Tribunal administratif N° 48766 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48766 1re chambre Inscrit le 3 avril 2023 Audience publique extraordinaire du 14 février 2025 Recours formé par la société civile immobilière (AA) SCI, …, contre une décision du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable en matière de protection de la nature
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48766 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2023 par Maître Nicky STOFFEL, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société civile immobilière (AA) SCI, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par ses associés actuellement en fonctions, tendant à l’annulation, sinon à la réformation de : « […] l’arrêté du Ministère de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 03 janvier 2023, par lequel la Ministre de l’Environnement a autorisé la requérante à effectuer une destruction au sens de l’article 17 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 sur un terrain inscrite au cadastre de la commune de Bettendorf, Section … de Bettendorf, sous le numéro (P1) sous des conditions strictes obligeant la requérante à prendre des « mesures compensatoires » telles que le paiement d’une taxe de remboursement, la plantation d’arbres entourés d’une bande enherbée, l’interdiction d’utiliser certains fertilisants et produits phytopharmaceutiques, la mise en place de 6 nichoirs artificiels pour chiroptères à placer sur les façades des futures maisons, la signature d’une convention garantissant que les nichoirs prémentionnés seront maintenus pendant 25 ans, l’utilisation de certains éclairage à l’exclusion d’autres, l’interdiction d’élaguer et de tailler la haie d’arbres. Les mesures à réalisées seront aussi strictement surveillées et évaluées par une personne agrée dans le cadre de la loi du 21 avril 1993 relativement à agrément des personnes physiques ou morales privées ou publiques autres que l’Etat pour l’accomplissement de tâches technique d’étude et de vérification dans le domaine de l’environnement […] » ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 juin 2023 ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 14 juillet 2023 par Maître Nicky STOFFEL, au nom de la société civile immobilière (AA) SCI, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 13 octobre 2023 ;
Vu les pièces versées au dossier et notamment la décision ministérielle déférée ;
1Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Céline SCHMITZ, en remplacement de Maître Nicky STOFFEL, et Madame le délégué du gouvernement Cathy MAQUIL en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 11 décembre 2024.
Il est constant en cause que la société civile immobilière (AA) SCI, ci-après désignée par « la SCI », est le propriétaire de la parcelle inscrite au cadastre de la commune de Bettendorf, Section … de Bettendorf, sous le numéro (P1) et accueillant le château de Bettendorf, ses annexes et son parc attenant, classés patrimoine culturel national, cette parcelle étant ci-après désignée par « la Parcelle ».
Il est encore constant en cause que la SCI entend réaliser un projet immobilier sur la Parcelle, comportant, notamment, la réalisation d’un parking sous-terrain pour 65 voitures et la construction de 6 maisons unifamiliales.
Le 15 mars 2022, après avoir été informée le 14 mars 2022 par le préposé de la nature et des forêts du triage de Bettendorf, ci-après désigné par « le Préposé », de l’abattage de plusieurs arbres et de la destruction, réduction ou détérioration d’un biotope « […] BK18 (Groupes et rangées d’arbres) […] » sur la Parcelle, réalisés sans autorisation ministérielle, l’entité mobile de l’administration de la Nature et des Forêts proposa au ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre », de prononcer la fermeture du chantier en cours sur la Parcelle.
Par arrêté du 23 mars 2022, le ministre ordonna la fermeture dudit chantier et interdit toute continuation des travaux.
Par courrier de son litismandataire du 28 mars 2022, la SCI demanda au ministre d’ordonner la levée de la fermeture de chantier.
Par la biais d’un formulaire de demande daté au même jour, la SCI introduisit, par l’intermédiaire de la société à responsabilité limitée (BB) SARL, ci-après désignée par « la société (BB) », auprès du ministre une demande tendant à se voir accorder dans le cadre de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 », l’autorisation visant la Parcelle et ayant l’objet suivant : « […] Bau von sechs Häusern (sozialer Wohnungsbau) und einer Tiefgarage […] Das Projekt sieht den Bau von 6 sozialen Wohneinheiten entlang des östlichen Parzellenrandes vor. Dazu soll in einem ersten Schritt das Gelände komplett unterhöhlt werden, um eine Tiefgarage anzulegen. Im Anschluss soll im westlichen Teil der Fläche ein Streuobstbestand angelegt werden (Bedingungen des Kulturministeriums bzw. des Institut national pour le patrimoine architectural). Das Areal wird zurzeit überwiegend von einem Trittrasen mit einem Bestand an Obstbäumen sowie heimischer und exotischer Straucharten geprägt […] ».
Cette demande comportait un bilan écologique, élaboré en vertu de l’article 63 de la loi du 18 juillet 2018.
Par courrier de son litismandataire du 30 mars 2022, la SCI demanda au ministre d’émettre la facture relative à la taxe de remboursement prévue par l’article 65 de la même loi.
2Par un courrier séparé de son litismandataire du même jour, elle sollicita encore de la part du ministre la levée de la susdite fermeture de chantier.
Par courrier de son litismandataire du 23 mai 2022, la SCI demanda à nouveau au ministre de prononcer la levée de la fermeture de chantier et d’émettre la facture relative à la susdite taxe de remboursement.
Par courrier du 20 juillet 2022, le ministre s’adressa à la SCI dans les termes suivants :
« […] Je fais suite à votre requête réceptionnée le 29 mars 2022 et par laquelle vous sollicitez l’autorisation pour la construction de six maisons et un parking souterrain sur un fond inscrit au cadastre de la commune de BETTENDORF : Section … de Bettendorf (Rue …), sous le numéro (P1).
Tout d’abord, je tiens à vous informer que la réduction, destruction et détérioration, sans autorisation ministérielle, de biotopes, d’habitats d’intérêt communautaire et d’habitats des espèces d’intérêt sur le site en question résulte dès lors en une violation de l’article 17 de la prédite loi modifiée du 18 juillet 2018.
Les bilans écologiques soumis lors de la présente demande comportent des éléments de non-conformité. Le terrain prévu pour le verger comme mesure compensatoire in-situ n’est pas approprié pour la plantation d’un tel biotope. Le verger se situe au-dessus du parking souterrain prévu et directement adjacents aux habitations planifiées. L’emplacement pour la plantation du verger ne se prête pas pour la conservation et l’entretien de ce biotope à longue durée. De plus, le verger ne peut pas être utilisé comme infrastructure verte pour la compensation in situ, car il ne se trouve pas sur un terrain public.
Vu la destruction de biotopes sur la partie est du site concerné sans autorisation ministérielle, il y a lieu d’adapter le bilan écologique en considérant l’intégralité des structures vertes déjà détruites ainsi que toutes les structures vertes prévues à détruire pour la réalisation dudit projet et lors de la durée de la phase de chantier.
Dès lors, je vous invite à compléter votre dossier moyennant une identification précise des structures vertes détruites et toutes les structures vertes prévues à détruire, étude à faire élaborer par une personne agréée en la matière ainsi que, le cas échéant, des mesures compensatoires comprenant la restitution de biotopes de valeur écologique au moins équivalente aux biotopes protégés, aux habitats des espèces réduits, détruits ou détériorés.
Pour toute question de clarification, le service compensatoire (ecopoints@anf.etat.lu) se tient à votre entière disposition.
Considérant la transformation intégrale prévue du château et l’aménagement prévu d’un nouvel espace vert à l’ouest du château, ceux-ci doivent faire l’objet d’une nouvelle demande d’autorisation et d’un nouveau bilan écologique y relatif. A ces fins, je tiens à vous informer que la transformation du château et l’aménagement prévu de la partie ouest du château est susceptible d’engendrer des impacts négatifs sur des habitats essentiels d’espèces de chauves-souris protégées particulièrement, précisément la Pipistrelle commune (Pipistrellus pipistrellus), la Sérotine commune (Eptesicus serotinus), le Murin à moustaches (Myotis mystacinus) et l’Oreillard Gris (Plecotus austriacus), notamment dans les annexes et le grenier du château de Bettendorf ainsi que dans les structures vertes dans la partie ouest du site concerné. Considérant la carte « Darstellung des geschützten Biotope und Lebensräume » 3dans le document … daté de 2019 et élaboré par Société (CC) de Monsieur (C), l’ouest du site concerné constitue un habitat essentiel d’espèces protégées particulièrement selon l’article 21 de la prédite loi.
Les espèces protégées susmentionnées constituent des espèces intégralement protégées par la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles et par le règlement grand-ducal modifié du 9 janvier 2009 concernant la protection intégrale et partielle de certaines espèces animales de la faune sauvage. Aux termes de l’article 21, paragraphe 1er de la prédite loi modifiée, il est interdit de perturber intentionnellement des individus de telles espèces, notamment durant les périodes de reproduction, de dépendance, d’hibernation et de migration et de détériorer ou de détruire leurs sites de reproduction ou leurs aires de repos.
A ces fins, il y a lieu de réaliser une étude de terrain agrée en la matière par rapport aux espèces de chauves-souris intégralement protégées susmentionnées pour la transformation du château et l’aménagement de la partie ouest du château. Le cas échéant, la mise en œuvre de la transformation du château et l’aménagement de la partie ouest du site présuppose l’exécution anticipée de mesures d’atténuation en vertu de l’article 27 de la prédite loi. Je tiens à vous informer que les mesures d’atténuation anticipées visant les espèces protégées particulièrement susmentionnées doivent impérativement être fonctionnelles préalablement à tout commencement de travaux sur le site concerné.
Finalement, permettez-moi de vous informer que les documents de type « Biotopenkataster » n’ont qu’une valeur informative et ne reflètent pas toujours la réalité en temps réel des espèces concernées.
L’article 17 (3) de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles dispose qu’en dehors de la zone verte une autorisation du ministre est requise pour toute réduction, destruction ou détérioration de biotopes protégés, d’habitats d’intérêt communautaire et d’habitats des espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation des espèces est évalué non favorable. […] ».
Par courrier séparé du même jour, le ministre informa encore la SCI de son refus de lever la fermeture du chantier, ce courrier étant rédigé comme suit :
« […] La présente fait suite à votre courrier du 23 mai 2022 par lequel vous formulez un recours gracieux à l’encontre de la décision ministérielle du 23 mars 2022 concernant la fermeture du chantier situé sur le territoire de la commune de Bettendorf, Section … de Bettendorf, numéro cadastral (P1).
La parcelle cadastrale en question se trouve intégralement en dehors de la zone verte selon le Plan d’Aménagement Général de la commune de Bettendorf.
