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17/12/2024 | LUXEMBOURG | N°47907

Luxembourg | Luxembourg, Tribunal administratif, 17 décembre 2024, 47907


Tribunal administratif N° 47907 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47907 3e chambre Inscrit le 7 septembre 2022 Audience publique du 17 décembre 2024 Recours formé par Madame (A), …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et contre un arrêté ministériel en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47907 du rôle et déposée le 7 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-

Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg,...

Tribunal administratif N° 47907 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:47907 3e chambre Inscrit le 7 septembre 2022 Audience publique du 17 décembre 2024 Recours formé par Madame (A), …, contre une décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat et contre un arrêté ministériel en matière de discipline

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JUGEMENT

Vu la requête inscrite sous le numéro 47907 du rôle et déposée le 7 septembre 2022 au greffe du tribunal administratif par Maître Jean-Marie BAULER, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats de Luxembourg, au nom de Madame (A), demeurant à L-…, tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de :

1) la décision du Conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat du 8 juin 2022 ayant prononcé à son égard la sanction disciplinaire prévue à l’article 47, point 9 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, et 2) l’arrêté ministériel du 21 juin 2022 portant exécution de la sanction précitée ;

Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 14 décembre 2022 ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe du tribunal administratif le 16 janvier 2023 par Maître Jean-Marie BAULER, au nom de Madame (A), préqualifiée ;

Vu le mémoire en duplique du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif en date du 16 février 2023 ;

Vu les pièces versées en cause et notamment les décisions critiquées ;

Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Jonathan HOLLER, en remplacement de Maître Jean-Marie BAULER, et Madame le délégué du gouvernement Laurence MOUSEL, en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique du 7 mai 2024.

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Par courrier du 24 septembre 2021, le Directeur de l’administration des Contributions directes demanda au ministre des Finances, ci-après désigné « le ministre », de saisir le Commissaire du gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire, dénommé ci-après « le commissaire du gouvernement », en vue de l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame (A), préposé adjoint du bureau … auprès de l’administration des Contributions directes.

Par courrier du 28 septembre 2021, le ministre sollicita auprès du commissaire du gouvernement l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame (A), comme suit :

« […] Par la présente, et conformément à l’article 56 paragraphe 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, je vous saisis aux fins de procéder à l’ouverture d’une instruction disciplinaire à l’encontre de Madame (A), Gestionnaire, Catégorie de traitement : A, Groupe de traitement : A2, Sous-groupe :

Administratif, Grade : 12, Echelon : 9.

Madame (A) en sa qualité de Préposé adjoint du bureau … auprès de l’Administration des contributions directes a lors de l’exercice de ses fonctions manqué à ses obligations statutaires pour avoir itérativement refusé d’exécuter les ordres lui donnés (1), pour avoir violé les lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose(2), pour avoir porté atteinte à la dignité des fonctions, fait scandale et compromis le service public (3) et pour avoir manqué de façon répétée au devoir de dignité et de civilité qui lui incombe (4). […] ».

Par courrier adressé au ministre en date du 8 octobre 2021, le commissaire du gouvernement adjoint accusa réception du prédit courrier de saisine du 28 septembre 2021.

Par courrier recommandé du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Madame (A) qu’une instruction disciplinaire avait été ordonnée à son encontre, tout en lui transmettant les pièces de son dossier disciplinaire et en lui faisant part de son intention de la suspendre de l’exercice de ses fonctions, l’invitant à présenter ses observations par rapport au projet de suspension endéans un délai de huit jours et à se présenter pour être entendue en personne au commissariat du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire pour une audition devant se dérouler le 19 octobre 2021.

Le 19 octobre 2021, Madame (A) fut entendue par le commissaire du gouvernement adjoint, tel que cela ressort du procès-verbal du même jour.

Par décision du commissaire du gouvernement adjoint du 19 octobre 2021, Madame (A) fut suspendue de l’exercice de ses fonctions avec effet immédiat et pendant tout le cours de la procédure disciplinaire, jusqu’à la décision définitive.

Par arrêté du 25 octobre 2021, le ministre confirma la suspension prononcée par le commissaire du gouvernement adjoint.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 9 décembre 2021 et inscrite sous le numéro 46774 du rôle, Madame (A) fit introduire un recours tendant à la réformation, sinon à l’annulation des deux décisions précitées portant suspension de l’exercice de ses fonctions.

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 16 décembre 2021, la demanderesse sollicita l’abréviation des délais pour déposer les mémoires en réponse, en réplique et en duplique dans la prédite affaire au fond.

Suivant ordonnance rendue en date du 24 janvier 2022, le vice-président, présidant la quatrième chambre du tribunal administratif, déclara cette demande non fondée et en débouta la demanderesse.

En date du 25 février 2022, le commissaire du gouvernement adjoint clôtura son instruction par l’émission d’un rapport d’instruction.

Par courrier du même jour, le commissaire du gouvernement adjoint informa Madame (A) qu’il envisageait de transmettre le dossier au conseil de discipline des fonctionnaires de l’Etat, ci-après dénommé le « Conseil de discipline », conformément à l’article 56, paragraphe (5) de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, dénommée ci-après « le statut général », sans préjudice du droit de Madame (A) de prendre inspection du dossier disciplinaire en vue, le cas échéant, de présenter ses observations, respectivement de demander un complément d’instruction, ce que cette dernière fit par courrier daté du 2 mars 2022.

En date du 16 mars 2022, le commissaire du gouvernement adjoint émit un rapport d’instruction complémentaire.

Le Conseil de discipline prit, en date du 8 juin 2022, la décision suivante :

« […] Vu l’instruction disciplinaire diligentée à l’encontre de (A) par le commissaire du Gouvernement adjoint chargé de l’instruction disciplinaire, ci-après le commissaire du Gouvernement, saisi en application de l’article 56.2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l’Etat, ci-après le statut général, par un courrier de Monsieur le Ministre des Finances daté du 28 septembre 2021 et transmise pour attribution au Conseil de discipline, ci-après le Conseil, par courrier du 16 mars 2022.

Vu le rapport d’instruction du 25 février 2022 et le rapport d’instruction complémentaire du 16 mars 2022.

Entendus à l’audience publique du Conseil du mercredi 11 mai 2022, après rapport oral du Président du Conseil conformément à l’article 65, alinéa 2 du statut général, (A) et son conseil en leurs explications et moyens de défense, ainsi que la déléguée du Gouvernement, en ses conclusions.

La lettre de saisine du 28 septembre 2021, censée faire partie intégrante de la présente décision, renferme quatre reproches, subdivisés par le commissaire du Gouvernement en plusieurs sous-reproches. En substance, il est reproché à (A) d’avoir itérativement, pendant la période non prescrite, refusé d’exécuter les ordres lui donnés ; d’avoir diffusé des documents confidentiels ; d’avoir impliqué, par l’envoi de courriels relatifs aux différends qui l’opposent à sa hiérarchie, d’autres destinataires que ceux directement concernés, dans le but de donner une publicité à des litiges artificiellement créés par elle et, par ce biais, de dénigrer ses supérieurs hiérarchiques ; d’avoir manqué, de façon répétée au devoir de dignité et de civilité dans ses communications tant avec ses collègues de travail, que ses supérieurs hiérarchiques, qu’aussi avec des administrés.

A l’issue de l’instruction diligentée, le sous-reproche d’avoir fait procéder à « l’émission de cartes d’impôt 2016 rétroactives » n’était, d’après le commissaire du Gouvernement, pas constitutif d’un manquement disciplinaire faute d’une instruction à cette époque interdisant ce procédé ; les débats devant le Conseil de discipline n’ont pas amené d’autres éléments de sorte que, de concert avec la déléguée du Gouvernement et le fonctionnaire concerné, il en est fait abstraction.

A l’audience du Conseil, (A) a maintenu ses prises de position détaillées dans les deux rapports et, confrontée avec des questions plus ciblées, elle a préféré les évincer ou en tirer profit pour les contourner et revenir à ses moyens de défense amplement consignés au dossier d’instruction.

Maître HOLLER a décrit un parcours professionnel de 35 ans de (A) sans incident, celle-

ci ayant toujours fait son travail. Les différends auraient seulement commencé en 2021 où ses compétences, ses qualités et son esprit plus critique n’auraient plus été appréciés à leur juste valeur. Le reproche du refus d’ordre serait énergiquement contesté alors que l’unique souci de (A) aurait été de dénoncer d’importants problèmes de légalité. Il y aurait eu « un ras le bol » de sa part d’appliquer des dispositions qui ne seraient pas en concordance avec une législation internationale. Parallèlement, elle aurait revendiqué ce qu’elle estime être son droit, à savoir sa promotion au grade 13, et depuis lors, suite à son insistance, ses supérieurs hiérarchiques lui feraient un véritable procès d’intention où même une simple remarque humoriste faite à l’attention du Directeur des contributions servirait à alourdir le dossier disciplinaire. Aucune sanction disciplinaire ne devrait partant être prononcée à l’encontre de (A).

La déléguée du Gouvernement ne partage pas le point de vue de (A) et de son conseil et avance que le bien-fondé des reproches se dégagerait de l’ensemble de l’instruction diligentée, y compris les rapports fournis à l’appui de la saisine, les documents ainsi que les attestations testimoniales versées et, du moins, pour ce qui est de l’entrevue du 24 août 2021 avec Madame … et Monsieur …, une reconnaissance des faits par la concernée.

Contrairement à l’argumentation de (A), les itératifs refus d’ordre seraient amplement caractérisés. Elle aurait systématiquement eu recours à la procédure prévue par l’article 9.4 du statut général pour refuser d’exécuter des instructions claires et sans équivoque et, nonobstant confirmation écrite des ordres, (A) aurait continué à camper sur sa position.

Intransigeante et surtout insatiable dans sa démarche de tout vouloir remettre en question, de tout vouloir discuter ou interpréter, de dénigrer ses supérieurs hiérarchiques et de mettre leur autorité, ainsi que leurs compétences professionnelles en question, elle aurait, nonobstant tentative de médiation, de coaching ou d’encadrement collégial, paralysé toute une administration sans aucune perspective de changement. Non seulement que (A) n’exécuterait pas le travail lui assigné et pour lequel elle est rémunérée, mais encore, ses supérieurs hiérarchiques devraient, à chaque fois, investir un travail et une énergie considérables dans leurs efforts de lui fournir des explications, de la raisonner et de lui faire adopter une autre attitude, temps investi qui s’avérerait perdu pour se consacrer à leurs propres devoirs, sans même parler du surcroît de travail de ses collègues face au refus obstiné de (A) de s’exécuter.

Encore à l’audience, aucun début d’autocritique ou d’introspection dans le chef de (A) ne pourrait être décelé, au contraire, elle serait convaincue du bien-fondé de ses agissements, invoquant sa liberté d’expression et sa liberté syndicale, sans aucun égard par rapport aux conséquences néfastes générées par une attitude pareille, tant pour son administration en général, qu’encore pour l’administré en particulier. (A), par sa persévérance dans cette attitude destructrice, aurait perdu tout respect, estime et confiance indispensables pour envisager une continuation de la relation de travail. Cette circonstance, ensemble l’absence du moindre repentir ainsi que la gravité indubitable des multiples manquements aux articles 9, 10 et 11 du statut général justifieraient, nonobstant son ancienneté, la sanction de la mise à la retraite d’office, puisque aussi bien les relations professionnelles qu’humaines seraient irrémédiablement compromises. Elle renvoie à cet égard à la prise de position du Directeur des contributions suivant lequel : « toute tentative de médiation, d’encadrement collégial ou d’aplanissement a échoué.

Ainsi, non seulement elle paye les efforts de ses supérieurs en sapant de façon insupportable et régulière leur autorité, mais pire son comportement consistant à mettre régulièrement des tiers en copie de ces récriminations, adressées à la direction et à ses supérieurs, n’a aucune retenue.

A cela s’ajoute qu’elle compromet l’image et la continuité du service public presté et les intérêts des usagers par ses actes impulsifs et omissions préjudiciables, respectivement par ses interprétations hasardeuses et infondées. Dans cet exercice elle ne rechigne pas à engager sa responsabilité pénale en divulguant illégalement des données secrètes, violant ainsi gravement une des obligations les plus élémentaires de sa profession sur le respect sans faille de laquelle tout contribuable doit pouvoir compter.

Elle porte gravement atteinte à l’image de l’administration de par son attitude manquant des marques élémentaires de respect, de tact et de professionnalisme que l’on est en droit d’attendre d’un serviteur public.

Elle a perdu la confiance de ses collègues de travail qui n’ont pas vu d’autre issue que de demander leur mutation pour échapper aux brimades et agressions de Madame (A).

Bref, par son comportement obstructif elle est devenue complètement incontrôlable et s’est professionnellement disqualifiée et a par ce fait irrémédiablement compromis la confiance nécessaire à son maintien en service ».

Le Conseil relève que tout au long de l’instruction, (A) a présenté de multiples explications pour tenter de justifier le recours presque systématique à la procédure prévue par l’article 9.4 du statut général, puis, après la confirmation de l’ordre reçu par écrit, le refus de s’y conformer et de s’exécuter.

L’article 9.4 du statut général dispose « Lorsque le fonctionnaire estime qu’un ordre reçu est entaché d’irrégularité, ou que son exécution peut entraîner des inconvénients graves, il doit, par écrit, et par la voie hiérarchique, faire connaître son opinion au supérieur dont l’ordre émane. Si celui-ci confirme l’ordre par écrit, le fonctionnaire doit s’y conformer, à moins que l’exécution de cet ordre ne soit pénalement répressible. Si les circonstances l’exigent, la contestation et le maintien de l’ordre peuvent se faire verbalement. Chacune des parties doit confirmer sa position sans délai par écrit ».

Il importe de rappeler que l’hypothèse où un fonctionnaire, lorsqu’il reçoit des instructions de son supérieur, est permis de remettre en question l’ordre reçu est limitativement réservée à deux cas de figure, l’une où l’ordre est entaché d’irrégularité et l’autre où l’exécution de l’ordre peut entraîner des inconvénients graves.

