Tribunal administratif N° 52354 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:52354 5e chambre Inscrit le 11 février 2025 Audience publique du 19 février 2025 Recours formé par Monsieur (A), Findel, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52354 du rôle et déposée le 11 février 2025 au greffe du tribunal administratif par Maître Marcel MARIGO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Sénégal), de nationalité sénégalaise, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 février 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 9 février 2025 ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 février 2025 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport et Monsieur le délégué du gouvernement Jean-Paul REITER en ses plaidoiries à l’audience publique du 19 février 2025, Maître Marcel MARIGO ne s’étant ni présenté, ni excusé.
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En date du 9 janvier 2025, Monsieur (A) fit l’objet d’un contrôle d’identité par des agents de la police grand-ducale lors duquel il présenta un passeport sénégalais sans visa valable.
Par arrêté du 9 janvier 2025, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « ministre », constata le séjour irrégulier de Monsieur (A) au Luxembourg, lui ordonna de quitter le territoire sans délai à destination du pays dont il a la nationalité, à savoir le Sénégal, ou à destination du pays qui lui aura délivré un document de voyage en cours de validité ou à destination d’un autre pays dans lequel il est autorisé à séjourner, et lui interdit l’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans à partir de la sortie de l’Espace Schengen.
Par arrêté séparé du 9 janvier 2025, notifié à l’intéressé en mains propres à la même date, le ministre ordonna le placement en rétention de Monsieur (A) pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, dans les termes suivants :
« […] Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
1Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport no … du 9 janvier 2025 établi par la Police grand-ducale ;
Vu ma décision de retour du 9 janvier 2025, lui notifiée le même jour, assortie d'une interdiction d'entrée de 3 ans ;
Considérant qu'il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé, alors qu'il ne dispose pas d'une adresse officielle au Grand-Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches […] ».
Le recours contentieux introduit par Monsieur (A) en date du 17 janvier 2025 contre la décision ministérielle prémentionnée du 9 janvier 2025 ayant ordonné son placement au Centre de rétention fut rejeté par un jugement du tribunal administratif du 22 janvier 2025, inscrit sous le numéro 52247 du rôle.
Par arrêté ministériel du 6 février 2025, notifié à l’intéressé en mains propres le lendemain, le ministre prorogea ladite mesure de placement en rétention pour une durée d’un mois avec effet au 9 février 2025, dans les termes suivants :
« […] Vu les articles 100, 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mon arrêté du 9 janvier 2025, notifié le même jour, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 9 janvier 2025 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
Considérant que les démarches en vue de l’éloignement ont été engagées ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure de l’éloignement ; […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 11 février 2025, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 6 février 2025 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 9 février 2025.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par la « loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation, lequel est encore recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délai de la loi.
A l’appui de son recours, le demandeur rappelle d’abord les faits et rétroactes, en expliquant qu’il vivrait ensemble avec son épouse et sa fille mineure en Espagne. Celles-ci seraient toutes les deux de nationalité espagnole. Lui-même se serait rendu au Luxembourg pour rendre visite à un ami. Il sollicite d’être libéré du Centre de rétention pour qu’il puisse 2retourner en Espagne auprès de sa famille où il disposerait d’un logement et des ressources financières pour subvenir à ses propres besoins. Il donne à considérer que sa demande de titre de séjour auprès des autorités espagnoles serait toujours en cours d’examen et que celles-ci n’auraient aucune raison de lui refuser le titre de séjour demandé.
En droit, le demandeur affirme que le placement au Centre de rétention constituerait une mesure extrême en ce qu’elle priverait systématiquement l’individu concerné de sa liberté de mouvement qui serait consacrée par l’article 5 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. Une telle mesure de placement ne devrait partant intervenir qu’en cas de nécessité absolue justifiée par le comportement de l’individu concerné.
Il se réfère à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, ci-après désignée par la « directive 2008/115/CE », pour soutenir que l’individu concerné devrait être immédiatement remis en liberté, dès lors qu’il présenterait des garanties de représentation propres à limiter sinon à exclure tout risque de fuite.