L’article 17 (1) de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles énonce ce qui suit : « Il est interdit de réduire, de détruire, ou de détériorer les biotopes protégés, les habitats d’intérêt communautaire ainsi que les habitats des espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation des espèces a été évalué non favorable. » 4Le paragraphe (3) du même article ajoute : « En dehors de la zone verte, une autorisation du ministre portant dérogation à l’interdiction du paragraphe 1er est requise pour la réduction, la destruction ou la détérioration des biotopes protégés, des habitats d’intérêt communautaire, des habitats des espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation des espèces est évalué non favorable. […] » Il ressort de ce texte que des biotopes, même si situés dans la zone urbanisée ou destinée à être urbanisée, doivent faire l’objet d’une autorisation afin de pouvoir être détruits.
Les biotopes protégés détruits constituent des biotopes tels qu’énumérés au point 18 de l’annexe 8 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles. Il s’agit de biotopes de type BK 18 « Groupes et rangées d’arbres », tels qu’énumérés à l’article 1er, point 18 du règlement grand-ducal du 1er août 2018 établissant les biotopes protégés, les habitats d’intérêt communautaire et les habitats des espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation a été évalué non favorable, en précisant les mesures de réduction, de destruction ou de détérioration y relatives.
L’annexe 2 du règlement grand-ducal susmentionné défini les mesures spécifiques à considérer en tant que réduction, destruction ou détérioration, et interdites par l’article 17 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles de la manière suivante :
« - L’enlèvement d’arbres ;
- L’élagage des branches sur une hauteur de plus de quatre mètres ;
- Le labourage du sol ou le retournement dans le système racinaire, ou toute autre mesure impactant les racines ;
- Les mesures non adaptées au maintien de l’état de conservation favorable des groupes ou rangées d’arbres et qui ont pour effet de nuire directement ou indirectement aux arbres ou de dégrader la structure générale des groupes ou rangées d’arbres. » Permettez-moi d’attirer votre attention sur le fait que dans des documents de type « Biotopenkataster » il est impossible de recenser tous les biotopes du pays, surtout quant il s’agit de zones en dehors de la zone verte.
Le fait que le terrain se situe en zone inondable et que des travaux sont donc soumis à certains délais ne dispense pas votre mandant de la formulation d’une demande d’autorisation pour la destruction de biotopes.
Veuillez noter que la fermeture de chantier s’est faite au moment du constat de l’infraction peu importe la date de début des travaux et leur nature.
Après l’établissement du rapport par l’Entité mobile de l’Administration de la nature et des forêts, votre mandant aura été invité à présenter ses observations. Les droits de la défense de votre mandant n’ont donc en aucun cas été violés et la procédure a été respectée.
Les arbres détruits sur le terrain de votre mandant ont été identifié par des experts sur le terrain en question. Un rapport élaborant avec précision que les éléments détruits constituaient des biotopes protégés au sens de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles a été dressé et constitue un document 5officiel élaboré sur base d’une analyse détaillée sur le terrain et rédigé par des professionnels compétents.
Une mainlevée de la fermeture de chantier ne pourra être accordée à votre mandante tant que cette dernière ne se sera pas mise en conformité avec la loi du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles.
Dès lors, j’invite votre mandant à respecter la décision émanant du dossier de demande d’autorisation introduit auprès de l’Administration de la nature et des forêts.
En attendant, je suis au regret de devoir réserver une suite défavorable à votre demande. […] ».
Par courrier électronique du 25 juillet 2022, la société (BB) soumit au ministre un nouveau bilan écologique, en expliquant que sur demande des services ministériels, le verger initialement prévu aurait été enlevé dans le cadre de ce dernier.
Un troisième bilan écologique fut introduit auprès du ministre en date du 20 décembre 2022.
Par arrêté du 3 janvier 2023, le ministre autorisa la SCI a procéder à une destruction au sens de l’article 17 de la loi du 18 juillet 2018, en imposant un certain nombre de conditions et mesures compensatoires, tout en prononçant la levée de la fermeture de chantier du 23 mars 2022, ledit arrêté étant rédigé comme suit :
« […] Vu la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles et ses règlements d’exécution du 1er août 2018 ;
Considérant la demande et les annexes du 29 mars 2022 ayant pour objet une destruction au sens de l’article 17 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles dans l’intérêt de la construction de six maisons et un parking souterrain sur un fonds inscrit au cadastre de la commune de BETTENDORF: Section … de Bettendorf (Rue …), sous le numéro (P1) ;
Considérant les compléments réceptionnés le 25 juillet 2022 de la part du Société (AA) SCI ;
Considérant les compléments réceptionnés le 20 décembre 2022 de la part du bureau (BB), comprenant un bilan écologique adapté ;
Considérant le bilan écologique soumis portant référence « … » et dressé par le bureau (BB) en date du 20 décembre 2022 ;
Arrête :
Article 1.-
Le requérant désigné ci-avant est autorisé à effectuer une destruction au sens de l’article 17 de la prédite loi modifiée du 18 juillet 2018 sur la parcelle cadastrale susmentionnée dans le respect des conditions définies par le présent arrêté.
6Article 2.-
Les travaux sont réalisés sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Bettendorf, Section … de Bettendorf, sous le numéro (P1) conformément à la demande et aux plans soumis.
Article 3.-
Le bilan écologique soumis par le requérant portant référence « … » du 20 décembre 2022 et élaboré par le bureau (BB) fait état d’une destruction au sens de l’article 17 de la prédite loi modifiée du 18 juillet 2018 de 37 220 éco-points à compenser.
Article 4.-
Le requérant est autorisé à débiter cette valeur du registre prévu à l’article 66 de la prédite loi modifiée du 18 juillet 2018 moyennant paiement d’une taxe de remboursement à hauteur de EUR … (… euros) sur le compte de l’Etat tel que précisé sur le formulaire intitulé « taxe de remboursement » annexé à la présente.
Article 5.-
La présente autorisation ne prend effet qu’après le règlement de l’intégralité de la taxe de remboursement définie à l’article précédent.
Article 6.-
Les travaux de défrichement et/ou débroussaillage se font pendant la période entre le 1er novembre et fin février.
Article 7.-
La surface à défricher et à débroussailler est à identifier avec un gabarit inamovible sur le terrain et à réceptionner au préalable par le préposé de la nature et des forêts (M. …, Tel : …), et ceci avant le commencement des travaux.
Article 8.-
Les surfaces à défricher se limitent au stricte minimum tout en se basant sur le bilan écologique susmentionné, les documents et plans soumis.
Mesures compensatoires en faveur des espèces protégées particulièrement Article 9.-
Considérant la présence d’espèces protégées particulièrement en vertu de l’article 21 de la prédite loi, précisément d’espèces protégées particulièrement de chiroptères dans les annexes du château à l’ouest du site concerné, il y a lieu de réaliser des mesures compensatoires en faveur des espèces protégées particulièrement susmentionnées.
Article 10.-
Une haie d’arbres ayant une largeur minimale de 4 mètres et une longueur minimale de 50 mètres est à planter à l’ouest des six maisons projetées afin de créer un corridor écologique pour les chiroptères conformément au bilan écologique portant référence « … » en date du 20 décembre 2022.
Article 11.-
La plantation de la haie d’arbres se fait à l’aide d’essences feuillues autochtones et suivant les instructions du préposé de la nature et des forêts. La plantation d’arbres se fera en ligne et avec une distance d’au moins 7 mètres entre chaque arbre.
La haie d’arbres à planter sera entourée obligatoirement par une bande enherbée (« Krautsaum ») d’une largeur minimale de cinq mètres, à gérer le cas échéant par fauchage ou broyage annuel après le 1er août avec enlèvement du matériel de fauche.
Article 12.-
L’emploi de fertilisants organiques ou minéraux, ainsi que l’emploi de produits phytopharmaceutiques sur la bande enherbée resteront strictement interdits.
Article 13.-
6 nichoirs artificiels pour chiroptères sont à installer sur les façades des six maisons à construire immédiatement après la fin des travaux de construction. L’installation 7et l’emplacement des nichoirs artificiels se fera sous la supervision d’un expert agrée. Le nom et les coordonnées des experts en charge seront soumis au Service Autorisations avant le commencement des travaux, ainsi qu’au préposé de la nature et des forêts territorialement compétent. Les nichoirs sont obligatoirement à réceptionner par le préposé de la nature et des forêts.
Les plans indiquant la localisation précise des nichoirs artificiels pour les chiroptères sont à soumettre pour approbation et autorisation au Service Autorisations de l’Administration de la nature et des forêts avant le commencement des travaux.
Tout changement de l’emplacement des nichoirs spécifiques sera convenu au préalable avec le préposé de la nature et des forêts territorialement compétent. Les nichoirs doivent faire l’objet d’un entretien annuel. Leur état est à vérifier et dans le cas de dégât, des réparations respectivement des remplacements sont à prévoir.
Article 14.-
Une convention garantissant que les nichoirs artificiels pour chiroptères et la haies d’arbres seront maintenus pendant une durée de 25 années doit être signée entre le maître d’ouvrage et le propriétaire du terrain accueillant les nichoirs artificiels. Cette convention est à envoyer au Service Autorisations au plus tard après la réception des nids artificiels et la haie d’arbres par le préposé de la nature et des forêts.
Article 15.-
Dans les environs immédiats du site concerné l’éclairage des bâtiments se limite à un strict minimum pendant la nuit afin de créer une période sombre pour les chauves-souris protégées particulièrement. Il est obligatoire de recourir à des lampadaires orientés à l’horizontale, à optique asymétrique permettant l’orientation du flux lumineux et dont les ampoules sont sous capot abat-jour (sans verre protecteur) ou sous verres plats et transparents. Les lanternes à verre bombé et les boules sont quant à elles à proscrire car elles diffusent la lumière inutilement dans toutes les directions. Les ampoules sont de préférence du type LED à spectre étroit et émettent plutôt dans l’ambre que dans le blanc.
Article 16.-
En cas de reprise moindre des plantations, un regarnissage annuel sera réalisé par les soins du requérant.
Article 17.-
La taille et l’élagage annuels de la haie d’arbres à planter restera strictement défendu.
Article 18.-
La période d’entretien des éléments du milieu naturel créés suite à la mise en œuvre des mesures de compensation est de vingt-cinq ans à compter de la réalisation de chaque mesure. Le requérant est à charge de l’entretien des éléments du milieu naturel créés, sous la supervision des responsables territorialement compétents de l’Administration de la nature et des forêts.
Article 19.-
La réalisation concrète des mesures compensatoires, à l’exception de celles réalisées dans les pools compensatoires, doit se faire au moins endéans le même délai que celui relatif à la réalisation du projet pour lequel ces mesures sont prescrites.
