Tribunal administratif N° 48908 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48908 2e chambre Inscrit le 5 mai 2023 Audience publique du 6 février 2025 Recours formé par Madame (A), …, contre un arrêté du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable et un arrêté du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, en présence de la société anonyme (AA) SA, …, en matière d’établissements classés
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48908 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2023 par la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1470 Luxembourg, 7-11, route d’Esch, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B265322, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Rachel JAZBINSEK, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation 1) d’un arrêté du ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable du 22 février 2023, référencé sous le numéro …, et 2) d’un arrêté du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire du 23 février 2023, référencé sous le numéro …, autorisant la société anonyme (AA) SA, établie et ayant son siège social à L-…, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro …, représentée par son conseil d’administration actuellement en fonctions, à exploiter sur un pylône, sis à L-…, un site radiotechnique comprenant dix antennes ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice suppléant Kelly FERREIRA SIMOES, en remplacement de l’huissier de justice Martine LISÉ, demeurant à Luxembourg, du 24 mai 2023, portant signification de ce recours à la société anonyme (AA) SA, préqualifiée ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 1er juin 2023 par la société anonyme SCHILTZ & SCHILTZ SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1610 Luxembourg, 24-26, avenue de la Gare, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B220251, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Anne FERRY, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de la société anonyme (AA) SA, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 5 octobre 2023 par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 23 octobre 2023 par la société anonyme SCHILTZ & SCHILTZ SA pour compte de la société anonyme (AA) SA, préqualifiée ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 23 novembre 2023 par la société à responsabilité limitée RODESCH Avocats à la Cour pour compte de Madame (A), préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2023 par la société anonyme SCHILTZ & SCHILTZ SA, pour compte de la société anonyme (AA) SA, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 21 décembre 2023 par le délégué du gouvernement pour compte de l’Etat du Grand-Duché de Luxembourg ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que les décisions entreprises ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Rachel JAZBINSEK, Madame le délégué du gouvernement Cathy MAQUIL et Maître Anne FERRY en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 novembre 2024.
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Il est constant en cause que par arrêté du ministre ayant l’Environnement dans ses attributions du 22 novembre 2021, référencé sous le numéro …, respectivement par arrêté du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, ci-après désigné par « le ministre du Travail », du 1er décembre 2021, référencé sous le numéro …, la société anonyme (AA) SA, ci-après désignée par « la société (AA) », avait obtenu une première autorisation d’exploiter un site d’installations radioélectriques fixes sur une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Luxembourg, section … de …, sous le numéro cadastral (P1), ci-après désignée par « la parcelle (P1) ».
Il se dégage ensuite du dossier administratif qu’en date du 6 octobre 2022, la société (AA) introduisit auprès de l’administration de l’Environnement une demande visant à obtenir l’autorisation pour la modification et l’exploitation du site d’installations radioélectriques fixes se situant sur la parcelle (P1).
Par arrêté du 22 février 2023, référencé sous le numéro …, le ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable, ci-après désigné par « le ministre de l’Environnement », délivra à la société (AA) l’autorisation d’exploitation sollicitée, ledit arrêté ayant la teneur suivante :
« […] Vu la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ;
Considérant la demande du 6 octobre 2022, présentée par (AA) S.A., aux fins d'obtenir l’autorisation d’exploiter à L-…, LUREF:…, sur un pylône, les établissements classés suivants - un site radiotechnique comprenant les antennes suivantes :
[…] Considérant l’arrêté … du 22 novembre 2021, délivré par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, autorisant la société (AA) S.A. à exploiter un site d’installations radioélectriques fixe situé dans la commune de LUXEMBOURG ;
Considérant que l’objet du dossier de demande concerne :
- la modification de la puissance à l’entrée des antennes émettant les fréquences 700 MHz, 800 MHz, 1.800 MHz, 2.100 MHz, 2.600 MHz et 3,6 GHz ;
- le remplacement d’antennes ;
Considérant le règlement grand-ducal modifié du 10 mai 2012 portant nouvelles nomenclature et classification des établissements classés ;
Considérant la loi du 25 novembre 2005 concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement ;
Considérant le règlement grand-ducal du 25 janvier 2006 déclarant obligatoire le plan directeur sectoriel stations de base pour réseaux publics de communications mobiles ;
Considérant le traité sur le fonctionnement de l'Union Européenne, notamment son article 191 relatif à la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement et disposant que la politique de l'Union dans le domaine de l'environnement est fondée entre autres sur les principes de précaution et d'action préventive afin de contribuer à un niveau de protection élevé ;
Considérant la recommandation du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz) (1999/519/CE) ;
Considérant l’enquête commodo et incommodo et l’avis émis en date du 18 janvier 2023 par le collège des bourgmestre et échevins de la commune de de LUXEMBOURG ;
Considérant que pendant le délai légal d’affichage, des observations ont été présentées à l’égard du projet susmentionné ;
Considérant que ces observations trouvent leur retombée dans les conditions de l’arrêté pour autant que la législation sur les établissements classés constitue une base habilitante ;
Considérant que ces observations se réfèrent au déploiement des antennes actives ;
qu’en application du principe de précaution l’intensité du champ électrique est limitée à 3 V/m par élément rayonnant dans les lieux où peuvent séjourner des gens ;
Considérant que, conformément à l'article 4 de la loi modifiée du 10 juin 1999, les compétences en matière d'autorisation du ministre ayant l'Environnement dans ses attributions se limitent aux établissements des classes 1, 1B, 3 et 3B selon le règlement grand-ducal modifié du 10 mai 2012 ; que le présent arrêté est donc limité à ces établissements classés ;
Considérant qu’en raison d’une approche intégrée, l’arrêté relatif à l’établissement délivré antérieurement et étant actuellement encore en vigueur est intégré dans le présent arrêté ; que par conséquent l’arrêté … du 22 novembre 2021 est à abroger ;
Considérant qu'en application du principe de précaution l'intensité du champ électrique est limitée par élément rayonnant dans les lieux où peuvent séjourner des gens ;
Considérant que les conditions imposées dans le cadre du présent arrêté sont de nature à limiter les nuisances sur l'environnement à un minimum ;
Que partant il y a lieu d'accorder l'autorisation sollicitée, A R R Ê T E :
Article 1er : Cadre légal L'autorisation sollicitée en vertu de la législation relative aux établissements classés est accordée sous réserve des conditions reprises aux articles subséquents.
Article 2 : Domaine d’application 1. Objets autorisés a) Dans le cadre du présent arrêté, le terme « établissement classé » se rapporte aux établissements, installations et activités à risques potentiels repris dans la nomenclature et classification des établissements classés. Font partie intégrante d'un établissement classé toute activité et installation s'y rapportant directement, susceptible d'engendrer des dangers ou des inconvénients à l'égard des intérêts environnementaux repris à l'article 1er de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés.
b) Sont autorisés les établissements classés suivants :
N° de nomenclature Désignation sites d’installations radioélectriques fixes*, dont la somme des puissances maximales fournies à l’entrée des antennes est de 3.844,36 W 500101 02 * endroit fixe où sont installées sur une même parcelle cadastrale une ou plusieurs installations radioélectriques de la même technologie 2. Emplacement L’établissement classé ne peut être aménagé et exploité qu’à l’emplacement suivant :
Adresse L-… Cadastre Luxembourg, Section … de … (P1) Installation sur un pylône Site opérateur Radiotechnique Site L0499 LUREF … □ nouveau site □ nouvel opérateur sur site existant site existant LUREF du point de mesure du champ électrique global PM/EM/085 3. Conformité à la demande Les établissements classés doivent être aménagés et exploités conformément à la demande du 6 octobre 2022 sauf en ce qu’elle aurait de contraire aux dispositions du présent arrêté. Ainsi la demande fait partie intégrante du présent arrêté. L’original de la demande, qui vu sa nature et sa taille, n’est pas jointe au présent arrêté, peut être consultée par tout intéressé au siège de l’Administration de l’environnement, sans déplacement.
4. Délais et limitations dans le temps a) Le site d’installations radioélectriques fixes doit être mis en exploitation dans un délai de 36 mois à compter de la date du présent arrêté.
b) L’exploitant doit communiquer préalablement à l’Administration de l’environnement la date du début de l’exploitation des divers établissements classés.
Article 3 :
Conditions fixées en vertu de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés 1. Conditions pour tous les établissements […] 2. Conditions spécifiques 2.1.Concernant le numéro de nomenclature 500101 2.1.1. Définitions […] 2.1.2. Limitations L’exploitation est limitée aux installations suivantes :
[…] 2.1.3. Limitation des émissions d’ondes électromagnétiques en provenance des sites radiotechniques de la téléphonie mobile a) En ce qui concerne l’ensemble des éléments rayonnants des antennes actives, l’apport au champ électrique global doit être inférieur ou égal à 3 V/m, moyenne des valeurs effectives (RMS, route mean square) dans les lieux où peuvent séjourner des gens. La moyenne des valeurs effectives est formée sur un intervalle de temps de 6 minutes. Le rapport entre l’amplitude du pic du signal et la valeur effective (facteur de crête) du signal mesuré doit rester inférieur à 2.
b) En ce qui concerne les éléments rayonnants des antennes passives, l’apport au champ électrique global doit être inférieur ou égal à 3 V/m, valeur maximale dans les lieux où peuvent séjourner des gens.
c) Pour des raisons de précaution, les effets athermiques pouvant résulter d’un émetteur d’ondes électromagnétiques ne doivent pas engendrer des risques pour l’environnement humain.
d) L’exploitant doit tenir un registre contenant les paramètres d’exploitation du site radioélectrique. Ce registre doit être tenu à disposition des agents de contrôle.
Article 4 :
Conditions fixées en vertu de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés relatives à la réception et au contrôle de l’établissement […] Article 5 : L’arrêté N° … du 22 novembre 2021, délivré par le ministre ayant l’Environnement dans ses attributions reste en vigueur jusqu’à la date de notification de la mise en service définitive des installations autorisées par le présent arrêté, sans toutefois pouvoir dépasser la durée de validité dudit arrêté.
[…] ».
Par arrêté du 23 février 2023, référencé sous le numéro …, le ministre du Travail délivra, à son tour, à la société (AA) l’autorisation d’exploitation sollicitée, ledit arrêté ayant la teneur suivante :
« […] Revu l’arrêté n° … du 1er décembre 2021 du Ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire autorisant la SA (AA) à exploiter un site d’installations radioélectriques fixe se situant sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Luxembourg, Section … de …, numéro cadastral (P1), LUREF:… ;
Vu la demande du 6 octobre 2022 présentée par la SA (AA), aux fins de pouvoir obtenir l’autorisation pour la modification et l’exploitation d’un site d’installations radioélectriques fixe se situant sur un terrain inscrit au cadastre de la commune de Luxembourg, Section … de …, numéro cadastral (P1), LUREF: … ; que plus particulièrement l’autorisation est sollicitée pour :
- un site d’installations radioélectriques fixes se composant de :
[…] - des émetteurs radioélectriques à faisceau hertzien ;
- des accumulateurs électriques ;
Vu la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés ;
Vu le règlement grand-ducal du 25 janvier 2006 déclarant obligatoire le plan directeur sectoriel "Stations de base pour réseaux publics de communications mobiles" ;
Vu le règlement grand-ducal modifié du 10 mai 2012 portant nouvelles nomenclature et classification des établissements classés ;
Vu l ’enquête de commodo et incommodo et l’avis favorable du collège des bourgmestre et échevins de la Ville de Luxembourg en date du 18 janvier 2023 ;
Considérant que pendant le délai légal d’affichage, des observations ont été présentées à l’égard du projet susmentionné ;
Vu le plan de situation et celui des lieux ;
Considérant la recommandation du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l'exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz) (1999/519/CE) ;
Considérant le règlement grand-ducal du 17 mai 2017 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des salariés aux risques dus aux agents physiques (champs radioélectriques) ;
Considérant qu'en application du principe de précaution l'intensité du champ électrique est limitée par élément rayonnant ;
Considérant en ce qui concerne les compétences du ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Economie sociale et solidaire, que les conditions d’exploitation tiennent compte des nuisances et dangers pouvant éventuellement résulter de l’exploitation de l’installation faisant l’objet de la demande d’autorisation précitée ; que ces conditions sont à considérer à l’état actuel de la technologie comme suffisantes afin de garantir la sécurité du public et du voisinage en général ainsi que la sécurité, l’hygiène et la santé sur le lieu de travail, la salubrité et l’ergonomie ;
A R R Ê T E Article 1er : - L’arrêté N° … du 1er décembre 2021 du Ministre du Travail et de l’Emploi reste en vigueur jusqu’à la date de notification de la mise en service définitive des installations autorisées par le présent arrêté, sans toutefois pouvoir dépasser la durée de validité dudit arrêté.