Le droit disciplinaire, à l’instar du droit pénal, est d’interprétation et d’application restrictive et il ne saurait se concevoir que cette procédure particulière, exclusivement dédiée à ces hypothèses exceptionnelles limitativement énumérées, puisse être dénaturée de son objectif et dégénérer en un outil que le fonctionnaire se croit permis d’invoquer à la légère. En l’espèce, il ne se dégage d’aucun élément du dossier que les ordres donnés à (A) soient entachés d’irrégularités au sens de la loi ou que leur exécution puisse entraîner des inconvénients graves. (A) a cru s’en prévaloir pour détailler son propre point de vue et pour se livrer à une interprétation des instructions, des textes ainsi que des procédés en vigueur, qu’elle estime ne pas être en harmonie avec la législation nationale et internationale, pour remettre en question le bien-fondé des instructions reçues.

Il est déjà permis de critiquer l’attitude d’un fonctionnaire se croyant permis de recourir à cette procédure dans l’unique intention de présenter ses propres réflexions. S’y ajoute que, loin de faire état d’un incident isolé, l’instruction diligentée a confirmé les reproches avancés par l’Administration des contributions directes que (A), jusqu’à sa suspension, a, au lieu de se raviser, continué dans cette voie. Puis, nonobstant le fait que les supérieurs hiérarchiques et le Directeur des contributions maintiennent l’ordre donné par écrit, (A), laquelle n’a donc aucune raison de ne pas s’exécuter, s’obstine néanmoins à refuser de s’exécuter.

Il n’appartient pas au Conseil d’apprécier si éventuellement les remarques ou les interprétations de (A) puissent être pertinentes ou non, mais il lui revient uniquement de se prononcer sur un manquement à l’article 9.4 du statut général, ce qui est en l’espèce manifestement le cas. Tous les moyens de défense fournis par (A) sont dénués de fondement eu égard au fait que le fonctionnaire, une fois la confirmation écrite de l’ordre reçu, et que celui-

ci n’est pas pénalement répressible, doit s’exécuter, peu importe ses ressentis personnels.

Il s’en suit que (A) a itérativement refusé d’exécuter les ordres lui donnés dont notamment au mois d’octobre/novembre 2018 « d’avoir refusé de reclasser d’office les contribuables mariés dans la classe 1 au moment où ils quittent le territoire du Grand-Duché de Luxembourg », au mois de novembre 2020 « d’avoir refusé de procéder à la rédaction d’une note conjointe », au mois de février 2021 « d’avoir refusé de procéder à l’attribution d’un abattement forfaitaire pour de frais de déplacement pour le personnel diplomatique luxembourgeois recruté localement à l’étranger », au mois de mars 2021 « d’avoir refusé d’établir des cartes d’impôt pour le personnel navigant employé par une société de navigation aérienne » et au mois de juillet 2021 « d’avoir refusé d’établir des décomptes annuels pour les non-résidents ».

(A) a ainsi manqué à l’article 9, paragraphe 1, alinéa 2, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire doit se conformer aux instructions du Gouvernement qui ont pour objet l’accomplissement régulier de ses devoirs ainsi qu’aux ordres de service de ses supérieurs.

En ce qui concerne le deuxième reproche, il résulte de la circulaire « extrait de compte salaire et pension (ECSP)-Directive coopération 2011/16/UE » que ce document sur support électronique par lequel les employeurs et caisses de pension doivent informer l’Administration des contributions directes des salaires et pensions versés durant l’année d’imposition à des contribuables résidents et non-résidents est exclusivement destiné à cette Administration et que partant la communication en faite par (A) le 27 novembre 2019 par voie électronique à la comptable d’un ancien salarié de l’employeur est constitutif d’un manquement à l’article 11, paragraphe 2, du statut général en vertu duquel toute communication contraire aux lois et règlements de pièces ou documents de service à des tiers sont interdits.

Pour ce qui est du troisième reproche, il résulte à suffisance des documents produits au dossier que (A) a notamment le 4 février 2021 envoyé sa prise de position par rapport à l’ordre de son supérieur hiérarchique d’attribuer à certaines personnes un abattement forfaitaire pour frais de déplacements, courriel destiné à la Division RTS, en même temps au Comité de direction (5 personnes), à la Division juridique (six personnes), à la Division législation (dix personnes), à la Division inspection et organisation du service d’imposition (quatre personnes), à trois personnes du Bureau RTS non-résidents, à une personne de la Division informatique ainsi qu’au syndicat SUID, rajoutant ainsi une bonne vingtaine de destinataires non impliqués. Il en est de même du courriel du 10 septembre 2021 relatif à l’avancement au grade 13 destiné au chef de division de la Division affaires générales, envoyé en même temps au Directeur des contributions, au préposé du Bureau RTS non-résidents, au directeur de la Direction fiscalité du Ministère des Finances, au directeur de la Direction administration et domaines du Ministère des Finances, au syndicat CGFP, au syndicat SUID, au Bureau d’imposition Luxembourg Z, au Bureau RTS 3 et au chef de division adjoint de la Division affaires générales.

Au vu du contenu de ces échanges, reflétant plus particulièrement les points de vue des protagonistes directement concernés, c’est à juste titre qu’il est reproché à (A) d’avoir envoyé les courriels en question à de multiples autres destinataires pour donner un maximum de publicité à ses desideratas, impliquant des personnes extérieures ou hors chaîne hiérarchique, manquant ainsi à l’article 10, paragraphe 1, alinéa 1, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.

Finalement, c’est à juste titre que la déléguée du Gouvernement a également considéré que le quatrième reproche, une violation du devoir de dignité et de civilité dans les communications, est à suffisance rapporté par les éléments dégagés par l’instruction disciplinaire dont les courriels adressés le 13 décembre 2018 notamment à …, le 28 avril 2021 notamment à …, le 14 mars 2019 et le 29 avril 2021 à …, le 19 août 2021 à … ainsi que les attestations testimoniales de … et de … relatives aussi aux entrevues des 11 juin 2021 et 24 août 2021, manquements constitutifs d’une violation de l’article 10, paragraphe 1, alinéa 2, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination.

L’article 53 du statut général définit les critères à appliquer pour prononcer une peine disciplinaire et dispose qu’il convient de tenir compte à cet effet entres autres de la gravité de la faute commise, de la nature et du grade des fonctions du fonctionnaire inculpé et de ses antécédents.

Le Conseil rejoint la déléguée du Gouvernement que (A) a fait preuve, de façon répétée, d’un manque de respect, d’un manque de compréhension et d’un manque de considération manifestes tant envers ses supérieurs hiérarchiques qu’envers d’autres personnes de son service ou extérieures. Cette situation a non seulement eu pour effet une dégradation irrémédiable des relations de travail, mais encore, par l’adoption, à de multiples reprises, d’une attitude particulièrement irrespectueuse envers ses supérieurs hiérarchiques combinée à un acharnement de sa part à vouloir imposer ses approches au point de refuser d’exécuter des ordres confirmés par écrit, elle a désorganisé, voire même paralysé tout un service. S’y ajoute que (A) ne se livre à aucune auto-critique, persuadée du bien-fondé de ses agissements, elle ne laisse surtout pas entrevoir la moindre perspective d’un dénouement de cette situation hautement conflictuelle et inacceptable qui perdure déjà depuis de longs mois. La gravité de ces manquements doit partant également être analysée sous cet aspect de sorte qu’elle excède de loin ceux qu’il serait permis de sanctionner avec bienveillance au bout d’une ancienneté de 30 ans de service sans antécédent disciplinaire.

La sanction de la mise à la retraite d’office prévue à l’article 47, sub 9 du statut général, telle que requise par la déléguée du Gouvernement, s’avère ainsi, au vu du contexte plus amplement décrit, comme justifiée.

PAR CES MOTIFS :

le Conseil de discipline, siégeant en audience publique, statuant contradictoirement, sur le rapport oral de son président, le fonctionnaire et son conseil entendus en leurs explications et moyens de défense et la déléguée du Gouvernement en ses conclusions, prononce contre (A), du chef des manquements retenus à sa charge, constitutifs d’une violation des articles 9, paragraphe 1, alinéa 2, 10, paragraphe 1, alinéa 1 et alinéa 2 ainsi que 11, paragraphe 2, la sanction disciplinaire prévue à l’article 47.9 du statut général, à savoir la mise à la retraite d’office ; […] ».

Par arrêté du ministre du 21 juin 2022, la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office fut appliquée à l’encontre de Madame (A).

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif en date du 7 septembre 2022 et inscrite sous le numéro 47907 du rôle, Madame (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de la décision précitée du Conseil de discipline du 8 juin 2022 et de l’arrêté ministériel du 21 juin 2022 portant exécution de la sanction précitée.

Suivant jugement rendu le 5 mars 2024 et inscrit sous le numéro 46774 du rôle, le tribunal administratif déclara le recours de la demanderesse dirigé contre la prédite décision du commissaire du gouvernement adjoint du 19 octobre 2021 la suspendant de l’exercice de ses fonctions et de l’arrêté précité du ministre du 25 octobre 2021 confirmant ladite suspension, non fondé et partant le rejeta.

I. Quant au recours contre la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022 1) Quant à la compétence du tribunal et à la recevabilité Dans son mémoire en réponse, la partie étatique se rapporte à prudence de justice « quant à la recevabilité de l’acte introductif d’instance (compétence « ratione materiae », compétence « ratione temporis » et intérêt à agir) ».

Concernant la compétence ratione materiae, dans la mesure où les termes de l’article 54, paragraphe (2) du statut général prévoient un recours au fond contre les décisions du Conseil de discipline prononçant une sanction disciplinaire à l’encontre d’un fonctionnaire, sur renvoi du commissaire du gouvernement, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal contre la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022.

Il n’y a partant pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision précitée.

En ce qui concerne la recevabilité ratione temporis de la requête introductive d’instance sous analyse, la partie étatique est restée en défaut de préciser dans quelle mesure le délai d’introduction du recours n’aurait pas été respecté, de sorte que le moyen d’irrecevabilité afférent encourt le rejet, étant relevé que le tribunal n’entrevoit pas non plus de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Dans la mesure où la partie étatique est, par ailleurs, restée en défaut de préciser en quelle mesure Madame (A) n’aurait pas d’intérêt à agir à l’encontre de la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022, respectivement de l’arrêté ministériel du 21 juin 2022, ledit moyen est également à rejeter, étant relevé qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence des parties dans le développement de leurs moyens.

Il s’ensuit que le recours principal en réformation est à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les délai et formes prévus par la loi.

2) Quant au fond a) Quant au moyen tiré de la violation des droits de la défense A l’appui de son recours, la demanderesse, après avoir passé en revue certains des rétroactes rappelés ci-avant et avoir mis en exergue le fait qu’elle aurait rejoint la fonction publique le 1er octobre 1987, conclut tout d’abord à la nullité de la décision entreprise pour atteinte aux droits de la défense et au droit à un procès équitable, sinon pour violation du principe d’impartialité du Conseil de discipline, en ce que ce dernier refuserait « systématiquement les notes de plaidoiries dans les affaires complexes ».

Elle argumente plus particulièrement que le rapport d’instruction principal du 25 février 2022 et le rapport d’instruction complémentaire du 16 mars 2022 contiendraient respectivement 94 et 5 pages et des « centaines de pièces », de sorte qu’il lui aurait été difficile, voire impossible de prendre position et de soulever un certain nombre de moyens de défense dans un délai de « 8 jours ».

L’atteinte aux droits de la défense serait d’autant plus frappante en l’espèce que la demanderesse aurait tenté de prendre la parole lors de l’audience du 11 mai 2022 et que le Conseil de discipline aurait indiqué dans sa décision que « (A) a maintenu ses prises de position détaillées dans les deux rapports et, confrontée avec des questions plus ciblées, elle a préféré les évincer ou en tirer profit pour les contourner et revenir à ses moyens de défense amplement consignés au dossier d’instruction ». La demanderesse fait valoir à cet égard que les notes de plaidoiries seraient non seulement refusées sous prétexte que les plaidoiries devant le Conseil de discipline seraient orales, mais que les administrés seraient également empêchés de s’exprimer lors de l’audience au motif que leurs arguments seraient d’ores et déjà amplement détaillés dans le dossier d’instruction.

Cette façon de faire, outre le fait qu’elle témoignerait d’une hostilité particulière du Conseil de discipline à l’égard de la demanderesse, mettrait encore en exergue « une méconnaissance, volontaire ou non, des principes généraux du droit applicables devant les quasi juridictions disciplinaires ».

Dans son mémoire en réplique, la demanderesse, outre de réitérer les arguments contenus dans sa requête introductive d’instance et d’admettre que le délai pour présenter ses observations par rapport au dossier d’instruction et demander un complément d’instruction aurait été de 10 jours et non de 8 jours, conformément à l’article 56, paragraphe (4), alinéa 2 du statut général, précise que « ce n’est pas le refus de déposer une note de plaidoirie qui pose problème, puisque cela n’a pas été demandé par Madame (A) ou son mandataire, mais la contradiction qui consiste à refuser par principe le dépôt d’une telle note tout en considérant que la prise de position du fonctionnaire, versée au dossier disciplinaire, empêche tout débat oral ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen.

Le tribunal constate, en premier lieu, que la demanderesse a versé au cours de l’instruction disciplinaire des prises de position détaillées, de même que de nombreuses pièces, qu’elle a d’ailleurs pris soin de reproduire, respectivement de verser dans le cadre de la présente procédure.

Le tribunal relève en outre que la demanderesse n’a, selon ses propres affirmations, pas souhaité déposer de notes de plaidoiries lors de l’audience devant le Conseil de discipline du 11 mai 2022, de sorte que l’ensemble de ses développements en relation avec la communication de telles notes sont purement théoriques.

Finalement et à titre superfétatoire, la demanderesse n’établit pas concrètement et dans quelle mesure ses droits de la défense sinon son droit à un procès équitable auraient été lésés, cette dernière restant plus particulièrement en défaut de préciser quel moyen elle aurait été empêchée de faire valoir lors de l’audience devant le Conseil de discipline du 11 mai 2022, et partant de prouver avoir subi un quelconque grief.

Le moyen afférent encourt partant le rejet.

b) Quant au moyen tiré de la violation du principe de légalité consacré par l’article 14 de la Constitution et l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’Homme et des libertés fondamentales En second lieu, la demanderesse conclut à une violation du principe de légalité consacrée par l’article 14 de la Constitution, dans sa version applicable au présent litige, et l’article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950, dénommée ci-après « CEDH », au motif que « les incriminations [seraient] trop vagues », d’une part, et que « le fonctionnaire poursuivi ne [saurait] pas à quelle peine s’attendre, tant l’éventail des sanctions [serait] important », d’autre part.

