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14/03/2025 | LUXEMBOURG | N°47762

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 14 mars 2025, 47762


Tribunal administratif N° 47762 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47762 4e chambre Inscrit le 29 juillet 2022 Audience publique du 14 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47762 du rôle et déposée le 29 juillet 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à

la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A),...

Tribunal administratif N° 47762 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:47762 4e chambre Inscrit le 29 juillet 2022 Audience publique du 14 mars 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consorts, …, contre une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile, en matière police des étrangers

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47762 du rôle et déposée le 29 juillet 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Brésil), de nationalité brésilienne, ensemble Madame (B), née le … à … (Brésil), de nationalité brésilienne, ainsi que Monsieur (C), né le … à … (Portugal), de nationalité luxembourgeoise, demeurant tous ensemble à L-…, tendant à l’annulation d’une décision du ministre de l’Immigration et de l’Asile du 18 février 2022 rejetant sa demande de carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union et portant ordre de quitter le territoire à son encontre dans un délai de trente jours, ainsi que d’une décision ministérielle confirmative du 5 juillet 2022, rendue sur recours gracieux, et par laquelle le ministre a encore refusé sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 1er décembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif en date 27 décembre 2022 par Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, préqualifié, au nom et pour le compte de ses mandants ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 26 janvier 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions attaquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Shirley FREYERMUTH en remplacement de Maître Ardavan FATHOLAHZADEH, et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 5 novembre 2024.

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En date du 4 février 2022, Monsieur (A), ressortissant brésilien, introduisit une demande en obtention d’une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes, direction de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », en présentant son acte de naissance, son acte de mariage, l’acte de mariage de sa mère, Madame (B), ressortissante brésilienne, avec son beau-père, Monsieur (C),ressortissant luxembourgeois, ainsi que son inscription à une formation aéronautique dispensé par … asbl de la …, ci-après dénommée « la … », son inscription à des cours de langue anglaise du 27 septembre 2021 au 3 février 2022 et un certificat d’accomplissement d’un vol d’initiation le 6 décembre 2021.

Par décision du 18 février 2022, le ministre de l’Immigration et de l’Asile, ci-après désigné par « le ministre », refusa de délivrer à Monsieur (A) une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union, cette décision étant libellée comme suit :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre demande sous rubrique.

Je suis toutefois au regret de vous informer que je ne suis pas en mesure de faire droit à votre requête.

Conformément à l'article 12, paragraphe (1), point c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée, sont considérés comme membres de famille du citoyen de l'Union, les descendants directs et les descendants directs du conjoint ou du partenaire visés au point b) de la même loi, qui sont âgés de moins de 21 ans ou qui sont à sa charge.

Or, force est de constater que vous avez dépassé l'âge de vingt-et-un ans et que vous n'êtes pas à charge de votre beau-père, Monsieur (C).

En effet, les certificats récents d'inscription à une formation aéronautique ne peuvent pas être valablement pris en compte pour prouver que vous êtes à charge de votre beau-père au sens de l'article 12 précité.

Par ailleurs, aucun élément du dossier ne permet de constater que vous vous trouvez dans une situation d'indigence et que vous n'êtes pas en mesure de subvenir à vos besoins essentiels par vos propres moyens, vu votre jeune âge et l'absence de problèmes de santé allégués.

Ainsi, à défaut de preuves d'une situation de dépendance réelle et structurelle au moment de la demande de regroupement familial, vous ne pouvez pas bénéficier du droit de séjour de membre de famille d'un citoyen de l'Union au sens de l'article 12 (1) précité.

En ce qui concerne le droit de séjour de membre de famille prévu à l'article 12(2) de la loi précitée, force est de constater que vous ne satisfaites à aucune des conditions exigées.

Etant donné que vous ne remplissez pas non plus les conditions de séjour de plus de trois mois pour les ressortissants de pays tiers, l'autorisation de séjour vous est refusée en application de l'article 101, paragraphe (1), point 1. de la loi précitée Au vu des développements qui précèdent et en application de l'article 111, paragraphes (1) et (2) de la même loi vous êtes obligé de quitter le territoire endéans un délai de trente jours à partir de la notification de la présente, soit à destination du pays dont vous avez la nationalité, le Brésil, soit à destination du pays qui vous a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel vous êtes autorisé à séjourner.

A défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter sera exécuté d'office et vous serez éloigné par la contrainte. (…) ».

2 Par courrier du 25 février 2022, Monsieur (A) fut convoqué à un rendez-vous au ministère, fixé au 10 mars 2022, en vue de la préparation d’un retour volontaire.

Par courrier de son litismandataire du 8 mars 2022, Monsieur (A) fit introduire un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle de refus du 18 février 2022, tout en demandant au ministre de lui octroyer, à titre subsidiaire, une autorisation de séjour pour raisons privées sur le fondement de l’article 78 de la loi modifiée du 29 août 2008 portant sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après dénommée « la loi du 29 août 2008 ».

