Tribunal administratif N° 52420 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52420 1re chambre Inscrit le 21 février 2025 Audience publique du 26 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52420 du rôle et déposée le 21 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Cap-
Vert), et être de nationalité capverdienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 9 février 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 24 février 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Madame le délégué du gouvernement Danitza GREFFRATH en sa plaidoirie à l’audience publique du 26 février 2025.
Il ressort du dossier administratif que par arrêtés des 14 septembre 2020 et 15 mars 2021, le ministre de l’Immigration et de l’Asile déclara le séjour de Monsieur (A) irrégulier et lui ordonna de quitter le territoire luxembourgeois dans un délai de 30 jours, respectivement sans délai en prononçant à son égard une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.
Après avoir fait l’objet d’un placement au Centre de rétention entre le 10 mai 2021 et le 5 novembre 2021, Monsieur (A) fut élargi du Centre de rétention après avoir refusé de procéder au test COVID-19 ayant été à l’époque nécessaire afin de pouvoir procéder à son éloignement.
Il ressort d'un rapport de la police grand-ducale du 9 février 2025 que Monsieur (A) fut appréhendé par les forces de l’ordre lors d'un contrôle effectué à Esch-sur-Alzette lors duquel il présenta un passeport capverdien en cours de validité ainsi qu’une carte de sécurité sociale portugaise.
Par un arrêté du 9 février 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre des Affaires intérieures, entretemps en charge du dossier, ci-après désigné par « le ministre », déclara une nouvelle fois le séjour du requérant irrégulier, tout en lui ordonnant dequitter le territoire luxembourgeois sans délai et en prenant, à son égard, une nouvelle interdiction d'entrée sur le territoire pour une durée de trois ans.
Par arrêté séparé du même jour, le ministre décida de placer Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d'un mois à partir de la notification dudit arrêté, intervenue en mains propres le même jour. Cette décision est motivée comme suit :
« (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no … du 9 février 2025 établi par la Police grand-ducale, Région Sud-
Ouest, Commissariat … ;
Vu ma décision de retour du 9 février 2025, lui notifiée le même jour, assortie d'une interdiction d’entrée de 3 ans ;
Considérant que l'intéressé s’est maintenu sur le territoire sans être en possession d'un visa ;
Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 21 février 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 9 février 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur rappelle d’abord les faits et rétroactes, consistant essentiellement à expliquer qu’il se serait rendu au Luxembourg pour s’adonner à un travail d’artiste et qu’il aurait un rendez-vous au Portugal le 28 février 2025 afin de procéder au renouvellement de son titre de séjour.
En droit, le demandeur affirme que le placement au Centre de rétention constituerait une mesure extrême en ce qu’elle priverait systématiquement l’individu concerné de sa liberté de mouvement qui serait consacrée par l’article 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ». Une telle mesure de placement ne devrait partant intervenir qu’en cas de nécessité absolue justifiée par le comportement de l’individu concerné.
Il se réfère à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédurescommunes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par la « directive 2008/115/CE », pour soutenir que l’individu concerné devrait être immédiatement remis en liberté, dès lors qu’il présenterait des garanties de représentation propres à limiter sinon à exclure tout risque de fuite.
Le demandeur conteste tout risque de fuite dans son chef et donne à considérer qu’il aurait immédiatement collaboré avec les autorités luxembourgeoises en leur remettant son passeport capverdien, mais aussi en leur expliquant concrètement sa situation réelle pour permettre son identification.
Le demandeur affirme que son placement systématique au Centre de rétention résulterait incontestablement d’une appréciation erronée de sa situation individuelle mais aussi d’une violation de la loi.
Il se réfère à l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 pour soutenir que le placement en rétention serait facultatif pour le ministre et ne devrait être décidé qu’en l’absence de mesures alternatives moins coercitives, le demandeur affirmant qu’il n’existerait aucun élément tangible justifiant objectivement la prise d’une mesure de placement au Centre de rétention à son encontre et qu’il n’aurait jamais montré le moindre signe qui ferait présumer un quelconque risque de fuite dans son chef.
Il conclut à l’absence de risque de fuite dans son chef et sollicite sa libération immédiate pour continuer son travail d’artiste.
Il se réfère ensuite aux mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et soutient que l’interprétation des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 imposerait que de telles mesures bénéficient d’une priorité sur le placement en rétention. Dans ce contexte, le demandeur rappelle qu’il ne chercherait qu’à reprendre son travail d’artiste et qu’il aurait rendez-vous au Portugal pour le renouvellement de son titre de séjour.
Il se réfère à nouveau aux articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 pour soutenir que l’assignation à résidence serait à considérer comme une mesure proportionnée qui devrait bénéficier d’une priorité par rapport à une rétention pour autant que les conditions de l’article 125, paragraphe (1) de ladite loi soient remplies.
Le demandeur estime encore qu’il n’existerait aucune perspective raisonnable de le voir éloigner pour l’instant vers son pays d’origine, de sorte que sa rétention serait à qualifier de disproportionnée, sinon arbitraire.