La demanderesse fait valoir à titre liminaire que la violation du principe de légalité serait d’autant plus patente en l’espèce qu’elle aurait été exclue définitivement de la fonction publique « après plus de 35 ans de bons et loyaux services pour des refus d’ordre qui sont d’ores et déjà formellement contestés ».

Elle ajoute que la jurisprudence administrative consistant à retenir qu’« une application arbitraire est a priori évitée par le biais de l’article 53 du statut général » serait dénuée de toute pertinence en pratique, dans la mesure où tout ce qui pourrait être utilisé à décharge du mis en cause serait utilisé comme une circonstance aggravante par le Conseil de discipline.

Dans ce contexte, elle reproche plus particulièrement au Conseil de discipline d’avoir érigé son ancienneté et son expérience professionnelle en circonstances aggravantes en retenant, sur le fondement du prédit article 53 du statut général, que « La gravité de ces manquements doit partant également être analysée sous cet aspect de sorte qu’elle excède de loin ceux qu’il serait permis de sanctionner avec bienveillance au bout d’une ancienneté de 30 ans de service sans antécédent disciplinaire ».

Madame (A) estime par ailleurs avoir été victime « d’une incertitude et d’une insécurité juridique disproportionnées », alors que le Conseil de discipline se serait contenté de reprendre dans sa décision les faits qui lui sont reprochés et de les qualifier péremptoirement de manquements aux articles 9, paragraphe (1), alinéa 2, ainsi que 10, paragraphe (1), alinéas 1er et 2, et 11, paragraphe (2) du statut général, lesdits articles étant, selon elle, des dispositions « fourre-tout », susceptibles d’être invoquées à l’appui de n’importe quel manquement et aux fins de prononcer n’importe quelle sanction.

Dans son mémoire en réplique, outre de reproduire les développements figurant dans sa requête introductive d’instance, la demanderesse reproche à la partie étatique de confondre le principe de légalité et l’objet de l’article 53 du statut général, qui aurait trait à la personnalisation de la peine et serait en pratique « toujours utilisé soit comme une circonstance aggravante par l’autorité disciplinaire, soit comme un fondement pour expliquer/justifier la sévérité de la sanction ».

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen pour être dépourvu de fondement.

En vertu de l’article 7, paragraphe 1er de la CEDH « Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou international. De même il n’est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. ».

Ledit article consacre le principe de la légalité des peines tout comme l’ancien article 14 de la Constitution, actuel article 19 de la Constitution révisée, aux termes duquel « Nulle peine ne peut être établie ni appliquée qu’en vertu de la loi.

Nul ne peut être condamné pour une action ou omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction prévue par la loi.

Nul ne peut être condamné à une peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. ».

Tel que cela a été retenu par la Cour Constitutionnelle à différentes occasions, en droit disciplinaire, la légalité des peines suit les principes généraux du droit pénal et doit observer les mêmes exigences constitutionnelles de base. Le principe de la légalité de la peine entraîne la nécessité de définir les infractions en termes suffisamment clairs et de préciser le degré de répression pour en exclure l’arbitraire et pour permettre aux intéressés de mesurer exactement la portée de ces dispositions et le principe de la spécification de l’incrimination est le corollaire de celui de la légalité des peines. La Cour Constitutionnelle a encore retenu que le droit disciplinaire tolère dans la formulation des comportements illicites et dans l’établissement des peines à encourir une marge d’indétermination sans que le principe de la spécification de l’incrimination et de la peine n’en soit affecté, si des critères logiques, techniques et d’expérience professionnelle permettent de prévoir avec une sureté suffisante la conduite à sanctionner et la sévérité de la peine à appliquer1.

La Cour Constitutionnelle a pareillement dit pour droit que le principe de la légalité des peines ne fait pas obstacle à ce qu’en matière disciplinaire les infractions soient définies par référence aux obligations légales et réglementaires auxquelles est soumise une personne en raison des fonctions qu’elle exerce, de la profession à laquelle elle appartient ou de l’institution dont elle relève2.

Au regard de la jurisprudence de la Cour constitutionnelle et contrairement à ce qui est soutenu par la demanderesse, le tribunal est amené à constater que la circonstance que le statut général prévoit un certain nombre de devoirs et d’obligations incombant notamment aux fonctionnaires et que, par ailleurs, la même loi prévoit un catalogue de sanctions disciplinaires, n’est pas contraire au principe de la légalité des peines, dans la mesure où les devoirs sont décrits avec suffisamment d’objectivité et que l’arbitraire des sanctions à appliquer est évité par le biais de l’article 53 du statut général, qui impose que l’application des sanctions disciplinaires doit se régler notamment d’après la gravité de la faute commise, le grade, la nature de l’emploi et les antécédents disciplinaires du fonctionnaire inculpé3.

Il s’ensuit que le moyen fondé sur une violation de l’ancien article 14 de la Constitution, actuel article 19 de la Constitution révisée, et de l’article 7 de la CEDH est à rejeter pour ne pas être fondé.

c) Quant au moyen tiré de la violation du principe d’impartialité consacré par les droits de la défense, de l’article 6 de la CEDH et des articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne La demanderesse conclut ensuite à une violation du principe d’impartialité consacré par les droits de la défense, de l’article 6 de la CEDH et des articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, dénommée ci-après « la Charte », en ce qui concerne la composition du Conseil de discipline, d’une part, et en ce qui concerne le commissaire du gouvernement, d’autre part.

Quant à la composition du Conseil de discipline, la demanderesse critique en premier lieu le fait que dans cet organe décisionnel, lequel serait considéré par l’exposé des motifs du projet de loi n°4891 comme une quasi-juridiction, siègeraient des représentants de l’Etat, alors que ce dernier serait pourtant partie en cause.

Or, étant donné que le Conseil de discipline serait une véritable juridiction au sens de l’article 6, paragraphe (1) de la CEDH du fait de statuer tant en matière civile en ce qui concerne la sanction de la révocation, qu’en matière pénale pour ce qui est de la sanction de l’amende, il serait censé en respecter les garanties du procès équitable et impartial. Cela ne serait toutefois 1 Arrêt n° 23/04 du 3 décembre 2004 de la Cour Constitutionnelle, Mém. A n° 201 du 23 décembre 2004.

2 Arrêt n° 41/07 du 14 décembre 2007 de la Cour Constitutionnelle, Mém. A n° 1 du 11 janvier 2008.

3 Trib. adm., 8 novembre 2012, n° 29712 du rôle, confirmé par Cour adm., 13 mars 2014, n° 31821Ca du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 429 (1er volet) et les autres références y citées.

pas le cas du fait qu’outre les deux magistrats professionnels, le Conseil de discipline serait composé notamment d’un délégué du ministère de la Fonction publique et d’un délégué du ministère d’Etat, lesquels devraient être considérés comme parties en cause, du fait de disposer d’une délégation de signature pour le compte des ministres respectifs et du fait de risquer d’avoir eu, en amont et au sein de leurs ministères respectifs, une connaissance des dossiers jugés par le Conseil de discipline auprès duquel ils siègent.

La demanderesse se prévaut, dans ce contexte, de deux décisions du Conseil constitutionnel français, la première ayant invalidé un article du Code de l’action sociale et des familles pour contrariété à la Constitution française en ce qu’il prévoyait la participation de fonctionnaires dans la composition d’une commission centrale d’aide sociale en méconnaissance du principe d’indépendance, la seconde ayant décidé que les dispositions, prévoyant que deux fonctionnaires, représentant le ministre de la santé et le ministre de l’outre-

mer, siégeant au sein du conseil national de l’ordre des pharmaciens, seraient contraires à la Constitution française pour méconnaître le principe d’indépendance, alors même que celles-ci prévoyaient que lesdits représentants ministériels y siègent avec voix consultative.

La demanderesse critique plus précisément le fait que sur les cinq membres composant le Conseil de discipline, deux représenteraient l’Etat, ce qui en fait et en droit poserait un problème d’équilibre face au seul représentant de la chambre des fonctionnaires et employés publics.

Madame (A) invoque encore un manque d’impartialité des délégués du gouvernement représentant l’Etat devant le Conseil de discipline, alors qu’ils seraient tous fonctionnaires au ministère de la Fonction publique et qu’ils plaideraient devant le chef du cabinet dudit ministère, la demanderesse contestant encore le fait que tous les membres du Conseil de discipline seraient nommés à l’occasion du même arrêté grand-ducal pour un terme de trois ans.

A cet égard, elle donne à considérer qu’elle ne verrait pas la nécessité d’avoir encore deux représentants du Gouvernement qui siègeraient au sein de l’organe de jugement, dont l’un appartiendrait au même ministère que le délégué du gouvernement qui serait son supérieur hiérarchique.

La demanderesse renvoie également aux doutes exprimés en 2002 par le Conseil d’Etat luxembourgeois lui-même dans le cadre de travaux parlementaires afférents en ce qui concerne la composition du Conseil de discipline et la nécessité d’un délégué du gouvernement, alors que ledit Conseil comprendrait déjà deux délégués de ministres, dont le rôle deviendrait de ce fait « plus ambigu ».

La demanderesse insiste en outre sur le fait que le commissariat chargé de l’instruction, ayant instruit l’affaire et renvoyé le dossier devant le Conseil de discipline, dépendrait également directement du ministère de la Fonction publique et qu’il tiendrait ses bureaux au sein même dudit ministère, de sorte qu’à toutes les étapes de la procédure, un représentant du ministère de la Fonction publique, sinon le ministre de la Fonction publique lui-même serait impliqué.

Elle fait finalement valoir que ce serait à juste raison que la Charte disposerait dans ses articles 41 et 47 que toute personne aurait le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable, ce qui n’aurait pas été le cas en l’espèce.

Subsidiairement, la demanderesse propose de poser à ce sujet une question préjudicielle à la Cour de justice de l’Union européenne, dénommée ci-après « la CJUE », de la teneur suivante :

« l’article 59 alinéas 1er et 3 du Statut général des fonctionnaires de l’Etat, en tant qu’il prévoit d’une part que le Conseil de discipline est composé notamment d’un délégué du ministère de la Fonction publique et d’un délégué du ministère d’Etat, tous considérés comme représentant la partie poursuivante, et d’autre part d’un délégué du Gouvernement qui « défendra les intérêts du Gouvernement », ce dernier appartenant également au ministère de la Fonction publique et enfin, l’article 56 du Statut, en tant qu’il confie l’instruction disciplinaire au commissaire du Gouvernement chargé de l’instruction disciplinaire lui-même fonctionnaire au sein du ministère de la Fonction publique et tenant ses bureaux auprès dudit ministère, sont-ils conformes aux articles 41 et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ? ».

Toujours dans le cadre de son moyen tenant à une violation du principe d’impartialité consacré par les droits de la défense, de l’article 6 de la CEDH et des articles 41 et 47 de la Charte, la demanderesse remet en cause l’impartialité du commissaire du gouvernement du fait pour celui-ci de cumuler de facto et de jure trois fonctions incompatibles, à savoir celle de juge d’instruction (instruire à charge et à décharge), de juge (classer l’affaire, sinon la renvoyer à l’autorité, sinon au Conseil de discipline) et celle de procureur (son rapport devant être considéré comme un réquisitoire).

La demanderesse reproche plus précisément au commissaire du gouvernement de n’avoir retenu aucun élément à décharge à son profit. A l’appui de sa prise de position du 2 mars 2022, elle aurait en effet communiqué un courriel dans lequel Monsieur (B), chef de division de la division RTS, au Bureau … de l’administration des Contributions directes, aurait indiqué que « Dës pragmatesch Léisung war mam Accord vum Comité fonnt gin […] »). Le commissaire du gouvernement aurait conclu dans son rapport complémentaire qui « si ce courriel ne peut donc guère servir comme élément à décharge de Madame (A), il constitue une illustration parfaite du ras-le-bol de ses supérieurs », conclusion qui serait de nature à établir sa partialité à l’égard de la demanderesse. Sur ce point, elle suspecte finalement ses supérieurs hiérarchiques et « accusateurs » d’être entrés en contact avec le commissaire du gouvernement, ce qui expliquerait « l’agacement » de ce dernier à son égard et démontrerait encore davantage son rôle de procureur.

Dans son mémoire en réplique, quant à l’impartialité objective du Conseil de discipline, la demanderesse reproche au délégué du gouvernement de s’être emparé de décisions des juridictions administratives de 2015 et 2016 ayant retenu que le Conseil de discipline ne constituerait pas une juridiction au sens de la CEDH, de sorte que les garanties de l’article 6 de la CEDH n’auraient pas vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure purement administrative, alors que de manière générale, la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, ci-après dénommée « la CourEDH », prévoirait depuis son revirement en 1999 que l’article 6 de la CEDH serait applicable au droit disciplinaire de la Fonction publique, entraînant ainsi que les Conseils de discipline seraient tenus de respecter le principe de l’audience publique et de statuer de façon équitable et impartiale. Elle cite ensuite un jugement du tribunal administratif du 23 octobre 2020, inscrit sous le numéro 42361 du rôle, ainsi qu’un arrêt de la Cour administrative du 10 décembre 2019, inscrit sous le numéro 43348C du rôle, qui auraient retenu que le Conseil de discipline en charge de la procédure disciplinaire serait tenu d’observer les principes généraux du droit, tels que le principe d’équitable procédure, le principe du respect des droits de la défense, le principe général d’impartialité ou encore le principe général du délai raisonnable.

La demanderesse ajoute que le système de l’échevinage, tel qu’il existerait devant les juridictions de l’ordre social, ne serait pas comparable à celui ayant cours devant le Conseil de discipline, étant donné qu’un tel système serait précisément censé garantir l’impartialité objective du tribunal du travail, ce qui ne serait toutefois pas le cas devant le Conseil de discipline.

Elle réitère, à cet égard, son argumentation ayant trait à l’absence d’impartialité des représentants de l’employeur public, lesquels seraient directement concernés par le sort des parties en cause, de sorte à ne pas pouvoir être comparés aux représentants des employeurs siégeant dans l’ordre juridictionnel social, alors que ces derniers ne siégeraient pas dans l’hypothèse où ils seraient directement ou indirectement concernés par une affaire. Elle fait encore valoir que l’Etat employeur serait astreint au respect « des règles statutaires et surtout aux règles de droit public ». L’Etat, dans ses rapports avec l’administré et l’Etat employeur, dans ses rapports avec ses agents, serait plus précisément soumis au respect de la Constitution, des principes généraux du droit et des lois, sans pouvoir bénéficier de la liberté contractuelle propre au droit commun du travail.

