Tribunal administratif Numéro 49970 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:49970 1re chambre Inscrit le 23 janvier 2024 Audience publique du 17 mars 2025 Recours formé par Madame (A1), …, contre deux décisions du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 35 (1), L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 49970 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2024 par la société à responsabilité limitée WH AVOCATS SARL, établie et ayant son siège social à L-1630 Luxembourg, 46, rue Glesener, inscrite sur la liste V du tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B 265326, représentée aux fins des présentes par Maître Frank WIES, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Madame (A1), déclarant être née le … à … (Guinée) et être de nationalité guinéenne, demeurant actuellement à L-…, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 22 décembre 2023 refusant de faire droit à sa demande de protection internationale et à celle de sa fille mineure, ainsi que de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 20 mars 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions déférées ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shana SI ABDALLAH, en remplacement de Maître Frank WIES, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Sarah ERNST en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 12 février 2025.
Le 25 août 2022, Madame (A1) introduisit pour son propre compte et au nom et pour le compte de sa fille mineure, (A2), née le … à … (Guinée), auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par le « ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par la « loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Madame (A1) fut entendue sur son identité et l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg par un agent de la police grand-ducale, section criminalité organisée – police des étrangers.
En date des 14 et 24 février 2023, Madame (A1) fut entendue par un agent du ministère sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
1 Par décision du 22 décembre 2023, notifiée à l’intéressée par courrier recommandé envoyé le même jour, le ministre informa Madame (A1) que sa demande de protection internationale, introduite en son nom personnel et au nom et pour le compte de sa fille mineure, avait été refusée comme non fondée. La décision, qui comporte encore un ordre de quitter le territoire dans un délai de trente jours à leur égard, est libellée de la façon suivante :
« […] J’ai l’honneur de me référer à vos demandes en obtention d’une protection internationale que vous avez introduite le 25 août 2022 sur base de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après dénommée « la Loi de 2015 ») pour vous ainsi que pour le compte de votre fille mineure, (A2), née le … en Guinée, de nationalité guinéenne.
Je suis malheureusement dans l’obligation de porter à votre connaissance que je ne suis pas en mesure de réserver une suite favorable à vos demandes pour les raisons énoncées ci-après.
1. Quant à vos motifs de fuite En mains votre fiche de données personnelles et votre fiche des motifs manuscrite, les deux établies lors de l’introduction de vos demandes de protection internationale, le rapport du Service de Police Judiciaire du 25 août 2022, le rapport d’entretien « Dublin III » du 25 août 2022, le rapport d’entretien de l’agent du Ministère des 14 et 24 février 2023 sur les motifs sous-tendant vos demandes de protection internationale ainsi que les documents versés à l’appui de vos demandes.
Madame, vous déclarez vous nommer (A1), être née le … à … en Guinée, être de nationalité guinéenne, d’ethnie Koniankés et de confession musulmane. Vous êtes accompagnée de votre fille, (A2), qui est née le … à … en Guinée et qui a également la nationalité guinéenne.
Vous précisez avoir vécu à … dans votre village natal jusqu’en 2009, année de votre mariage religieux avec le dénommé (A3). Vous seriez ensuite partie habiter avec ce dernier à Conakry dans le « quartier cimenterie » (p.2/18 du rapport d’entretien), où vous auriez résidé ensemble avec votre belle-mère et votre belle-sœur.
Vos trois autres enfants, dont votre fille (A4), se trouveraient encore en Guinée au domicile de votre mère, qui en aurait la garde depuis plusieurs années, alors que vous les lui auriez confiés et notamment (A4) afin de la protéger de votre belle-famille contre une future excision. En effet, votre mère respecterait votre choix de ne pas vouloir imposer une telle pratique à vos deux filles (p.4/18, p.11/18 et p.14/18 du rapport d’entretien).
Lors des différents entretiens que vous avez passés tout au long de la procédure votre demande de protection internationale, vous expliquez avoir quitté la Guinée car vous souhaiteriez protéger votre fille, (A5), qui se trouve également au Luxembourg, contre la pratique de l’excision. En effet, votre belle-famille aurait essayé à plusieurs reprises d’imposer cette pratique coutumière à votre petite-fille, pratique à laquelle vous vous seriez interposée à chaque reprise (p.9/18 du rapport d’entretien). Vous auriez d’ailleurs déjà mené pareil combat contre votre belle-famille en 2016 à la naissance de votre première fille (A4), laquelle vous auriez finalement confiée à votre mère pour la protéger (p.11-12/18 du rapport d’entretien).
2Au sujet de l’excision de (A5), vous expliquez qu’une discussion aurait dégénérée entre vous, votre belle-mère et votre belle-sœur, alors que vous vous seriez une nouvelle fois opposée à l’excision de votre fille, altercation qui vous aurait causé plusieurs blessures légères et un œil au beurre noir.
Désormais, vous craindriez de subir des « violences familiales » de la part de votre belle-famille en cas de retour dans votre pays d’origine. Vous craindriez également que votre belle-famille s’en prenne encore et toujours à vos deux filles, dont l’une serait restée en Guinée (p.10/18 du rapport d’entretien).
Vous déclarez encore qu’à aucun moment vous auriez porté plainte contre les agissements de votre belle-famille, respectivement, auriez essayé de rechercher une quelconque forme de protection auprès des autorités de votre pays d’origine qui encadrent strictement la pratique de l’excision. Vous ne vous seriez pas non plus adressée aux diverses organisations qui sont actives sur le terrain et qui luttent et défendent les intérêts des femmes non-excisées. En effet, vous n’auriez pas été à même de dénoncer votre belle-mère par respect envers votre époux, qui aurait également eu les mains liées, alors qu’il s’agissait de sa propre famille (p.10/18, p.12-13/18 et p.15/18 du rapport d’entretien).
En septembre 2021, vous auriez finalement réussi à convaincre votre mari de prendre la fuite et vous auriez décidé, ensemble avec votre fille cadette, de quitter définitivement la Guinée en laissant vos trois autres enfants auprès de votre mère. En Libye, vous vous seriez ensuite séparée de votre époux et auriez continué votre traversée vers l’Europe seule avec votre fille. Vous n’auriez depuis plus jamais eu des nouvelles de votre mari (p.4/18 et p.8/18 du rapport d’entretien).
