Tribunal administratif N° 48116 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48116 2e chambre Inscrit le 31 octobre 2022 Audience publique du 17 mars 2025 Recours formé par Madame (A) et consort, …, contre une décision du conseil communal de la Ville de Dudelange et une décision du ministre de l’Intérieur en matière de plan d’aménagement général
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48116 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2022 par Maître Trixi LANNERS, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Diekirch, au nom de :
1) Madame (A), demeurant à L-…, et de 2) Monsieur (B), demeurant à L-…, tendant à l’annulation 1) de la délibération du conseil communal de la Ville de Dudelange du 25 octobre 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la Ville de Dudelange et 2) de la décision du ministre de l’Intérieur du 22 juillet 2022 approuvant la délibération du conseil communal de la Ville de Dudelange du 25 octobre 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la Ville de Dudelange ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Tessy SIEDLER, en remplacement de l’huissier de justice Gilles HOFFMANN, demeurant à Luxembourg, du 2 novembre 2022, portant signification de ce recours à l’administration communale de la Ville de Dudelange, ayant sa maison communale à L-3590 Dudelange, Place de l’Hôtel de Ville, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 21 novembre 2022 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de la Ville de Dudelange, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 23 janvier 2023 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 2023 par Maître Steve HELMINGER, au nom de l’administration communale de la Ville de Dudelange, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 février 2023 par Maître Trixi LANNERS, au nom de Madame (A) et de Monsieur (B), préqualifiés ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 13 mars 2023 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 22 mars 2023 par Maître Steve HELMINGER, au nom de l’administration communale de la Ville de Dudelange, préqualifiée ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que les actes attaqués ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Trixi LANNERS, Maître Steve HELMINGER et Monsieur le délégué du gouvernement Paul SCHINTGEN en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 2 décembre 2024.
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Lors de sa séance publique du 28 février 2020, le conseil communal de la Ville de Dudelange, ci-après dénommé « le conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après dénommé « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Dudelange qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
Par courrier du 3 août 2020, adressé au collège échevinal, Madame (A) et Monsieur (B), ci-après désignés par « les consorts (AB) », copropriétaires des parcelles inscrites au cadastre de la commune de Dudelange, section … de …, au lieu-dit « … », sous les numéros (P1), (P2), (P3), (P4), (P5), (P6), (P7), (P8), (P9), (P10), (P11) et (P12), ci-après désignées par les « parcelles litigieuses », soumirent leurs observations et objections à l’encontre du projet d’aménagement général.
Lors de sa séance publique du 25 octobre 2021, le conseil communal décida d’adopter le projet d’aménagement général en y apportant des modifications tenant compte des avis ministériels et des objections.
Par courrier de leur litismandataire du 12 novembre 2021, les consorts (AB) introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la délibération du conseil communal du 25 octobre 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général (« PAG »).
Par décision du 22 juillet 2022, le ministre approuva la délibération du conseil communal du 25 octobre 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG et déclara non fondée la réclamation des consorts (AB). Les passages de la décision ministérielle précitée se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :
« […] Ad réclamation (AB) (rec 10) Les réclamants sollicitent à ce que les parcelles cadastrales n° (P1), (P2), (P3), (P4), (P5), (P6), (P7), (P8), (P9), (P10), (P11) et (P12), actuellement classées en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier – nouveau quartier [PAP-NQ] », soient reclassées en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier – quartier existant [PAP-QE] ».
Le classement actuel des parcelles précitées permettra une urbanisation cohérente et rationnelle de la zone dans sa globalité et ceci moyennant la réalisation de travaux de viabilisation. Ce but ne saurait être atteint à travers un classement desdites parcelles en « zone soumise à un plan d’aménagement particulier – quartier existant [PAP-QE] ». A titre subsidiaire, il convient encore de rappeler que les constructions existantes bénéficient d’un droit acquis.
La réclamation est non fondée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 octobre 2022, les consorts (AB) ont fait introduire un recours tendant à l’annulation 1) de la délibération du conseil communal de la Ville de Dudelange du 25 octobre 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG de la Ville de Dudelange et 2) de la décision du ministre du 22 juillet 2022 approuvant la délibération du conseil communal de la Ville de Dudelange du 25 octobre 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG de la Ville de Dudelange.
I. Quant à la compétence du tribunal Le tribunal relève que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption du PAG, le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 22 juillet 2022 ayant statué sur la réclamation introduite par les demandeurs, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce.
II. Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le 1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.
développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, en application de son article 16, (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable et (ix) par la loi du 4 novembre 2024 portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre des actes déférés et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où ils ont été pris2, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par les lois précitées du 7 août 2023 et du 4 novembre 2024, entrées en vigueur postérieurement à la délibération du conseil communal du 25 octobre 2021 portant adoption du projet d’aménagement général ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.
Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.