Surveillance des mesures compensatoires Article 20.-
Une évaluation des mesures compensatoires en faveur des espèces protégées particulièrement et des mesures de gestion et d’amélioration y relatives, entièrement 8à charge du requérant, est obligatoire moyennant un monitoring couvrant la période de reproduction sur une durée totale de vingt-cinq ans suivant la mise-en-œuvre desdites mesures d’atténuation. Un rapport de cette évaluation (ci-après rapport de monitoring) qui est à charge du requérant est à établir par une personne agréée, dans le cadre de la loi du 21 avril 1993 relative à l’agrément de personnes physiques ou morales privées ou publiques autres que l’État pour l’accomplissement de tâches techniques d’étude et de vérification dans le domaine de l’environnement. Ce rapport est à adresser au ministre par le requérant.
Article 21.-
Le premier rapport de monitoring est à élaborer immédiatement après la mise en œuvre des mesures compensatoires (« Herstellungskontrolle »), précisément l’installation des nichoirs artificiels et la plantation de la haie d’arbres, pour vérifier la réalisation conforme de la présente autorisation. La mise en œuvre des mesures compensatoires doit se faire au moins endéans le même délai que celui relatif à la réalisation du projet pour lequel ces mesures sont prescrites. Le premier rapport de monitoring est à soumettre pour approbation au Service Autorisations de l’Administration de la nature et des forêts.
Conditions générales […] La présente vaut levée de la fermeture de chantier du 23 mars 2022. […] ».
Le 17 janvier 2023, le ministre émit la facture relative à la taxe de remboursement, s’élevant au montant de … euros, cette facture ayant été payée par la SCI en date des 18 et 26 janvier 2023.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 3 avril 2023, la SCI a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation de l’arrêté ministériel, précité, du 3 janvier 2023, lui ayant accordé l’autorisation sollicitée « […] sous des conditions strictes obligeant la requérante à prendre des « mesures compensatoires » telles que le paiement d’une taxe de remboursement, la plantation d’arbres entourés d’une bande enherbée, l’interdiction d’utiliser certains fertilisants et produits phytopharmaceutiques, la mise en place de 6 nichoirs artificiels pour chiroptères à placer sur les façades des futures maisons, la signature d’une convention garantissant que les nichoirs prémentionnés seront maintenus pendant 25 ans, l’utilisation de certains éclairage à l’exclusion d’autres, l’interdiction d’élaguer et de tailler la haie d’arbres […] », tout en prévoyant que « […] [l]es mesures à réalisées seront aussi strictement surveillées et évaluées par une personne agrée dans le cadre de la loi du 21 avril 1993 relativement à agrément des personnes physiques ou morales privées ou publiques autres que l’Etat pour l’accomplissement de tâches technique d’étude et de vérification dans le domaine de l’environnement […] ».
I) Quant à la compétence du tribunal Encore qu’un demandeur entende exercer principalement un recours en annulation et subsidiairement un recours en réformation, le tribunal a l’obligation d’examiner en premier lieu la possibilité d’exercer un recours en réformation. En effet, dans la mesure où l’article 2 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif dispose qu’un recours en annulation n’est recevable qu’à l’égard des décisions 9non susceptibles d’un autre recours d’après les lois et règlements, il n’y a pas lieu de statuer sur le recours en annulation lorsqu’un recours en réformation est prévu par la loi.
Etant donné qu’aucun recours au fond n’est prévu en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation introduit en l’espèce.
En revanche, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en annulation.
II) Quant à la recevabilité du recours Positions respectives des parties Le délégué du gouvernement conclut à l’irrecevabilité du recours, au motif qu’en procédant au paiement de la taxe de remboursement fixée par la décision ministérielle déférée, avant de solliciter la réouverture du chantier, la SCI aurait irrévocablement accepté la décision en question, et plus particulièrement les mesures compensatoires y fixées.
La SCI conclut au rejet de ce moyen d’irrecevabilité.
Appréciation du tribunal Force est au tribunal de constater que le délégué du gouvernement est resté en défaut d’invoquer une disposition normative ou un principe juridique concrets à l’appui de son moyen d’irrecevabilité.
Pour autant que le représentant étatique ait entendu soulever un acquiescement de la SCI à la décision administrative attaquée, le tribunal relève que si l’application de la notion d’acquiescement, issue de la procédure civile, en procédure administrative ne peut pas être exclue, sa définition reste peu circoncise. Quant aux modalités de l’acquiescement il y a lieu de constater que, tout comme en matière de procédure civile, il ne se présume pas, mais peut se déduire de comportements qui expriment sans équivoque la volonté de ne pas contester la régularité d’un acte administratif. En effet, l’essentiel est de savoir si le demandeur a par ses écrits, ses actes, ses attitudes renoncé à attaquer la décision administrative.1 Or, outre le fait que, de manière générale, au vu du privilège du préalable, selon lequel les décisions administratives sont exécutoires par provision nonobstant recours, le simple fait d’avoir exécuté, même sans réserve, la décision déférée en justice ne saurait valoir acquiescement de la part de l’administré2, le tribunal constate qu’en l’espèce, la décision attaquée précise expressément que sa prise d’effet, et par conséquent la levée de la fermeture de chantier préalablement ordonnée, sont conditionnées par le paiement de la taxe de remboursement y définie, de sorte qu’il ne saurait être valablement soutenu qu’en procédant au paiement de cette taxe de remboursement, la SCI aurait adopté un comportement exprimant sans équivoque sa volonté de ne pas contester les différentes conditions lui imposées à travers la décision litigieuse.
Il s’ensuit que le moyen d’irrecevabilité sous examen encourt le rejet.
1 Trib. adm., 30 septembre 2009, n° 25230 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 56 et l’autre référence y citée.
2 Trib. adm., 26 juin 2020, n° 42053 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 56.
10 Dès lors, et à défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le tribunal retient que le recours principal en annulation est recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
III) Quant au fond Prétentions des parties A l’appui de son recours, la SCI expose les faits et rétroactes gisant à la base de la décision déférée. Plus particulièrement, elle insiste sur le fait qu’elle aurait été de bonne foi et qu’elle n’aurait pas été au courant de la nécessité d’obtenir une autorisation ministérielle avant de pouvoir procéder au défrichement de la Parcelle, tout en soulignant que contrairement à ce que le ministre aurait suggéré dans son courrier, précité, du 20 juillet 2022, son projet n’engloberait pas une transformation intégrale du château de Bettendorf. Par ailleurs, elle se plaint, en substance, de la durée de traitement de sa demande d’autorisation du 28 mars 2022, en reprochant, dans ce contexte, aux services ministériels d’avoir cherché à retarder la réouverture de son chantier, voire à l’empêcher de reprendre les travaux, de sorte à ne pas avoir agi dans l’intérêt général mais de manière arbitraire.
En droit, la SCI soulève une violation du principe de proportionnalité constitutive d’un excès de pouvoir, en ce que le ministre aurait délivré l’autorisation sollicitée sous la double condition du paiement d’une taxe de remboursement et du respect de cinq mesures compensatoires, mesures qui dépasseraient le cadre de la restitution de biotopes de valeur écologique au moins équivalente aux arbres et buissons détruits par elle, seraient déraisonnables et auraient un caractère punitif.
Elle souligne qu’une mesure compensatoire serait une mesure en faveur de l’environnement permettant de contrebalancer les dommages qui lui seraient causés par un projet et qui n’auraient pu être évités ou limités par d’autres moyen, ce qui supposerait l’existence d’un équilibre, d’une balance entre le dommage causé et la compensation. Elle estime que la décision déférée ne rétablirait pas un tel équilibre mais reviendrait à la « […] sanctionner, en plus des éco-points […] ».
Elle en conclut, en substance, que le ministre aurait dû se limiter à lui imposer le paiement d’une taxe de remboursement à hauteur de … euros, sans l’obliger à réaliser les autres mesures compensatoires énumérées dans l’acte attaqué et que ce dernier devrait encourir l’annulation en ce sens, tout en ajoutant que si elle devait réaliser lesdites mesures, elle devrait se voir rembourser la taxe de remboursement qu’elle aurait payée.
S’agissant des mesures concrètement imposées par le ministre, la SCI critique, d’abord, celle ayant trait à la plantation d’une haie d’arbres ayant une largeur minimale de 4 mètres et une longueur minimale de 50 mètres, en soutenant qu’aucune haie similaire n’aurait existé auparavant sur la Parcelle et en faisant valoir que cette mesure serait disproportionnée au regard tant de sa nature que des conditions de sa mise en œuvre. En effet, l’article 11 de l’arrêté ministériel litigieux l’obligerait à planter cette haie en laissant une distance d’au moins 7 mètres entre chaque arbre la composant, de sorte que, comme la haie litigieuse devrait avoir au moins 50 mètres de longueur, elle devrait planter au moins 6 arbres, alors qu’auparavant, seulement 3 arbres et une haie de buisson auraient existé sur le site.
11Ensuite, elle critique la mesure prévue à l’article 13 de l’arrêté ministériel déféré, concernant la mise en place de six nichoirs artificiels pour chiroptères sur les façades des six maisons unifamiliales projetées.
A cet égard, la SCI fait plaider que les travaux prévus par elle n’impliqueraient aucune réduction de nichoirs ou d’autres habitats naturels des chiroptères, ni, de manière plus générale, ne porteraient préjudice à ces derniers ou à leurs habitats.
Elle reproche, dans ce contexte, au ministre d’avoir dépassé le cadre légal applicable, en ce que ni l’article 17, ni l’article 21 de la loi du 18 juillet 2018 ne prévoiraient des mesures compensatoires portant sur des espèces protégées en amont de tous travaux, surtout lorsque ces derniers n’impacteraient pas l’habitat de telles espèces.
Par ailleurs, elle fait valoir qu’il ne serait pas établi que la Parcelle accueillerait des habitats d’intérêt communautaire ou des habitats des espèces d’intérêt communautaire qui devraient, en application du susdit article 17 de la loi du 18 juillet 2018, être compensés dans le même secteur écologique par des habitats identiques, ou à défaut par des habitats à fonctions écologiques similaires.
Elle soulève, à cet égard, un défaut de motivation de la décision déférée, en ce que le ministre serait resté en défaut de préciser lesquels des travaux prévus par elle justifieraient la mesure en question.
En outre, la SCI conclut au caractère excessif de la durée pendant laquelle ces nichoirs devraient être maintenus, aux termes de la décision déférée, à savoir 25 ans, tout en donnant à considérer qu’il serait illogique, d’un côté, d’imposer des mesures aussi strictes et, de l’autre côté, d’autoriser la destruction des nichoirs des années plus tard.
Finalement, s’agissant de l’article 15 de la décision déférée ayant trait à l’éclairage des bâtiments, la SCI se plaint du fait que l’article en question proscrirait certains types de lampadaires de manière à sévèrement limiter les options lui restantes.