Finalement, vous détaillez votre trajet jusqu’en Europe et précisez ne pas avoir introduit de demandes de protection internationale ni en Grèce, alors que « ce n’était pas bien pour la petite [et] qu’elle ne mangeait pas là-bas » (p.8/18 du rapport d’entretien), ni en France, alors qu’il y aurait trop de personnes guinéennes d’ethnie Koniankés (p.9/18 du rapport d’entretien). Vous continuez en avouant avoir effectué quelques recherches sur internet et avoir porté votre choix sur le Luxembourg pour y introduire une demande de protection internationale, étant donné que vous vous y sentiriez « mieux en sécurité » (p.8/18 du rapport d’entretien).
A l’appui de vos demandes de protection internationale, vous ne présentez aucun titre d’identité ou de voyage en expliquant que vous auriez quitté la Guinée sans votre carte d’identité et que vous n’auriez jamais été en possession d’un passeport (p.3/18 du rapport d’entretien).
En revanche, vous remettez les documents suivants pour appuyer vos déclarations :
- Un certificat médical du 2 mars 2023 établi au Luxembourg par le Dr. … attestant de votre excision, Madame ;
- une photo de vous, Madame, avec un œil au beurre noire et d’autres hématomes.
2. Quant à la motivation du refus de vos demandes de protection internationale Suivant l’article 2 point h) de la Loi de 2015, le terme de protection internationale désigne d’une part le statut de réfugié et d’autre part le statut conféré par la protection 3subsidiaire.
• Quant au refus du statut de réfugié Les conditions d’octroi du statut de réfugié sont définies par la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après dénommée « la Convention de Genève ») et par la Loi de 2015.
Aux termes de l’article 2 point f) de la Loi de 2015, qui reprend l’article 1A paragraphe 2 de la Convention de Genève, pourra être qualifiée de réfugié : « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner et qui n’entre pas dans le champ d’application de l’article 45 ».
L’octroi du statut de réfugié est soumis à la triple condition que les actes invoqués soient motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 point f) de la Loi de 2015, que ces actes soient d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 paragraphe 1 de la prédite loi, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes de l’article 39 de la loi susmentionnée.
Madame, il convient de noter que vous souhaitez dans un premier temps protéger votre fille mineure, (A5), contre une excision future imposée par votre belle-famille, respectivement ses grands-parents paternels. Dans un deuxième temps, vous craignez également de subir à nouveau des pressions et violences familiales de la part de votre belle-famille, alors que vous relatez une dispute avec votre belle-mère et votre belle-sœur qui aurait dégénérée.
Premièrement, en ce qui concerne votre crainte par rapport à votre fille mineure, certes, il convient de relever que les faits pourraient a priori entrer dans le champ d’application de la Convention de Genève, à savoir un groupe social déterminé. En revanche, force est de constater qu’on ne saurait retenir l’existence dans le chef de votre fille d’une crainte fondée de persécution.
En effet, il convient de noter que „Die Entscheidung über die Durchführung von FGM liegt in erster Linie bei der Mutter, die den Eingriff finanziert (…)“. Ainsi, malgré le fait que d’autres personnes, en l’espèce votre belle-famille, pourraient potentiellement influencer la décision concernant la pratique de l’excision sur un enfant, force est de constater que vous en tant que mère restez la personne de référence, qui a le pouvoir sur la décision finale. Or, force est de relever que vous vous opposez formellement, depuis la naissance de votre première fille, (A4), et plus activement depuis la naissance de (A5), qu’elles subissent des mutilations génitales futures. Par conséquent, il est évident, au regard du comportement que vous adoptez à l’égard de votre belle-famille, que vous ne vous êtes à aucun moment laissée influencer ou encore laissée convaincre de pratiquer une excision sur l’une de vos deux filles. Au contraire, vous avez dans un premier temps décidé de protéger votre première fille, (A4), en la confiant à votre mère afin qu’elle ne subisse pas une telle pratique et dans un deuxième temps, vous vous êtes opposée à votre belle-famille lors d’une discussion qui aurait dégénérée et lors de laquelle vous auriez d’ailleurs même été légèrement blessée. Ainsi, force est de constater que 4vous maintenez coute que coute votre position et opinion à l’égard des mutilations génitales et ce malgré l’influence et l’emprise de votre belle-famille.
De plus, force est de constater que votre fille, (A5), n’est pas en proie de subir de telles menaces, respectivement, violences, alors qu’il convient de relever que vous avez laissé votre première fille, (A4), en Guinée auprès de votre mère, laquelle n’est pas excisée. Ainsi, vous n’avez manifestement pas jugé nécessaire de fuir votre pays d’origine accompagnée de votre première fille (A4) et ce alors même que cette dernière serait également en proie d’être victime de cette pratique imposée par votre belle-famille selon vos déclarations. Or, Madame, le fait que vous ayez donc décidé de quitter la Guinée sans emmener votre autre fille de sept ans avec vous démontre indubitablement que la situation n’est manifestement pas aussi grave que vous le laisser entendre, auquel cas vous n’auriez pas fui la Guinée sans votre autre fille. Ipso facto, (A5) n’est donc manifestement pas en proie à subir de telles violences en cas de retour dans son pays d’origine, alors que votre autre fille, non-excisée, y vit paisiblement depuis que vous l’avez confiée à votre mère.
Dans cette même lignée, il ressort de vos affirmations que vous êtes persuadée que (A4) serait en sécurité auprès de votre mère, loin de votre belle-famille et sans risquer une quelconque possible excision. Ainsi, de facto, vous auriez également pu confier votre autre fille, (A5), à votre mère pour que cette dernière soit également protégée. Interrogé à cet égard par l’agent ministériel et plus précisément pour quelles raisons vous n’auriez pas envoyé (A5) chez votre mère comme vous l’aviez fait pour votre autre fille (A4), vous répondez que « ce n’était pas facile pour ma maman, car elle travaille toujours au marché » ainsi « elle n’était pas en mesure d’assumer la garde de tous mes enfants » (p.14/18 du rapport d’entretien). Or, une telle explication ne saurait aucunement convaincre, alors que votre mère vous aurait explicitement proposé son aide « pour la protection des filles » (p.14/18 du rapport d’entretien) étant donné qu’elle aurait été au courant des intentions de votre belle-famille et qu’elle aurait respecté votre choix. De plus, il convient également de relever que vous auriez eu la possibilité de rejoindre votre mère avec (A5) et d’y habiter tous ensemble en aidant et en assumant ensemble la garde de tous vos enfants.