Le demandeur conteste tout risque de fuite dans son chef et donne à considérer qu’il aurait immédiatement collaboré avec les autorités luxembourgeoises en leur remettant son passeport sénégalais, mais aussi en leur expliquant concrètement sa situation réelle pour permettre son identification, tout en invoquant sa situation personnelle et administrative en Espagne. Il aurait été placé au Centre de rétention, alors même qu’il résulterait à suffisance de son dossier qu’il serait dans l’attente d’une réponse des autorités espagnoles quant à sa demande de titre de séjour qui serait encore en cours d’examen.
Le demandeur affirme que son placement systématique au Centre de rétention résulterait incontestablement d’une appréciation erronée de sa situation individuelle mais aussi d’une violation de la loi.
Il se réfère à l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 pour soutenir que le placement en rétention serait facultatif pour le ministre et ne devrait être décidé qu’en l’absence de mesures alternatives moins coercitives, le demandeur affirmant qu’il n’existerait aucun élément tangible justifiant objectivement la prise d’une mesure de placement au Centre rétention à son encontre et qu’il n’aurait jamais montré le moindre signe qui ferait présumer un quelconque risque de fuite dans son chef.
Il conclut à l’absence de risque de fuite dans son chef et sollicite sa libération immédiate pour pouvoir se rendre en Espagne afin d’y rejoindre son épouse et sa fille mineure, et pour répondre à la convocation qu’il devrait recevoir afin de récupérer son titre de séjour.
Il se réfère ensuite aux mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 et soutient que l’interprétation des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 imposerait que de telles mesures bénéficient d’une priorité sur le placement en rétention. Dans ce contexte, le demandeur explique que son désir de retourner auprès de sa famille, sinon dans l’Etat membre où se trouverait sa famille ne pourrait pas constituer un risque de fuite qui justifierait son maintien au Centre de rétention. Il réitère qu’il serait toujours en attente d’une réponse des autorités espagnoles en ce qui concerne son titre de séjour. Il n’existerait, dès lors, pas de perspective raisonnable de voir réaliser son « transfert » vers le 3Sénégal.
Il se réfère à nouveau aux articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008 pour soutenir l’assignation à résidence serait à considérer comme une mesure proportionnée qui devrait bénéficier d’une priorité par rapport à une rétention pour autant que les conditions de l’article 125, paragraphe (1) de ladite loi soient remplies. Le demandeur en déduit qu’il n’existerait aucune perspective raisonnable de le voir éloigner pour l’instant vers son pays d’origine, de sorte que sa rétention serait à qualifier de disproportionnée, sinon arbitraire.
Il indique solliciter sa libération immédiate, sinon son placement à la « structure d’hébergement d’urgence afin qu’il puisse rejoindre les membres de sa famille en Espagne », tout en donnant à considérer qu’il se soumettrait encore à toutes mesures restrictives découlant de la décision d’assignation à résidence, notamment celle relative à la surveillance électronique et qui emporterait pour lui l’interdiction de quitter un périmètre fixé par l’autorité administrative.
Le délégué du gouvernement conclut, pour sa part, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
Le tribunal rappelle de prime abord qu’une décision de placement en rétention est prise dans l’objectif de l’exécution d’une mesure d’éloignement. C’est ainsi que l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris, prévoit que : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118 […], l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées. Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. […] ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1), de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères, notamment en vue de 4l’obtention d’un accord de reprise en charge ou de réadmission de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais, condition en l’espèce non critiquée par le demandeur.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au premier paragraphe de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Une décision de prorogation d’un placement en rétention est, partant, en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
S’agissant, tout d’abord, des contestations de Monsieur (A) quant à l’existence, dans son chef, d’un risque de fuite, le tribunal constate qu’en l’espèce, il est constant que le demandeur a fait l’objet d’une décision de retour en date du 9 janvier 2025, assortie d’une décision d’interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de trois ans, décisions qui ne font pas l’objet de la présente instance contentieuse. Il est encore constant en cause que le demandeur ne dispose ni d’un visa, ni d’une autorisation de séjour valable pour une durée supérieure à trois mois, ni d’une autorisation de travail. Il s’ensuit que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg.