La SCI soulève encore un détournement de pouvoir, en soutenant qu’en adoptant la décision déférée, le ministre n’aurait pas agi dans l’intérêt général, mais dans un but punitif, voire de manière arbitraire.
A cet égard, elle insiste sur le fait que les mesures critiquées par elle, qui seraient déraisonnables et disproportionnées, n’auraient clairement pas été imposées dans un but d’intérêt général. Elle en veut pour preuve la limitation dans le temps de la mesure relative à la mise en place de nichoirs artificiels pour chiroptères, en réitérant, à cet égard, son argumentation antérieure quant au caractère illogique de cette limitation dans le temps.
Le délégué du gouvernement conclut au rejet du recours.
S’agissant du moyen ayant trait à un excès de pouvoir de la part du ministre, il fait valoir qu’il se dégagerait des paragraphes (3) et (4) de l’article 17 de la loi du 18 juillet 2018 que ce dernier aurait été en droit d’imposer, en sus du paiement d’une taxe de remboursement, des mesures compensatoires, lesquelles n’auraient, dès lors, aucunement un caractère punitif et disproportionné, tel que soutenu par la SCI, le représentant étatique se prévalant encore des dispositions de l’article 61 de la loi du 18 juillet 2018.
12 Il insiste ensuite sur le fait que le projet de la SCI consisterait en la réalisation d’un parking souterrain et de six maisons unifamiliales sur un terrain auparavant vierge de toute construction, tout en soulignant qu’il se dégagerait du rapport de la société (BB) versé à l’appui de la demande de la SCI, non seulement que le site litigieux accueillerait des biotopes de type « BK17 » (« Gebüsche frischer Standorte »), mais qu’il constituerait aussi un habitat pour diverses espèces d’oiseaux et de chiroptères, le représentant étatique citant, à cet égard, des extraits du rapport en question.
S’agissant, plus particulièrement des chiroptères, le délégué du gouvernement soutient qu’il se dégagerait dudit rapport que leur présence dans les alentours immédiats de la surface concernée serait prouvée, tout comme le serait l’utilité de cette dernière en tant que territoire de chasse facultatif et de corridor de vol.
Le délégué du gouvernement explique, à cet égard, que cette fonction de corridor de vol aurait initialement dû être assurée par le verger susmentionné. Etant donné que la réalisation de celui-ci se serait cependant révélée impossible en raison de l’implantation projetée dudit verger au-dessus du parking souterrain et entre les maisons unifamiliales et le château, qui aurait été incompatible avec les besoins que des arbres fruitiers auraient en termes de profondeur et de qualité du sol, ainsi que de lumière, cette fonction de corridor de vol aurait dû être assurée par une structure alternative, à savoir la haie d’arbres dont la plantation aurait été imposée par le ministre.
Cette mesure n’impliquerait aucune charge financière supplémentaire pour la demanderesse, qui aurait de toute façon accepté de planter un verger comprenant douze arbres.
Dans ce contexte, le délégué du gouvernement soutient, en substance, qu’au vu de l’ampleur du projet de la SCI, des mesures compensatoires telles que la plantation d’une haie et d’environ six arbres, ainsi la mise en place de six nichoirs pour chauves-souris n’auraient rien d’excessif.
Il précise qu’à l’évidence, la décision déférée comporterait une condition destinée à assurer le maintien de ces nichoirs et qu’il serait logique que l’emploi de fertilisants organiques ou minéraux, ainsi que de produits phytopharmaceutiques sur la bande enherbée entourant la haie aurait été interdit et que l’éclairage des bâtiments serait à limiter à un minimum.
Selon le délégué du gouvernement, ces conditions ne seraient ni punitives, ni disproportionnées, mais seraient pleinement et objectivement justifiées, alors qu’elles serviraient très concrètement à la protection de la faune présente sur ce site.
Il ajoute que si, certes, la valeur monétaire des biotopes détruits aurait été compensée dans le pool compensatoire, cela n’empêcherait que la fonction de cet espace naturel devrait au moins être maintenue et ce sur un espace dorénavant réduit.
Finalement, le délégué du gouvernement soutient qu’au vu de l’ensemble de ces considérations, ce serait à tort que la SCI reprocherait au ministre d’avoir commis un détournement de pouvoir.
Dans son mémoire en réplique, la SCI insiste sur la qualité de son projet, sur sa bonne foi et sur la durée de traitement de son dossier, qu’elle estime excessive, la partie demanderesse 13reprochant dans ce contexte au Préposé d’avoir « […] intentionnellement laissé traîner le dossier du début à la fin […] ».
Par ailleurs, elle soutient, en substance, que le plan d’aménagement général (« PAG ») de la commune de Bettendorf, en vertu duquel elle aurait reçu son autorisation de bâtir, ne soumettrait le site litigieux à aucune servitude environnementale et ne ferait pas état de la présence de biotopes. En renvoyant au principe de confiance légitime, la SCI fait valoir qu’un administré devrait pouvoir se fier aux indications d’un PAG et qu’il ne saurait y avoir de « […] servitude occulte de la part du Ministère de l’environnement sur le PAG d’une commune […] ».
Quant à l’excès de pouvoir qu’elle reproche au ministre, la SCI fait plaider que si, certes, l’article 61 de la loi du 18 juillet 2018 confère à ce dernier la possibilité d’assortir ses autorisations de conditions et de mesures, il n’en resterait pas moins que ce pouvoir du ministre devrait être exercé conformément aux principes généraux du droit de la proportionnalité et de bonne administration, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.
En effet, de par sa « […] lenteur extrême […] » et son manque de communication, l’administration aurait violé le principe de bonne administration, qui viserait à imposer une certaine qualité à l’action administrative.
Quant à la question de la proportionnalité, respectivement du bien-fondé des mesures litigieuses, la SCI souligne que le moineau (Passer domesticus) ne serait pas mentionné par le règlement grand-ducal du 8 juillet 2022 modifiant le règlement grand-ducal du 1er août 2018 établissant l’état de conservation des habitats d’intérêt communautaire et des espèces d’intérêt communautaire, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal « Etat de conservation » du 8 juillet 2022 », tandis qu’aux termes du règlement grand-ducal ainsi modifié du 1er août 2018, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal « Etat de conservation » du 1er août 2018 », il relèverait de la catégorie « U1 – non favorable inadéquat ».
Par ailleurs, la SCI souligne que le rapport de la société (BB) ne ferait état que d’une possible perte de lieux de repos individuel et des stations de chant du moineau.
Aux termes de ce même rapport, il n’existerait aucun indice de la présence de structures d’habitats essentielles d’oiseaux protégés et il y aurait tout au plus un habitat de chasse facultatif.
De manière générale, la SCI soutient que la présence, sur la Parcelle, d’oiseaux protégés ne serait pas prouvée.
Quant aux chiroptères, la SCI conteste, pour absence de preuve, les développements étatiques selon lesquels l’ancien propriétaire du château aurait, au cours d’un entretien avec le Préposé, fait état de la présence de chauves-souris dans les bâtiments du château.
De même, les explications étatiques ayant trait à un entretien téléphonique entre le Préposé et Madame (A), expert en matière de chiroptères, ne reposeraient que sur les seules affirmations du Préposé.
Après avoir souligné que les études invoquées par la partie étatique dateraient de plus de cinq ans, de sorte à ne pas être de nature à établir la présence, à l’heure actuelle, de 14chiroptères au sein du château, la SCI conteste que l’éventuelle présence de chauves-souris dans les annexes du château à l’ouest du site concerné, telle qu’évoquée par l’article 9 de l’arrêté ministériel attaqué, justifierait la mise en place de mesures compensatoires en relation avec l’abattage d’arbres auquel elle aurait procédé, alors que ces arbres n’auraient pas servi d’habitat à des chiroptères. La mesure ayant trait à la mise en place de nichoirs artificiels pour chiroptères serait, dès lors, disproportionnée.
Il en serait de même en ce qui concerne celle consistant en la plantation d’une haie d’arbres destinée à constituer un corridor écologique, haie qui serait sans aucune relation avec les arbres abattus. En effet, ces arbres auraient été implantés de manière différente que la haie imposée par le ministre et n’auraient pas eu de fonction de corridor. De même, la SCI soutient que la bande enherbée exigée au titre de l’article 10 de la décision déférée ne favoriserait pas l’accueil de chiroptères.
Pour le surplus, la SCI réitère ses contestations formulées dans sa requête introductive d’instance en relation avec la haie d’arbres litigieuse, ainsi que celles concernant la durée de 25 ans pendant laquelle l’arrêté ministériel déféré impose le maintien des nichoirs pour chiroptères, tout en critiquant de manière générale le fonctionnement des services ministériels, dans le contexte de son moyen basé sur un détournement de pouvoir.
Dans son mémoire en duplique, le délégué du gouvernement réfute l’argumentation de la SCI ayant trait à une « […] servitude occulte de la part du Ministère de l’environnement sur le PAG d’une commune […] », en soutenant, en substance, que les autorités communales, en adoptant un PAG ou en délivrant une autorisation de construire, d’une part, et le ministre, en mettant en œuvre la loi du 18 juillet 2018, d’autre part, statueraient dans leur propre sphère de compétence, de sorte que ni le PAG, ni une autorisation de bâtir de la part du bourgmestre de la commune concernée ne libéreraient un administré de l’obligation de solliciter les autorisations requises en vertu de cette dernière loi.
Quant à l’excès de pouvoir reproché au ministre par la SCI, et s’agissant plus particulièrement du moyen tiré de la violation du principe de bonne administration, le délégué du gouvernement conteste que les services ministériels auraient fait preuve d’une lenteur excessive dans le traitement du dossier de la demanderesse, de même qu’il conteste un manque de communication de la part de ces mêmes services, tout en soulignant que même à admettre l’existence des dysfonctionnements allégués par la demanderesse, celle-ci serait restée en défaut d’expliquer en quoi ces derniers seraient de nature à justifier l’annulation de la décision déférée.
Quant aux contestations de la demanderesse ayant trait à l’obligation de maintien des nichoirs pour chiroptères pendant une durée de 25 ans, telle qu’imposée par le ministre dans la décision déférée, le représentant étatique insiste sur le fait qu’il serait logique que la fonction d’une telle structure devrait être assurée pendant une certaine durée, tout en soulignant que la durée de 25 ans ne serait pas excessive et serait conforme aux dispositions de l’article 63 (2), alinéa 2 de la loi du 18 juillet 2018 et de l’article 6 du règlement grand-ducal modifié du 1er août 2018 instituant un système numérique d’évaluation et de compensation en éco-points, le représentant étatique se prévalant encore de l’article 7 de ce même règlement grand-ducal, prévoyant l’évaluation des mesures compensatoires par une personne agréée.
