretiens Dublin III, avoir été logés dans un « [s]ocial appartment »15 à … durant l’entièreté de leur séjour en France.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent, d’une part, que les demandeurs n’ont pas soumis au tribunal des éléments suffisamment convaincants permettant de retenir qu’ils encourent un risque de se voir confrontés à une limitation de facto ou en vertu de dispositions légales ou réglementaires françaises à des conditions d’accueil qui seraient contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte et, d’autre part, à supposer qu’en cas de 15 Page 4/7 du rapport d’entretien Dublin III de Monsieur (A).

16retour des demandeurs dans ledit pays, ils seraient confrontés à une limitation de l’accès aux conditions d’accueil, une telle limitation ne constitue pas per se une violation de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte, sous réserve d’une possibilité d’accès, à l’instar de toute autre personne en situation de détresse, en ce compris les nationaux, à un dispositif d’aide d’urgence.

Il convient, par ailleurs, de souligner que si les demandeurs devaient estimer que le système d’aide français - que ce soit celui offert aux demandeurs de protection internationale ou celui accessible à tous les résidents français - était à tel point avilissant qu’il impliquerait per se un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, respectivement à l’article 3 de la CEDH, il leur appartiendrait de faire valoir leurs droits directement auprès des autorités françaises en usant des voies de droit adéquates, respectivement devant les instances européennes compétentes ; il en va de même si les demandeurs devaient estimer que le système français n’était pas conforme aux normes européennes ; dans ce cas, il leur appartiendrait de faire valoir leurs droits sur base de la directive n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte], ci-après désignée par « la directive Procédure », ainsi que de la directive Accueil directement auprès des autorités françaises en usant des voies de droit adéquates.

Ce constat n’est pas énervé par les développements des demandeurs relatifs à la condamnation de la France, par un arrêt de la CJUE du 8 décembre 2022 rendu dans l’affaire M.K. et autres c. France, pour violation de l’article 6, paragraphe (1) de la CEDH du fait de ne pas avoir, dans certains cas, donné suite à des ordonnances de référé enjoignant « à l’Etat d’héberger en urgence les demandeurs de protection internationale sans ressources » alors que les demandeurs restent en défaut d’alléguer et a fortiori d’établir qu’ils auraient fait ou risqueraient de faire l’objet d’une telle ordonnance de référé non respectée par l’Etat français.

Le tribunal est dès lors amené à conclure que les demandeurs n’apportent pas la preuve que, dans leur cas précis, leurs droits tels que consacrés par les articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, ne seraient pas garantis en cas de retour en France, ni que, de manière générale, les droits des demandeurs d’une protection internationale dont la demande est en cours d’examen de la part des autorités françaises compétentes ne seraient automatiquement et systématiquement pas respectés aux France, ou encore que ceux-ci n’y auraient aucun droit ou aucune possibilité de les faire valoir auprès des autorités françaises en usant des voies de droit adéquates.

A cet égard, le tribunal relève encore que les demandeurs n’invoquent aucune jurisprudence de la CourEDH relative à une suspension générale des transferts vers la France, voire une demande en ce sens de la part de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés (« UNHCR »). Les demandeurs ne font pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant de l’UNHCR, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers la France dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile française qui les exposerait à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte.

Dans ces circonstances, le tribunal retient que le moyen tiré d’une violation de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III encourt le rejet.

17Néanmoins, il convient encore de relever dans ce cadre que si les Etats membres sont dans l’obligation d’appliquer les règlements européens, il ressort de la jurisprudence de la CourEDH que, dans certains cas, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable16.

Dans ce contexte, la CJUE a suivi le raisonnement de la CourEDH en décidant que, même en l’absence de raisons sérieuses de croire à l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs dans l’Etat membre responsable de l’examen de la demande d’asile, le transfert d’un demandeur d’asile dans le cadre du règlement Dublin III ne peut être opéré que dans des conditions excluant que ce transfert entraîne un risque réel et avéré que l’intéressé subisse des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte17, et qu’il est indifférent, aux fins de l’application dudit article 4 de la Charte, que ce soit au moment même du transfert, lors de la procédure d’asile ou à l’issue de celle-ci que la personne concernée encourrait, en raison de son transfert vers l’Etat membre responsable, au sens du règlement Dublin III, un risque sérieux de subir un traitement inhumain et dégradant18.

