Tribunal administratif Numéro 52071 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg ECLI:LU:TADM:2024:52071 2e chambre Inscrit le 10 décembre 2024 Audience publique du 16 décembre 2024 Recours formé par Monsieur (A), …, contre une décision du ministre des Affaires intérieures en matière d’assignation à résidence (art. 22, L.18.12.2015)
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JUGEMENT
Vu la requête inscrite sous le numéro 52071 du rôle et déposée le 10 décembre 2024 au greffe du tribunal administratif par Maître Mathieu GIBELLO, avocat à la Cour, inscrit au tableau de l’Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur (A), né le … à … (Sénégal) et de nationalité sénégalaise, actuellement assigné à résidence dans … sise à L-…, tendant à la réformation, sinon à l’annulation d’une décision du ministre des Affaires intérieures du 6 novembre 2024 l’assignant à résidence à … pour une durée de trois mois à partir de la notification de la décision en question ;
Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 11 décembre 2024 ;
Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ;
Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Mathieu GIBELLO et Monsieur le délégué du gouvernement Jeff RECKINGER en leurs plaidoiries respectives à l’audience publique de ce jour.
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Il ressort d’un procès-verbal, référencé sous le numéro …, de la police grand-ducale, région …, commissariat …, du 15 septembre 2024, qu’à cette même date, l’intéressé fit l’objet d’un contrôle d’identité dans le cadre d’une atteinte à la tranquillité publique lors duquel il présenta une fausse carte d’identité italienne émise au nom de (A), né le ….
Le 17 septembre 2024, Monsieur (A) introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires intérieures, direction générale de l’Immigration, ci-après désigné par « le ministère », une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire, ci-après désignée par « la loi du 18 décembre 2015 ».
Le même jour, Monsieur (A) fut entendu par la police grand-ducale, section criminalité organisée, sur son identité et sur l’itinéraire suivi pour venir au Luxembourg. Il s’avéra à cette occasion, suite à une recherche effectuée le même jour dans la base de données EURODAC, que l’intéressé avait franchi irrégulièrement la frontière espagnole le 3 novembre 2023.
1Afin de faciliter le processus de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en vertu du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ci-après « le règlement Dublin III », Monsieur (A) fut convoqué à un entretien auprès du ministère le 25 septembre 2024, entretien auquel il ne se présenta pas.
En date du 27 septembre 2024, les autorités luxembourgeoises contactèrent leurs homologues espagnols en vue de la prise en charge de l’intéressé sur le fondement de l’article 13, paragraphe (1), du règlement Dublin III, demande qui fut acceptée par lesdites autorités par courrier du 24 octobre 2024 sur le fondement de cette même disposition.
Par décision du 4 novembre 2024, notifiée à l’intéressé en mains propres le 6 novembre 2024, le ministre des Affaires intérieures, ci-après désigné par « le ministre », informa le Monsieur (A) de sa décision de ne pas examiner sa demande de protection internationale et de le transférer vers l’Espagne sur le fondement des dispositions de l’article 28, paragraphe (1) de la loi du 18 décembre 2015 et de celles de l’article 13, paragraphe (1) du règlement Dublin III.
Par arrêté du 6 novembre 2024, notifié à l’intéressé en mains propres le même jour, le ministre ordonna l’assignation à résidence de Monsieur (A) à … sise à L-… pour une durée de trois mois à partir de la notification de l’arrêté, avec obligation de se présenter quotidiennement durant cette période au plus tard à 23 heures du soir ainsi qu’à 8 heures du matin au personnel de la prédite structure. Cette décision repose sur les considérations et motifs suivants :
« […] Vu l’article 22 (2) d) et 22 (3) a), b), c) de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à la protection internationale et à la protection temporaire ;
Attendu que la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, (3), point b) peut être efficacement appliquée.
Arrête :
Art. 1.- Monsieur (A), né le … à … (Sénégal) et de nationalité sénégalaise est assigné à résidence à … sise à … pour une durée de trois mois à partir de la notification du présent arrêté. La personne susvisée a l’obligation de se présenter durant cette période quotidiennement à 23h00 du soir ainsi qu’à 08h00 du matin au personnel de la structure prémentionnée.
Art. 2.- La personne susvisée est informée qu’en cas de défaut de respect de l’obligation imposée ou en cas de risque de fuite, la mesure sera révoquée et le placement en rétention pourra être ordonné comme prévu à l’article 22, paragraphe (2) d) de la loi du 18 décembre 2015 précitée. […] ».
Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 10 décembre 2024, Monsieur (A) a fait introduire un recours tendant principalement à la réformation et subsidiairement à l’annulation de l’arrêté ministériel susmentionné du 6 novembre 2024 l’assignant à résidence à … pour une durée maximale de trois mois à compter de la notification de la décision en question.
2Etant donné que l’article 22, paragraphe (6) de la loi du 18 décembre 2015 institue un recours de pleine juridiction contre une décision ordonnant une mesure moins coercitive que le placement en rétention, le tribunal est compétent pour connaître du recours en réformation introduit à titre principal, recours qui est encore à déclarer recevable pour avoir été introduit dans les formes et délai de la loi.
Il n’y a dès lors pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation.
A l’appui de son recours et en fait, le demandeur explique qu’il aurait déposé une demande de protection internationale au Luxembourg non seulement « en raison de son orientation sexuelle », mais également « pour [y] travailler. Donc pour des raisons économiques », tout en se prévalant, à cet égard, d’une attestation testimoniale de son conjoint, Monsieur (B), du 1er novembre 2024. Il donne encore à considérer qu’il se serait également rendu au Luxembourg dans le but de s’y faire soigner alors qu’il souffrirait d’hépatite B et du tétanos.
En droit, il critique la mesure d’assignation à résidence prise à son encontre en ce que, faute d’existence dans son chef d’un risque de fuite, elle ne serait pas justifiée. Il précise, à cet égard, n’avoir aucun intérêt à quitter le Luxembourg puisqu’il s’y serait rendu pour être protégé, y travailler et se faire soigner, tout en soulignant qu’il serait gravement menacé et risquerait sa vie dans son pays d’origine, en raison de son orientation sexuelle, de sorte qu’il ne souhaiterait pas compliquer davantage sa situation en fuyant.
En deuxième lieu, « concernant une éventuelle décision qui le placerait en rétention » sur le fondement de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, il fait valoir qu’une éventuelle mesure en ce sens ne se justifierait pas non plus eu égard à l’absence de tout risque de fuite dans son chef pour les raisons exposées ci-avant et au vu du fait que sa demande de protection internationale serait toujours en cours de traitement.
Il estime, par ailleurs, que l’obligation pour lui de se présenter auprès des services du ministère, telle que prévue à l’article 22, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 pourrait être davantage adaptée à sa situation.
Il en conclut que l’arrêté ministériel déféré serait à réformer.
Le délégué du gouvernement conclut, quant à lui, au rejet du recours pour être non fondé.
Le tribunal rappelle tout d’abord qu’il n’est pas tenu par l’ordre dans lequel des moyens lui ont été soumis et qu’il détient la faculté de les toiser suivant une bonne administration de la justice et de l’effet utile s’en dégageant.
Il convient ensuite de relever qu’à travers la décision déférée au tribunal, le ministre n’a pas ordonné le placement du demandeur en rétention sur le fondement de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015, mais il l’a fait bénéficier d’une mesure moins coercitive au sens de l’article 22, paragraphe (3) de la même loi en l’assignant plus particulièrement à résidence sur le fondement du point b) de ladite disposition légale. Les développements du demandeur en relation avec une hypothétique décision de placement en rétention qui pourrait intervenir à un stade ultérieur sur le fondement de l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 sont dès lors à écarter pour être dénués de pertinence 3dans le cadre du recours sous analyse qui est dirigé contre une décision ordonnant uniquement l’assignation à résidence du demandeur à ….
Quant à la légalité interne de l’arrêté ministériel sous analyse, il y a lieu de relever que l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 dispose notamment comme suit en ses paragraphes (1) à (3) pertinents en l’espèce :
« (1) On entend par rétention, toute mesure d’isolement d’un demandeur dans un lieu déterminé où le demandeur est privé de sa liberté de mouvement.