Dès lors, force est de constater qu’il existe, dans le chef du demandeur, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), lettre c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « […] [l]e risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 […] », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction sur le territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question.
Sur base de ces considérations, il échet de retenir que le ministre a fait une correcte appréciation de la situation du demandeur et qu’il pouvait a priori valablement, sur base de l’article 120, paragraphe (1) précité de la loi du 29 août 2008, le placer et le maintenir en rétention afin d’organiser son éloignement.
Cette conclusion n’est pas remise en cause par la volonté affichée du demandeur de vouloir retourner en Espagne auprès de son épouse et de sa fille mineure, ces explications étant, au contraire, de nature à corroborer l’existence d’un risque de fuite dans son chef. Dans ce contexte, le tribunal rappelle que le risque de fuite ne se réfère pas à un éventuel risque que le demandeur quitte le territoire du Luxembourg, mais vise bien le risque que le demandeur tente 5de se soustraire à la mesure d’éloignement projetée, soit en l’occurrence à la mainmise des autorités luxembourgeoises.
Cette conclusion n’est pas non plus remise en cause par l’affirmation du demandeur suivant laquelle il aurait collaboré avec les autorités luxembourgeoises, étant donné que ces éléments – à les supposer établies – sont, au regard des dispositions légales précitées, sans pertinence dans le cadre de l’appréciation de l’existence d’un risque de fuite.
Quant aux développements du demandeur selon lesquels il serait en attente d’une réponse à sa demande de titre de séjour en Espagne, force est de constater qu’il ressort du dossier administratif que les autorités espagnoles ont refusé, par courrier du 14 janvier 2025, la réadmission de Monsieur (A) sur base de la directive 2008/115/CE au motif qu’il ne disposait d’aucun titre de séjour en Espagne, de sorte que le demandeur n’est, en tout état de cause, pas fondé à se prévaloir d’un titre de séjour espagnol.
Le moyen quant à l’absence d’un risque de fuite dans son chef est partant rejeté.
S’agissant de l’argumentation du demandeur selon laquelle le ministre aurait dû lui appliquer des mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, il échet de rappeler que cette disposition légale dispose que :
« Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations 6auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné. ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens qu’en vue de la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement, les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme mesures proportionnées bénéficiant d’une priorité par rapport à une rétention pour autant qu’il soit satisfait aux deux exigences posées par ledit article 125, paragraphe (1) pour considérer ces autres mesures moins coercitives comme suffisantes et que la rétention ne réponde à l’exigence de proportionnalité et de subsidiarité que si aucune des autres mesures moins coercitives n’entre en compte au vu des circonstances du cas particulier.
L’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, prévoit plus particulièrement que le ministre peut prendre la décision d’appliquer, soit conjointement, soit séparément, les trois mesures moins coercitives y énumérées à l’égard d’un étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, est reportée pour des motifs techniques, à condition que l’intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3), de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale d’un risque de fuite dans le chef de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
Or, en l’espèce, le tribunal ne s’est, tel que constaté ci-avant, pas vu soumettre le moindre élément de preuve par le demandeur lui permettant de conclure au renversement de la présomption légale d’un risque de fuite pesant sur lui, ses développements selon lesquels il serait en attente d’un titre de séjour en Espagne étant, pour les motifs indiqués ci-avant, insuffisants à cet égard.
Il n’est, d’ailleurs, pas contesté que le demandeur ne dispose d’aucun domicile fixe déclaré au Luxembourg et qu’il n’a présenté aucun autre élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes, au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes, et plus particulièrement celle visée au point b) dudit article, s’impose, étant encore précisé que la Maison Retour, anciennement dénommée la Structure d’Hébergement d’urgence du Kirchberg (« SHUK »), ne saurait être considérée comme domicile stable ni comme fournissant à elle seule une garantie de représentation suffisante, de sorte qu’une assignation à résidence n’y est pas concevable.
