Tribunal administratif N° 52358 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52358 5e chambre Inscrit le 12 février 2025 Audience publique du 19 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52358 du rôle et déposée le 12 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Philippe STROESSER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … en Algérie et être de nationalité algérienne, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 27 janvier 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en ses plaidoiries à l’audience publique du 19 février 2025, Maître Philippe STROESSER s’étant excusé.
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Le 7 octobre 2022, Monsieur (A) introduisit auprès du ministère des Affaires étrangères et européennes une demande de protection internationale au Luxembourg au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par un agent de la police grand-ducale, service de la police judiciaire, section criminalité organisée - police des étrangers, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, tel que confirmé par une recherche effectuée le même jour dans la base de données EURODAC, que Monsieur (A) avait préalablement introduit des demandes de protection internationale en France en date du 4 novembre 2020, respectivement aux Pays-Bas le 31 décembre 2021 et en Allemagne le 7 avril 2022. Il ressort encore du même rapport de police que Monsieur (A) fit l’objet d’un signalement par les autorités néerlandaises dans la base de données du Système d’Information Schengen (« SIS »).
Toujours le 7 octobre 2022, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et européennes, en vue de déterminer l’Etat responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-
après désigné par « le règlement Dublin III ».
En date du 10 octobre 2022, les autorités luxembourgeoises contactèrent les autorités françaises aux fins de la reprise en charge de Monsieur (A) sur base de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par lesdites autorités par courrier électronique du 2 novembre 2022.
Il ressort d’un relevé du Centre pénitentiaire de Luxembourg (« CPL »), du 25 novembre 2022, que Monsieur (A) y fut placé le même jour en vertu d’un mandat de dépôt.
Par arrêté du 9 janvier 2023, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour à sa sortie du CPL, le ministre de l’Immigration et de l’Asile assigna Monsieur (A) à résidence à la structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg pour une durée de trois mois avec l’obligation de se présenter quotidiennement durant cette période au plus tard à 23 heures du soir ainsi qu’à 8 heures du matin au personnel de la structure en question.
Il ressort d’un relevé du Centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (« CPU »), du 26 janvier 2023, que Monsieur (A) y fut placé le même jour en vertu d’un mandat d’amener.
Par décision du 27 janvier 2023, notifiée au mandataire de l’intéressé le même jour, le ministre de de l’Immigration et de l’Asile informa Monsieur (A) que le Grand-Duché de Luxembourg n’examinerait pas sa demande de protection internationale et qu’il serait transféré vers la France, Etat membre responsable pour examiner sa demande de protection internationale, ledit ministre invoquant plus particulièrement les dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015, ainsi que de l’article 18, paragraphe (1), point d) du règlement Dublin III.
Il ressort d’un acte d’écrou du 8 décembre 2023 que par arrêt de la Cour d’appel du 7 novembre 2023, Monsieur (A) fut condamné à 24 mois d’emprisonnement, peine ayant commencé à courir le 26 janvier 2023 pour s’achever le 30 novembre 2024.
Il est constant en cause que le transfert de Monsieur (A) vers la France ne put être exécuté dans les délais prévus par le règlement Dublin III, de sorte que les autorités luxembourgeoises devinrent responsables de l’examen de la demande de protection internationale de l’intéressé.
Le 21 juin 2024, Monsieur (A) fut entendu par un agent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de protection internationale.
Par décision du 2 juillet 2024, notifiée à l’intéressé par lettre recommandée expédiée le 3 juillet 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », entretemps en charge du dossier, informa Monsieur (A) qu’il avait statué sur le bien-fondé de sa demande de protection internationale dans le cadre d’une procédure accélérée en se basant sur les dispositions de l’article 27, paragraphe (1), point a) de la loi du 18 décembre 2015 et que sa demande avait été refusée comme non fondée, tout en lui ordonnant de quitter le territoire dans un délai de trente jours à partir du jour où la décision de refus est devenue définitive vers l’Algérie ou tout autre pays dans lequel l’intéressé aurait le droit de séjour.