III. Quant à la recevabilité du recours Dans le cadre de son mémoire en réponse, la partie communale invoque, de l’entendement du tribunal, une absence d’intérêt à agir dans le chef des requérants.
Après avoir exposé, d’une part, que l’intérêt à agir serait un élément essentiel de toute instance judiciaire et, partant, des actions devant les juridictions administratives afin de garantir une bonne administration de la justice et d’éviter la saisine abusive des juridictions en l’absence d’un litige né et actuel et, d’autre part, que les décisions déférées seraient le résultat d’un reclassement en zone d’habitation, intervenu à la suite de multiples demandes formulées en ce sens par les consorts (AB), elle fait valoir qu’il serait contradictoire pour les requérants de réclamer initialement un classement de leurs parcelles en zone constructible, pour ensuite contester la superposition de celle-ci d’une zone soumise à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » (« PAP NQ »), qui serait pourtant le corollaire nécessaire à un classement desdites parcelles en zone d’habitation 2 [HAB-2], ci-après désignée par « la zone [HAB-2] ». Cette incohérence serait accentuée par le fait que les parcelles concernées auraient déjà été soumises, sous l’empire de l’ancien PAG, à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier (« PAP »).
Dans le cadre de son mémoire en duplique, la partie communale maintient sa position quant à l’absence d’un grief dans le chef des consorts (AB) résultant de la modification de 2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 22 et les autres références y citées.
l’assiette du PAP NQ. Elle réfute également l’argument de ces derniers selon lequel le site « (AA) » aurait dû être inclus dans l’assiette du même PAP NQ que celui auquel leurs parcelles seraient soumises, dans la mesure où, selon les consorts (AB), la non-inclusion de ce site dans la même zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ entraînerait, d’une part, la nécessité de créer un accès sur leurs propres parcelles, alors qu’un tel accès existerait déjà sur ledit site « (AA) », et, d’autre part, la cession d’un pourcentage de terrains plus important pour chaque propriétaire. La commune précise, à cet égard, qu’indépendamment de l’intégration du site « (AA) » dans le PAP NQ à élaborer, les requérants devraient céder une partie significative de leurs parcelles à la commune afin de permettre le réaménagement intégral des voies de mobilité sur le site en question, dans le but d’assurer un développement cohérent et harmonieux de celui-
ci.
Enfin, la partie communale s’étonne des développements avancés par les requérants, selon lesquels la prévision de deux « routes » parallèles, sans connexion entre elles, dans le cadre de la refonte du PAG, entraînerait une utilisation irrationnelle du sol, alors que cette situation aurait déjà existé avant la refonte du PAG.
Elle conteste, dès lors, toute aggravation de la situation des parties requérantes à travers les décisions déférées de nature à justifier un intérêt à agir dans leur chef.
Les parties requérantes concluent, quant à elles, au rejet de ce moyen d’irrecevabilité.
En ce qui concerne l’intérêt à agir des consorts (AB), il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante des juridictions administratives que le recours introduit devant le juge administratif contre un projet d’aménagement général communal n’est recevable qu’à condition de l’épuisement de la procédure non contentieuse de réclamation, entraînant qu’en particulier l’omission d’emprunter la voie de la réclamation à adresser au gouvernement à l’encontre de la délibération portant adoption d’un projet entraîne l’irrecevabilité omisso medio du recours devant le juge administratif. Il ressort de cette même jurisprudence qu’en contrepartie, peu importe que cette réclamation ait été déclarée irrecevable ou non fondée par le ministre, le réclamant en question dispose d’un intérêt à voir vérifier la légalité de la décision ministérielle prise à son encontre et, plus loin, de la délibération communale ainsi approuvée, de sorte que son recours en annulation est recevable sous l’aspect de l’intérêt à agir au-delà de toutes autres considérations fussent-elles du domaine politique. Dès lors, le fait même pour le ministre d’avoir statué sur une réclamation en la déclarant recevable, mais en l’écartant au fond, suffit pour fonder l’intérêt à agir dudit réclamant. Celui-ci doit pouvoir faire contrôler la légalité de la décision ministérielle prise à son égard, à l’aboutissement de la procédure non contentieuse d’adoption sinon de modification du PAG dont s’agit sous peine de ne pas disposer d’un recours effectif en la matière3.
Ainsi, du moment qu’une personne ayant formulé une réclamation, même en n’étant pas propriétaire, ne s’est pas vu opposer une irrecevabilité par le ministre, mais a été déboutée au fond, celle-ci garde un intérêt à agir suffisant pour porter cette réclamation devant les juridictions4.
En l’espèce, les consorts (AB) ont formulé en date du 12 novembre 2021 une réclamation auprès du ministre à l’encontre de la délibération du conseil communal du 25 3 En ce sens : Cour adm., 19 janvier 2012, n° 28915C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu; voir aussi : trib.
adm., 24 mars 2004, n° 16556 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 413 et les autres références y citées.