Article 2 : - L’autorisation sollicitée est accordée sous réserve des conditions d’exploitation suivantes :
I) Conditions générales […] II) Conditions particulières […] 2) Le site d’installations radioélectriques fixe doit être mis en œuvre, construit, aménagé et exploité conformément aux prescriptions des publications suivantes, consultables sur le site internet de l’Inspection du travail et des mines, à savoir :
ITM-CL 17.2 :
Installations électriques ITM-SST 1105.1 :
Conditions d’exploitation pour les émetteurs d’ondes électromagnétiques à haute fréquence À l’article 1. Objectif et domaine d’application, l’alinéa 2 est remplacé par :
« Elles s’appliquent à tout site d’installations radioélectriques produisant des ondes électromagnétiques non-ionisantes comprises dans la bande de fréquence de 10kHz à 300 GHz dont la somme des puissances maximales fournies à l’entrée des antennes est supérieure ou égale à 50 W. » L’article 4 est remplacé et est à lire comme suit :
« Art. 4 Protection des salariés non visés à l’article 5 4.1 Sites d’installations radioélectriques fixes avec des stations émettrices de mobilophonie (GSM, DCS, UMTS, LTE, de la 4e génération (4G) et de la 5ième génération (5G), etc.).
En ce qui concerne les éléments rayonnants du service radiocommunication téléphonie mobile utilisant des antennes passives, l’exploitant doit garantir en tout lieu où peuvent séjourner des salariés une intensité maximale du champ électrique de 3 V/m par élément rayonnant.
Exceptionnellement, au cas où plusieurs éléments rayonnent dans la même direction, la valeur maximale autorisée du champ électrique de l’ensemble des éléments orientés dans le même sens se calcule par la formule :
Emax[V/m]= 3[V/m] ·√n n = nombre des éléments rayonnants dans la même direction 3[V/m]=
l’intensité maximale du champ électrique par élément rayonnant En ce qui concerne l’ensemble des éléments rayonnants du service radiocommunication téléphonie mobile utilisant des antennes actives, l’apport au champ électrique global doit être inférieur ou égal à 3 V/m, moyenne des valeurs effectives (RMS, route mean square) dans les lieux où peuvent séjourner des salariés. La moyenne des valeurs effectives est formée sur un intervalle de temps de 6 minutes. Le rapport entre l’amplitude du pic du signal et la valeur effective (facteur de crête) du signal mesuré doit rester inférieur à 2.
Les effets athermiques pouvant résulter d’un émetteur d’ondes électromagnétiques ne doivent pas entraver la santé des salariés. Cette obligation sera précisée au moment de la parution de recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) relatives aux effets athermiques.
4.2. Autres stations émettrices à haute fréquence L’exploitant d’une ou de plusieurs antennes est tenu d’installer les éléments rayonnants de façon que les conditions et les valeurs limites de la « Recommandation 1999/519/CE du Conseil du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 Hz à 300 GHz) » sont respectées.
Par dérogation à l’article 5.1. le champ de proximité dans la direction du rayonnement peut être calculé soit par la formule d Le 3ième alinéa de l’article 5.1 est remplacé et est à lire comme suit :
« Les valeurs limites à respecter pour les salariés pour tout genre d’émetteur d’ondes électromagnétiques sont celles du règlement grand-ducal du 17 mai 2017 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des salariés aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques). » L’article 5.2 est remplacé et est à lire comme suit :
« 5.2. L’exploitant doit établir un balisage autour des zones des champs proches. Des pictogrammes normalisés doivent être apposés conformément aux dispositions du règlement grand-ducal du 14 novembre 2016 concernant les prescriptions minimales pour la signalisation de sécurité et de santé au travail. » L’article 5.4 est remplacé et est à lire comme suit :
« 5.4 Dans le cadre d’une politique de prudence, les femmes enceintes ne doivent pas occuper des postes de travail près des émetteurs d’ondes électromagnétiques, même si les valeurs limites prévues par le règlement grand-ducal du 17 mai 2017 concernant les prescriptions minimales de sécurité et de santé relatives à l’exposition des salariés aux risques dus aux agents physiques (champs électromagnétiques) sont respectés. » L’article 6.2 est remplacé et est à lire comme suit :
« 6.2 Afin de garantir la sécurité des stimulateurs cardiaques implantables, la valeur limite de la norme EN 45502 est à respecter par l’exploitant de la station émettrice en tout lieux où des porteurs de stimulateurs cardiaques peuvent séjourner. » […] A l’article 10 Réception l’alinéa suivant est ajouté :
En cas de doute que les valeurs limites des champs électromagnétiques sont respectées, l’exploitant doit charger, sur demande de l’Inspection du travail et des mines à ses propres frais, un organisme de contrôle qui mesure les champs électromagnétiques.
[…] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 5 mai 2023, Madame (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation sinon à l’annulation des arrêtés prévisés des 22 et 23 février 2023 émanant respectivement du ministre de l’Environnement et du ministre du Travail.
I.
Quant à la compétence du tribunal Etant donné que l’article 19, alinéa 1er de la loi modifiée du 10 juin 1999 relative aux établissements classés, ci-après désignée par « la loi du 10 juin 1999 », prévoit un recours au fond en la présente matière, le tribunal est compétent pour connaître du recours principal en réformation introduit en l’espèce, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
II.
Quant à la recevabilité du recours principal en réformation Dans leurs mémoires en réponse respectifs, la partie étatique et la société (AA) concluent à l’irrecevabilité du recours sous analyse, d’une part, pour cause de libellé obscur et violation de l’article 1er de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », et, d’autre part, pour défaut d’intérêt à agir dans le chef de Madame (A).
1. Quant au moyen d’irrecevabilité pour cause de libellé obscur et violation de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 Arguments des parties A l’appui de ce moyen, la partie étatique met en avant que le recours sous analyse viserait deux décisions administratives distinctes alors qu’il faudrait en principe introduire une requête séparée pour chaque décision administrative attaquée. Ce ne serait en effet que dans des cas très limités que la jurisprudence admettrait la recevabilité d’un recours combiné contre plusieurs décisions. Or, en l’espèce, la partie requérante n’invoquerait aucune argumentation justifiant un recours unique pour agir simultanément contre les deux décisions en cause.
Elle ajoute que le recours viserait deux décisions émanant d’autorités différentes et agissant toutes les deux dans leur champ de compétence propre, de même que les autorisations émises à travers lesdites décisions fixeraient les conditions d’exploitation dans des domaines différents. Il s’ensuivrait que l’objet des autorisations, de même que les éléments et les considérations à leur base ne seraient à l’évidence pas les mêmes.
Au vu de ces considérations, un recours unique ne serait pas recevable.
La partie étatique insiste, dans ce contexte, encore sur le fait que la requête ne serait pas soigneusement rédigée faute de contenir une quelconque sous-catégorisation pour les différentes décisions visées, de sorte à être notamment motivée par une même argumentation sans nuancer entres les deux décisions attaquées. Elle estime que cette façon de faire porterait nécessairement atteinte aux droits de la défense de l’Etat.
La société (AA) déclare, quant à elle, faire siens les développements de la partie étatique quant à l’absence d’explication du choix procédural de déférer au tribunal deux actes administratifs distincts à travers une seule et même requête, tout en ajoutant qu’il se dégagerait, par ailleurs, du dispositif qu’il serait demandé à voir déclarer nul l’un et l’autre des deux arrêtés entrepris pour être « contraires à la loi du 10 juin 1999 sur les établissements classés, alors qu’ils ne respecteraient pas les articles 1er et 13 de la prédite loi », sans toutefois que ces griefs ne soient détaillés dans le corps de la requête, de sorte à ne pas renseigner à quel titre l’un et/ou l’autre des arrêtés entrepris ne respecterait pas les dispositions légales en question.
Elle ajoute que le caractère confus du recours se trouverait encore accentué par le fait qu’il y serait reproduit un arrêté référencé sous le numéro 3/22/0115 du 22 juin 2022 qui aurait été délivré à l’établissement de droit public (BB), de sorte à être étranger au présent litige.
La société (AA) fait encore relever que la partie requérante conclurait à voir déclarer nul le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 portant nouvelles nomenclature et classification des établissement classés, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 », pour être contraire à la loi du 10 juin 1999 et ce alors même que le tribunal ne serait pas saisi d’un recours dirigé contre ledit règlement grand-ducal.
Enfin, il y aurait lieu de constater que la partie requérante solliciterait la fermeture de l’établissement classé en cause sans toutefois que le recours sous analyse ne contienne la moindre justification à l’appui de cette demande.
Dans son mémoire en réplique, la partie requérante conteste le moyen d’irrecevabilité tenant au prétendu libellé obscur de son recours, en faisant valoir que les autorisations déférées à travers la requête introductive d’instance seraient bien complémentaires et prévues par le même article de loi pour l’installation du même établissement classé. Or, elle estime qu’à l’instar de la jurisprudence applicable en matière d’urbanisme, la matière des établissements classés permettrait d’attaquer deux décisions dans un seul et même acte. Ce constat se trouverait conforté par le fait que la partie étatique soulignerait elle-même qu’elle développerait les mêmes moyens par rapport à chacune des décisions en cause. Il s’ensuivrait que le moyen d’irrecevabilité pour cause de libellé obscur ne serait pas caractérisé ce d’autant plus que les parties défenderesse et tierce-intéressée auraient pu présenter tous leurs moyens de défense.
Dans son mémoire en duplique, la partie étatique insiste sur le fait que si certes les deux autorisations litigieuses se rapportaient à un même établissement classé, elles ne seraient pas pour autant complémentaires pour relever de domaines fondamentalement différents et être traitées par des autorités distinctes. Le fait que les deux autorisations seraient « prévues par un même article » ne permettrait pas de les considérer comme étant connexes.
La partie étatique réfute ensuite l’affirmation adverse suivant laquelle elle aurait développé les mêmes moyens par rapport aux deux autorisations déférées. Il se dégagerait, au contraire, de son mémoire en réponse qu’elle aurait présenté des arguments pour chaque arrêté pris séparément et que, par ailleurs, l’argumentation ne serait pas la même pour chacun d’entre eux, encore qu’il serait vrai que certains points appelleraient les mêmes développements.
La société (AA) renvoie, quant à elle, dans son mémoire en duplique à ses développements antérieurs tout en relevant que la partie requérante n’aurait pas pris position par rapport à ses critiques tenant au libellé obscur de son recours.