Ainsi, Madame, force est de constater que votre crainte concernant (A5) n’est pas suffisante pour constituer une crainte fondée de persécution. En effet, la situation que vous dépeignez en cas de retour dans votre pays d’origine ne permet pas de considérer que (A5) serait en proie à être exposée à une telle pratique.
En outre, force est de constater en ce qui concerne l’acteur de persécution que s’agissant d’actes de persécution émanant de personnes privées, ceux-ci peuvent être considérés comme fondant une crainte légitime uniquement en cas de défaut de protection des autorités. Or, force est de constater que vous n’avez jamais jugé nécessaire de solliciter une quelconque forme d’aide auprès des autorités de votre pays ou encore essayé de porter plainte auprès des autorités policières guinéennes. Ainsi, vous ne sauriez-vous retrancher derrière votre inaction pour reprocher une quelconque défaillance, respectivement, absence d’action des autorités compétentes.
En effet, force est de remarquer que rien ne vous empêche en cas de retour de porter plainte contre les éventuels agissements futurs de votre belle-famille, chose que vous n’auriez jusqu’à présent pas été à même de faire en raison du lien familial qui vous aurait uni. Or, étant donné que désormais plus rien ne vous lie à votre belle-famille, alors que vous êtes séparée de votre époux, il convient de constater que vous seriez en mesure d’intenter une action contre 5votre belle-mère, si cette dernière continuait à vouloir pratiquer une éventuelle excision sur vos deux filles. A titre d’exemple, vous pourriez donc, d’une part, porter plainte auprès des autorités policières guinéennes ou, d’autre part, rechercher une quelconque autre forme de protection auprès des autorités de votre pays, qui encadrent strictement la pratique des MGF.
En ce sens, il convient de noter que : „Die Verfassung Guineas von 2010 verpflichtet den Staat in Artikel 5 zu Respekt und zum Schutz der Menschen und ihrer Würde. Artikel 6 sieht den Schutz der körperlichen Unversehrtheit und Artikel 8 gleiche Rechte für Männer und Frauen vor. Gemäß Artikel 23 ist das Wohlergehen der Bürger und Bürgerinnen zu fördern.
Die genitale Beschneidung bei Frauen wurde bereits seit dem 13. August 2008 im Kindergesetzbuch verboten später wurden die Gesetze noch verschärft. Bereits seit dem 13 Juli 1990 ist Guinea Unterzeichner der internationalen Konvention über die Rechte des Kindes.
Laut der in England und Wales registrierten auf den Kampf gegen FGM spezialisierten Hilfsorganisation 28 Too Many gibt es bereits seit 1965 in Guinea eine Gesetzgebung, die FGM verbietet.
Konkrete gesetzliche Bestimmungen zu FGM sind im Strafgesetzbuch aus dem Jahr 2016 enthalten. Artikel 258 des Strafgesetzbuchs definiert FGM als die Entfernung der Genitalien von Mädchen oder Frauen oder etwaige andere diese Organe betreffende Operationen. Speziell verboten sind die teilweise oder vollständige Entfernung der Klitoris und die Entfernung der Labia Minora oder Majora. Gemäß Artikel 259 ist jede Person, die FGM ausübt, fördert oder daran teilnimmt der vorsätzlichen Gewalt gegen Frauen oder Mädchen schuldig".
„Mehrere Regierungsabteilungen in Guinea sind für die Arbeit zur Beendigung von FGM verantwortlich, darunter das Ministerium für soziale Angelegenheiten und Förderung von Frauen und Kindern und das Bildungsministerium. 2008 war Guinea eines der ersten Länder, das der UNJP (Unites National Joint Project) beitrat mit einer breiten Palette von Programmen gegen FGM, insbesondere die Ausbildung von Strafverfolgungsbeamten im Hinblick auf FGM und die Verwendung eines SMS-Überwachungstools zur Meldung von FGM-Fällen. Im Jahr 2011 fand eine Umstrukturierung des Büros für den Schutz von Geschlecht, Kindern und Moral (OPROGEM) statt, das auf regionaler Ebene Büros zur Umsetzung von Programmen und einen nationalen Ausschuss zur Koordinierung der Bemühungen zur Beendigung der Praxis von FGM unterhält. Im Jahr 2012 wurde von der Regierung ein nationaler Strategieplan für die Aufgabe von FGM (2012-2016) auf den Weg gebracht, der Schulungen sowohl für das Personal von Justiz und für das medizinische Personal umfasste, und Sensibilisierungskampagnen in lokalen Behörden und Schulen sowie von traditionellen und religiösen Führern vorsah. Die Regierung arbeitet mit NGO’s zusammen, um FGM zu beenden und Gesundheitspersonal, Staatsangestellte und Gemeinden über die Gefahren dieser Praxis aufzuklären. Mehr als 60 Gesundheitseinrichtungen integrierten die FGM-Prävention in ihre Dienstleistungen".
La pratique des MGF est donc clairement interdite en Guinée et les autorités n’y sont manifestement pas insensibles, alors qu’elles luttent activement en faveur du bannissement totale de l’excision et ce malgré les obstacles auxquels elles peuvent faire fassent. A ce titre, il convient d’ailleurs de rappeler que la notion de protection de la part du pays d’origine n’implique pas une sécurité physique absolue des personnes contre la commission d’actes de violence, mais suppose des démarches de la part des autorités en place en vue de la poursuite et de la répression des actes de violence commis, d’une efficacité suffisante pour maintenir un 6certain degré de dissuasion, ce qui est au vu des informations ci-dessus clairement le cas en l’espèce.
