Tribunal administratif N° 48222 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48222 2e chambre Inscrit le 29 novembre 2022 Audience publique du 3 février 2025 Recours formé par Monsieur (A) et consort, …, contre une décision du ministre de l’Intérieur en présence de l’administration communale de Rosport-Mompach, en matière de plan d’aménagement général
JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 48222 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2022 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, inscrite à la liste V du tableau de l’Ordre des avocats du Barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-2146 Luxembourg, 63-65, rue de Merl, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg sous le numéro B240929, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Georges KRIEGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de :
1) Monsieur (A), demeurant à L-…, et de 2) Monsieur (B), demeurant à B-…, tendant à l’annulation de la décision du ministre de l’Intérieur du 27 juillet 2022 approuvant partiellement la délibération du conseil communal de Rosport-Mompach du 30 novembre 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général de la commune de Rosport-Mompach ;
Vu l’exploit de l’huissier de justice Patrick MULLER, demeurant à Diekirch, du 30 novembre 2022, portant signification de ce recours à l’administration communale de Rosport-
Mompach, ayant sa maison communale à L-6582 Rosport, 9, rue Henri Tudor, représentée par son collège des bourgmestre et échevins actuellement en fonctions ;
Vu le mémoire en réponse déposé au greffe du tribunal administratif le 27 février 2023 par le délégué du gouvernement ;
Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 28 mars 2023 par la société anonyme KRIEGER ASSOCIATES SA, au nom de ses mandants, préqualifiés ;
Vu la constitution d’avocat à la Cour déposée au greffe du tribunal administratif le 18 avril 2023 par Maître Steve HELMINGER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de l’administration communale de Rosport-Mompach, préqualifiée ;
Vu le mémoire en duplique déposé au greffe du tribunal administratif le 19 avril 2023 par le délégué du gouvernement ;
Vu les pièces versées en cause ainsi que l’acte attaqué ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Sébastien COUVREUR, en remplacement de Maître Georges KRIEGER, en sa plaidoirie à l’audience publique du 14 octobre 2024.
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Lors de sa séance publique du 15 janvier 2020, le conseil communal de Rosport-
Mompach, ci-après dénommé « le conseil communal », fut saisi par le collège des bourgmestre et échevins de la même commune, ci-après dénommé « le collège échevinal », en vertu de l’article 10 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, ci-après désignée par la « loi du 19 juillet 2004 », d’un projet d’aménagement général pour la commune de Rosport-Mompach qu’il mit sur orbite en conséquence à travers un vote positif, de sorte que le collège échevinal put procéder aux consultations prévues aux articles 11 et 12 de la loi du 19 juillet 2004.
Par courrier du 10 février 2020, adressé au collège échevinal, Monsieur (A) et Monsieur (B), ci-après désignés par « les consorts (AB) », coïndivisaires d’une parcelle inscrite au cadastre de la commune de Rosport-Mompach, section … de Born, sous le numéro (P1), ci-
après désignée par « la parcelle (P1) », soumirent leurs observations et objections à l’encontre du projet d’aménagement général.
Lors de sa séance publique du 30 novembre 2021, le conseil communal, d’une part, statua sur les objections dirigées à l’encontre du projet d’aménagement général et, d’autre part, adopta ledit projet.
Par courrier de leur litismandataire du 15 décembre 2021, les consorts (AB) introduisirent auprès du ministre de l’Intérieur, ci-après désigné par « le ministre », une réclamation à l’encontre de la délibération du conseil communal du 30 novembre 2021 portant adoption du projet de refonte du plan d’aménagement général (« PAG »).
Par décision du 27 juillet 2022, le ministre approuva partiellement la délibération du conseil communal du 30 novembre 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG et déclara partiellement fondée la réclamation des consorts (AB). Les passages de la décision ministérielle précitée se rapportant à cette réclamation sont libellés comme suit :
« […] Ad réclamation (AB) (rec 1) Les réclamants sollicitent, concernant la parcelle cadastrale n°(P1), sise à Born, la supression de son classement en « zone d’aménagement différé [ZAD] ». Ils demandent encore le reclassement de la prédite parcelle en zone soumise à un « plan d’aménagement particulier "quartier existant" [PAP QE] », sinon le reclassement de l’intégralité du terrain initialement constructible en zone soumise à un « plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] ».
Vu la proximité immédiate d’une « zone d’intérêt communautaire - Réseau NATURA 2000 » et le manque d’études environnementales approfondies en ces lieux, un développement sur l’ensemble de la parcelle n’est dès lors pas opportun.
La parcelle se trouve encore, contrairement à la quasi-totalité du reste de la localité, à un niveau d’altitude supérieur à 160 mètres. Une urbanisation de ces surfaces aurait dès lors un impact paysager négatif et compromettrait le développement urbain harmonieux du tissu rural existant.
Force est pourtant de constater que la partie située au nord-ouest de la parcelle était déjà, sous l’empire de l’ancien PAG, classée en zone destinée à être urbanisée.
Il convient ainsi de reclasser cette partie en « zone mixte villageoise [Mix-v] » soumise à un « plan d’aménagement particulier "nouveau quartier" [PAP NQ] », tout en y prévoyant le même degré d’utilisation tel que prévu pour la partie de la parcelle qui est d’ores et déjà constructible.
La réclamation est partant partiellement fondée et la partie graphique est modifiée comme suit : […] ».
Par décision complémentaire du 22 novembre 2022, le ministre déclara non fondé le volet de la réclamation des consorts (AB) relatif à la suppression de la zone d’aménagement différé [ZAD], ci-après désignée par « la ZAD ». Cette décision ministérielle est libellée comme suit :
« […] Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que je reviens à ma décision du 27 juillet 2022, par laquelle j’ai approuvé la délibération du conseil communal du 30 novembre 2021 portant adoption du projet de la refonte globale du plan d’aménagement général (PAG) de la commune de Rosport-Mompach, présenté par les autorités communales.
En effet, il s’agit de compléter ladite décision du 27 juillet 2022, pour autant qu’elle concerne les revendications des réclamants (AB), en l’espèce la suppression de la « zone d’aménagement différé [ZAD] » sur la parcelle cadastrale n°(P1), sise à Born.
La réclamation est non fondée, alors qu’il s’agit de maintenir le classement du terrain litigieux en « zone d’aménagement différé [ZAD] », vu le potentiel de développement assez élevé de la localité de Bour. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 29 novembre 2022, les consorts (AB) ont fait introduire un recours tendant à l’annulation de la décision du ministre du 27 juillet 2022 approuvant partiellement la délibération du conseil communal de Rosport-
Mompach du 30 novembre 2021 portant adoption du projet de refonte du PAG de la commune de Rosport-Mompach.
Malgré le fait que par acte d’huissier de justice du 30 novembre 2022, le recours sous analyse a été signifié à l’administration communale de Rosport-Mompach, celle-ci n’a pas déposé de mémoire en réponse dans le cadre de la présente instance. Il n’en demeure pas moins que conformément à l’article 6 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, ci-après désignée par « la loi du 21 juin 1999 », le tribunal statue néanmoins à l’égard de toutes les parties par un jugement ayant les effets d’un jugement contradictoire.
I. Quant à la compétence du tribunal et quant à la recevabilité du recours Le tribunal relève que les décisions sur les projets d’aménagement, lesquels ont pour effet de régler par des dispositions générales et permanentes l’aménagement des terrains qu’ils concernent et le régime des constructions à ériger, ont un caractère réglementaire. La décision d’approbation du ministre participe au caractère réglementaire de l’acte approuvé1, étant précisé qu’en ce qui concerne la procédure d’adoption du PAG, le caractère réglementaire ainsi retenu s’étend également au volet de la décision ministérielle du 27 juillet 2022 et de la décision ministérielle complémentaire du 22 novembre 2022 ayant statué sur la réclamation introduite par les demandeurs, intervenue dans le processus général de l’élaboration de l’acte approuvé.
Conformément à l’article 7 de la loi modifiée du 7 novembre 1996 portant organisation des juridictions de l’ordre administratif, seul un recours en annulation est susceptible d’être introduit contre un acte administratif à caractère réglementaire.
Le tribunal est partant compétent pour connaître du recours en annulation introduit en l’espèce, lequel est, par ailleurs, recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
II. Quant à la loi applicable Le tribunal précise que la procédure d’adoption d’un PAG est prévue par la loi du 19 juillet 2004. Or, celle-ci a été modifiée à plusieurs reprises et dernièrement (i) par une loi du 28 juillet 2011 entrée en vigueur, en application de son article 45, en date du 1er août 2011, (ii) par la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire, publiée au Mémorial A, n° 160 du 6 septembre 2013, (iii) par la loi du 14 juin 2015 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, publiée au Mémorial A, n° 113 du 17 juin 2015, (iv) par la loi du 3 mars 2017 dite « Omnibus », entrée en vigueur, en application de son article 76, le 1er avril 2017, (v) par la loi du 17 avril 2018 concernant l’aménagement du territoire, (vi) par la loi du 18 juillet 2018 portant modification de l’article 108 de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain, (vii) par la loi du 30 juillet 2021 relative au Pacte logement 2.0, entrée en vigueur le 1er janvier 2021, en application de son article 16, (viii) par la loi du 7 août 2023 relative au logement abordable et (ix) par la loi du 4 novembre 2024 portant modification de la loi modifiée du 19 juillet 2004 concernant l’aménagement communal et le développement urbain.