S’agissant du reproche d’impartialité dirigé à l’encontre du commissaire de gouvernement, la demanderesse renvoie en substance aux développements contenus dans sa requête introductive d’instance.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de ce moyen en tous ses volets.

A titre liminaire, quant à l’article 41 de la Charte, aux termes duquel « […] Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l’Union. […] », il échet tout d’abord de relever que cet article n’est pas directement invocable devant les juridictions nationales, la CJUE ayant effectivement retenu à cet égard qu’il résultait clairement du libellé de l’article 41 de la Charte que celui-ci s’adresse non pas aux Etats membres, mais uniquement aux institutions, aux organes et aux organismes de l’Union4.

S’agissant de l’article 47 de la Charte, en vertu duquel « Toute personne dont les droits et libertés garantis par le droit de l’Union ont été violés a droit à un recours effectif devant un tribunal dans le respect des conditions prévues au présent article. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Toute personne a la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter. Une aide juridictionnelle est accordée à ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l’effectivité de l'accès à la justice. », force est au tribunal de constater que la demanderesse n’a pas autrement précisé quels droits et libertés du droit de l’Union auraient été violés dans son chef, de sorte que ce moyen simplement suggéré encourt le rejet, alors qu’il n’appartient pas au tribunal de suppléer la carence de la demanderesse en 4 CJUE, 17 juillet 2014, YS c. Minister voor Immigratie, Integratie en Asiel et Minister voor Immigratie, Integratie en Asiel c. M et S, affaires jointes C-141/12 et C-372/12, point 67.

recherchant lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de ses conclusions.

Quant à l’article 6, paragraphe 1er de la CEDH, aux termes duquel « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle […] », si ce dernier impose certes des impératifs à respecter en matière de procès équitable, les garanties afférentes n’ont néanmoins pas pour autant vocation à s’appliquer au niveau d’une procédure disciplinaire purement administrative, en ce qu’elles n’entrent en ligne de compte qu’à un stade ultérieur, au niveau de l’instance juridictionnelle compétente pour connaître du recours dirigé contre la décision administrative traduisant l’aboutissement de ladite procédure disciplinaire5.

Or, tel qu’il ressort d’une jurisprudence administrative constante, le Conseil de discipline ne constitue qu’une étape dans le processus décisionnel aboutissant à la sanction disciplinaire et ne revêt pas en lui-même un caractère juridictionnel, de sorte que les moyens avancés par la demanderesse, en ce qu’ils sont basés sur une violation alléguée de l’article 6 de la CEDH au niveau de la procédure disciplinaire administrative ayant précédé la décision déférée, laissent d’être fondés6.

Force est néanmoins de relever que, même si l’autorité administrative en charge de la procédure disciplinaire n’est pas formellement soumise au respect de l’article 6 de la CEDH, il a été jugé qu’elle est toutefois tenue d’observer les principes généraux de droit, tels que le principe de procédure équitable, le respect des droits de la défense ou encore le principe général d’impartialité, et ce, même en l’absence d’un texte exprès7.

A cet égard, il a été retenu qu’il échet d’une manière générale d’assurer que l’enquête disciplinaire soit conduite par une personne compétente à condition que son impartialité ne soit pas contestable. Ainsi, l’autorité amenée à prendre la décision sur la sanction à appliquer doit être impartiale d’un point de vue subjectif, en ce qu’elle ne doit pas avoir procédé à des prises de position antérieures de nature à préjuger du résultat de la procédure disciplinaire, de même qu’il est exigé que, d’un point de vue objectif, ledit organe ne puisse pas être soupçonné de partialité objective, la partialité objective pouvant découler de conditions structurelles ou organisationnelles qui autoriseraient à suspecter l’impartialité d’un organe8.

En ce qui concerne d’abord les développements de la demanderesse relatifs à la composition du Conseil de discipline, force est de constater que cette mise en doute de l’impartialité de cet organe se base sur le seul constat qu’il a été composé, outre de deux magistrats, d’un représentant du ministère de la Fonction publique, ainsi que d’un représentant du ministère d’Etat, ces derniers membres manquant, d’après la demanderesse, d’objectivité du fait de leur pouvoir de représentation de leurs ministres respectifs dans la gestion quotidienne des affaires courantes.

5 Cour adm., 14 juillet 2016, n° 37460C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 249.

6 Idem.

7 Trib. adm., 12 mars 2008, n° 21852a du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 272 (2ème volet) et les autres références y citées.

8 Trib. adm., 8 juillet 2015, n° 34312 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 273 et les autres références y citées.

Aux termes de l’article 59 du statut général, « Le Conseil de discipline est composé de deux magistrats de l’ordre judiciaire, d’un délégué du ministre […], d’un délégué du ministre d’Etat et d’un représentant à désigner par la Chambre des Fonctionnaires et Employés Publics, ainsi que d’un nombre double de suppléants choisis selon les mêmes critères. […]. » Il est de jurisprudence constante que la seule présence au sein du Conseil de discipline d’un fonctionnaire du ministère de la Fonction publique et d’un représentant du ministère d’Etat ne permet pas de conclure à une appréhension raisonnable de préjugé lorsque ces fonctionnaires n’ont pas manifesté d’une quelconque manière un comportement caractérisé permettant de conclure à une appréhension raisonnable de préjugé et notamment lorsque ceux-

ci n’ont pas été appelés à prendre précédemment une décision ou à effectuer une intervention qui les auraient conduits à prendre position ou à émettre une appréciation pouvant constituer un préjugé sur le litige leur soumis en tant que membres du Conseil de discipline9.

La demanderesse restant, en l’espèce, en défaut de rapporter des éléments de preuve concrets à cet égard, le moyen tiré d’une prétendue absence d’impartialité dans le chef du Conseil de discipline est dès lors à rejeter pour ne pas être fondé.

Il en va de même du reproche de partialité dans le chef du commissaire du gouvernement, alors que d’un point de vue objectif, il convient de relever qu’il a été jugé que du seul fait qu’il soit appelé, en fonction des résultats de l’enquête, soit à classer l’affaire, soit à transmettre le dossier à l’autorité administrative ou encore au Conseil de discipline aux fins de décision, le commissaire du gouvernement ne peut pas être soupçonné de partialité objective au cours de l’enquête, la partialité ne pouvant être déduite ex post du seul résultat de l’enquête. En effet, la possibilité du commissaire du gouvernement aux termes d’une instruction à charge et à décharge, à décider du sort de l’affaire, n’a par ailleurs que la qualité d’un acte préparatoire, le Conseil de discipline demeurant souverain dans son appréciation10. La seule circonstance que le commissaire du gouvernement soit administrativement lié au ministère dont relève la demanderesse ne révèle pas une partialité objective.

La demanderesse n’avançant par ailleurs pas le moindre élément probant et pertinent de nature à établir une partialité subjective dans le chef du commissaire du gouvernement, l’argumentation y relative est à rejeter.

En ce qui concerne l’accusation selon laquelle les supérieurs hiérarchiques de la demanderesse seraient entrés en contact avec le commissaire du gouvernement adjoint, ce qui expliquerait « l’agacement » de ce dernier à son encontre et démontrerait encore davantage son rôle de procureur, la demanderesse n’a en particulier fait qu’émettre des suppositions à cet égard, tout en étant restée en défaut d’apporter des éléments concrets de nature à faire ressortir des lacunes dans l’instruction menée à son encontre par le commissaire du gouvernement adjoint, respectivement des éléments objectifs pouvant faire apparaître l’existence d’une action concertée entre le commissaire du gouvernement adjoint et ses supérieurs hiérarchiques.

Ce constat n’est pas énervé par la référence faite par la demanderesse à la remarque consignée par le commissaire du gouvernement adjoint dans son rapport d’instruction complémentaire suivant laquelle « si [le courriel de Monsieur (B)] ne peut donc guère servir 9 Trib. adm., 12 mars 2008, n° 21852a du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 291 (1er volet) et les autres références y citées.

10 En ce sens : trib. adm., 12 mars 2008, n° 21852a du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 287 (1er volet) et les autres références y citées.

comme élément à décharge de Madame (A), il constitue une illustration parfaite du ras-le-bol de ses supérieurs », une telle remarque ne permettant pas d’établir une quelconque partialité de la part du commissaire du gouvernement adjoint à l’encontre de la demanderesse, mais étant tout au plus de nature à établir le ressenti personnel de Monsieur (B) à son égard.

Quant au moyen tendant à une partialité dans le chef du délégué du gouvernement auprès du Conseil de discipline, le tribunal relève que celui-ci est un représentant du gouvernement défendant les intérêts de ce dernier, de sorte qu’il n’a pas à être impartial et qu’aucune violation des articles cités par la demanderesse ne saurait être retenue à son encontre.

Il suit de l’ensemble des considérations qui précèdent que le moyen tiré de la violation du principe d’impartialité consacré par les droits de la défense, de l’article 6 de la CEDH et des articles 41 et 47 de la Charte est à rejeter pour ne pas être fondé, de sorte qu’il n’y a pas lieu de soumettre une question préjudicielle y afférente à la Cour constitutionnelle.

d) Matérialité des faits et qualification juridique Suivant la décision entreprise du Conseil de discipline, quatre reproches principaux sont faits à l’encontre de la demanderesse, à savoir : (1) refus itératifs d’ordre, (2) diffusion d’un document confidentiel à une tierce personne, (3) atteinte à la dignité des fonctions, scandale et compromissions des intérêts du service public et (4) manquements aux devoirs de dignité et de civilité et désobligeance envers les administrés.

1) Quant aux refus itératifs d’ordre Arguments des parties La demanderesse conteste en premier lieu avoir refusé d’exécuter des décomptes annuels pour les non-résidents en affirmant (i) qu’elle n’aurait fait qu’appliquer les lois et règlements, (ii) que l’ordre « irrégulier » de Monsieur (C) - qui n’aurait plus été confirmé par écrit - n’aurait « rien à avoir avec l’instruction de Monsieur (D) » et (iii) qu’elle aurait, en date du 9 juin 2021, expliqué à Monsieur (C) que la législation en vigueur, qui serait plus récente que l’instruction de Monsieur (D), devrait être appliquée.

Elle nie ensuite avoir refusé d’établir des cartes d’impôt pour le personnel naviguant employé par une société de navigation aérienne en faisant valoir qu’elle n’aurait fait qu’appliquer les lois et règlements.

S’agissant du reproche qui lui est fait en relation avec le refus de procéder à l’attribution d’un abattement forfaitaire pour des frais de déplacement pour le personnel diplomatique luxembourgeois recruté localement à l’étranger, la demanderesse argue que (i) la tâche demandée aurait d’ores et déjà été traitée par un autre agent, (ii) sa hiérarchie appliquerait avec beaucoup trop de « pragmatisme » la législation en vigueur et (iii) l’article 105 bis alinéa 2 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) n’aurait pas été respecté. Elle ajoute que « la consigne a[urait] été adressée par courriel en date du 04/02/2021 à 08:19 de la division RTS à Monsieur (C) et Madame (E) l’a[urait] transmis à la requérante le même jour à 16:00. Or, à ce moment-là, la liste a[urait] déjà été traitée par Monsieur (F). ».

La demanderesse conteste ensuite avoir refusé de procéder à la rédaction d’une note conjointe, au motif qu’un tel reproche serait contredit par les annexes communiquées à l’appui de sa prise de position du 10 décembre 2021, d’une part, et que Madame (E) n’aurait pas demandé, dans son courriel du 9 novembre 2020, de participer à la rédaction d’une note conjointe, fait que le commissaire du gouvernement adjoint aurait lui-même confirmé en indiquant dans son rapport « […] indépendamment du fait que Madame (A) s’est ravisée plus tard et a néanmoins participé à la rédaction de la note conjointe […] », d’autre part.

Concernant le reproche d’avoir refusé de reclasser d’office les contribuables mariés dans la classe 1 au moment où ils quittent le territoire du Grand-Duché du Luxembourg, la demanderesse expose que l’administration des Contributions directes ne se serait pas tenue « aux dispositions légales et règlementaires en vigueur concernant les modalités des inscriptions correctives sur les fiches de retenue d’impôt des non-résidents pour les années d’imposition 2018, 2019 et 2020 ».

La demanderesse conteste finalement avoir fait procéder en 2018 à l’émission de cartes d’impôts 2016 rétroactives.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de cette argumentation.

Appréciation du tribunal Concernant le manquement tenant à des refus itératifs d’ordre, il ressort de la décision du Conseil discipline qu’il est reproché à la demanderesse d’avoir (i) « refusé d’exécuter des décomptes annuels pour les non-résidents », (ii) « refusé d’établir des cartes d’impôt pour le personnel naviguant employé par une société de navigation aérienne », (iii) « refusé de procéder à l’attribution d’un abattement forfaitaire pour des frais de déplacement pour le personnel diplomatique luxembourgeois recruté localement à l’étranger », (iv) « refusé de procéder à la rédaction d’une note conjointe » et (v) « refusé de reclasser d’office les contribuables mariés dans la classe 1 au moment où ils quittent le territoire du Grand-Duché du Luxembourg ».

Il convient encore de constater que le reproche contenu dans la lettre de saisine du commissaire du gouvernement du 28 septembre 2021 lié à l’émission de cartes d’impôts 2016 rétroactives n’a pas été retenu par le Conseil de discipline, de sorte que le tribunal n’est pas saisi de ce reproche, à défaut de recours séparé de la partie étatique sur ce point.

Ces observations étant faites, il échet de relever que suivant l’article 9 du statut général :

« 1. Le fonctionnaire est tenu de se conformer consciencieusement aux lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose. Il doit de même se conformer aux instructions du gouvernement qui ont pour objet l’accomplissement régulier de ses devoirs ainsi qu’aux ordres de service de ses supérieurs.

[…] 4. Lorsque le fonctionnaire estime qu’un ordre reçu est entaché d’irrégularité, ou que son exécution peut entraîner des inconvénients graves, il doit, par écrit, et par la voie hiérarchique, faire connaître son opinion au supérieur dont l’ordre émane. Si celui-ci confirme l’ordre par écrit, le fonctionnaire doit s’y conformer, à moins que l’exécution de cet ordre ne soit pénalement répressible. Si les circonstances l’exigent, la contestation et le maintien de l’ordre peuvent se faire verbalement. Chacune des parties doit confirmer sa position sans délai par écrit ».