C’est, dès lors, à juste titre que le ministre a retenu que les mesures moins coercitives prévues par l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, en ce compris l’assignation 1 Trib. adm. 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Etrangers, n° 972 et les autres références y citées.
7à résidence, ne sont pas envisageables en l’espèce, de sorte que les contestations afférentes du demandeur sont à rejeter.
Quant à la référence faite par le demandeur à l’article 15, paragraphes (2) et (4) de la directive 2008/115/CE, le tribunal précise que cette directive a été transposée en droit luxembourgeois par le biais de la loi du 1er juillet 2011 modifiant la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration et la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d’asile et à des formes complémentaires de protection, entretemps abrogée par la loi du 18 décembre 2015.
Or, les directives ne peuvent être directement applicables et invoquées par les seuls justiciables que si leurs dispositions sont inconditionnelles et suffisamment précises et que l’Etat n’a pas transposé dans les délais ladite directive ou s’il en a fait une transposition incorrecte2.
Dans la mesure où, en l’espèce, le demandeur ne démontre pas que l’Etat luxembourgeois aurait été en défaut de transposer ladite directive dans les délais impartis ou en aurait fait une transposition incorrecte, il y a lieu de retenir qu’il n’est pas fondé à se prévaloir directement des dispositions communautaires invoquées, mais qu’il lui aurait appartenu d’invoquer à la base de ses prétentions les dispositions de la loi du 29 août 2008. Par ailleurs, il y a lieu de souligner qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer à la carence de la partie demanderesse et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions, une telle obligation incombant au seul litismandataire du demandeur, professionnel de la postulation, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.
En ce qui concerne les démarches entreprises par le ministre en vue de procéder à l’éloignement du demandeur, force est au tribunal de constater que l’intéressé n’a pas formulé la moindre contestation à ce sujet, mais s’est limité à affirmer péremptoirement qu’il n’existerait pas de perspective raisonnable que l’éloignement aboutisse.
Le tribunal constate, au contraire, que le ministre a chargé l’Unité de Garde et d’Appui Opérationnel (« UGAO »), Service de Garde et de Protection (« SGP »), d’organiser le départ de l’intéressé vers le Sénégal dès le 15 janvier 2025, et qu’un vol à destination de Dakar (Sénégal) est actuellement fixé au 4 mars 2025, tel que cela ressort d’un plan de vol daté du 5 février 2025 figurant au dossier administratif.
Au regard des diligences accomplies à ce jour par le ministre, il échet de conclure que le dispositif d’éloignement est toujours en cours et poursuivi avec la diligence légalement requise. Il y a également lieu de relever qu’il ne se dégage d’aucun élément de la cause que les démarches ainsi accomplies par l’autorité ministérielle luxembourgeoise seraient vouées à l’échec, de sorte qu’il n’est pas établi qu’il n’existerait, en l’espèce, pas de chances raisonnables de croire que l’éloignement puisse être mené à bien, conclusion qui s’impose d’autant plus que l’éloignement effectif du demandeur est, tel que relevé ci-avant, prévu pour le 4 mars 2025. Le moyen sous analyse est par conséquent à rejeter.
2 Trib. adm., 9 octobre 2003, n° 15375 du rôle, Pas. adm. 2024, V° Lois et règlements, n° 116 (2e volet) et les autres références y citées.
8Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal conclut que contrairement à l’argumentation du demandeur, la prorogation de la mesure de placement en rétention litigieuse n’est pas disproportionnée et qu’en l’état actuel du dossier et en l’absence de moyens à soulever d’office, il ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité, ni le bien-
fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit en la forme le recours en réformation ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 19 février 2025 par :
Benoît HUPPERICH, premier juge, Sibylle SCHMITZ, premier juge, Georges GEDGEN, attaché de justice délégué, en présence du greffier en chef Xavier DREBENSTEDT.
s. Xavier DREBENSTEDT s. Benoît HUPPERICH Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 19 février 2025 Le greffier du tribunal administratif 9