Le transfert d’un demandeur de protection internationale par le Grand-Duché de Luxembourg vers l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en application du règlement Dublin III ne pourrait toutefois constituer une violation des articles 3 de la CEDH ou 4 de la Charte, qu’à la condition que l’intéressé démontre qu’il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’il encourt, de ce fait, un risque réel de subir la torture ou des traitements inhumains ou dégradants.

Il appartient dès lors au tribunal de vérifier s’il existe, dans le chef des demandeurs, un risque de mauvais traitement qui doit atteindre un seuil minimal de gravité, l’examen de ce seuil minimum étant relatif et dépendant des circonstances concrètes du cas d’espèce, telles que la durée du traitement et ses conséquences physiques et mentales et, dans certains cas, du sexe, de l’âge et de l’état de santé des intéressés19.

Or, force est de constater que mise à part l’affirmation vague et non autrement développée dans leur recours suivant laquelle il serait « [fort] probable » que Madame (B) n’aurait « pas accès à un psychologue en cas de transfert », il ne se dégage d’aucun élément concret soumis à l’appréciation du tribunal que personnellement et concrètement, les droits des demandeurs n’auraient pas été respectés en France notamment concernant l’accès à des soins de santé, étant relevé que la simple affirmation non-autrement sous-tendue dans le cadre de leur entretien Dublin III suivant laquelle les demandeurs n’auraient plus eu droit aux prestations sociales en France quand bien même leur enfant aurait eu besoin de kinésithérapie et éventuellement d’une opération est largement insuffisante à cet égard.

Il ne résulte, par ailleurs, d’aucun élément du dossier que les consorts (AB) aient, à un moment donné, infructueusement sollicité l’aide ou l’assistance des autorités françaises en 16 CourEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12; CourEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

17 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, C-578/16, pts. 65 et 96 18 CJUE, 19 mars 2019, Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland, C-163/17.

19 CourEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

18raison de leur état de santé et plus particulièrement de celui de Madame (B), les demandeurs ne versant pas non plus un quelconque élément de nature à établir des défaillances dans le système médical français, voire une impossibilité quelconque d’accès aux soins médicaux en France.

En ce qui concerne plus particulièrement l’état de santé de Madame (B), tel que mis en avant par les demandeurs dans le cadre de leur recours, le tribunal se doit de relever qu’il ne ressort d’aucun élément à sa disposition qu’un transfert de la concernée vers la France pourrait avoir des conséquences significatives et irrémédiables sur son état de santé, respectivement que son état de santé s’opposerait à son transfert vers la France ou encore que l’autorité ministérielle aurait dû demander des garanties individuelles auprès des autorités françaises avant de la transférer.

A cet égard, il y a tout d’abord lieu de relever qu’il ne se dégage pas de l’arrêt de la CJUE du 16 février 2017, précité, que l’Etat membre procédant à la détermination de l’Etat responsable pour l’examen de la demande de protection internationale d’un demandeur de protection internationale doit, en tout état de cause et préalablement à la prise d’une décision de transfert et par avis médical, s’assurer automatiquement que le transfert n’entraîne pas une détérioration significative et irrémédiable de l’état de santé de l’intéressé pour toute personne déclarant avoir un quelconque problème de santé.

En effet, dans l’arrêt en question, la CJUE a d’abord mis en évidence le fait, en ce qui concerne les conditions d’accueil et les soins disponibles dans l’Etat membre responsable, que les Etats membres liés par la directive Accueil sont tenus, y compris dans le cadre de la procédure au titre du règlement Dublin III, conformément aux articles 17 à 19 de cette directive, de fournir aux demandeurs d’asile les soins médicaux et l’assistance médicale nécessaires comportant, au minimum, les soins urgents et le traitement essentiel des maladies et des troubles mentaux graves : « Dans ces conditions, et conformément à la confiance mutuelle que s’accordent les États membres, il existe une forte présomption que les traitements médicaux offerts aux demandeurs d’asile dans les États membres seront adéquats ». Elle a retenu ensuite que « […] dans des circonstances dans lesquelles le transfert d’un demandeur d’asile, présentant une affection mentale ou physique particulièrement grave, entraînerait le risque réel et avéré d’une détérioration significative et irrémédiable de son état de santé, ce transfert constituerait un traitement inhumain et dégradant, au sens [de l’article 4 de la Charte]. En conséquence, dès lors qu’un demandeur d’asile produit, en particulier dans le cadre du recours effectif que lui garantit l’article 27 du règlement Dublin III, des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, les autorités de l’État membre concerné, y compris ses juridictions, ne sauraient ignorer ces éléments. Elles sont, au contraire, tenues d’apprécier le risque que de telles conséquences se réalisent lorsqu’elles décident du transfert de l’intéressé ou, s’agissant d’une juridiction, de la légalité d’une décision de transfert, dès lors que l’exécution de cette décision pourrait conduire à un traitement inhumain ou dégradant de celui-ci. […]20».

