Tribunal administratif N° 52320 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52320 3e chambre Inscrit le 31 janvier 2025 Audience publique du 25 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de protection internationale (art. 28 (1), L.18.12.2015)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52320 du rôle et déposée le 31 janvier 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Lukman ANDIC, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Cameroun) et être de nationalité camerounaise, actuellement assigné à résidence à …, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 16 janvier 2025 de le transférer vers la Belgique comme étant l’Etat membre responsable pour connaître de sa demande de protection internationale ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 7 février 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision entreprise ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Vincent STAUDT en sa plaidoirie à l’audience publique du 11 février 2025, Maître Lukman ANDIC s’étant excusé.
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Le 26 novembre 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent du service de police judiciaire, section criminalité organisée, de la police grand-ducale, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg.
Une recherche effectuée à la même date par les autorités luxembourgeoises dans la base de données EURODAC révéla que Monsieur (A) avait auparavant introduit deux demandes de protection internationale en Belgique en date des 11 août 20121 et 17 octobre 2024.
1 Il ressort du dossier administratif, ainsi que des explications circonstanciées du délégué du gouvernement, que dans le cadre de sa demande de protection internationale introduite le 17 octobre 2024 en Belgique, Monsieur (A) s’est vu délivrer, en date du même jour, un document des autorités belges attestant qu’il a introduit une demande de protection internationale, le convoquant à un entretien le 13 décembre 2024 et couvrant son séjour en Belgique jusqu’au 17 avril 2025.
Par courrier du 26 novembre 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », invita Monsieur (A) à se présenter le 11 décembre 2024 au ministère afin de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après désigné par le « règlement Dublin III », invitation à laquelle le concerné ne donna pas de suites.
En date du 13 décembre 2024, les autorités luxembourgeoises adressèrent à leurs homologues belges une demande de reprise en charge de Monsieur (A), basée sur l’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, demande qui fut considérée comme ayant été tacitement acceptée par ces dernières en date du 28 décembre 2024 et qui fit encore l’objet d’une acceptation explicite le 6 janvier 2025.
Par arrêté du 16 janvier 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre assigna Monsieur (A) à résidence à …, pour une durée de trois mois.
Par décision du 16 janvier 2025, notifiée à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre informa Monsieur (A) que le Grand-Duché de Luxembourg avait pris la décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de le transférer dans les meilleurs délais vers la Belgique sur base de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des dispositions des articles 18, paragraphe (1), point b) et 25, paragraphe (2) du règlement Dublin III, ladite décision étant libellée comme suit :
« […] Vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg en date du 26 novembre 2024 au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire (ci-après « la loi modifiée du 18 décembre 2015 »). En vertu des dispositions de l’article 28(1) de la loi précitée et des dispositions des articles 18(1)b et 25(2) du règlement (UE) 604/2013 du Parlement Européen et du Conseil du 26 juin 2013 (ci-après « le règlement DIII »), le Grand-Duché de Luxembourg n’examinera pas votre demande de protection internationale et vous serez transféré vers la Belgique qui est l’Etat membre responsable pour traiter cette demande.
Les faits concernant votre demande, la motivation à la base de la présente décision, les bases légales sur lesquelles elle s’appuie, de même que les informations quant aux voies de recours ouvertes sont précisés ci-après.
En mains le rapport de Police Judiciaire du 26 novembre 2024 établi dans le cadre de votre demande de protection internationale.
2 1. Quant aux faits à la base de votre demande de protection internationale En date du 26 novembre 2024, vous avez introduit une demande de protection internationale au Luxembourg.
La comparaison de vos empreintes dactyloscopiques avec la base de données Eurodac a révélé que vous avez introduit deux demandes de protection internationale en Belgique en date des 11 août 2021 et 17 octobre 2024.
Afin de faciliter le processus de détermination de l’Etat responsable, vous avez été convoqué à un entretien Dublin III pour le 11 décembre 2024. Cet entretien n’a pas eu lieu, étant donné que vous ne vous êtes pas présenté au rendez-vous prévu.
Sur base du rapport de Police Judiciaire, une demande de reprise en charge en vertu de l’article 18(1)b du règlement DIII a été adressée aux autorités belges en date du 13 décembre 2024, demande qui fut tacitement acceptée par lesdites autorités belges en date du 28 décembre 2024, conformément à l’article 25(2).