Etant donné, d’une part, que le tribunal vient de retenir que seul un recours en annulation a pu être introduit à l’encontre de l’acte déféré et, d’autre part, que dans le cadre d’un tel recours, le juge administratif est amené à en apprécier la légalité en considération de la situation de droit et de fait ayant prévalu au jour où il a été pris2, les modifications apportées à la loi du 19 juillet 2004 par les lois précitées du 7 août 2023 et 4 novembre 2024, entrées en 1 Cour adm., 10 juillet 1997, n° 9804C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 59 et les autres références y citées.
2 Trib. adm., 27 janvier 1997, n° 9724 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 22 et les autres références y citées.
vigueur postérieurement à la délibération du conseil communal du 30 novembre 2021 portant adoption du projet d’aménagement général ne sont pas à prendre en considération en l’espèce, étant plus particulièrement précisé à cet égard que les actes de tutelle administrative, tels que la décision ministérielle litigieuse, ainsi que la décision ministérielle complémentaire, rétroagissent à la date de la décision approuvée et tombent dès lors sous le champ d’application des lois en vigueur à la date de la prise de décision de l’acte initial.
Il s’ensuit que la version de la loi du 19 juillet 2004 applicable au présent litige est celle résultant des modifications opérées par les lois des 28 juillet 2011, 30 juillet 2013, 14 juin 2015, 3 mars 2017, 17 avril 2018, 18 juillet 2018 et 30 juillet 2021.
III. Quant au fond A l’appui de leur recours et en fait, les consorts (AB), coïndivisaires de la parcelle (P1), expliquent que sous l’empire de l’ancien PAG, la partie de leur parcelle longeant la rue … aurait été classée en zone « directement » constructible, tandis que la partie située à l’arrière de leur parcelle aurait été classée en zone soumise à un plan d’aménagement particulier (« PAP ») et superposée d’une ZAD. Lors de la mise sur orbite du projet de PAG, la commune aurait décidé de reclasser l’entièreté de leur parcelle en zone verte, la rendant ainsi inconstructible.
Les demandeurs expliquent ensuite que le conseil communal aurait, dans sa décision du 30 novembre 2021, décidé de réintégrer la partie de leur parcelle ayant été constructible sous l’empire de l’ancien PAG dans la zone destinée à être urbanisée en la classant en « zone d’habitation (HAB-1) », tout en la superposant d’une zone soumise à un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier » (« PAP NQ »), d’une ZAD, d’une zone de servitude « urbanisation – intégration paysagère » (P5), ci-après désignée par « ZSU-P5 », et, à titre indicatif, d’une zone soumise aux dispositions des articles 17 et/ou 21 de la loi modifiée du 18 juillet 2018 concernant la protection de la nature et des ressources naturelles, ci-après désignée par « la loi du 18 juillet 2018 ». Ils lui reprochent, dans ce contexte, de n’avoir fait droit que partiellement à leurs objections formulées à l’encontre du projet d’aménagement général.
Les demandeurs continuent en exposant qu’ils auraient, dans leur réclamation adressée au ministre le 15 décembre 2021, sollicité (i) que la délimitation de la surface constructible de leur parcelle soit reconsidérée, au motif qu’ils subiraient, dans le projet de PAG refondu, la perte d’une surface constructible approximative de 17 ares et (ii) la suppression de la ZAD, ainsi que le reclassement de leur parcelle principalement en zone soumise à un plan d’aménagement particulier « quartier existant » (« PAP QE ») « espace villageois », sinon, subsidiairement en zone soumise à un PAP NQ, et le maintien des coefficients de densité « actuellement » retenus. Les demandeurs relèvent, dans ce contexte, que si le ministre a partiellement fait droit à leur réclamation en augmentant légèrement « en profondeur » la « portion constructible » de leur parcelle pour « retrouver les limites de constructibilité » fixées dans l’ancien PAG, ils se plaignent toutefois du fait qu’il aurait maintenu la superposition de leur parcelle (i) d’une ZAD, en indiquant comme unique motivation qu’il n’y aurait pas eu d’« études environnementales approfondies en ces lieux » et (ii) d’une zone soumise à un PAP NQ.
En droit, les demandeurs s’emparent, en ce qui concerne le classement de la partie sud-
est de leur parcelle :
- en zone superposée d’une ZAD (i) d’une violation de l’article 16 de la Constitution, tel qu’applicable dans sa version en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses, et de l’article 1er du premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ci-après désigné par « le premier Protocole », (ii) d’une absence de motifs, notamment d’utilité publique, justifiant ce classement, ainsi que (iii) d’une violation des dispositions de la loi modifiée du 22 mai 2008 relative à l’évaluation des incidences de certains plans et programmes sur l’environnement, ci-après désignée par « la loi du 22 mai 2008 », et - en zone soumise à un PAP NQ (i) d’une violation de l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004, respectivement d’un défaut de motivation de ce classement et (ii) d’une violation du principe constitutionnel de l’égalité de traitement.
Remarque préliminaire Le tribunal rappelle à titre liminaire qu’en présence de plusieurs moyens invoqués, il n’est pas lié par l’ordre dans lequel les moyens ont été présentés par les parties à l’instance, mais qu’il lui appartient de déterminer la suite du traitement des moyens et arguments des parties compte tenu de la logique juridique dans laquelle ils s’insèrent.
Le tribunal relève ensuite que les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, doivent être mues par des considérations légales d’ordre urbanistique ayant trait à l’aménagement des agglomérations et d’ordre politique tirées de l’organisation de la vie en commun sur le territoire donné, tendant les unes et les autres à une finalité d’intérêt général et, dans ce contexte, lesdites autorités doivent veiller tant à la conservation de l’esthétique urbaine qu’au développement rationnel des agglomérations3.
Dans ce contexte, il y a lieu de préciser que saisi d’un recours en annulation, le juge administratif est appelé à vérifier, d’un côté, si, au niveau de la décision administrative querellée, les éléments de droit pertinents ont été appliqués et, d’un autre côté, si la matérialité des faits sur lesquels l’autorité de décision s’est basée est établie. Au niveau de l’application du droit aux éléments de fait, le juge de l’annulation vérifie encore s’il n’en est résulté aucune erreur d’appréciation se résolvant en dépassement de la marge d’appréciation de l’auteur de la décision querellée. Le contrôle de légalité à exercer par le juge de l’annulation n’est pas incompatible avec le pouvoir d’appréciation de l’auteur de la décision qui dispose d’une marge d’appréciation. Ce n’est que si cette marge a été dépassée que la décision prise encourt l’annulation pour erreur d’appréciation. Ce dépassement peut notamment consister dans une disproportion dans l’application de la règle de droit aux éléments de fait. Le contrôle de légalité du juge de l’annulation s’analyse alors en contrôle de proportionnalité4.
S’il est certes vrai que le choix d’entériner ou de ne pas entériner la modification d’un plan d’aménagement relève d’une dimension politique et échappe comme tel au contrôle des juridictions de l’ordre administratif saisies d’un recours en annulation, il n’en demeure pas moins que tout acte administratif doit reposer sur un motif dont le juge administratif vérifie tant l’existence que la légalité. Cette exigence découle du fait que le juge administratif a l’obligation de vérifier si les autorités administratives compétentes n’ont pas violé la loi, 3 Trib. adm., 20 octobre 2004, n° 17604 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 217 et les autres références y citées.
4 Cour adm., 9 novembre 2010, n° 26886C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 40 et les autres références y citées.
commis un excès de pouvoir ou un détournement de pouvoir et cette obligation de motivation existe également pour les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, doivent être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importe que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les ont guidées dans leur décision, le contrôle exercé par le juge de l’annulation ne portant dès lors pas sur l’opportunité, mais sur la réalité et la légalité des motifs avancés5.
