Tribunal administratif N° 52385 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52385 5e chambre Inscrit le 14 février 2025 Audience publique du 19 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
___________________________________________________________________________
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52385 du rôle et déposée le 14 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Algérie), de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 7 février 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 février 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marina LIFA, en remplacement de Maître Sanae IGRI, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 février 2025.
Il ressort d’un rapport n°… du 12 décembre 2024 de la police grand-ducale de la région …, Commissariat …, dit « Fremdennotiz », qu’en date du même jour, Monsieur (A) fit l’objet d’un contrôle par les forces de l’ordre luxembourgeoises lors duquel il s’avéra que mis à part une photographie de sa carte d’identité algérienne, il n’était en possession ni d’un passeport, ni d’un visa, ni d’un titre de séjour valable. Une recherche effectuée le même jour dans le Système d’information Schengen (« SIS ») révéla que l’intéressé y faisait l’objet d’une inscription de la part des autorités belges, suisses et allemandes.
Par arrêté du 12 décembre 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à son encontre.
1Par arrêté séparé du même jour, également notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de sa notification. Ladite décision est basée sur les motifs et considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport numéro … du 12 décembre 2024 établi par la Police grand-ducale, unité Région … ;
Considérant que l’intéressé est démuni de tout document d’identité et de voyage valable ;
Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Une recherche effectuée le 17 décembre 2024 dans la base de données EURODAC pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissement les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou apatride, ci-après désigné par « le règlement Dublin III », révéla que Monsieur (A) avait précédemment introduit plusieurs demandes de protection internationale dans divers pays, à savoir en Allemagne, aux Pays-Bas, en Slovénie et en Suisse.
Par courriers électroniques du 19 décembre 2024, les services du ministre adressèrent à leurs homologues slovènes et allemands une demande d’information concernant la situation administrative de l’intéressé.
Par courrier électronique du 23 décembre 2024, les autorités slovènes donnèrent suite à ladite demande d’information en indiquant que Monsieur (A) avait introduit en Slovénie une deuxième demande de protection internationale en date du 18 février 2022 et que celle-ci avait été définitivement rejetée en date du 23 avril 2022. Les autorités slovènes précisèrent encore que l’intéressé avait disparu de leur territoire depuis le 10 avril 2022.
Par courrier électronique du 23 décembre 2024, les autorités allemandes informèrent l’autorité ministérielle que la demande de protection internationale introduite par l’intéressé en Allemagne avait acquis le statut de « discontinued, obliged to leave Germany » en date du 30 juillet 2024 et que cette décision était devenue définitive en date du 14 août 2024. Elles indiquèrent encore que Monsieur (A) avait disparu du territoire allemand depuis le 22 mai 2024.
2Par arrêté du 9 janvier 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet au 12 janvier 2025.
Par jugement du tribunal administratif du 3 février 2025, portant le numéro 52273 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 24 janvier 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel, prémentionné, du 9 janvier 2025.
Par arrêté du 7 février 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le 12 février « 2024 », le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 12 décembre 2024 et 9 janvier 2025, notifiés le 12 décembre 2024 et le 10 janvier 2025 avec effet au 12 janvier 2025, décidant de soumettre l'intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 12 décembre 2024 subsistent dans le chef de l'intéresse ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l'éloignement de l'intéressé ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que l'éloignement de l'intéressé sera réalisé dans les plus brefs délais ;
Considérant qu'il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l'exécution de la mesure d'éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 14 février 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 7 février 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base du litige sous examen, en relevant plus particulièrement être un ressortissant algérien et être entré en Europe afin d’y introduire une demande de protection internationale. Il explique avoir fait l’objet d’un contrôle d’identité au Luxembourg conformément aux dispositions de l’article 136 de la loi du 29 août 2008, au cours duquel il n’aurait pas pu présenter de document l’autorisant à circuler ou à séjourner sur le territoire luxembourgeois, raison pour laquelle il aurait été conduit par la police grand-ducale au Centre de rétention.
3En droit, le demandeur fait plaider que la légalité d’une mesure de rétention administrative devrait s’inscrire dans un contexte permettant d’établir l’existence d’un risque non négligeable de fuite, apprécié à la lumière de la situation individuelle de l’étranger, ainsi que le caractère proportionné d’un placement en rétention basé sur ce premier critère et l’inexistence de mesures adéquates moins coercitives.
Tout en citant l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur fait relever que le recours au placement de l’étranger au Centre de rétention devrait être écarté, lorsqu’il n’existerait aucun risque de fuite dans le chef de celui-ci, du fait notamment de l’existence de garanties de représentation, soumise à l’appréciation souveraine du juge.