Les autorités belges ont confirmé leur responsabilité en envoyant une acceptation explicite, conformément à l’article 18(1)b du règlement DIII, en date du 6 janvier 2025.
2. Quant aux bases légales En tant qu’Etat membre de l’Union européenne, l’Etat luxembourgeois est tenu de mener un examen aux fins de déterminer l’Etat responsable conformément aux dispositions du règlement DIII établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
S’il ressort de cet examen qu’un autre Etat est responsable du traitement de la demande de protection internationale, la Direction générale de l’immigration rend une décision de transfert après que l’Etat requis a accepté la prise ou la reprise en charge du demandeur.
Aux termes de l’article 28(1) de la loi modifiée du 18 décembre 2015, le Luxembourg n’est pas responsable pour le traitement d’une demande de protection internationale si cette responsabilité revient à un autre Etat.
Dans le cadre d’une reprise en charge, et notamment conformément à l’article 18(1), point b) du règlement DIII, l’Etat responsable de l’examen d’une demande de protection internationale en vertu du règlement est tenu de reprendre en charge - dans les conditions prévues aux art. 23, 24, 25 et 29 - le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre Etat membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre Etat membre.
La responsabilité de la Belgique est acquise suivant l’article 25(2) du règlement DIII en ce que l’absence de réponse à l’expiration d’un délai de deux semaines équivaut à l’acceptation de la requête, et entraîne l’obligation de reprendre en charge la personne concernée.
3 Par ailleurs, un Etat n’est pas autorisé à transférer un demandeur vers l’Etat normalement responsable lorsqu’il existe des preuves ou indices avérés qu’un demandeur risquerait dans son cas particulier d’être soumis dans cet Etat à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l’article 3 de la Convention du 4 novembre 1950 de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (ci-après la « CEDH ») ou 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après « la Charte UE »).
3. Quant à la motivation de la présente décision de transfert En l’espèce, il ressort des résultats du 26 novembre 2024 de la comparaison de vos données dactyloscopiques avec celles enregistrées dans la base de données Eurodac que vous avez introduit deux demandes de protection internationale en Belgique en date des 11 août 2021 et 17 octobre 2024.
Selon vos déclarations auprès du service de Police judiciaire, vous auriez quitté votre pays d’origine en 2007 pour vous rendre au Maroc. En 2011, vous auriez quitté le Maroc et embarqué illégalement sur un bateau à destination d’… (Espagne). Après trois semaines en Espagne, vous auriez poursuivi votre route vers la Belgique, où vous auriez introduit une demande de protection internationale en 2012. Votre demande aurait été refusée et vous auriez reçu un ordre de quitter le territoire belge. Vous auriez ensuite vécu à … jusqu’en 2014, avant de vous rendre à …, en Allemagne. Vous auriez introduit une demande de protection internationale en Allemagne, mais vous auriez également reçu un refus et un ordre de quitter le territoire allemand. Après un an à …, vous seriez retourné à … en 2015, où vous auriez séjourné de manière clandestine. Le 11 août 2021, vous avez introduit une demande de protection internationale, espérant d’obtenir un permis de travail. Cette demande aurait été refusée également. Sur avis de votre avocat, vous avez introduit une nouvelle demande de protection internationale en date du 18 octobre 2024. Vous auriez quitté la Belgique sans attendre de réponse, car vous n’auriez plus eu d’endroit pour dormir, et vous auriez décidé de venir au Luxembourg pour y être logé et nourri.
Lors de votre entretien auprès de la Police Judiciaire, vous n’avez pas fait mention d’éventuelles particularités sur votre état de santé ou fait état d’autres problèmes généraux empêchant un transfert vers la Belgique qui est l’Etat membre responsable pour traiter votre demande de protection internationale.
Rappelons à cet égard que la Belgique est liée à la Charte UE et est partie à la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés (ci-après « la Convention de Genève »), à la CEDH et à la Convention du 10 décembre 1984 contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants (« Conv. torture »).
Il y a également lieu de soulever que la Belgique est liée par la Directive (UE) n° 2013/32 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale [refonte] (« directive Procédure ») et par la Directive (UE) n° 2013/33 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale [refonte] (« directive Accueil »).