Quant aux objectifs devant guider les autorités communales, lorsqu’elles initient des modifications de leurs plans d’aménagement, ainsi que l’autorité ministérielle, dans le cadre de l’exercice de son contrôle tutélaire, il y a lieu de se référer à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, aux termes duquel « Les communes ont pour mission de garantir le respect de l’intérêt général en assurant à la population de la commune des conditions de vie optimales par une mise en valeur harmonieuse et un développement durable de toutes les parties du territoire communal par :
(a) une utilisation rationnelle du sol et de l’espace tant urbain que rural en garantissant la complémentarité entre les objectifs économiques, écologiques et sociaux ;
(b) un développement harmonieux des structures urbaines et rurales, y compris les réseaux de communication et d’approvisionnement compte tenu des spécificités respectives de ces structures, et en exécution des objectifs de l’aménagement général du territoire ;
(c) une utilisation rationnelle de l’énergie, des économies d’énergie et une utilisation des énergies renouvelables ;
(d) le développement, dans le cadre des structures urbaines et rurales, d’une mixité et d’une densification permettant d’améliorer à la fois la qualité de vie de la population et la qualité urbanistique des localités ;
(e) le respect du patrimoine culturel et un niveau élevé de protection de l’environnement naturel et du paysage lors de la poursuite des objectifs définis ci-
dessus ;
(f) la garantie de la sécurité, la salubrité et l’hygiène publiques. ».
L’article 6 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit, quant à lui, que « Le plan d’aménagement général a pour objectif la répartition et l’implantation judicieuse des activités humaines dans les diverses zones qu’il arrête aux fins de garantir le développement durable de la commune sur base des objectifs définis par l’article 2 de la loi. ».
Il convient encore de noter que la décision d’adopter, respectivement de modifier un PAG est, dans son essence même, prise dans l’intérêt général, cette caractéristique étant présumée jusqu’à preuve du contraire6.
Par ailleurs, il échet de rappeler que la mutabilité des PAG relève de leur essence même, consistant à répondre à des contraintes variables à travers le temps concernant à la fois les aspects urbanistiques de l’aménagement des agglomérations et le volet politique de la vie en commun sur le territoire donné7. Il s’ensuit qu’en se fondant sur des considérations d’ordre 5 Trib. adm., 26 avril 2004, n° 17315 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Urbanisme, n° 847 et les autres références y citées.
6 Trib. adm., 23 juillet 1997, n° 9658 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Recours en annulation, n° 10 et les autres références y citées.
7 Trib. adm., 7 mars 2001, n° 12233 du rôle, confirmé par Cour adm., 20 décembre 2001, n° 13291C du rôle, Pas.
adm. 2023, V° Urbanisme, n° 231 (1er volet) et les autres références y citées.
urbanistique correspondant à une finalité d’intérêt général, les autorités communales peuvent procéder à des modifications de leur règlementation urbanistique, pourvu toutefois que la décision soit proportionnelle à son objectif et qu’elle soit dépourvue d’un dépassement dans le chef des autorités compétentes de leur marge d’appréciation, analyse qui sera effectuée ci-
après.
Force est au tribunal de constater qu’il ressort de la partie graphique du PAG refondu que la partie sud-est de la parcelle (P1) a été classée en zone mixte villageoise [MIX-v], ci-
après désignée par « la zone MIX-v », superposée d’une zone soumise à un PAP NQ, d’une ZAD, d’une ZSU-P5, ainsi que, pour partie et à titre indicatif, d’une zone soumise aux dispositions des articles 17 et/ou 21 de la loi du 18 juillet 2018, tandis que le reste de la parcelle (P1) a été classée en zone agricole [AGR].
Il échet encore de relever que les demandeurs contestent, dans le cadre du présent recours, uniquement la superposition sur la partie sud-est de leur parcelle d’une ZAD et d’une zone soumise à un PAP NQ. Dans la mesure où les demandeurs n’ont développé aucun moyen par rapport au classement de la partie sud-est de leur parcelle en zone MIX-v et à la superposition de cette partie d’une zone soumise, à titre indicatif, aux dispositions des articles 17 et/ou 21 de la loi du 18 juillet 2018 et d’une ZSU-P5, ni par rapport au classement du reste de leur parcelle en zone agricole [AGR], la légalité de ces classements n’a pas à être examinée par le tribunal.
A. Quant à la superposition d’une partie de la parcelle (P1) d’une zone soumise à un PAP NQ Moyens et arguments des parties Les demandeurs, après avoir cité les articles 25 et 23, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004, invoquent un défaut de motivation objective et rationnelle concernant la superposition de leur parcelle d’une zone soumise à un PAP NQ, qui se résoudrait « en une rupture de l’égalité de traitement devant les charges publiques ». En effet, si le choix des autorités de soumettre un terrain à un PAP QE ou de le superposer d’une zone soumise à un PAP NQ relevait a priori d’un certain pouvoir discrétionnaire, il ne s’agirait pas pour autant d’un choix arbitraire et le classement retenu devrait être justifié, d’autant plus que la « différence de constructibilité entre la zone mixte villageoise suivant PAP QE (espace villageois) et la zone PAP NQ, [serait] très importante ». Les demandeurs affirment, à cet égard, que le tribunal administratif aurait, dans un jugement du 9 juin 2004, inscrit sous le numéro 11415a du rôle, retenu qu’une obligation de motivation existerait également concernant les actes à caractère réglementaire qui, quoique discrétionnaires, devraient être pris dans l’intérêt général, de sorte qu’il importerait que les autorités administratives compétentes fassent connaître le ou les motifs qui les auraient guidées dans leur décision. Il s’ensuivrait qu’à défaut d’une telle motivation par les autorités administratives, la décision de classer une parcelle en zone superposée d’un PAP NQ devrait être censurée.
En ce qui concerne l’étendue des pouvoirs du juge administratif dans ce contexte, les demandeurs donnent à considérer qu’il se dégagerait d’un arrêt rendu par la Cour administrative le 4 avril 2019, inscrit sous le numéro 41278C du rôle, que celui-ci ne pourrait pas se limiter à sanctionner uniquement des situations dites « manifestes », ni limiter son contrôle de proportionnalité à un contrôle soi-disant marginal, sous peine d’aboutir à un contrôle ineffectif, alors qu’il serait, au contraire, appelé à vérifier si l’acte posé est proportionné à son but.
Afin de sous-tendre leur moyen, les demandeurs se réfèrent au schéma directeur BN02-
« … » concernant le concept de mobilité et d’infrastructures techniques suivant lequel « le quartier [serait] directement accessible depuis la route … » et que « l’arrêt de bus « … » se trouve[rait] à côté du quartier de la route … (distance de 100m) et offr[irait] des connexions directes à Echternach et Grevenmacher ». Il s’ensuivrait que leur parcelle disposerait d’un accès direct à la voirie publique entièrement équipée et se situerait à proximité du centre de la localité de Born et donc également des points d’intérêts de ladite localité. Le fait que le schéma directeur prémentionné énoncerait que « l’envergure du projet exige[rait] probablement une rétention ouverte des eaux de pluie » n’aurait aucun impact sur la qualification de la zone à laquelle appartiendrait leur parcelle, en zone soumise à un PAP QE. Les demandeurs ajoutent à ce sujet que les parcelles voisines à la leur, desservies par la même rue, de même que les parcelles situées vis-à-vis de la leur auraient été classées en zone soumise à un PAP QE. Or, dans la mesure où toutes ces parcelles, y compris la leur, se trouveraient dans l’exacte même situation, il ne serait pas possible de considérer les unes comme étant viabilisées, tout en considérant la leur, pourtant située dans la même rue, comme étant non viabilisée.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs font valoir que si, d’après la partie étatique, la jurisprudence considérerait que le PAP NQ était le principe, tandis que le PAP QE serait l’exception, tout en concédant que la jurisprudence aurait effectivement retenu ce principe, ils donnent toutefois à considérer qu’il importerait de constater qu’en pratique, une grande majorité des terrains construits ou constructibles dans une zone viabilisée serait classée en zone soumise à un PAP QE. Les demandeurs estiment, dès lors, que la logique inverse devrait s’appliquer dans l’hypothèse d’un terrain viabilisé, à savoir que la soumission à un PAP QE constituerait la « règle de bon sens », conformément à la ratio legis du texte prévoyant le recours au PAP QE, et que le classement en zone soumise à un PAP NQ constituerait l’exception.
De l’avis des demandeurs, le choix d’une commune d’imposer l’élaboration d’un PAP NQ plutôt que d’un PAP QE devrait être fondé sur des considérations urbanistiques d’intérêt général. Ainsi, et en raison du principe de mutabilité des PAG, le simple fait que la parcelle litigieuse aurait déjà auparavant été classée dans une zone soumise à l’élaboration d’un PAP ne serait, dans ce contexte, pas pertinent.
Enfin, les consorts (AB) font, face à l’argumentation de la partie étatique selon laquelle l’élaboration d’un PAP NQ serait nécessaire au motif que la voie publique ne serait « pas dotée de réseaux d’eau usées ni d’ailleurs de trottoirs et d’éclairage », remarquer « que la route … existante n’a[urait] pas été intégrée dans la zone soumise à PAP NQ, de sorte que d’éventuels travaux de réfection de cette voirie, ne serai[ent] pas à prévoir dans le cadre du PAP », alors que, dans une zone superposée d’un PAP NQ, seuls des travaux d’infrastructures seraient à charge du promoteur. Les demandeurs précisent, dans ce contexte, en se référant, à ce sujet, aux articles 25, 34 (5) et 37 de la loi du 19 juillet 2004, que les travaux relatifs à la mise en place d’un trottoir et d’éclairages publics sur une route existante, voire même l’installation d’une canalisation seraient des travaux accessoires de voirie qui pourraient être imposés par la commune dans le cadre d’un PAP QE. Ils font, finalement, valoir que si les terrains situés de l’autre côté de la route … devaient être considérés comme étant « non viabilisés », ils auraient, telle que la parcelle litigieuse, également dû être superposés d’une zone PAP NQ, ce qui ne serait toutefois pas le cas.