En outre, le délégué du gouvernement soutient que nonobstant la modification du règlement grand-ducal « Etat de conservation » du 1er août 2018 par le règlement grand-ducal 15« Etat de conservation » du 8 juillet 2022, le moineau y serait toujours listé sous la catégorie « U1 – non favorable inadéquat », à l’instar du chardonneret, du rougequeue à front blanc, du pic vert et de la paruline commune, dont la présence sur le site litigieux aurait aussi été relevée dans le rapport de la société (BB), le représentant étatique soulignant qu’aux termes de ce rapport, le site concerné par la décision déférée constituerait, pour ces espèces d’oiseaux, un « fakultativer Jagdlebensraum ».
Le représentant étatique fait ensuite valoir que les structures détruites par la SCI auraient bénéficié de la protection de l’article 17 de la loi du 18 juillet 2018 en ce qu’il s’agirait d’un habitat d’espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation aurait été évalué non favorable (« HEIC »).
En se prévalant de la définition de cette dernière notion, telle qu’inscrite à l’article 1er, numéro 11° du règlement grand-ducal modifié du 1er août 2018 établissant les biotopes protégés, les habitats d’intérêt communautaire et les habitats des espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation a été évalué non favorable, et précisant les mesures de réduction, de destruction ou de détérioration y relatives, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal « Biotopes » du 1er août 2018 », le délégué du gouvernement soutient que seraient protégés comme HEIC (i) les biotopes et habitats occupés par les espèces concernées sous condition que leur venue serait régulière et qu’il y aurait un lien fonctionnel direct entre l’habitat et les spécimens de l’espèce, (ii) les sites de reproduction, y inclus les habitats essentiels à la reproduction et les aires de repos, (iii) les habitats de chasse ou de recherche de nourriture et (iv) les couloirs écologique régulièrement visités ou occupés.
Selon le représentant étatique, la venue régulière des espèces concernées ne serait exigée que pour la première et la dernière de ces catégories de HEIC, condition qui serait remplie en l’espèce, au vu de différentes études établies en 2018 dans le cadre de la refonte globale du PAG de la commune de Bettendorf. En tout état de cause, les structures détruites auraient également constitué des HEIC et auraient relevé de la protection de l’article 17 de la loi du 18 juillet 2018 en leur qualité d’habitat de chasse, peu importe le fait qu’il ne se serait agi que d’un habitat de chasse facultatif, tel que mis en exergue par la SCI.
Ces structures auraient encore été protégés par ledit article 17 en leur qualité de biotope protégé, étant donné qu’il se serait agi d’un biotope « BK18 », « arbres solitaires, groupes et rangées d’arbres », tel que visé par l’article 1er, numéro 5°, point h) du règlement grand-ducal « Biotopes » du 1er août 2018, alors qu’elles répondraient à la définition de ce type de biotope, telle qu’inscrite à l’annexe 1 dudit règlement grand-ducal.
Quant aux chiroptères, le délégué du gouvernement soutient que le Préposé, agent professionnel assermenté n’ayant aucune implication personnelle dans la présente affaire, n’aurait aucune raison d’inventer l’entretien qu’il aurait eu avec l’ancien propriétaire du château, tout en soulignant que l’habitant de ce dernier aurait refusé l’accès au bureau d’études pour vérifier la présence de chauves-souris.
En tout état de cause, la présence de chiroptères serait établie au vu des études préalablement réalisées et citées par le bureau d’études chargé par la demanderesse elle-même.
En citant des extraits du rapport de la société (BB) et en soulignant que la sérotine commune se trouverait dans un état de conservation non favorable « U1 », tandis que l’oreillard gris se trouverait même dans un état de conservation non favorable « U2 », le délégué du 16gouvernement fait valoir que l’habitat de chasse et le corridor de vol de ces espèces constitueraient des HEIC, de sorte à être protégés sur base de l’article 17, précité, de la loi du 18 juillet 2018.
Ce serait, dès lors, à tort que la SCI soutiendrait que la mesure compensatoire consistant en la plantation d’une haie d’arbres serait sans lien avec les arbres abattus.
En se prévalant de la définition de la notion de « corridor écologique », telle qu’inscrite à l’article 3, numéro 10° de la loi du 18 juillet 2018 et en soulignant que les structures détruites auraient constitué non seulement un biotope « BK18 », « arbres solitaires, groupes et rangées d’arbres », mais aussi un biotope « BK17 », « haies vives et broussailles », de sorte à avoir été protégés par l’article 17 de ladite loi, la partie étatique ajoute que la fonction de corridor de vol en direction de la Sûre de ces structures aurait initialement dû rester assurée par la plantation d’un verger. La réalisation de ce dernier se serait révélée impossible, de sorte que ce serait à juste titre que le ministre aurait imposé la plantation d’une structure alternative destinée à assurer cette fonction.
Quant à l’argumentation de la SCI ayant trait aux différences entre les arbres abattus et la haie d’arbres imposée par le ministre en termes d’implantation et de distance, le délégué du gouvernement soutient qu’il ne s’agirait pas de rétablir les structures détruites à l’identique, mais d’assurer le maintien de leur fonction avec la difficulté que l’espace dorénavant à disposition serait strictement limité puisque le reste du terrain serait pourvu de constructions, de sorte qu’un rétablissement à l’identique desdites structures serait impossible.
Quant à la bande herbacée devant être réalisée au niveau de la haie d’arbres, le délégué du gouvernement explique que celle-ci assurerait que le système racinaire des arbres et haies ne serait pas endommagé. Grâce à son fauchage annuel après le 1er août avec enlèvement du matériel de fauche, elle serait marquée par une biodiversité particulièrement haute et favoriserait la disponibilité d’insectes pour les oiseaux et les chiroptères, ce qui constituerait une tentative de maintenir dans la mesure du possible leur d’habitat de chasse.
En conclusion, le délégué du gouvernement soutient que les mesures et conditions litigieuses seraient pleinement justifiées, et non pas disproportionnées, ni punitives.
Appréciation du tribunal Quant à la légalité externe de la décision déférée et s’agissant, d’abord, du moyen tiré de la violation du principe de bonne administration, le tribunal relève que l’expression « principe de bonne administration » est généralement utilisée au pluriel, parce que le « principe de bonne administration » est souvent perçu comme expression qui regroupe plusieurs principes mieux connus ou plus précis. Ainsi, les principes rattachés aux principes généraux de bonne administration peuvent constituer, d’une part, des principes régissant le contenu des décisions de l’administration et, d’autre part, des principes régissant les modalités de l’action de l’administration dans les procédures. A cet égard, peuvent notamment être cités le principe des droits de la défense, le principe de l’impartialité, le principe de l’indépendance, le principe du fair play, le principe de la bonne foi, etc..3 Peuvent encore être cités l’obligation pour l’administration de statuer dans un délai raisonnable, le devoir de diligence ou 3 Ivan Verougstraete, Amaryllis Bossuyt, Le principe (général) (de droit) de bonne administration, Journal des tribunaux 2020/28, p. 567 – 573.
17d’administration raisonnable, le principe de précaution en matière environnementale, ainsi que le principe de la sécurité juridique et le respect dû à la confiance légitime de l’administré qui s’opposent à ce que l’administration opère brusquement des revirements de comportement revenant sur les promesses faites aux administrés.4 A l’instar du Conseil d’Etat belge, le tribunal constate donc que le principe général de bonne administration en soi n’a pas de contenu précis et ne peut sans indication plus circonstanciée pas fonder l’annulation d’un acte administratif.5 En l’espèce, la SCI est restée en défaut de préciser lequel des principes regroupés par le principe de la bonne administration elle a concrètement entendu invoquer.
Pour autant qu’à travers ses développements quant à la durée de traitement de sa demande, elle ait entendu se prévaloir d’une violation du principe de l’obligation pour l’administration de statuer dans un délai raisonnable, le tribunal constate qu’à la suite de l’introduction de la demande de la société SCI par courrier du 28 mars 2022, le Préposé a émis son avis afférent le 25 avril 2022, avis auquel le chef adjoint de l’arrondissement de la nature et des forêts Centre-Est s’est rallié en date du 29 avril 2022. Le 12 mai 2022, le bilan écologique soumis par la SCI a fait l’objet d’un certificat de validation de la part de la cellule compensatoire auprès de l’administration de la Nature et des Forêts, certificat aux termes duquel ledit bilan écologique ne serait pas conforme et nécessiterait des modifications. Par son courrier du 20 juillet 2022, cité in extenso ci-avant, le ministre a informé la SCI, notamment, du fait que le terrain prévu pour le susdit verger ne serait pas approprié pour la plantation d’un tel biotope et de la nécessité d’adapter le bilan écologique en considérant l’intégralité des structures vertes déjà détruites ainsi que toutes les structures vertes prévues à détruire pour la réalisation du projet et lors de la durée de la phase de chantier, tout en l’invitant à compléter son dossier moyennant une identification précise des structures vertes détruites et toutes les structures vertes prévues à détruire, ainsi que, le cas échéant, des mesures compensatoires comprenant la restitution de biotopes de valeur écologique au moins équivalente aux biotopes protégés, aux habitats des espèces réduits, détruits ou détériorés. Par courrier séparé du même jour, lui aussi cité in extenso ci-avant, le ministre a encore pris position quant à la demande de mainlevée de la fermeture de chantier, formulée par la SCI à travers le courrier, précité, de son litismandataire du 23 mai 2022. Par courriel du 25 juillet 2022, la société (BB) a introduit un nouveau bilan écologique dans le cadre duquel le verger initialement prévu avait été enlevé.
L’avis afférent du Préposé, auquel le chef de l’arrondissement de la nature et des forêts Centre-
Est s’est rallié le 13 septembre 2022, est intervenu le 9 septembre 2022. Le 20 décembre 2022 un nouveau bilan écologique a été soumis au ministre, qui a pris sa décision le 3 janvier 2023, la facture relative à la taxe de remboursement ayant été émise le 17 janvier 2023.
Eu égard à cette chronologie des faits, il ne saurait valablement être soutenu que la durée de traitement du dossier de la demanderesse, qui n’est évidemment pas l’unique dossier à traiter par les services ministériels compétents, aurait été excessivement longue, de manière qu’elle s’analyserait en une violation du principe du délai raisonnable, étant souligné que les reproches formulés par la SCI à l’égard du Préposé, selon lesquels celui-ci aurait « […] intentionnellement laissé traîner le dossier du début à la fin […] », ne sont corroborés par aucun élément concret, de sorte à devoir être écartés.