Analyse du tribunal S’agissant tout d’abord du reproche tiré du fait que le recours sous analyse vise deux décisions distinctes, le tribunal relève que s’il est vrai que tout recours doit en principe être introduit par requête séparée, la partie requérante est cependant autorisée à déférer deux décisions distinctes dans une même requête lorsque les décisions critiquées ont le même objet, qu’elles se fondent sur des considérations de base identiques et que le recours formé par la partie requérante contre les décisions se fonde sur les mêmes moyens1. De même, la jurisprudence administrative admet un recours unique dirigé contre plusieurs décisions émanant d’autorités différentes prises dans le cadre de réglementations différentes lorsque les décisions sont intimement liées entre elles, sauf le risque par elle courue, en cas d’imprécision de sa requête introductive d’instance, que des moyens soient écartés dans la mesure où il n’est pas dégageable à l’encontre de quelle décision précise ils sont dirigés2.
En l’espèce, il y a lieu de relever que quoiqu’émanant de deux autorités ministérielles différentes, à savoir le ministre de l’Environnement et le ministre du Travail, les décisions déférées à travers le recours sous analyse autorisent toutes les deux l’exploitation du même établissement classé sur le fondement de la loi du 10 juin 1999. A cela s’ajoute que le recours dirigé contre les deux autorisations ministérielles litigieuses est fondé sur des considérations de base identiques de même que sur les mêmes moyens en droit. Au vu de ces considérations le reproche afférent est à rejeter.
En ce qui concerne ensuite plus généralement les reproches tenant au libellé obscur du recours, il y a lieu de relever qu’en vertu de l’article 1er, alinéa 2 de la loi du 21 juin 1999, une requête introductive d’instance à déposer auprès du tribunal administratif doit notamment contenir, en dehors d’un exposé sommaire des faits, les moyens invoqués à l’appui du recours.
Si en règle générale l’exception de libellé obscur admise se résout par l’annulation de la requête introductive d’instance ne répondant pas aux exigences fixées par le texte légal en question, il convient dans le cadre de la loi du 21 juin 1999 d’avoir égard à son article 29 qui dispose que « l’inobservation des règles de procédure n’entraîne l’irrecevabilité de la demande que si elle a pour effet de porter effectivement atteinte aux droits de la défense ».
Or, en l’espèce, non seulement la partie requérante mentionne - certes assez succinctement - les moyens en appui de sa requête, à savoir l’illégalité d’un point de nomenclature du règlement grand-ducal du 10 mai 2012 qui se trouverait à la base des arrêtés ministériels litigieux et le non-respect, par chacune des deux autorisations d’exploitation litigieuses du principe général de précaution, - mais il y a encore lieu de constater que tant la partie étatique que la société (AA) ont pris position par rapport à ces moyens dans leurs écrits respectifs, de sorte qu’en l’absence de grief effectif porté aux droits de la défense, le moyen d’irrecevabilité pour libellé obscur est à écarter. Dans ce contexte, le reproche de la société (AA) suivant lequel la partie requérante conclurait à voir déclarer nul le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 alors même que celui-ci ne serait pas déféré au tribunal est à rejeter puisqu’il se dégage clairement du recours que la partie requérante entend voir constater l’illégalité des autorisations d’exploitation litigieuses pour reposer chacune sur le même point de nomenclature d’un règlement grand-ducal ayant été déclaré inapplicable par la Cour administrative en vertu de l’article 95 de la Constitution, devenu l’article 102 de la Constitution révisée. Il est, en effet, de jurisprudence que l’administré qui estime ses intérêts lésés par un 1 Trib. adm., 9 janvier 2003, n° 14580 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 391 (1er volet) et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 15 décembre 2004, n° 18044 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 391 (2e volet) et les autres références y citées.
acte règlementaire illégal dispose, au-delà de la faculté d’introduire un recours direct contre cet acte afin d’en faire prononcer l’annulation par le tribunal administratif, de la faculté d’exercer un recours contentieux contre une décision administrative prise sur base de cet acte réglementaire, estimé illégal, et d’invoquer dans ce cadre une exception tirée de l’illégalité de l’acte. Dans la dernière hypothèse, la reconnaissance de l’illégalité de l’acte réglementaire entraînera la nullité de la décision administrative basée sur ledit acte3.
Pour ce qui est du reproche suivant lequel la partie requérante reproduirait dans le corps de la requête un arrêté ne concernant pas la société (AA) puisqu’il s’agirait d’un arrêté délivré à l’établissement de droit public (BB), ce qui générerait une certaine confusion, celui-ci est également à écarter. En effet, dans la mesure où les arrêtés ministériels déférés au tribunal à travers le présent recours sont clairement indiqués aussi bien à la première page que dans le dispositif de la requête introductive d’instance, de même qu’ils ont été versés en tant que pièces à l’appui du recours, la société (AA) n’a pas pu se méprendre sur les décisions que l’auteur de la requête avait l’intention de déférer au tribunal4.
La société (AA) estime enfin que ses droits de la défense seraient lésés par le fait qu’une demande à voir fermer l’établissement classé en cause serait formulée à travers le dispositif de la requête introductive d’instance, sans toutefois qu’une quelconque argumentation à l’appui de cette demande ne soit formulée dans le dispositif de la requête. Or, le tribunal se doit de relever qu’il se dégage du dispositif de la requête introductive d’instance qu’en s’appuyant sur l’article 27 de la loi du 10 juin 1999, la partie requérante demande au tribunal de prononcer la fermeture de l’établissement classé en conséquence de l’annulation, dans le cadre de la réformation, des arrêtés ministériels litigieux. La société (AA) n’a dès lors pas pu se méprendre sur la portée de cette demande, étant relevé que ce constat s’impose indépendamment de la question de la compétence du tribunal pour statuer sur la demande tendant à la fermeture de l’établissement classé en cause telle que formulée à travers le dispositif de la requête introductive d’instance.
Au vu de toutes les considérations qui précèdent, le moyen tenant à une irrecevabilité du recours pour cause de libellé obscur et violation de l’article 1er de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter.
2. Quant au moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut d’intérêt à agir dans le chef de la requérante A l’appui de son recours, la partie requérante se prévaut de sa qualité de propriétaire d’un logement sis à …, à …, lequel serait situé à … mètres du site d’installations radioélectriques fixe dont l’exploitation est autorisée à travers les arrêtés ministériels litigieux pour justifier d’un intérêt personnel, direct, actuel et certain à agir contre lesdits arrêtés. Elle précise être électrosensible, ce qui serait une maladie reconnue aussi bien par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) que par les juridictions sociales luxembourgeoises. Cette maladie se déclencherait par l’exposition à des excès de champs électromagnétiques lesquels provoqueraient un stress oxydatif dans l’organisme qui générerait un état inflammatoire généralisé. Elle explique encore que cette maladie désorganiserait tout le système immunitaire et qu’elle modifierait l’ADN, tout en énumérant les symptômes les plus fréquents.
3 Trib. adm. 30 juin 2008, n° 23212, Pas. adm. 2023, V° Actes règlementaires (recours contre les), n° 29 et l’autre référence y citée.
4 En ce sens : Trib. adm., 1er février 2010, n° 25684 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 480.
Dans son mémoire en réponse, la partie étatique conteste tout intérêt à agir dans le chef de la partie requérante en relevant tout d’abord que celle-ci affirmerait, sans autre preuve, être la propriétaire d’un logement situé à …, tandis qu’il se dégagerait de la requête introductive d’instance qu’elle habiterait dans la rue … à …. Or, même à supposer qu’elle soit effectivement propriétaire du logement dont elle se prévaut, il n’en resterait pas moins que le fait d’être propriétaire d’un logement ne serait pas équivalent à celui d’habiter et de vivre dans celui-ci.
A cela s’ajouterait que le logement en question se trouverait à une distance de 200 mètres du site d’installation de l’émetteur d’ondes électromagnétiques en cause, la partie étatique faisant, à cet égard, valoir qu’à cette distance entre le lieu de séjour et l’emplacement de l’antenne, les champs électriques seraient assez faibles, de même que les simulations du champ électrique, faisant partie intégrante du dossier de demande, renseigneraient que déjà à partir d’une distance de 70 mètres par rapport à l’emplacement de l’antenne, les valeurs limites seraient respectées.
Ainsi, en ramenant cette valeur au logement appartenant à la partie requérante lequel se situerait à 200 mètres de distance et à 30 mètres de différence de hauteur par rapport au point d’implantation du pied de l’antenne, le champ électrique total ne pourrait déjà en théorie pas dépasser 0,5 V/m.
Pour ce qui est de l’électrosensibilité dont se prévaut la partie requérante, la partie étatique relève qu’elle resterait en défaut d’apporter le moindre élément de preuve établissant ce « diagnostic » ou même permettant de l’étayer, de sorte qu’il ne saurait y être donné un quelconque crédit.
Enfin, la partie étatique relève que les arguments invoqués par la partie requérante pour sous-tendre son intérêt à agir auraient trait à la santé. Or, l’article 13 de la loi du 10 juin 1999 qui délimiterait dans ses paragraphes 4 et 5 les champs de compétence respectifs des ministres du Travail et de l’Environnement, limiterait la compétence du ministre du Travail à la santé des salariés, de sorte que le volet de la santé du public ne relèverait pas de ses compétences. Il s’ensuivrait que l’intérêt à agir de la partie requérante ne serait pas caractérisé concernant l’arrêté du 23 février 2023 du ministre du Travail.
La société (AA) rejoint les contestations de la partie étatique quant à l’absence d’intérêt à agir dans le chef de la partie requérante, tout en insistant sur le fait que même en prenant en considération le lieu de situation dans la rue …, il n’en resterait pas moins que celui-ci se situerait à plus de … mètres des antennes litigieuses et donc à l’extérieur du rayon de 115 mètres qui serait à prendre en compte pour analyser dans le cadre de la procédure de commodo incommodo le rayonnement à l’intérieur des lieux de séjour. Elle ajoute avoir déjà exploité dès avant la délivrance des arrêtés ministériels litigieux à l’endroit en question 10 antennes et que la puissance à l’entrée de celles-ci n’aurait pas été augmentée mais aurait au contraire diminué.
Il s’ensuivrait que la partie requérante ne pourrait pas se prévaloir d’une aggravation concrète de sa situation personnelle en relation avec les arrêtés entrepris, ce qui contribuerait encore à enlever tout intérêt à agir dans son chef.
La société (AA) conteste enfin les développements de la partie requérante en relation avec sa prétendue électrosensibilité qui n’aurait pas été érigée en maladie par l’OMS et par rapport à laquelle il n’existerait pas d’évidence scientifique établissant que les symptômes soient liés à l’exposition de rayonnements électromagnétiques en provenance d’une antenne.
Dans son mémoire en réplique la partie requérante réfute les contestations adverses visant à dénier tout intérêt à agir dans son chef, tout en versant un certificat médical qui démontrerait son électrosensibilité. En renvoyant à un jugement du Conseil arbitral de la sécurité sociale du 3 novembre 2016, référencé sous le numéro CNS 101/15, CNS 132/15 et CNS 182/15, elle souligne qu’il existerait bien un lien entre l’électrosensibilité et l’exposition aux rayonnements d’antennes de téléphonie mobile. Elle ajoute que même pour les personnes non électrosensibles, il existerait un risque avéré, tout en s’appuyant, à cet égard, sur un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 4 février 2009, référencé sous le numéro 08/08775, ainsi que sur un arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg du 30 mars 2022, inscrit sous le numéro CAL-2021-00013 du rôle, dans lequel ladite juridiction aurait « réparé le préjudice moral lié aux problèmes de santé et d’angoisse du fait de la proximité des antennes de téléphonie mobile », tout en ayant retenu que l’électrosensibilité serait démontrée médicalement. Au vu de ces considérations elle estime que le moyen adverse suivant lequel l’électrosensibilité ne serait pas un critère suffisant pour justifier d’un intérêt à agir lorsqu’on y serait exposé ne serait pas valable, ce d’autant plus que l’intérêt à agir serait encore caractérisé « par toute personne qui à l’instar de nombreux scientifiques écoutés par les juridictions européennes en général retiendraient que faute de données scientifiques excluant tout doute, l’impact des antennes avéré par un grand nombre d’études ne p[ourrai]t tout simplement pas être ignoré ». Elle se réfère encore à un rapport de l’Agence national de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (« ANSES ») qui consacrerait l’existence de risques, y compris nouveaux, liés à la 5G.