4 Cour adm., 15 février 2022, n° 46375C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 400.
octobre 2021, réclamation qui a été déclarée recevable, mais non fondée par le ministre dans sa décision du 22 juillet 2022.
Eu égard aux considérations qui précèdent, les consorts (AB) disposent d’un intérêt suffisant à agir par le seul fait d’avoir introduit une réclamation qui n’a pas été accueillie favorablement par le ministre.
Le moyen tiré d’un défaut d’intérêt à agir dans le chef des consorts (AB) encourt, dès lors, le rejet.
A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le tribunal conclut que le recours en annulation est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
IV. Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs précisent que les parcelles litigieuses comprendraient 70 garages du type « box », une maison unifamiliale donnée en location, 16 emplacements destinés au stationnement pour voitures, ainsi qu’un jardin longeant le trottoir de la ….
Ils expliquent qu’en 2003, les parcelles en cause auraient été classées, de manière tout à fait incompréhensible – compte tenu de leur affectation et de leur classement en zone d’habitation depuis de longues années – en zone commerciale et artisanale. Ils auraient, depuis lors, sollicité sans cesse leur reclassement en zone d’habitation, demande à laquelle il aurait finalement été fait droit par la commune à travers la délibération du 25 octobre 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG, lors de laquelle leurs parcelles auraient été classées en zone [HAB-2], classement qu’ils ne contesteraient évidemment pas à travers le présent recours, leurs contestations se limitant à la superposition de leurs parcelles d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ.
En droit, les demandeurs contestent la superposition de leurs parcelles d’une zone soumise à un PAP NQ en arguant que ce classement serait le résultat d’une erreur manifeste d’appréciation, ainsi que d’une violation de la loi. En ce qui concerne le reproche tenant à une violation de la loi, ils soutiennent que la part de terrains qu’ils devraient céder à la commune dépasserait largement le quart de leur propriété, rendant cette cession disproportionnée par rapport à la surface totale de leurs parcelles.
Après avoir souligné que le rôle du ministre ne devrait pas se limiter à vérifier la conformité « de l’approbation communale » aux dispositions de la loi du 19 juillet 2004, à ses règlements d’exécution et à l’intérêt général, mais qu’en application de l’article 18 de cette même loi, il serait investi à la fois d’un pouvoir d’approbation et d’un pouvoir de statuer sur les réclamations portées devant lui, les demandeurs lui reprochent de ne pas avoir examiné le fond de leur réclamation, faute d’avoir pris position par rapport à tous leurs arguments et notamment à ceux tenant au pourcentage excessif et disproportionné des terrains à céder par eux et au tracé de la nouvelle rue résidentielle. Il s’ensuivrait que la décision ministérielle serait manifestement entachée d’une erreur d’appréciation et procéderait d’une violation de la loi.
Pour sous-tendre ces reproches, ils font valoir, concernant la cession de plus de 25% de leur propriété à la commune, que bien que l’article 34 de la loi du 19 juillet 2004 prévoirait cette possibilité sous condition d’établir une convention réglant les modalités de cette cession, il n’en resterait pas moins que le pourcentage de la surface de leurs parcelles à céder, tel que prévu par les décisions déférées, serait disproportionné, même en cas de paiement d’une indemnité en leur faveur. Cette disproportion résiderait dans le fait que la majeure partie de la surface du PAP NQ à céder à la commune se situerait sur leurs parcelles à l’exclusion de celles des autres propriétaires, qui ne devraient céder qu’un pourcentage infime de leur propriété. Ils exposent que cette cession disproportionnée de surface de leurs terrains s’expliquerait par le fait que le schéma directeur préconiserait le passage de la nouvelle rue résidentielle – à aménager entre la … et la rue … – quasi exclusivement sur leurs parcelles, et plus particulièrement à l’endroit où se situeraient actuellement 47 de leurs garages et la rampe donnant « accès au terrain et à la maison ». Les demandeurs concluent que le caractère disproportionné des pourcentages à céder de leurs parcelles par rapport à leur surface totale du PAP NQ violerait leur droit de propriété et conduirait à une rupture dans l’égalité de traitement avec les autres propriétaires de parcelles soumises au même PAP NQ.
Ainsi, tout en concédant comprendre la nécessité d’une cession gratuite à la commune de 25% de la surface du PAP NQ visé pour la mise en place d’aménagements publics, les consorts (AB) sont d’avis que les pourcentages à céder devraient être pondérés sur la surface globale du PAP NQ et entre les différents propriétaires. Ils indiquent, à ce propos, que la perte de 47 garages engendrerait pour eux une perte de loyer de … euros par an, y non incluses la valeur des constructions, qui pourrait être chiffrée à environ … euros, et la valeur du terrain à abandonner, ce qui serait constitutif d’une perte sèche excessive. Ils précisent encore que suite à la cession importante de leurs terrains et en raison des reculs et distances à respecter pour la construction de maisons, ils pourraient uniquement encore construire quelques rares maisons sur la surface restante de leurs parcelles, de même que le rendement qu’ils percevraient suite à ces constructions ne compenserait aucunement la perte des loyers actuellement touchés.