La partie étatique conclut, quant à elle, au rejet de ce moyen, pris dans ses différentes branches, pour être non fondé.
Analyse du tribunal S’agissant d’abord des contestations des demandeurs ayant trait à un défaut de motivation concernant la superposition de la partie constructible de la parcelle (P1) d’une zone soumise à un PAP NQ, les demandeurs visent, de l’entendement du tribunal, non pas à reprocher à la décision ministérielle litigieuse une absence de motivation d’un point de vue formel, mais à critiquer la justification avancée par l’autorité étatique à la base de sa décision, entérinant le choix communal, en ce qu’elle ne permettrait pas de comprendre à suffisance les raisons pour lesquelles la superposition de la partie constructible de leur parcelle d’une zone soumise à un PAP NQ serait conforme à l’intérêt général.
A titre superfétatoire et avant d’analyser la légalité de la décision déférée, le tribunal précise qu’au-delà de l’absence d’exigence légale ou réglementaire spécifique à l’indication formelle des motifs, les actes administratifs à caractère réglementaire doivent reposer sur de justes motifs légaux devant avoir existé au moment où ils ont été respectivement pris, motifs dont le juge administratif est appelé à vérifier tant l’existence que la légalité. Ces motifs doivent être retraçables, à la fois par la juridiction saisie et par les administrés intéressés, afin de permettre l’exercice effectif du contrôle juridictionnel de légalité prévu par la loi8.
En l’espèce, le tribunal constate, au vu du libellé de la décision ministérielle déférée, entérinant le choix opéré par le conseil communal de superposer la partie constructible de la parcelle litigieuse d’une zone soumise à un PAP NQ, ainsi que des explications fournies par la partie étatique dans ses mémoires en réponse et en duplique, que ladite superposition est motivée par le fait que la parcelle ne serait pas viabilisée, même pas le long de la route …, au vu de l’absence de canalisations d’eaux usées, de même que de trottoirs et d’éclairages publics.
A cet égard, la partie étatique explique que le schéma directeur BN02- « … » prévoirait notamment un concept de rétention et d’écoulement des eaux pluviales, ce qui serait d’autant plus important en raison de la situation en forte pente du site concerné. Or, tant l’inclinaison de 15% du site concerné que la longueur de ce site seraient considérables, rendant la réalisation d’un concept global de rétention et d’écoulement des eaux pluviales nécessaire. Si la réalisation et la cession de telles infrastructures étaient possibles à travers l’élaboration d’un PAP NQ, l’élaboration d’un concept coordonné pour tout le site ne serait toutefois pas garantie en zone soumise à un PAP QE. La partie étatique avance encore que les demandeurs resteraient en défaut de spécifier ce qu’ils entendraient par « les terrains de l’autre côté de la route … », dans la mesure où les terrains se situant directement en face du site litigieux seraient classés en zone de jardins familiaux [JAR], ci-après désignée par « la zone JAR », de sorte à être non constructibles. En ce qui concerne le site directement adjacent à la rue …, la partie étatique précise qu’il serait superposé d’une zone soumise à un PAP NQ ainsi que d’une ZSU-P5, tout comme ce serait le cas pour la partie constructible de la parcelle litigieuse. Enfin, le recours à un PAP NQ serait, en l’espèce, nécessaire pour préciser et exécuter la ZSU-P5 et pour assurer la sauvegarde des arbres existants au bord de la voie publique.
8 Cour adm., 23 février 2006, n° 20173C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Actes réglementaires, n° 36 et les autres références y citées.
Compte tenu des explications détaillées fournies par la partie étatique, permettant de retracer les raisons pour lesquelles la superposition sur la partie constructible de la parcelle litigieuse d’une zone soumise à un PAP NQ serait nécessaire, le tribunal conclut que cette motivation est suffisante tant en fait qu’en droit, de sorte que l’argumentation en sens contraire des consorts (AB) est à rejeter.
Le tribunal relève ensuite qu’aux termes de l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004, « Le plan d’aménagement particulier précise et exécute les dispositions réglementaires du plan d’aménagement général concernant une zone ou partie de zone.
Il revêt la forme d’un plan d’aménagement particulier « nouveau quartier ». Les communes peuvent toutefois définir dans leur plan d’aménagement général des terrains ou ensembles de terrains constituant une zone urbanisée pour lesquels un plan d’aménagement particulier « quartier existant » est à élaborer.
On entend par zone urbanisée des terrains ou ensembles de terrains qui sont entièrement viabilisés conformément à l’article 23, alinéa 2, sans préjudice de la nécessité de procéder à d’éventuels travaux accessoires de voirie appliqués aux accotements et trottoirs ou impliquant une réaffectation partielle de l’espace routier. », l’article 23, alinéa 2 de la même loi précisant, en ce qui concerne les travaux de voirie et d’équipements publics nécessaires à la viabilité d’un PAG, que « Ces travaux comprennent la réalisation des voies publiques, l’installation des réseaux de télécommunication, ainsi que des réseaux d’approvisionnement en eau potable et en énergie, des réseaux d’évacuation des eaux résiduaires et pluviales, de l’éclairage, de l’aménagement des espaces collectifs, des aires de jeux et de verdure ainsi que des plantations. ».
Il suit des dispositions qui précèdent que le PAP NQ est la forme de droit commun, tandis que le PAP QE constitue l’exception. Les PAP NQ sont ainsi exigés pour l’aménagement de zones non encore urbanisées ou seulement partiellement urbanisées tandis que les PAP QE peuvent s’appliquer aux zones entièrement urbanisées9. Il y a lieu de relever que suivant les documents parlementaires à la base de la loi du 3 mars 201710, le législateur a prévu dorénavant un seul critère « d’application plus aisée et répondant davantage aux besoins des autorités communales lors de l’exécution du PAG », à savoir que le terrain en cause soit viabilisé, permettant aux communes « une plus grande flexibilité […] lors du classement de terrains en zone urbanisée pour lesquels un plan d’aménagement particulier « quartier existant » est à élaborer [alors que la version de l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004 en vigueur avant la loi du 3 mars 2017 disposait] que seuls les terrains ou ensembles de terrains dont au moins la moitié des parcelles [était] construite et qui [étaient] viabilisés [pouvaient] être considérés comme zone urbanisée ». Cette première condition menait « constamment à une certaine insécurité juridique étant donné que des critères clairs et précis [faisaient] défaut pour déterminer si un terrain [était] construit ou non et pour quantifier les parcelles d’ores et déjà construites ». S’il est vrai que le seul critère pour déterminer si une parcelle est classée dans une zone soumise à l’élaboration d’un PAP QE est dorénavant la viabilisation de la parcelle, il n’en reste pas moins que la possibilité pour une commune d’identifier des zones soumises à 9 Avis du Conseil d’Etat n° 49.260 du 7 juin 2011 sur le projet de règlement grand-ducal concernant le contenu du plan d’aménagement particulier «quartier existant» et du plan d’aménagement particulier «nouveau quartier» portant exécution du plan d’aménagement général d’une commune.
10 Doc. Parl. 6704-13, rapport de la commission de la Fonction publique et de la Réforme administrative, page 19.
l’élaboration d’un PAP QE ne fait du sens que dans des zones qui sont d’ores et déjà urbanisées contenant les éléments énumérés à l’article 23 de la loi du 19 juillet 200411.
Il s’ensuit encore que la décision de définir des zones soumises à l’obligation d’élaborer un PAP QE relève d’un pouvoir discrétionnaire du conseil communal dans la mesure où les communes disposent de la faculté mais non pas de l’obligation de définir de telles zones dans leur PAG, conformément à l’article 25 de la loi du 19 juillet 2004. Ainsi, même en présence d’un terrain entièrement viabilisé, l’autorité communale n’est pas obligée de le soumettre à un PAP QE, mais conserve le droit de privilégier un classement en zone soumise à un PAP NQ sous réserve que ce choix ne soit pas affecté par une erreur d’appréciation.
La désignation relève donc d’un choix d’opportunité politique qu’il n’appartient pas au tribunal de vérifier sauf s’il apparaît que ce faisant, l’autorité a dépassé sa marge d’appréciation.
L’analyse du tribunal s’effectuera dès lors dans ce contexte12.
Or, en l’espèce, il n’apparaît pas, à la lumière des éléments soumis au tribunal que le classement de la partie constructible de la parcelle des demandeurs en zone soumise à un PAP NQ, tel que décidé par le conseil communal et approuvé par le ministre, serait entaché d’une erreur d’appréciation.