4 Soulignons en outre que la Belgique profite, comme tout autre Etat membre, de la confiance mutuelle qu’elle respecte ses obligations découlant du droit international et européen en la matière. Par conséquent, la Belgique est présumée respecter ses obligations tirées du droit international public, en particulier le principe de non-refoulement énoncé expressément à l’article 33 de la Convention de Genève, ainsi que l’interdiction des mauvais traitements ancrée à l’article 3 CEDH et à l’article 3 Conv. torture.
Par ailleurs, il n’existe en particulier aucune jurisprudence de la Cour EDH ou de la CJUE, de même qu’il n’existe aucune recommandation de l’UNHCR visant de façon générale à suspendre les transferts vers la Belgique sur base du règlement (UE) n° 604/2013.
En l’occurrence, vous ne rapportez pas la preuve que votre demande de protection internationale n’aurait pas fait l’objet d’une analyse juste et équitable, ni que vous n’auriez pas les moyens de faire valoir vos droits, notamment devant les autorités judiciaires belges.
Vous n’avez fourni aucun élément susceptible de démontrer que la Belgique ne respecterait pas le principe de non-refoulement à votre égard et faillirait à ses obligations internationales en vous renvoyant dans un pays où votre vie, votre intégrité corporelle ou votre liberté seraient sérieusement menacées.
Monsieur, vous n’avez pas non plus démontré que, dans votre cas concret, vos conditions d’existence en Belgique revêtiraient un tel degré de pénibilité et de gravité qu’elles seraient constitutives d’un traitement contraire à l’article 3 CEDH ou encore à l’article 3 Conv. torture.
Il n’existe en outre pas non plus de raisons pour une application de l’article 16(1) du règlement DIII pouvant amener le Luxembourg à assumer la responsabilité de l’examen au fond de votre demande de protection internationale.
Il convient encore de souligner qu’en vertu de l’article 17(1) du règlement DIII (clause de souveraineté) chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par le ressortissant d’un pays tiers ou apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le règlement, pour des raisons humanitaires ou exceptionnelles. Les autorités luxembourgeoises disposent d’un pouvoir discrétionnaire à cet égard, et l’application de la clause de souveraineté ne constitue pas une obligation.
Il ne ressort pas de l’ensemble des éléments de votre dossier que les autorités luxembourgeoises auraient dû faire application de la clause de souveraineté prévue à l’article 17(1) du règlement DIII. En effet, vous ne faites valoir aucun élément humanitaire ou exceptionnel qui ne serait pas couvert par les dispositions du règlement DIII et qui devrait amener les autorités luxembourgeoises à se déclarer responsables pour le traitement de votre demande de protection internationale.
Pour l’exécution du transfert vers la Belgique, seule votre capacité de voyager est déterminante et fera l’objet d’une détermination définitive dans un délai raisonnable avant le transfert.
5 Si votre état de santé devait temporairement constituer un obstacle à l’exécution de votre renvoi vers la Belgique, l’exécution du transfert serait suspendue jusqu’à ce que vous seriez à nouveau apte à être transféré. Par ailleurs, si cela s’avère nécessaire, la Direction générale de l’immigration prendra en compte votre état de santé lors de l’organisation du transfert vers la Belgique en informant les autorités belges conformément aux articles 31 et 32 du règlement DIII à condition que vous exprimiez votre consentement explicite à cette fin.
D’autres raisons individuelles pouvant éventuellement entraver la remise aux autorités belges n’ont pas été constatées. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 31 janvier 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle, précitée, du 16 janvier 2025.