S’agissant ensuite du tracé de la rue résidentielle, les demandeurs expliquent que la « société (AA) » exploiterait, sur les parcelles situées au nord des leurs, une entreprise de vente de boissons et que sur le site de cette société se trouverait déjà une rue, respectivement un accès de plusieurs mètres de largeur, qui serait parallèle à la rue résidentielle projetée.
L’aménagement de la rue résidentielle conduirait, partant, à la réalisation de deux routes parallèles l’une à l’autre, ce qui serait contraire à une utilisation rationnelle des surfaces et à un développement harmonieux. En effet, selon eux, une utilisation rationnelle du sol aurait requis d’intégrer le site « (AA) » dans le PAP NQ et d’utiliser la rue d’ores et déjà existante au lieu d’aménager à une distance inférieure à 10 mètres de celle-ci une nouvelle rue. Les demandeurs exposent qu’alternativement, la création d’une nouvelle rue serait à prévoir à un autre endroit pour permettre tant l’accès au fond de leurs parcelles et « des parcelles de (BB) », situées au sud de leurs parcelles, que l’accès à partir de la rue … vers la rue déjà existante sur la parcelle de l’entreprise « (AA) ».
Dans le cadre de leur mémoire en réplique, les consorts (AB) exposent que l’élaboration d’un PAP NQ constituerait certes le principe, mais que l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 prévoirait la possibilité pour les communes de soumettre certaines zones à des plans d’aménagement particulier « quartier existant » (« PAP QE »). La soumission de leurs parcelles à un tel PAP QE aurait été, selon les demandeurs, plus opportune pour aboutir à une meilleure utilisation de la surface disponible en raison du fait que celui-ci permettrait l’aménagement de plus de logements. Ils contestent, dès lors, l’affirmation de la partie étatique selon laquelle le PAP NQ permettrait de « valoriser au maximum » leur patrimoine. En effet, une meilleure valorisation pourrait être obtenue sans la cession de parties importantes de leurs parcelles, respectivement en maintenant le site « (AA) » dans le PAP NQ, tout en prévoyant un autre accès aux parcelles de tous les propriétaires concernés.
Tant la commune que la partie étatique concluent au rejet du recours sous analyse pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Analyse du tribunal Le tribunal rappelle à titre liminaire qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, il n’est pas lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties à l’instance, mais qu’il lui appartient de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent.
Il convient de relever que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et, dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations5.
Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité6.
S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle 5 Trib. adm., 20 octobre 2004, n° 17604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 217 et les autres références y citées.
6 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.
exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés7.
Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par :
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;
(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;
(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-
dessus ;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».
L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».
Il convient encore de noter que la décision d’adopter, respectivement de modifier un PAG est, dans son essence même, prise dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire8.
Par ailleurs, il échet de rappeler que la mutabilité des PAG relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné9. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’un dépassement dans le 7 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17315 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 847 et les autres références y citées.
8 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 10 et les autres références y citées.
9 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 (1er volet) et les autres références y citées.
chef des autorités compétentes de leur marge d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-
après.
En l’espèce, il ressort de l’extrait de la partie graphique de l’ancien PAG, tel que reproduit dans le mémoire en réponse de la partie étatique, que sous l’empire de l’ancien PAG, les parcelles litigieuses étaient classées en zone d’activités commerciales et artisanales, et superposées d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP.
Le tribunal constate que suivant la partie graphique du PAG refondu, les parcelles litigieuses sont désormais classées en zone [HAB-2], superposée d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ.
Il y a lieu de relever que les demandeurs contestent, dans le cadre du présent recours, uniquement la superposition des parcelles litigieuses d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ. Dans la mesure où ils n’ont soulevé aucun moyen par rapport au classement de leurs parcelles en zone [HAB-2], la légalité de ce classement n’a pas à être examinée par le tribunal.
Tout en reprochant au ministre de ne pas avoir pris position par rapport à tous leurs arguments mis en avant dans leur réclamation, ils soutiennent en ce qui concerne plus particulièrement la superposition de leurs parcelles d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ que celle-ci reposerait sur une erreur manifeste d’appréciation et violerait la loi du 19 juillet 2004, de même qu’ils affirment que la superposition de leurs parcelles d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP QE ou, du moins, l’intégration de la société « (AA) » dans le PAP NQ visé, aurait été plus opportune.
i. Quant aux reproches tenant à une absence de motivation suffisante de la décision ministérielle du 22 juillet 2022 En reprochant au ministre de ne pas avoir pris position par rapport à tous les arguments invoqués dans leur réclamation, les demandeurs se prévalent, de l’entendement du tribunal, d’un défaut de motivation de la décision ministérielle du 22 juillet 2022 approuvant la délibération du conseil communal du 25 octobre 2021.