Il se dégage d’une note au dossier administratif du 11 mars 2022 que Monsieur (A) se présenta rendez-vous fixé en vue d’un retour volontaire et informa l’agent en charge du dossier de sa volonté de ne pas retourner dans son pays d’origine et de son souhait de rester auprès de sa mère sur le territoire luxembourgeois afin de pouvoir poursuivre sa formation.

Il ressort ensuite d’un rapport de la police grand-ducale, région sud-ouest, commissariat …, du 28 mars 2022, portant erronément la date du 28 mars 2021, avec la référence …, que la police se rendit en date du 23 mars 2022 au domicile de Monsieur (C) et de Madame (B) afin d’y vérifier la présence de Monsieur (A), ce qui fut confirmé à cette occasion.

Par courrier de son litismandataire du 20 avril 2022, Monsieur (A) s’enquit des suites réservées à son dossier.

Par décision du 5 juillet 2022, le ministre confirma sa décision de refus du 18 février 2022 de délivrer à Monsieur (A) une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union et refusa sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées, sur base de la motivation suivante :

« (…) J'ai l'honneur de me référer à votre recours gracieux du 8 mars 2022 dans l'affaire sous rubrique.

Après avoir procédé au réexamen du dossier, je suis toutefois au regret de vous informer qu'à défaut d'éléments pertinents nouveaux, je ne peux que confirmer ma décision du 18 février 2022 dans son intégralité.

En ce qui concerne votre demande d'autorisation de séjour pour des raisons privées au sens de l'article 78 de la loi modifiée du 29 août 2008 relative à la libre circulation des personnes et à l'immigration, je vous signale que certaines conditions doivent être remplies.

En effet, conformément à l'article 78, paragraphe (2) de loi du 29 août 2008 précitée, le ressortissant de pays tiers désirant solliciter une autorisation de séjour pour des raisons privées sur base du paragraphe (1) du même article doit justifier disposer de ressources suffisantes. Or d'après les documents versés au dossier, votre mandant n'est pas en possession de ressources propres et suffisantes.

A titre subsidiaire, afin de pouvoir bénéficier d'une autorisation de séjour pour raisons privées sur base de l'article 78, paragraphe (1), point c) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et de l'immigration, votre mandant et ses parents, doivent témoigner de liens personnels intenses, anciens et stables. Or, aucun document n'a été joint à votre demande pour prouver que les intéressés entretiennent de tels liens.

3 Étant donné que votre mandant ne témoigne dès lors pas d'une vie familiale effective préexistante, vu que les parents de votre mandant résident depuis plusieurs années au Luxembourg et que votre mandant réside au Brésil, il n'est pas porté atteinte de façon disproportionnée à leur droit à une vie familiale et privée.

Par conséquent, étant donné que Monsieur (A) n'est plus en possession d'une autorisation de séjour pour une durée supérieure à trois mois, son séjour est considéré comme irrégulier, conformément à l'article 100, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008 précitée.

Au vu des développements qui précèdent et en application de l'article 111, paragraphes (1) et (2) de la loi du 29 août 2008 précitée, Monsieur (A) est obligé de quitter le territoire endéans un délai de 30 jours, soit à destination du pays dont il a la nationalité, le Brésil, soit à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité, soit à destination d'un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner.

À défaut de quitter le territoire volontairement, l'ordre de quitter sera exécuté d'office et il sera éloigné par la contrainte. (…) ».

Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale, région sud-ouest, commissariat …, du 26 juillet 2022, portant erronément la date du 26 juillet 2021, avec la référence …, que la police se rendit à nouveau au domicile de Monsieur (C) et de Madame (B) pour constater que la situation concernant le lieu de résidence de Monsieur (A) demeurait inchangée.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 29 juillet 2022, inscrite sous le numéro 47762 du rôle, Monsieur (A), Madame (B) et Monsieur (C) ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 18 février 2022 rejetant sa demande de carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union et portant ordre de quitter le territoire à son encontre dans un délai de trente jours, ainsi que de la décision, sur recours gracieux, du ministre du 5 juillet 2022, confirmant la décision du 18 février 2022, et par laquelle le ministre a encore refusé sa demande en obtention d’une autorisation de séjour pour raisons privées.

Aucune disposition légale ne prévoyant de recours en réformation en matière de refus d’une autorisation de séjour, l’article 113 de la loi du 29 août 2008, prévoyant au contraire expressément un recours en annulation, seul un recours en annulation a pu être introduit contre les décisions déférées, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

A l’appui de leur recours et en fait, les demandeurs exposent les rétroactes gisant à la base des décisions déférées, tout en expliquant que Monsieur (A) serait arrivé dans l’espace Schengen en date du 3 août 2021, respectivement au domicile de sa mère et de son beau-père, afin de suivre une formation de pilote de ligne, sa profession de rêve, ce qu’il aurait commencé à faire à l’âge de 26 ans. Ils font encore valoir que la mère de Monsieur (A), qui aurait malheureusement dû quitter le Brésil au cours de l’année 2007, l’aurait confié aux soins de sa propre mère, à charge pour elle de financer l’éducation de son fils et les besoins de sa propre mère. Les demandeurs indiquent, dans ce contexte, que depuis quinze années, la mère et le beau-père de Monsieur (A) subviendraient aux besoins de ce dernier, ce qui ressortirait de diverses attestations testimoniales. Malgré le fait qu’ils auraient été séparés depuis denombreuses années, Monsieur (A) et sa mère n’aspireraient qu’à revivre ensemble, après toutes ses années de séparation lesquelles auraient été nécessaires pour assurer la meilleure éducation possible à Monsieur (A).

