Tribunal administratif N° 52355 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52355 5e chambre Inscrit le 11 février 2025 Audience publique du 19 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52355 du rôle et déposée le 11 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Sanae IGRI, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Algérie) et être de nationalité algérienne, actuellement placé au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 28 janvier 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de ladite décision ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Marina LIFA, en remplacement de Maître Sanae IGRI, et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 19 février 2025.
Il ressort d’un rapport de la police grand-ducale de la région …, commissariat …, référencé sous le numéro …, dit « Fremdennotiz », du 23 janvier 2025 qu’en date du même jour, Monsieur (A) fut interpellé par les forces de l’ordre dans le cadre d’un contrôle dans un bar à …, sans être en mesure de présenter des documents d’identité ou de voyage valables. Il s’avéra à cette occasion qu’il était signalé dans le système d’information Schengen (SIS) par les autorités françaises en raison d’une « Interdiction d’accès/séjour » dans ce pays, valable jusqu’au 29 octobre 2029.
Il ressort ensuite d’un rapport de la police grand-ducale de la région …, commissariat …, référencé sous le numéro …, du 28 janvier 2025 qu’en date du même jour, Monsieur (A) fut de nouveau interpellé par les forces de l’ordre et qu’il n’était toujours pas en mesure de présenter des documents d’identité ou de voyage valables.
Par arrêté du même jour, notifié à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans 1délai et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans à son encontre.
Par arrêté séparé du 28 janvier 2025, également notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no … du 28 janvier 2025 établi par la Police grand-ducale, Commissariat … ;
Vu la décision de retour du 28 janvier 2025, lui notifiée le même jour, assortie d'une interdiction d'entrée de 3 ans ;
Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;
Considérant que l'intéressé n'est pas disposé à retourner volontairement dans son pays d'origine ;
Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant que l'intéressé évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d'éloignement ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu’elles sont prévues par l’article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'identification et de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 février 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel précité du 28 janvier 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de la décision.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur expose les faits et rétroactes à la base du litige sous examen, en relevant plus particulièrement être un ressortissant algérien et être entré en Europe en 2022 afin d’y retrouver des membres de sa famille, notamment ses cousins qui vivraient à …, en France. Il explique avoir fait l’objet d’un contrôle d’identité au Luxembourg, conformément aux dispositions de l’article 136 de la loi du 29 août 2008, au cours duquel il n’aurait pas pu présenter de document l’autorisant à circuler ou à séjourner sur 2le territoire luxembourgeois, raison pour laquelle il aurait été conduit par la police grand-ducale au Centre de rétention.
En droit, le demandeur fait plaider que la légalité d’une mesure de rétention administrative devrait s’inscrire dans un contexte permettant d’établir l’existence d’un risque non négligeable de fuite, apprécié à la lumière de la situation individuelle de l’étranger, ainsi que le caractère proportionné d’un placement en rétention basé sur ce premier critère et l’inexistence de mesures adéquates moins coercitives.
Tout en citant l’article 120, paragraphes (1) et (3) de la loi du 29 août 2008, le demandeur fait relever que le recours au placement de l’étranger au Centre de rétention devrait être écarté, lorsqu’il n’existerait aucun risque de fuite dans le chef de celui-ci, du fait notamment de l’existence de garanties de représentation, soumise à l’appréciation souveraine du juge. Il donne à cet égard à considérer qu’il aurait exprimé sa volonté de respecter les obligations imposées par le ministre en vue de l’organisation de son éloignement.
Le demandeur soutient encore que le placement en rétention devrait rester une mesure exceptionnelle en raison de l’entrave à sa liberté d’aller et venir qui serait garantie par la Constitution et par l’article 5, paragraphe (1) de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, désignée ci-après par « la CEDH ». A cet égard, il se réfère à un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme, ci-après désignée par « la CourEDH », du 6 novembre 1980, dans une affaire Guzzardi c. Italie, et précise qu’un placement en rétention constituerait l’ultima ratio.