4 R. Ergec et F. Delaporte, Le contentieux administratif en droit luxembourgeois, Pas. adm. 2023, pt. 79, p. 56.
5 Conseil d’Etat belge, 27 novembre 2008, n°188.251, cité in : Ivan Verougstraete, Amaryllis Bossuyt, Le principe (général) (de droit) de bonne administration, Journal des tribunaux 2020/28, p. 569.
18Au vu des considérations qui précèdent, le moyen tiré d’une violation du principe de bonne administration encourt le rejet.
S’agissant ensuite du moyen tiré d’un défaut de motivation de la décision déférée, le tribunal relève que l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979 relatif à la procédure à suivre par les administrations relevant de l’Etat et des communes, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 8 juin 1979 », prévoit ce qui suit :
« Toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux.
La décision doit formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui lui sert de fondement et des circonstances de fait à sa base, lorsqu’elle :
- refuse de faire droit à la demande de l’intéressé ;
- révoque ou modifie une décision antérieure, sauf si elle intervient à la demande de l’intéressé et qu’elle y fait droit ;
- intervient sur recours gracieux, hiérarchique ou de tutelle ;
- intervient après procédure consultative, lorsqu’elle diffère de l’avis émis par l’organisme consultatif ou lorsqu’elle accorde une dérogation à une règle générale. […] ».
Il ressort de cette disposition réglementaire que toute décision administrative doit baser sur des motifs légaux et que certaines catégories de décisions, énumérées à l’alinéa 2 de ladite disposition doivent formellement indiquer les motifs par l’énoncé au moins sommaire de la cause juridique qui leur sert de fondement et des circonstances de fait à leur base.
Force est de constater que la décision déférée, qui fait droit à la demande d’autorisation de la SCI, tout en lui imposant une série de mesures et de conditions, ne relève d’aucune de ces catégories de décisions énumérées à l’alinéa 2 de l’article 6 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, de sorte qu’une indication formelle de la motivation de la décision litigieuse n’était pas requise.
La motivation d’une décision, lorsqu’elle échappe au prescrit de l’article 6, alinéa 2 du règlement grand-ducal du 8 juin 1979, doit néanmoins être retraçable, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l’exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi, l’autorité administrative devant en effet en tout état de cause justifier ses décisions même si elle dispose d’un pouvoir discrétionnaire d’appréciation, ceci pour montrer qu’elles reposent bien sur des motifs existants, pour les rendre compréhensibles au regard des faits et en permettre le contrôle par le juge.6 En l’espèce, outre le fait que la décision déférée indique elle-même que les mesures litigieuses seraient nécessaires, compte tenu de la présence d’espèces de chauves-souris protégées particulièrement dans les annexes du château à l’ouest du site concerné, le délégué du gouvernement a, dans ses mémoires en réponse et en duplique, pris position de manière 6 Trib. adm., 6 octobre 2008, n° 24806 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure administrative non contentieuse, n° 65.
19détaillée quant aux contestations formulées par la demanderesse, en indiquant tant les bases légales des mesures critiquées par la demanderesse, à savoir, notamment, l’article 17 (3) et (4), ainsi que l’article 61 de la loi du 18 juillet 2018, que les circonstances de fait justifiant, d’après la partie étatique, les mesures en question, à savoir, essentiellement, la présence, sur le site en question, de biotopes « BK18 » ( « arbres solitaires, groupes et rangées d’arbres ») et « BK17 » (« Gebüsche frischer Standorte »), ainsi que le fait que ledit site constituerait un habitat pour diverses espèces d’oiseaux et de chiroptères.
La motivation ainsi fournie par la partie étatique est suffisamment précise pour permettre à la demanderesse d’assurer la défense de ses intérêts en connaissance de cause et au tribunal d’exercer son contrôle de légalité, étant relevé que la question de savoir si la motivation ainsi fournie est de nature à justifier les mesures litigieuses, et notamment celle en relation avec la mise en place de nichoirs pour chiroptères, visée plus particulièrement par la SCI, relève du fond du litige et sera abordée ci-après. Le moyen sous analyse encourt, dès lors, le rejet.
Quant à la légalité interne de la décision déférée, le tribunal relève que l’article 17 de la loi du 18 juillet 2018 prévoit ce qui suit : « (1) Il est interdit de réduire, de détruire ou de détériorer les biotopes protégés, les habitats d’intérêt communautaire ainsi que les habitats des espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation des espèces a été évalué non favorable.
Un règlement grand-ducal précise les mesures à considérer comme une réduction, une destruction ou une détérioration des biotopes protégés et habitats visés par l’alinéa 1er.
[…] (3) En dehors de la zone verte, une autorisation du ministre portant dérogation à l’interdiction du paragraphe 1er est requise pour la réduction, la destruction ou la détérioration des biotopes protégés, des habitats d’intérêt communautaire, des habitats des espèces d’intérêt communautaire pour lesquelles l’état de conservation des espèces est évalué non favorable. En cas de compensation dans les pools compensatoires conformément à l’article 64, le débit des éco-points du registre suite au paiement de la taxe de remboursement conformément aux articles 65 et 66 vaut autorisation dans ce contexte.
(4) Sans préjudice des dispositions du paragraphe 3, le ministre impose, dans les conditions de la section 2 du chapitre 12, des mesures compensatoires, comprenant des restitutions de biotopes de valeur écologique au moins équivalente aux biotopes protégés réduits, détruits ou détériorés. Les habitats d’intérêt communautaire et les habitats des espèces d’intérêt communautaire doivent être compensés, dans le même secteur écologique par des habitats identiques, ou à défaut par des habitats à fonctions écologiques similaires. […] ».
Ainsi, le législateur a prévu une interdiction de principe de réduire, de détruire ou de détériorer les biotopes protégés, les habitats d’intérêt communautaire ainsi que les HEIC, tout en prévoyant, en dehors de la zone verte, la possibilité d’une autorisation ministérielle portant dérogation à cette interdiction de principe, assortie de mesures compensatoires à fixer par le ministre.
Dans ce contexte, le tribunal précise que l’applicabilité de ces dispositions ne dépend ni d’éventuelles mentions, dans le PAG applicable, relatives à la présence, sur le site concerné, 20de biotopes protégés, d’habitats d’intérêt communautaire ou de HEIC, ni de la soumission, par ledit PAG, de la parcelle en cause à des servitudes d’ordre environnemental.
En effet, c’est à juste titre que le délégué du gouvernement soutient, en substance, que les autorités communales, en adoptant un PAG ou en délivrant une autorisation de construire, d’une part, et le ministre, en mettant en œuvre la loi du 18 juillet 2018, d’autre part, statuent dans leur propre sphère de compétence, de sorte que ni le PAG, ni une autorisation de bâtir de la part du bourgmestre de la commune concernée ne libèrent un administré de l’obligation de solliciter les autorisations requises en vertu de cette dernière loi.
L’argumentation de la SCI ayant trait à une « […] servitude occulte de la part du Ministère de l’environnement sur le PAG d’une commune […] » est, dès lors, à rejeter.
Pour le surplus, le tribunal constate qu’il est constant en cause que la SCI a fait procéder à la destruction d’arbres dont la qualification de biotope, au sens de l’article 17, précité, de la loi du 18 juillet 2018, n’a pas fait l’objet de contestations circonstanciées de la part de la partie demanderesse.
Ainsi, les dispositions de l’article 17, précité, de la loi du 18 juillet 2018 sont bien applicables en l’espèce.
Par ailleurs, le tribunal constate, au vu des moyens et arguments développés par la SCI, tels que résumés ci-dessus, qu’au-delà de son argumentation ayant trait à une « […] servitude occulte de la part du Ministère de l’environnement sur le PAG d’une commune […] », qui vient d’être rejetée ci-avant, les contestations de la partie demanderesse portent, non pas sur le principe, ni sur le montant de la taxe de remboursement lui réclamée par le ministre, mais sur le fait qu’en sus de cette taxe de remboursement, celui-ci lui a encore imposé les mesures et conditions en relation avec (i) la plantation d’une haie d’arbres devant être entourée par une bande enherbée, (ii) la mise en place de nichoirs artificiels pour chiroptères, dont le maintien doit être garanti pendant une durée de 25 ans, et (iii) l’éclairage des bâtiments, telles que fixées aux articles 9 à 19 de la décision ministérielle déférée. La SCI critique tant le principe de l’application supplémentaire de ces mesures et conditions à la taxe de remboursement lui réclamée que le bien-fondé, respectivement la proportionnalité de chacune de ces mesures et conditions prise individuellement.
A cet égard, le tribunal constate que le délégué du gouvernement se prévaut des dispositions du paragraphe (4) de l’article 17, précité, de la loi du 18 juillet 2018 pour soutenir que dans le cadre de la délivrance d’une autorisation sur base du paragraphe (3) dudit article 17, le ministre pourrait imposer, en sus du paiement d’une taxe de remboursement, la réalisation d’autres mesures compensatoires.
A ce sujet, le tribunal constate que si l’article 17 (4) de la loi du 18 juillet 2018 prévoit que le ministre impose des mesures compensatoires, comprenant des restitutions de biotopes de valeur écologique au moins équivalente aux biotopes protégés réduits, détruits ou détériorés, il se dégage de la même disposition légale que ces mesures sont imposées « […] dans les conditions de la section 2 du chapitre 12 […] », les travaux parlementaires afférents précisant que la disposition en question ne constitue qu’une « […] application des principes relatifs aux mesures compensatoires tels que plus amplement définis à la section 2 du chapitre 14 ci-après 21[devenu le chapitre 12 de la loi du 18 juillet 2018], et n’appelle donc pas à des commentaires particuliers […] »7.
En d’autres termes, ledit article 17 (4) ne constitue pas une dérogation aux règles relatives aux mesures compensatoires, telles que fixées par la section 2 du chapitre 12 de la loi du 18 juillet 2018, mais seulement une application de celles-ci.
S’agissant du contenu concret de ces règles, le tribunal relève que l’article 63 de la loi du 18 juillet 2018 prévoit ce qui suit : « (1) Les mesures compensatoires sont imposées au sens de l’article 13, de l’article 17, de l’article 28, paragraphe 3, point 6°, de l’article 33, et de l’article 61, paragraphe 1er.
(2) Le ministre détermine l’envergure des mesures compensatoires à l’aide d’un système numérique d’évaluation et de compensation en éco-points.
Un règlement grand-ducal précise :
1° le nombre en éco-points pour une circonférence des arbres ou une surface données, attribué à chaque biotope, habitat ou toute autre utilisation du sol même non protégée par les articles 13 et 17 ;
2° la période d’entretien des éléments du milieu naturel créés suite à la mise en œuvre des mesures compensatoires ; et 3° les modalités relatives au monitoring à installer.
