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15/01/2025 | LUXEMBOURG | N°48572

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 15 janvier 2025, 48572


Tribunal administratif N° 48572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48572 5e chambre Inscrit le 22 février 2023 Audience publique du 15 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48572 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 février 2023 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, assisté de Maître Jacob BENSOUSSAN, avocat, inscrits au tableau de l’Ordre des avocats Ã

  Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant principalement à la...

Tribunal administratif N° 48572 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2025:48572 5e chambre Inscrit le 22 février 2023 Audience publique du 15 janvier 2025 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, en matière de permis de conduire

JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 48572 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 22 février 2023 par Maître Michel KARP, avocat à la Cour, assisté de Maître Jacob BENSOUSSAN, avocat, inscrits au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation sinon subsidiairement à l’annulation d’une décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 23 janvier 2023 ayant refusé « la demande en obtention d’un permis de conduire luxembourgeois par la voie de la transcription présenté à la SNCA en date du 14 décembre 2022 » ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 17 mai 2023 ;

Vu le mémoire en réplique déposé le 15 juin 2023 au greffe du tribunal administratif par Maître Michel KARP pour le compte de Monsieur (A) ;

Vu les pièces versées en cause et notamment la décision déférée ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Elena FROLOVA, en remplacement de Maître Michel KARP, et Monsieur le délégué du gouvernement Felipe LORENZO en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 25 septembre 2024.

Monsieur (A) est titulaire d’un permis de conduire émis en date du … juin 2012 par les autorités israéliennes et valable jusqu’au … juin 2022. Le … juillet 2022, les autorités israéliennes émirent un permis de conduire au nom de Monsieur (A) valable jusqu’au … juin 2058.

En date du 14 décembre 2022, Monsieur (A) introduisit auprès du ministère de la Mobilité et des Travaux publics, une demande de transcription de son permis de conduire émis par les autorités israéliennes en permis de conduire luxembourgeois.

Par courrier du 15 décembre 2002, le Service permis de conduire du Ministère de la Mobilité et des Travaux publics, Département de la mobilité et des transports, désigné ci-après par le « Service permis de conduire », informa Monsieur (A) qu’il ne pouvait pas être fait droit à sa demande de transcription de son permis de conduire. Ledit courrier est libellé comme suit :

« (…) Votre demande citée en objet nous est bien parvenue et a retenue toute notre attention.

Malheureusement, il résulte des documents annexés à la demande, que la validité des catégories du permis de conduire en question était déjà arrivée à échéance le jour du dépôt de votre demande en transcription.

Or, en vertu des dispositions de l'article 84 de l'arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques (Code de la Route), la reconnaissance d'un permis de conduire étranger en permis de conduire luxembourgeois ne peut être effectuée que sur base d'un permis de conduire valide.

Il en résulte que votre demande de transcription ne peut être acceptée que sous condition que vous réussissiez un examen de contrôle théorique et pratique.

Veuillez noter que si vous deviez échouer à l'examen cité ci-dessus, vous devrez suivre les heures d'apprentissage telles que prévues par la réglementation, afin de pouvoir vous représenter audit examen.

Afin de pouvoir établir un certificat d'apprentissage, nous vous prions de nous transmettre les pièces justificatives manquantes listées dans notre courrier ci-annexé. (…) ».

Par courrier de son litismandataire du 18 janvier 2023, Monsieur (A) fit introduire un recours gracieux contre le courrier précité du Service permis de conduire auprès du ministre de la Mobilité et des Travaux publics, ci-après désigné par le « ministre ».

Par décision du 23 janvier 2023, le ministre refusa de faire droit à la demande de Monsieur (A) en obtention d’un permis de conduire luxembourgeois par voie de transcription de son permis de conduire israélien, aux motifs suivants :

« (…) Faisant suite à votre courrier du 18 janvier 2023 concernant le sujet sous rubrique, je me permets de vous informer que votre mandant réside au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 7 février 2022 et qu'il a présenté à la SNCA une demande en obtention d'un permis de conduire luxembourgeois par la voie de transcription en date du … décembre 2022.