Le placement en rétention est effectué au Centre de rétention créé par la loi du 28 mai 2009 concernant le Centre de rétention. […] (2) Un demandeur ne peut être placé en rétention que :
a) pour établir ou vérifier son identité ou sa nationalité ;
b) pour déterminer les éléments sur lesquels se fonde la demande de protection internationale qui ne pourraient pas être obtenus sans un placement en rétention, en particulier lorsqu’il y a un risque de fuite du demandeur ;
c) lorsque la protection de la sécurité nationale ou l’ordre public l’exige ;
d) conformément à l’article 28 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des Etats membres par un ressortissant d’un pays tiers ou un apatride (refonte) et lorsqu’il existe un risque non négligeable de fuite établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement. Le risque non négligeable de fuite est présumé dans les cas suivants :
i.
si le demandeur s’est précédemment soustrait, dans un autre État membre, à la détermination de l’État responsable de sa demande de protection internationale en vertu du droit de l’Union européenne ou à l’exécution d’une décision de transfert ou d’une mesure d’éloignement ;
ii.
si le demandeur fait l’objet d’un signalement dans le SIS aux fins de non-admission et d’interdiction de séjour conformément au règlement (UE) 2018/1861 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 sur l’établissement, le fonctionnement et l’utilisation du système d’information Schengen (SIS) dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d’application de l’accord de Schengen et modifiant et abrogeant le règlement (CE) n ° 1987/2006, tel que modifié, ou d’un signalement aux fins de retour conformément au règlement (UE) 2018/1860 du Parlement européen et du Conseil du 28 novembre 2018 relatif à l’utilisation du système d’information Schengen aux fins du retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, tel que modifié ;
iii.
si le demandeur a été débouté de sa demande de protection internationale dans l’État membre responsable ;
iv.
si le demandeur est de nouveau présent sur le territoire luxembourgeois après l’exécution effective d’une mesure de transfert ou s’il s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure de transfert ;
v.
si le demandeur a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un document d’identité ou de voyage ou s’il a fait usage d’un tel document ;
4vi.
si le demandeur a dissimulé des éléments de son identité ou s’il est démontré qu’il a fait usage d’identités multiples soit sur le territoire luxembourgeois, soit sur celui d’un autre État membre ;
vii.
si le demandeur qui a refusé le lieu d’hébergement proposé ne peut justifier du lieu de sa résidence effective ou si le demandeur qui a accepté le lieu d’hébergement proposé a abandonné ce dernier sans motif légitime ;
viii.
si le demandeur a exprimé l’intention de ne pas se conformer à une décision de transfert vers l’État responsable de sa demande de protection internationale ou si une telle intention découle clairement de son comportement ;
ix.
si le demandeur, sans motif légitime et bien que régulièrement convoqué ou informé, ne s’est pas soumis à une mesure préparatoire et nécessaire à l’exécution matérielle de son transfert vers l’État membre responsable ou s’il a antérieurement manifesté son intention de ne pas se conformer à une telle mesure ;
[…] (3) La décision de placement en rétention est ordonnée par écrit par le ministre sur la base d’une appréciation au cas par cas, lorsque cela s’avère nécessaire et si d’autres mesures moins coercitives ne peuvent être efficacement appliquées.
On entend par mesures moins coercitives :
a) l’obligation pour le demandeur de se présenter régulièrement, à intervalles à fixer par le ministre, auprès des services de ce dernier ou d’une autre autorité désignée par lui, après remise de l’original du passeport et de tout document justificatif de son identité en échange d’un récépissé valant justification de l’identité ;
b) l’assignation à résidence dans les lieux fixés par le ministre, si le demandeur présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite ;
l’assignation à résidence peut être assortie, si nécessaire, d’une mesure de surveillance électronique qui emporte pour le demandeur l’interdiction de quitter le périmètre fixé par le ministre. Le contrôle de l’exécution de la mesure est assuré au moyen d’un procédé permettant de détecter à distance la présence ou l’absence du demandeur dans le prédit périmètre. La mise en œuvre de ce procédé peut conduire à imposer au demandeur, pendant toute la durée du placement sous surveillance électronique, un dispositif intégrant un émetteur. Le procédé utilisé est homologué à cet effet par le ministre. Sa mise en œuvre doit garantir le respect de la dignité, de l’intégrité et de la vie privée de la personne. La mise en œuvre du dispositif technique permettant le contrôle à distance et le contrôle à distance proprement dit, peuvent être confiés à une personne de droit privé ;
c) l’obligation pour le demandeur de déposer une garantie financière d’un montant de cinq mille euros à virer ou à verser soit par lui-même, soit par un tiers à la Caisse de consignation, conformément aux dispositions y relatives de la loi du 29 avril 1999 sur les consignations auprès de l’Etat. Cette somme est acquise à l’Etat en cas de fuite ou d’éloignement par la contrainte de la personne au profit de laquelle la consignation a été opérée. La garantie est restituée par décision écrite du ministre enjoignant à la Caisse de consignation d’y procéder si les motifs énoncés au paragraphe (2) ne sont plus applicables ou en cas de retour volontaire.