Il devrait, en tout état de cause, être admis que son intérêt à agir serait caractérisé, la partie requérante précisant encore qu’elle aurait acheté le logement en cause pour y habiter dans un futur proche alors qu’il lui permettrait un « accès total », même avec des problèmes de mobilité et qu’il se trouverait à proximité des hôpitaux.
Dans son mémoire en duplique, la société (AA) donne à considérer qu’à l’époque de l’acquisition par la partie requérante du logement sis dans la rue …, elle aurait habité à Junglinster et que par la suite elle aurait déménagé non pas dans le logement en cause mais dans la rue … dans le quartier de …. Elle en conclut qu’un hypothétique nouveau déménagement pour se rapprocher de l’installation litigeuse ne permettrait pas d’asseoir un intérêt né et actuel dans son chef qui devrait exister au moment de l’introduction du recours.
Pour ce qui est de la décision du Conseil arbitral de la sécurité sociale, telle qu’invoquée par la requérante, elle relève que celle-ci resterait muette quant à une quelconque problématique d’électrosensibilité, voire quant à un quelconque lien entre l’électrosensibilité et l’exposition au rayonnement d’une antenne de téléphonie. Elle ajoute que l’arrêt de la Cour d’appel de Luxembourg du 30 mars 2022 ne permettrait pas non plus de sous-tendre les conclusions adverses puisque les faits à la base de cette affaire auraient été très différents de la présente affaire. Le même constat s’imposerait pour ce qui est de l’arrêt de la Cour de Versailles dans lequel ladite juridiction n’aurait fait qu’appliquer, à l’instar des autorités luxembourgeoises, le principe de précaution en retenant qu’il ne serait pas possible d’écarter péremptoirement l’impact sur la santé publique de l’exposition de personnes à des ondes ou à des champs électromagnétiques.
Enfin, la société (AA) fait valoir que si la communauté scientifique avait reconnu un risque potentiel justifiant l’application du principe de précaution, le risque en question resterait potentiel, donc non avéré. A cela s’ajouterait que les publications mentionnées par la partie requérante, lesquelles auraient trait principalement à l’utilisation des téléphones portables et non pas aux émissions des antennes, ne diraient pas le contraire.
Pour le surplus, elle réitère, en substance, ses développements antérieurs.
Dans son mémoire en duplique, la partie étatique reprend, en substance, ses développements antérieurs pour dénier tout intérêt à agir à la partie requérante. Pour le surplus, elle conteste que le certificat médical versé en cause puisse être considéré comme étant suffisant pour établir un diagnostic certain d’un « syndrome d’électrohypersensibilité très grave ». Elle ajoute que la mesure préconisée de l’« éviction totale de des champs électromagnétiques dans son environnement » serait inconcevable dans un pays moderne et densement peuplé, tel que le Luxembourg. Elle ajoute que l’intention de la requérante d’aller habiter dans un futur proche dans le logement en cause ne saurait justifier dans son chef un intérêt à agir suffisant pour être une circonstance purement hypothétique. Elle rejoint ensuite avec ses développements en substance ceux de la société (AA) pour conclure à son tour que les arrêts et publications cités par la partie requérante ne permettraient pas d’en tirer les conclusions que celle-ci voudrait en tirer à savoir qu’il existerait un lien entre l’électrosensibilité et l’exposition aux rayonnements des antennes de téléphonie.
Analyse du tribunal En ce qui concerne la question de l’intérêt à agir de la partie requérante, telle que débattue par les parties en cause, il convient de relever que la recevabilité d’un recours est conditionnée par l’existence d’un intérêt à agir dans le chef du requérant. Pour justifier d’un tel intérêt à agir, il faut pouvoir se prévaloir d’un intérêt personnel dans le sens que la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué confère au demandeur une satisfaction certaine et personnelle5.
Ainsi, l’intérêt à agir conditionnant la recevabilité d’un recours administratif ne doit pas seulement être né et actuel, effectif et légitime, mais encore personnel et direct. Un intérêt indirect à agir ne suffit pas pour former un recours administratif6.
En d’autres termes, le juge doit vérifier, eu égard à l’intérêt mis en avant par le demandeur, si l’acte déféré est susceptible d’avoir une incidence sur la situation du demandeur :
c’est au regard de l’incidence concrète de la décision sur la situation du demandeur que l’intérêt à agir de ce demandeur devant le juge administratif doit être apprécié7. En effet, le demandeur ne pourrait être regardé comme ayant un intérêt à agir que si l’acte entraîne à son égard les conséquences fâcheuses constituant le grief mis en avant8.
Le juge administratif est encore amené à examiner si l’intérêt que le demandeur met en exergue pour justifier son action en justice lui confère une qualité suffisante pour ce faire. Le juge ne doit – ni ne peut – s’intéresser à un quelconque autre intérêt qu’on pourrait le cas échéant reconnaître au demandeur.
Ensuite, et tel que retenu ci-avant, il y a lieu de relever que l’intérêt conditionne la recevabilité d’un recours contentieux et qu’en matière de contentieux administratif portant, comme en l’espèce, sur des droits objectifs, l’intérêt ne consiste pas dans un droit allégué, mais dans le fait vérifié qu’une décision administrative affecte négativement la situation en fait ou en droit d’un administré qui peut tirer un avantage corrélatif de la sanction de la décision par 5 Trib. adm., 22 octobre 2007, n° 22489 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 12 et les autres références y citées.
6 Trib. adm., 11 octobre 1999, nos 11243 et 11244 du rôle, c. par Cour adm., 17 février 2000, n° 11608C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 17 et les autres références y citées.
7 Voir en ce sens : Conseil d’Etat fr., 16 juin 2004, req. 264185 et 264220.
8 Jacques Falys, La recevabilité des recours en annulation des actes administratifs, Bruylant, 1975, n° 159.
le juge administratif9. Il faut, en tout état de cause, que la décision querellée affecte la situation personnelle du requérant dans des conditions suffisamment spéciales, certaines et directes.
Le requérant doit ainsi justifier d’un intérêt personnel et direct à obtenir la réformation ou l’annulation de l’acte attaqué, le juge administratif devant seulement avoir égard à ce que le requérant avance à ce sujet, dès lors qu’il lui appartient de démontrer son intérêt. Il faut à la fois que l’atteinte alléguée résulte directement de la décision querellée et que les conséquences de cette décision soient suffisamment précises, suffisamment graves et suffisamment probables.
Un requérant doit encore justifier d’un intérêt personnel distinct de l’intérêt général.
L’intérêt doit en outre être direct. Ainsi, ne justifie pas d’un intérêt direct, un demandeur qui ne fait état que d’une affectation de sa situation, mais qui omet d’établir l’existence d’un lien suffisamment direct entre la décision querellée et sa situation personnelle10.
En matière plus particulièrement d’établissements classés, il est admis que les voisins directs par rapport à un établissement projeté, de même que les propriétaires de terrains situés à proximité, peuvent légitimement craindre des inconvénients résultant pour eux du projet et qu’ils ont intérêt à voir respecter les règles applicables en matière d’établissements dangereux et de permis de construire, du moins dans la mesure où la non-observation éventuelle de ces règles est susceptible de leur causer un préjudice nettement individualisé11. En revanche, l’intérêt à agir personnel et direct de propriétaires ou habitants - personnes physiques ou morales - d’immeubles situés dans les environs d’une exploitation litigieuse, lesquels n’ont pas la qualité de voisins directs par rapport à l’établissement litigieux, est conditionné par le caractère suffisant de la proximité géographique de leur lieu d’habitation par rapport au lieu d’implantation de l’établissement classé dont s’agit, lequel caractère suffisant étant lui-même fonction de l’envergure de l’installation en cause, ainsi que de la nature et de l’importance des risques de nuisances mis en avant par les demandeurs12.
En l’espèce, il est constant en cause que la partie requérante n’a pas la qualité de voisin direct de l’installation litigieuse mais qu’elle est propriétaire d’un logement situé dans la rue … à environ 200 mètres de l’installation litigieuse donc dans les environs de celle-ci, étant relevé que le fait qu’à l’heure actuelle, elle n’habite pas encore dans le logement en question n’est pas à lui seul suffisant pour lui dénier tout intérêt à agir notamment au regard de son intention affirmée de vouloir s’y installer dans un futur proche.
Il convient ensuite de rappeler, d’une part, que l’intérêt à agir n’est pas à confondre avec le fond du droit en ce qu’il se mesure non au bien-fondé des moyens invoqués à l’appui d’une prétention, mais à la satisfaction que la prétention est censée procurer à une partie, à supposer que les moyens invoqués soient justifiés, et, d’autre part, que la qualité en vertu de laquelle les différents opposants au projet litigieux agissent est indifférente, à partir du moment où ils risquent, à un titre ou à un autre, d’être incommodés par ledit établissement.
9 Cour adm., 14 juillet 2009, nos 23857C et 23871C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse n° 2 et les autres références y citées.
10 Trib. adm., 27 juin 2001, n° 12485 du rôle, c. par Cour adm., 17 janvier 2022, n° 13800C du rôle, Pas. adm.
2023, V° Procédure contentieuse, n° 16 et les autres références y citées.
11 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9474 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etablissements classés, n° 155 et les autres références y citées.
12 Trib. adm., 16 décembre 2022, n°14920 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Procédure contentieuse, n° 140 et les autres références y citées.
Exiger une preuve concrète d’un effet d’ores et déjà nuisible sur la santé des riverains méconnaît la nature des autorisations d’exploitation et le calendrier normal de leur délivrance.
En principe, dans le cadre d’une procédure de commodo et incommodo, les intéressés sont invités à faire état de leurs craintes des nuisances engendrées par un établissement classé projeté, ce qui exclut, par principe, l’exigence de la preuve de ces nuisances qui restent potentielles, étant donné qu’au moment de la délivrance de l’autorisation, l’établissement ne fonctionne en principe pas encore.
Or, dans la mesure où, d’un côté, la partie étatique admet qu’au vu de la distance existant entre le logement appartenant à la partie requérante, dans lequel elle affirme projeter de s’installer dans un avenir proche, et l’installation radiotechnique litigieuse, les champs électriques ne seraient pas inexistants et que, de l’autre côté, la partie requérante redoute des nuisances au niveau de sa santé en raison desdits rayonnements, la requérante expliquant plus particulièrement souffrir d’un syndrome d’électrohypersensibilité, il doit être admis qu’elle a un intérêt à voir contrôler la légalité et le bien-fondé des arrêtés ministériels déférés.
Cette conclusion n’est pas ébranlée par l’objection de la partie étatique en ce que l’autorisation du ministre du Travail ne concernerait nullement le volet de la santé du public, étant donné que la compétence du ministre en la matière est à considérer comme étant générale, celui-ci étant appelé, aux termes de l’article 13, paragraphe (5), de la loi du 10 juin 1999, à se prononcer sur les conditions d’aménagement et d’exploitation relatives à la sécurité du public et du voisinage en général, à côté des aspects liés à la sécurité, l’hygiène et la santé sur le lieu du travail, la salubrité et l’ergonomie13.