L’évaluation de la différence en éco-points de l’état initial avant travaux et de l’état final après travaux des terrains est faite selon le système prévu au paragraphe 2 par une personne agréée, l’Administration de la nature et des forêts ou un syndicat de communes.
Les frais de l’évaluation de l’envergure des mesures compensatoires sont à charge du demandeur d’autorisation.
(3) La réalisation des mesures compensatoires est effectuée obligatoirement dans les pools compensatoires, sauf pour les constructions autorisées en vertu des articles 6 et 7.
Sur demande motivée du demandeur, le ministre peut autoriser exceptionnellement la réalisation de mesures compensatoires particulièrement favorables à la diversité biologique, en précisant les sortes de mesures, leur localisation dans la même commune, la commune limitrophe ou exceptionnellement dans le même secteur écologique et leur envergure, sur des terrains dont le demandeur est propriétaire.
La réalisation concrète des mesures compensatoires, à l’exception de celles réalisées dans les pools compensatoires, doit se faire au moins endéans le même délai que celui relatif à la réalisation des projets pour lesquels ces mesures sont prescrites, suivant les conditions imposées par le ministre. […] ».
Le commentaire de l’article 60.1 du projet de loi n° 7048, devenu l’article 63, précité, de la loi du 18 juillet 2018, contient les précisions suivantes :
7 Projet de loi n° 7048, commentaires des articles, ad art. 17, p. 63.
22« Le paragraphe (1) de cet article vise le champ d’application des mesures compensatoires, à savoir celles qui ont pu être imposées dans le cadre de l’article 13 (boisement forestier) dans le cadre de l’article 17 (habitats, espèces et biotopes) et dans le cadre de l’article 58 (1).
Le paragraphe (2) fixe le principe que dorénavant toute mesure compensatoire est à exécuter dans des pools compensatoires. Vu que les pools compensatoires sont prévus pour exister au niveau national et au niveau régional, il n’existe plus la nécessité de gérer pour des demandeurs les mesures compensatoires.
Il existe deux exceptions à ce principe, les constructions autorisées selon les articles 6 et 7 et, sur base du paragraphe (3) en cas de demande expresse et motivée du demandeur qui insiste pour réaliser les mesures compensatoires sur des terrains dont il a la maîtrise foncière.
Il a semblé préférable de privilégier le principe de la mise en œuvre de l’exécution dans les pools compensatoires. En effet, un demandeur se contentera d’acheter le nombre d’éco-points en rapport avec les mesures compensatoires imposées et il n’aura plus la tâche de trouver une parcelle pour les réaliser et d’effectuer les opérations de gestion des mesures compensatoires.
Ainsi, a été pris en compte le problème concrète de disponibilité foncière.
Bien entendu, si un propriétaire veut absolument avoir une telle charge, il ne peut lui être refusé.
Le paragraphe (4) prévoit que la réalisation des mesures compensatoires doit avoir lieu endéans le même délai que celui prévu pour le projet autorisé et vis-à -vis duquel des mesures compensatoires ont dû être imposées. Cette réalisation doit suivre les instructions données par le ministre.
Pour le cas où il s’agirait de la réalisation dans des pools compensatoires, cette réalisation se résume dès lors à acheter des éco-points et à les payer.
Pour le cas où il s’agirait de réalisation concrète sur une parcelle dont le demandeur a la maîtrise foncière, ou pour les constructions des articles 6 et 7, il s’agit de la réalisation concrète desdites mesures. […] ».8 Il s’ensuit que sauf l’hypothèse, non pertinente en l’espèce, des constructions visées aux articles 6 et 7 de la loi du 18 juillet 2018 et hormis le cas de figure d’une demande motivée du demandeur tendant à se voir autoriser à réaliser des mesures compensatoires sur des terrains dont il est propriétaire, les mesures compensatoires imposées sur base, notamment, de l’article 17 de ladite loi sont à réaliser dans les pools compensatoires, ce qui revient à l’achat et au paiement d’éco-points. Concrètement, il s’agit du paiement de la taxe de remboursement prévue à l’article 65 de la loi du 18 juillet 2018, aux termes duquel « (1) Tout demandeur d’autorisation peut avoir recours aux mesures compensatoires réalisées ou projetées conformément à l’article 82 soit dans le pool compensatoire national soit dans les pools compensatoires régionaux et ceci contre le paiement d’une taxe de remboursement équivalente à la valeur monétaire de la différence en éco-points entre l’état initial avant travaux et l’état 8 Projet de loi n° 7048, commentaires des articles, ad art. 60.1, p. 79.
23final des terrains après travaux. Le paiement de ladite taxe de remboursement doit être effectué avant le commencement des travaux dûment autorisés. […] ».
Il se dégage encore des travaux parlementaires relatifs à la loi du 18 juillet 2018 que « […] pour le cas où un demandeur exige la réalisation des mesures compensatoires sur son propre terrain dans les conditions de l’article [63 (3), alinéa 2], aucune redevance n’est à payer […] ».9 Or, en l’espèce, il n’est ni soutenu ni a fortiori prouvé par la partie étatique que la SCI aurait exigé, via une demande dûment motivée, d’être autorisée à réaliser des mesures compensatoires sur son propre terrain, le fait qu’une haie soit renseignée sur un plan intitulé « situation finale », versé au ministre par la société (BB) étant insuffisant à cet égard.
Ainsi, les mesures compensatoires que le ministre a pu imposer à la SCI sur base de l’article 17 (4) de la loi du 18 juillet 2018 sont celles à réaliser dans les pools compensatoires.
Au-delà de ce constat, le tribunal retient que dans la mesure où la loi du 18 juillet 2018 pose le principe général selon lequel toutes mesures compensatoires sont à réaliser dans les pools compensatoires, assorti de deux exceptions limitativement énumérées et où il ressort des travaux parlementaires gisant à la base de ladite loi que dans l’hypothèse exceptionnelle d’une réalisation des mesures compensatoires sur le propre terrain du demandeur d’autorisation, aucune taxe de remboursement n’est due en relation avec ces mesures, il relève de la logique du système ainsi mis en place qu’un demandeur ne saurait se voir imposer de compenser deux fois un même élément naturel, à savoir, d’une part, à travers des mesures compensatoires à réaliser dans les pools compensatoires, par le biais du paiement d’une taxe de remboursement, et, d’autre part, à travers des mesures compensatoires supplémentaires à réaliser sur son propre terrain. Admettre le contraire se heurterait, d’ailleurs, au principe à valeur constitutionnelle de proportionnalité, dont se prévaut la SCI.
En l’espèce, au vu de l’argumentaire fourni en cours d’instance contentieuse par le délégué du gouvernement – qui, de l’entendement du tribunal, défend la thèse d’une possible application cumulative des mesures litigieuses avec les mesures compensatoires à réaliser dans les pools compensatoires dans le but de compenser les mêmes biotopes et habitats, en soutenant expressément que « […] la valeur monétaire des biotopes détruits a[urait] été compensée dans le pool compensatoire, [mais que] cela n’empêche[rait] [pas] que la fonction de cet espace naturel [devrait] au moins être maintenue et ce sur un espace dorénavant réduit […] » – et compte tenu du fait qu’il n’est ni allégué ni a fortiori établi par la partie étatique que le montant de la taxe de remboursement tiendrait compte des mesures litigieuses, en ce sens qu’à défaut de ces mesures, la taxe aurait été plus élevée, le tribunal retient que c’est précisément une telle double compensation que le ministre a entendu imposer à la SCI.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal arrive à la conclusion que contrairement à ce que soutient le délégué du gouvernement, le ministre n’a pas valablement pu, sur base de l’article 17 (4) de la loi du 18 juillet 2018, imposer à la SCI de procéder, en sus du paiement de la taxe de remboursement à hauteur de … euros, à la réalisation de mesures compensatoires sur son propre terrain.
9 Projet de loi n° 7048, commentaires des articles, ad art. 60.4, p. 81.
24Cependant, la partie étatique se prévaut encore des dispositions de l’article 61 (1) de la loi du 18 juillet 2018, aux termes duquel « Le ministre peut assortir les autorisations requises en vertu des articles qui précèdent de conditions telles que les ouvrages à réaliser et les opérations à exécuter ne puissent nuire à l’environnement naturel. En ce qui concerne les autorisations relatives aux constructions il peut les assortir de conditions et de mesures relatives au revêtement, aux prescriptions dimensionnelles maximales selon le type de construction, aux prescriptions d’illumination maximale des constructions, à l’emprise au sol, aux matériaux, à la surface construite brute, aux teintes, à l’implantation et à l’intégration dans le paysage, lesquelles peuvent être précisées par règlement grand-ducal.
Le ministre peut aussi, si l’utilisation de la construction constitue un danger pour l’environnement naturel en général, prescrire les mesures appropriées pour y remédier.
Ces conditions et mesures ont pour finalité que les constructions à réaliser et les opérations à exécuter ne puissent nuire à l’environnement naturel, à l’intégrité et à la beauté du paysage, à l’intégrité des zones protégées, à la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère, aux espèces protégées particulièrement ainsi que leurs habitats, aux habitats d’intérêt communautaire, y compris la connectivité écologique ou du milieu naturel en général ou encore provoquer la pollution lumineuse.
Ces conditions et mesures peuvent encore comprendre des mesures compensatoires appropriées dans les conditions de la section 2 du présent chapitre, respectivement les mesures d’atténuation visées par l’article 27. […] ».
Cette disposition légale permet au ministre d’assortir les autorisations requises en vertu de la loi du 18 juillet 2018, en ce compris donc celles exigées par l’article 17 de la même loi, de conditions telles que les ouvrages à réaliser et les opérations à exécuter ne puissent nuire à l’environnement naturel, de même qu’il peut prescrire des mesures appropriées pour remédier à un danger que l’utilisation d’une construction constitue pour l’environnement naturel en général.
S’il ressort de l’alinéa 4 dudit article 61 (1) de la loi du 18 juillet 2018 que ces conditions et mesures peuvent comprendre des mesures compensatoires, il n’en reste pas moins qu’il se dégage de la même disposition légale que ces mesures compensatoires sont, à l’instar de celles imposées sur base de l’article 17 (4) de la même loi, soumises aux conditions de la section 2 du chapitre 12 de la loi en question.
Ainsi, pour les mêmes motifs que ceux indiqués ci-avant dans le cadre de l’analyse des mesures litigieuses sous l’angle de l’article 17 (4) de la loi du 18 juillet 2018, le tribunal retient que le ministre n’a pas non plus valablement pu imposer à la SCI, sur base de l’article 61 (1), précité, de la même loi, de procéder, en sus du paiement de la taxe de remboursement à hauteur de … euros, à la réalisation de mesures compensatoires sur son propre terrain.