Toujours dans ce sens, il convient de noter que „Neben den offiziellen Behörden gibt es eine Reihe von internationalen und nationalen Nichtregierungsorganisationen. Laut UNICEF profitierten 11.190 nicht beschnittene Mädchen unter 14 Jahren vom Schutz durch NGOs. UNICEF führte auch in 40 Gemeinden zahlreiche Aktionsprogramme gegen die Praxis der Genitalverstümmelung durch, um die Bevölkerung für das Thema zu sensibilisieren. Die Organisation Club des jeunes filles leaders de Guinée befasst sich unter anderem mit Aufklärung zu FGM. Die in England und Wales registrierte Organisation La Fraternite Guineenne setzte sich unter anderen für ein Ende von FGM ein. Das internationale Kinderhilfswerk Plan International betreibt in Guinea ein Projekt zur Beendigung von FGM".
En outre, depuis octobre 2021 "the CNRD appointed Morissanda Kouyate, a lifelong advocate for women’s rights and the eradication of FGM/C, as minister of foreign affairs, international cooperation, African integration, and Guineans abroad".
Ainsi, bien que les règles coutumières prédominent très souvent sur les lois officielles dans les pays africains et plus précisément dans les zones rurales en raison de la pression sociale exercée par les membres de la famille, ceci ne saurait plus être votre cas en l’occurrence puisque vous êtes désormais séparée de votre époux. De plus, il convient de noter que vous avez d’ailleurs le soutien de votre mère, qui s’est engagée à protéger vos deux filles, chose qu’elle semble bien faire depuis que vous lui avez confié (A4).
Par conséquent, vous ne vous trouvez manifestement plus face à un quelconque obstacle, qui vous empêcherait de recourir aux lois mises en place par le gouvernement guinéen pour dénoncer la pratique de l’excision sur vos deux filles.
Deuxièmement, en ce qui concerne votre crainte de subir à nouveau des intimidations et violences de la part de votre belle-famille en cas de retour dans votre pays d’origine, alors que vous vous seriez opposée à eux pour protéger (A5) et (A4) contre la pratique d’une future excision, force est de constater que lesdites intimidations, respectivement, violences évoquées ne rentrent nullement dans le champ d’application de la Convention de Genève ou de la Loi de 2015, textes qui prévoient une protection à toute personne persécutée dans son pays d’origine en raison de sa race, sa nationalité, sa religion, ses opinions politiques ou son appartenance à un groupe social.
Quand bien même un tel lien existerait, il convient de noter que les problèmes respectivement les faits que vous décrivez ne revêtent pas un degré de gravité suffisant tels qu’ils puissent être assimilés à des actes de persécution ou à une crainte fondée de persécution au sens des dispositions précitées.
En effet, il convient tout d’abord de relever que les coups et blessures que vous dépeignez avoir reçus sont la conséquence d’une unique altercation que vous auriez eue avec votre belle-mère et votre belle-sœur, alors que vous vous seriez opposée à leur position concernant la pratique de l’excision. Or, comme prédit, il s’agit d’une discussion qui aurait dégénérée et qui vous aurait uniquement causé des blessures superficielles et un œil au beurre noir, comme en témoigne la photo que vous avez remise. De plus, il convient de noter que cette altercation remonte à 2016 et que depuis 2016 et jusqu’à votre départ définitif en milieu d’année 2021 vous ne relatez pas de faits similaires que votre belle-famille vous aurait infligés.
Au contraire, lorsque l’agent ministériel vous questionne à ce sujet et vous demande si vous 7aviez entrepris des mesures concrètes contre votre belle-mère vous répondez que vous auriez souvent « discuté » avec elle en la respectant (p.12/18 du rapport d’entretien) sans ne jamais refaire part d’autres faits violents à votre égard. En ce qui concerne les intimidations et « violences familiales » futures que vous craignez subir en cas de retour dans votre pays d’origine, force est de relever que celles-ci sont à qualifier de craintes purement hypothétiques et témoignent tout au plus d’un sentiment d’insécurité que vous ressentiriez, mais auquel vous pourriez aisément échapper.
Force est encore de rappeler que vous n’avez à aucun moment jugé opportun de porter plainte contre les agissements de votre belle-famille, qu’il s’agisse des pressions sociales exercées en matière d’excision ou encore des coups et blessures que votre belle-mère vous aurait infligée suite à la discussion qui aurait dégénéré. Certes, vous justifiez votre comportement en affirmant que vous auriez eu les mains liées en raison du lien qui vous unissait et en affirmant que « (…) chez les Musulmans, on ne va pas comme ça à la police » (p.13/18 du rapport d’entretien), or, vous ne sauriez pas vous retrancher derrière votre inaction pour reprocher une quelconque défaillance, respectivement, absence d’action aux autorités guinéennes compétentes. Le seul fait que vous n’auriez pas porté plainte contre votre belle-mère par respect envers votre époux n’étant pas suffisant pour justifier votre défaut de plainte et absence d’action.
A toutes fins utiles, il convient de noter que désormais rien ne vous empêche en cas de retour dans votre pays d’origine de porter plainte contre votre belle-mère si de telles répercussions violentes devraient se reproduire, étant donné que plus aucun lien familial ne vous unit tel que développé ci-avant.
Partant, le statut de réfugié ne vous est pas accordé.
• Quant au refus du statut conféré par la protection subsidiaire Aux termes de l’article 2 point g) de la Loi de 2015 « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes 1 et 2, n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays » pourra obtenir le statut conféré par la protection subsidiaire.
L’article 48 définit en tant qu’atteinte grave « la peine de mort ou l’exécution », « la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine » et « des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
L’octroi de la protection subsidiaire est soumis à la double condition que les actes invoqués soient qualifiés d’atteintes graves au sens de l’article 48 de la Loi de 2015 et que les auteurs de ces actes puissent être qualifiés comme acteurs au sens de l’article 39 de cette même loi. Or, en l’espèce, force est de constater que ces conditions ne sont pas remplies cumulativement.
Madame, il ressort en l’espèce à suffisance de votre dossier administratif que vous 8fondez vos demandes de protection subsidiaire sur les mêmes motifs que ceux exposés à la base de vos demandes en obtention du statut de réfugié.