Or, en l’espèce, le ministre serait resté en défaut d’envisager d’autres solutions « plus adaptées et moins dommageables en termes de privation de liberté », le demandeur sollicitant dès lors son placement au sein de la maison retour, anciennement dénommée structure d’hébergement d’urgence du Kirchberg, tout en renvoyant à cet égard à un jugement du tribunal administratif du 6 mai 2024, inscrit sous le numéro 50351 du rôle.
Après avoir cité l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il donne à considérer que le placement en structure fermée d’un étranger qui présenterait des garanties de représentation propres à limiter sinon à exclure tout risque de fuite dans son chef serait à considérer comme illégal, tel que cela ressortirait de l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, désignée ci-après par « la directive 2008/115 », selon lequel le ressortissant concerné d’un pays tiers devrait être immédiatement remis en liberté si sa rétention n’est pas légale, disposition qui serait suffisamment claire et inconditionnelle, de sorte qu’elle devrait, faute de transposition en droit luxembourgeois, avoir un effet direct.
Le demandeur souligne qu’il n’existerait aucun risque de fuite dans son chef, en donnant à considérer qu’il aurait démontré sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, qu’il aurait affiché un comportement irréprochable au Centre de rétention et qu’il serait une personne « responsable, particulièrement bien intégrée et respectueuse ».
Le demandeur fait encore valoir que le recours à la rétention ne serait possible que si d’autres mesures moins coercitives ne pouvaient être efficacement appliquées et il conclut que son maintien en rétention ne serait dès lors plus justifié, mais illégal et disproportionné.
3 Il soutient que le principe selon lequel le placement d’un étranger doit être nécessaire au but légitime poursuivi, proportionné et entouré de garanties, notamment « l’intervention d’un juge », figurerait non seulement dans la loi du 29 août 2008, mais également dans la directive 2008/115.
Le demandeur cite encore, dans ce contexte, trois jugements du tribunal administratif des 19 février 2009, 11 juillet 2023 et 12 juillet 2023, inscrits sous les numéros respectifs 25374, 49109 et 49141 du rôle, qui auraient souligné l’importance de vérifier, par rapport à la situation d’un étranger, si une structure particulière répond aux critères posés par le principe de proportionnalité en tenant compte de l’opportunité du principe de l’enfermement et du type de structure fermée retenu par le ministre, pour faire valoir qu’un placement à la maison retour serait plus adapté à sa situation personnelle et constituerait une garantie de représentation suffisante dans son chef.
Il donne encore à considérer qu’en droit commun, le juge aurait « une certaine habitude de formules permettant à un justiciable d’indiquer qu’il sera présent à une audience sans qu’il soit nécessaire de recourir à son emprisonnement jusque-là » et que « [l]e risque de volatilité [pourrait] être contré à partir du moment où la personne n’a pas enfreint ses obligations et vit dans un cadre qui permet de rendre compte de sa présence ».
Le demandeur s’appuie encore sur des décisions de la Cour de cassation française selon lesquelles la loi n’exigerait pas que l’étranger qui sollicite le bénéfice d’une assignation à résidence invoque des circonstances à caractère exceptionnel de nature à justifier cette mesure et l’absence de domicile ne constituerait pas une raison suffisante pour refuser une assignation à résidence.
En se référant finalement à l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 et à la jurisprudence de la CourEDH relativement à l’article 5 de la CEDH, le demandeur conteste l’existence d’une perspective d’éloignement et reproche au ministre de ne pas avoir accompli les démarches nécessaires à son éloignement avec toute la diligence requise aux fins d’écourter au maximum son placement en rétention, en avançant plus particulièrement qu’il n’aurait pas été officiellement identifié par les autorités algériennes, qu’aucun laissez-passer n’aurait été délivré dans son chef par ces dernières et que le ministre ne se serait plus enquis auprès des autorités algériennes en vue de l’organisation de son éloignement depuis le 29 janvier 2025.
Au regard de ses développements exposés ci-dessus, le demandeur conclut à la réformation de la décision litigieuse.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives 4telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.
Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de la rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite en premier lieu l’identification de l’intéressé et la mise à disposition de documents d’identité et de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères en vue de l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée.