Il n’en reste pas moins que les mesures et conditions que le ministre peut imposer sur base dudit article 61 (1) de la loi du 18 juillet 2018 ne sont pas limitées à des mesures compensatoires, mais qu’il peut s’agir, de manière plus générale, de conditions et mesures destinées à éviter des dangers et nuisances environnementales susceptibles d’être causés par les opérations et constructions soumises à autorisation. Plus particulièrement, ces mesures et conditions doivent avoir pour finalité que les constructions à réaliser et les opérations à exécuter ne puissent nuire à l’environnement naturel, à l’intégrité et à la beauté du paysage, à 25l’intégrité des zones protégées, à la conservation du sol, du sous-sol, des eaux, de l’atmosphère, aux espèces protégées particulièrement ainsi que leurs habitats, aux habitats d’intérêt communautaire, y compris la connectivité écologique ou du milieu naturel en général ou encore provoquer la pollution lumineuse.
Ainsi, ces mesures et conditions peuvent s’ajouter aux mesures compensatoires proprement dites et, dès lors, au paiement d’une taxe de remboursement, du moment que leur finalité est d’éviter un risque d’atteinte à l’un des éléments énumérés à l’alinéa 3 de l’article 61 (1) de la loi du 18 juillet 2018.
En l’espèce, s’agissant, d’abord de la mesure ayant trait à la plantation d’une haie d’arbre entourée d’une bande enherbée, le tribunal constate, au vu des explications du délégué du gouvernement, que sa finalité est, non pas de prévenir un risque environnemental, mais de compenser la perte de la fonction de corridor de vol pour chiroptères qu’auraient auparavant remplie les structures détruites par la SCI et qui aurait initialement dû être compensée par un verger dont la réalisation se serait cependant révélée impossible.
Le tribunal en déduit qu’il s’agit d’une mesure compensatoire, soit d’une mesure destinée à compenser, à rétablir un équilibre, une situation antérieure10, de sorte que le ministre n’était, eu égard aux considérations qui précèdent, pas en droit de l’imposer à la SCI, en sus du paiement de la taxe de remboursement à hauteur de … euros.
Il s’ensuit d’ores et déjà que la décision déférée est à annuler, en ses dispositions se rapportant à la susdite haie d’arbres ainsi qu’à la bande enherbée qui n’en constitue qu’un accessoire, sans que sur ce point, il y ait besoin de statuer plus en avant.
S’agissant ensuite de la mesure liée à la mise en place de nichoirs artificiels pour chiroptères, le tribunal relève que le rapport (BB) contient les précisions suivantes : « […] Ausflugskontrollen im Juli 2017 bestätigten jedoch eine vermutete Kolonie des Grauen Langohrs (Plecotus austriacus) in der Kirche. Die Nutzung der Dachräume des Schlosses selbst durch Fledermäuse ist hingegen ungeklärt, da das Schloss zur Zeit der Aufnahme auf Wunsch des Bewohners nicht untersucht wurde.
Bei Untersuchungen zur Fledermausfauna auf nahegelegenen Flächen der Gemeinde Bettendorf durch das Büro (DD) wurde im Jahr 2018 ein breites Artenspektrum festgestellt.
Unter diesen Arten zeigten die Zwergfledermaus, die Breitflügelfledermaus (vermutlich die Kleine Bartfledermaus) und das Graue Langohr eine erhöhte Aktivität, sodass ein Zusammenhang mit nahegelegenen Kolonien wahrscheinlich ist. Allen weiteren Arten kam aufgrund der sporadischen Aktivität bzw. der geringen Nachweishäufigkeit eine nur untergeordnete Bedeutung zu, diese sind entsprechend nicht im Planungsareal zu erwarten.
[…] Die südlich des Schlosses gelegene Parzelle (P2) wurde zudem im Rahmen einer fledermauskundlichen Stellungnahme des Büros (DD) zur Strategischen Umweltprüfung des PAG Bettendorf im Jahr 2014 als essenzielles Jagdhabitat und Flugkorridor der bereits damals in der Kirche vermuteten Wochenstube des Grauen Langohrs bewertet. Für diese Parzelle wurden ebenfalls mögliche Fledermausquartiere in dem alten Baumbestand aufgeführt. […] 10 Voir, sur ce point : G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 2000, V° Compensatoire, p. 176.
26Auf Grundlage der bestehenden Daten ist nicht auszuschließen, dass das untersuchte Planungsareal auf der Ostseite des Schlosses ebenfalls als fakultativer Jagdlebensraum für die Zwergfledermaus, die Bartfledermaus, die Breitflügelfledermaus und das Graue Langohr dient […]. Eine mögliche Korridorfunktion der Fläche in Verbindung mit einer Flugroute zur Sauer bleibt hingegen durch die vorgesehene Anlage eines Streuobstbestands im westlichen Bereich erhalten. […] ».
Il s’ensuit qu’il existe du moins une possibilité raisonnable que le site concerné constitue un habitat de chasse facultatif et remplit une fonction de corridor de vol pour la « Zwergfledermaus », la « Bartfledermaus », la « Breitflügelfledermaus » et le « Graues Langohr », qui sont des espèces protégées particulièrement, ainsi que cela ressort d’une lecture conjointe de l’article 3, numéro 19° de la loi du 18 juillet 2018, aux termes duquel constituent des espèces protégées particulièrement, les « espèces protégées soumises à un régime de protection particulière qui peut être intégral ou partiel en raison de leur rareté ou de leur vulnérabilité […] », et de l’article 1er du règlement grand-ducal modifié du 9 janvier 2009 concernant la protection intégrale et partielle de certaines espèces animales de la faune sauvage, aux termes duquel « Les espèces d’animaux spécifiés ci-après sont intégralement protégées :
[…] Chauves-souris […] ». En l’absence du moindre élément de preuve contraire fourni par la SCI, le fait que les études gisant à la base de ces constations de la société (BB) datent de plus de cinq ans n’est pas de nature à ébranler cette conclusion.
Or, force est au tribunal de constater que la partie étatique est restée en défaut de fournir la moindre explication plausible en quoi la mise en place de nichoirs artificiels pour chiroptères serait nécessaire pour prévenir des effets négatifs pour les chauves-souris, au regard, d’une part, de la possible fonction d’habitat de chasse facultatif et de corridor de vol du site litigieux et, d’autre part, des travaux de défrichement et de construction entrepris et à entreprendre par la SCI, en ce sens qu’à défaut de ces nichoirs, la pérennité de ces fonctions serait mise en péril.
La partie gouvernementale n’a pas non plus expliqué en quoi l’éventuelle présence de chauves-souris dans le château et/ou ses annexes – thèse qui repose, non pas sur des études vérifiables, mais sur les seules affirmations du Préposé ayant relaté le contenu d’entretiens qu’il aurait personnellement eus avec l’ancien propriétaire du terrain et un expert en matière de chiroptères – serait de nature à nécessiter pareille mesure.
Si ladite mesure devait s’analyser comme une mesure compensatoire, au sens de l’article 61 (1), alinéa 4 de la loi du 18 juillet 2018, le tribunal retient qu’outre le fait que la partie étatique est restée en défaut de préciser ce que la mesure en question viserait concrètement à compenser, le ministre n’a pas valablement pu imposer pareille mesure compensatoire à la SCI, en sus du paiement de la taxe de remboursement à hauteur de … euros, et ce pour les motifs indiqués ci-avant.
Il s’ensuit que c’est à tort que le ministre a obligé la SCI à mettre en place ces nichoirs artificiels pour chiroptères, de sorte que la décision déférée encourt l’annulation en l’ensemble de ses dispositions s’y rapportant, sans qu’il y ait besoin de statuer plus en avant à cet égard.
En revanche, compte tenu du fait, d’une part, que le site litigieux est susceptible de constituer un habitat de chasse facultatif pour chiroptères et, d’autre part, qu’il s’agit d’animaux nocturnes, le tribunal retient que le ministre a valablement et sans violer le principe de proportionnalité pu imposer, sur base de l’article 61 (1) de la loi du 18 juillet 2018, les conditions prévues à l’article 15 de la décision litigieuse en relation avec l’éclairage des bâtiments pendant la nuit, afin de créer une période sombre pour les chauves-souris, et, dès 27lors, d’éviter le risque que les constructions ou leur usage nuisent à cette fonction d’habitat de chasse facultatif, ces conditions ne s’analysant, au vu de leur finalité, pas en une mesure compensatoire tombant dans le champ d’application de la section 2 du chapitre 12 de la loi du 18 juillet 2018.
Dans ce contexte, le tribunal précise qu’en l’absence d’explications plus circonstanciées de la part de la SCI sur ce point, il ne perçoit pas en quoi les restrictions concrètement imposées en relation avec le choix des lampadaires et ampoules seraient disproportionnées par rapport au but poursuivi.
De même, il n’est aucunement établi qu’en imposant ces conditions, le ministre aurait agi dans un but autre que celui pour lequel le législateur lui a conféré sa compétence décisionnelle en la présente matière, à savoir, en substance, la protection de l’environnement et des ressources naturelles, de sorte que le reproche d’un détournement de pouvoir, tel que formulé par la SCI, laisse d’être fondé.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, le tribunal arrive à la conclusion que le recours sous examen est à déclarer partiellement fondé, en ce sens que la décision déférée encourt l’annulation en l’ensemble de ses dispositions se rapportant à (i) la plantation d’une haie d’arbres entourée d’une bande enherbée et (ii) la mise en place de nichoirs artificiels pour chiroptères, à savoir ses articles 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 20 et 21.
Pour le surplus, le recours est à rejeter.
Au vu de l’issue du litige, il y a lieu de faire masse des frais et dépens de l’instance et de les imposer pour un tiers à la partie demanderesse et pour deux tiers à l’Etat.
Par ces motifs, le tribunal administratif, première chambre, statuant contradictoirement ;
se déclare incompétent pour connaître du recours subsidiaire en réformation ;
reçoit le recours principal en annulation en la forme ;
au fond, le déclare partiellement justifié, partant annule les articles 10, 11, 12, 13, 14, 16, 17, 18, 20 et 21 de la décision déférée ;
pour le surplus, déclare ledit recours non justifié, partant en déboute ;
fait masse des frais et dépens de l’instance et les impose pour un tiers à la partie demanderesse et pour deux tiers à l’Etat.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique extraordinaire du 14 février 2025 par :
Daniel WEBER, vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Annemarie THEIS, premier juge, en présence du greffier Luana POIANI.
28 s. Luana POIANI s. Daniel WEBER 29