Il convient, à cet égard, de rappeler que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des constructions qu’ils concernent et le régime des constructions à y élever, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé10. Le fait qu’un acte est susceptible d’avoir des effets sur un nombre indéterminé de personnes suffit à lui seul pour lui conférer le caractère d’un acte réglementaire, même s’il n’établit pas de mesure générale et abstraite. Les projets d’aménagement ont pour but et pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des agglomérations qu’ils concernent et les régimes des constructions à y ériger. Ces dispositions s’imposent indistinctement à toutes les propriétés foncières comprises dans le rayon des plans11. Or, contrairement à ce qui est imposé pour les décisions administratives individuelles par l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relative à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, inapplicable en matière réglementaire, 10 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 88 et les autres références y citées.
11 Cour adm., 17 juin 1997, n° 9481C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 89 et les autres références y citées.
aucun texte n’oblige l’administration à formuler de manière expresse et explicite les motifs gisant à la base d’un acte à caractère réglementaire, dont toutefois le motif doit être légal et à cet égard vérifiable par la juridiction administrative12. En effet, au-delà de l’absence d’exigence légale ou réglementaire spécifique à l’indication des motifs, les actes administratifs à caractère réglementaire doivent cependant reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité. Ces motifs doivent être retraçables à la fois par la juridiction saisie et par les administrés, afin de permettre l’exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi13.
En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision du ministre du 22 juillet 2022 portant approbation de la délibération du conseil communal du 25 octobre 2021 est motivée à suffisance de droit.
En effet, il se dégage de la décision ministérielle que le ministre a entériné le choix communal de superposer les parcelles litigieuses d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ en estimant que cette superposition permettrait une urbanisation cohérente et rationnelle de la zone à laquelle ces parcelles appartiennent et ce, par la réalisation de travaux de viabilisation. Le ministre a, en même temps, insisté sur le fait que ce but d’une urbanisation cohérente et rationnelle de ladite zone ne pourrait pas être atteint par la superposition des parcelles litigieuses d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP QE. A toutes fins utiles, le ministre a encore rappelé que les constructions existantes sur les parcelles litigieuses bénéficieraient d’un droit acquis.
Au vu de ces considérations, il doit être admis que la décision ministérielle d’entériner le choix communal consistant à superposer les parcelles litigieuses d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ au lieu d’un PAP QE se trouve motivée à suffisance de droit, étant relevé qu’à travers cette même motivation, le ministre doit être considéré comme ayant pris position par rapport à l’ensemble des considérations soulevées par les demandeurs qui visaient, en effet, toutes à contester pour différentes raisons la superposition de leurs parcelles d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ.
Pour être tout à fait complet, le tribunal se doit, à cet égard, de relever qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’impose à l’autorité ministérielle de prendre position individuellement par rapport à tous les moyens ou arguments invoqués à l’appui d’une réclamation dirigée à l’encontre de la délibération du conseil communal portant adoption du projet d’aménagement général. A cela s’ajoute que la motivation en question, qui a été complétée par les explications de la partie étatique dans ses mémoires en réponse et en duplique, est suffisamment précise pour permettre aux demandeurs d’assurer la défense de leurs intérêts en connaissance de cause et au tribunal de vérifier la légalité des motifs invoqués.
Il s’ensuit que le moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision ministérielle est à rejeter pour ne pas être fondé.
12 Cour adm., 7 décembre 2004, n° 18142C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 120 et les autres références y citées.
13 Cour adm., 27 septembre 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires (Recours contre les), n° 36 et les autres références y citées.
ii. Quant aux reproches visant le choix communal, entériné par la décision ministérielle, de superposer les parcelles litigieuses d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ au lieu d’un PAP QE Le tribunal relève, en ce qui concerne la superposition des parcelles litigieuses d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ, qu’aux termes de l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004, « Le plan d’aménagement particulier précise et exécute les dispositions réglementaires du plan d’aménagement général concernant une zone ou partie de zone.
Il revêt la forme d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier ». Les communes peuvent toutefois définir dans leur plan d’aménagement général des terrains ou ensembles de terrains constituant une zone urbanisée pour lesquels un plan d’aménagement particulier « quartier existant » est à élaborer.
On entend par zone urbanisée des terrains ou ensembles de terrains qui sont entièrement viabilisés conformément à l’article 23, alinéa 2, sans préjudice de la nécessité de procéder à d’éventuels travaux accessoires de voirie appliqués aux accotements et trottoirs ou impliquant une réaffectation partielle de l’espace routier. », l’article 23, alinéa 2 de la même loi précisant, en ce qui concerne les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité d’un PAG, que « Ces travaux comprennent la réalisation des voies publiques, l’installation des réseaux de télécommunication, ainsi que des réseaux d’approvisionnement en eau potable et en énergie, des réseaux d’évacuation des eaux résiduaires et pluviales, de l’éclairage, de l’aménagement des espaces collectifs, des aires de jeux et de verdure ainsi que des plantations. ».