Etant donné que l’article 35, paragraphe (4) de la loi du 18 décembre 2015 prévoit un recours au fond contre les décisions de transfert visées à l’article 28, paragraphe (1) de la même loi, telles que la décision litigieuse, le tribunal est compétent pour statuer sur le recours en réformation introduit en l’espèce, recours qui est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Arguments des parties A l’appui de son recours, le demandeur expose d’abord les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée. Il explique plus particulièrement qu’en 2011, il aurait fui son pays d’origine, le Cameroun, en raison du risque de torture auquel il y serait exposé. En passant par le Maroc et l’Espagne, il se serait rendu en Belgique, pays dans lequel il aurait déposé une première demande de protection internationale en 2012. Après le refus de cette même demande de protection internationale, il serait encore resté à … jusqu’en 2014 et se serait ensuite rendu en Allemagne, où il aurait introduit une nouvelle demande de protection internationale, laquelle aurait également été refusée. Il serait alors retourné en Belgique où il aurait déposé une nouvelle demande de protection internationale en date du 11 août 2021, demande qui aurait toutefois également été refusée. Il aurait, par la suite, introduit une itérative demande de protection internationale en Belgique en date du 18 octobre 2024. Si cette même demande était certes toujours en cours d’examen, le demandeur aurait néanmoins pris la décision de quitter la Belgique alors qu’il aurait craint d’être renvoyé dans son pays d’origine, le concerné affirmant ne pas se faire d’illusions quant au sort réservé à cette demande. Il se serait ainsi rendu au Luxembourg, où il aurait introduit une nouvelle demande de protection internationale. Il ne saurait partant « simplement accepter les motivations » de la décision ministérielle litigieuse et souhaite en conséquence que le tribunal de céans procède à un examen beaucoup plus approfondi en fait et en droit.
En droit, Monsieur (A) conclut tout d’abord, à la réformation de la décision déférée du 16 janvier 2025 en ce qu’il aurait appartenu au ministre de faire usage de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III. A cet égard, il insiste sur les circonstances auxquelles il aurait été exposé lors de son séjour en Belgique, et notamment le fait qu’il y aurait vécu dans la rue, circonstances qu’il qualifie de pénibles, graves et contraires aux interdictions de l’article 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ci-après désignée par « la CEDH ».
6 Sur base d’un rapport de l’organisation non gouvernementale « Amnesty International » de 2017, il se prévaut encore du risque d’être renvoyé dans son pays d’origine en cas de transfert vers la Belgique. Le demandeur en conclut que le ministre aurait, afin d’éviter que le Luxembourg viole ses obligations relevant du droit international public et pour des raisons purement humanitaires, dû faire usage de la clause de souveraineté prévue à l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III.
En s’appuyant sur un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, ci-après désignée par « la CJUE », du 19 mars 2019, affaire C-163/17, Abubacarr Jawo c/ Bundesrepublik Deutschland, le demandeur conclut ensuite à une violation de l’article 3 de la CEDH, ainsi que de l’article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ci-après désignée par « la Charte » étant donné que le ministre n’aurait pas pris en compte le risque sérieux de traitement inhumain et dégradant auquel il serait exposé à la suite de son transfert vers la Belgique.
Dans ce contexte, il cite encore des extraits du rapport intermédiaire de la Commission chargée de l’évaluation de la politique du retour volontaire et de l’éloignement forcé d’étrangers de la Belgique « Commission Bossuyt » datant de 2019, lequel aurait notamment déploré l’échec de la « politique de retour » de la Belgique, et donne en outre à considérer que la Cour européenne des droits de l’Homme, désignée ci-après par « la CourEDH », aurait, par décision du 15 novembre 2022, requête n°48987/22 et 147 autres, Msallem et 147 autres c. Belgique, enjoint à la Belgique d’exécuter des ordonnances du tribunal du travail de … de fournir un hébergement et une assistance matérielle aux requérants en cause. Il précise encore qu’une décision similaire aurait été prise à travers un arrêt du 18 juillet 2023, n°49255/22, Camara c. Belgique, le demandeur se basant par ailleurs sur un rapport de l’organisation non gouvernementale « Médecins sans frontières » du 4 décembre 2023 qui mettrait en avant les problèmes d’accueil des demandeurs de protection internationale en Belgique, ainsi que sur une déclaration du secrétaire d’Etat belge à l’Asile et la Migration du 16 janvier 2025, d’après laquelle le gouvernement belge aurait enregistré 40000 demandes de protection internationale en 2024 et figurerait « dans le top cinq » des Etats membres recensant le plus grand nombre de demandes d’asile en proportion de la population globale.
Il estime partant qu’en cas de transfert vers la Belgique, il ne pourrait se nourrir et subvenir à ses besoins vitaux, faute de logement à sa disposition, situation qu’il aurait déjà vécue dans ce même pays et qui aurait de lourdes conséquences sur son état physique et mental. Il insiste encore sur le risque de faire l’objet d’un renvoi vers le Cameroun en cas d’exécution de la décision litigieuse.