C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
S’agissant d’abord des contestations du demandeur quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal constate qu’il est constant en cause que le demandeur est en séjour irrégulier au Luxembourg, étant relevé qu’il a fait l’objet d’une décision de retour, assortie d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans en date du 28 janvier 2025, décisions non visées par le présent recours.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), point c), numéro 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008 figure justement celle de ne 5pas faire l’objet, tel que c’est le cas pour le demandeur, d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Il aurait, par conséquent, appartenu à Monsieur (A) de soumettre au tribunal des éléments permettant de renverser cette présomption, en fournissant des éléments susceptibles d’être qualifiés de garanties de représentation effectives de nature à prévenir le risque de fuite présumé dans son chef, ce qu’il reste, toutefois, en défaut de faire.
Ce constat n’est pas énervé par l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait démontré sa volonté de coopérer avec les autorités luxembourgeoises, ni par son affirmation relative à son comportement irréprochable au sein du Centre de rétention, alors que de tels éléments, même à les supposer établis, ne sont pas de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef. Il ressort, au contraire, des éléments du dossier administratif, et notamment des rapports de police des 23 et 28 janvier 2025, prémentionnés, que le demandeur a affirmé qu’il ne quitterait pas volontairement le Luxembourg, affirmation qui est de nature à confirmer que l’intéressé désire rester au Luxembourg et qu’il n’a pas l’intention d’obtempérer à l’ordre de quitter le territoire dont il fait l’objet, mais qu’il entend, au contraire, se soustraire à la mesure d’éloignement, autrement dit à la mainmise des autorités luxembourgeoises.
Les contestations du demandeur quant à l’existence d’un risque de fuite dans son chef sont dès lors à rejeter.
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1), précité, de la loi du 29 août 2008, placer l’intéressé en rétention afin d’organiser son éloignement.
S’agissant ensuite de l’argumentation de l’intéressé selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment d’une assignation à résidence, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé 6utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
En l’espèce, tel que relevé ci-avant, le tribunal constate que le demandeur n’a pas fourni le moindre élément de nature à renverser la présomption d’un risque de fuite dans son chef.
Plus précisément, le demandeur ne peut pas se prévaloir d’un domicile fixe déclaré au Luxembourg, ni d’une quelconque autre attache, étant relevé qu’une structure d’hébergement d’urgence, telle que la maison de retour, ne saurait être considérée ni comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence dans cette structure n’est pas concevable.
Par ailleurs, le demandeur n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et plus particulièrement l’assignation à résidence visée au point b) dudit paragraphe, ne sauraient être efficacement appliquées en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.
7 Il s’ensuit que le moyen tiré du caractère prétendument disproportionné de la mesure de placement litigieuse, respectivement d’une application erronée des dispositions légales applicables est à rejeter pour ne pas être fondé.
Le même constat s’impose encore quant à l’invocation par le demandeur de décisions de la Cour de cassation française alors que, d’une part, des décisions de justice étrangères ne s’imposent pas au tribunal administratif et, d’autre part, le demandeur reste en défaut d’expliquer dans quelle mesure lesdites décisions seraient pertinentes par rapport à sa situation personnelle.
En ce qui concerne les contestations du demandeur quant aux démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à son éloignement, le tribunal relève qu’il ressort des éléments du dossier administratif que par courrier du 29 janvier 2025, soit le lendemain du placement au Centre de rétention de Monsieur (A), l’agent en charge du dossier au sein de la direction générale de l’Immigration s’est adressé aux autorités consulaires algériennes en vue de l’identification et de la délivrance d’un laissez-passer dans le chef de l’intéressé, tout en y joignant quatre photos d’identité, ainsi qu’un jeu d’empreintes digitales de celui-ci, ledit courrier ayant encore été envoyé par voie électronique aux autorités consulaires algériennes en date du même jour. Il s’en dégage encore que l’autorité ministérielle luxembourgeoise a, par courrier électronique du 18 février 2025, contacté les autorités consulaires algériennes afin de s’enquérir sur l’état d’avancement de la demande d’identification leur adressée le 29 janvier 2025 et que celles-ci ont, par courrier électronique du même jour, répondu que ladite demande était en cours d’instruction.