Au vu des considérations qui précèdent, le moyen d’irrecevabilité tiré d’un défaut d’intérêt à agir dans le chef de la partie requérante est à rejeter.
3. Quant à la recevabilité du recours pour le surplus A défaut d’autres moyens d’irrecevabilité, le recours principal en réformation sous analyse est à déclarer recevable pour avoir, par ailleurs, été introduit dans les formes et délais de la loi.
III.
Quant au fond A l’appui de son recours, la partie demanderesse invoque deux moyens, à savoir :
- les arrêtés ministériels seraient fondés sur un point de nomenclature d’un règlement grand-ducal ayant été déclaré illégal, donc inapplicable en vertu de l’article 95 de la Constitution, devenu l’article 102 de la Constitution révisée ;
- la violation du principe de précaution.
1. Quant au moyen tenant à l’illégalité des autorisations d’exploitation litigieuses pour reposer sur un point de nomenclature d’un règlement grand-ducal ayant été déclaré inapplicable en vertu de l’article 95 de la Constitution, devenu l’article 102 de la Constitution révisée 13 Cour adm., 4 février 2021, n° 45110C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
Arguments des parties A l’appui de ce moyen, la partie demanderesse relève tout d’abord que par application du principe de légalité notamment, les juges administratifs devraient vérifier que le champ d’action du pouvoir réglementaire pour procéder à la classification des établissements classés était délimité par les objectifs fixés à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999. Il leur appartiendrait dès lors de vérifier si la classification des émetteurs d’ondes électromagnétiques telle qu’effectuée par le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 était conforme aux dispositions de la loi du 10 juin 1999 et plus particulièrement aux objectifs fixés à son article 1er.
Elle continue en expliquant que la modification du point de nomenclature 500101 opéré par le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 aurait entraîné un principe de calcul arithmétique de la puissance des antennes à l’entrée de celles-ci, tandis qu’avant cette modification réglementaire, la puissance de l’antenne aurait été vérifiée à la sortie de celles-ci selon un calcul vectoriel. Si la justification de cette nouvelle nomenclature avait trouvé son origine, suivant l’exposé des motifs du projet correspondant, dans une simplification administrative du traitement des dossiers alors qu’il aurait été plus facile d’effectuer un calcul arithmétique, il n’en resterait pas moins que cette démarche aurait été sanctionnée à deux reprises par la Cour administrative à six ans d’intervalle, à savoir une fois dans un arrêt du 14 juillet 2009, inscrit sous les numéros 23857C et 23871C du rôle, et une fois dans un arrêt du 14 juillet 2015, inscrit sous le numéro 35931C du rôle, la Cour ayant conclu dans ce dernier arrêt à l’illégalité du point de nomenclature 500101 du règlement grand-ducal du 10 mai 2012 pour ne pas être conforme à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999.
Comme le point de nomenclature 500101 n’aurait depuis lors pas été modifié, la portée de l’arrêt du 14 juillet 2015 serait toujours d’actualité et tous autres moyens et arguments deviendraient surabondants. En effet, « le but du règlement [devrait] se mesurer au but de la législation en la matière à savoir selon l’article 1er de la loi du 10 juin 1999 à réaliser la prévention, et la réduction des pollutions en provenance des établissements , de protéger la sécurité , la salubrité ou la commodité par rapport au public , au voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des travailleurs ainsi que l’environnement humain et naturel , ainsi que de promouvoir un développement durable ».
La partie demanderesse ajoute que le fait de tenir compte de la puissance à l’entrée des antennes diminuerait d’environ six fois les critères en raison du fait que la puissance à l’entrée serait démultipliée à la sortie de l’antenne et que la puissance de sortie serait dès lors plus forte que la puissance à l’entrée.
Tout en se référant aux enseignements se dégageant de l’arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2015, précité, elle conclut que les autorisations d’exploitation litigieuses ne seraient pas conformes à la loi du 10 juin 1999 pour être fondées sur un point de nomenclature ayant déjà été déclaré illégal.
Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse, tout en reconnaissant que le point de nomenclature 500101 aurait été modifié depuis l’arrêt de la Cour administrative du 14 juillet 2015 par le biais du règlement grand-ducal du 29 mars 2016 modifiant le règlement grand-ducal du 10 mai 2012, ci-après désigné par « le règlement grand-ducal du 29 mars 2016 », fait toutefois valoir que la modification y apportée serait extrêmement minime et qu’elle ne serait pas la « réponse attendue » audit arrêt et à ses enseignements. En effet, elle estime que la modification en question serait purement cosmétique et n’aurait pas changé « l’angle d’approche de sites d’installations radioélectriques fixes ». Elle reproche, en substance, au point de nomenclature issu du règlement grand-ducal du 29 mars 2016 d’être identique à celui contenu dans le règlement grand-ducal initial du 10 mai 2012 en ce que la modification n’aurait plus particulièrement « pas touché le point d’entrée des antennes » et ce, alors même que la Cour administrative aurait mis en avant qu’il faudrait vérifier les puissances à la sortie des antennes pour avoir une valeur plus exacte que celle à l’entrée qui serait par la suite nécessairement transformée et amplifiée. Elle estime, dans ce contexte, que le fait qu’un dossier d’information soit à disposition du public ne permettrait pas de masquer que le régime d’installation des antennes se ferait toujours en fonction de la puissance à l’entrée des antennes et non pas de celle à la sortie de celles-ci, de sorte à ne toujours pas permettre au public d’en connaître exactement l’impact puisque cette donnée ne serait pas déterminante pour l’autorisation. Elle insiste sur le fait que ce serait cet état de fait qui aurait été critiqué par la Cour administrative et que le changement de réglementation et la motivation à sa base n’impliqueraient aucune modification « quant à ce principe ».
La partie étatique et la société (AA) concluent, quant à elles, au rejet de ce moyen pour manquer de fondement.
Analyse du tribunal Le tribunal se doit de relever que si dans sa requête introductive d’instance, l’argumentation de la partie demanderesse est fondée sur la prémisse que les arrêts ministériels litigieux seraient à annuler pour être fondés sur le point de nomenclature 500101 tel que découlant du règlement grand-ducal initial du 10 mai 2012, lequel aurait été déclaré illégal et donc inapplicable par la Cour administrative dans son arrêt du 14 juillet 2015, elle admet dans son mémoire en réplique que, depuis cet arrêt, le point de nomenclature en question a fait l’objet d’une modification par le biais du règlement grand-ducal du 29 mars 2016. Elle estime toutefois que malgré cette modification, le point de nomenclature, tel qu’issu du règlement grand-ducal du 29 mars 2016, serait également à qualifier d’illégal pour être identique à l’ancien point de nomenclature déclaré inapplicable par la Cour administrative.
A titre liminaire, il y a lieu de préciser que dans un arrêt du 14 juillet 2009, inscrit sous les numéros 23857C et 23871C du rôle, la Cour administrative a déclaré illégal le règlement grand-ducal du 1er août 2007 ayant modifié le point de nomenclature 302 du règlement grand-
ducal modifié du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés. A la suite de cet arrêt a été adopté le règlement grand-ducal du 5 mai 2011 modifiant le règlement grand-ducal du 16 juillet 1999 lequel n’a porté que sur une modification ponctuelle du règlement grand-ducal initial du 16 juillet 1999 concernant uniquement son point 302 relatif notamment aux émetteurs d’ondes électromagnétiques. Ensuite le règlement grand-
ducal du 10 mai 2012 est venu abroger dans son ensemble le règlement grand-ducal initial du 16 juillet 1999 portant nomenclature et classification des établissements classés, y compris les règlements grand-ducaux ayant modifié le règlement grand-ducal précité du 16 juillet 1999, dont notamment celui du 5 mai 2011. En ce qui concerne plus particulièrement la nomenclature et la classification des émetteurs d’ondes électromagnétiques, l’annexe au règlement grand-
ducal du 10 mai 2012 a repris quasiment à la lettre les dispositions ayant figuré à l’annexe du règlement grand-ducal du 5 mai 201114.
En effet, tandis que le règlement grand-ducal du 5 mai 2011 a remplacé le point 302 de 14 Trib. adm., 5 octobre 2015, n° 35049 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
l’annexe du règlement grand-ducal précité du 16 juillet 1999 par le texte suivant : « […] 3) Emetteur d’ondes électromagnétiques ou ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques installés sur un même site dont le total (somme arithmétique) des puissances maximales fournies à l’entrée des antennes est supérieur ou égal à 2500W.
1 4) Emetteur d’ondes électromagnétiques ou ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques installés sur un même site dont le total (somme arithmétique) des puissances maximales fournies à l’entrée des antennes ou du système d’antennes est compris entre 100W et 2500W.
3 le point 500101 ayant figuré à l’annexe du règlement grand-ducal du 10 mai 2012 disposait que : « […] Emetteurs d’ondes électromagnétiques ou ensemble d’émetteurs d’ondes électromagnétiques (y compris les radars d’interrogation) installés sur un même site dont le total (somme arithmétique) des puissances maximales fournies à l’entrée des antennes ou du système d’antennes 01 est compris entre 100 W et 2.500 W 3 02 est supérieur ou égal à 2.500 W 1 Il y a ensuite de lieu de relever que, par le biais de son arrêt du 14 juillet 2015, inscrit sous les numéros 35931C et 35971C du rôle, la Cour administrative a, à la suite du tribunal administratif dans ses jugements du 22 janvier 2015, inscrits respectivement sous les numéros 29715a et 29716a du rôle, déclaré illégal le point 500101 ayant figuré à l’annexe du règlement grand-ducal du 10 mai 2012 pour ne pas être conforme à l’article 1er de sa base légale habilitante, à savoir la loi du 10 juin 1999, suite à quoi le règlement grand-ducal du 29 mars 2016 a été adopté. Ledit règlement grand-ducal n’a, quant à lui, porté que sur une modification ponctuelle du règlement grand-ducal initial du 10 mai 2012 concernant uniquement le point 500101, figurant dans son annexe, relatif notamment aux émetteurs d’ondes électromagnétiques.
Ainsi, le point 500101, tel qu’issu de sa modification opérée par le règlement grand-
ducal du 29 mars 2016, dispose comme suit :
Radiotechnique, 01 sites d’installations radioélectriques fixes*, dont la somme des puissances 3 maximales fournies à l’entrée des antennes est supérieure ou égale à 50 W et inférieure à 2.500 W 02 sites d’installations radioélectriques fixes*, dont la somme des puissances 1 maximales fournies à l’entrée des antennes est supérieure ou égale à 2.500 W *endroit fixe où sont installées sur une même parcelle cadastrale une ou plusieurs installations radioélectriques de la même technologie Quant au moyen d’illégalité du règlement grand-ducal du 10 mai 2012, tel que modifié par le règlement grand-ducal du 29 mars 2016, il y a lieu de relever qu’en vertu de l’article 95 de la Constitution, devenu l’article 102 de la Constitution révisée, les cours et tribunaux n’appliquent les règlements généraux et locaux que pour autant qu’ils sont conformes aux lois.
En l’espèce, la base habilitante du règlement grand-ducal modifié du 10 mai 2012 est la loi du 10 juin 1999, dont notamment les articles 1er et 3. L’article 1er de ladite loi précise ainsi ses objets en disposant que : « 1. La présente loi a pour objet de:
- réaliser la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des établissements;
- protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des salariés au travail ainsi que l’environnement humain et naturel;
- promouvoir un développement durable. […] ».
L’article 3 de la même loi ajoute que : « Les établissements sont divisés en classes.
