Tribunal administratif N° 52129 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:52129 3e chambre Inscrit le 20 décembre 2024 Audience publique 24 décembre 2024 Recours formé par Monsieur (A), connu sous un autre alias, …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière de rétention administrative (art. 120, L. 29.08.2008)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52129 du rôle et déposée le 20 décembre 2024 au greffe du tribunal administratif par la société à responsabilité limitée FM Avocat SARL, inscrite sur la liste V du tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, établie et ayant son siège social à L-1626 Luxembourg, 8, rue des Girondins, immatriculée au registre de commerce et des sociétés de Luxembourg, sous le numéro B245686, représentée aux fins de la présente procédure par Maître Frédéric MIOLI, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’ordre des avocats du barreau de Luxembourg, au nom de Monsieur (A), déclarant être né le … à … (Tunisie) et être de nationalité tunisienne, connu sous un autre alias, actuellement retenu au Centre de rétention au Findel, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 26 novembre 2024, ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 23 décembre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Monsieur le délégué du gouvernement Yannick GENOT en sa plaidoirie à l’audience publique du 24 décembre 2024.
Il se dégage de plusieurs rapports de la police grand-ducale, référencés sous les numéros … du 14 novembre 2022, … du 19 janvier 2023 … du 13 février 2023, … du 15 février 2023, … du 11 octobre 2023, … du 28 janvier 2024, … du 21 février 2024, … du 20 mars 2024, … du 23 juin 2024 … du 27 août 2024, que Monsieur (A), connu sous un autre alias, ci-après désigné par « Monsieur (A) », fut appréhendé par les forces de l’ordre sans être en possession de documents d’identité et de séjour valables.
Par arrêté ministériel du 27 août 2024, notifié à l’intéressé à la même date, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par le « ministre », déclara irrégulier le séjour de Monsieur (A) sur le territoire luxembourgeois, lui ordonna de quitter ledit territoire sans délai, et prononça une interdiction d’entrée sur le territoire pour une durée de cinq ans à partir de la sortie de l’Espace Schengen.
1Par arrêté séparé du même jour, notifié à l’intéressé le même jour, le ministre ordonna le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à partir de la notification de l’arrêté en question, dans les termes suivants :
« (…) Vu les articles 100, 111, 120 à 123 et 125 (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu le rapport n° … du 27 août 2024 établi par la Police grand-ducale ;
Vu les antécédents judiciaires de l'intéressé ;
Considérant que l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public ;
Considérant que l'intéressé est démuni de tout document d'identité et de voyage valable ;
Considérant qu’il existe un risque de fuite dans le chef de l'intéressé alors qu'il ne dispose pas d'une adresse au Grand -Duché de Luxembourg ;
Considérant par conséquent que les mesures moins coercitives telles qu'elles sont prévues par l'article 125, paragraphe (1), points a), b) et c) de la loi modifiée du 29 août 2008 précitée ne sauraient être efficacement appliquées ;
Considérant que les démarches nécessaires en vue de l'éloignement de l'intéressé seront engagées dans les plus brefs délais ;
Considérant que l'exécution de la mesure d'éloignement est subordonnée au résultat de ces démarches ; (…) ».
Par arrêté ministériel du 26 septembre 2024, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question.
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 18 octobre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 26 septembre 2024, recours qui fut rejeté comme n’étant pas fondé par un jugement du tribunal administratif du 25 octobre 2024, inscrit sous le numéro 51603 du rôle.
Par arrêté du 23 octobre 2024, notifié à l’intéressé le 25 octobre 2024, le ministre prorogea le placement de Monsieur (A) au Centre de rétention pour une durée d’un mois avec effet au 27 octobre 2024, recours qui fut rejeté comme n’étant pas fondé par un jugement du tribunal administratif du 26 novembre 2024, inscrit sous le numéro 51833 du rôle.
Par arrêté ministériel du 26 novembre 2024, notifié à l’intéressé le lendemain, le ministre prorogea une troisième fois le placement de l’intéressé au Centre de rétention pour une durée d’un mois à compter de la notification de la décision en question, ledit arrêté étant fondé sur les motifs et les considérations suivants :
« (…) Vu les articles 111 et 120 à 123 de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l'immigration ;
Vu la loi modifiée du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention ;
Vu mes arrêtés des 27 août et 26 septembre et 23 octobre 2024, notifiés le 27 août, le 27 septembre et le 25 octobre 2024 avec effet au 27 octobre 2024, décidant de soumettre l’intéressé à une mesure de placement ;
Considérant que les motifs à la base de la mesure de placement du 27 août 2024 subsistent dans le chef de l’intéressé ;
2Considérant que toutes les diligences en vue de l’identification de l’intéressé afin de permettre son éloignement ont été entreprises auprès des autorités compétentes ;
Considérant que ces démarches n’ont pas encore abouti ;
Considérant qu’il y a lieu de maintenir la mesure de placement afin de garantir l’exécution de la mesure d’éloignement ; (…) ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 20 décembre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel, précité, du 26 novembre 2024 ayant ordonné la prorogation de son placement au Centre de rétention pour une durée d’un mois.