En droit, après avoir cité l’article 12 de la loi du 29 août 2008, les demandeurs concluent à l’annulation des décisions déférées pour erreur manifeste d’appréciation des faits alors qu’ils estiment que les conditions de l’article 12, paragraphe (2), point 1. de la loi du 29 août 2008, pour prétendre à la délivrance d’une carte de séjour en qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union, seraient remplies dans le chef de Monsieur (A) au motif qu’il aurait été à charge du ménage du citoyen de l’Union, bénéficiaire du droit de séjour à titre principal dans le pays de provenance. A cet égard, les demandeurs rappellent que Monsieur (A) serait le fils de Madame (B), ressortissante portugaise, respectivement le beau-fils de Monsieur (C), ressortissant luxembourgeois et que depuis l’année 2007 tant sa mère que son beau-père auraient subvenu financièrement aux besoins de Monsieur (A), resté au Brésil, et que depuis l’année 2015, ils auraient permis que ce dernier débute ses études de pilote, d’abord au Brésil, puis au Luxembourg, formation nécessitant un grand investissement personnel et financier.

Ils indiquent, par ailleurs, que depuis son départ du Brésil, Monsieur (A) serait très heureux de vivre aux côtés de sa mère et de son beau-père, eu égard aux nombreuses années qui l’auraient séparé de sa mère, lui ayant causé une peine indescriptible, tout en lui permettant désormais de comprendre, avec le recul, pourquoi sa mère aurait fait le choix de quitter le Brésil.

Concernant la situation des époux (C)- (B), les demandeurs font valoir qu’ils s’adonneraient tous deux à une activité salariée, qu’ils seraient propriétaires d’un appartement à Dudelange et qu’ils financeraient la formation de pilote de Monsieur (A), ce qui démontrerait qu’ils disposeraient de ressources financières suffisantes pour subvenir aux besoins de ce dernier, lequel n’aurait plus d’attaches au Brésil, faits qui seraient corroborés par les attestations testimoniales de la mère, ainsi que des amies de cette dernière, Madame …, Madame … et Madame ….

Les demandeurs font encore répliquer, à cet égard, que contrairement aux conclusions de la partie gouvernementale, selon lesquelles il ne serait pas établi que Monsieur (A) serait à charge de sa mère et de son beau-père, à défaut de tout élément de preuve en ce sens, il ressortirait notamment des attestations testimoniales versées que celles-ci seraient pertinentes quant au soutien financier et matériel envoyé par Madame (B) à son fils quand il aurait résidé au Brésil, alors qu’elle lui aurait envoyé de l’argent tous les mois, soit personnellement, soit par l’intermédiaire de son amie Madame … laquelle lui aurait rendu service en ce sens afin qu’elle puisse continuer à travailler.

Pour autant que nécessaire, les demandeurs sollicitent encore, dans le cadre de leur mémoire en réplique, en application de l’article 14 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après dénommée « la loi du 21 juin 1999 », l’audition des auteurs des attestations testimoniales, versées à l’appui de leur recours, en vue de confirmer le soutien financier de la mère à son fils, laquelle lui aurait envoyé de l’argent mensuellement.

Quant au refus d’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons privées, et après avoir cité l’article 78 de la loi du 29 août 2008, les demandeurs soutiennent que Monsieur (A) remplirait les conditions de l’article 78, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008 au motif que depuis plus de quinze années, sa mère puis son beau-père lui auraient porté un soutientant financier que moral et que l’intéressé ne constituerait pas une menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publique, respectivement qu’il ne serait pas une charge pour le système d’assistance sociale luxembourgeoise en ce qu’il serait logé, à titre gratuit, par les époux (C)-

(B) qui lui financeraient d’ailleurs sa formation de pilote de ligne. Ils en concluent qu’eu égard aux liens familiaux intenses, anciens et stables, le refus d’autoriser le séjour de Monsieur (A) porterait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale, atteinte disproportionnée et déraisonnable au regard des motifs de refus, de sorte que les décisions déférées seraient à annuler de ce chef.