Il suit des dispositions qui précèdent que le PAP NQ est la forme de droit commun, tandis que le PAP QE constitue l’exception. Les PAP NQ sont ainsi exigés pour l’aménagement de zones non encore urbanisées ou seulement partiellement urbanisées tandis que les PAP QE peuvent s’appliquer aux zones entièrement urbanisées14. Il y a lieu de relever que suivant les documents parlementaires à la base de la loi du 3 mars 201715, le législateur a prévu dorénavant un seul critère « d’application plus aisée et répondant davantage aux besoins des autorités communales lors de l’exécution du PAG », à savoir que le terrain en cause soit viabilisé, permettant aux communes « une plus grande flexibilité […] lors du classement de terrains en zone urbanisée pour lesquels un plan d’aménagement particulier « quartier existant » est à élaborer [alors que la version de l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 en vigueur avant la loi du 3 mars 2017 disposait] que seuls les terrains ou ensembles de terrains dont au moins la moitié des parcelles [était] construite et qui [étaient] viabilisés [pouvaient] être considérés comme zone urbanisée ». Cette première condition menait « constamment à une certaine insécurité juridique étant donné que des critères clairs et précis [faisaient] défaut pour déterminer si un terrain [était] construit ou non et pour quantifier les parcelles d’ores et déjà construites ». S’il est vrai que le seul critère pour déterminer si une parcelle est classée dans une zone soumise à l’élaboration d’un PAP QE est dorénavant la viabilisation de la parcelle, il n’en reste pas moins que la possibilité pour une commune d’identifier des zones soumises à l’élaboration d’un PAP QE ne fait du sens que dans des zones qui sont d’ores et déjà urbanisées contenant les éléments énumérés à l’article 23 de la loi du 19 juillet 200416.
14 Avis du Conseil d’Etat n° 49.260 du 7 juin 2011 sur le projet de règlement grand-ducal concernant le contenu du plan d’aménagement particulier «quartier existant» et du plan d’aménagement particulier «nouveau quartier» portant exécution du plan d’aménagement général d’une commune.
15 Doc. Parl. 6704-13, rapport de la commission de la Fonction publique et de la Réforme administrative, page 19.
16 Trib. adm., 25 mai 2020, n° 40556 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
Il s’ensuit encore que la décision de définir des zones soumises à l’obligation d’élaborer un PAP QE relève d’un pouvoir discrétionnaire du conseil communal dans la mesure où les communes disposent de la faculté mais non pas de l’obligation de définir de telles zones dans leur PAG, conformément à l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004. Ainsi, même en présence d’un terrain entièrement viabilisé, l’autorité communale n’est pas obligée de le soumettre à un PAP QE, mais conserve le droit de privilégier un classement en zone soumise à un PAP NQ sous réserve que ce choix ne soit pas affecté par une erreur d’appréciation.
La désignation relève donc d’un choix d’opportunité politique qu’il n’appartient pas au tribunal de vérifier sauf s’il apparaît que ce faisant, l’autorité a dépassé sa marge d’appréciation.
L’analyse du tribunal s’effectuera dès lors dans ce contexte17.
Or, en l’espèce, il n’apparaît pas, à la lumière des éléments soumis au tribunal qu’en décidant de superposer les parcelles des demandeurs d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ, le conseil communal et, à sa suite, le ministre auraient dépassé leur marge d’appréciation. Le tribunal constate encore, à cet égard, que l’argumentation des demandeurs se limite à prétendre que la superposition desdites parcelles d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP QE permettrait la création de plus de logements.
Il y a au contraire lieu de relever qu’il se dégage des explications circonstanciées des parties défenderesses, non utilement remises en cause par les demandeurs, que sur les parcelles litigieuses – classées désormais en zone [HAB-2] et sur lesquelles la réalisation d’un projet résidentiel est envisagée – sont construites des garages en bande et qu’elles présentent une profondeur atteignant 155 mètres, de sorte qu’aucune de ces parcelles prise isolément, ni même la zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ prise dans son intégralité, ne peuvent être développées, respectivement urbanisées en profondeur, sans la réalisation préalable d’un concept global incluant les terrains voisins et sans la mise en place d’infrastructures publiques supplémentaires, telle qu’une rue desservante. En raison des contraintes liées à la particularité du site, à savoir sa profondeur, et à son affectation actuelle, non résidentielle, la position communale suivant laquelle la mise en place d’un tel concept global pour l’ensemble du site est indispensable pour le viabiliser et que l’élaboration d’un tel concept coordonné pour l’ensemble du site n’est pas garantie dans une zone soumise à un PAP QE, est retraçable à suffisance d’un point de vue urbanistique pour s’inscrire dans un objectif d’utilisation rationnelle du sol et de développement harmonieux et cohérent à l’endroit litigieux au sens de l’article 2 a) et b) de la loi du 19 juillet 2004.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation des demandeurs suivant laquelle la soumission de leurs parcelles à un PAP QE aurait été plus opportune en ce qu’elle aurait permis la mise en place de plus de logements.