Partant, il a présenté une copie de son permis de conduire israélien établi le … juillet 2022 et valable jusqu'au … juin 2058, ainsi qu'une copie de son permis de conduire israélien établi le … juin 2012 et valable jusqu'au … juin 2022.

Par la suite, votre mandant a été informé par courrier du 15 décembre 2022 que la transcription de son permis de conduire israélien requiert la réussite à un examen de contrôle théorique et pratique.

Après avoir revu l'ensemble du dossier, permettez-moi de vous informer que les dispositions légales en la matière, en l'occurrence l'article 84 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, prévoient que la transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d'un pays tiers à l'Espace Economique Européen est subordonnée à la condition pour son titulaire d'avoir 2 résidé ou d'avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire.

Comme votre mandant n'est devenu résident luxembourgeois qu'en date du 12 avril 2022, tandis que son dernier permis de conduire israélien ne lui a été délivré qu'en date du … juillet 2022, je me dois de vous informer que même s'il s'agit d'un renouvellement, ce dernier permis a été délivré par les autorités d'un pays tiers à l'Espace Economique Européen, en l'occurrence l'Israël, alors que votre mandant résidait officiellement au Grand-Duché de Luxembourg de sorte que la transcription de ce document doit être refusée.

Je saisis l'occasion pour vous informer que le permis de conduire israélien établi le … juillet 2022 n'est pas reconnu sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg et que, par conséquent, le droit de conduire de votre mandant n'est actuellement pas donné.

Néanmoins, je tiens à vous informer que le permis de conduire israélien délivré à votre mandant en date du … juin 2012 peut faire l'objet d'une transcription, pourtant les dispositions légales en la matière, en l'occurrence l'article 84 de l'arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, prévoient que la transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d'un pays tiers à l'Espace Economique Européen qui ne sont pas en cours de validité le jour du dépôt de la demande requiert la réussite à un examen de contrôle théorique et pratique.

Au vu du fait que les dispositions légales en la matière sont d'application stricte, ne laissant aucune marge d'appréciation, je suis au regret de vous informer que je me dois, dès lors, de confirmer la décision du 15 décembre 2022 subordonnant la délivrance d'un permis de conduire luxembourgeois à votre mandant par la voie de transcription de son permis de conduire israélien à la réussite d'un examen de contrôle théorique et pratique. (…) ».

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 22 février 2023, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision ministérielle précitée du 23 janvier 2023 portant rejet de sa demande en obtention d’un permis de conduire luxembourgeois par voie de transcription de son permis de conduire israélien.

I.

Quant à la compétence du tribunal ainsi qu’à la recevabilité du recours Etant donné que ni la loi modifiée du 14 février 1955 concernant la réglementation de la circulation sur toutes les voies publiques, désignée ci-après par « la loi du 14 février 1955 », ni l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques, ci-après désigné par « l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 », ni aucune autre disposition légale, ne prévoient de recours en réformation en la présente matière, le tribunal est incompétent pour connaître du recours principal en réformation. Il est, en revanche, compétent pour connaître du recours subsidiaire en annulation, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.

II.

Quant au fond Moyens et arguments des parties A l’appui de son recours, le demandeur, après avoir rappelé les faits et rétroactes, tel que retranscrits ci-avant, argumente qu’il y aurait une juxtaposition entre la loi luxembourgeoise laquelle exigerait la transcription d’un permis de conduire étranger et la loi israélienne laquelle imposerait le renouvellement du permis de conduire. Il développe son argumentation en précisant qu’en application de l’article 84, paragrahe (2) de l’arrêté grand-

ducal du 23 novembre 1955, il aurait dû attendre d’avoir résidé au moins 185 jours au Luxembourg, soit, en l’occurrence, jusqu’au 1er août 2022, avant de pouvoir solliciter la transcription de son permis de conduire israélien en permis de conduire luxembourgeois.