Or, et tout en renvoyant aux arguments développés précédemment, il apert que vous n’apportez aucun élément de nature à établir qu’il existerait de sérieuses raisons de croire que vous ou votre fille mineure encouriez, en cas de retour dans votre pays d’origine, un risque réel et avéré de subir des atteintes graves au sens de l’article 48 précité, respectivement, que les autorités guinéennes seraient dans l’impossibilité de vous offrir une quelconque forme de protection.
Partant, le statut conféré par la protection subsidiaire ne vous est pas accordé.
• Quant à la fuite interne En vertu de l’article 41 de la Loi de 2015, le Ministre peut estimer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, il n’y a aucune raison de craindre d’être persécuté ni aucun risque réel de subir des atteintes graves et qu’il est raisonnable d’estimer que le demandeur peut rester dans cette partie du pays.
Ainsi, la conséquence d’une fuite interne présume que le demandeur puisse mener, dans une autre partie de son pays d’origine, une existence conforme à la dignité humaine. Selon les lignes directrices de I’UNHCR, l’alternative de la fuite interne s’applique lorsque la zone de réinstallation est accessible sur le plan pratique, sur le plan juridique, ainsi qu’en termes de sécurité.
En l’espèce, il ressort à suffisance de vos dires que vous n’auriez pas tenté de vous réinstaller dans une autre ville ou région de votre pays d’origine au motif que votre époux n’aurait pas pu quitter Conakry à cause de son travail (p.15/18 du rapport d’entretien).
Or, force est de constater que vous êtes désormais séparée de votre époux, de sorte qu’il serait possible de vous réinstaller dans une autre partie de votre pays d’origine, loin de votre belle-famille, et plus précisément loin de votre belle-mère qui réside une partie de son temps à Conakry et l’autre partie de son temps à Beyla.
Il convient d’ailleurs de noter que vous pourriez également trouver refuge dans votre propre région natale, à savoir …, où votre mère réside avec vos autres enfants dont (A4), votre autre fille que vous auriez confié à votre mère afin de la protéger contre une future excision, chose que votre mère a jusqu’ici accompli avec succès.
Par conséquent, il est évident que vous y seriez également en sécurité avec votre fille (A5), de sorte que vos motifs ne constituent donc pas un obstacle à une réinstallation dans votre pays d’origine.
Vos demandes en obtention d’une protection internationale sont dès lors refusées comme non fondées.
Suivant les dispositions de l’article 34 de la Loi de 2015, vous êtes dans l’obligation de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours à compter du jour où la présente décision sera coulée en force de chose décidée respectivement en force de chose jugée, à destination de la Guinée, ou de tout autre pays dans lequel vous êtes autorisées à séjourner. […] ».
9 Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2024, Madame (A1) a fait introduire un recours tendant à la réformation, d’une part, de la décision ministérielle du 22 décembre 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale dans son chef et dans celui de sa fille mineure, et, d’autre part, de l’ordre de quitter le territoire contenu dans le même acte.
1) Quant au recours tendant à la réformation de la décision du ministre du 22 décembre 2023 portant refus d’une protection internationale Etant donné que l’article 35 (1) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre les décisions de refus d’une demande de protection internationale, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation dirigé contre la décision du ministre du 22 décembre 2023, telle que déférée, ledit recours étant, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, Madame (A1) expose en substance les faits et rétroactes repris ci-avant et explique les motifs à la base de sa demande de protection internationale et de celle de sa fille mineure ainsi que son itinéraire pour venir au Luxembourg. Plus particulièrement, elle explique être de nationalité guinéenne, d’ethnie Konianké et de confession musulmane et avoir quitté son pays d’origine avec son époux et leur fille cadette, (A5), au courant du mois d’octobre 2021. Elle fait valoir qu’elle aurait quitté son pays d’origine en raison du risque d’une future excision de sa fille (A5) par sa belle-famille et de violences de la part de sa belle-famille, laquelle exercerait une pression constante sur elle afin d’exciser ses deux filles.
En droit, en se prévalant des articles 2 f), 39 et 42 (1) de la loi du 18 décembre 2015 ainsi que de l’article 1A de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par la « Convention de Genève », la demanderesse soutient remplir les conditions d’octroi du statut de réfugié.
A cet égard, elle conteste l’appréciation du ministre quant à l’absence de risque réel d’excision de sa fille (A5), en se prévalant d’un rapport du « Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides » du 25 juin 2020, intitulé « GUINEE : Les mutilations génitales féminines (MGF) » ainsi que d’un article de l’UNICEF du 15 décembre 2022, intitulé « J’ai eu la chance d’avoir un père qui s’est opposé catégoriquement à l’excision » pour souligner que l’opposition de la mère ne suffirait pas pour éviter qu’une excision soit pratiquée en Guinée, tout en précisant que sa propre excision aurait été initiée par la famille de son père. En l’espèce, ce serait sa belle-famille qui la pousserait à l’excision de ses filles malgré son opposition, la demanderesse soulignant que le père de ses enfants ne se serait pas opposé à l’excision.
Elle fait valoir, dans ce contexte, que le fait d’avoir laissé sa fille aînée, (A4), en Guinée auprès de sa mère ne permettrait pas de conclure à l’absence de risque réel d’excision de sa fille cadette, (A5), en précisant que la fuite de son pays d’origine n’aurait pas été possible avec deux enfants, de sorte qu’elle aurait été contrainte d’emmener sa fille (A5), âgée de 15 mois à l’époque, plutôt que sa fille (A4), âgée de 7 ans à l’époque. Elle réfute ensuite l’argumentation du ministre selon laquelle elle aurait pu, en ce qui concerne sa fille (A5), également trouver refuge auprès de sa mère, en soulignant que ceci aurait été une charge trop importante pour sa mère, que la séparation de sa fille (A5) aurait été inimaginable, et qu’il y aurait toujours eu un risque que sa belle-mère puisse enlever sa fille afin de l’exciser.
10Par ailleurs, elle souligne que la pression exercée pour pratiquer l’excision émanerait de la société entière et que sa fille aînée serait toujours en danger chez sa mère, étant donné que celle-ci aurait, déjà dans le passé et en ce qui concerne sa propre excision, cédé à cette pression. Le fait que la fille aînée résiderait actuellement chez sa mère aurait dès lors été un choix dicté par la nécessité et ne serait qu’une solution provisoire.