Au regard des diligences ainsi déployées par l’autorité ministérielle luxembourgeoise, le tribunal conclut que les démarches entreprises sont, à ce stade, à considérer comme suffisantes au regard des exigences de l’article 120 de la loi du 29 août 2008, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Il en est de même en ce qui concerne l’argumentation du demandeur suivant laquelle son éloignement n’aurait pas de chances d’être mené à bien. En effet, même si la demande en obtention d’un laissez-passer n’a, à ce jour, pas encore abouti, la procédure d’éloignement actuellement entamée ne saurait, à ce stade, être considérée comme étant d’ores et déjà vouée à l’échec, étant relevé à cet égard qu’il ne s’agit que du placement en rétention initial de Monsieur (A).
En ce qui concerne encore l’invocation par le demandeur d’une atteinte au droit à sa liberté d’aller et venir, consacrée notamment par l’article 5 de la CEDH, il y a lieu de relever qu’aux termes de cette disposition : « 1. Toute personne a droit à la liberté et à la sûreté. Nul ne peut être privé de sa liberté, sauf dans les cas suivants et selon les voies légales : […] f) s’il s’agit de l’arrestation ou de la détention régulières d’une personne pour l’empêcher de pénétrer irrégulièrement dans le territoire, ou contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. […] ».
Il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe (1), point f), précité, de la CEDH que celui-
ci prévoit expressément la possibilité de détenir une personne contre laquelle une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours. Le terme d’expulsion doit être entendu dans son 8acceptation la plus large et vise toutes les mesures d’éloignement respectivement de refoulement de personnes qui se trouvent en séjour irrégulier dans un pays2.
Dans un arrêt du 15 décembre 20163, la CourEDH a encore retenu que : « […] L’article 5 § 1 f) n’exige pas que la détention d’une personne soit considérée comme raisonnablement nécessaire, par exemple pour l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir.
Cependant, une privation de liberté fondée sur le second membre de phrase de cette disposition ne peut se justifier que par le fait qu’une procédure d’expulsion ou d’extradition est en cours.
Si celle-ci n’est pas menée avec la diligence requise, la détention cesse d’être justifiée au regard de l’article 5 § 1 f) […] ».
En l’espèce, étant donné, d’une part, que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour, ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de trois ans en date du 28 janvier 2025, de sorte qu’il se trouve en séjour irrégulier sur le territoire luxembourgeois, et d’autre part, qu’il vient d’être retenu ci-avant que la procédure d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise, la décision déférée n’est pas contraire à l’article 5 de la CEDH, de sorte que le moyen afférent encourt le rejet.
Au vu des développements ci-avant, le tribunal conclut que les contestations du demandeur quant à la légalité, au caractère justifié et à la proportionnalité de la mesure de placement en rétention litigieuse sont à rejeter dans leur ensemble.
S’agissant finalement de la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115, il y a lieu de relever, d’une part, qu’il vient d’être retenu ci-
avant que la mesure de placement en rétention litigieuse est légale – le tribunal ayant plus précisément retenu qu’une mesure moins coercitive qu’un placement en rétention n’est pas envisageable, que le demandeur n’a pas renversé la présomption d’un risque de fuite dans son chef et que, par ailleurs, le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise – et, d’autre part, que le demandeur n’a pas prouvé qu’il n’existerait en l’espèce pas de perspective raisonnable d’éloignement. Dans ces circonstances, une remise en liberté, telle que prévue aux paragraphes (2) et (4) de l’article 15 de la directive 2008/115 ne se conçoit en tout état de cause pas, indépendamment de la question de l’effet direct de cette disposition.
Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu de l’issue du litige, il y a finalement lieu de rejeter la demande de Monsieur (A) de se voir octroyer une indemnité de procédure de 1.000,- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
2 Trib. adm. 25 janvier 2006, n° 20913 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 826 (1er volet) et les autres références y citées.
3 CourEDH, 15 décembre 2016, grande chambre, Khlaifia et autres c. Italie, requête n° 16483/12, § 90.
9Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par le demandeur ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 février 2025 par :
Benoît HUPPERICH, premier juge, Sibylle SCHMITZ, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier DREBENSTEDT.
s. Xavier DREBENSTEDT s. Benoît HUPPERICH Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 10