Il incombe au tribunal de vérifier dans un premier temps la matérialité des faits en cause, puis d’analyser, dans l’hypothèse où ces faits sont matériellement établis, s’ils peuvent être qualifiés ou non de refus d’ordre.

➢ Analyse de la matérialité des faits La demanderesse ne conteste pas la matérialité des faits en ce qui concerne les reproches visés sous les points ci-dessus (ii), (iii) et (v).

Seule la matérialité des faits en relation avec les reproches visés aux points (i) et (iv) est contestée, de sorte qu’il appartient au tribunal de procéder à leur analyse.

Concernant le refus d’ordre libellé sous le point (i), il convient de relever, à titre liminaire, que la législation fiscale est à interpréter de façon uniforme par tous les agents de l’administration des Contributions directes, pour des raisons de sécurité juridique et de cohérence de l’action administrative et qu’une telle interprétation se fait principalement à travers des circulaires et instructions, lesquelles sont à qualifier d’ordres de service au sens de l’article 9, paragraphe (1), alinéa 2, du statut général.

Le tribunal constate ensuite que dans un courriel daté du 5 juillet 2021, Monsieur (C) a ordonné à la demanderesse de respecter les instructions données par Monsieur (D), ancien Directeur de l’administration des Contributions directes, en 2011.

Les affirmations de la demanderesse selon lesquelles cet ordre aurait été étranger aux instructions données par Monsieur (D) au courant de l’année 2011 laissent d’être établies et demeurent par conséquent à l’état de pure allégation. Force est d’ailleurs au tribunal de constater que la demanderesse ne s’était jamais prévalue d’une telle argumentation dans ses prises de position adressées au commissaire du gouvernement adjoint lors de la phase d’instruction disciplinaire, respectivement avant son recours contentieux.

Le tribunal relève de surcroît que dans un courriel daté du 9 juin 2021 et intitulé « Meng Stellungnahm vun eisem entretien professionnel vun haut den Moien », Madame (A) a indiqué ce qui suit à Monsieur (C) :

« […] Hei sin d’Kopien vun 2 Emailen, also d’Erklärungen, firwaat ech mech mech bei den Ofrechnungen vun den Décompter un d’Zertifikaten muss haalen. Als Fonctionnaire ass ët méng Pflicht d’Gesetzestexter an d’Règlementer korrekt ze applizéieren. Wann ech daat nët géif maachen , géif ech zu der fraude an évasion fiscale bäidroen. Daat ass mir klor ënnersoot an dann géif ech mech strofbar maachen (voir cas …).

Arbechtskollegen traitéieren d’Dossieren anescht opgrond vun enger Instruktioun vum fréiere Steierdirekter (D), déi anscheinend bis haut nach nët widerruf gin ass, an déi ech nie kritt hun, well ech deemools zu engem aneren bureau vun der Steierverwaltung gehéiert hun.

Fro: Sin d’Direktiounsinstruktiounen (nach) ëmmer am Aklang mat der Législatioun ? D’Direktioun muss daat jiddefalls regelméisseg (no)kucken an gegebenenfalls adaptéieren.

Richteg (legal) coordinéieren an communiquéieren sin den A an O fir esou Konfllikter an Zukunft ze évitéieren. Den zoustännege bureau kann géint esou Dysfonctionnementer leider nët ganz vill maachen. […] ».

Il résulte de ce courriel que Madame (A) a, en date du 9 juin 2021, eu une discussion avec Monsieur (C) au sujet des instructions de l’ancien Directeur de l’administration des Contributions directes et qu’elle avait dès lors nécessairement connaissance de leur existence au plus tard à cette date.

Il est dès lors établi que la demanderesse a reçu l’ordre d’exécuter les décomptes annuels pour les non-résidents, que l’ordre en question a été confirmé par son supérieur hiérarchique et que suite à sa confirmation, elle a refusé de l’exécuter.

Il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits en relation avec le reproche visé sous le point (i) est établie.

Concernant le reproche visé sous le point (iv), il échet de constater qu’il ressort du dossier administratif que Madame (E) a, par courriel du 9 novembre 2020, prié les préposés et préposés adjoints du Bureau … « […] de faire parvenir d’ici demain soir une note au Comité de Direction résumant les problèmes actuellement rencontrés au niveau de votre service et, surtout, les remèdes à y apporter par l’équipe dirigeante de …. Merci d’aborder en particulier votre façon de travailler ensemble entre préposé et adjoints. […] ».

En date du 10 novembre 2020 à 10.17 heures, Monsieur (C) a adressé un courriel à la demanderesse en ces termes :

« […] Fir können ob deng Fro ze äntweren, an fir der Mme Direkter eng Note können obzestellen, mussen mir 4 eng Réunioun ofhaalen.

Ech ging dat gären den Donneschden de moien um 10h00 am … machen. […] ».

Par courriel du 11 novembre 2020 envoyé à 13.44 heures à Monsieur (C) et au Comité de direction, Madame (A) a répondu :

« […] Ech wärt meng eegen Analyse maachen an och meng eegen Note un den CDD schécken, well mäin Responsabilitéitsgefill mir daat seet. Dëst Schreiwes wärt och als Annexe zu ménger Note un den CDD gehéieren. […] ».

Madame (E) a répliqué à 13.55 heures que « […] Le CDD s’attend à une note conjointe de votre part. […] ».

Par courriel du 12 novembre 2020 à 10.26 heures, Monsieur (C) a informé Madame (E), de ce qui suit :

« […] Ech wollt Iech Bescheed soen dat Madame (A) sech krank gemellt hout.

Réunioun fir können déi note conjointe ze erstellen muss also ob Ugangs nächst Woch verlout ginn. ».

Par courriel envoyé le 13 novembre 2020 à 10.18 heures à Madame (E), Madame (A) a répondu que « […] Mat enger note conjointe kann een d’Problemer op … nët erkennen. Duerfir schécken ech Iech mat dësem Schreiwes meng eegen Note. […] ».

Le même jour, à 11.45 heures, Madame (E) a demandé à Madame (A) « […] Hunn ech mech nët kloer ausgedrëckt?Firwat befollegt Dir einfach en Uerder nët? […] ».

Madame (A) a rétorqué à 12.15 heures que « […] Den Beamtenstatut gesäit fir, daat waan een Beamten een Uerder nët befollegen kann, ët muss schrëftlech matdeelen. Daat hun ech gemaach an ech hun Iech d’Saach och erklärt. Ech fir mäin Deel hoffen just, daat daat Ganzt nët nach zu engem cas d’Etat gët. […] ».

Dans un courriel envoyé le 17 novembre 2020 à 9.21 heures, Monsieur (C) a informé Madame (E) de ce qui suit :

« […] Madame (A) hout mech e Freiden per E-Mail informéiert dat Sie Hier eegen Note un den Comité geschéckt hout, mat enger Erklärung un Iech virwaat eng Note conjointe aus Hierer Siicht net méigleg ass.

An dem doten präzisen Kontext kann demno keng Réunioun de concertation méi planifiéiert ginn, well ennert denen aktuellen gegebenen Emmstänn d’Erstellen vun der Note conjointe esou net kann erfollegen.

Eng Konvocatioun saitens dem Comité mat allen betraffenen Persounen schéint mir dowéinns inévitabel ze ginn. […] P.S.: - ech fannen et äusserst bedauerlech an traureg dat et muss esou wait kommen :

ech perséinlech hättt et begréisst wann dat intern an onsem Service hätt kéinnten besprach ginn. […] ».

Suivant le courriel envoyé le 17 novembre 2020 à 9.29 heures par Madame (E) à Monsieur (C) :

« […] Dir sidd gefroot ginn eng gemeinsam Note ze machen.

Falls dat nët geschitt ass dat e refus d’ordre.

Dat gëllt och fir d’Mme (A). D’Tatsach dass d’Mme (A) hier eegen Note gemach hued empêchéiert nët dass sie misst bei der gemeinsamer matschaffen. […] ».

Par courriel du même jour, Madame (A) a expliqué à Madame (E) que « […] Fir alles, waat gerecht ass an zu Verbesserungen féieren kann, sin ech op. Zu allem, waat d’Spiral nach méi an d’Negativt dréint, eisem Service nët weiderhëlleft an zu näischt Konstruktivem féiert, soen ech neen. Den Här (C) an Dir, Madame Direkter, musst mir elo nach just soen, op déi envisagéiert réunion de concertation no Satz 1 oder Satz 2 wärt oflaafen. Satz 2 ass jiddenfalls fir mech keng Optioun. […] ».

Madame (E) lui a répondu que « […] Ech hunn eng Note gefroot, keng Réunioun (mat mir). Fir de Rëscht verstinn ech Är Mail nët. Ech kommunizéieren elo nët méi weider. […] ».

Force est au tribunal de constater que le courriel de Madame (E) du 9 novembre 2020 à 8.24 heures est à qualifier d’ordre de procéder à la rédaction d’une note conjointe. En demandant aux destinataires du prédit courriel - dont la demanderesse - « d’aborder en particulier votre façon de travailler ensemble entre préposé et adjoints », il est en effet manifeste que Madame (E) a exigé l’élaboration d’une note conjointe.

Il ressort encore des courriels de l’intéressée des 11 et 13 novembre 2020 que cette dernière a ouvertement refusé d’exécuter ledit ordre et ce malgré la confirmation par Madame (E) dudit ordre dans son courriel du 11 novembre 2020.

Ce constat n’est pas ébranlé par l’affirmation de la demanderesse selon laquelle elle se serait ravisée plus tard et aurait néanmoins participé à la rédaction de la note conjointe, alors qu’elle a initialement refusé d’élaborer une telle note, a choisi de rédiger une note individuelle et s’est obstinée pendant plus d’une semaine dans son refus de participer à la rédaction d’une note conjointe, cette affirmation renforçant, au contraire, le fait qu’elle a refusé d’exécuter un ordre de son supérieur hiérarchique.

Il résulte de ce qui précède que la matérialité des faits en relation avec le reproche visé sous le point (iv) est également établie.

➢ Analyse de la légitimité des refus d’ordre Concernant les refus d’ordre libellés sous les points (i), (ii), (iv) et (v) Le tribunal note que la demanderesse ne conteste pas, pour ce qui concerne les reproches visés sous les points (ii), (iv) et (v), le fait qu’elle a reçu un ordre, que l’ordre a été confirmé et que suite à sa confirmation, elle a refusé de l’exécuter.

Pour justifier les refus d’exécution desdits ordres, ainsi que le refus d’exécution de l’ordre libellé sous le point (i), la demanderesse se prévaut exclusivement de leur non-conformité à la législation et la règlementation en vigueur.

Force est toutefois de constater que les arguments avancés par la demanderesse pour justifier les prédits refus d’ordre laissent de s’inscrire dans les prévisions de l’article 9, paragraphe (4) du statut général qui impose au fonctionnaire qui s’est vu confirmer un ordre de service par écrit, tel que c’est le cas en l’espèce, de s’y conformer, à moins que l’exécution de cet ordre ne soit pénalement répressible, cette exception n’étant pas applicable en l’espèce et n’ayant au demeurant pas été invoquée par la demanderesse.

S’agissant finalement du refus d’ordre libellé sous le point (iv), le tribunal constate que la demanderesse n’invoque aucun argument pour justifier son refus de rédiger une note conjointe.

En refusant d’exécuter les ordres de service en cause, sans pour autant établir, ni même alléguer que leur exécution serait pénalement répressible, Madame (A) a dès lors manqué à l’article 9, paragraphe (1), alinéa 2, du statut général.

Concernant le refus d’ordre libellé sous le point (iii) En ce qui concerne le reproche d’avoir refusé d’exécuter l’ordre d’accorder un abattement forfaitaire, le tribunal constate que la demanderesse estime, en substance, ne pas avoir refusé ledit ordre, en argumentant notamment que la tâche demandée aurait d’ores et déjà été traitée par un autre agent.

Force est toutefois de constater que cette argumentation n’est étayée par aucune pièce du dossier et relève dès lors à l’état de pure allégation.

En refusant d’exécuter l’ordre d’accorder un abattement forfaitaire, sans pour autant établir, ni même alléguer que son exécution serait pénalement répressible, Madame (A) a dès lors manqué à l’article 9, paragraphe (1), alinéa 2, du statut général.

2) Quant au second reproche d’avoir « violé les lois et règlements qui déterminent les devoirs que l’exercice de ses fonctions lui impose » Arguments des parties Concernant le reproche d’avoir, en date du 27 novembre 2019, envoyé par courriel un document confidentiel à un tiers, à savoir un extrait de compte à un comptable étranger, la demanderesse conteste toute faute disciplinaire dans son chef.

A cet égard, elle argumente que les extraits de compte de salaire ou de pension électroniques (« ECSP ») - lesquels auraient remplacé, depuis l’année d’imposition 2015, les extraits de compte papier, qui auraient eux-mêmes également été dénommés certificats de salaire ou de pension - devraient être identiques aux certificats de salaire ou de pension, de retenue d’impôt et de crédits d’impôt bonifiés délivrés aux contribuables conformément à l’article 11, alinéa 2 du règlement grand-ducal modifié du 27 décembre 1974 concernant la procédure de la retenue d’impôt sur les salaires. Il s’ensuivrait que les ECSP ne devraient pas contenir d’éléments nouveaux.

Elle ajoute que l’affirmation selon laquelle des données nominatives qui concerneraient l’employeur du contribuable et non le salarié pour compte duquel l’envoi a été fait figureraient sur l’ECSP serait erronée et qu’en vertu du paragraphe 205 de la loi générale des impôts, elle aurait dû confronter le mandataire du contribuable concerné avec l’extrait de salaire exact (ECSP) et le certificat de salaire erroné, qui aurait été fourni par le contribuable à son mandataire.

Finalement, Madame (A) soutient que le certificat de salaire établi par l’employeur ne pourrait être différent de l’ECSP, ce dernier n’étant rien d’autre que « l’ensemble des données de salaire inscrites jadis au verso de la fiche de retenue d’impôt par l’employeur du contribuable (ou le mandataire de l’employeur) ». Cette fiche de retenue d’impôt aurait en outre pu être remise ou expédiée personnellement au contribuable, ce qui démontrerait que la demanderesse n’aurait pas divulgué illégalement des données secrètes.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de cette argumentation.