S’agissant de l’argumentation du ministre quant à l’absence de démarches de sa part pour obtenir la protection des autorités de son pays d’origine, la demanderesse se prévaut d’un rapport des « Nations Unies » du 28 avril 2016, intitulé « Rapport sur les droits humains et la pratique des mutilations génitales féminines/excision en Guinée » et d’un rapport annuel du « US State Department » de 2022, intitulé « 2022 Country Report on Human Rights Practices :
Guinea » pour conclure à la défaillance du système judiciaire guinéen. Elle ajoute que de telles démarches auraient mis en danger sa sécurité, en l’exposant au risque d’être à nouveau agressée par sa belle-famille. Elle précise à cet égard que « les rares guinéens et guinéennes qui sont notoirement opposés à [l’excision] subissent l’ostracisation, les insultes voire même la lapidation » et cite des rapports et des articles de presse constatant une absence de diminution de la pratique de l’excision.
Quant aux actes de violence subis de la part de sa belle-famille en raison de son opposition à l’excision de ses filles, la demanderesse précise qu’il y aurait certes eu une atteinte unique à son intégrité physique de la part de sa belle-mère et sa belle-sœur, mais qu’elle aurait cependant également subi des violences psychiques.
Pour s’opposer à l’argumentation du ministre ayant trait à l’absence de signalement des agissements de la part de sa belle-famille aux autorités guinéennes, elle rappelle que cet absence s’expliquerait par la défaillance du système judiciaire guinéen et fait valoir que les autorités locales refuseraient de recevoir des plaintes en raison de la circonstance selon laquelle la majeure partie de la population serait en faveur de l’excision, la demanderesse se prévalant encore de la difficulté de porter plainte contre une personne du proche entourage.
Elle ajoute encore que prendre ouvertement position contre l’excision l’exposerait au risque de se faire persécuter, tel qu’il ressortirait d’un rapport du « Bundesamt für Migration und Flüchtlinge » de 2020, intitulé « Länderreport 26 Guinea ».
A l’appui de sa demande de protection subsidiaire, la demanderesse invoque, en substance, les mêmes motifs que ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié. Plus particulièrement, elle fait valoir que les mutilations génitales seraient à qualifier de traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 48 b) de la loi du 18 décembre 2015 et que l’excision constituerait en Guinée une norme culturelle, religieuse ou traditionnelle, de sorte que son opposition à l’excision de ses filles l’exposerait à des risques réels et sérieux de subir des traitements inhumains et dégradants.
Elle prend ensuite position sur la question de la fuite interne, telle que prévue par l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, en soutenant que la réinstallation dans une autre région de la Guinée représenterait un double risque dans la mesure où, d’une part, sa belle-
famille pourrait essayer de la retrouver dans le but d’exciser ses filles et, d’autre part, elle risquerait d’être persécutée pour son choix « presque politique » de s’opposer à l’excision, la demanderesse soulignant que la Guinée serait l’un des pays ayant le pourcentage le plus élevé de femmes excisées, de sorte qu’il serait impossible d’obtenir une protection adéquate de la part des autorités étatiques.
11 Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Aux termes de l’article 2 h) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « protection internationale » se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire.
La notion de « réfugié » est définie par l’article 2 f) de ladite loi comme étant « tout ressortissant d’un pays tiers ou apatride qui, parce qu’il craint avec raison d’être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner […] », tandis que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » est définie par l’article 2 g) de la même loi comme « tout ressortissant d’un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d’origine ou, dans le cas d’un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l’article 48, l’article 50, paragraphes (1) et (2), n’étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n’étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays ».
Force est au tribunal de constater que tant la notion de « réfugié », que celle de « personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire » impliquent nécessairement des persécutions ou des atteintes graves, ou à tout le moins un risque de persécution ou d’atteintes graves dans le pays d’origine.
Par ailleurs, l’article 42 de la loi du 18 décembre 2015 dispose « (1) Les actes considérés comme une persécution au sens de l’article 1 A de la Convention de Genève doivent :
a) être suffisamment graves du fait de leur nature ou de leur caractère répété pour constituer une violation grave des droits fondamentaux de l’homme, en particulier des droits auxquels aucune dérogation n’est possible en vertu de l’article 15, paragraphe 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;
ou b) être une accumulation de diverses mesures, y compris des violations des droits de l’homme, qui soit suffisamment grave pour affecter un individu d’une manière comparable à ce qui est indiqué au point a). ».
Quant aux atteintes graves, l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 les définit comme :
« a) la peine de mort ou l’exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d’origine ; ou 12c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d’un civil en raison d’une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international ».
Dans les deux hypothèses, les faits dénoncés doivent être perpétrés par un acteur de persécutions ou d’atteintes graves au sens de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015, lesquels peuvent être :
« a) l’Etat ;
b) des partis ou organisations qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ;
c) des acteurs non étatiques, s’il peut être démontré que les acteurs visés aux points a) et b), y compris les organisations internationales, ne peuvent pas ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions ou les atteintes graves. », et aux termes de l’article 40 de la même loi : « (1) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves ne peut être accordée que par :
a) l’Etat, ou b) des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’Etat ou une partie importante du territoire de celui-ci, pour autant qu’ils soient disposés à offrir une protection au sens du paragraphe (2) et en mesure de le faire.
(2) La protection contre les persécutions ou les atteintes graves doit être effective et non temporaire. Une telle protection est généralement accordée lorsque les acteurs visés au paragraphe (1) points a) et b) prennent des mesures raisonnables pour empêcher la persécution ou des atteintes graves, entre autres lorsqu’ils disposent d’un système judiciaire effectif permettant de déceler, de poursuivre et de sanctionner les actes constituant une persécution ou une atteinte grave, et lorsque le demandeur a accès à cette protection. […] ».