Il indique solliciter sa libération immédiate, sinon son placement à la « structure d’hébergement d’urgence afin qu’il puisse reprendre son travail au Luxembourg et être présent à son rendez-vous pour renouveler son titre de séjour », tout en donnant à considérer qu’il se soumettrait encore à toutes mesures restrictives découlant de la décision d’assignation à résidence, notamment celle relative à la surveillance électronique et qui emporterait pour lui l’interdiction de quitter un périmètre fixé par l’autorité administrative.
Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Le tribunal rappelle de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120,paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
S’agissant, tout d’abord, des contestations de Monsieur (A) quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal constate qu’en l’espèce, il est constant que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour en date du 9 février 2025, assortie d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse. Il est encore constant en cause que le demandeur ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail. Il s’ensuit que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg.
Dès lors, force est de constater qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuitequi est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), lettre c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) [l]e risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction sur le territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Sur base de ces considérations, il échet de retenir que le ministre a fait une correcte appréciation de la situation du demandeur et qu’il pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, le placer en rétention afin d’organiser son éloignement.
Cette conclusion n’est pas remise en cause par la volonté affichée du demandeur de vouloir retourner au Portugal afin d’y renouveler son titre de séjour, ces explications étant, au contraire, de nature à corroborer l’existence d’un risque de fuite dans son chef. Dans ce contexte, le tribunal rappelle que le risque de fuite ne se réfère pas à un éventuel risque que le demandeur quitte le territoire du Luxembourg, mais vise bien le risque que le demandeur tente de se soustraire à la mesure d’éloignement projetée, soit en l’occurrence à la mainmise des autorités luxembourgeoises.
Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par l’affirmation du demandeur suivant laquelle il aurait collaboré avec les autorités luxembourgeoises, étant donné que ces éléments – à les supposer établies – sont, au regard des dispositions légales précitées, sans pertinence dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un risque de fuite.
Le moyen quant à l’absence d’un risque de fuite dans son chef est partant rejeté.
S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que :
« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé 5 est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne réponde à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.
L’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
Or, en l’espèce, le tribunal ne s’est, tel que constaté ci-avant, pas vu soumettre le moindre élément de preuve par le demandeur lui permettant de conclure au renversement de la présomption légale d’un risque de fuite pesant sur lui, ses développements selon lesquels il serait en attente d’un titre de séjour au Portugal étant, pour les motifs indiqués ci-avant, insuffisants à cet égard.
Il n’est, d’ailleurs, pas contesté que le demandeur ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins 1 Trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la Maison Retour, anciennement dénommée la Structure d’Hébergement d’urgence du Kirchberg (« SHUK »), ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y est pas concevable.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE, le tribunal précise que cette directive a été transposée en droit luxembourgeois par le biais de la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015.
Or, les directives ne peuvent être directement applicables et invoquées par les seuls justiciables que si leurs dispositions sont inconditionnelles et suffisamment précises et que l’Etat n’a pas transposé dans les délais ladite directive ou s’il en a fait une transposition incorrecte2.
Dans la mesure où, en l’espèce, le demandeur ne démontre pas que l’Etat luxembourgeois aurait été en défaut de transposer ladite directive dans les délais impartis ou en aurait fait une transposition incorrecte, il y a lieu de retenir qu’il n’est pas fondé à se prévaloir directement des dispositions communautaires invoquées, mais qu’il lui aurait appartenu d’invoquer à la base de ses prétentions les dispositions de la loi du 29 août 2008. Par ailleurs, il y a lieu de souligner qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, une telle obligation incombant au seul litismandataire du demandeur, professionnel de la postulation, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.
En ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à l’éloignement du demandeur, force est au tribunal de constater que l’intéressé n’a pas formulé la moindre contestation à ce sujet, mais s’est limité à affirmer péremptoirement qu’il n’existerait pas de perspective raisonnable que l’éloignement aboutisse.
Le tribunal constate, au contraire, que le ministre a contacté en date du 11 février 2025 les autorités portugaises en vue de la réadmission de Monsieur (A) sur base de l’article 6, paragraphe (2) de la directive 2008/115/CE, demande qui a été refusée par lesdites autorités le même jour.
Il échet encore de constater que le 12 février 2025, le ministre a chargé l’Unité de Garde et d’Appui Opérationnel (« UGAO »), Service de Garde et de Protection (« SGP »), d’organiser le départ de l’intéressé vers le Cap-Vert.
Au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, il échet de conclure que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise.
2 Trib. adm., 9 octobre 2003, n° 15375 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 116 (2e volet) et les autres références y citées.Il y a également lieu de relever qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, le placement en rétention litigieux n’est pas disproportionné et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 26 février 2025 par :
Michèle STOFFEL, vice-président, Annemarie THEIS, premier juge, Izabela GOLINSKA, attaché de justice délégué, en présence du greffier Luana POIANI.
s. Luana POIANI s. Michèle STOFFEL 8