Les demandeurs font encore répliquer, quant à ce moyen, qu’ils contestent l’affirmation étatique selon laquelle il n’y aurait pas de liens familiaux intenses, stables et anciens entre la mère et le fils, alors même que la mère aurait quitté le Brésil pour pouvoir assurer une meilleure éducation scolaire à son fils, ce qui lui aurait permis d’envoyer mensuellement de l’argent à sa propre mère, afin que celle-ci assure l’éducation matérielle et financière de son fils, jusqu’à ce que ce dernier puisse percevoir personnellement l’aide financière. Ils soutiennent que Madame (B) n’aurait pas renoncé à son fils, mais aurait fait le choix difficile de quitter le Brésil, pays caractérisé par la pauvreté et par l’absence de sécurité, dans le seul but de pourvoir aux besoins de son fils, étant encore précisé que leurs liens familiaux se seraient encore intensifiés du fait du sacrifice réalisé par celle-ci. Les demandeurs soulignent également que la formation de pilote de Monsieur (A) aurait pu commencer au Brésil, mais que son désir d’être physiquement et psychiquement soutenu par sa mère et son beau-père lui aurait fait ressentir le besoin de vivre auprès d’eux, de sorte qu’il y aurait lieu de conclure à l’existence de liens familiaux intenses, stables et anciens, confirmés par les attestations testimoniales versées, notamment les pièces 7 à 10.

Quant à l’invocation par la partie gouvernementale d’une violation de l’article 39, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, au motif que la demande de Monsieur (A) devrait être déclarée irrecevable pour avoir été introduite à un moment où ce dernier se trouvait en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, les demandeurs font encore répliquer, qu’étant donné que d’autres administrés, dans la même situation, auraient vu leur situation administrative régularisée sans qu’ils n’auraient eu besoin d’introduire leur demande conformément audit article, le principe d’égalité des administrés devant la loi serait à appliquer en l’espèce.

Les demandeurs font ensuite valoir que les décisions déférées seraient contraires à l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après dénommée « la CEDH », en ce que le ministre aurait porté une ingérence injustifiée dans l’exercice de leur droit au respect de leur vie privée et familiale au motif que l’ensemble des membres de la famille de Monsieur (A) se trouveraient sur le territoire luxembourgeois, alors qu’il n’aurait plus d’attaches au Brésil, impliquant que son renvoi dans ledit pays reviendrait « à l’exiler, dans son cas particulier, dans un pays étranger ».

Ils font encore répliquer, en maintenant en substance leurs développements contenus dans leur requête introductive d’instance, que les époux (C)-(B) auraient enfin la chance de pouvoir être réunis avec Monsieur (A) et vivraient, depuis sa venue sur le territoire luxembourgeois, une vie familiale, tout en continuant à subvenir à ses besoins, en l’hébergeant à leur domicile et en payant ses cotisations de sécurité sociale, tout en continuant à participer financièrement à sa formation de pilote, le tout dans une intention de rattraper les périodes pendant lesquelles la famille aurait été séparée, et pour cela, mettraient tout en œuvre pourl’accompagner dans sa formation de pilote afin que ce dernier puisse accomplir ce qu’il aurait toujours souhaité faire.

En s’appuyant sur plusieurs jurisprudences luxembourgeoises et belges, les demandeurs soutiennent que les décisions déférées méconnaîtraient encore le principe de proportionnalité alors que le ministre aurait fait un usage arbitraire et excessif de sa liberté d’appréciation.

En dernier lieu, les demandeurs critiquent la décision du ministre d’avoir déclaré le séjour de Monsieur (A) comme étant irrégulier sur le fondement de l’article 100, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008, alors qu’ils estiment qu’il s’agirait d’une erreur d’appréciation des faits, dans la mesure où Monsieur (A) pourrait prétendre à l’octroi d’une carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union, respectivement d’une autorisation de séjour pour raisons privées.

Le délégué du gouvernement pour sa part conclut au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.

En ce qui concerne la légalité interne de la décision déférée et à titre liminaire, le tribunal relève que lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation, il a le droit et l’obligation d’examiner l’existence et l’exactitude des faits matériels qui sont à la base de la décision attaquée, de vérifier si les motifs dûment établis sont de nature à motiver légalement la décision attaquée et de contrôler si cette décision n’est pas entachée de nullité pour incompétence, excès ou détournement de pouvoir ou pour violation de la loi ou des formes destinées à protéger des intérêts privés1.

Ensuite, il y a lieu de rappeler qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant2.

Force est d’abord de constater que les décisions ministérielles déférées comportent trois volets, à savoir (i) le rejet de la demande de carte de séjour de membre de famille d’un citoyen de l’Union présentée par Monsieur (A), (ii) le constat du caractère irrégulier de son séjour sur le territoire luxembourgeois et l’ordre de quitter ledit territoire, ainsi que (iii) le refus d’octroi, dans son chef, d’une autorisation de séjour pour raisons privées sur le fondement de l’article 78 de la loi du 29 août 2008.

Quant au rejet de la demande de carte de séjour, il y a lieu de relever que l’article 15 de la loi du 29 août 2008 prévoit : « (1) Pour un séjour d’une durée supérieure à trois mois, les membres de la famille du citoyen de l’Union doivent soit se faire enregistrer, s’ils sont eux-

mêmes citoyens de l’Union, soit, s’ils sont ressortissants d’un pays tiers, faire une demande de carte de séjour, dans les trois mois suivant leur arrivée, auprès de l’administration communale du lieu de leur résidence, d’après les modalités à déterminer par règlement grand-ducal, et ce sans préjudice des réglementations existantes en matière de registre de la population. (…) ».