Parallèlement, toutefois, il aurait été obligé en vertu de la loi israélienne de procéder au renouvellement de son permis de conduire en date du … juin 2022. La prolongation de la validité de son permis de conduire israélien aurait donc été effectuée le … juillet 2022 par les autorités israéliennes « par le biais » d’un renouvellement. Cette procédure n’aurait cependant « nullement impacté la validité » de son permis de conduire. Il ne se serait, en effet, agi que d’une simple prolongation de la validité du permis de conduire délivré le … juin 2012. Ainsi, le numéro de permis inscrit sur le permis délivré le … juin 2012 serait exactement le même que le numéro de permis indiqué sur le permis délivrée le … juillet 2022, à savoir le …. Le fait que le numéro du permis n’aurait pas changé attesterait que la prolongation de validité ne constituerait qu’une simple formalité administrative en Israël. D’ailleurs, l’exigence de cette formalité de prolongation de validité du permis de conduire aurait été complètement supprimée par la loi israélienne en 2021, ce qui prouverait bien l’absence complète de conséquences y attachées. Le demandeur conclut que le ministre aurait commis une erreur d’appréciation en estimant que son permis de conduire n’aurait plus été valide au moment de l’introduction de la demande de transcription dudit permis en permis de conduire luxembourgeois.

Enfin, le demandeur ajoute qu’il aurait véritablement besoin de son permis de conduire tant pour se rendre à son poste de travail que pour pouvoir exercer son activité de professionnel de commercial de services satellites dans le domaine des médias. Dans le cadre de son activité, il serait, ainsi, amené à se déplacer auprès de ses clients dans différentes villes luxembourgeoises mais aussi françaises ainsi que de se rendre à différents salons professionnels en Belgique, en Allemagne ou encore en France. Il ajoute qu’il n’aurait de surcroit, pas de famille au Luxembourg, de sorte qu’il devrait disposer de son permis de conduire pour visiter ses proches résidants en France.

Le délégué du gouvernement répond que la décision déférée trouverait son fondement juridique dans l'article 84, paragraphe (2) de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, selon lequel la transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d'un pays tiers à l'Espace Économique Européen et lesquels ne seraient plus en cours de validité au jour du dépôt de la demande serait subordonnée à la réussite à un examen de contrôle.

En l’espèce, le demandeur résiderait au Luxembourg, de façon permanente, depuis le 7 février 2022. Lors de son arrivée au Luxembourg, il aurait été en possession d’un permis de conduire israélien délivré le … juin 2012 et valable jusqu’au … juin 2022. Etant donné que la demande expresse de transcription dudit permis n’aurait été introduite qu’en date du 14 décembre 2022 au moment où le permis aurait d’ores et déjà été périmé, il ne pourrait faire l’objet d’une transcription que sous condition que le demandeur réussisse à un examen de contrôle.

Le délégué du gouvernement ajoute que la transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l'Espace Économique Européen serait encore subordonnée à la condition pour son titulaire d’avoir résidé ou d’avoir été inscrit comme étudiant pendant 185jours dans le pays de délivrance du permis de conduire. Le permis de conduire renouvelé en date du … juillet 2022 ne pourrait partant pas non plus être reconnu au Luxembourg étant donné qu’au moment dudit renouvellement par les autorités israéliennes, le demandeur n’aurait pas résidé depuis au moins 6 mois en Israël.

Selon le délégué du gouvernement, cette conclusion serait confirmée par l’article 7 de la directive 2006/126/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire, désignée ci-après par « la directive 2006/126/CE », selon lequel le renouvellement du permis de conduire au moment où sa validité administrative vient à échéance serait subordonné notamment à la condition de la résidence normale sur le territoire de l'Etat membre délivrant le permis de conduire, sinon de la preuve selon laquelle le demandeur y aurait fait des études depuis six mois au moins.