En effet, aux termes de l’article 18.10 de la partie écrite du PAP QE, tel que reproduit dans le mémoire en duplique de la partie étatique :
« 18.10 Construction principale en deuxième position 17 Idem.
a) Dans les PAP QE de la zone d’habitation 1, zone d’habitation 2 et zone mixte urbaine, aucune construction servant à l’habitation ou à une destination assimilée servant au séjour de personnes ne peut être autorisée en deuxième position.
b) Dans les PAP QE de la zone d’habitation 1, zone d’habitation 2 et zone mixte urbaine, seules sont admises en deuxième position des constructions abritant des activités complémentaires de l’habitat, tel que des abris de jardins, serres, abris d’animaux, piscines et constructions similaires. ».
Il en résulte que la construction de logements en deuxième position est interdite dans le cadre du PAP QE. Ainsi, tel que l’a relevé à juste titre la partie étatique, la superposition des parcelles litigieuses d’une zone soumise à un PAP QE ne permettrait la réalisation de logements que sur la surface jouxtant immédiatement la voie publique, à l’exclusion des surfaces situées en profondeur, qui représentent cependant la majorité du site concerné. Il s’ensuit que, contrairement aux prétentions des demandeurs, le nombre de logements pouvant être construits dans le cadre d’un PAP QE serait largement inférieur à celui pouvant être réalisé dans le cadre d’un PAP NQ, grâce à la création d’une nouvelle voirie permettant la construction sur toute la surface dudit PAP NQ, contrairement à la construction unique en première position dans le cadre d’un PAP QE.
Au vu de toutes les considérations qui précèdent, le choix communal, tel qu’approuvé par le ministre, de soumettre les parcelles litigieuses à la réalisation d’un PAP NQ n’encourt aucune critique et doit, par ailleurs et tel que retenu ci-avant, être considéré comme s’inscrivant dans un objectif d’intérêt général, à savoir une utilisation rationnelle du sol, ainsi qu’un développement harmonieux et cohérent de l’endroit litigieux au sens de l’article 2 a) et b) de la loi du 19 juillet 2004. En effet, l’instrument urbanistique qu’est le PAP NQ permet, contrairement au PAP QE – qui définit d’ores et déjà les règles d’intégration des constructions et aménagements en fonction des caractéristiques du tissu bâti existant et dont le bourgmestre doit tenir compte lorsqu’il est saisi d’une autorisation en vue de l’élaboration d’un projet de construction –, une plus grande flexibilité pour développer en profondeur sur les parcelles litigieuses un projet d’aménagement.
Le moyen des demandeurs visant à critiquer la superposition de leurs parcelles d’une zone soumise à l’élaboration d’un PAP NQ au lieu d’une zone soumise à un PAP QE est, dès lors, à rejeter pour être non fondé.
iii. Quant au moyen visant à critiquer une cession disproportionnée et excessive de leur propriété pour la réalisation d’une rue résidentielle Pour ce qui est du moyen des demandeurs visant à critiquer le fait qu’ils devraient céder plus de 25% de leur propriété à la commune, ce qui serait un pourcentage de terrains à céder qui serait nettement supérieur à celui à céder par les autres propriétaires, entraînant de ce fait (i) une disproportion entre la surface des terrains à céder par eux et celle à céder par les autres propriétaires, (ii) un impact non négligeable sur leur droit de propriété et (iii) une perte financière excessive – cession qui s’expliquerait par le fait que le schéma directeur prévoirait la réalisation, également contestée, d’une rue résidentielle quasi exclusivement sur leurs parcelles –, le tribunal relève qu’à travers ce moyen, les demandeurs contestent en réalité le contenu du schéma directeur, qui est l’instrument urbanistique fixant la cession de plus de 25% des terrains à la commune, ainsi que la réalisation de la rue résidentielle critiquée.
Il y a lieu de relever que l’article 7 (2), alinéa 4 de la loi du 19 juillet 2004 dispose que :
« […] Le projet d’aménagement général est élaboré sur base d’une étude préparatoire qui se compose : […] c) de schémas directeurs couvrant l’ensemble des zones soumises à l’élaboration d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » tels que définis à l’article 25. […] Un règlement grand-ducal précise le contenu de l’étude préparatoire. ».
Quant à la nature juridique d’un schéma directeur, il se dégage des travaux parlementaires relatifs à la loi du 28 juillet 2011 modifiant celle du 19 juillet 2004, qu’il s’agit d’un « […] instrument de planification d’une hiérarchie supérieure, sans effet juridique direct, qui oriente non seulement l’élaboration des plans d’aménagement particulier „nouveau quartier“ mais qui permet également déjà au niveau de l’élaboration du projet d’aménagement général de définir des zones et leurs délimitations en connaissance de cause. »18.