5Les mesures moins coercitives sont ordonnées par écrit et peuvent être appliquées conjointement. En cas de défaut de respect des obligations imposées par le ministre ou en cas de risque de fuite, la mesure est révoquée et le placement en rétention est ordonné.
(4) La décision de placement en rétention indique les motifs de fait et de droit sur lesquels elle est basée. Elle est prise pour une durée la plus brève possible ne dépassant pas trois mois. Sans préjudice des dispositions du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 en matière de rétention, la mesure de placement en rétention peut être reconduite par le ministre chaque fois pour une durée de trois mois tant que les motifs énoncés au paragraphe 2, sont applicables, mais sans que la durée de rétention totale ne puisse dépasser douze mois.
Les procédures administratives liées aux motifs de rétention énoncés au paragraphe (2) sont exécutées avec toute la diligence voulue. Les retards dans les procédures administratives qui ne sont pas imputables au demandeur ne peuvent justifier une prolongation de la durée de rétention. […] ».
Il est incontesté que l’arrêté ministériel litigieux se situe dans le cadre d’une procédure de transfert du demandeur vers l’Espagne en tant qu’Etat membre responsable pour l’examen de sa demande de protection internationale et que l’arrêté en question se fonde sur les bases légales de l’article 22, paragraphe (2), point d) et de l’article 22, paragraphe (3), point b) de la loi du 18 décembre 2015.
Le paragraphe (1) dudit article 22 définit la mesure de la rétention et le paragraphe (2) du même article précise les hypothèses dans lesquelles une mesure de rétention peut être prise, dont celle pertinente en l’espèce d’une procédure de transfert en cours conformément au règlement Dublin III, visée au point d) de l’article 22, paragraphe (2) de la loi du 18 décembre 2015. C’est dans le cadre de cette hypothèse que cette dernière disposition érige la vérification de l’existence d’un risque de fuite non négligeable établissant que le demandeur a l’intention de se soustraire aux autorités dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement comme condition de la validité d’une mesure de rétention prise en vue de garantir une procédure de transfert.
C’est par rapport à ces dispositions que le paragraphe (3) de l’article 22 de la loi du 18 décembre 2015 impose au ministre, si l’un des cas d’ouverture du paragraphe (2) du même article se trouve vérifié, d’examiner si la mesure de rétention ne peut pas être remplacée par des mesures moins coercitives définies à l’alinéa 2 dudit paragraphe (3) qui pourraient être efficacement appliquées. Ainsi plus particulièrement le ministre doit vérifier si l’assignation à résidence peut être prononcée parce que le demandeur présente des garanties de représentation effective propres à prévenir le risque de fuite existant dans son chef.
Il s’ensuit que l’existence d’un risque de fuite non négligeable, tel que requis par l’article 28, paragraphe (2) du règlement Dublin III auquel renvoie l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 est une condition sous-jacente devant a priori être vérifiée dans le chef de demandeurs de protection internationale qui font l’objet d’une procédure de transfert vers un autre Etat membre compétent pour le traitement de leur demande de protection internationale, respectivement des suites à y donner, pour permettre au ministre 6de prononcer à leur égard une mesure de rétention ou une mesure moins coercitive pouvant leur être efficacement appliquée1.
S’agissant de l’existence d’un risque de fuite non négligeable dans le chef du demandeur, il convient de rappeler que l’article 22, paragraphe (2), point d) de la loi du 18 décembre 2015 dispose que « […] Le risque non négligeable de fuite est présumé dans les cas suivants : […] v. si le demandeur a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un document d’identité ou de voyage ou s’il a fait usage d’un tel document ; […] viii. si le demandeur a exprimé l’intention de ne pas se conformer à une décision de transfert vers l’État responsable de sa demande de protection internationale ou si une telle intention découle clairement de son comportement […] ».