Analyse du tribunal Il ressort du dossier administratif qu’il est reproché sous ce point à la demanderesse d’avoir, en date du 27 novembre 2019, envoyé par courriel un document confidentiel à un tiers, à savoir un extrait de compte à un comptable étranger sur lequel figureraient des données nominatives qui concerneraient l’employeur du contribuable en question et non le salarié pour compte duquel l’envoi en cause aurait été effectué.

Aux termes de l’article 10, paragraphe (1) du statut général :

« Le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.

Il est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination. ».

Suivant son article 11 :

« 1. Il est interdit au fonctionnaire de révéler les faits dont il a obtenu connaissance en raison de ses fonctions et qui auraient un caractère secret de par leur nature ou de par les prescriptions des supérieurs hiérarchiques, à moins d’en être dispensé par le ministre du ressort. Ces dispositions s’appliquent également au fonctionnaire qui a cessé ses fonctions.

2. Tout détournement, toute communication contraire aux lois et règlements de pièces ou documents de service à des tiers sont interdits. ».

En l’espèce, il échet de constater que la demanderesse ne conteste pas la matérialité des faits qui lui sont reprochés, mais seulement leur qualification en faute disciplinaire.

A cet égard, le tribunal relève, en premier lieu, que dans le cadre de la transposition en droit luxembourgeois de la directive 2011/16/UE du Conseil de l’Union européenne du 15 février 2011 relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799/CEE, l’administration des Contributions directes a introduit la procédure de renvoi électronique des ECSP, lesquels renseignent les revenus provenant d’une occupation salariée, de pensions ou de rentes versés à des contribuables résidents et non-résidents luxembourgeois.

Depuis l’année d’imposition 2014, les employeurs (personnes physiques ou morales), de même que les caisses de pension doivent ainsi obligatoirement délivrer sur support électronique les ECSP à l’administration des Contributions directes, via la plateforme MyGuichet.lu.

Le tribunal partage l’analyse faite par le Conseil de discipline selon laquelle l’ECSP est exclusivement destiné à l’administration des Contributions directes et n’a pas vocation à être communiqué à un tiers, tel notamment un salarié ou la fiduciaire d’un salarié et ce, indépendamment de la question de savoir si le document contient ou non des données confidentielles ou nominatives, connues ou non du tiers en question à travers d’autres documents.

Force est en outre de relever que la demanderesse reste en défaut de citer une disposition légale ou règlementaire qui l’aurait autorisée à communiquer directement l’ECSP litigieux à la fiduciaire d’un ancien salarié d’une société luxembourgeoise, le simple renvoi à un paragraphe de la loi générale des impôts, sans autre précision, étant insuffisant à cet égard.

Le tribunal en déduit que la demanderesse, en transmettant un extrait de compte salaire et pension (ECSP) à la fiduciaire d’un ancien salarié de l’employeur ayant généré cet extrait de compte salaire et pension, a manqué à l’article 11, paragraphe (2) du statut général.

3) Quant au troisième reproche d’avoir « porté atteinte à la dignité des fonctions, fait scandale et compromis le service public » Arguments des parties Quant au reproche d’avoir envoyé, en date des 4 février et 10 septembre 2021, des courriels à des destinataires non impliqués dans les différends qui l’opposaient à sa hiérarchie, la demanderesse fait valoir en premier lieu que ce reproche ne comporterait aucune précision quant aux éventuelles circonstances de temps et de lieu et se contenterait de renvoyer à l’expression vague et générale « implique régulièrement ».

Sur le fond, elle argumente, après avoir affirmé que ses supérieurs hiérarchiques au sein de l’administration des Contributions directes devraient accepter que l’intérêt général prévale sur leur intérêt individuel, que l’article 105bis, alinéa 2 de la loi concernant l’impôt sur le revenu (L.I.R.) n’aurait pas été appliqué pour le personnel recruté localement à l’étranger.

L’intéressée soutient finalement qu’elle aurait agi dans le cadre de la liberté d’expression et la liberté syndicale et, en tout état de cause, de son droit de réclamation contre tout acte des supérieurs du fonctionnaire qui lèsent les droits statutaires ou qui blessent le fonctionnaire dans sa dignité, en renvoyant à ce titre à l’article 33 du statut général.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de cette argumentation.

Analyse du tribunal Il ressort du dossier qu’il est reproché à la demanderesse d’avoir envoyé, en date du 4 février 2021 à 12.40 heures et en date du 10 septembre 2021 à 12.57 heures, des courriels « à des destinataires non impliqués dans les différends qui l’opposaient à sa hiérarchie, dans le but de donner une publicité à des litiges artificiellement créés par ses soins et, par ce biais, de dénigrer ses supérieurs hiérarchiques ».

Le tribunal relève tout d’abord que les faits reprochés à la demanderesse ont été libellés avec suffisamment de clarté et de précision, de sorte à permettre à cette dernière de saisir exactement leur objet et leur portée et de prendre utilement position par rapport à ces faits dans le cadre de son recours, sans que ses droits de la défense ne soient méconnus. Ses contestations quant à la « forme » de ce reproche, bien que non autrement explicitées, sont partant à écarter.

Sur le fond, il est constant en cause que la demanderesse a adressé, en date du 4 février 2021 à 12.40 heures, le courriel suivant à la Division RTS de l’administration des Contributions directes :

« […] Ouni Gesetz an Reglement ? Wien huet daat mam MAE ausgehandelt ? Goufen d’bureaux d’imposition och dovun a Kenntnis gesaat? Firwaat ass ët eng Fro - an keen direkten Uerder ? Därf den Artikel 105bis L.I.R. einfach esou violéiert gin ? Huet ët nach iwwerhaapt Wert, den serment ofzeléen? Alles Froen, déi een sech berechtegt stellen därf ! […] ».

Suivant les pièces du dossier soumis à l’appréciation du tribunal, ce courriel répondait à un courriel du supérieur hiérarchique de la demanderesse envoyé le 4 février 2021 à 8.19 heures en relation avec un abattement forfaitaire pour des frais de déplacement concernant le personnel diplomatique luxembourgeois recruté localement à l’étranger.

S’il était légitime d’adresser le courriel en cause à tous les destinataires du courriel initial de Monsieur (B), le tribunal relève néanmoins que la demanderesse a estimé nécessaire de l’envoyer également au Comité de direction, à la Division juridique, à la Division législation, à la Division inspection et organisation du service d’imposition, à trois personnes du Bureau RTS non-résidents, à une personne de la Division informatique, ainsi qu’au syndicat unifié des impôts directs (SUID).

Suivant les explications fournies par la partie étatique et non contestées par la demanderesse, cette dernière a, de la sorte, ajouté « une bonne vingtaine de destinataires non impliqués » dans son courriel.

Force est au tribunal de constater que la demanderesse reste en défaut d’expliquer concrètement les raisons pour lesquelles elle a décidé d’élargir de manière aussi considérable la liste de diffusion d’un courrier électronique et se borne en substance à reprocher à ses supérieurs hiérarchiques un non-respect de la législation fiscale.

Le tribunal partage sous ce point l’analyse faite par l’administration des Contributions directes selon laquelle cette façon de faire avait pour seul but de discréditer Monsieur (B) en passant outre ses instructions et par la force des choses, de court-circuiter la voie hiérarchique.

Il ressort ensuite du dossier administratif que Madame (A) a envoyé, en date du 10 septembre 2021, un courriel à Monsieur (G) en se plaignant du fait que le Directeur de l’administration des Contributions directes lui refuserait un avancement au grade 13.

En vertu des explications fournies par la partie étatique et non contestées en l’espèce, la demanderesse a envoyé ce courriel, destiné à Monsieur (G), chef de division de la Division affaires générales, également à Madame (E), Directeur de l’administration des Contributions directes, à Monsieur (C), préposé du Bureau RTS non-résidents de l’administration des Contributions directes, à Monsieur (H), directeur de la Direction fiscalité du Ministère des Finances, à Monsieur (I), directeur de la Direction administration et domaines du Ministère des Finances, au syndicat CGFP, au syndicat SUID, à Monsieur (J) du Bureau d’imposition … de l’administration des Contributions directes, à Madame (K) du Bureau … de l’administration des Contributions directes et à Madame (L), chef de division adjoint de la Division affaires générales.

Or, à défaut pour la demanderesse d’expliquer concrètement les raisons pour lesquelles elle a choisi de diffuser un courriel concernant son avancement dans sa carrière - et revêtant par nature un caractère personnel et confidentiel - à des personnes extérieures à l’administration des Contributions directes, sinon hors de la chaîne hiérarchique, le tribunal partage l’analyse faite par l’administration des Contributions directes selon laquelle cette façon de faire avait pour seul but de discréditer Monsieur (G) et Madame (E), respectivement de forcer sa demande d’avancement en tentant de court-circuiter la voie hiérarchique.

Cette conclusion n’est pas ébranlée par les références faites par la demanderesse à la liberté d’expression, à la liberté syndicale et au droit de réclamation.

En effet, outre le fait qu’elle a été invoquée sans la moindre précision, la liberté d’expression ne saurait en premier lieu justifier l’attitude de la demanderesse, ce d’autant plus qu’il est communément admis que le devoir de loyauté, de réserve et de discrétion revêt une importance particulière pour l’employé public, en sa qualité d’agent de la fonction publique, et que ce devoir est de nature à constituer une restriction légalement autorisée à la liberté d’expression11.

En second lieu, il importe de relever que la liberté syndicale, également vaguement mise en avant par la demanderesse, se définit généralement comme la liberté reconnue à tout individu de défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et d’adhérer au syndicat de son choix, d’une part, et la liberté de constitution et de fonctionnement des organisations professionnelles hors tout contrôle des pouvoirs publics et de l’employeur12, d’autre part.

Or, la demanderesse reste en défaut d’établir que les courriels litigieux auraient un lien avec la liberté syndicale, de sorte que leur envoi ne saurait être justifié sur ce fondement.

Ce constat n’est pas non plus énervé par l’invocation par la demanderesse de l’article 33, paragraphe (1) du statut général, qui prévoit que « Tout fonctionnaire a le droit de réclamer individuellement contre tout acte de ses supérieurs ou d’autres agents publics qui lèsent ses droits statutaires ou qui le blessent dans sa dignité. ». Force est en effet de constater que la demanderesse reste en défaut d’établir avoir subi un quelconque acte susceptible de léser ses droits statutaires ou de la blesser dans sa dignité, une simple affirmation en ce sens étant insuffisante à cet égard pour rester à l’état de pure allégation.

Il y a partant lieu de retenir que Madame (A) a manqué à l’article 10, paragraphe (1), alinéa 1er, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire doit, dans l’exercice comme en dehors de l’exercice de ses fonctions, éviter tout ce qui pourrait porter atteinte à la dignité de ces fonctions ou à sa capacité de les exercer, donner lieu à scandale ou compromettre les intérêts du service public.

4) Quant au quatrième reproche d’avoir « manqué de façon répétée au devoir de dignité et de civilité qui lui incombe » et d’avoir fait preuve de « désobligeance envers les administrés » Arguments des parties Quant au reproche d’avoir « manqué de façon répétée au devoir de dignité et de civilité qui lui incombe » et d’avoir fait preuve de « désobligeance envers les administrés », la demanderesse conteste en premier lieu avoir fait preuve de désobligeance envers les administrés en affirmant (i) avoir valablement répondu par courriel adressé en date du 18 août 2021 à Monsieur (M), fonctionnaire auprès du Ministère des Affaires étrangères et européennes, que suivant la loi, aucune déduction forfaitaire pour frais de déplacement ne pourrait être accordée, (ii) que Madame (N) aurait insisté pour pouvoir, malgré tout, bénéficier d’une telle déduction et (iii) que même si la solution pragmatique illégale, qui aurait été approuvée par le comité de direction de l’administration des Contributions directes, avait été appliquée, aucune déduction n’aurait pu être accordée.

Elle conteste ensuite l’accusation de harcèlement moral au motif que celle-ci ne serait établie ni en fait, ni en droit. Elle explique à cet égard qu’elle n’aurait fait qu’un « trait d’humour » envers Madame (O) et que le reproche qui lui serait désormais fait à cet égard serait manifestement disproportionné, relèverait de la pure opportunité et témoignerait d’un 11 Trib. adm., 25 novembre 2015, n° 32915 du rôle, confirmé par Cour adm., 7 juin 2016, n° 37367C du rôle, Pas.

adm. 2023, V° Fonction publique, n° 452 et les autres références y citées.

12 Gérard Cornu, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 10ème édition mise à jour, V° Liberté syndicale, p. 611.

acharnement inacceptable à son encontre. Elle ajoute qu’elle n’aurait eu aucune intention de discriminer ou de blesser Madame (O) et que cette dernière, de même que Madame (P), auraient sollicité leur changement d’affectation pour se rapprocher de leurs domiciles respectifs.

S’agissant du reproche relatif aux dénigrements itératifs de l’administration, la demanderesse expose en substance que l’interprétation du terme « revenu » en matière RIS, telle que donnée par Messieurs (C), (Q) et (B), aurait été erronée. Etant donné que la représentation du personnel aurait, en vertu de l’article 36 du statut général, pour mission notamment de promouvoir le perfectionnement professionnel et que les fonctionnaires jouiraient de la liberté syndicale, elle ajoute que l’envoi du courriel litigieux au SUID serait justifié et conclut que ses deux objections seraient parfaitement fondées « [d]ans une optique de respect des lois et règlements », de sorte que les reproches qui lui sont faits seraient injustifiés.

Pour contester les faits qui lui sont opposés en relation avec le défaut de civilité, la demanderesse expose encore avoir sollicité une entrevue urgente auprès de Madame (E) en date du 24 août 2021. Au cours de cette réunion, à laquelle Monsieur (R) aurait également assisté, Madame (E) aurait, à travers une remarque qui serait à qualifier d’allusion, sinon de « menace à peine voilée », confirmé le souhait de l’administration des Contributions directes de se débarrasser d’elle au motif fallacieux « du ras-le-bol de ses supérieurs », lequel trouverait son origine dans la volonté de la demanderesse d’appliquer la législation en vigueur. Selon elle, la discussion entre les participants à cette entrevue se serait envenimée et aurait tourné à un acharnement à son égard et au profit de Monsieur (R).