Leur nomenclature et leur classification sont établies par règlement grand-ducal. ».
Le pouvoir d’action du pouvoir réglementaire, pour procéder à la classification des établissements classés est partant délimité par les objectifs fixés à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999.
La légalité d’un règlement grand-ducal s’apprécie, au titre de la forme, en fonction de l’application correcte de la procédure réglementaire et, au titre du fond, de la non-contrariété du règlement à la loi de base comme d’ailleurs à toute autre norme juridique d’un ordre supérieur15. A l’instar de toute décision administrative, l’acte administratif à caractère réglementaire doit être légalement pris. Plus particulièrement, tout acte administratif à caractère réglementaire doit baser sur des motifs légaux. Le juge administratif, saisi d’un recours en annulation dirigé contre un acte administratif à caractère réglementaire, respectivement d’un moyen d’illégalité d’un règlement grand-ducal fondé sur l’article 95 de la Constitution, devenu l’article 102 de la Constitution révisée, doit être mis en mesure de vérifier l’existence des motifs légaux à sa base. Cette existence doit dès lors être documentée pour le moins au moment où le tribunal est amené à statuer16.
Il appartient, dès lors, en l’espèce, au tribunal de vérifier si la classification des sites d’installations radioélectriques telle qu’effectuée à travers le règlement grand-ducal modifié du 10 mai 2012 est conforme aux dispositions de la loi du 10 juin 1999 et plus particulièrement aux objectifs tels que fixés à son article 1er.
Avant de procéder à cette vérification, il y a lieu de relever qu’aussi bien le tribunal administratif dans ses jugements du 22 janvier 2015, précités, que la Cour administrative dans son arrêt du 14 juillet 2015, précité, ont constaté l’illégalité du point de nomenclature 500101 ayant figuré à l’annexe du règlement grand-ducal du 10 mai 2012, dans sa version antérieure à sa modification, par rapport à sa loi habilitante en reprochant plus particulièrement au pouvoir réglementaire de ne pas avoir fourni d’explications permettant de retracer sa démarche de modifier le mode de détermination de la classe dans laquelle sont à insérer les émetteurs d’ondes électromagnétiques ni plus particulièrement de savoir si ses motifs s’inscrivent non 15 Cour adm., 7 mars 2002, n° 14136C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n°28 (2e volet) et les autres références y citées.
16 Trib. adm., 21 février 2000, n° 11434 du rôle c. sur ce point par Cour adm., 17 octobre 2000, n° 11904C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n°28 (3e volet) et les autres références y citées.
pas seulement dans le contexte d’une simplification administrative, mais également dans le cadre des objectifs tels que définis à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999. Tel que le font remarquer à juste titre la partie étatique et la société (AA), les juridictions administratives ont dès lors constaté l’illégalité du point de nomenclature 500101 ayant figuré à l’annexe du règlement grand-ducal du 10 mai 2012 par rapport à sa motivation et non pas par rapport au fond lui-même.
Il convient ensuite de constater que la motivation à la base de la modification du point de nomenclature 500101 ayant figuré dans le règlement grand-ducal du 10 mai 2012, telle qu’opérée par le règlement grand-ducal du 29 mars 2016, ressort de son exposé des motifs, qui précise que : « Eu égard au fait que les arrêts de la Cour Administrative n° 35931C du 14 juillet 2015 et n° 35971C du 14 juillet 2015 confirment les jugements du Tribunal Administratif n° 29715a du 22 janvier 2015 et n° 29716a du 22 janvier 2015 au sujet de l’illégalité du point 500101 de l’annexe du règlement grand-ducal du 10 mai 2012 portant nouvelles nomenclature et classification des établissements classés, il y a lieu d’adopter un nouveau règlement grand-
ducal pour remplacer le point de nomenclature déclaré illégal. La Cour motive cette illégalité entre autres par le fait que le règlement grand-ducal précité, en matière de la modification du mode de détermination de la classe des émetteurs d’ondes électromagnétiques, a été pris dans un souci de simplification administrative et non en vertu d’un des objets déterminés à l’article 1er de la loi sur les établissements classés.
Le présent projet de règlement grand-ducal a pour objet de définir un nouveau point de nomenclature en relation avec les installations radioélectriques. Un des buts qui est poursuivi par ce projet est d’intensifier la prévention des pollutions en provenance des établissements, conformément à l’article 1er de la loi modifiée du 10 juin 1999, en les soumettant de manière plus large à des autorisations. Une telle intensification mène à une protection accrue de l’environnement naturel et humain.
Par ailleurs, le nouveau libellé (i) décrit de manière plus précise les établissements à considérer que l’ancien libellé et (ii) considère les accumulations d’installations radioélectriques fixes sur un site si la somme des puissances maximales fournie à l’entrée des antennes est supérieure ou égale à 50 W. Dans ce cas précis, toutes les installations radioélectriques installées sur le site sont considérées, même celles dont la puissance maximale unitaire fournie à l’entrée d’une antenne est inférieure au seuil de 50 W.
La diminution du seuil de la puissance à l’entrée de l’antenne pour déterminer le classement d’une installation radioélectrique fixe, en classe 3, a pour effet qu’un plus grand nombre d’installations radioélectriques fixes tombent sous le champ d’application de la loi sur les établissements classés. Les installations radioélectriques fixes de faible puissance sont souvent installées comme installation indépendante et à proximité de la population.
L’obligation d’autorisation de ces installations radioélectriques fixes, ne nécessitant auparavant pas d’autorisation, contribue à l’augmentation de la transparence et ainsi à l’augmentation du niveau de protection de la population contre les effets des champs électromagnétiques. Dans ce même objectif et conformément au programme gouvernemental, les installations radioélectriques seront également répertoriées dans un cadastre électromagnétique, qui se trouve actuellement en cours d’élaboration.
Dans l’intérêt de la protection de l’environnement qui englobe la pollution visuelle du paysage, la prolifération inutile de sites d’émetteurs est à éviter. Pour que la colocation de plusieurs installations radioélectriques de plusieurs opérateurs à un endroit fixe ne soit pas défavorisée, les procédures doivent être les mêmes et pour l’aménagement d’une installation radioélectrique fixe et pour l’aménagement de plusieurs installations. C’est pourquoi les sites d’installations radioélectriques dont la somme des puissances maximales totales fournie à l’entrée des antennes est supérieure à 50 W, rangent dorénavant en classe 3.
Pour ce qui est des sites d’installations radioélectriques fixes dont la somme des puissances maximales totales fournie à l’entrée des antennes est supérieure ou égale à 2 500 W, ceux-ci sont classés en classe 1, comme c’est le cas pour l’instant.
Un moyen afin d’atteindre un haut niveau de protection de la population par rapport aux effets des ondes électromagnétiques, afin de protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des travailleurs au travail ainsi que l’environnement humain et naturel et afin de promouvoir un développement durable est la gestion du risque liée à l’exposition de la population aux ondes électromagnétiques. Depuis quinze ans, l’application de la valeur limite de 3 V/m pour chaque élément rayonnant dans les autorisation individuelles des stations de base de la téléphonie mobile à un endroit où peuvent séjourner des gens s’est avérée comme adaptée pour garantir un niveau de protection élevé, tout en garantissant un niveau élevé de sûreté opérationnelle du réseau de téléphonie mobile sur la totalité du territoire du Luxembourg. Le présent projet de règlement grand-ducal entérine également le changement de mode de calcul qui a été initié en 2011, changement qui a fait l’objet de critiques par les juridictions administratives, au vu des objectifs repris à l’article 1er de la loi modifiée du 10 juin 1999, mais uniquement sur base de raisons de simplification administrative.
Le choix qui a été opéré en 2011 de passer d’un calcul des émissions des installations selon la puissance isotrope rayonnée (p.i.r.e.) à un calcul d’une puissance maximale fournie à l’entrée d’une antenne n’a en réalité pas été guidé pour des raisons de simplification des démarches administratives des opérateurs de téléphonie mobile.
La raison première pour laquelle ce choix a été effectué est guidée par la mise en place d’un système de contrôle fiable et effectif, permettant de s’assurer que les seuils fixés dans la nomenclature soient respectés, dans le strict intérêt de la protection de l’environnement humain et naturel.
Il est en effet prévu que le calcul de la p.i.r.e. nécessite une prise en considération de plusieurs facteurs complexes, notamment l’amplification de la puissance et la directivité de l’antenne, ce qui conduit à des différences d’interprétation, surtout en présence de multiples antennes sur un même site.
Pour pallier ces problèmes liés à l’interprétation des résultats obtenus, il a été décidé de passer à un système de calcul avec la puissance maximale fournie à l’entrée d’une antenne ce qui permet de procéder à des contrôles fiables des valeurs limites imposées dans le cadre de l’autorisation individuelle, gage d’un souci de protection de l’environnement humain et naturel. […] ».
Il se dégage ainsi de l’exposé des motifs à la base du règlement grand-ducal s’étant par la suite matérialisé par le règlement grand-ducal du 29 mars 2016 que celui-ci a été adopté dans le souci de se conformer aux arrêts de la Cour administrative du 14 juillet 2015, inscrits sous les numéros 35931C et 35971C du rôle, à travers lesquels il avait été reproché au pouvoir réglementaire d’avoir pris le règlement grand-ducal du 10 mai 2012 dans une optique de simplification administrative et non pas en vertu d’un des objets déterminés à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999.
Il y est clairement exposé que l’un des buts poursuivis par le règlement grand-ducal en cause est celui d’intensifier la prévention des pollutions en provenance des établissements classés, conformément à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999, et ce, en les soumettant de manière plus large à des autorisations. Il est encore précisé que non seulement le nouveau libellé du point de nomenclature 500101 vise à décrire de manière plus précise les établissements à prendre en considération, mais qu’il prend en compte les accumulations d’installations radioélectriques fixes sur un même site dès que la somme des puissances maximales fournies à l’entrée des antennes est supérieure ou égale à 50 W, auquel cas toutes les installations radioélectriques mises en place sur un site donné sont prises en considération, même celles dont la puissance maximale unitaire fournie à l’entrée d’une antenne est inférieure au seuil de 50 W, le tout dans le but de faire tomber, grâce à la diminution du seuil de la puissance à l’entrée de l’antenne pour déterminer le classement d’une installation radioélectrique fixe, en classe 3, un plus grand nombre de ces installations sous le champ d’application de la loi du 10 juin 1999, pour permettre à l’administration d’effectuer un contrôle plus étendu des effets des champs électromagnétiques. Il se dégage encore de l’exposé des motifs qu’à côté de cet effet direct, l’abaissement de la puissance totale minimale déterminant le classement des installations radioélectriques fixes sur un même site doit également avoir comme effet indirect d’intégrer un nombre plus important d’installations radioélectriques de la même technologie au cadastre électromagnétique, dont l’élaboration était prévue dans le programme gouvernemental au moment de la rédaction de l’exposé des motifs, et ce faisant de renforcer l’information du public.