La partie étatique conteste l’argumentation du demandeur aux termes de laquelle l’émission du permis de conduire du … juillet 2022 en l’espèce ne correspondrait pas à la délivrance d’un nouveau permis mais à une simple formalité administrative. Elle explique ne pas partager le raisonnement du demandeur selon lequel la notion de « délivrance » devrait se référer à la date de première délivrance du permis de conduire et non à la date de renouvellement dudit permis.

Selon le délégué du gouvernement, la notion de « délivrance » se réfèrerait à la date d’émission du document et non à la date de la première délivrance de la catégorie. Si le législateur avait voulu se référer uniquement à la date de première délivrance dans le cadre du second paragraphe de l’article 84 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, « il aurait mis explicitement « 1ère délivrance » dans la législation au lieu de « délivrance » ».

Le délégué du gouvernement argumente encore qu’il aurait appartenu au demandeur en devenant résident luxembourgeoise le 7 février 2022 de renouveler son permis de conduire au Luxembourg moyennant la transcription de son permis de conduire du … juin 2012 pour se pourvoir d’un droit de conduire au Luxembourg. Aux yeux du délégué du gouvernement, les autorités luxembourgeoises auraient, en outre, été compétentes pour le renouvellement du permis de conduire du demandeur conformément à l’article 7 de la directive précitée et à l'article 84 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.

Le délégué du gouvernement précise que le permis de conduire israélien aurait été renouvelé le … juillet 2022 en Israël, tandis que la résidence du demandeur aurait été, de façon permanente et sans interruption, au Grand-Duché de Luxembourg depuis le 7 février 2022, selon l’inscription au registre national des personnes physiques, laquelle ferait foi en application de l’article 84 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955. Or, étant donné que le demandeur n’aurait jamais déclaré son départ vers l’étranger, ni le … juillet 2022, ni à une date ultérieure, il aurait dû être considéré comme résident luxembourgeois officiel « jusqu’à ce jour », de sorte que le permis de conduire israélien délivré le … juillet 2022 ne pourrait pas être reconnu au Luxembourg.

Le délégué du gouvernement conclut que le ministre n’aurait pas eu d’autre choix que de subordonner l’obtention du permis de conduire luxembourgeois du demandeur par la voie de transcription de son permis de conduire israélien à la réussite d’un examen de contrôle théorique et pratique.

Dans le cadre de son mémoire en réplique le demandeur maintient en substance son argumentation.

Appréciation du tribunal Le litige sous examen porte sur la question de la transcription du permis de conduire délivrée par les autorités israéliennes au demandeur en permis de conduire luxembourgeois. La question de l’échange et de la transcription de permis de conduire est réglée par l’article 84 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955.

Le tribunal étant saisi en l’espèce d’un recours en annulation, il y a lieu d’apprécier la légalité de la décision déférée en considérant la situation de droit et de fait au jour de la prise de la décision déférée. Il s’ensuit concrètement en l’espèce que la légalité de la décision déférée du 23 janvier 2023 est à apprécier en considération de la version de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 en vigueur en date du 23 janvier 2023.

Etant donné qu’il est constant en cause que l’Etat d’Israël est partie contractante de la Convention sur la circulation routière signée à Genève, le 19 septembre 1949, les dispositions de l’article 84, paragraphe (2) de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 ayant trait aux « permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace Économique Européen, correspondant aux catégories A, A2, A1, AM, B, BE ou F du permis de conduire luxembourgeois et délivrés par les autorités d’un pays qui est partie contractante de la Convention sur la circulation routière signée à Genève, le 19 septembre 1949, approuvée par la loi du 22 juillet 1952, ou de la Convention sur la circulation routière, signée à Vienne, le 8 novembre 1968 et approuvée par la loi du 27 mai 1975 », dans la version en vigueur au moment de la prise de la décision déférée, sont applicables en l’espèce.