Le demandeur soutient encore que le placement en rétention devrait rester une mesure exceptionnelle en raison de l’entrave à sa liberté d’aller et venir qui serait garantie par la Constitution et par l’article 5, paragraphe (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par « la CEDH ». A cet égard, il se réfère à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », du 6 novembre 1980, dans une affaire Guzzardi c. Italie, et précise qu’un placement en rétention constituerait l’ultima ratio.
Or, en l’espèce, le ministre serait resté en défaut d’envisager d’autres solutions « plus adaptées et moins dommageables en termes de privation de liberté », le demandeur sollicitant dès lors son placement au sein de la maison retour, anciennement dénommée structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg.
Après avoir cité l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il donne à considérer que le placement en structure fermée d’un étranger qui présenterait des garanties de représentation propres à limiter sinon à exclure tout risque de fuite dans son chef serait à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, désignée ci-après par « la directive 2008/115 », selon lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers devrait être immédiatement remis en liberté si sa rétention n’est pas légale, disposition qui serait suffisamment claire et inconditionnelle, de sorte qu’elle devrait, faute de transposition en droit luxembourgeois, avoir un effet direct.
Le demandeur souligne qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef, en donnant à considérer qu’il aurait démontré sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, qu’il aurait affiché un comportement irréprochable au Centre de rétention et qu’il serait une personne « responsable, particulièrement bien intégrée et respectueuse », tout en mettant encore en exergue qu’il aurait fait part de son souhait de retourner en Algérie « dès les premiers échanges avec les autorités luxembourgeoises ».
Le demandeur fait encore valoir que le recours à la rétention ne serait possible que si d’autres mesures moins coercitives ne pouvaient être efficacement appliquées et il conclut que son maintien en rétention ne serait dès lors plus justifié, mais illégal et disproportionné.
4Il soutient que le principe selon lequel le placement d’un étranger doit être nécessaire au but légitime poursuivi, proportionné et entouré de garanties, notamment « l’intervention d’un juge », figurerait non seulement dans la loi du 29 août 2008, mais également dans la directive 2008/115.
Le demandeur cite encore, dans ce contexte, trois jugements du tribunal administratif des 19 février 2009, 11 juillet 2023 et 12 juillet 2023, inscrits sous les numéros respectifs 25374, 49109 et 49141 du rôle, qui auraient souligné l’importance de vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité en tenant compte de l’opportunité du principe de l’enfermement et du type de structure fermée retenu par le ministre, pour faire valoir qu’un placement à la maison retour serait plus adapté à sa situation personnelle et constituerait une garantie de représentation suffisante dans son chef.
Il donne encore à considérer qu’en droit commun, le juge aurait « une certaine habitude de formules permettant à un justiciable d’indiquer qu’il sera présent à une audience sans qu’il soit nécessaire de recourir à son emprisonnement jusque-là » et que « [l]e risque de volatilité [pourrait] être contré à partir du moment où la personne n’a pas enfreint ses obligations et vit dans un cadre qui permet de rendre compte de sa présence ».
Le demandeur s’appuie encore sur des décisions de la Cour de cassation française selon lesquelles la loi n’exigerait pas que l’étranger qui sollicite le bénéfice d’une assignation à résidence invoque des circonstances à caractère exceptionnel de nature à justifier cette mesure et l’absence de domicile ne constituerait pas une raison suffisante pour refuser une assignation à résidence.
En se référant finalement à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 et à la jurisprudence de la CourEDH relativement à l’article 5 de la CEDH, le demandeur conteste l’existence d’une perspective d’éloignement et reproche au ministre de ne pas avoir accompli les démarches nécessaires à son éloignement avec toute la diligence requise aux fins d’écourter au maximum son placement en rétention, en avançant plus particulièrement qu’aucun laissez-
passer n’aurait été délivré dans son chef par les autorités algériennes.
En s’appuyant sur un jugement du tribunal administratif du 21 novembre 2024, inscrit sous le numéro 51824 du rôle, il insiste sur le fait que l’autorité ministérielle devrait poursuivre activement et de manière continue ses efforts en vue de l’exécution de l’opération d’éloignement, ce qui ne serait toutefois pas le cas en l’espèce.
Au regard de ses développements exposés ci-dessus, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
5L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.
Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.
C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en 6cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
Tel que d’ores et déjà retenu par le tribunal dans son jugement prémentionné du 3 février 2025, inscrit sous le numéro 52273 du rôle, il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour comportant une interdiction d’entrée sur le territoire d’une durée de cinq ans a été prise à son encontre le 12 décembre 2024, décision qui ne fait pas l’objet de la présente instance contentieuse, et qu’il ne dispose ni d’un passeport, ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant encore précisé, à cet égard, que, parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il reste toujours en défaut de faire.
En effet, tel que déjà retenu par le tribunal dans son jugement prémentionné du 3 février 2025, les développements du demandeur ayant trait à son comportement irréprochable, à sa personnalité et à sa volonté de collaborer avec les autorités luxembourgeoises et de retourner volontairement en Algérie sont, à défaut d’autres éléments, insuffisants à cet égard.