Il convient dès lors de retenir que le schéma directeur constitue une composante de l’étude préparatoire sur base de laquelle un projet d’aménagement général est élaboré. L’étude préparatoire, tel que son nom l’indique, doit forcément précéder l’adoption d’un nouveau ou la modification d’un PAG. Le schéma directeur, faisant partie de l’étude préparatoire, constitue donc un élément préalable à l’élaboration ou la modification d’un PAG et est partant à considérer comme instrument d’orientation du développement urbain, dépourvu d’effet juridique direct19.
Ainsi, un schéma directeur n’est pas une fin en soi, en ce qu’il ne s’agit que d’un instrument de planification, ayant pour objet, notamment, de déterminer les orientations servant à définir et à délimiter les zones du projet d’aménagement général et à élaborer les PAP NQ20.
Il s’ensuit qu’une erreur affectant un tel schéma ne saurait justifier l’annulation du PAG que si elle a eu pour conséquence concrète des choix urbanistiques contraires à l’intérêt général.
Or, en l’espèce, le tribunal vient de retenir que les choix urbanistiques des autorités communale et étatique en ce qui concerne les parcelles litigieuses sont conformes à l’intérêt général, étant souligné à cet égard que le schéma directeur est lui-même motivé par des considérations d’intérêt général, les auteurs ayant en effet précisé qu’il pose le cadre pour :
« […] » Développer un projet d’habitation contemporain ; qui propose de nouveaux types d’habitation, qui est moins consommateur de terrain, qui offre une implantation optimale et qui garantit une grande qualité des espaces libres.
» Reconvertir en projet d’habitation un site déjà urbanisé, actuellement à vocation économique et de garages.
» Proposer une densité d’habitation en phase avec la localisation du site (environnement construit, desserte routière, transport en commun, capacité des infrastructures techniques, …).
» Garantir une mixité de typologie de logements.
» Développer des habitations à coût modéré sur une partie du projet.
» Garantir les interfaces avec le tissu bâti existant.
18 Projet de loi n° 6023, exposé des motifs, p.4.
19 Projet de loi n° 6023, exposé des motifs, p.4, et commentaire des articles, ad article 6, p. 24.
20 Trib. adm., 13 juillet 2021, n° 43826 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
» Créer des nouveaux espaces de rencontre conviviaux, de type placette et parc, accessibles à tous.
» Favoriser l’utilisation active et passive des énergies renouvelables. […] »21.
En outre, la loi du 19 juillet 2004 prévoit le schéma directeur sous la forme de document d’accompagnement du PAG, plus particulièrement en tant qu’instrument de planification en vue de l’élaboration du PAP NQ. Ainsi, son article 29 (2) dispose que « […] le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » est orienté par le schéma directeur […]. [L]e schéma directeur peut être adapté ou modifié par le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » à condition qu’une telle modification ou adaptation s’avère indispensable pour réaliser le plan d’aménagement particulier « nouveau quartier », respectivement pour améliorer la qualité urbanistique, ainsi que la qualité d’intégration paysagère. […] ». Les orientations du schéma directeur ne revêtent dès lors un caractère ni absolu, ni figé.
Il s’ensuit qu’en principe, le schéma directeur s’impose au PAP NQ qui est appelé à suivre les orientations par lui données. Par exception, le PAP NQ peut adapter ou modifier le schéma directeur dans la mesure où les conditions de la loi se trouvent vérifiées. Ces conditions se déclinent par le caractère indispensable en vue de la réalisation du PAP NQ, voire par l’amélioration de la qualité urbanistique ainsi que de la qualité d’intégration paysagère dudit PAP.
Ainsi, les critiques en relation avec la cession de plus de 25% des terrains à la commune par les consorts (AB), de même que celles en relation avec la réalisation de la rue résidentielle critiquée sont à rejeter pour manquer de pertinence dans le cadre du présent recours dirigé contre les décisions d’adoption, respectivement d’approbation du projet de PAG, alors qu’elles concernent en réalité la seule exécution du futur PAP NQ sur le site en cause.
Au vu de ces considérations, le moyen afférent est à rejeter pour être non fondé.
Au vu de tout ce qui précède, le recours est à rejeter pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
V. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure Les demandeurs sollicitent la condamnation de l’Etat et de la commune à leur payer une indemnité de procédure d’un montant de 3.000 euros en application de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, aux termes duquel « Lorsqu’il paraît inéquitable de laisser à la charge d’une partie les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, le juge peut condamner l’autre partie à lui payer le montant qu’il détermine ». Au vu de l’issue du litige, cette demande encourt le rejet.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
21 Page 2 du schéma directeur PAP NQ-SD 09.
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure, telle que formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, et lu à l’audience publique du 17 mars 2025 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 17