Etant donné que l’article 123, paragraphe (1) de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre circulation des personnes et l’immigration, ci-après désignée par « la loi du 29 août 2008 », institue un recours de pleine juridiction contre une décision de rétention administrative, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, lequel est encore recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur reprend, en substance, les rétroactes tels qu’exposés ci-dessus.
En droit, il se prévaut de l’existence de mesures alternatives au placement en rétention, moins coercitives, de l’absence de risque de fuite dans son chef, et du fait que les conditions de la prorogation de son placement en rétention ne seraient pas remplies.
S’agissant, en premier lieu, de l’existence de mesures alternatives au placement en rétention, moins coercitives, le demandeur se réfère à l’article 125 de la loi du 29 août 2008, pour reprocher au ministre d’avoir méconnu le principe de subsidiarité, en ce qu’il n’aurait pas envisagé les mesures alternatives prévues par ledit article, telles que l’obligation de se présenter régulièrement auprès d’un service désigné, l’assignation à résidence ou encore le dépôt d’une garantie financière. A cet égard, il soutient que l’obligation de se présenter régulièrement, à des intervalles fixés par le ministre, auprès d’un service désigné aurait pu être appliquée à son cas d’espèce.
En deuxième lieu, s’agissant de l’absence de risque de fuite le concernant, le demandeur fait valoir qu’eu égard à sa vie affective et sociale au Luxembourg et notamment sa relation stable avec Madame (B), aucun risque de fuite ne saurait être retenu à son égard.
En dernier lieu, le demandeur fait valoir que les conditions posées par l’article 120, paragraphe (3) de la loi du 29 août 2008 pour la prorogation de son placement en rétention ne seraient pas remplies en l’espèce, alors que la procédure d’éloignement ne serait pas exécutée avec la diligence nécessaire et que son éloignement n’aurait pas de chance d’aboutir. La décision déférée devrait dès lors être réformée, et il devrait être remis en liberté immédiatement.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour ne pas être fondé.
3En présence de plusieurs moyens invoqués, le tribunal n’est pas lié par l’ordre dans lequel ils lui ont été soumis et détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et l’effet utile s’en dégageant.
En vertu de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, sur le fondement duquel l’arrêté ministériel litigieux a été pris : « Afin de préparer l’éloignement en application des articles 27, 30, 100, 111, 116 à 118, (…), l’étranger peut, sur décision du ministre, être placé en rétention dans une structure fermée, à moins que d’autres mesures moins coercitives telles que prévues à l’article 125, paragraphe (1), ne puissent être efficacement appliquées.
Une décision de placement en rétention est prise contre l’étranger en particulier s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. (…) ».
Par ailleurs, en vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi : « La durée de la rétention est fixée à un mois. La rétention ne peut être maintenue qu’aussi longtemps que le dispositif d’éloignement est en cours et exécuté avec toute la diligence requise. Elle peut être reconduite par le ministre à trois reprises, chaque fois pour la durée d’un mois si les conditions énoncées au paragraphe (1) qui précède sont réunies et qu’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
Si, malgré les efforts employés, il est probable que l’opération d’éloignement dure plus longtemps en raison du manque de coopération de l’étranger ou des retards subis pour obtenir de pays tiers les documents nécessaires, la durée de rétention peut être prolongée à deux reprises, à chaque fois pour un mois supplémentaire. ».
L’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008 permet ainsi au ministre, afin de préparer l’exécution d’une mesure d’éloignement, de placer l’étranger concerné en rétention dans une structure fermée pour une durée maximale d’un mois, ceci plus particulièrement s’il existe un risque de fuite ou si la personne concernée évite ou empêche la préparation du retour ou de la procédure d’éloignement. En effet, la préparation de l’exécution d’une mesure d’éloignement nécessite notamment la mise à disposition de documents de voyage valables, lorsque l’intéressé ne dispose pas des documents requis pour permettre son éloignement et que des démarches doivent être entamées auprès d’autorités étrangères notamment en vue de l’obtention d’un accord de réadmission ou de reprise en charge de l’intéressé. Elle nécessite encore l’organisation matérielle du retour, en ce sens qu’un moyen de transport doit être choisi et que, le cas échéant, une escorte doit être organisée. C’est précisément afin de permettre à l’autorité compétente d’accomplir ces formalités que le législateur a prévu la possibilité de placer un étranger en situation irrégulière en rétention pour une durée maximale d’un mois, mesure qui peut être prorogée par la suite.