Aux termes dudit article 84, paragraphe (2) : « (…) (2) Les permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace Économique Européen, correspondant aux catégories A, A2, A1, AM, B, BE ou F du permis de conduire luxembourgeois et délivrés par les autorités d’un pays qui est partie contractante de la Convention sur la circulation routière signée à Genève, le 19 septembre 1949, approuvée par la loi du 22 juillet 1952, ou de la Convention sur la circulation routière, signée à Vienne, le 8 novembre 1968 et approuvée par la loi du 27 mai 1975 sont transcrits en permis de conduire luxembourgeois dans les conditions suivantes :

a) Le titulaire du permis de conduire doit résider depuis au moins 185 jours au Luxembourg ;

b) Les permis de conduire présentés à la transcription doivent être en cours de validité le jour du dépôt de la demande en transcription ;

c) Le titulaire du permis de conduire ne doit pas faire l’objet d’une mesure de suspension, de retrait ou d’annulation du droit de conduire ;

d) La demande en transcription doit être déposée endéans un délai de douze mois à compter de l’établissement de la résidence du titulaire au Luxembourg.

Sans préjudice des dispositions retenues sous c), la transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace Économique Européen et qui ne sont plus en cours de validité le jour de dépôt de la demande requiert la réussite à un examen de contrôle Il en est de même pour la transcription des permis de conduire dont les demandes en transcription ont été déposées après le délai prévu sous d). (…) 6 La transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace Économique Européen est subordonnée à la condition pour son titulaire d’avoir résidé ou d’avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire. (…) ».

Il se dégage de ladite disposition légale que les permis de conduire délivrés par un pays tiers à l’Espace Économique Européen doivent notamment être en cours de validité au jour du dépôt de la demande en transcription et que le titulaire d’un tel permis doit avoir résidé ou avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire.

Le tribunal constate à titre liminaire que la particularité du recours sous examen réside dans le fait que le demandeur dispose de deux documents qualifiés de permis de conduire, l’un émis par les autorités israéliennes en date du … juin 2012 et l’autre émis par les autorités israéliennes en date du … juillet 2022.

Le ministre a refusé la transcription du permis de conduire israélien du demandeur en permis de conduire luxembourgeois sur base de deux motifs dont l’un a trait au document émis en date du … juin 2012 et l’autre au document émis en date du … juillet 2022. Ainsi, d’une part, le ministre s’est fondé en substance sur l’article 84, paragraphe (2), alinéa 1er, b) de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, pour retenir que le permis de conduire émis en date du … juin 2012 par les autorités israéliennes aurait expiré le … juin 2022, de sorte à ne plus avoir été valable au moment de l’introduction de la demande de transcription, c’est-à-dire au 14 décembre 2022, mais à pouvoir faire l’objet d’une transcription sous condition de réussir un examen de contrôle. D’autre part, le ministre s’est fondé, en substance, sur l’article 84, paragraphe (2), alinéa 8 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 en retenant que le permis de conduire émis en date du … juillet 2022 par les autorités israéliennes aurait été émis à un moment où le demandeur aurait d’ores et déjà résidé au Luxembourg, de sorte qu’il n’aurait pas résidé pendant 185 jours dans le pays de délivrance.

A cet égard, le demandeur reproche à juste titre au ministre d’avoir procédé à une appréciation erronée des dispositions susvisées dans la mesure où le demandeur, contrairement aux développements du ministre, n’est pas titulaire de deux permis de conduire différents, mais d’un seul permis de conduire dont la validité a été prolongée. Il convient en effet d’opérer une distinction entre la notion de délivrance d’un permis de conduire, au sens d’accorder l’autorisation de conduire un véhicule motorisé, et, la notion de renouveler un permis de conduire, au sens de prolonger la validité de l’autorisation d’ores et déjà accordée. Les documents intitulés « permis de conduire » délivrés à cet égard par les autorités respectivement compétentes en la matière ne sont destinés qu’à attester de la validité des autorisations de conduire émises.