En s’emparant d’un arrêt de la CJUE du 16 février 2017, affaire C-578/16, C.K. H.F., A.S. c. Republika Slovenija, le demandeur donne encore à considérer que même en l’absence de défaillances systémiques, il risquerait d’être exposé à des traitements inhumains et dégradants en Belgique en raison de sa situation particulière, de sorte que la décision ministérielle litigieuse devrait être réformée pour violation de l’article 3 de la CEDH et 4 de la Charte.
Finalement, il fait plaider que la décision ministérielle litigieuse devrait encourir la réformation pour avoir été prise en violation du principe de non-refoulement ancré à l’article 3 de la CEDH.
7 Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour n’être fondé en aucun de ses moyens.
Appréciation du tribunal En vertu de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, « Si, en application du règlement (UE) n°604/2013, le ministre estime qu’un autre Etat membre est responsable de l’examen de la demande, il sursoit à statuer sur la demande jusqu’à la décision du pays responsable sur la requête de prise ou de reprise en charge. Lorsque l’Etat membre requis accepte la prise en charge ou la reprise en charge du demandeur, le ministre notifie à la personne concernée la décision de la transférer vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner sa demande de protection internationale ».
Il s’ensuit que si le ministre estime qu’en application du règlement Dublin III, un autre pays est responsable de l’examen de la demande de protection internationale et si ce pays accepte la prise, respectivement la reprise en charge de l’intéressé, le ministre décide de transférer la personne concernée vers l’Etat membre responsable et de ne pas examiner la demande de protection internationale introduite au Luxembourg.
L’article 18, paragraphe (1), point b) du règlement Dublin III, sur lequel le ministre s’est basé pour conclure à la responsabilité des autorités belges pour procéder à l’examen de la demande de protection internationale de Monsieur (A), prévoit que « L’État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: […] b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d’examen et qui a présenté une demande auprès d’un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d’un autre État membre. ».
Il suit de cette disposition que l’Etat responsable du traitement de la demande de protection internationale est celui où le demandeur a déposé une demande de protection internationale qui est toujours en cours d’examen.
Le tribunal constate de prime abord qu’il est constant en cause que la décision de transférer le demandeur vers la Belgique et de ne pas examiner sa demande de protection internationale a été adoptée par le ministre en application de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et des articles 18, paragraphe (1), point b) et 25, paragraphe (2) du règlement Dublin III, au motif que l’Etat responsable de l’examen de la demande de protection internationale du demandeur serait la Belgique, en ce que le demandeur y avait déposé une demande de protection internationale qui est toujours en cours d’examen et que les autorités belges étaient présumées avoir accepté tacitement sa reprise en charge le 28 décembre 2024 et ont, par ailleurs, explicitement accepté cette même prise en charge le 6 janvier 2025, de sorte que c’est a priori à bon droit que le ministre a décidé de le transférer vers ledit Etat membre et de ne pas examiner sa demande de protection internationale.
Il y a ensuite lieu de relever que les possibilités légales pour le ministre de ne pas procéder au transfert d’un demandeur de protection internationale malgré la compétence de principe d’un autre Etat membre et d’examiner, le cas échéant, sa demande sont prévues, d’une part, par l’article 3, paragraphe (2), alinéa 2, du règlement Dublin III, lequel présuppose l’existence de défaillances systémiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au 8 sens de l’article 4 de la Charte, auquel cas le ministre ne peut pas transférer l’intéressé dans cet Etat tout en poursuivant la procédure de détermination de l’Etat membre responsable, ainsi que, d’autre part, par l’article 17, paragraphe (1) du même règlement accordant au ministre la simple faculté d’examiner la demande de protection internationale, nonobstant la compétence de principe d’un autre Etat membre pour ce faire.
A cet égard, le tribunal est d’ores et déjà amené à constater que le demandeur n’invoque pas l’existence de défaillances systématiques dans la procédure d’asile et les conditions d’accueil des demandeurs en Belgique, mais se prévaut (i) d’une violation de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, le demandeur étant en effet d’avis que le ministre aurait dû faire application de la clause discrétionnaire y prévue compte tenu de sa situation particulière, (ii) du risque de subir, en cas de transfert vers la Belgique, des traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, (iii) ainsi que d’une violation du principe de non-refoulement.