Or, il ressort du dossier administratif, tel que relevé ci-avant, que non seulement lors d’un contrôle d’identité par les forces de l’ordre luxembourgeoises, le demandeur était en possession d’une carte d’identité italienne falsifiée, mais qu’il ne s’est également pas présenté, sans s’être excusé, à l’entretien auquel il a été convoqué par le ministère le 25 septembre 2024 en vue de déterminer l’Etat membre responsable de l’examen de sa demande de protection internationale en application du règlement Dublin III, étant encore relevé qu’il déclare lui-même dans son recours qu’il n’aurait aucun intérêt à quitter le Luxembourg puisqu’il s’y serait rendu afin d’y être protégé, d’y travailler et de s’y faire soigner. Au vu de ces éléments, un risque de fuite non négligeable est présumé dans son chef.
Il convient toutefois d’ajouter que la justification d’une mesure d’assignation à résidence est axée non pas sur l’existence d’un risque de fuite non négligeable, mais sur l’existence dans le cas d’espèce de garanties de représentation effective propres à prévenir le risque de fuite, lesquelles garanties pouvant découler non seulement de mesures concrètes proposées par le demandeur de protection internationale ou imposées par le ministre, mais également de la situation personnelle existante du demandeur au moment de la prise de décision2.
Or, en l’espèce, le ministre a considéré qu’il existait dans le chef de l’intéressé un risque non négligeable de fuite établissant qu’il a l’intention de se soustraire aux autorités luxembourgeoises dans le seul but de faire obstacle à une mesure d’éloignement vers l’Espagne, mais qu’il présentait toutefois des garanties de représentation suffisantes pour ne pas être placé en rétention et de bénéficier ainsi de la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, paragraphe (3), point b) de la loi du 18 décembre 2015, à savoir l’assignation à résidence.
A cet égard, le demandeur reste en défaut de soumettre au tribunal des éléments concrets permettant de retenir qu’aucun risque de fuite n’existerait dans son chef, son affirmation suivant laquelle il voudrait s’établir définitivement au Luxembourg et s’y faire soigner étant, au contraire, de nature à corroborer l’existence de ce risque de fuite, étant précisé que, dans ce contexte, la notion de « risque de fuite » ne se réfère pas à un éventuel risque que le demandeur quitte le territoire du Luxembourg, mais vise bien, au contraire, le risque que le demandeur tente de se soustraire à la mesure d’éloignement du territoire pour rester au Luxembourg.
Pour ce qui est de la simple affirmation selon laquelle la mesure moins coercitive prévue à l’article 22, paragraphe (3), point a) de la loi du 18 décembre 2015 aurait été plus adaptée par 1 Cour adm., 24 novembre 2017, n° 40390C du rôle, disponible sous www.jurad.etat.lu.
2 Idem.
7rapport à sa situation personnelle, situation qui n’est pas plus amplement éclairée, cette argumentation est à rejeter dans la mesure où le demandeur ne fait pas état d’une possibilité concrète de résidence ou d’hébergement au Luxembourg en attendant l’exécution de son transfert vers l’Espagne.
Il s’ensuit qu’aucun reproche ne saurait être adressé au ministre pour avoir considéré que l’assignation à résidence à … est de nature à prévenir un risque de fuite dans le chef de Monsieur (A) au vu de son obligation de passer les nuits dans cette structure, cette mesure permettant, au contraire, au ministre de s’assurer que l’exécution du transfert de l’intéressé puisse être menée à bien.
Les moyens y afférents sont dès lors à rejeter.
Au vu des développements qui précèdent, en l’état actuel du dossier et en l’absence d’autres moyens, en ce compris des moyens à soulever d’office, le tribunal ne saurait utilement mettre en cause ni la légalité ni le bien-fondé de la décision déférée.
Il s’ensuit que le recours sous analyse est à rejeter comme non fondé.
Eu égard à l’issue du litige, le demandeur est à débouter de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure d’un montant de 1.000.- euros telle que formulée sur le fondement de l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives.
Par ces motifs, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant contradictoirement ;
reçoit le recours principal en réformation en la forme ;
au fond, le déclare non justifié, partant en déboute ;
dit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur le recours subsidiaire en annulation ;
rejette la demande en allocation d’une indemnité de procédure ;
condamne le demandeur aux frais et dépens.
Ainsi jugé par :
Alexandra Castegnaro, vice-président, Alexandra Bochet, vice-président, Annemarie Theis, premier juge, et lu à l’audience publique du 16 décembre 2024 par le vice-président Alexandra Castegnaro, en présence du greffier Paulo Aniceto Lopes.
s. Paulo Aniceto Lopes s. Alexandra Castegnaro 8