Par arrêté du 28 novembre 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le 29 novembre 2024, le ministre prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à son égard à partir de la sortie de l’Espace Schengen.
Par arrêté séparé du 28 novembre 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.
Par arrêté du 23 décembre 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le 27 décembre 2024, le ministre prorogea le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois avec effet au 29 décembre 2024.
Par jugement du tribunal administratif du 24 décembre 2024, inscrit sous le numéro 52117 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 19 décembre 2024 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 28 novembre 2024.
Par jugement du tribunal administratif du 21 janvier 2025, portant le numéro 52213 du rôle, Monsieur (A) fut débouté de son recours contentieux introduit le 13 janvier 2025 à l’encontre de l’arrêté ministériel, précité, du 23 décembre 2024.
Par arrêté du 27 janvier 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le 29 janvier 2025, le ministre prorogea ladite mesure de placement en rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, dans les termes suivants :
« […] Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 28 novembre et 23 décembre 2024, notifiés le 29 novembre respectivement le 27 décembre avec effet au 29 décembre 2024, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 28 novembre 2024 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 12 février 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 27 janvier 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a, partant, pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir exposé les faits et rétroactes à la base de la décision déférée et avoir cité l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, souligne, de manière générale, que le placement au Centre de rétention devrait être considéré comme un ultime remède et ne constituerait qu’une simple faculté pour le ministre et non pas une obligation systématique.
Or, cette faculté accordée au ministre devrait se baser sur des motifs sérieux et être proportionnée par rapport à la situation donnée, alors que le placement en rétention d’une personne constituerait une atteinte à la liberté de mouvement qui devrait être motivée à suffisance, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.
Il indique également qu’en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008, le maintien de la rétention serait conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et exécuté avec toute la diligence nécessaire, impliquant que le ministre serait dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Il critique le fait que malgré l’indication dans l’arrêté litigieux du ministre que « [l]es démarches n’ont pas encore abouti », aucune perspective d’éloignement n’existerait à l’heure actuelle, de sorte qu’il y aurait lieu de s’interroger sur les chances de succès de la mesure d’éloignement dans un délai raisonnable et, en toute circonstance, avant l’écoulement de la durée maximale de la mesure de sa rétention.
Le demandeur ajoute que son maintien au Centre de rétention constituerait une mesure privative de liberté qui devrait être réduite au strict minimum et qu’il ne devrait pas être retenu au Centre de rétention en attendant l’exécution de la mesure d’éloignement, ce d’autant plus que les autorités luxembourgeoises seraient actuellement tributaires de la collaboration des autorités étrangères compétentes, à savoir les autorités algériennes. Le demandeur donne à considérer que l’absence de retour desdites autorités et la « pénible attente » qui s’ensuivrait pèseraient finalement sur ses épaules, et qu’il se verrait priver de sa liberté en raison du manque de diligence des autorités étatiques.
Au vu des circonstances de l’espèce et de son comportement, le demandeur estime que son placement au Centre de rétention serait disproportionné et que des mesures moins coercitives, telles qu’une assignation à résidence assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, auraient pu être prises à son égard sur le fondement de l’article 125 de la loi du 29 août 2008.