Les auteurs du projet de règlement grand-ducal en question ont encore pris le soin de préciser pour quelles raisons il a été opté, déjà à partir de 2011, de passer d’un critère de périmètre de classes fondé sur un calcul des émissions des installations selon la puissance isotrope rayonnée (« p.i.r.e. ») à un calcul de puissance maximale à l’entrée des antennes, à savoir non pas pour des raisons de simplification des démarches administratives des opérateurs de téléphonie mobile, mais prioritairement dans le but de mettre en place un système de contrôle fiable et efficace permettant d’assurer que les seuils fixés dans la nomenclature soient respectés dans le strict intérêt de la protection de l’environnement humain et naturel, et ce, après qu’il soit apparu que le calcul de la p.i.r.e. nécessitait une prise en considération de plusieurs facteurs complexes, dont notamment l’amplification et la directivité de l’antenne, conduisant à des différences d’interprétation, surtout en présence de multiples antennes sur un même site. L’idée sous-jacente du pouvoir réglementaire a donc été celle de remplacer un critère difficile à évaluer en pratique et impliquant de ce fait que des installations puissent échapper au champ d’application de la loi du 10 juin 1999, par un critère plus simple, le tout uniquement pour la détermination de la procédure applicable à une demande d’autorisation et non pas pour la détermination des valeurs de protection de l’environnement et de la santé humaine, qui elles, sont fixes, pour être déterminées à l’avance par une prescription afférente de l’Inspection du travail et des mines (« ITM ») et imposées dans chacune des autorisations individuelles concernées, indépendamment du classement de l’établissement concerné par celles-ci.
Au vu des considérations qui précèdent, le tribunal se doit de conclure que les auteurs du projet de règlement grand-ducal du 29 mars 2016 ont exposé de manière suffisamment retraçable sur une dizaine de pages les motifs légaux à la base de la modification du point de nomenclature 500101 ayant figuré dans le règlement grand-ducal du 10 mai 2012, telle qu’opérée par le règlement grand-ducal du 29 mars 2016, l’un des buts ainsi clairement poursuivis ayant été d’intensifier la prévention des pollutions en provenance des établissements, conformément à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999, par le biais notamment de la mise en place d’un critère d’application de la loi et de détermination de la procédure d’autorisation applicable facile à apprécier, de sorte à garantir l’efficacité de la loi et du contrôle par l’administration des valeurs limites imposées dans les autorisations individuelles, tout en fixant ledit critère à un niveau suffisamment bas pour couvrir un grand nombre d’installations radioélectriques de la même technologie sur un même site et plus particulièrement également celles qui, en l’absence d’application de ce critère, ne seraient pas tombées dans le champ d’application de la loi du 10 juin 1999.
Il s’ensuit encore qu’il doit être admis que la modification apportée au règlement grand-
ducal du 10 mai 2012 à travers le règlement grand-ducal du 26 mars 2016 a principalement été adoptée dans un souci non seulement d’assurer une meilleure protection de l’environnement humain et naturel, mais également en vue de l’adaptation de la réglementation en fonction de l’évolution des connaissances techniques et scientifiques, de sorte que l’objectif principal ainsi affiché à la base de la modification réglementaire intervenue suffit au critère de justification rationnelle qui doit se mesurer par rapport au but de la législation en la matière qui est destinée, conformément à l’article 1er de la loi du 10 juin 1999, à réaliser la prévention et la réduction des pollutions en provenance des établissements, à protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des salariés au travail ainsi que l’environnement naturel, ainsi qu’à promouvoir un développement durable.
Le moyen de la partie demanderesse suivant lequel les arrêtés ministériels litigieux seraient à annuler pour être fondés sur un point de nomenclature illégal du règlement grand-
ducal modifié du 10 mai 2012 est dès lors à rejeter pour manquer de fondement.
2. Quant au moyen tenant à une violation du principe de précaution Arguments des parties A l’appui de ce moyen, la partie demanderesse fait valoir que « la nouvelle réglementation » et les arrêtés ministériels litigieux seraient manifestement contraires au principe de précaution.
Tout en admettant que les données scientifiques actuelles ne permettraient pas de définir avec certitude l’impact exact des ondes magnétiques, elle estime qu’il n’en resterait pas moins qu’il existerait un risque non négligeable pour la santé.
Or, la partie demanderesse est d’avis que si l’arrêté du ministre de l’Environnement prévoyait dans son article 3, point 2.1.3., qu’ « en ce qui concerne les éléments rayonnants des antennes passives, l’apport au champs électrique global doit être inférieur ou égal à 3V/m.
valeur maximale dans les lieux d’habitations » et que le point a) relatif aux antennes actives reprenait cette même limite, il n’en resterait pas moins que la mise en place de cette limite dans les lieux d’habitation aurait plutôt « l’aspect d’une chimère que d’une réelle garantie du principe de précaution sans contrôle contraignant régulier et une limitation qui protège efficacement les habitants ».
Elle ajoute que l’arrêté du ministre du Travail mentionnerait également de manière laconique que toutes les dispositions nécessaires devraient être prises par l’exploitant pour garantir la sécurité du public et du voisinage en général ainsi que la sécurité, l’hygiène et la santé sur le lieu de travail, la salubrité et l’ergonomie, de même que serait indiquée de manière globale dans les conditions générales la nécessité d’un rapport de réception et de contrôle, sans toutefois qu’il ne s’en dégage quoi que ce soit de contraignant, de transparent et d’indépendant.
Elle en conclut que la partie étatique ne saurait se baser « sur cette seule limitation pour valider son changement de nomenclature consistant en une simple addition des puissances à l’entrée des antennes ».
Dans son mémoire en réplique, la partie demanderesse souligne que le fait de retenir une puissance à l’entrée des antennes serait contraire au principe de précaution, tout en insistant sur le fait que les juridictions administratives auraient elles-aussi retenu que, faute de vérifier concrètement la puissance émise par les antennes à la sortie, il serait difficile d’appréhender l’impact de l’établissement classé sur les lieux d’habitation et les lieux destinés au travail.
Elle ajoute que même si l’autorisation était assortie de recommandations, cela ne permettrait pas d’en vérifier le respect.
Si la partie étatique plaidait sur plusieurs pages que diverses mesures seraient prises dans l’intérêt du public tout en mettant plus particulièrement l’accent sur le fait qu’un apport maximal au champ électrique global limité à 3 V/m par élément rayonnant serait imposé, la partie demanderesse estime que rien ne permettrait de vérifier que cette valeur soit respectée.
Or, il appartiendrait à l’administration et non pas à la personne subissant le rayonnement de prouver que cette valeur est respectée. Il serait, par ailleurs, impossible de vérifier la puissance exacte des antennes 5G du fait de leur spécificité et du manque de données spécifiques. Il s’ensuivrait que « le mode de fonctionnement par décision individuelle » et la classification opérée par le règlement grand-ducal du 10 mai 2012, dans sa version issue de la modification opérée par le règlement grand-ducal du 29 mars 2016, ne seraient pas en ligne avec le principe de précaution tant que la puissance en sortie ne serait pas une donnée intégrante à l’analyse du site pour lequel l’autorisation est sollicitée.
Pour ce qui est des « contrôles relatifs à l’étude nationale globale » invoquée par la partie étatique, la partie demanderesse fait valoir que les conditions dans lesquelles ils ont été effectués ne seraient pas connues.
Elle ajoute que la pièce relative au mesurage versée par la partie étatique serait à rejeter alors qu’il s’agirait d’un seul mesurage « effectué en 15 minutes pendant les vacances scolaires à 14 heures », sans qu’il ne soit démontré que toutes les antennes et toutes les directions avaient bien été vérifiées. Il ne serait pas non plus précisé si les opérateurs avaient été mis au courant.
Au vu de toutes ces considérations, il devrait être admis que les articles 1er et 13 de la loi du 10 juin 1999 ne seraient pas respectés.
La partie étatique et la société (AA) concluent, quant à elles, au rejet de ce moyen pour ne pas être fondé.
Analyse du tribunal L’article 1er de la loi du 10 juin 1999 déterminant l’objet et le champ d’application de la réglementation relative aux établissements classés, dispose que « 1. La présente loi a pour objet de :
- réaliser la prévention et la réduction intégrées des pollutions en provenance des établissements ;
- protéger la sécurité, la salubrité ou la commodité par rapport au public, au voisinage ou au personnel des établissements, la santé et la sécurité des salariés au travail ainsi que l’environnement humain et naturel ;
- promouvoir un développement durable.
2. Sont soumis aux dispositions de la présente loi tout établissement industriel, commercial ou artisanal, public ou privé, toute installation, toute activité ou activité connexe et tout procédé […] dont l’existence, l’exploitation ou la mise en œuvre peuvent présenter des causes de danger ou des inconvénients à l’égard des intérêts dont question au point 1. […] ».
Aux termes de l’alinéa 1er de l’article 13 de la loi, précitée, du 10 juin 1999, « Les autorisations fixent les conditions d’aménagement et d’exploitation qui sont jugées nécessaires pour la protection des intérêts visés à l’article 1er de la présente loi, en tenant compte des meilleures techniques disponibles respectivement en matière d’environnement et en matière de protection des personnes.
Ces autorisations peuvent être limitées dans le temps et peuvent fixer le délai dans lequel l’établissement devra être mis en exploitation.
Si une norme de qualité environnementale nécessite des conditions plus sévères que celles pouvant être atteintes par l’utilisation des meilleures techniques disponibles, des conditions supplémentaires sont notamment requises par l’autorisation, sans préjudice d’autres mesures pouvant être prises pour respecter les normes de qualité environnementale. ».
Il convient de relever qu’un acte administratif individuel, et plus particulièrement celui qui est de nature à faire grief soit à son destinataire soit à de tierces personnes, bénéficie de la présomption de légalité ainsi que de conformité par rapport aux objectifs de la loi sur base de laquelle il a été pris, de sorte qu’il appartient à celui qui prétend subir un préjudice ou des inconvénients non justifiés du fait de l’acte administratif en question, et qui partant souhaite le voir réformé ou annulé en vue d’obtenir une situation de fait qui lui est plus favorable, d’établir concrètement en quoi l’acte administratif en question viole une règle fixée par une loi ou un règlement grand-ducal d’application17.
Cette règle s’applique plus particulièrement en matière d’établissements classés, de sorte qu’il ne suffit pas d’invoquer de manière générale et abstraite des inconvénients que des tiers intéressés estiment subir du fait de l’autorisation d’un établissement classé, mais il leur incombe d’apporter au tribunal des éléments suffisamment précis et documentés dans toute la mesure du possible afin que la juridiction soit mise en mesure d’apprécier de la manière la plus exacte possible la nature des inconvénients et préjudices que ces tiers intéressés déclarent subir du fait de l’installation et de l’exploitation de l’établissement classé, en lui soumettant 17 Trib. adm., 16 juillet 2023, n° 15207 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes administratifs, n° 158 et les autres références y citées.
également une argumentation juridique et technique suffisamment détaillée tendant à établir les raisons pour lesquelles les conditions techniques fixées par l’autorisation litigieuse ne sont pas de nature à leur donner satisfaction notamment du point de vue du respect du principe de précaution.
En ce qui concerne justement le principe de précaution, il se trouve à la base des dispositions de la loi du 10 juin 1999, et plus particulièrement de son article 1er, sous l’aspect des objectifs à atteindre, et de son article 13, du point de vue des moyens à déployer en vue de la réalisation de ces objectifs, en ce sens que l’invocation de ce principe ne saurait suffire pour combler l’absence pour une partie demanderesse de fournir des éléments permettant de mettre en cause utilement et précisément les seuils par elle visés18.
Le principe de précaution, tel que consacré par l’article 191 Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, loin d’exclure péremptoirement la prise de tout risque, connu ou inconnu, voire d’imposer l’abstention face à toute activité qui comporte un risque, commande d’éliminer les risques dans la mesure du possible et d’encadrer les activités qui comportent un risque qui ne peut pas être mesuré dans le sens d’en réduire au maximum les effets nocifs potentiels. En toute hypothèse, l’absence de certitudes ne doit ni conduire à un immobilisme, ni dispenser de l’adoption de mesures effectives et proportionnées à un coût économiquement acceptable, étant entendu qu’en cas de danger avéré pour la santé des individus ou pour l’environnement, même une impossibilité absolue d’éliminer ce danger ou des coûts prohibitifs pour ce faire ne sauraient légitimer une telle activité dangereuse et justifier des autorisations administratives afférentes19.