En effet, il se dégage des éléments du dossier et plus particulièrement des photos et extraits des différentes cartes reproduits dans la requête introductive d’instance et dans les mémoires respectifs, ainsi que du schéma directeur BN02- « … », que la partie de la parcelle litigieuse en zone soumise à un PAP NQ n’accueille aucune construction.
Il n’est, par ailleurs, pas contesté voire même admis par les demandeurs eux-mêmes que la voie publique, à savoir la route … longeant la parcelle litigieuse, n’est pas dotée d’un réseau d’évacuation des eaux usées ni de trottoirs et d’éclairages publics. Or, il s’agit là de travaux qui, contrairement à ce qu’allèguent les demandeurs, ne peuvent pas être qualifiés comme accessoires au sens de l’article 23, alinéa 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Au vu des considérations qui précèdent, il n’est pas établi que la partie litigieuse de la parcelle en cause puisse être considérée comme étant viabilisée au sens de la même disposition légale.
Au-delà de ce constat, il se dégage des éléments du dossier, ainsi que des explications de la partie étatique que la raison pour laquelle le choix communal de soumettre la partie litigieuse de la parcelle en cause à l’élaboration d’un PAP NQ a été entériné, réside dans les contraintes liées à la particularité du site, à savoir sa longueur et sa pente ayant une inclinaison de 15%, rendant nécessaire la réalisation d’un concept global de rétention et d’écoulement des eaux pluviales, l’élaboration d’un tel concept coordonné pour l’ensemble du site n’étant pas garantie dans une zone soumise à un PAP QE.
Au vu des contraintes liées à la particularité du site, le choix communal, tel qu’approuvé par le ministre, de soumettre la partie constructible de la parcelle litigieuse à la réalisation d’un PAP NQ n’encourt aucune critique et doit, par ailleurs, être considéré comme s’inscrivant dans un objectif d’intérêt général, à savoir une utilisation rationnelle du sol, ainsi qu’un 11 Trib. adm., 25 mai 2020, n° 40556 du rôle, disponible sur www.jurad.etat.lu.
12 Idem.
développement harmonieux et cohérent de l’endroit litigieux au sens de l’article 2 a) et b) de la loi du 19 juillet 2004. En effet, l’instrument urbanistique qu’est le PAP NQ permet, contrairement au PAP QE – qui définit d’ores et déjà les règles d’intégration des constructions et aménagements en fonction des caractéristiques du tissu bâti existant et dont le bourgmestre doit tenir compte lorsqu’il est saisi d’une autorisation en vue de l’élaboration d’un projet de construction –, une plus grande flexibilité pour développer en profondeur sur la partie litigieuse de la parcelle (P1) un projet d’aménagement qui devra tenir compte des contraintes liées à la particularité du site.
La conclusion qui précède n’est pas ébranlée par l’affirmation des demandeurs selon laquelle le choix communal, tel qu’approuvé par le ministre, de superposer la partie constructible de la parcelle litigieuse d’une zone soumise à un PAP NQ et non d’une zone soumise à un PAP QE violerait, de l’entendement du tribunal, le principe de l’égalité de traitement tel que prévu à l’article 10bis de la Constitution, tel qu’applicable dans sa version en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses, en ce que les parcelles voisines à la leur, desservies par la même rue, de même que les parcelles situées vis-à-vis de la leur auraient été classées en zone soumise à un PAP QE, alors même qu’elles se trouveraient dans l’exacte même situation.
Il y a lieu de relever, à ce propos, que le principe constitutionnel d’égalité devant la loi, tel que consacré par l’article 10bis de la Constitution, tel qu’applicable dans sa version en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses, suivant lequel tous les Luxembourgeois sont égaux devant la loi, applicable à tout individu touché par la loi luxembourgeoise si les droits de la personnalité, et par extension les droits extrapatrimoniaux sont concernés, ne s’entend pas dans un sens absolu, mais requiert que tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit soient traités de la même façon. Le principe d’égalité de traitement est compris comme interdisant le traitement de manière différente de situations similaires, à moins que la différenciation soit objectivement justifiée. Il appartient, par conséquent, aux pouvoirs publics, tant au niveau national qu’au niveau communal, de traiter de la même façon tous ceux qui se trouvent dans la même situation de fait et de droit. Par ailleurs, lesdits pouvoirs publics peuvent, sans violer le principe d’égalité, soumettre certaines catégories de personnes à des régimes légaux différents, à condition que les différences instituées procèdent de disparités objectives, qu’elles soient rationnellement justifiées, adéquates et proportionnées à leur but13.
Or, comme les demandeurs restent en défaut de préciser quelles parcelles voisines, respectivement quelles parcelles situées vis-à-vis de la leur sont visées par leur affirmation, le tribunal n’est pas en mesure de procéder à un examen approprié de la situation pour apprécier si lesdites parcelles se trouvent dans une même situation de fait et de droit.
A titre purement superfétatoire, le tribunal constate qu’il ressort de la partie graphique de l’ancien PAG que contrairement à la parcelle litigieuse, les parcelles voisines et celles situées vis-à-vis de celle-ci étaient toutes classées dans une zone d’habitation à caractère rural, de sorte que leur situation n’était pas comparable. En outre, il se dégage de la partie graphique du PAG refondu (i) que la majorité des parcelles voisines à la parcelle (P1) et desservies par la même rue que cette dernière sont également superposées d’une zone soumise à un PAP NQ et (ii) que les parcelles situées de l’autre côté de la rue sont classées pour partie en zone JAR, le 13 Trib. adm., 6 décembre 2000, n° 10019 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Lois et règlements, n° 9 et les autres références y citées.
tribunal relevant dans ce contexte que la zone JAR reste de facto inconstructible et donc non soumise à un PAP NQ. Le reproche tenant à une violation du principe de l’égalité de traitement est, dès lors, à rejeter pour manquer de fondement.
Le moyen des demandeurs visant à critiquer la superposition de la partie constructible de leur parcelle d’une zone soumise à un PAP NQ au lieu d’une zone soumise à un PAP QE, pris dans ses différentes branches, est, dès lors, à rejeter dans son ensemble pour être non fondé.
B. Quant au classement d’une partie de la parcelle (P1) en zone superposée d’une ZAD Moyens et arguments des parties Les demandeurs invoquent, tout d’abord, une violation de l’article 16 de la Constitution, tel qu’applicable dans sa version en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses, et de l’article 1er du premier Protocole, ainsi qu’une absence de motifs, notamment d’utilité publique, justifiant la superposition d’une partie de leur parcelle d’une ZAD.
Pour sous-tendre ces reproches, les demandeurs font valoir que le classement initial de l’intégralité de la parcelle litigieuse en zone verte par la commune n’aurait reposé sur aucune motivation à part la supposition de conséquences environnementales en cas d’urbanisation de ladite parcelle en raison de la présence d’un verger sur le site sur lequel elle se trouverait. Il ne se serait toutefois agi que d’une simple supposition, alors qu’aucune étude environnementale n’aurait été effectuée en ce sens sur ledit site. La proximité de leur parcelle à la zone Natura 2000 « Vallée supérieure de la Sûre » n’aurait pas non plus pu justifier le classement intégral de celle-ci en zone verte, ce d’autant plus que toutes les parcelles constructibles dans la localité de Born se situeraient à proximité de cette zone Natura 2000, sans que cette proximité aurait impliqué le reclassement de celles-ci en zone verte. Ce serait au vu de « l’absurdité des motifs précités » que le conseil communal aurait fait partiellement droit à leurs objections en décidant, pour des motifs « tout aussi farfelus », de superposer la partie constructible de leur parcelle d’une ZAD. Selon les demandeurs, il n’existerait, en effet, aucun lien objectif entre la superposition de la partie constructible de leur parcelle d’une ZAD et les circonstances environnementales mises en avant par la commune, qui justifierait une telle superposition. Les demandeurs estiment, à ce sujet, qu’en prévoyant une ZSU-P5 et la soumission de leur parcelle aux articles 17 et/ou 21 de la loi du 18 juillet 2018, la superposition de leur parcelle d’une ZAD – zone qui aurait pour vocation de freiner le développement d’une ou plusieurs parcelles tant que l’interdiction d’y bâtir ne serait pas levée par le conseil communal – n’aurait aucun lien avec des considérations environnementales, de sorte à ne pas se justifier.