Il conclut à l’absence de caractère justifié de son maintien au Centre de rétention et sollicite, en conséquence la réformation de l’arrêté ministériel du 27 janvier 2025 en vue de sa libération et d’une assignation à résidence dans un lieu à fixer par le ministre.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
S’agissant d’abord de la légalité externe de la décision déférée et, plus particulièrement, du moyen tiré d’une insuffisance de motivation de ladite décision, le tribunal relève que dans la mesure où aucun texte légal ou réglementaire n’exige l’indication formelle des motifs se trouvant à la base d’une décision de placement en rétention - l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, en vertu duquel certaines catégories de décisions doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base, n’étant pas applicable à une telle décision -
le ministre n’avait pas à motiver spécialement la décision litigieuse, de sorte que le moyen sous analyse est à rejeter.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal rappelle de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est, partant, en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
Tel que d’ores et déjà retenu par le tribunal dans ses jugements prémentionnés des 24 décembre 2024 et 21 janvier 2025, il est, en l’espèce, constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’une décision de retour ainsi qu’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ont été prises à son encontre respectivement les 2 juillet et 28 novembre 2024, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse, de même qu’il ne dispose ni d’un visa en cours de validité, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figurent justement celles d’être en possession d’un passeport et d’un visa en cours de validité et de ne pas faire l’objet d’un signalement dans le système SIS, respectivement de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire, telles que prévues au paragraphe (2), points 1. à 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu au demandeur de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite, ce qu’il est, toutefois, resté en défaut de faire.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer et maintenir le demandeur en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, assortie d’une obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministère, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « (1) Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, le tribunal est amené à retenir que le demandeur, qui ne dispose au Luxembourg d’aucun domicile fixe déclaré ni d’une quelconque autre attache, ne lui a toujours pas soumis d’éléments concluants permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
Ainsi, les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, à laquelle le demandeur a fait référence en particulier, ne sauraient être efficacement appliquées et l’arrêté déféré de prorogation du placement en rétention ne saurait être considéré comme étant disproportionné ou injustifié de ce fait.
Il s’ensuit que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
En ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à l’éloignement du demandeur dans les meilleurs délais, le tribunal relève que dans son jugement, prémentionné, du 24 décembre 2024, il a jugé que les démarches entreprises à l’époque par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, à savoir l’envoi par les autorités luxembourgeoises, en date du 9 décembre 2024, d’un courrier au Consulat de la République Algérienne Démocratique et Populaire à Bruxelles en vue de l’identification du demandeur, courrier auquel avaient été annexés un jeu d’empreintes digitales ainsi que quatre photos d’identité du concerné, devaient être considérées comme étant suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008.
Dans son jugement prémentionné du 21 janvier 2025, le tribunal est arrivé à la même conclusion après avoir constaté que par courriers électroniques successifs des 27 décembre 2024 et 13 janvier 2025, les autorités luxembourgeoises avaient contacté leurs homologues algériens afin de s’enquérir sur l’état d’avancement du dossier du demandeur.
Quant aux démarches accomplies depuis lors, le tribunal constate qu’une « note du dossier » figurant au dossier administratif révèle qu’un contact téléphonique a été établie avec le Consulat d’Algérie le 23 janvier 2025, lequel a informé les autorités luxembourgeoises que le dossier du demandeur était en cours d’instruction. Le tribunal relève encore que les autorités luxembourgeoises se sont à nouveau enquises de l’état d’avancement du dossier du demandeur auprès des autorités algériennes par courrier électronique du 10 février 2025.
Dans ces conditions, le tribunal est amené à retenir que la procédure d’éloignement du demandeur est toujours en cours et que les démarches entreprises à cet égard par les autorités luxembourgeoises doivent être considérées, à ce stade, comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008 pour justifier le maintien du placement du demandeur en rétention, compte tenu plus particulièrement du contact téléphonique intervenu avec les autorités compétentes algériennes.
1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.
C’est, dès lors, à tort que le demandeur, d’une part, reproche un manque de diligences aux autorités luxembourgeoises, qui sont actuellement tributaires de la collaboration des autorités algériennes auxquelles elles se sont adressées, et, d’autre part, estime que son éloignement n’aurait aucune perspective d’aboutir.
Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la mesure de prorogation du placement en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-
fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours principal en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 février 2025 par :
Benoît HUPPERICH, premier juge, Sibylle SCHMITZ, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier DREBENSTEDT.
s. Xavier DREBENSTEDT s. Benoît HUPPERICH Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 9