Les contestations du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef sont dès lors à rejeter.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après 7remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal constate que le demandeur n’a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef.
Plus précisément, le demandeur ne peut pas se prévaloir d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg, ni d’une quelconque autre attache, étant relevé qu’une structure d’hébergement d’urgence, telle que la maison de retour, ne saurait être considérée ni comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence dans cette structure n’est pas concevable.
1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.
8 Par ailleurs, le demandeur n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement l’assignation à résidence visée au point b) dudit paragraphe, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Il s’ensuit que le moyen afférent tiré du caractère prétendument disproportionné de la mesure de prorogation du placement en rétention litigieuse, respectivement d’une application erronée des dispositions légales applicables encourt le rejet pour ne pas être fondé.
Le même constat s’impose encore quant à l’invocation par le demandeur de décisions de la Cour de cassation française alors que, d’une part, des décisions de justice étrangères ne s’imposent pas au tribunal administratif et, d’autre part, le demandeur reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure lesdites décisions seraient pertinentes par rapport à sa situation personnelle.
S’agissant, ensuite, des contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, le tribunal relève que dans son jugement prémentionné du 3 février 2025, il a été retenu que les démarches entreprises à l’époque par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, à savoir (i) l’envoi par les autorités luxembourgeoises, en date du 24 décembre 2024, après avoir été informées la veille par les autorités slovènes et allemandes que les demandes de protection internationale introduites par le demandeur dans ces Etats membres avaient été définitivement rejetées, respectivement acquis le statut de « discontinued, obliged to leave Germany », et que l’intéressé avait disparu de leurs territoires respectifs, d’un courrier au Consulat de la République Algérienne Démocratique et Populaire à Bruxelles pour l’identification de Monsieur (A) en vue de la délivrance d’un laissez-passer, courrier auquel furent annexés un jeu d’empreintes digitales, quatre photos d’identité ainsi qu’une copie de la carte d’identité de l’intéressé, (ii) l’envoi par les autorités luxembourgeoises d’un courrier électronique, en date du 13 janvier 2025, aux autorités consulaires algériennes afin de s’enquérir sur l’état d’avancement du dossier du concerné, (iii) un entretien téléphonique entre l’agent en charge du dossier et Madame le Vice-
Consul du Consulat de l’Algérie en date du 23 janvier 2025, lors duquel celle-ci a confirmé que la demande d’identification du concerné était en cours d’instruction, et (iv) le fait pour le ministre d’avoir, en date du 29 janvier 2025, chargé l’Unité de Garde et d’Appui Opérationnel (« UGAO ») de la police grand-ducale de l’organisation du départ de l’intéressé, suite à la réception en date du même jour d’un courrier par lequel les autorités consulaires algériennes ont informé les autorités luxembourgeoises qu’elles étaient disposées à délivrer un laissez-
passer dans le chef du demandeur, devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.
Quant aux démarches accomplies depuis lors, le tribunal constate que par courrier du 7 février 2025, les autorités luxembourgeoises se sont adressées à … afin de voir délivrer un billet simple, Bruxelles – Alger, à l’intéressé, l’éloignement du demandeur vers l’Algérie étant actuellement prévu pour le 7 mars 2025, tel que cela ressort d’un plan de vol dressé le 5 février 2025 par l’UGAO de la police grand-ducale.
9 Au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, il échet de conclure que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise. Il y a également lieu de relever qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien, conclusion qui s’impose d’autant plus que l’éloignement effectif de Monsieur (A) est, tel que relevé ci-avant, prévu pour le 7 mars 2025.
Les contestations afférentes du demandeur sont partant à rejeter.
En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté d’aller et venir, consacrée notamment par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».
Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH que celui-
ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.
Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la CourEDH a encore retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir.
Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.
Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».
En l’espèce, étant donné, d’une part, que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour, ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans en date du 12 décembre 2024, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, et d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.
Au vu des développements ci-avant, le tribunal conclut que les contestations du demandeur quant à la légalité, au caractère justifié et à la proportionnalité de la mesure de prorogation du placement en rétention litigieuse sont à rejeter dans leur ensemble.
S’agissant, finalement, de la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-
avant que la mesure de prorogation du placement en rétention litigieuse est légale – le tribunal 2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.
3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.
10ayant plus précisément retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que, par ailleurs, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise – et, d’autre part, que le demandeur n’a pas prouvé qu’il n’existerait en l’espèce pas de perspective raisonnable d’éloignement. Dans ces circonstances, une remise en liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115 ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de cette disposition.
Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de Monsieur (A) de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000,- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 février 2025 par :
Benoît HUPPERICH, premier juge, Sibylle SCHMITZ, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier DREBENSTEDT.
s. Xavier DREBENSTEDT s. Benoît HUPPERICH Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 11