Le tribunal doit encore rappeler qu’il n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tels que présentés par les parties, mais détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant, de sorte qu’il y a lieu d’analyser, tout d’abord, le moyen tiré d’une violation de l’article 3 de la CEDH et 4 de la Charte, pour ensuite toiser les moyens relatifs à une violation du principe de non-refoulement et de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III.
Quant au risque pour le demandeur d’être exposé à des traitements inhumains et dégradants en cas de transfert en Belgique, il y a d’abord lieu de rappeler que la Belgique est tenue au respect, en adhérant aux textes légaux communautaires et en tant que signataire de ces conventions, des droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que du principe de non-refoulement prévu par la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, ci-après désignée par « la Convention de Genève », et dispose a priori d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés. Il y a encore lieu de souligner, dans ce contexte, que le système européen commun d’asile a été conçu dans un contexte permettant de supposer que l’ensemble des Etats y participant qu’ils soient Etats membres ou Etats tiers, respectent les droits fondamentaux, en ce compris les droits trouvant leur fondement dans la Convention de Genève, ainsi que dans la CEDH, et que les Etats membres peuvent s’accorder une confiance mutuelle à cet égard1. C’est précisément en raison de ce principe de confiance mutuelle que le législateur de l’Union européenne a adopté le règlement Dublin III en vue de rationaliser le traitement des demandes d’asile et d’éviter l’engorgement du système par l’obligation, pour les autorités des Etats, de traiter des demandes multiples introduites par un même demandeur, d’accroître la sécurité juridique en ce qui concerne la détermination de l’Etat responsable du traitement de la demande d’asile et ainsi d’éviter le « forum shopping », l’ensemble ayant pour objectif principal d’accélérer le traitement des demandes dans l’intérêt tant des demandeurs d’asile que des Etats participants2.
1 CJUE, grande chambre, 21 décembre 2011, affaires jointes C-411/10, N.S. c. Secretary of State for the Home Department et C-493/10, M.E. et al. c. Refugee Applications Commissioner Minister for Justice, Equality and Law Reform, point 78.
2 Ibidem, point. 79 ; voir également : trib. adm., 26 février 2014, n° 33956 du rôle, trib. adm., 17 mars 2014, n° 34054 du rôle, ainsi que trib. adm., 2 avril 2014, n° 34133 du rôle, disponibles sur www.jurad.etat.lu.
9 Si les Etats membres sont donc dans l’obligation d’appliquer les règlements de l’Union européenne, il ressort toutefois également de la jurisprudence de la CourEDH que dans certains cas, même en l’absence de défaillances systémiques, lesquelles ne sont, tel que retenu ci-avant, pas invoquées en l’espèce, il ne peut être exclu que l’application des règles prescrites par le règlement Dublin III puisse entraîner un risque de violation de l’article 3 de la CEDH, corollaire de l’article 4 de la Charte, la présomption selon laquelle les Etats participants respectent les droits fondamentaux prévus par la CEDH n’étant en effet pas irréfragable3.
Force est toutefois de constater que le demandeur reste en défaut de faire valoir des éléments concrets et individuels susceptibles de laisser conclure qu’il risquerait d’être exposé à des traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte en cas de transfert vers la Belgique, le demandeur se contentant d’affirmer qu’il aurait été obligé de vivre dans la rue lors de son séjour en Belgique et qu’il serait exposé à ce même risque en cas d’exécution de la décision ministérielle litigieuse, sans toutefois verser une quelconque preuve à cet égard.