1 Cour adm., 4 mars 1997, n° 9517C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Recours en annulation, n° 41 et les autres références y citées.

2 Trib. adm., 31 mai 2006, n° 21060 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Procédure contentieuse, n° 545 et les autres références y citées.Aux termes de l’article 12 de la loi du 29 août 2008, « (1) Sont considérés comme membres de la famille :

a) le conjoint ;

b) le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a contracté un partenariat enregistré conforme aux conditions de fond et de forme prévues par la loi modifiée du 9 juillet 2004 relative aux effets légaux de certains partenariats ;

c) les descendants directs et les descendants directs du conjoint ou du partenaire visé au point b) qui sont âgés de moins de 21 ans ou qui sont à charge ;

d) les ascendants directs à charge du citoyen de l’Union et les ascendants directs à charge du conjoint ou du partenaire visé au point b) ;

2) Le ministre peut autoriser tout autre membre de la famille, quelle que soit sa nationalité, qui n’est pas couvert par la définition figurant au paragraphe (1) à séjourner sur le territoire, s’il satisfait à l’une des conditions suivantes:

1. dans le pays de provenance, il a été à charge ou a fait partie du ménage du citoyen de l’Union bénéficiaire du droit de séjour à titre principal;

2. le citoyen de l’Union doit impérativement et personnellement s’occuper pour des raisons de santé graves du membre de la famille concerné.

3. Le partenaire avec lequel le citoyen de l’Union a une relation durable, dûment attestée. (…) ».

En vertu de l’article 15 de la loi du 29 août 2008, un ressortissant d’un pays tiers ayant la qualité de membre de famille d’un citoyen de l’Union européenne, qui souhaite séjourner au Luxembourg pour une durée supérieure à trois mois, est tenu de solliciter la délivrance d’une carte de séjour, dans les trois mois suivant son arrivée, tandis que pour pouvoir être qualifié de membre de famille, au sens de l’article 12, paragraphe (1) de la même loi, le descendant direct du conjoint du citoyen de l’Union européenne, tel que Monsieur (A), doit soit être âgé de moins de 21 ans soit être à charge.

Or, force est de constater que c’est à bon droit que le ministre a refusé la délivrance de l’autorisation de séjour sollicitée par Monsieur (A), en vertu de l’article 101, paragraphe (1), point 1. de la loi du 29 août 2008, alors que, tel que souligné par le délégué du gouvernement dans son mémoire en réponse, ce dernier ne remplissait pas, au moment de l’introduction de sa demande de carte de séjour, les conditions pour un séjour de plus de trois mois pour les ressortissants de pays tiers.

En effet, il est constant en cause, pour résulter du dossier administratif, que Monsieur (A) est entré dans l’Espace Schengen en date du 3 août 2021 et qu’il s’est maintenu sur le territoire luxembourgeois pendant plus de trois mois, suivant son arrivée, sans avoir demandé la carte de séjour de membre de famille relevant de l’une des catégories prévues à l’article 12 de la loi du 29 août 2008, tel que prescrit comme condition légale par l’article 15 de la même loi.

Par conséquent, au jour de l’introduction de sa demande de carte de séjour, le 4 février 2022, six mois s’étaient déjà écoulés depuis l’arrivée de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, de sorte que ce dernier n’a pas respecté les conditions légales prévues à l’article 15 de la loi du 29 août 2008, de sorte que ce volet du recours est d’ores et déjà à rejeter, sans qu’il n’y ait lieu de statuer sur les autres moyens y relatifs invoqués de part et d’autre.

Quant au constat du caractère irrégulier de son séjour sur le territoire luxembourgeois et l’ordre de quitter ledit territoire, force est au tribunal de constater, à l’instar de ce qui vient d’être relevé ci-avant, que, par la force des choses, à la date d’introduction de sa demande de carte de séjour en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union, Monsieur (A) se trouvait d’ores et déjà en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois depuis le 3 novembre 2021 pour s’être maintenu sur ledit territoire au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire luxembourgeois, sans être en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois.

En vertu de l’article 100, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, dans sa version applicable au moment de la prise des décisions litigieuses :

« (1) Est considéré comme séjour irrégulier sur le territoire donnant lieu à une décision de retour, la présence d’un ressortissant de pays tiers:

a) qui ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l’article 34;

b) qui se maintient sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation du visa, au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire;

c) qui n’est pas en possession d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d’une autorisation de travail si cette dernière est requise;

d) qui relève de l’article 117.

L’article 101, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit, quant à lui, que :

« (1) L'autorisation de séjour du ressortissant de pays tiers peut lui être refusée ou son titre de séjour peut être refusé ou retiré ou refusé d'être renouvelé:

1. s'il ne remplit pas ou plus les conditions fixées à l'article 38 et celles prévues pour chaque catégorie dont il relève ou s'il séjourne à des fins autres que celle pour laquelle il a été autorisé à séjourner; (…) ».