Ils réitèrent ensuite les arguments qu’ils auraient fait valoir auprès du ministre pour critiquer la superposition de la partie constructible de leur parcelle d’une ZAD, à savoir le fait (i) que dans tous les cas, avant de pouvoir urbaniser ladite partie constructible de la parcelle et, ainsi, détruire le biotope y situé, ils nécessiteraient une autorisation du ministre ayant l’Environnement dans ses attributions, auquel cas ils procèderaient aux études diagnostiques qui seraient imposées par ce ministre, (ii) qu’il ne serait pas logique que la commune ait, d’une part, décidé de considérer leurs objections comme fondées, en réintégrant leur parcelle pour partie en zone constructible, pour ensuite, d’autre part, « y interdire toute constructibilité » par le biais de la mise en place d’une ZAD, laquelle aurait généralement comme but d’éviter un accroissement soudain de la population impactant négativement les infrastructures, réseaux et équipements publics, (iii) qu’il serait toutefois un fait qu’en l’espèce, la partie constructible de la parcelle litigieuse serait d’une « envergure modeste », de sorte que la réalisation de « quelques » maisons supplémentaires sur cette partie de la parcelle n’aurait aucune incidence significative sur les infrastructures publiques communales, (iv) que tout risque d’un éventuel développement « rapide », voire « désordonné » de la localité de Born serait exclu, dans la mesure où, d’un côté, cette localité serait entièrement entourée de la zone Natura 2000, formant une sorte de « frontière naturelle à l’urbanisation », et, d’un autre côté, « la majeure partie de la localité en « … » » serait concernée par les « cartes de zone inondable version 2021 », les inondations de juillet 2021 ayant démontré la nécessité de ne plus envisager ces terrains de la « … » de cette localité comme possibles surfaces à bâtir et, enfin, (v) qu’au vu du fait que leur parcelle n’aurait pas été classée dans une zone de réserve foncière dans le cadre de l’ancien PAG et de l’actuelle crise de logement, des arguments particulièrement forts devraient être à la base de la superposition de la partie constructible de leur parcelle d’une ZAD dans le cadre du PAG litigieux, arguments qui feraient défaut en l’espèce.
Les demandeurs continuent en affirmant que si le caractère non aedificandi de leur parcelle était modéré par le fait qu’il ne serait en principe que provisoire et qu’il pourrait être levé par le conseil communal, une telle faculté, dénuée de tout critère précis ou de condition déterminée, s’apparenterait toutefois à un pouvoir discrétionnaire du conseil communal, dans la mesure où ils ne seraient pas en mesure de vérifier, le cas échéant, la légalité d’un refus du conseil communal relatif à une demande de lever le statut de ZAD.
En se prévalant d’un arrêt de la Cour administrative du 3 février 2022, inscrit sous le numéro 46562C du rôle, les demandeurs estiment que le conseil communal aurait, en l’espèce, dépassé sa marge d’appréciation en décidant, sans la moindre justification, de superposer la partie constructible de la parcelle litigieuse d’une ZAD, alors même qu’elle aurait déjà été superposée d’une zone soumise à un PAP NQ et de diverses « servitudes de type environnemental » de nature à répondre aux préoccupations communales concernant le biotope présent sur les lieux.
Les demandeurs estiment qu’étant donné qu’une parcelle superposée d’une ZAD serait frappée d’une interdiction de bâtir, cette zone constituerait, sur le plan juridique, une zone non constructible jusqu’à la prise de décision de levée de ladite ZAD par le conseil communal dans le cadre d’une modification ponctuelle du PAG, de sorte que « la situation juridique de la parcelle » litigieuse serait « pire qu’une zone verte ». En effet, dans une zone verte, la réalisation de nouvelles constructions agricoles, sylvicoles, maraîchères, piscicoles, d’utilité publique, etc. serait admise, tandis que dans le cadre d’une ZAD, et au vu du fait qu’elle constituerait une réserve foncière, elle serait caractérisée par une interdiction de construire « à moyen ou long terme ».
Les demandeurs avancent ensuite qu’en vertu de la jurisprudence, le reclassement d’une zone constructible vers une zone non constructible devrait faire l’objet d’une motivation spéciale, motivation qui ferait toutefois défaut en l’espèce. A cet égard, ils font valoir que le ministre n’aurait, dans la décision déférée, fourni aucun motif justifiant la superposition de la partie constructible de la parcelle litigieuse d’une ZAD. En effet, les seuls arguments avancés par celui-ci dans la décision en question auraient trait à des motifs environnementaux et auraient uniquement pour objet de justifier le refus du classement de l’intégralité de la parcelle litigieuse en zone constructible. Bien que le ministre aurait, dans ce contexte, encore mis en avant un argument lié à la « topographie des lieux », en ce que la parcelle litigieuse se situerait à un « niveau d’altitude supérieur à 160 mètres », les demandeurs réfutent toutefois cet argument en se basant sur l’arrêt, précité, de la Cour administrative du 3 février 2022, en soutenant que l’argument ministériel relatif à la topographie de la parcelle litigieuse ne serait pas de nature à justifier la superposition d’une partie de celle-ci d’une ZAD, alors que cet argument ne serait, en tout état de cause, pas fondé, en raison du fait que toute la localité de Born présenterait un profil en pente descendante constante vers la Sûre. D’autres terrains bâtis ou à bâtir de cette localité seraient, par ailleurs, dotés de pentes plus raides que le leur. Les demandeurs en concluent que leur droit de propriété aurait été fortement limité, sans que la moindre justification tangible, objective et rationnelle par rapport à l’objectif de la ZAD ne leur aurait été soumise, ce qui engendrerait une violation de l’article 16 de la Constitution, ainsi que de l’article 1er du premier Protocole dans leur chef.
Les demandeurs invoquent en deuxième lieu une violation des dispositions contenues dans la loi du 22 mai 2008 en précisant, par référence à un arrêt de la Cour administrative du 15 décembre 2016, inscrit sous le numéro 38139C du rôle, que les justifications avancées par le ministre dans la décision déférée, relatives à l’absence de réalisation d’une étude environnementale sur leur parcelle, ne sauraient, en tout état de cause, justifier ni le classement de ladite parcelle en zone verte, tel qu’initialement prévu, ni, par ailleurs, la superposition de la partie constructible de celle-ci d’une ZAD. Ils avancent également que l’urbanisation d’un terrain en pente ne serait pas ipso facto négative pour le paysage, mais pourrait, au contraire, constituer, en fonction de l’architecture des bâtiments projetés, une plus-value si elle répondait aux conditions spécifiques de l’architecture en pente. Selon les demandeurs, la superposition d’une partie de leur parcelle d’une ZAD ne pourrait pas se justifier pour combler les lacunes de l’administration communale, à laquelle il aurait appartenu d’élaborer une étude environnementale « pour le projet de PAG dans sa globalité », tel que prévu à l’article 2 de la loi du 22 mai 2008.
Dans leur mémoire en réplique, les demandeurs maintiennent, en substance, leurs développements antérieurs, tout en relevant que la partie étatique, afin de justifier la superposition de la partie constructible de leur parcelle d’une ZAD, continuerait à présenter des arguments abstraits, stéréotypés et établis « pour les besoins de la cause ». Elle se bornerait, en effet, à communiquer une carte du potentiel foncier de la localité de Born, telle que reprise dans l’étude préparatoire, de laquelle aucune conclusion ne se dégagerait, alors que cette carte témoignerait, en réalité, du peu de terrains disponibles dans ladite localité permettant encore de réaliser des projets immobiliers, ladite localité étant entourée par la zone Natura 2000, zone qu’il conviendrait, selon la partie étatique, d’éviter d’urbaniser. Il s’ensuivrait que leur parcelle serait une des seules parcelles encore constructibles dans la localité de Born.
Les demandeurs se questionnent encore quant à l’explication à donner au fait que la commune ait, après avoir renoncé au reclassement de l’intégralité de la parcelle litigieuse en zone verte, décidé de superposer une partie de celle-ci d’une ZAD.
Ils rappellent finalement que si, sous l’empire de l’ancien PAG, leur parcelle avait été directement constructible après l’adoption d’un PAP, tel ne serait plus le cas alors qu’elle serait désormais grevée d’une interdiction de bâtir pour les « 6, 12, 18 prochaines années ou plus ».
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet de ce moyen pris dans ses différentes branches, pour être non fondé.
Analyse du tribunal Le tribunal est tout d’abord amené à relever qu’il n’est pas tenu par l’ordre des moyens, tel que présenté par les demandeurs, mais il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
i. Quant au reproche tenant à l’absence de motifs, notamment d’utilité publique, pouvant justifier la superposition d’une partie de la parcelle (P1) d’une ZAD En ce qui concerne le régime juridique découlant du classement litigieux de la partie sud-est de la parcelle (P1) en ZAD, il est constant en cause que l’article 24 de la partie écrite du PAG est libellé comme suit :
« Art. 24 ZONES D’AMÉNAGEMENT DIFFÉRÉ Les zones d’aménagement différé constituent des zones superposées, frappées d’une interdiction temporaire de construction et d’aménagement. Seules peuvent y être autorisés des dépendances et aménagements de faible envergure, c’est-à-dire d’une superficie maximale de 12m2, ainsi que des équipements publics et collectifs relatifs à la télécommunication, l’approvisionnement en eau potable et en énergie et à l’évacuation des eaux résiduaires et pluviales.