En effet, et outre le fait que le rapport intermédiaire de la « Commission Bossuyt », de même que les décisions de la CourEDH et le rapport de l’organisation non gouvernementale « Médecins sans frontières » sur lesquels se base le demandeur à l’appui de ses conclusions, datent de plusieurs années à savoir de 2019, 2022 et 2023, de sorte à ne pas refléter la situation actuelle des demandeurs de protection internationale en Belgique, il y a lieu de constater que même si la Belgique a fait face, voire devait encore faire face à des difficultés dans l’accueil de demandeurs de protection internationale, il ne se dégage toutefois pas des éléments de la cause que les conditions matérielles d’accueil des demandeurs de protection internationale en Belgique seraient caractérisées par des carences structurelles d’une ampleur telle, qu’il y aurait lieu de conclure d’emblée, et quelles que soient les circonstances du cas d’espèce, à l’existence de risques suffisamment réels et concrets, pour l’ensemble des demandeurs de protection internationale, indépendamment de leur situation personnelle, d’être systématiquement exposés à une situation de dénuement matériel extrême, qui ne leur permettrait pas de faire face à leurs besoins les plus élémentaires, tels que notamment ceux de se nourrir, de se laver et de se loger, et qui porterait atteinte à leur santé physique ou mentale ou les mettrait dans un état de dégradation incompatible avec la dignité humaine, au point que leur transfert dans ce pays constituerait en règle générale un traitement prohibé par l’article 3 de la CEDH et par l’article 4 de la Charte.
Le tribunal relève encore que le demandeur n’invoque pas de jurisprudence de la CJUE relative à une suspension générale des transferts vers la Belgique, voire une demande en ce sens de la part du Haut-Commissariat aux Réfugiés (« HCR »). Il ne fait pas non plus état de l’existence d’un rapport ou avis émanant du HCR, ou d’autres institutions ou organismes internationaux, interdisant ou recommandant l’arrêt des transferts vers la Belgique de ressortissants camerounais dans le cadre du règlement Dublin III en raison plus particulièrement de la politique d’asile belge qui les exposerait à un traitement inhumain ou dégradant au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte.
3 CourEDH, grande chambre, 4 novembre 2014, Tarakhel c. Suisse, n°29217/12 point 103; CourEDH, grande chambre, 21 janvier 2011, M.S.S. c. Belgique et Grèce, n°30696/09.
10 En tout état de cause, même à admettre que le demandeur ne puisse pas accéder au système d’aide belge - que ce soit celui offert aux demandeurs de protection internationale ou celui accessible à tous les résidents belges -, respectivement si le demandeur devait estimer que le système d’aide belge serait à tel point avilissant qu’il impliquerait per se un traitement inhumain et dégradant contraire à l’article 4 de la Charte, respectivement à l’article 3 de la CEDH, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits directement auprès des autorités belges en usant des voies de droit adéquates. Il en va de même si le demandeur devait estimer que le système belge ne serait pas conforme aux normes européennes.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que le demandeur n’a pas rapporté la preuve qu’il risquerait, en cas de transfert vers la Belgique, de faire l’objet de traitements inhumains ou dégradants au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, de sorte que ces développements à cet égard sont à rejeter pour ne pas être fondés.
S’agissant ensuite des développements du demandeur selon lesquels il risquerait, en cas de transfert en Belgique, un refoulement vers le Cameroun, le tribunal doit, tout d’abord, constater que la décision déférée n’implique pas un retour vers le pays d’origine du demandeur, mais désigne uniquement l’Etat membre responsable pour le traitement de la demande de protection internationale, respectivement de ses suites, étant rappelé, comme retenu ci-avant, que ledit Etat membre, en l’occurrence la Belgique, a reconnu, d’abord tacitement puis expressément, être compétent pour reprendre le demandeur en charge.
Il échet ensuite de rappeler à cet égard que la Belgique respecte a priori – le demandeur ne fournissant aucun indice tangible permettant au tribunal d’en douter – en tant que membre de l’Union européenne et signataire de ces conventions les droits et libertés prévus par la CEDH, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Convention des Nations Unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, ainsi que, plus particulièrement, le respect du principe de non-
refoulement prévu par la Convention de Genève et que la Belgique dispose d’un système de recours efficace contre les violations de ces droits et libertés, le règlement Dublin III qualifiant d’ailleurs explicitement, en son considérant 3, les Etats membres comme pays sûrs respectant le principe de non-refoulement (« À cet égard, et sans affecter les critères de responsabilité posés par le présent règlement, les États membres, qui respectent tous le principe de non-refoulement, sont considérés comme des pays sûrs par les ressortissants de pays tiers »).