La demanderesse précise à ce sujet s’être sentie dénigrée et avoir, dans un contexte qu’elle qualifie de particulièrement hostile, prononcé vis-à-vis de Madame (E) une phrase malheureuse, à savoir « Wann Dir sou weider fuert, dann därft een gespaant sin, ob Dir rëm fir 7 Joer genannt gitt. », qu’elle regretterait profondément.

Bien qu’elle n’aurait pas été l’égale, dans la hiérarchie, de Madame (E) et de Monsieur (R), la demanderesse explique finalement qu’elle n’aurait toutefois pas été dans une position de subalterne cantonné à des tâches de pure exécution, mais que son ancienneté et son expérience auraient dû lui permettre de discuter avec ses supérieurs de la légalité de l’action de son administration.

Le délégué du gouvernement conclut au rejet de cette argumentation.

Analyse du tribunal Le tribunal constate que ce quatrième reproche se subdivise en quatre sous-reproches, à savoir (i) désobligeance envers les administrés, (ii) défaut de civilité dans les rapports avec les subordonnés - harcèlement, (iii) dénigrements itératifs de l’administration et (iv) défaut de civilité envers les supérieurs hiérarchiques.

(i) Quant à la désobligeance envers les administrés Il ressort du dossier administratif qu’en date du 10 août 2021, Monsieur (M), gestionnaire de l’exécution budgétaire auprès du Ministère des Affaires étrangères et européennes, a demandé par courriel au Bureau … « de bien vouloir établir une nouvelle fiche de retenue d’impôts 2021 pour Madame …, employée recrutée localement auprès de l’Ambassade du Grand-Duché de Luxembourg à Pékin […] ».

Par courriel daté du 18 août 2021, Madame (A) lui a répondu que « [c]onformément à l’alinéa 3 de l’article 105bis L.I.R., aucune déduction forfaitaire pour frais de déplacement n’est à accorder. » Par courriel daté du 19 août 2021, Madame (N), agent auprès de la Direction des Finances et des Ressources humaines du Ministère des Affaires étrangères et européennes lui a répondu que « […] nous avons en effet convenu avec vos services d’allouer un abattement forfaitaire pour frais de déplacement en faveur du personnel recruté localement étant imposable au Luxembourg (cf voir note du 25 janvier 2021) », tout en lui demandant « de réviser [sa] décision. […] ».

Suivant courriel du même jour, Madame (A) lui a répondu ce qui suit :

« […] En tant que fonctionnaires et employés de l’Etat nous sommes tous tenus à appliquer les lois et règlements en vigueur.

N’oublions pas non plus que les agents assermentés ont promis de remplir leurs fonctions avec intégrité, exactitude et impartialité.

Enfin nul n’est censé ignorer la loi.

J’espère que j’ai suffisamment répondu à l’objection de votre courriel. […] ».

Le tribunal constate que la matérialité des faits n’est pas contestée, seule leur qualification de faute disciplinaire l’étant.

Si le ton employé par la demanderesse dans son courriel du 19 août 2021 témoigne d’une condescendance certaine et d’un mépris difficilement contenu, d’une part, et que ledit courriel ne fournit en pratique aucune réponse à Madame (N) et s’avère dès lors inutile, d’autre part, le tribunal est néanmoins amené à retenir qu’un tel fait n’est en lui-même pas suffisant pour pouvoir être qualifié de manquement à l’article 10, paragraphe (1), alinéa 2, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire est tenu de se comporter avec dignité et civilité tant dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés que dans ses rapports avec les usagers de son service qu’il doit traiter avec compréhension, prévenance et sans aucune discrimination.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que l’accusation de désobligeance envers les administrés n’est pas établie à l’encontre de la demanderesse.

(ii) Quant au défaut de civilité dans les rapports avec les subordonnés - harcèlement Suivant la lettre de saisine du 28 septembre 2021, il est reproché en premier lieu à la demanderesse d’avoir, en date du 15 avril 2021 et « aux alentours du 21-22/04/2021 », fait les remarques suivantes à l’une de ses subordonnées, en l’occurrence Madame (O) : « (O), ech muss dir en Kompliment machen, zenter du hei schaffs, bass du mei breed gin ».

Si la demanderesse ne conteste pas l’emploi desdites paroles à l’égard de Madame (O), elle conteste toutefois leur qualification en tant que défaut de civilité et d’acte de harcèlement.

A cet égard, le tribunal relève qu’aux termes de la première attestation testimoniale de Madame (O) du 3 septembre 2021 :

« Den 15. Abrëll, wollt ech no menger Mettespaus zreck an mäin Büro goen, ewéi d’Madamm (A) mir am Gank entgéint koum ass. Sie ass stoen bliewen an ech sin hir entgéint gangen. Wéi ech ongeféier zwee Meter vun hir eweg wor soot sie « (O), ech muss dir en Kompliment machen. Zënter dass du hei schaffs, bass du méi breed gin. » Den éischten Moment hunn ech gemengt dat ech falsch heieren hätt. Dun soot d’Madamm (A) weider « Mach der néicht draus, mir ass et selwescht ergangen ». Ech wor esou paff dat ech just nach Jojo soot.

Als Entfert koum dun « Du verstess jo Spass ». Hunn och nitt geentfert, wor erfeiert an wollt an dem Moment och neicht falsches soen. Meng Kollegin d’(P), mat dem ech den Bezirk « … » deelen, wor am Congé. Mir zwee hatten schons zënter e puer Wochen d’Gefill, dat d’Madamm (A) mech géiw ignoréieren. An dann kennt aus heiterem Himmel des Bemierkung.

Nom (P) sengem Congé, d’Woch vum 19ten Abrëll, ass dun nach eng Bemierkung an eng Mail koum. Zu der Zait woren d’Lëschten ziemlech grouss an den ganzen Service « … » huet sech géigenseiteg gehollef. Leider sin dun och aner Sachen leien bliewen. D’Madamm (A) hatt mech och déi Woch vum 12ten Abrëll op meng Mailen hin gewiesen. Hunn mech och endschellegt an gesoot sin am Moment eleng an mir all gin an eisen Lëschten ënner.

Den 19ten Abrëll, mettes koum d’(P) an main Büro an soot mir dat d’Madamm (A) lo just soot sie hätt mat him geschwacht dat ech meng Mailen traitéieren soll an d’(P) soll mir hellefen. Leider hatt d’Madamm (A) nitt mat mir geschwacht, sie hatt mir en Mail gemeet wou den Här (C) / (F) an … en Kopie woren.

Dräi Deeg drop wor ech beim (P) am Büro wei d’Madamm (A) och dobei koum an huet mech eng Zaitchen vun uewen no ennen gemustert an soot dun « (O), haut geseis de nitt esou breed aus ». […] ».

Le tribunal se doit de rejoindre la partie étatique dans son constat selon lequel des remarques telles que « (O), ech muss dir en Kompliment machen, zenter du hei schaffs, bass du mei breed gin » et « (O) haut geseis du nitt esou bred aus », ou toutes autres remarques similaires relatives à l’apparence physique d’un collègue, sont déplacées et n’ont de toute évidence pas leur place dans le cadre d’une relation pérenne de travail.

Il y a dès lors lieu de conclure que Madame (A), en faisant des remarques déplacées à Madame (O) sur son apparence physique, a manqué à son devoir de civilité envers ses collègues de travail et ainsi à l’article 10, paragraphe (1), alinéa 2, du statut général, sans que ce constat ne soit ébranlé par l’affirmation suivant laquelle lesdites remarques n’auraient constitué que des plaisanteries.

S’agissant ensuite du reproche dirigé contre la demanderesse d’avoir « fait régner une ambiance de défiance dans le bureau, n’accordant aucune confiance à ses subordonnées Madame (O) et Madame (P) », ce qui aurait conduit ces dernières à demander, en date du 3 septembre 2021 « à être déplacées dans un autre service en raison du comportement désobligeant de Madame (A) », suivant les extraits de l’attestation testimoniale de Madame (P) du 3 septembre 2021 :

« […] Donneschdes den 22 Abrëll D’Madamm (A), d’(O) an ech haten a mengem Büro en Gespréich. D’Madamm (A) huet sech wärend dësem Gespréich méi op mech konzentréiert / bezunn an d’(O) zum gréissten Deel ingoréiert, wat déi lescht Zäit méi oft de Fall war. Teschenduerch huet sie d’(O) awer ëmmer rém vun der Sait gekuckt an gemustert. Bemol fänkt Sie un komesch ze lachen an seet zum (O) "Haut gesäis du awer net sou breed aus". D’(O) an ech waren allen 2 perplex no der Ausso.

No engem kuerzen Moment soot ech dunn zum (O) hat kéint gär bei mech als Responsabel vum Ressort kommen well sou eng Ausso net an der Rei ass. D’Madamm (A) war zu deem Zäitpunkt nach am Büro, ass net drop agaangen an huet weidergeschwat wei wann naicht wier.

Als Adjoint an Employé/e mateneen ze laachen an och mol gecksen ass gutt fir d’Aarbechtsklima, mee verschidden Aussoen gin ze weit. Remarken wei een ausgesäit sin déplacéiert an schueden dem Aarbechsverhältniss. ».

Madame (P) a encore déclaré ce qui suit dans une attestation testimoniale séparée datée du même jour :

« Am Juni dëst Joer waren eenzel Entretiens matt den Adjoints an den Responsablen vun den Ressorts mam Här (R) geplangt.

D’Madamm (A) wosst dat mäin Entretien mam Här (R) den 16/06 wier. Sie huet mech den 15/06 an den 16/06 ugeruff obwuel Sie dei Deeg krankgemellt war. Ech hat den Androck an deene Gespréicher wei wann Sie wéilt rausfannen wat ech géing soen an huet schon versicht mach ze beaflossen dat ech déi onangeneem Sachen vum Büro net sollt ernimmen.

Den 18. Juni huet d’Madamm (A) mech rëm ugeruff fir ze froen wéi mäin Entretien war an fir ze froen wat ech gesot hunn. ».

Le tribunal rappelle qu’aux termes de l’article 10, paragraphe (2) du statut général, « Le fonctionnaire doit s’abstenir de tout fait de harcèlement sexuel ou harcèlement moral à l’occasion des relations de travail, de même que de tout fait de harcèlement visé aux alinéas 6 et 7 du présent paragraphe. […] Constitue un harcèlement moral à l’occasion des relations de travail au sens du présent article toute conduite qui, par sa répétition ou sa systématisation, porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une personne. ».

Il résulte de cette définition que pour constituer un harcèlement moral, les agissements en cause doivent être répétitifs, de sorte qu’un acte isolé ne saurait être susceptible de constituer un harcèlement.

Or, il résulte des attestations testimoniales de Madame (P) du 3 septembre 2021 que cette dernière, ainsi que Madame (O) auraient eu l’impression que la demanderesse aurait fait régner une mauvaise ambiance sur leur lieu de travail, sans pour autant citer des exemples concrets, mises à part les deux remarques faites par Madame (A) en relation avec l’apparence physique de Madame (O).

Force est ainsi au tribunal de constater qu’il ne ressort d’aucun élément du dossier disciplinaire que la demanderesse aurait adopté une conduite qui, par sa répétition ou sa systématisation, aurait porté atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychique ou physique d’une de ses subordonnées. Dans ce contexte, il n’est pas non plus établi que Madame (O) et Madame (P) auraient sollicité leur changement d’affectation en raison du comportement de Madame (A), les courriers versés par la partie étatique s’avérant insuffisants à cet égard.

Dans le même ordre d’idées, les attestations testimoniales de Madame (O) et Madame (P) sont également insuffisantes pour conclure à la création par Madame (A) d’une « ambiance de défiance », voire d’un « climat de travail dégradant, humiliant et offensant », dans la mesure où ces deux témoins se limitent en réalité à faire état de leurs impressions générales subjectives et à avancer des suppositions, sans pour autant apporter des éléments précis et concrets de nature à étayer les reproches faits à ce titre à la demanderesse.

Le tribunal est dès lors amené à retenir que l’accusation de harcèlement moral n’est pas établie à l’encontre de la demanderesse.

(iii) Quant aux dénigrements itératifs de l’administration En ce qui concerne le reproche d’avoir dénigré l’administration de façon répétée, le tribunal relève que la demanderesse a (i) suite aux courriels de Messieurs (Q) et (B) datés du 12 décembre 2018, répondu dans un courriel du 13 décembre 2018 « wei professionnel ass eis Verwaltung nach ? », tout en adressant ledit courriel en copie au SUID et (ii) en date du 14 mars 2019 à 08h18, adressé un courriel à Madame (E) en ces termes : « […] Ni le professionnalisme, ni la compétence ne semblent régner sur notre administration ACD depuis un certain temps. Concernant la réforme de l’article 157bis, plus précisément l’alinéa 3 L.I.R., une étude approfondie de la circulaire L.I.R. n° 134/1 du 9 décembre 209 serait vivement à recommander. […] ».

Il échet ensuite de constater que la demanderesse ne nie pas avoir envoyé lesdits courriels mais conteste, en substance, avoir commis une faute disciplinaire en argumentant que les actes de dénigrement qui lui sont reprochés (i) seraient basés sur un fait unique, (ii) auraient presque trois ans et (iii) s’inscriraient dans le cadre de la liberté syndicale.

C’est d’abord à tort que la demanderesse affirme que les actes de dénigrement en cause seraient basés sur un fait unique, alors que les déclarations qui lui sont opposées sont contenues dans deux courriels distincts, envoyés respectivement les 13 décembre 2018 et 14 mars 2019.

S’agissant ensuite de l’affirmation de Madame (A) selon laquelle les faits en question auraient « presque 3 ans » - et outre le fait qu’elle ne soit pas autrement développée - le tribunal tient à rappeler qu’aux termes de l’article 74 du statut général, « L’action disciplinaire résultant du manquement aux devoirs du présent statut se prescrit par trois ans. […] La prescription prend cours à partir du jour où le manquement a été commis; elle est interrompue par la saisine du commissaire du Gouvernement ». Les faits litigieux n’étaient partant pas prescrits au jour de la saisine du commissaire du gouvernement, à savoir le 28 septembre 2021, de sorte que la demanderesse n’a aucune critique à faire valoir à cet égard.