Elles constituent en principe des réserves foncières destinées à être urbanisées à moyen ou long terme.
La décision de lever le statut de la « zone d’aménagement différé » fait l’objet d’une procédure de modification du plan d’aménagement général. ».
L’article 9 de la loi du 19 juillet 2004 prévoit qu’entre autres, le contenu des parties graphique et écrite du PAG est arrêté par règlement grand-ducal.
En application de cette disposition légale, a été adopté le règlement grand-ducal modifié du 8 mars 2017 concernant le contenu du plan d’aménagement général d’une commune, disposant dans son article 28 inscrit sous la section 4 dudit règlement grand-ducal, intitulée « Les zones superposées » que : « Les zones d’aménagement différé constituent des zones superposées, frappées d’une interdiction temporaire de construction et d’aménagement. Seules peuvent y être autorisés des dépendances et aménagements de faible envergure ainsi que des équipements publics et collectifs relatifs à la télécommunication, l’approvisionnement en eau potable et en énergie et à l’évacuation des eaux résiduaires et pluviales.
Elles constituent en principe des réserves foncières destinées à être urbanisées à moyen ou long terme.
La décision de lever le statut de la zone d’aménagement différé fait l’objet d’une procédure de modification du plan d’aménagement général. ».
En l’espèce, le tribunal relève qu’il apparaît à la lecture de la décision ministérielle du 22 novembre 2022, prise en complément à la décision ministérielle du 27 juillet 2022, les deux décisions formant un tout et entérinant le choix communal de superposer la partie constructible de la parcelle (P1) d’une ZAD, que le ministre a motivé sa décision par le « potentiel de développement assez élevé » de la localité de Born.
A l’instar de la partie étatique, le tribunal constate qu’il se dégage de la fiche de présentation relative à la refonte du PAG que la localité de Born, qui comptait 398 habitants au moment de la réalisation de l’étude préparatoire, peut désormais accueillir un nombre supplémentaire de 314 habitants sous le projet de PAG refondu, de sorte à présenter un accroissement potentiel de la population de cette localité de 78,89%.
Eu égard au potentiel de développement démographique important de la localité de Born, l’autorité communale est donc légitimement justifiée à contrôler la croissance de sa population par différents outils urbanistiques, et ce, notamment en privilégiant le développement prioritaire de parcelles situées à une position centrale de la localité en question et en superposant les parcelles situées plus à l’extrémité de cette même localité d’une ZAD.
Cette méthode permet, en effet, à la commune de diriger le développement de cette localité d’une petite taille à caractère rural. Ainsi, l’argumentation des demandeurs relative à l’envergure modeste de la partie constructible de leur parcelle en ce qu’elle ne permettrait que la réalisation de quelques maisons supplémentaires, de sorte à n’avoir aucune incidence significative sur les infrastructures publiques, ainsi que celle relative à une éventuelle crise du logement tombent d’ores et déjà à faux.
Le tribunal constate également qu’il ressort de l’étude préparatoire, et plus particulièrement de la carte relative au potentiel foncier du projet de PAG refondu litigieux renseignant tous les sites de la localité de Born pouvant encore être développés, que la majorité de ces sites est située de manière plus centrale dans ladite localité que la parcelle des consorts (AB), laquelle se situe à l’entrée nord de cette localité.
Il se dégage encore de l’étude préparatoire, et plus particulièrement du schéma directeur BN02- « … », auquel la partie constructible de la parcelle litigieuse est soumise, que celle-ci est située dans une surface verte d’environ 0,59 ha, entourée d’un parc privé et de constructions isolées au sud-est, ainsi que d’une maison plurifamiliale et de constructions agricoles au sud-
ouest. Le schéma directeur relatif au PAP NQ BN02- « … » indique encore comme enjeu urbanistique la prise en compte de la pente du terrain d’environ 15% vers le nord-ouest. Suivant les explications exhaustives de la partie étatique, la partie de la localité de Born à laquelle la priorité de développement a finalement été accordée, se situe, au contraire, tel que cela ressort de la partie graphique du PAG, dans la zone soumise au PAP NQ BN01- « … » – et non pas dans la « … » de la localité de Born –, zone la plus centrale de l’ancienne commune de Mompach et située également à l’heure actuelle en position centrale de ladite localité. Cette zone soumise au PAP NQ BN01- « … » dispose, selon le schéma directeur y relatif, d’une surface d’environ 1,27 ha et se situe dans le noyau du village de la localité de Born dans un environnement déjà construit, avec des constructions agricoles et des maisons unifamiliales soit nouvelles, soit de valeur historique, présentant une pente montant vers l’ouest d’environ 11%.
Au vu de ces considérations et d’un accroissement potentiel de la population de 78,89% de la localité de Born, le tribunal est amené à retenir qu’afin de permettre à cette localité de se développer de manière cohérente et au vu de la situation de la parcelle litigieuse à l’extrémité de cette localité, et donc de son noyau, de même qu’en raison de la pente plus importante de la parcelle (P1) par rapport à d’autres parcelles, dont celles de la zone superposée du PAP NQ BN01- « … », ainsi que de la typologie des constructions avoisinantes à la parcelle en cause, c’est sans dépasser sa marge d’appréciation et en conformité avec les objectifs d’intérêt général au sens de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, à savoir plus particulièrement un développement harmonieux à travers une utilisation rationnelle du sol et de l’espace urbain de la localité de Born, que le ministre a décidé d’entériner le choix communal de superposer la partie constructible de la parcelle (P1) d’une ZAD.
Dans la mesure où le tribunal vient de conclure que la superposition de la partie constructible de la parcelle litigieuse d’une ZAD est justifiée à suffisance au regard de considérations urbanistiques tenant à un potentiel de développement assez élevé, mises en avant à la base du choix communal tel qu’entériné par le ministre, il devient surabondant d’analyser les reproches dirigés par les demandeurs à l’encontre des autres motifs, notamment d’ordre environnemental et paysager, avancés pour justifier la superposition d’une ZAD à l’endroit litigieux, respectivement les reproches tenant à l’absence d’élaboration d’une étude environnementale conformément à la loi du 22 mai 2008.
Le moyen ayant trait à une absence de justification suffisante de la superposition de la partie constructible de la parcelle (P1) d’une ZAD est dès lors à rejeter.
ii. Quant au moyen relatif à une prétendue violation du droit de propriété En ce qui concerne la prétendue violation du droit de propriété des demandeurs, il échet de relever que l’article 16 de la Constitution, tel qu’applicable dans sa version en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses, dispose que : « Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et moyennant juste indemnité, dans les cas et de manière établis par la loi. ».
Aux termes de l’article 1er du premier Protocole, intitulé : « Protection de la propriété » « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou des amendes. ».
L’article 16 de la Constitution concerne l’expropriation, tandis que l’article 1er du premier Protocole prévoit deux types de limites au droit de propriété, à savoir, en son alinéa 1er, l’expropriation et, en son alinéa 2, la réglementation de l’usage des biens.
Force est en l’espèce en premier lieu de constater qu’aucun transfert de propriété de la partie litigieuse de la parcelle des demandeurs n’a été décidé ou ne s’est opéré, de sorte qu’en principe, aucune expropriation au sens de l’article 16 de la Constitution et de l’article 1er du premier Protocole ne peut être constatée.
Le tribunal constate ensuite qu’il est vrai que l’article 24 de la partie écrite du PAG relatif à la ZAD limite l’usage de la propriété des demandeurs en ce que « Les zones d’aménagement différé constituent des zones superposées, frappées d’une interdiction temporaire de construction et d’aménagement. Seules peuvent y être autorisés des dépendances et aménagements de faible envergure, c’est-à-dire d’une superficie maximale de 12m2, ainsi que des équipements publics et collectifs relatifs à la télécommunication, l’approvisionnement en eau potable et en énergie et à l’évacuation des eaux résiduaires et pluviales.
Elles constituent en principe des réserves foncières destinées à être urbanisées à moyen ou long terme.
La décision de lever le statut de la « zone d’aménagement différé » fait l’objet d’une procédure de modification du plan d’aménagement général. ».
Dans le contexte de telles servitudes d’urbanisme imposées par les plans d’aménagement, la Cour constitutionnelle a consacré dans le cadre de l’arrêt rendu en date du 4 octobre 201314, le principe de la mutabilité des PAG, tout en soulignant que le juge administratif n’était pas autorisé à sanctionner un reclassement d’un terrain précédemment classé en zone constructible en zone non constructible, mais que les propriétaires concernés pouvaient se pourvoir, le cas échéant, devant le juge judiciaire en vue de l’allocation d’une indemnité éventuelle. Ceci étant dit, la Cour a déclaré contraires à l’article 16 de la Constitution les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 posant en principe que les servitudes résultant d’un PAG n’ouvrent droit à aucune indemnité et prévoyant des exceptions à ce principe qui ne couvrent pas toutes les hypothèses dans lesquelles la privation de la jouissance du terrain frappé par une telle servitude est hors de proportion avec l’utilité publique. Dans le même arrêt, la Cour constitutionnelle a réaffirmé la considération qu’elle avait retenue dans son arrêt du 26 septembre 200815, selon laquelle un changement dans les attributs de la propriété, qui est à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels, peut constituer une expropriation.