En l’espèce, il ressort des explications cohérentes du demandeur ainsi que des documents versés à l’appui de ses explications qu’en date du … juin 2012, les autorités israéliennes ont procédé à la délivrance de son permis de conduire, en d’autres termes à l’émission de l’autorisation de conduire un véhicule motorisé, tandis qu’en date du … juillet 2022, elles ont procédé au renouvellement de la validité de son permis, en d’autres termes à la prolongation de la validité du permis. Il ressort à cet égard en effet des pièces soumises au tribunal que le document intitulé « Driving licence » émis en date du … juin 2012 ainsi que le document intitulé « Driving licence » émis en date du … juillet 2022, tous les deux au nom du demandeur, portent un seul et même numéro, à savoir le numéro …. Il s’ensuit qu’il s’agit biende la même autorisation de conduire délivrée en date du … juin 2012, dont la validité a été prolongée en date du … juillet 2022.

S’agissant du manquement à l’article 84, paragraphe (2), alinéa 1er, b) de l’arrêté grand- ducal du 23 novembre 1955, force est dès lors au tribunal de conclure que le ministre n’a pas pu retenir qu’au jour du dépôt par le demandeur de sa demande de transcription de son permis de conduire israélien en permis de conduire luxembourgeois, ledit permis n’était plus en cours de validité. En effet, au jour du dépôt de ladite demande, à savoir au 14 décembre 2022, le document intitulé « Driving licence » émis à l’égard du demandeur en date du … juin 2012 n’avait pas expiré, étant donné que la validité de l’autorisation de conduire à sa base avait valablement été prolongée en date du … juillet 2022 de sorte que le permis de conduire présenté à la transcription par le demandeur en date du … décembre 2022 est à considérer comme ayant été en cours de validité au jour du dépôt de la demande en transcription. Le ministre n’a partant pas valablement pu retenir le non-respect de l’article 84, paragraphe (2), alinéa 1er, b) de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 en l’espèce.

Concernant, ensuite, le manquement à l’article 84, paragraphe (2), alinéa 8 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, reproché par le ministre au demandeur, le tribunal constate de prime abord que dans sa version en vigueur au moment de la prise de la décision déférée, ledit article disposait que le titulaire du permis de conduire sollicitant la transcription de son permis devait avoir « résidé ou (…) avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire. ». Toutefois, le règlement grand-ducal du 30 janvier 2024 modifiant 1. l’arrêté grand-ducal modifié du 23 novembre 1955 portant règlement de la circulation sur toutes les voies publiques ; 2. le règlement grand-ducal modifié du 26 août 1993 relatif aux avertissements taxés, aux consignations pour contrevenants non-résidents ainsi qu’aux mesures d’exécution de la législation en matière de mise en fourrière des véhicules et en matière de permis à points ; 3. le règlement grand-ducal modifié du 2 octobre 2009 relatif aux matières enseignées dans le cadre de la qualification initiale et de la formation continue des conducteurs de certains véhicules routiers affectés aux transports de marchandises ou de voyageurs ainsi qu’aux critères d’agrément pour dispenser cet enseignement ; et 4. le règlement grand-ducal du 22 juin 2016 fixant les conditions et le modèle du certificat médical pour l’obtention, la transcription ou le renouvellement du permis de conduire, désigné ci-après par « le règlement grand-ducal du 30 janvier 2024 » est venu modifier notamment ledit article 84, paragraphe (2), alinéa 8 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 lequel dispose désormais que : « La transcription des permis de conduire délivrés par les autorités d’un pays tiers à l’Espace économique européen est refusée, si lorsqu’au moment de leur délivrance respectivement de la délivrance du document, le titulaire n’avait pas sa résidence normale ou la qualité d’étudiant pendant au moins 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire. ».