L’application du principe de précaution repose sur un risque potentiel, mais étayé, c’est-
à-dire dont la plausibilité est soutenue par des retours d’expérience, mais n’exige pas un risque avéré, la précaution étant en effet relative à des risques potentiels, tandis que la prévention est relative à des risques avérés20.
A titre liminaire, le tribunal se doit de rappeler qu’il vient de retenir ci-avant que le point de nomenclature 500101 du règlement grand-ducal du 10 mai 2012, tel qu’issu de sa modification opérée par le règlement grand-ducal du 29 mars 2016, en vertu duquel la procédure d’autorisation à suivre pour les sites d’installations radioélectriques fixes est à déterminer en fonction de la somme des puissances à l’entrée des antennes ne portait pas à critique en ce que ce système visait notamment à garantir l’efficacité des contrôles des valeurs limites imposées dans les autorisations individuelles, de sorte que les reproches de la partie demanderesse suivant lesquels « le fait de retenir une puissance en entrée des antennes » serait per se contraire au principe de précaution est d’ores et déjà à rejeter puisqu’ils visent en réalité à nouveau à remettre en cause la légalité du point de nomenclature 500101 à la base des autorisations litigieuses, moyen que le tribunal vient de déclarer non fondé.
Ensuite il y a lieu de relever qu’en l’espèce, il se dégage des autorisations individuelles délivrées par le ministre de l’Environnement et le ministre du Travail à la société (AA) que ceux-ci, en se fondant sur le principe de précaution, ont assorti leurs autorisations respectives, outre de conditions générales, également d’un certain nombre de conditions spécifiques 18 Cour adm., 12 juillet 2007, n° 22717C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etablissements classés, n° 92.
19 Trib. adm., 16 mai 2022, n° 13754 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etablissements classés, n° 90 et les autres références y citées.
20 Trib. adm., 23 mai 2007, n° 21520 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etablissements classés, n° 91 et les autres références y citées consistant notamment à limiter, d’un côté, l’exploitation à dix antennes dont le total de la puissance à l’entrée est de 3.844,36 W et, de l’autre côté, l’apport au champ électrique global à 3 V/m par élément rayonnant dans les lieux où peuvent séjourner des personnes.
Il n’est, par ailleurs, pas contesté, tel que cela se dégage des diverses sources citées dans le mémoire en réponse étatique, qu’en limitant dans leurs autorisations respectives la valeur maximale autorisée par antenne à 3 V/m à un endroit où peuvent séjourner des gens, les ministres sont restés largement en-dessous des valeurs limites maximales d’exposition proposées au niveau européen, notamment par la recommandation 1999/519/CE du Conseil de l’Union européenne du 12 juillet 1999 relative à la limitation de l’exposition du public aux champs électromagnétiques (de 0 à 300 GHz), laquelle est encore plus restrictive que les limites d’exposition définies dans les lignes directrices de l’International Commission on Non-
Ionizing Radiation Protection (« ICNIRP ») de 1998, lesquelles ont fait l’objet d’une actualisation en 2020, sans que les fondements des lignes directrices de 1998 n’aient été remis en cause.
Le tribunal se doit, à cet égard, de relever, à l’instar de la société (AA), que dans son mémoire en réplique la partie demanderesse reconnaît que l’obligation de respecter une valeur limite maximale de 3 V/m par élément rayonnant, telle qu’imposée par les arrêtés ministériels litigieux, est de nature à lui donner satisfaction du point de vue du respect du principe de précaution à condition toutefois qu’il soit possible de vérifier le respect de cette valeur limite, ce qu’elle conteste.
Il se dégage, dans ce contexte, des explications non sérieusement énervées de la partie étatique que c’est justement afin de tenir compte des nuisances globales pouvant être générées que les autorisations individuelles relatives aux sites d’installations radioélectriques et aux émetteurs d’ondes électromagnétiques, tels que les arrêtés ministériels litigieux, fixent une valeur limite maximale de l’apport d’un émetteur de téléphonie mobile au champ électrique global à un endroit donné, la partie étatique précisant que chaque site radiotechnique avec une puissance à l’entrée des antennes supérieure à 50 W est soumis à une autorisation préalable strictement individuelle. Comme les autorisations individuelles n’autorisent qu’un petit apport au champ électrique global, à savoir un apport maximal de 3 V/m par élément rayonnant, ce système d’individualisation des différents sites radiotechniques implique que la puissance à l’entrée de l’antenne, la direction du faisceau et le diagramme d’antenne d’un site soumis à autorisation individuelle sont à adapter de manière que la valeur limite maximale de 3 V/m soit respectée à tout moment et dans tout état de fonctionnement des stations radiotechniques, ceci indépendamment d’autres émetteurs fournissant un apport au champ global. L’autorité compétente est ainsi mise en mesure de s’assurer à tout moment du respect des conditions d’aménagement et d’exploitation qu’elle a imposées à travers les autorisations individuelles et, en cas de non-respect des conditions d’exploitation, de réagir en procédant notamment à un retrait de l’autorisation sur base de l’article 18 de la loi du 10 juin 1999.
Il convient, dans ce contexte, de relever que les autorisations d’exploitation litigieuses font justement une distinction entre deux termes, à savoir l’apport de 3 V/m par élément rayonnant, donc une partie d’un ensemble, et le champ électrique global, donc la somme de toutes les parties, étant relevé que d’après les explications non autrement énervées de la partie étatique, seule l’individualisation des risques et des nuisances permet de responsabiliser les différents exploitants, à charge ensuite pour l’administration de contrôler l’effet global obtenu du fait du cumul des éléments rayonnants individuels.
Il se dégage, dans ce contexte, des explications exhaustives de la partie étatique que, dans le respect du principe de précaution, l’administration de l’Environnement surveille justement l’exposition globale en mesurant le champ électrique à partir des sites radiotechniques sur 360 points de mesure répertoriés sur tout le territoire du pays, de même qu’il ressort des données librement consultables sur le site internet reproduit dans le mémoire en réponse étatique que, dans 80% des cas, un champ électrique global inférieur à 1 V/m a été détecté.
A cela s’ajoute qu’en l’espèce, il ressort sans équivoque des deux mesurages du champ électrique global de la téléphonie mobile, effectués dans la rue … le 5 décembre 2023 avec un écart de 53 minutes, que la valeur mesurée était de 0,118 V/m pour la première et de 0,107 V/m pour la deuxième, soit un pourcentage de 0,0008% respectivement de 0,0006% de la valeur limite de la recommandation européenne. Face à ces éléments, il y a lieu de constater que, de son côté, la partie demanderesse se contente de contester de manière tout à fait abstraite l’efficacité des contrôles mis en place par l’administration de l’Environnement, voire le résultat des mesurages effectués, sans toutefois étayer ses contestations par un quelconque élément tangible et probant. Or, sous ce rapport, il convient de rappeler qu’en vertu du principe selon lequel les actes administratifs bénéficient de la présomption de légalité, il incombe à l’administré qui s’en déclare affecté de rapporter la preuve de l’illégalité de l’acte faisant l’objet de son recours. En effet, sans préjudice de ce que l’autorité administrative doit collaborer à l’administration des preuves dès lors qu’elle en détient, il n’en reste pas moins que l’essentiel du fardeau de la preuve en droit administratif est porté par le demandeur.
Le tribunal se doit encore de constater que les autorisations litigieuses prescrivent chacune des obligations générales et particulières destinées à garantir la protection des intérêts visés par la loi du 10 juin 1999. Ainsi l’autorisation du ministre de l’Environnement contient outre l’obligation de respecter des conditions spécifiques visant à limiter les émissions d’ondes électromagnétiques en provenance du site litigieux, des conditions relatives à la réception et au contrôle des équipements, des installations et de la construction moyennant notamment l’établissement et la soumission par l’exploitant à l’administration de l’Environnement, dans un délai ne dépassant pas six mois la date de mise en exploitation, d’un rapport de réception des aménagements de l’établissement qui doit émaner d’une personne agréée et contenir, entre autres, des renseignements sur la puissance isotrope rayonnée équivalente au moment de la mesure, une vue en plan des alentours des installations radioélectriques indiquant notamment l’emplacement des installations radioélectriques, les azimuts de rayonnement, les lieux où peuvent séjourner des gens dans le rayon de la courbe iso-valeurs 3 V/m, et les distances entre les installations radioélectriques et des lieux où peuvent séjourner des gens, ainsi que les valeurs de mesures et une mesure du champ électrique global, valeur réelle moyenne de l’immission de l’ensemble de la gamme d’ondes attribuées au service radiocommunication (téléphonie mobile) avec la précision que cette mesure doit être effectuée à 1,5 mètre de hauteur par rapport au sol. L’autorisation du ministre du Travail contient, quant à elle, outre des conditions particulières visant à limiter les émissions d’ondes électromagnétiques en provenance du site litigieux également des conditions relatives à la réception comprenant notamment l’obligation de dresser un rapport contenant la réception et tous les contrôles et essais à effectuer dans le cadre des différentes conditions d’exploitation respectivement des prescriptions de sécurité et de santé-types reprises dans l’autorisation.
La partie demanderesse ne démontre, en tout état de cause, pas en quoi concrètement ces obligations ne seraient pas suffisantes pour satisfaire aux objectifs fixés par la loi, respectivement, tel que relevé ci-avant, ne vient pas contredire utilement les développements de la partie étatique suivant lesquels l’administration de l’Environnement surveille l’exposition globale en mesurant régulièrement le champ électrique global et, d’autre part, que d’après les mesurages effectués la valeur limite de 3 V/m n’a jusqu’à présent jamais été dépassée dans la rue …, voire était largement inférieure aux valeurs imposées.
Or, il ne suffit pas de critiquer de manière générale et abstraite que des mesures prises et basées sur le principe de précaution ne sont pas suffisantes, voire proportionnées par rapport au niveau de protection recherché, mais il incombe à la partie demanderesse d’apporter au juge saisi des éléments suffisamment précis et documentés dans toute la mesure du possible afin de sous-tendre son argumentation, en lui soumettant également une argumentation juridique et technique suffisamment détaillée pour établir un risque potentiel qui ne serait pas couvert par les conditions fixées dans l’autorisation litigieuse, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
Enfin, le tribunal se doit de relever que dans la mesure où les autorisations litigieuses ont été délivrées entre autres sous la condition que la valeur limite de 3 V/m par élément rayonnant soit respectée à tout moment, le non-respect de cette condition relèverait d’une question d’exécution des autorisations ministérielles litigieuses, de sorte à échapper à la compétence du juge administratif.
Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l’arrêté ministériel contesté aurait été pris en violation du principe de précaution est à rejeter pour manquer de fondement.
A défaut d’autres moyens, le recours sous analyse est à rejeter pour ne pas être fondé.
IV.
Quant aux demandes en allocation d’une indemnité de procédure Eu égard à l’issue du litige, la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure de 3.000 euros, telle que formulée par la partie demanderesse sur le fondement de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 est à rejeter.
La société (AA) sollicite, quant à elle, la condamnation de la partie demanderesse au versement d’une indemnité de procédure de 3.000 euros sur base du même fondement légal.
Cette demande est toutefois à rejeter alors que les conditions d’application de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999 et notamment l’établissement du caractère d’iniquité résultant du fait de laisser les frais non répétibles à charge de la partie tierce-intéressée n’ont pas été rapportées à suffisance comme étant remplies en l’espèce.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le dit non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette les demandes tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure, telles que formulées de part et d’autre ;
condamne la partie demanderesse aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 6 février 2025 par le vice-président Alexandra Castegnaro en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
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