L’article 111, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 dispose que : « (1) Les décisions de refus visées aux articles 100, 101 et 102, déclarant illégal le séjour d’un étranger, sont assorties d’une obligation de quitter le territoire pour l’étranger qui s’y trouve, comportant l’indication du délai imparti pour quitter volontairement le territoire, ainsi que le pays à destination duquel l’étranger sera renvoyé en cas d’exécution d’office.».

Il suit de ces dispositions légales que le séjour irrégulier d’un ressortissant de pays tiers sur le territoire luxembourgeois dans les cas prévus à l’article 100, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, donne automatiquement lieu à une décision de retour, c’est-à-dire une décision déclarant le séjour illégal assortie d’un ordre de quitter le territoire conformément à l’article 111, paragraphe (1), précité, de la même loi, sans que le ministre ne dispose d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard. Il découle encore de l’article 101, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 que le ministre peut refuser une autorisation de séjour d’un ressortissant de pays tiers s’il séjourne à des fins autres que celle pour laquelle il a été autorisé à séjourner.

En l’espèce, à la date de la décision déférée du 18 février 2022, les conditions de l’article 100, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sont remplies dans le chef de Monsieur (A), alors qu’il « se maintient sur le territoire (…) au-delà de la durée de trois mois à compter de son entrée sur le territoire » et qu’il « n'est pas en possession d'une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois ou d'une autorisation de travail si cette dernière est requise », de sorte que le ministre pouvait à bon droit constater son séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois sur ledit fondement et prononcer un ordre de quitter le territoire à son égard en vertu de l’article 111, paragraphe (1) de la même loi.

Par ailleurs, si Monsieur (A) n’était certes pas soumis à l’obligation de visa au moment de son entrée sur le territoire luxembourgeois et pouvait légalement séjourner sur ledit territoire pour une durée allant jusqu’à trois mois, il n’en demeure pas moins qu’il s’est toutefois maintenu sur ledit territoire pour une durée de plus de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être en possession d’un titre de séjour l’y autorisant, de sorte qu’il a séjourné « à des fins autres que celle pour laquelle il a été autorisé à séjourner », autorisant le ministre à constater le séjour irrégulier de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, tout en prononçant un ordre de quitter ledit territoire à son encontre, sans qu’il n’y ait eu un excès de pouvoir dans le chef du ministre.

Les constatations qui précèdent ne sont pas énervées par le moyen fondé sur l’article 8 de la CEDH, aux termes duquel « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-

être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ».

A titre liminaire, le tribunal rappelle le principe de primauté du droit international, en vertu duquel un traité international, incorporé dans la législation interne par une loi approbative - telle que la loi du 29 août 1953 portant approbation de la CEDH - est une loi d’essence supérieure ayant une origine plus haute que la volonté d’un organe interne. Par voie de conséquence, en cas de conflit entre les dispositions d’un traité international et celles d’une loi nationale, même postérieure, la loi internationale doit prévaloir sur la loi nationale3/4.

Partant, le tribunal souligne que si les Etats ont le droit, en vertu d’un principe de droit international bien établi, de contrôler l’entrée, le séjour et l’éloignement des non-nationaux, ils doivent toutefois, dans l’exercice de ce droit, se conformer aux engagements découlant pour eux de traités internationaux auxquels ils sont parties, y compris la CEDH5.

Etant relevé que les Etats parties à la CEDH ont l’obligation, en vertu de son article 1er, de reconnaître les droits y consacrés à toute personne relevant de leurs juridictions, force est au tribunal de rappeler que l’étranger a un droit à la protection de sa vie privée et familiale en 3 Trib. adm., 25 juin 1997, nos 9799 et 9800 du rôle, confirmé par Cour adm., 11 décembre 1997, nos 9805C et 10191C, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 97 et les autres références y citées.

4 Trib. adm., 8 janvier 2004, n° 15226a du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 486 et les autres références y citées.

5 Voir par exemple en ce sens CourEDH, 11 janvier 2007, Salah Sheekh c. Pays-bas, n° 1948/04, § 135 ; Trib.

adm., 24 février 1997, n° 9500 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 501 et les autres références y citées.application de l’article 8 de la CEDH, d’essence supérieure aux dispositions légales et réglementaires faisant partie de l’ordre juridique luxembourgeois6.

Incidemment, il y a lieu de souligner que « l’importance fondamentale »7 de l’article 8 de la CEDH en matière de regroupement familial est par ailleurs consacrée en droit de l’Union européenne et notamment par la directive 2003/86/CE, prémentionnée, transposée par la loi du 29 août 2008, et dont le préambule dispose, en son deuxième alinéa, que « Les mesures concernant le regroupement familial devraient être adoptées en conformité avec l’obligation de protection de la famille et de respect de la vie familiale qui est consacrée dans de nombreux instruments du droit international. La présente directive respecte les droits fondamentaux et observe les principes qui sont reconnus notamment par l’article 8 de la convention européenne pour la protection des droits humains et des libertés fondamentales et par la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. ».