Le règlement grand-ducal du 30 janvier 2024 est partant venu préciser l’article 84, paragraphe (2), alinéa 8 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 en ajoutant que la condition de la durée de résidence normale ou d’inscription en qualité d’étudiant pendant au moins 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire, par le demandeur, est à apprécier au moment de la délivrance de l’autorisation de conduire, respectivement de la délivrance du document afférent.

Ladite précision n’ayant toutefois pas figuré dans la version de l’article 84, paragraphe (2), alinéa 8 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955 en vigueur au moment de la prise de la décision déférée, le tribunal peut d’ores et déjà retenir que le ministre n’a pas valablementpu reprocher au demandeur de ne pas avoir résidé en Israël au moment du renouvellement de son permis de conduire.

Au-delà de cette conclusion, il échet de constater en ce qui concerne le reproche d’un manquement à l’article 84, paragraphe (2), alinéa 8 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, dans sa version en vigueur au moment de la prise de la décision déférée, tel que précité, selon lequel le titulaire du permis de conduire sollicitant la transcription en permis de conduire luxembourgeois doit avoir « résidé ou (…) avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire. », qu’il ressort des documents soumis au tribunal, dont notamment un certificat de résidence ainsi qu’une déclaration d’arrivée, dressés tous les deux en date du 7 février 2022 par un agent délégué par le bourgmestre de la Ville de Luxembourg, que le demandeur a établi sa résidence à la Ville de Luxembourg à compter dudit 7 février 2022 et qu’il a précédemment résidé en Israël. Cette dernière information est corroborée par le document intitulé « Criminal information data » émis le 7 décembre 2022 par la police israélienne, et indiquant que le demandeur avait immigré en Israël en 1995 (« Year of immigration : 1995 »). Il ressort par ailleurs des explications, non contestées sur ce point, du demandeur qu’il est né en France et qu’en …, il a déménagé avec sa famille en Israël où il a vécu pendant … ans, jusqu’à son déménagement vers le Luxembourg en février 2022.

Dans la mesure où il est encore constant en cause que l’Etat d’Israël est bien le pays de délivrance du permis de conduire du demandeur, le tribunal est amené à conclure que le demandeur est à considérer comme ayant « résidé ou (…) avoir été inscrit comme étudiant pendant 185 jours dans le pays de délivrance du permis de conduire » en application de l’article 84, paragraphe (2), alinéa 8 de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955. Le ministre n’a partant pas valablement pu retenir que le demandeur ne remplissait pas les conditions énoncées audit article.

Il suit des considérations qui précèdent que le ministre n’a partant pu refuser la transcription du permis de conduire israélien du demandeur en permis de conduire luxembourgeois, ni sur base de l’article 84, paragraphe (2), alinéa 1er, b) de l’arrêté grand-ducal du 23 novembre 1955, ni sur base de l’article 84, paragraphe (2), alinéa 8 du même arrêté grand-ducal.

Le recours sous examen est partant fondé et la décision déférée du 23 janvier 2023 encourt l’annulation.

Par ces motifs, le tribunal administratif, cinquième chambre, statuant contradictoirement ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation ;

reçoit le recours subsidiaire en annulation en la forme ;

au fond, le déclare justifié, partant annule la décision du ministre de la Mobilité et des Travaux publics du 23 janvier 2023 ayant refusé la transcription du permis de conduire israélien de Monsieur (A) en permis de conduire luxembourgeois ;

condamne l’Etat aux frais et dépens.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 15 janvier 2025 par :

Françoise EBERHARD, premier vice-président, Géraldine ANELLI, vice-président, Benoît HUPPERICH, premier juge, en présence du greffier Lejila ADROVIC.

s.Lejila ADROVIC s.Françoise EBERHARD Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 15 janvier 2025 Le greffier du tribunal administratif 10


Synthèse
Formation : Cinquième chambre
Numéro d'arrêt : 48572
Date de la décision : 15/01/2025

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2025
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2025-01-15;48572 ?

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