Dans une telle situation, il appartiendra aux autorités concernées « […] d’éliminer tout doute sérieux concernant l’impact du transfert sur l’état de santé de l’intéressé, en prenant les précautions nécessaires pour que son transfert ait lieu dans des conditions permettant de 20 CJUE, 16 février 2017, C.K., H.F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, points 74 et 75.

19sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de cette personne. Dans l’hypothèse où, compte tenu de la particulière gravité de l’affection du demandeur d’asile concerné, la prise desdites précautions ne suffirait pas à assurer que son transfert n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, il incombe aux autorités de l’État membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de l’intéressé, et ce aussi longtemps que son état ne le rend pas apte à un tel transfert […] ».

Cette jurisprudence vise dès lors l’hypothèse particulière suivant laquelle un demandeur de protection internationale produit des éléments objectifs, tels que des attestations médicales établies au sujet de sa personne, de nature à démontrer la gravité particulière de son état de santé et les conséquences significatives et irrémédiables que pourrait entraîner un transfert sur celui-ci, hypothèse dans laquelle les autorités de l’Etat membre procédant au transfert doivent prendre les précautions spécifiques afin de sauvegarder de manière appropriée et suffisante l’état de santé de la personne concernée, telles que, par exemple, l’obtention, de la part de l’Etat membre responsable, de la confirmation que les soins indispensables seront disponibles à l’arrivée.

La CJUE a encore relevé la coopération entre l’Etat membre devant procéder au transfert et l’Etat membre responsable afin d’assurer que le demandeur d’asile concerné reçoive des soins de santé pendant et à l’issue du transfert, l’Etat membre procédant au transfert devant s’assurer que le demandeur d’asile concerné bénéficie de soins dès son arrivée dans l’Etat membre responsable, les articles 31 et 32 du règlement Dublin III imposant, en effet, à l’Etat membre procédant au transfert de communiquer à l’Etat membre responsable les informations concernant l’état de santé du demandeur d’asile qui sont de nature à permettre à cet Etat membre de lui apporter les soins de santé urgents indispensables à la sauvegarde de ses intérêts essentiels.

Ainsi, ce n’est que dans l’hypothèse où la prise de précautions de la part de l’Etat membre procédant au transfert ne suffirait pas, compte tenu de la gravité particulière de l’affection du demandeur d’asile concerné, à assurer que le transfert de celui-ci n’entraînera pas de risque réel d’une aggravation significative et irrémédiable de son état de santé, qu’il incomberait aux autorités de l’Etat membre concerné de suspendre l’exécution du transfert de cette personne, et ce aussi longtemps que son état ne la rend pas apte à un tel transfert.

Il appartient dès lors au tribunal, compte tenu des développements des demandeurs à cet égard, de vérifier si l’état de santé de Madame (B) présente une gravité telle qu’il ne peut sérieusement être exclu que son transfert entraînerait pour elle un risque réel de traitements inhumains et dégradants, au sens de l’article 4 de la Charte et de l’article 3 de la CEDH21.

A cet égard, il convient de relever que les demandeurs font valoir que Madame (B) souffrirait depuis mars 2024 d’épisodes dépressifs sévères accompagnés d’idées suicidaires, tout en s’appuyant sur des certificats établis par un médecin-spécialiste en neurologie et psychiatrie les 18 avril, 11 juin, et 23 juillet 2024, sur un certificat établi par un médecin spécialiste en gynécologie et obstétrique le 25 octobre 2024, ainsi que sur un certificat établi par un médecin en psychiatrie établi le 31 octobre 2024. Or, s’il se dégage certes desdits certificats médicaux que l’intéressée a souffert d’un épisode dépressif sévère accompagné d’idées suicidaires en raison d’un traumatisme qu’elle avait subi et qu’elle a suivi un traitement psychiatrique à cet égard, force est néanmoins de constater que ces certificats ont été établis à 21 CourEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 ; CourEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.