En ce qui concerne l’invocation de la liberté syndicale, il y a encore lieu de relever qu’aux termes de l’article 36, paragraphe (1) du statut général, « Les fonctionnaires jouissent de la liberté d’association et de la liberté syndicale. […] ». Conformément aux développements exposés ci-dessus, la liberté syndicale est communément définie comme la liberté collective autorisant la formation d’organisations structurées dédiées à la défense d’intérêts communs, d’une part, et la liberté individuelle conférant à chacun le droit de s’affilier ou non à de telles organisations, d’autre part.

Nonobstant les affirmations non autrement étayées de la demanderesse, celle-ci reste en défaut d’établir un quelconque lien entre le courriel litigieux du 13 décembre 2018 et la liberté syndicale ou la « représentation du personnel », de sorte que son envoi ne saurait en tout état de cause être justifié sur le fondement de l’article 36 du statut général.

Au contraire, en s’interrogeant de façon tranchante et agressive sur le professionnalisme de l’administration des Contributions directes dans son premier courriel du 13 décembre 2018, puis en remettant cette fois directement en cause le professionnalisme et la compétence de cette même administration, qui plus est auprès de son Directeur, dans son second courriel du 14 mars 2019, la demanderesse a ouvertement dénigré son administration, respectivement ses agents et sa direction et a partant manqué à l’article 10, paragraphe (1), alinéa 2, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire est tenu de se comporter avec dignité et civilité dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés.

Il s’ensuit que c’est à bon droit que le Conseil de discipline a retenu ce reproche à l’encontre de la demanderesse.

(iv) Défaut de civilité envers les supérieurs hiérarchiques S’agissant du reproche tenant à un défaut de civilité envers ses supérieurs hiérarchiques, le tribunal constate qu’il ressort des développements de la demanderesse que celle-ci ne conteste pas avoir (i) coupé la parole à Monsieur (R) et (ii) remis en cause les capacités de sa supérieure hiérarchique à exercer ses fonctions de Directeur de l’administration des Contributions directes et son avenir au sein de cette administration, lors de l’entrevue du 24 août 2021, celle-ci justifiant ce comportement par le fait qu’elle se serait sentie aculée et dénigrée, aurait été confrontée à un climat particulièrement hostile et aurait été victime d’acharnement, respectivement que son poste de préposé adjoint lui aurait permis de discuter ouvertement avec ses supérieurs hiérarchiques au sujet des pratiques de l’administration des Contributions directes.

Or, le tribunal rejoint la partie étatique dans son constat selon lequel ces faits revêtent une gravité certaine et constituent un manquement à l’article 10, paragraphe (1), alinéa 2, du statut général, en vertu duquel le fonctionnaire est tenu de se comporter avec dignité et civilité dans ses rapports de service avec ses supérieurs, collègues et subordonnés, étant précisé à cet égard que les arguments avancés par Madame (A) pour tenter de justifier son comportement laissent d’être établis, respectivement sont dénués de pertinence.

S’y ajoute que le fait pour la demanderesse d’occuper, au moment des faits litigieux, le poste de préposé adjoint auprès de l’administration des Contributions directes, soit un poste comportant certaines responsabilités, ne saurait la dispenser de son obligation de se comporter de façon courtoise et professionnelle vis-à-vis de ses supérieurs hiérarchiques ou de ses collègues de travail de manière générale.

Finalement, les arguments de la demanderesse selon lesquels cette dernière aurait seulement souhaité appliquer la législation en vigueur et discuter avec ses supérieurs de la légalité de l’action de son administration, ne sont pas pertinents et ne sauraient justifier, ni excuser ses manquements, étant rappelé dans ce contexte qu’il appartenait à la demanderesse d’exécuter les ordres de ses supérieurs hiérarchiques, faute d’avoir prouvé que l’exécution de tels ordres aurait été pénalement répressible.

e) Quant à la proportionnalité de la sanction disciplinaire En ce qui concerne finalement la mise en cause, par Madame (A), de la proportionnalité de la sanction disciplinaire retenue à son encontre par la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022, il y a lieu de relever qu’aux termes de l’article 53 du statut général, « L’application des sanctions se règle notamment d’après la gravité de la faute commise, la nature et le grade des fonctions et les antécédents du fonctionnaire inculpé. […] », impliquant, d’après la jurisprudence en la matière, que les critères d’appréciation de l’adéquation de la sanction, prévus légalement, sont énoncés de manière non limitative, de sorte que le tribunal est susceptible de prendre en considération tous les éléments de fait lui soumis qui permettent de juger de la proportionnalité de la sanction à prononcer, à savoir, entre autres, l’attitude générale du fonctionnaire13.

Il a également été jugé que, dans le cadre du recours en réformation exercé contre une sanction disciplinaire, le tribunal est amené à apprécier les faits commis par le fonctionnaire en vue de déterminer si la sanction prononcée par l’autorité compétente a un caractère proportionné et juste, en prenant notamment en considération la situation personnelle et les antécédents éventuels du fonctionnaire14.

S’il est effectivement constant, dans ce contexte, que Madame (A) n’a pas d’antécédents disciplinaires, il convient de relever que l’absence d’antécédents disciplinaires n’est pas de nature à amoindrir la gravité de la faute, mais constitue néanmoins un des éléments déterminants à prendre en considération pour apprécier le comportement global du fonctionnaire en vue de la détermination de la sanction disciplinaire à retenir parmi l’échelle afférente prévue par la loi15.

Quant à la gravité du comportement de Madame (A) et à la sanction adéquate à prononcer, il échet de rappeler que les faits retenus à charge de Madame (A), à savoir les refus d’ordre, la transmission d’un document confidentiel à un tiers, l’implication injustifiée de tiers dans le cadre de ses conflits avec sa hiérarchie, le défaut de civilité dans ses rapports avec ses subordonnés et ses supérieurs hiérarchiques, de même que les dénigrements itératifs de son administration, sont à qualifier de manquements aux articles 9, paragraphe (1), alinéa 2, 10, paragraphe (1), alinéas 1er et 2 et 11, paragraphe (2), du statut général.

Force est, à cet égard, au tribunal de retenir que les faits en question revêtent une gravité certaine et révèlent notamment une attitude opposante et insubordonnée dans le chef de Madame (A), de même qu’un manque de professionnalisme, de considération, de tact et de retenue à l’égard de ses supérieurs hiérarchiques, respectivement de ses collègues de travail.

Le comportement de la demanderesse a incontestablement porté atteinte à la dignité de ses fonctions et est d’autant plus critiquable qu’elle occupait, en tant que préposé adjoint du bureau … de l’administration des Contributions directes, un poste comportant des responsabilités certaines et impliquant la gestion de plusieurs personnes sous ses ordres. A cela s’ajoute et tel que le relève à juste titre la partie étatique, que la demanderesse ne montre toujours aucun début d’autocritique ou d’introspection et continue à contester la majorité des faits qui lui sont reprochés et en particulier les itératifs refus d’ordre en se retranchant derrière des arguments inopérants.

13 Trib. adm., 12 juillet 2019, nos 40837 et 41256 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction Publique, n° 348 et les autres références y citées.

14 Trib. adm., 1er juillet 1999, n° 10936 du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction Publique, n° 387 et les autres références y citées.

15 En ce sens : trib. adm., 3 juin 2002, n° 14153 du rôle, Pas. adm 2023, V° Fonction publique, n° 390 et les autres références y citées.

Il échet ensuite de constater que la sanction disciplinaire prononcée à l’égard de Madame (A), à savoir la mise à la retraite d’office, constitue la pénultième sanction disciplinaire du catalogue figurant à l’article 47 du statut général.

Au vu des considérations qui précèdent, ensemble le casier disciplinaire vierge de Madame (A) et sa longue ancienneté de service et bien que les faits litigieux revêtent une gravité certaine, la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office, telle que fixée par le Conseil de discipline, apparaît toutefois comme étant trop sévère, de sorte qu’il y a lieu, par réformation de la décision entreprise, de prononcer comme sanction adéquate par rapport aux faits de l’espèce, les peines disciplinaires de la rétrogradation, en vertu de l’article 47, point 7 du statut général et de l’exclusion temporaire des fonctions avec privation totale de la rémunération pour une durée de six mois, en vertu de l’article 47, point 8 du statut général.

Le recours en réformation dirigé contre la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022 est dès lors partiellement fondé.

II. Quant au recours contre l’arrêté ministériel du 21 juin 2022 pris en exécution de la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022 A défaut d’une disposition légale prévoyant un recours au fond contre une décision de l’autorité de nomination pris en exécution d’une décision du Conseil de discipline, le tribunal doit se déclarer incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre ledit arrêté, contre lequel seul un recours en annulation peut être dirigé16. En effet, même si le pouvoir de nomination ne dispose que d’une compétence liée dans l’exécution de la décision rendue par le Conseil de discipline, il n’empêche que l’arrêté d’exécution a son existence propre du fait de faire grief à son destinataire, de sorte qu’il constitue un acte attaquable per se, dont la légalité interne ou externe peut toujours être mise en cause séparément de l’acte qu’il exécute.

Le recours subsidiaire en annulation est par contre recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi, sans que cette conclusion ne soit énervée par le fait que le délégué du gouvernement se soit rapporté à prudence de justice quant à la recevabilité dudit recours, alors qu’il est rappelé qu’il n’appartient pas au juge administratif de suppléer la carence des parties au litige et de rechercher lui-même les moyens juridiques qui auraient pu se trouver à la base de la contestation du délégué du gouvernement, à défaut de cause d’irrecevabilité d’ordre public qui serait à soulever d’office.

Malgré l’absence de développements des parties dirigés à l’encontre de l’arrêté ministériel attaqué et dans la mesure où ledit arrêté a été pris en exécution de la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022, réformée par le présent jugement, il y a lieu d’annuler ledit arrêté en conséquence.

III. Quant à la demande visant à ordonner à l’Etat de communiquer le dossier administratif intégral 16 Trib. adm., 14 décembre 2011, nos 27681 et 27719 du rôle, confirmé par Cour adm., 1er mai 2012, n° 29731C du rôle, Pas. adm. 2023, V° Fonction publique, n° 332.

S’agissant de la demande de Madame (A), formulée dans le dispositif de sa requête introductive d’instance, tendant à ordonner à l’Etat de communiquer le dossier administratif intégral conformément à l’article 8, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives, dénommée ci-après « la loi du 21 juin 1999 », demande formulée sans une quelconque précision à ce sujet dans son recours ou dans son mémoire en réplique, il y a lieu de relever, outre le fait que le dépôt du dossier administratif constitue une obligation spontanée pour l’administration dont émane la décision attaquée, que la partie étatique a versé au tribunal un classeur contenant les documents permettant de retracer les principaux rétroactes à la base de la décision en cause, de sorte qu’à défaut, pour la demanderesse, d’avoir, par la suite, contesté le caractère complet du dossier administratif ainsi versé, la demande y relative encourt le rejet.

IV. Quant à la demande basée sur l’article 35, alinéa 1er de la loi du 21 juin 1999 S’agissant de la demande formulée par Madame (A) dans le dispositif de son recours et tendant à lui donner acte qu’elle peut bénéficier de l’effet suspensif dudit recours pendant le délai et l’instance d’appel, tel que prévu par l’article 35, alinéa 1er de la loi du 21 juin 1999, en vertu duquel « Par dérogation à l’article 45, si l’exécution de la décision attaquée risque de causer au requérant un préjudice grave et définitif, le tribunal peut, dans un jugement tranchant le principal ou une partie du principal, ordonner l’effet suspensif du recours pendant le délai d’appel. », cette demande est à rejeter, faute pour la demanderesse d’avoir expliqué concrètement en quelle mesure l’exécution de la décision critiquée risquerait de lui causer un préjudice grave et définitif.

V. Quant à la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure et aux frais et dépens La demanderesse sollicite finalement la condamnation de l’Etat à lui verser une indemnité de procédure de 3.500 euros sur base de l’article 33 de la loi du 21 juin 1999. Cette demande est toutefois à rejeter étant donné que la demanderesse omet de spécifier la nature des sommes exposées non comprises dans les dépens et ne précise pas en quoi il serait inéquitable de laisser les frais non répétibles à sa charge, la simple référence à l’article de la loi applicable n’étant pas suffisante à cet égard.

Au vu de la solution au fond et plus particulièrement du fait que la demanderesse a obtenu partiellement gain de cause, il y a finalement lieu de faire masse des frais et dépens et de les imputer pour moitié à chacune des parties.

Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ;

reçoit en la forme le recours principal en réformation introduit contre la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022 ayant prononcé à l’égard de Madame (A) la sanction disciplinaire de la mise à la retraite d’office ;

au fond, le déclare partiellement justifié, partant, par réformation de la décision entreprise du 8 juin 2022, prononce à l’égard de Madame (A), cumulativement, les sanctions disciplinaires de la rétrogradation et de l’exclusion temporaire des fonctions avec privative totale de la rémunération pour une durée de six mois ;

dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation dirigé contre la décision du Conseil de discipline du 8 juin 2022 ;

se déclare incompétent pour connaître du recours principal en réformation dirigé contre l’arrêté ministériel du 21 juin 2022 ;

reçoit en la forme le recours subsidiaire en annulation dirigé contre l’arrêté ministériel du 21 juin 2022 ;

au fond, le déclare justifié, partant, l’annule ;

déboute la demanderesse de sa demande tendant à ordonner à l’Etat de communiquer le dossier administratif intégral conformément à l’article 8, paragraphe (5) de la loi modifiée du 21 juin 1999 ;

rejette la demande tendant à prononcer l’effet suspensif sur le fondement de l’article 35, alinéa 1er de la loi du 21 juin 1999 ;

rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure de 3.500 euros telle que formulée par la demanderesse ;

fait masse des frais et dépens de l’instance et les impute pour moitié à chacune des parties.

Ainsi jugé et prononcé à l’audience publique du 17 décembre 2024 par :

Thessy Kuborn, premier vice-président, Laura Urbany, premier juge, Nicolas Griehser Schwerzstein, juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri.

s. Judith Tagliaferri s. Thessy Kuborn Reproduction certifiée conforme à l’original Luxembourg, le 17 décembre 2024 Le greffier du tribunal administratif 38


Synthèse
Formation : Troisième chambre
Numéro d'arrêt : 47907
Date de la décision : 17/12/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;lu;tribunal.administratif;arret;2024-12-17;47907 ?

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