En vertu de l’article 120, paragraphe (3) de la même loi, le maintien de la rétention est cependant conditionné par le fait que le dispositif d’éloignement soit en cours et soit exécuté avec toute la diligence requise, impliquant plus particulièrement que le ministre est dans l’obligation d’entreprendre toutes les démarches requises pour exécuter l’éloignement dans les meilleurs délais.
Une mesure de placement peut être reconduite à trois reprises, chaque fois pour une durée d’un mois, si les conditions énoncées au paragraphe (1) de l’article 120, précité, sont réunies et s’il est nécessaire de garantir que l’éloignement puisse être mené à bien.
4Une décision de prorogation d’un placement en rétention est partant en principe soumise à la réunion de quatre conditions, à savoir que les conditions ayant justifié la décision de rétention initiale soient encore données, que le dispositif d’éloignement soit toujours en cours, que celui-ci soit toujours poursuivi avec la diligence requise et qu’il y ait des chances raisonnables de croire que l’éloignement en question puisse être « mené à bien ».
En l’espèce, tel que déjà retenu dans son jugement du 26 novembre 2024, le tribunal constate que le demandeur se trouve en séjour irrégulier au Luxembourg pour avoir fait l’objet d’une décision de retour ainsi que d’une interdiction d’entrée sur le territoire luxembourgeois pour une durée de cinq ans en date du 27 août 2024 - décision dont la légalité et le bien-fondé ne font pas l’objet du présent recours - , et qu’à ce jour, le demandeur est toujours démuni de tout document d’identité et de voyage valable.
Il s’ensuit qu’il existe, dans son chef, un risque de fuite qui est présumé en vertu de l’article 111, paragraphe (3), alinéa c), point 1. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé […] s’il ne remplit pas ou plus les conditions de l’article 34 (…) », étant précisé, à cet égard, que parmi les conditions posées par ledit article 34 de la loi du 29 août 2008, figure justement celle de ne pas faire l’objet d’une décision d’interdiction de territoire, telle que prévue au paragraphe (2), point 3. de la disposition légale en question. Le risque de fuite est encore présumé en l’espèce au regard de l’article 111, paragraphe (3), alinéa c), point 6. de la loi du 29 août 2008, aux termes duquel « (…) Le risque de fuite dans le chef du ressortissant de pays tiers est présumé (…) s’il ne peut justifier de la possession de documents d’identité ou de voyage en cours de validité (…) ».
Il s’ensuit que le ministre pouvait a priori valablement placer et maintenir l’intéressé en rétention sur base de l’article 120, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, afin d’organiser son éloignement.
Cette conclusion n’est pas énervée par l’affirmation du demandeur selon laquelle il disposerait d’une vie affective et sociale au Luxembourg, dès lors que le seul versement d’une capture d’écran de son profil « facebook », ainsi que de celui de Madame (B), ne saurait, à lui seul, établir de manière suffisante l’existence d’une telle vie affective et sociale sur le territoire luxembourgeois, ni d’ailleurs écarter la présomption de risque de fuite dans son chef.
A défaut d’autres éléments de nature à renverser la présomption de risque de fuite qui existe dans son chef, le moyen afférent est à rejeter pour être non fondé.
En ce qui concerne, ensuite, l’affirmation du demandeur selon laquelle il aurait dû bénéficier de mesures moins coercitives, telles que visées à l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, et notamment de l’obligation de se présenter régulièrement à des intervalles fixés par le ministre auprès d’un service donné, le tribunal relève que cette disposition légale prévoit ce qui suit : « Dans les cas prévus à l’article 120, le ministre peut également prendre la décision d’appliquer une autre mesure moins coercitive à l’égard de l’étranger pour lequel l’exécution de l’obligation de quitter le territoire, tout en demeurant une perspective raisonnable, n’est reportée que pour des motifs techniques et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3).
On entend par mesures moins coercitives :
5a) l’obligation pour l’étranger de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence pour une durée maximale de six mois dans les lieux fixés par le ministre ; l’assignation peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour l’étranger l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence de l’étranger dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer à l’étranger, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne.
La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour l’étranger de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder en cas de retour volontaire.
Les décisions ordonnant des mesures moins coercitives sont prises et notifiées dans les formes prévues aux articles 109 et 110. L’article 123 est applicable. Les mesures prévues peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné ».