20un moment où, premièrement, la demanderesse était enceinte de sa fille (D), née le … à …, et qu’il s’agissait de prendre les mesures nécessaires afin de protéger l’embryon, et où, deuxièmement, il était prévu de transférer les demandeurs vers la Pologne, étant, à cet égard, précisé que la demanderesse a affirmé lors de son entretien Dublin III qu’elle aurait peur qu’ils ne seraient pas en sécurité en Pologne parce que ledit pays serait proche de la Russie et de la Biélorussie et qu’elle craindrait qu’ils y pourraient être facilement retrouvés22. Dans la mesure toutefois où la décision litigieuse concerne le transfert des demandeurs non pas vers la Pologne mais vers la France et que le tribunal ne s’est pas vu soumettre de certificat médical récent permettant d’apprécier l’état de santé mental actuel de la demanderesse, il ne saurait être retenu qu’actuellement l’état de santé de Madame (B) revêtirait une gravité particulière à tel point que les autorités luxembourgeoises auraient dû prendre des précautions spécifiques afin de sauvegarder de manière appropriée et suffisante son état de santé, telles que, par exemple, l’obtention, de la part de autorités françaises, d’une confirmation que les soins indispensables seront disponibles à son arrivée, respectivement qu’un transfert vers la France entraînerait des conséquences significatives et irrémédiables sur son état de santé ou encore que son état de santé s’opposerait à son transfert vers la France.

A toutes fins utiles, il convient encore de souligner que le règlement Dublin III ne s’oppose pas au transfert des personnes vulnérables, à savoir les personnes handicapées, les personnes âgées, les femmes enceintes, les mineurs et les personnes ayant été victimes d’actes de torture, de viol ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, mais prévoit dans son article 32, paragraphe (1), premier alinéa une obligation à charge de l’Etat membre procédant au transfert de transmettre à l’Etat membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer aux seules fins de l’administration de soins ou de traitements médicaux, et avec le consentement explicite de la personne concernée, de sorte qu’en cas de besoin, il pourra être tenu compte de l’état de santé de Madame (B) lors de l’organisation du transfert vers la France par le biais de la communication aux autorités françaises des informations adéquates, pertinentes et raisonnables la concernant conformément aux articles 31 et 32 du règlement Dublin III, à condition que l’intéressée exprime son consentement explicite à cet égard.

Il convient, dans ce contexte, de rappeler que si les demandeurs devaient estimer que le système d’aide français était à tel point avilissant qu’il impliquerait per se un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, respectivement à l’article 3 de la CEDH, il leur appartiendrait de faire valoir leurs droits directement auprès des autorités françaises en usant des voies de droit adéquates, respectivement devant les instances européennes adéquates; il en va de même si les demandeurs devaient estimer que le système français n’était pas conforme aux normes européennes; dans ce cas, il leur appartiendrait de faire valoir leurs droits directement auprès des autorités françaises en usant des voies de droit adéquates.

Au vu des développements faits ci-avant, il n’est pas établi que compte tenu de leurs situations personnelles, les demandeurs seraient exposés à un risque réel de subir des traitements contraires aux articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, en cas de transfert vers la France, nonobstant le constat fait ci-avant de l’absence, dans ce pays, de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs de protection internationale, au sens de l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2 du règlement Dublin III.

22 « I am afraid that Poland is not safe enough to stay there, because Poland is close to Russia and Belarus, and you could be found there very easily. », page 4/7 du rapport d’entretien de Madame (B).

21Eu égard aux considérations qui précèdent, l’argumentation des demandeurs ayant trait à l’existence, dans leur chef, d’un risque de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la CEDH et de l’article 4 de la Charte, en cas de transfert vers la France, est à rejeter dans son ensemble.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours en réformation est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en réformation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens.

Ainsi jugé par :

Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge.

Melvin Roth, attaché de justice délégué, et lu à l’audience publique du 17 mars 2025 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.

s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Bochet 22


Synthèse
Formation : Deuxième chambre
Numéro d'arrêt : 52423
Date de la décision : 17/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-03-17;52423 ?

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