Il se dégage des articles précités de la loi du 18 décembre 2015 que l’octroi du statut de réfugié est notamment soumis aux conditions que les actes invoqués sont motivés par un des critères de fond définis à l’article 2 f) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir la race, la religion, la nationalité, les opinions politiques ou l’appartenance à un certain groupe social, que ces actes sont d’une gravité suffisante au sens de l’article 42 (1), de la loi du 18 décembre 2015, et qu’ils émanent de personnes qualifiées comme acteurs aux termes des articles 39 et 40 de la loi du 18 décembre 2015, étant entendu qu’au cas où les auteurs des actes sont des personnes privées, elles sont à qualifier comme acteurs seulement dans le cas où les acteurs visés aux points a) et b) de l’article 39 de la loi du 18 décembre 2015 ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre les persécutions et, enfin, que le demandeur ne peut ou ne veut pas se réclamer de la protection de son pays d’origine. Cette dernière condition s’applique également au niveau de la demande de protection subsidiaire, conjuguée avec les exigences liées à la définition de l’atteinte grave reprises à l’article 48 de la loi du 18 décembre 2015 et rappelées précédemment.
Dans la mesure où les conditions sus-énoncées doivent être réunies cumulativement, le fait que l’une d’entre elles ne soit pas valablement remplie est suffisant pour conclure que le demandeur de protection internationale ne saurait bénéficier du statut de réfugié ou de celui conféré par la protection subsidiaire.
13 A l’appui de sa demande de protection internationale, la demanderesse invoque des violences physiques et psychiques de la part de sa belle-famille, sa crainte d’une future excision de sa fille mineure, (A5), imposée par sa belle-famille, ainsi qu’une crainte de persécution, voire d’atteintes graves en raison de son opposition à la pratique de l’excision.
Le tribunal relève qu’indépendamment de la qualification des craintes et agissements que la demanderesse redoute et de leur gravité, c’est à bon droit que le ministre a évoqué la possibilité pour la demanderesse de profiter d’une fuite interne.
A cet égard, l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « […] le ministre peut estimer qu’un demandeur n’a pas besoin de protection internationale lorsque, dans une partie du pays d’origine, a) il n’a aucune raison de craindre d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves ; ou b) il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves au sens de l’article 29, et qu’il peut, en toute sécurité et en toute légalité, effectuer le voyage vers cette partie du pays et obtenir l’autorisation d’y pénétrer et que l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’il s’y établisse. (2) Lorsqu’il examine si un demandeur a une crainte fondée d’être persécuté ou risque réellement de subir des atteintes graves, ou s’il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves dans une partie du pays d’origine conformément au paragraphe (1), le ministre tient compte, au moment où il statue sur la demande, des conditions générales dans cette partie du pays et de la situation personnelle du demandeur, conformément à l’article 26. A cette fin, le ministre veille à obtenir des informations précises et actualisées auprès de sources pertinentes, telles que le Haut-
Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Bureau européen d’appui en matière d’asile. ».
Ainsi, une possibilité de fuite interne ne saurait être considérée comme donnée que si, dans une partie du pays d’origine, le demandeur de protection internationale n’a pas une crainte fondée d’être persécuté ou ne risque pas réellement de subir des atteintes graves, ou bien si, dans une partie du pays d’origine, il a accès à une protection contre les persécutions ou les atteintes graves, à condition qu’il puisse effectuer le voyage vers cette partie du territoire en toute sécurité et légalité et qu’il puisse raisonnablement s’y établir. Il appartient dès lors au ministre d’identifier une zone sûre, accessible tant en pratique que légalement pour le demandeur, en tenant compte du profil de la personne concernée, étant en tout état de cause souligné qu’il incombe au ministre, sinon de prouver positivement l’absence de tout risque, respectivement l’accès à une protection suffisante, du moins d’examiner et d’énoncer de manière plausible pour quelles raisons il estime devoir et pouvoir, dans le contexte et pour les causes visées à l’article 41 de la loi du 18 décembre 2015, refuser la protection internationale.
Le ministre ne peut pas s’emparer d’un défaut par le demandeur d’établir l’impossibilité de la fuite interne, mettant ainsi la charge de la preuve du côté du demandeur de protection internationale.
A cet égard, le tribunal relève que les faits invoqués par la demanderesse en relation avec les agissements de sa belle-famille n’ont qu’un caractère local et familial, et ne sont pas susceptibles de se reproduire sur l’ensemble du territoire guinéen.
Le tribunal est ainsi amené à rejoindre le ministre dans sa position suivant laquelle la demanderesse est désormais séparée de son époux, de sorte qu’il lui est possible de se réinstaller dans une autre partie de son pays d’origine et loin de sa belle-famille et qu’elle peut, plus particulièrement, trouver refuge dans sa propre région natale, à …, où réside sa mère avec ses 14trois autres enfants. Ce constat n’est pas ébranlé par l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle ne serait pas en mesure de se réinstaller dans une autre région de son pays d’origine au motif que « […] le risque serait le double », alors que, d’une part, sa belle-famille pourrait essayer de la retrouver dans le but d’exciser ses filles et, d’autre part, « elle risquerait d’être persécutée pour son choix presque politique de ne pas vouloir pratiquer l’excision sur ses filles ».
En effet, en ce qui concerne tout d’abord la crainte de la demanderesse relative à une excision future de sa fille (A5), force est de prime d’abord de constater que son affirmation selon laquelle sa belle-famille pourrait la retrouver dans le but d’exciser ses filles est purement hypothétique dans la mesure où la demanderesse affirme elle-même ne pas avoir tenté de s’installer dans une autre région de son pays d’origine, de sorte que ses déclarations à cet égard restent à l’état de pures allégations.
Ensuite, il ressort plus particulièrement des déclarations de la demanderesse auprès du ministère qu’elle a quitté la Guinée ensemble avec son mari et sa fille mineure, (A5), avec lesquels elle a vécu à Conakry ensemble avec la famille de son mari et qu’elle s’est séparée de son époux en Libye. La belle-mère de la demanderesse réside la plupart du temps à Conakry et retourne de temps en temps à Beyla, un village qui se trouve, selon les déclarations de la demanderesse auprès du ministère, loin de …, où réside la mère de Madame (A1) ensemble avec ses trois autres enfants. Sur question de l’agent du ministère de savoir si la belle-mère pourrait retrouver les enfants qui se trouvent à …, la demanderesse a encore déclaré : « Ce ne sera pas facile de les retrouver. « Elle m’a dit qu’elle ne les laisserait pas à ma belle-mère »1.