Il échet de conclure de ce qui précède qu’au cas où la législation nationale n’assure pas une protection appropriée de la vie privée et familiale d’une personne, au sens de l’article 8 de la CEDH, cette disposition de droit international doit prévaloir sur les dispositions législatives nationales éventuellement contraires.

Il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », que si la notion de « vie familiale » se limite normalement au noyau familial, la Cour a également reconnu l’existence d’une vie familiale au sens de l’article 8 de la CEDH, entre autres, entre frères et sœurs adultes8, et entre parents et enfants adultes9.

La Cour précise dans ces cas que « les rapports entre adultes (…) ne bénéficieront pas nécessairement de la protection de l’article 8 sans que soit démontrée l’existence d’éléments supplémentaires de dépendance, autres que les liens affectifs normaux. »10.

Il échet, par ailleurs, de rappeler à ce stade-ci des développements que la notion de vie familiale ne se résume pas uniquement à l’existence d’un lien de parenté, mais requiert un lien réel et suffisamment étroit entre les différents membres dans le sens d’une vie familiale effective, c’est-à-dire caractérisée par des relations réelles et suffisamment étroites parmi ses membres, et existantes, voire préexistantes à l’entrée sur le territoire national11. Ainsi, le but du regroupement familial est de reconstituer l’unité familiale, avec impossibilité corrélative pour les intéressés de s’installer et de mener une vie familiale normale dans un autre pays12, à savoir, en l’occurrence, leur pays d’origine, le Brésil, pays que Monsieur (A) a quitté pour solliciter une autorisation de séjour au Luxembourg.

6 Trib. adm., 8 janvier 2004, n° 15226a du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 486 et les autres références y citées.

7 Voir « Proposition de directive du Conseil relative au droit au regroupement familial », COM/99/0638 final -

CNS 99/0258, 1er décembre 1999, point 3.5.

8 Voir en ce sens CourEDH, 24 avril 1996, Boughanemi c. France, n° 22070/93, § 35.

9 Voir CourEDH, 9 octobre 2003, Slivenko c. Lettonie, n° 48321/99, §§ 94 et 97.

10 Commission EDH, 10 décembre 1984, S. et S. c. Royaume-Uni (req. n° 10375/83), D.R. 40, p. 201 ; en ce sens, voir également, par exemple, CEDH, 17 septembre 2013, F.N. c. Royaume-Uni (req. n° 3202/09), § 36 ; CourEDH, 30 juin 2015, A.S. c. Suisse (req. n° 39350/13), § 49.

11 Cour adm., 12 octobre 2004, n° 18241C du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 488 (2e volet) et les autres références y citées.

12 Trib. adm., 8 mars 2012, n° 27556 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 488 (3e volet) et autres références y citées.Il y a dès lors lieu d’examiner en l’espèce si la vie privée et familiale dont font état Monsieur (A) et les époux (C)- (B) pour conclure dans leur chef à l’existence d’un droit à la protection d’une vie familiale par le biais des dispositions de l’article 8 précité rentre effectivement dans les prévisions de ladite disposition de droit international qui est de nature à tenir en échec la législation nationale.

Or, le tribunal est amené à relever que les demandeurs n’ont pas, à suffisance, prouvé l’existence d’une vie privée et familiale effective entre Madame (B) et son fils, respectivement entre Monsieur (C) et son beau-fils, ni l’existence d’éléments supplémentaires de dépendance autres que les liens affectifs normaux qui caractérisent les relations d’une personne adulte avec sa famille d’origine13.

En effet, force est de constater que Monsieur (A) est resté en défaut d’apporter des explications circonstanciées quant à l’existence d’une vie familiale effective entre lui et sa mère, Madame (B), et son beau-père, Monsieur (C), avant son arrivée sur le territoire luxembourgeois, dépassant les liens affectifs normaux entre une personne adulte et sa famille.

A ce titre, le tribunal constate qu’il ressort du dossier administratif que Monsieur (A) a rejoint les époux (C)- (B) au Luxembourg en date du 3 août 2021, de sorte qu’il est constant en cause que suite au départ de Madame (B) du Brésil en 2007, Monsieur (A) et cette dernière ont toujours vécu séparément et ont eu leurs centres d’intérêts dans deux pays différents, respectivement le Luxembourg et le Brésil.

Si les demandeurs soutiennent certes que le ministre aurait porté une ingérence injustifiée dans l’exercice de leur droit au respect de leur vie privée et familiale au motif que depuis quinze années les époux (C)- (B) subviendraient mensuellement aux besoins de Monsieur (A), force est toutefois de constater que ce dernier, âgé de 25 ans au moment des décisions litigieuses, était marié au Brésil au moment de l’introduction de sa demande de carte de séjour, de sorte que Monsieur (A) avait à cette époque déjà fondé sa propre famille avec son épouse, relation constituant tout au plus une vie privée et familiale effective au Brésil.