Il convient encore de relever que, même si la demande de protection internationale de Monsieur (A) actuellement encore pendante devait être déclarée non fondée en Belgique, la mise en œuvre d’une décision définitive de refus de protection internationale et de renvoi vers le pays d’origine ne constitue pas en soi une violation du principe de non-refoulement, le règlement Dublin III visant précisément à lutter contre les demandes d’asile multiples (« asylum shopping ») en retenant le principe de l’examen de la demande par un seul Etat membre (« one chance only ») : le règlement Dublin III cherchant en effet à pallier aux mouvements secondaires des demandeurs d’asile qui souhaitent, pour différentes raisons, notamment au vu d’une jurisprudence nationale plus favorable, faire leur demande dans l’Etat membre de leur choix.
11 A cela s’ajoute que, si par impossible les autorités belges devaient quand même décider de rapatrier le demandeur dans son pays d’origine en violation de l’article 33 de la Convention de Genève, alors même qu’il y serait exposé à un risque concret et grave pour sa vie, il lui appartiendrait de faire valoir ses droits directement auprès des autorités belges compétentes en usant des voies de droit adéquates4. Par ailleurs, même si toutes les voies de recours devaient être épuisées, il serait possible au demandeur de saisir la CourEDH pour lui demander, sur base de l’article 39 de son règlement intérieur, de demander aux autorités belges de surseoir à l’exécution du rapatriement jusqu’à l’issue de la procédure devant cet organe.
Il s’ensuit que les développements relatifs à une prétendue violation du principe de non-refoulement laissent d’être fondés.
S’agissant finalement du moyen tiré d’une violation de l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, au motif de la non-application de la clause discrétionnaire y inscrite, il y a lieu de relever que ledit article prévoit ce qui suit : « Par dérogation à l’article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d’examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. […] ».
A cet égard, le tribunal précise que la possibilité, pour le ministre, d’appliquer cette disposition du règlement Dublin III relève de son pouvoir discrétionnaire, s’agissant d’une disposition facultative qui accorde un pouvoir d’appréciation étendu aux Etats membres5, le caractère facultatif du recours à la disposition en question ayant encore été souligné dans un arrêt de la CJUE du 16 février 20176.
Un pouvoir discrétionnaire des autorités administratives ne s’entend toutefois pas comme un pouvoir absolu, inconditionné ou à tout égard arbitraire, mais comme la faculté qu’elles ont de choisir, dans le cadre des lois, la solution qui leur paraît préférable pour la satisfaction des intérêts publics dont elles ont la charge7, le juge administratif étant appelé, en matière de recours en réformation, non pas à examiner si l’administration est restée à l’intérieur de sa marge d’appréciation, une telle démarche s’imposant en matière de recours en annulation, mais à vérifier si son appréciation se couvre avec celle de l’administration et, dans la négative, à substituer sa propre décision à celle de l’administration8.
Pour se voir appliquer l’article 17, paragraphe (1) du règlement Dublin III, le demandeur se prévaut de sa situation particulière en arguant qu’en cas de l’exécution de son transfert vers la Belgique, il risquerait de faire l’objet de traitements inhumains et dégradants au sens des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, ainsi que d’un refoulement vers le Cameroun.
4 Voir article 26 de la directive n° 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale.
5 CJUE, grande chambre, 21 décembre 2011, N.S. e.a., C-411/10 et C-493/10, pt. 65.
6 CJUE, 16 février 2017, C. K., H. F., A.S. c. Republika Slovenija, n° C-578/16, pts. 88 et 97.
7 Trib. adm., 10 octobre 2007, n° 22641 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 60 (3e volet= et les autres références y citées.
8 Cour adm., 23 novembre 2010, n° 26851C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en réformation, n°12 (2e volet) et les autres références y citées.
12 Dans la mesure où les moyens du demandeur basés sur une violation des articles 3 de la CEDH et 4 de la Charte, ainsi que du principe de non-refoulement viennent d’être rejetés ci-avant, le tribunal conclut, en l’absence d’autres éléments, qu’il n’est pas établi que le ministre se serait mépris sur ses possibilités de choix et sur les limites de son pouvoir d’appréciation, en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l’article 17, paragraphe (1), précité, du règlement Dublin III, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.
Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est à bon droit que le ministre a décidé de transférer le demandeur vers la Belgique, l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale, de sorte qu’en l’absence d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 25 février 2025 par :
Thessy Kuborn, premier vice-président, Sibylle Schmitz, premier juge, Felix Hennico, attaché de justice délégué, en présence du greffier Judith Tagliaferri.
Judith Tagliaferri Thessy Kuborn 13