Il ressort donc des déclarations de la demanderesse que ses enfants, et plus particulièrement sa fille aînée, laquelle n’est d’ailleurs pas excisée, se trouvent en sécurité chez leur grand-mère à ….
En outre, le rapport du « Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides » du 25 juin 2020, intitulé « GUINEE : Les mutilations génitales féminines (MGF) », dont se prévaut la demanderesse dans son acte introductif d’instance précise que, « le pourcentage d’excision varie d’un minimum de 18 % à N’Zérékoré à 48 % dans les régions de Mamou et de Boké » et constate une baisse de ce pourcentage dans les régions où l’UNICEF a travaillé le plus, cette baisse étant de 9,7% entre 2012 et 2018 dans la région … où réside la mère de la demanderesse avec les autres enfants de celle-ci.
Au vu de ce qui précède, le tribunal constate dès lors qu’il est raisonnable d’attendre de la demanderesse de s’installer dans sa région natale, à …, et de rejoindre ainsi sa mère et ses trois autres enfants.
En ce qui concerne ensuite la crainte de Madame (A1) d’être persécutée, voire de subir des atteintes graves en raison de son opposition à la pratique de l’excision, force est tout d’abord de constater que la demanderesse reste en défaut de préciser quels seraient les acteurs des persécutions ou des atteintes graves ainsi invoquées, de sorte que cette allégation est purement hypothétique, voire spéculative pour ne pas être étayée par un quelconque élément concret soumis à l’appréciation du tribunal.
Ensuite et contrairement à ce que prétend la demanderesse, il ressort du rapport précité du « Commissariat général aux réfugiés et aux apatrides » que (i) « D’après l’étude du 1 Rapport d’entretien, page 14.
15professeur … de 2015, 27 % des personnes enquêtées disent connaître des familles qui ne pratiquent pas l’excision et qu’en majorité, ces familles ne se cachent pas », (ii) « Dans les zones urbaines, une fille bien éduquée est acceptée partout qu’elle soit excisée ou pas », (iii) « Le rapport des Pays-Bas de mai 2020 affirme que les filles non excisées viennent presque toujours de Conakry. Dans les villes, la pression sociale sur les familles est en effet moins importante que dans les campagnes. Il arrive, d’après les sources consultées, que les parents qui vivent à la campagne envoient leurs filles en ville ou dans une autre région, pour échapper aux MGF » et (iv) « Le professeur … précise que, malgré les pressions et une stigmatisation sociale, les femmes qui refusent l’excision ne risquent ni violence, ni enlèvement, ni excision forcée. ».
Il se dégage donc du prédit rapport que, même si la pratique de l’excision reste répandue en Guinée, les femmes qui s’opposent à cette pratique ne risquent pas de violences particulières en raison de cette opposition. Ainsi, la demanderesse n’est pas exposée à un risque réel d’être persécutée ou de subir des atteintes graves à ….
Quant à la crainte de la demanderesse de subir à nouveau des pressions et violences de la part de sa belle-famille en raison de son opposition à l’excision de ses filles, il y a également lieu de constater qu’une installation à …, loin de Conakry et Beyla où réside sa belle-famille, permettrait à la demanderesse de se mettre à l’abri de tels agissements de la part de sa belle-
famille. Cette crainte n’est donc pas non plus fondée, étant rappelé que la demanderesse est séparée de son époux, de sorte qu’elle n’est pas obligée de retourner vivre chez sa belle-famille mais peut, au contraire, retourner vivre chez sa mère et ses trois autres enfants.
Il s’ensuit qu’au regard des éléments soumis à l’appréciation du tribunal, les conditions d’une fuite interne, et plus précisément une installation à … où réside la mère de la demanderesse et ses trois autres enfants, sont données en l’espèce, de sorte que c’est à bon droit que le ministre a refusé comme étant non fondées les demandes de protection internationale de Madame (A1) et de sa fille mineure sur base de cette considération.
Le recours en réformation est, dès lors, à rejeter comme non fondé.
2) Quant au recours visant l’ordre de quitter le territoire Etant donné que l’article 35, paragraphe (1), de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours en réformation contre l’ordre de quitter le territoire, un recours sollicitant la réformation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigé contre la décision ministérielle litigieuse. Le recours en réformation, ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai prévus par la loi, est recevable.
La demanderesse demande, principalement, la réformation de l’ordre de quitter le territoire comme conséquence de la réformation du refus d’une protection internationale, et, subsidiairement, elle invoque la violation de l’article 129 de la loi modifiée du 29 août 2008 concernant la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », dans la mesure où un retour dans son pays d’origine impliquerait une menace certaine pour sa vie.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce volet du recours.
Aux termes de l’article 34 (2) de la loi du 18 décembre 2015, « Une décision du ministre 16vaut décision de retour. […] ». En vertu de l’article 2 q) de la loi du 18 décembre 2015, la notion de « décision de retour » se définit comme « la décision négative du ministre déclarant illégal le séjour et imposant l’ordre de quitter le territoire ». Si le législateur n’a pas expressément précisé que la décision du ministre telle que visée à l’article 34 (2), précité, de la loi du 18 décembre 2015 est une décision négative, il y a lieu d’admettre, sous peine de vider la disposition légale afférente de tout sens, que sont visées les décisions négatives du ministre.
Il suit dès lors des dispositions qui précèdent que l’ordre de quitter le territoire est la conséquence automatique du refus de protection internationale.
Etant donné que le recours tendant à la réformation de la décision ministérielle portant refus d’octroi d’une protection internationale vient d’être rejeté, de sorte qu’un retour de la demanderesse et de sa fille mineure en Guinée ne les expose ni à des actes de persécutions, ni à des atteintes graves, le ministre a valablement assorti sa décision de refus d’un ordre de quitter le territoire, sans violer l’article 129 de la loi du 28 août 2008 qui proscrit la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants.
Il s’ensuit que le recours dirigé contre l’ordre de quitter le territoire est également à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision ministérielle du 22 décembre 2023 portant refus d’octroi d’un statut de protection internationale dans le chef de la demanderesse et dans celui de sa fille mineure ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre l’ordre de quitter le territoire ;
au fond, le déclare non justifié et en déboute ;
condamne la demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 mars 2025 par :
Daniel WEBER, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 17