Par ailleurs, le tribunal constate qu’il ne se dégage pas davantage des pièces versées en cause par les demandeurs qu’il existerait entre Monsieur (A) et les époux (C)- (B), au-delà des liens affectifs normaux qui caractérisent les relations d’une personne adulte avec sa famille d’origine, des liens de dépendance supplémentaires, alors que l’argumentation selon laquelle les époux (C)- (B) auraient apporté un soutien financier mensuel à Monsieur (A) n’est pas de nature à établir l’existence d’éléments supplémentaires de dépendance autre que les liens affectifs normaux entre une mère et son fils, respectivement entre le beau-père et le beau-fils.

En effet, il ne ressort pas des attestations testimoniales et des autres pièces versées en cause que la présence de ce dernier au Luxembourg serait indispensable et qu’il existerait une impossibilité pour ce dernier de continuer à vivre au Brésil, ce qu’il avait d’ailleurs fait depuis le départ de sa mère en 2007, l’allégation selon laquelle l’ensemble des membres de sa famille se trouveraient sur le territoire luxembourgeois et qu’il n’aurait plus d’attaches au Brésil, son renvoi dans ledit pays revenant « à l’exiler, dans son cas particulier, dans un pays étranger », restant à l’état de pure allégation pour n’être soutenu par aucun élément objectif.

13 Voir, à cet égard : trib. adm., 27 mars 2006, n° 20921 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 516 et les autres références y citées.Partant, les demandeurs ne faisant pas état d’une vie familiale effective caractérisée par des éléments particuliers supplémentaires de dépendance autres que des liens affectifs normaux qui caractérisent les relations d’une personne adulte avec sa famille d’origine permettant d’invoquer le droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l’article 8 de la CEDH, le moyen y afférant encourt le rejet.

Il s’ensuit que le recours dirigé contre le refus de séjour et l’ordre de quitter le territoire est à rejeter.

Finalement quant au refus d’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons privées sur base de l’article 78 de la loi du 29 août 2008, qui prévoit que : « (1) A condition que leur présence ne constitue pas de menace pour l'ordre public, la santé ou la sécurité publiques et qu'ils disposent de la couverture d'une assurance maladie et d'un logement approprié, le ministre peut accorder une autorisation de séjour pour raisons privées:

a) au ressortissant de pays tiers qui rapporte la preuve qu'il peut vivre de ses seules ressources ;

b) aux membres de la famille visés à l'article 76 ;

c) au ressortissant de pays tiers qui ne remplit pas les conditions du regroupement familial, mais dont les liens personnels ou familiaux, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ;

(2) Les personnes visées au paragraphe (1) qui précède doivent justifier disposer de ressources suffisantes telles que définies par règlement grand-ducal. (…) ».

Il ressort de l’article précité qu’afin de pouvoir prétendre à l’octroi d’une autorisation de séjour pour raisons privées, un demandeur doit tout d’abord remplir les conditions préalables énumérées au premier et deuxième paragraphes de l’article 78 précité de la loi du 29 août 2008, c’est-à-dire ne pas constituer de menace pour l’ordre public, la santé ou la sécurité publiques, respectivement disposer de la couverture d’une assurance maladie et d’un logement approprié, ainsi que de ressources suffisantes, ces ressources étant définies par règlement grand-ducal.

Ensuite, il faut qu’au moins une des conditions énumérées aux points a), b) et c) de l’article 78, paragraphe (1) de ladite loi soit remplie, étant précisé que seul le point c) est pertinent en l’espèce.

L’hypothèse visée par le point c) dudit article permet ainsi au ministre d’accorder une autorisation de séjour aux ressortissants de pays tiers ne remplissant certes pas les conditions du regroupement familial, mais dont les liens personnels ou familiaux sont tels que le refus d’autoriser le séjour porterait une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de la vie privée ou familiale, l’article 78, paragraphe (1), point c) rejoignant ainsi les requis de l’article 8 de la CEDH.

Or, dans la mesure où le tribunal vient de retenir que les demandeurs n’ont pas fait état d’une vie familiale effective au sens de l’article 8 de la CEDH, il y a lieu de conclure, sur base du même raisonnement, et à défaut d’autres moyens, qu’il n’est pas établi que le refus de délivrance d’une autorisation de séjour porterait une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée ou familiale au sens de l’article 78, paragraphe (1), point c) de la loi du 29 août 2008, de sorte que le recours afférent est à rejeter.

Le recours en annulation est partant à rejeter pour n’être fondé dans aucun de ses volets, sans qu’il n’y ait lieu de prendre en considération les motifs complémentaires fournis par la partie étatique et les moyens afférents, dont l’analyse est devenue surabondante.

Par ces motifs, le tribunal administratif, quatrième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit le recours en annulation en la forme ;

au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;

condamne les demandeurs aux frais et dépens de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 14 mars 2025 par :

Olivier Poos, vice-président, Emilie Da Cruz De Sousa, premier juge, Anna Chebotaryova, attachée de justice déléguée, en présence du greffier Marc Warken.

s.Marc Warken s.Olivier Poos Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 14 mars 2025 Le greffier du tribunal administratif 14


Synthèse
Formation : Quatrième chambre
Numéro d'arrêt : 47762
Date de la décision : 14/03/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 15/03/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-03-14;47762 ?

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