Les dispositions des articles 120 et 125 de la loi du 29 août 2008, précités, sont à interpréter en ce sens que les trois mesures moins coercitives énumérées à l’article 125, paragraphe (1) sont à considérer comme bénéficiant d’une priorité sur le placement en rétention, à condition que l’exécution d’une mesure d’éloignement, qui doit rester une perspective raisonnable, soit reportée uniquement pour des motifs techniques et que l’étranger présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite tel que prévu à l’article 111, paragraphe (3) de la même loi. Ainsi, s’il existe une présomption légale de risque de fuite de l’étranger se trouvant en situation irrégulière sur le territoire national, celui-ci doit la renverser en justifiant notamment de garanties de représentation suffisantes1.
Or, en l’espèce, tel que relevé ci-avant, le demandeur n’a pas soumis d’éléments de nature à renverser la présomption de risque de fuite dans son chef. Il est, par ailleurs, constant qu’il ne dispose pas de documents d’identité et de voyage en cours de validité, et qu’il ne dispose pas d’une adresse sur le territoire du Grand-duché de Luxembourg, de sorte que ni l’assignation à résidence ni l’obligation de se présenter régulièrement auprès des services du ministre ne sont envisageables. De plus, le demandeur n’a pas non plus allégué, ni démontré 1 Trib. adm., 9 mai 2016, n° 37854 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Etrangers, n° 957 et les autres références y citées.
6qu’il serait en mesure de verser une garantie financière de cinq mille euros.
Par conséquent, à défaut d’autres éléments avancés par le demandeur, il y a lieu de retenir que l’intéressé n’a présenté aucun élément permettant de retenir l’existence, dans son chef, de garanties de représentation suffisantes au sens de l’article 125, paragraphe (1) de la loi du 29 août 2008, nécessaires pour que le recours aux mesures moins contraignantes visées aux points a), b) et c) dudit article s’impose.
Il s’ensuit que c’est à bon droit que le ministre a écarté l’application des mesures moins coercitives à Monsieur (A), de sorte que le moyen encourt le rejet.
En ce qui concerne enfin les diligences concrètement entreprises par le ministre pour procéder à l’éloignement du demandeur vers son pays d’origine et ainsi écourter la durée de son placement en rétention, le tribunal constate, bien qu’il ne soit saisi que de la question de la légalité et du bien-fondé de l’arrêté de prorogation du placement en rétention du 26 novembre 2024, que dès l’arrêté de placement en rétention du demandeur, le ministre avait fait les diligences nécessaires en vue de l’organisation de l’éloignement du demandeur, en ce qu’il avait contacté en date du 28 août 2024 les autorités tunisiennes en vue de l’identification de l’intéressé et de la délivrance d’un laissez-passer dans le chef de celui-ci, tout en y joignant une photo, et en envoyant des rappels aux autorités tunisiennes en dates des 19 septembre et 3 octobre 2024.
Force est ensuite de constater qu’il ressort d’une note au dossier administratif datée du 17 octobre 2024 que l’agent en charge du dossier a eu un entretien avec le consulat de Tunisie lors duquel les autorités tunisiennes ont confirmé que la « demande en obtention d’un laissez-passer en faveur de Monsieur (A) est toujours en cours d’instruction », et que des rappels ont encore été envoyés aux autorités tunisiennes en date du 25 octobre ainsi que des 8 et 22 novembre 2024.
Quant aux démarches accomplies depuis la notification de la décision de prorogation de placement en rétention prise à l’encontre du demandeur, il ressort du dossier administratif qu’en date des 9 et 23 décembre 2024, un agent du ministère a envoyé de nouveaux rappels aux autorités tunisiennes en les priant de bien vouloir le renseigner sur l’état d’avancement du dossier.
Au regard des diligences ainsi accomplies à ce jour par le ministre, actuellement tributaire de la collaboration des autorités tunisiennes, le tribunal est amené à conclure que le dispositif d’éloignement est en cours, et qu’il est encore poursuivi avec la diligence légalement requise, étant relevé qu’il ne se dégage d’aucun élément du dossier que l’éloignement du demandeur ne puisse pas être mené à bien endéans les délais légalement requis, de sorte que le moyen afférent est à rejeter.
Eu égard aux développements qui précèdent et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait, en l’état actuel du dossier, utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
7Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 24 décembre 2024 par :
Michèle STOFFEL, vice-président, Alexandra BOCHET, vice-président, Carine REINESCH, premier juge.
en présence du greffier Shania HAMES.
s. Shania HAMES s. Michèle STOFFEL Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 24 décembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 8