Deux conclusions s’imposent donc. D’une part, l’article 16 de la Constitution n’érige pas de manière générale le droit de propriété en matière réservée à la loi, mais se limite à interdire l’expropriation autrement que pour cause d’utilité publique, moyennant juste indemnité et dans les cas et de la manière établis par la loi, de sorte que seule l’expropriation constitue une matière réservée à la loi, étant précisé, dans ce contexte, qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle qu’un changement dans les attributs de la propriété qui est à tel point essentiel qu’il prive le propriétaire de ses aspects essentiels peut constituer une expropriation16. Cependant, étant donné que les dispositions de la loi du 19 juillet 2004 n’autorisent pas les autorités communales à prendre des règlements en matière d’expropriation, mais seulement à réglementer l’usage des biens, notamment, par le biais de mesures destinées à protéger les sites et monuments, respectivement le caractère harmonieux d’un quartier ou d’une partie de quartier, et que la réglementation de l’usage des biens n’est pas une matière réservée à la loi par la Constitution, ces dispositions légales ne se heurtent manifestement pas à l’article 16 de la Constitution, ni d’ailleurs à l’article 32 (3) de la Constitution, tel qu’applicable dans sa version en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses.
D’autre part, la Cour constitutionnelle n’a pas retenu que, de manière générale, toute servitude d’urbanisme constituait une expropriation, mais elle a en revanche retenu de manière nuancée que seul un changement dans les attributs de la propriété à tel point substantiel qu’il prive celle-ci d’un de ses aspects essentiels peut constituer une expropriation. Cette nuance a, d’ailleurs, bien été relevée par le Conseil d’Etat dans son avis du 18 novembre 2014 par rapport au projet de loi relatif à la modification de la loi du 30 juillet 2013 concernant l’aménagement du territoire17.
14 Cour const., 4 octobre 2013, n° 00101 du registre.
15 Cour const., 26 septembre 2008, n° 00046 du registre.
16 Cour const., 26 septembre 2008, n° 00046 du registre et Cour const., 4 octobre 2013, n° 00101 du registre.
17 Conseil d’Etat, avis n° 50.683, disponible sur http://www.conseil-etat.public.lu/fr.
En l’espèce, il convient de relever, en ce qui concerne la superposition de la partie constructible de la parcelle (P1) d’une ZAD, que tant l’article 28 du règlement grand-ducal du 8 mars 2017, cité ci-avant, que l’article 24 de la partie écrite du PAG, cité également ci-avant, disposent que : « Les zones d’aménagement différé constituent des zones superposées, frappées d’une interdiction temporaire de construction et d’aménagement. ».
Il en ressort que la zone litigieuse ne fait que soumettre les fonds concernés à des interdictions temporaires.
Ainsi, et s’il est certes vrai que la ZAD en question affecte le droit de propriété des demandeurs, ce classement n’entrave cependant pas les attributs du droit de propriété d’une manière telle que la limitation opérée puisse être qualifiée d’équivalente à une expropriation, alors qu’elle n’est que temporaire et par ailleurs conforme aux objectifs d’intérêt général inscrits à l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004, tel que retenu ci-avant, étant relevé qu’au vu de la solution dégagée par la Cour constitutionnelle, il n’appartient pas au juge administratif de sanctionner le reclassement éventuel d’un terrain d’une zone constructible en zone non constructible et ainsi a fortiori non plus le classement d’une parcelle constructible en une zone subordonnée à certaines conditions, pour autant, évidemment, que le classement ait été effectué dans un but d’intérêt général.
La superposition sur la partie de la parcelle litigieuse d’une ZAD n’est dès lors pas à considérer comme équivalente à une expropriation et ne tombe par conséquent pas dans le champ d’application de l’article 16 de la Constitution, tel qu’applicable dans sa version en vigueur au moment de la prise des décisions litigieuses, ni de l’article 1er, alinéa 1er du Premier protocole.
Toutefois, dans la mesure où, tel que le tribunal vient de le constater, la superposition d’une ZAD implique une certaine limitation de l’usage du bien immobilier en question, il y a lieu d’analyser si cette limitation est conforme aux exigences de l’alinéa 2 de l’article 1er du Premier protocole, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’Homme (« CourEDH »).
Il ressort du libellé même de l’article 1er, alinéa 2 du premier Protocole qu’une restriction de l’usage de la propriété doit être prévue par la loi. Il se dégage à cet égard de la jurisprudence constante de la CourEDH, que la « loi », au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, ne vise pas une loi au sens formel du terme, mais englobe le droit écrit et le droit non écrit et qu’une ingérence est « prévue par la loi », si elle a une base en droit interne. Il faut encore que la « loi » soit suffisamment accessible : le citoyen doit pouvoir disposer de renseignements suffisants, dans les circonstances de la cause, sur les normes juridiques applicables à un cas donné. En second lieu, ne peut être considérée comme « loi » qu’une norme énoncée avec assez de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite. En s’entourant au besoin de conseils éclairés, il doit être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à dériver d’un acte déterminé18.
En l’espèce, les limitations portées au droit de propriété sont à considérer comme étant prévues par la « loi », au sens de la jurisprudence de la CourEDH. En effet, la superposition 18 Voir, entre autres : CourEDH, 2 août 1984, affaire Malone c. Royaume-Uni, Requête n° 8691/79, n° 66.
d’une partie de la parcelle des demandeurs d’une ZAD est opérée par le PAG. Un PAG constitue un acte à caractère normatif adopté conformément au cadre juridique tracé, notamment, par la Constitution et par la loi du 19 juillet 2004. L’ingérence dans le droit de propriété dispose donc bien d’une base en droit interne. Par ailleurs, la disposition normative qui prévoit les restrictions litigieuses au droit de propriété est suffisamment accessible, compte tenu, d’une part, de la publication au Mémorial de l’ensemble des textes normatifs sur base desquels le PAG a été élaboré et, d’autre part, du fait qu’en vertu de l’article 82 de la loi communale modifiée du 13 décembre 1988, le texte des règlements du conseil communal ou du collège échevinal, tels que le PAG « […] est à la disposition du public, à la maison communale, où il peut en être pris copie sans déplacement, le cas échéant contre remboursement […] ». Quant au critère de précision, force est au tribunal de constater que le libellé de l’article 24 de la partie écrite du PAG est sans équivoque en ce qu’il consacre la définition ainsi que les affectations et les spécificités de la ZAD. Par ailleurs, une prévisibilité absolue n’est pas requise par la jurisprudence de la CourEDH. Le tribunal déduit de ces considérations que les restrictions litigieuses portées au droit de propriété des demandeurs résultent d’une « loi », au sens de disposition normative, suffisamment précise et accessible, conformément aux exigences se dégageant de la jurisprudence de la CourEDH.
Par ailleurs, la condition selon laquelle une réglementation de l’usage des biens doit être conforme à l’intérêt général, telle qu’inscrite à l’alinéa 2 de l’article 1er du premier Protocole, est également remplie en l’espèce, le tribunal venant de retenir que la décision déférée répond à une finalité d’intérêt général, à savoir un développement harmonieux à travers une utilisation rationnelle du sol et de l’espace urbain de la commune de Rosport-Mompach, et plus particulièrement de la localité de Born, de sorte que les contestations afférentes des demandeurs sont à rejeter.
Enfin, et pour être tout à fait complet, il n’apparaît pas non plus dans quelle mesure, en l’espèce, l’ingérence portée à l’usage que les demandeurs peuvent faire de leur propriété, en termes de contraintes découlant du classement litigieux serait disproportionnée par rapport au but d’intérêt général recherché à travers la décision litigieuse, à savoir un développement harmonieux à travers une utilisation rationnelle du sol, tels que prévus aux points a) et b) de l’article 2 de la loi du 19 juillet 2004.
Il n’y a, dès lors, pas eu de violation des exigences de l’alinéa 2 de l’article 1er du premier Protocole.
Il suit des considérations qui précèdent que le moyen tiré d’une violation du droit de propriété est à rejeter pour ne pas être fondé.
Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, et en l’absence d’autres moyens, il y a lieu de rejeter le recours en annulation sous analyse pour ne pas être fondé.
IV. Quant à l’indemnité de procédure Les demandeurs sollicitent la condamnation de l’Etat à leur payer une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- euros sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives. Cette demande est à rejeter au vu de l’issue du litige.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties ;
reçoit le recours en annulation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
rejette la demande tendant à l’octroi d’une indemnité de procédure d’un montant de 5.000.- euros, telle que formulée par les demandeurs ;
condamne les demandeurs aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, Caroline Weyland, premier juge, et lu à l’audience publique du 3 février 2025 par le vice-président, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 23